M. Daniel Raoul. Vous êtes quatre !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Nous sommes tout de même plus nombreux que cela, mon cher collègue ! Nous serons même bientôt majoritaires. (L’arrivée de M. Pierre Hérisson dans l’hémicycle suscite des rires et des applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Il est vrai que la révision constitutionnelle a changé notre façon de travailler, tant en commission qu’en séance. Nous regrettons tous, je le crois, les incidents qui sont survenus ce soir, dont nous devrons tirer les conséquences.
M. Paul Raoult. Cela ne tient qu’à vous !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Il faudra que les groupes politiques jouent de leur influence pour accroître la présence de leurs membres dans l’hémicycle. Bien sûr, la majorité peut toujours maintenir sa prééminence en recourant à des scrutins publics, mais je conviens tout à fait qu’il ne peut s’agir que d’une solution ponctuelle.
Mes chers collègues, il nous reste quelque vingt-huit amendements à examiner. Je vous propose de poursuivre nos travaux. Nous avons le temps de débattre sereinement, cette nuit et peut-être demain matin !
Article 18 (suite)
M. le président. Monsieur le président de la commission, maintenez-vous votre demande de scrutin public sur l’article 18 ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Non, je la retire, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l'article 18.
M. Jacques Muller. Je ne suis pas habitué aux postures politiciennes, ni aux jeux de rôles, pour reprendre une expression qui a été utilisée tout à l'heure. Pour ma part, je m’exprime sur le fond.
Madame la secrétaire d'État, je voudrais affirmer publiquement que j’apprécie le soutien qu’a apporté le Gouvernement à ma proposition de compromis visant à conserver le terme « biocarburants » tout en le précisant par la mention de la catégorie des « agrocarburants ».
En revanche, la majorité s’est acharnée à défendre à tout prix le terme « biocarburants » et à empêcher l’inscription dans le texte du mot « agrocarburants », quitte à faire voter les absents !
M. Robert del Picchia. Nous n’avions pas besoin de cela !
M. Jacques Muller. Je vais vous livrer le fond de ma pensée : cet acharnement est emblématique, et je pèse mes mots, de la collusion qui existe aujourd'hui entre des lobbies céréaliers et la majorité UMP. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle. C’est de la provocation !
M. Jacques Muller. Je maintiens mes propos.
Les céréaliers savent fort bien que la pompe à finances publiques qui porte le nom de « restitutions à l’exportation » cessera de fonctionner en 2013, à cause de l’Organisation mondiale du commerce. Ces groupes d’intérêts, aujourd'hui, essaient donc d’en enclencher une nouvelle, afin de maintenir des débouchés garantis. Cela passe notamment par le développement des cultures énergétiques, accompagné de la promotion, auprès de l’opinion, d’une image présentable.
Dans le cadre du plan de relance, le Parlement a déjà voté – mais pas moi ! – un soutien au développement de l’agriculture biologique, à hauteur de 200 millions d'euros, et des exonérations fiscales pour la filière des agrocarburants d’un montant de 1 milliard d'euros, soit cinq fois plus.
Ce qui s’est passé n’est pas acceptable, car il s'agit clairement d’un soutien à une opération de greenwashing, qui pourrait s’intituler ainsi : « Comment vendre à l’opinion publique des carburants verts qui ne le sont pas ? »
M. Robert del Picchia. Il faut respecter votre temps de parole, monsieur Muller !
MM. Gérard Longuet et Alain Vasselle. Les explications de vote durent trois minutes !
M. Jacques Muller. Jusqu’à présent, je me suis exprimé seulement sur le vocabulaire utilisé. Sur le fond, je fais mienne l’analyse de la FAO, de la Banque mondiale, du FMI, de l’OCDE, l’Organisation de développement et de coopération économiques, du PNUE, le Programme des Nations unies pour l’environnement, du PNUD, le Programme des Nations unies pour le développement, et de l’Association des régions de France, qui affirment que le développement des agrocarburants n’est pas souhaitable. L’ancien ministre de l’agriculture du général de Gaulle Edgard Pisani, présent au colloque que j’organisais au Sénat voilà quelques mois, a même déclaré qu’ils constituent « une menace pour l’équilibre alimentaire de la planète ».
À l’heure où M. Borloo nous explique que nous élaborons un texte de portée mondiale, il est peut-être opportun de rappeler cette réalité ! Je suis tout simplement dégoûté que l’on refuse le compromis que j’ai évoqué. Manifestement, les arguments rationnels ne portent plus, et l’on fait voter les absents. J’en suis désolé et écœuré.
M. le président. Mes chers collègues, M. Muller a parlé trois minutes et quarante secondes, alors que la durée maximale des explications de vote est de cinq minutes.
M. Gérard Longuet. Cela paraissait très long !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Je le répète, les deux amendements auxquels a fait allusion M. Muller n’ont pu être discutés en commission, parce qu’ils ont été déposés trop tard. J’ai appris leur existence à vingt-deux heures, lors de la reprise de séance, ce qui n’est pas normal ! C’est ce qui a mis le feu aux poudres. Je suis le premier à en être désolé, car nous sommes tous ici des démocrates et des républicains. Nous aurions dû pouvoir discuter tranquillement de ces amendements en commission. Il n’en a pas été ainsi, et c’est tout à fait regrettable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
(Non modifié)
I. - La recherche joue un rôle central dans l'analyse des processus environnementaux et est à l'origine d'innovations technologiques indispensables à la préservation de l'environnement et à l'adaptation aux changements globaux de la planète. L'effort national de recherche privilégiera les énergies renouvelables, notamment la production d'énergie solaire photovoltaïque à partir de couches minces, l'énergie des mers et toutes les ressources de la géothermie à différentes profondeurs, le stockage de l'énergie, les piles à combustible, la filière hydrogène, la maîtrise de la captation et du stockage du dioxyde de carbone, notamment par les végétaux, l'efficacité énergétique des bâtiments, des véhicules et des systèmes de transports terrestres, maritimes et aériens, les biocarburants de deuxième et troisième générations, la biodiversité, l'exploration et la caractérisation de la biodiversité en vue notamment de l'amélioration des plantes, la compréhension des écosystèmes, notamment anthropisés, l'étude des services obtenus des écosystèmes, l'écologie de la restauration et le génie écologique, les inventaires du patrimoine naturel, l'analyse des déterminants comportementaux et économiques de la protection de l'environnement, l'observation et la compréhension des changements climatiques, l'adaptation à ces changements et la recherche en métrologie.
Le retard en matière de recherche pour les énergies renouvelables exige de mobiliser de façon convergente et optimisée les organismes de recherche, les universités, les grandes écoles et les centres techniques dans les secteurs de l'environnement et de l'énergie.
En vue d'améliorer les relations entre la santé et l'environnement, un effort particulier sera consenti en faveur de la recherche dans les domaines des substituts aux substances chimiques, de l'éco-toxicologie et de la toxicologie, et en faveur des méthodes d'évaluation des risques pour l'environnement et la santé. Un programme permettra de développer les recherches sur les maladies infectieuses et les risques sanitaires liés au changement climatique. Les technologies propres et le développement de produits propres, les technologies du traitement de l'eau et des déchets et de la protection des sols et les méthodes permettant de réduire l'utilisation d'intrants en agriculture, la contribution des végétaux à l'amélioration de l'environnement et de la santé, notamment par la capture et le stockage des produits organochlorés persistants, feront également l'objet de programmes spécifiques. La capture et le stockage du dioxyde de carbone seront soutenus par l'organisation d'un cadre juridique adapté et l'allocation de financements particuliers.
II. - (Non modifié)
M. le président. L'amendement n° 71, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Au début de la seconde phrase du premier alinéa du I de cet article, après les mots :
L'effort national
insérer les mots :
public et privé
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. L’effort national en matière de recherche s’est accompagné, jusqu’à ce jour, d’un engagement financier de l’État peu convaincant. En effet, celui-ci se caractérise principalement par un recours accru au crédit d’impôt recherche, qui finance 30 % de la recherche et développement des entreprises, ainsi que par une diminution drastique des crédits budgétaires pour la recherche publique.
Cette contradiction permanente entre les intentions affichées et la réalité de l’engagement de l’État doit cesser. L’effort national ne doit pas se borner à l’octroi d’exonérations fiscales aux entreprises, car il y a parfois antagonisme entre l’intérêt général et le développement de produits ou de technologies générateurs de profits à moyen terme.
La mobilisation de milliers d’enseignants-chercheurs ces derniers mois nous rappelle que la recherche publique doit conserver sa liberté d’initiative et que ses établissements, organismes et universités doivent pouvoir continuer à mener une recherche fondamentale.
Les priorités définies à cet article sont importantes, mais elles risquent d’enfermer les chercheurs dans des champs restreints, essentiellement techniques, alors que nous aurions également besoin de l’apport des sciences humaines, par exemple, pour anticiper les effets du réchauffement climatique sur les mouvements de populations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’article 19 évoque de façon générale la recherche et l’effort national mené en la matière, sans viser en particulier la recherche publique ou privée.
Par conséquent, cet amendement ne semble pas opportun et la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Tout redevient normal ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
la filière hydrogène,
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement se justifie par son objet même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La filière hydrogène a été ajoutée par les députés, en deuxième lecture, parmi les priorités de l’effort national de recherche.
En effet, cette filière consomme aujourd'hui trop d’énergie et de ressources, et la recherche dans ce domaine doit donc viser à surmonter cette difficulté. Il n’est donc pas opportun de la retirer de la liste des priorités de l’effort national de recherche. Chacun sait que l’hydrogène, c’est l’énergie de demain !
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Selon l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, la filière hydrogène doit figurer parmi les priorités de l’effort de recherche national.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Daniel Raoul. Si nous arrêtions les recherches dans ce domaine, nous condamnerions le développement des véhicules propres de demain, comme les voitures électriques.
En outre, on peut produire de l’hydrogène de différentes façons, y compris à partir du méthane et par valorisation des déchets. D’ailleurs, l’un de nos collègues travaille dans cette filière sur un bioréacteur, en collaboration avec des universitaires et une école d’ingénieurs, pour fabriquer de l’hydrogène à partir de la valorisation des déchets et de la méthanisation.
Cette voie sera peut-être importante pour l’avenir. En conséquence, je suis défavorable à cet amendement.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du I de cet article, supprimer les mots :
en vue notamment de l'amélioration des plantes
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement a principalement pour but d’éviter tout risque de revenir sur le moratoire concernant les OGM. Il s’agit d’un amendement de précision.
En effet, parler d’amélioration des plantes laisse sous-entendre la pratique de techniques OGM. Or celles-ci, au vu de l’état actuel des connaissances et de l’incertitude qui demeure quant à leur nocivité, ne peuvent être associées à la préservation de l’environnement, objet de cet article.
Par ailleurs, nous souhaitons également par cet amendement souligner que l’exploration et la caractérisation de la biodiversité doivent rester une finalité, telle que définie au sommet de la terre organisé par les Nations unies à Rio, en 1992.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. En première lecture, le Sénat a introduit dans l’article 19 une référence aux sciences du végétal dans les priorités de l’effort national de recherche.
Cet amendement paraît donc inopportun, d’autant plus qu’un amendement adopté par l’Assemblée nationale précise que l’exploration et la caractérisation de la biodiversité ne se limitent pas aux sciences du végétal.
La recherche dans le végétal est absolument fondamentale, sans pour autant inclure les OGM.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. L’amélioration des plantes ne passe pas uniquement par les biotechnologies. Il existe bien d’autres voies.
Rien ne relie donc directement cette mention, notamment en vue de l’amélioration des plantes, avec les biotechnologies.
Quant à la clause de sauvegarde, elle n’a aucun rapport avec le contenu de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. L’Anjou étant le siège d’un pôle de compétitivité à vocation mondiale pour le végétal spécialisé, vous comprendrez assez facilement que je ne puisse pas soutenir cet amendement.
L’amélioration des plantes ne passe pas forcément par la transgénèse. Il existe bien d’autres techniques, y compris dans les biotechnologies, qui n’utilisent pas nécessairement la transgénèse.
M. Bruno Sido, rapporteur. Absolument !
M. Daniel Raoul. C’est pourquoi je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, les choses vont mieux en le disant…
Nous savions qu’il existait d’autres techniques, mais nous voulions être rassurés sur ce point. En conséquence, à la suite des explications qui ont été versées au débat, nous retirons cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 72 est retiré.
L'amendement n° 18, présenté par M. Guillaume, Mme Blandin, MM. Courteau et Raoul, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston, Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du II de cet article, après les mots :
la réalisation de plates-formes d'essais
insérer les mots :
notamment de très grandes infrastructures au rayonnement national, européen et international
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. La recherche est un point également fondamental de ce Grenelle.
La France doit se doter de grands équipements susceptibles de coordonner la recherche au niveau national comme au niveau européen.
Daniel Raoul parlait à l’instant des pôles de compétitivité : ils font la renommée de notre pays ; ils mettent en relation des personnes qui ne travaillaient pas au préalable ensemble – les entreprises, le monde économique, les élus et les industriels – et permettent de créer des dynamiques.
Cet amendement prévoit de mettre en place de très grands équipements capables de rayonner au niveau européen et de faire rayonner la recherche, à l’image, par exemple, du Synchrotron de Grenoble.
Aujourd’hui, on ne peut pas s’en tenir à des plates-formes d’essai. Le Gouvernement a décidé d’accorder un milliard d’euros supplémentaires d’ici à 2012. Il faut mobiliser la communauté scientifique au niveau national et international.
C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement avait déjà été déposé en première lecture. J’ai le plaisir de dire à son auteur qu’il est satisfait.
En effet, l’alinéa de l’article 19 concerné évoque la constitution ou le renforcement des pôles d’excellence.
Par ailleurs, le rayonnement des infrastructures n’est pas lié à leur taille, contrairement à ce que semble laisser entendre cet amendement.
À défaut du retrait de cet amendement, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous partageons totalement l’objectif, monsieur le sénateur, mais le rayonnement international ne passe pas uniquement par de grandes infrastructures.
De petites infrastructures ont acquis un réel rayonnement. Je pense, par exemple, à l’INES, l’Institut national de l’énergie solaire, qui est en train de prendre toute sa place.
M. le président. Monsieur Guillaume, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. Didier Guillaume. Le débat se déroulant dans les mêmes conditions depuis quatorze heures trente, nous ne nous faisons plus aucune illusion !
Je ne trouve dans vos explications rien qui rende cet amendement incompatible avec le projet de loi, madame la secrétaire d’État.
Bien sûr, le rayonnement passe aussi par de petits équipements. Pour être membre du pôle de compétitivité TENERRDIS, c'est-à-dire « Technologies, énergies nouvelles, énergies renouvelables, Rhône-Alpes, Drôme, Isère, Savoie », je sais très bien ce qui se passe à Chambéry et à l’INES.
Nous avons besoin de donner des signes. Il existe, certes, de petits équipements ; cet amendement prévoit la mise en place de grandes plates-formes et de grandes infrastructures. Ce n’est pas antinomique.
M. Didier Guillaume. Cet amendement n’étant pas satisfait, je le maintiens.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Plusieurs dispositions sont venues se cumuler pour favoriser la recherche.
À titre personnel, je voterai cet amendement, ne serait-ce que pour prolonger les efforts en faveur de la recherche qu’a déployés sans relâche, dans cette enceinte, notre ancien collègue Pierre Laffitte.
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 26
La trame bleue permettra de préserver et de remettre en bon état les continuités écologiques des milieux nécessaires à la réalisation de l'objectif d'atteindre ou de conserver d'ici à 2015 le bon état écologique ou le bon potentiel pour les masses d'eau superficielles ; en particulier, l'aménagement des obstacles les plus problématiques pour la migration des poissons sera mis à l'étude. Cette étude, basée sur des données scientifiques, sera menée en concertation avec les acteurs concernés.
Le développement des maîtrises d'ouvrages locales sera recherché, notamment en y associant les collectivités territoriales, afin de remettre en bon état et entretenir les zones humides et les réservoirs biologiques essentiels pour la biodiversité et le bon état écologique des masses d'eau superficielles. En particulier, la création des établissements publics territoriaux de bassin sera encouragée, ainsi que l'investissement des agences de l'eau et des offices de l'eau dans ces actions.
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le second membre de la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :
aménagement
insérer les mots :
ou, en l'absence d'autres alternatives, l'effacement
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Lors du Grenelle de l'environnement, un consensus s’était dégagé pour reconnaître que certains obstacles sur les cours d'eau empêchent la circulation des poissons migrateurs, que ce soit pour l'accès des adultes aux habitats de reproduction ou pour la descente des jeunes vers la mer.
L'engagement n° 114 prévoit que les obstacles identifiés comme étant les plus problématiques pour la migration des poissons seront supprimés.
C’est bien connu, dans certains cas emblématiques, ces ouvrages ont un tel impact sur les populations de poissons que leur aménagement ne suffira pas pour laisser espérer une reconquête.
L’aménagement ne suffisant donc pas toujours, je vous propose d’insérer les mots « ou, en l’absence d’autres alternatives, l’effacement ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Nous avons eu en commission un très long débat pour choisir notamment parmi les termes « maintien », « aménagement » ou « effacement ».
Nous avons décidé de ne retenir que le terme d’« aménagement », comme le propose l’Assemblée nationale.
Cette notion est en effet suffisamment large. Elle va du quasi-maintien au quasi-effacement des ouvrages. Elle permet surtout de ne pas mentionner l’« effacement », qui pourrait donner lieu, localement, à une interprétation maximaliste, et cela fait toujours peur…
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous en avons déjà beaucoup parlé, il reste 45 000 ouvrages qui n’ont a priori plus d’usage avéré.
Selon l’amendement, l’effacement serait la dernière des alternatives possibles. En effet, l’effacement n’est pas la première solution envisagée et il fait seulement l’objet d’une étude.
L’amendement précisant « en l’absence d’autres alternatives », nous émettons un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Ce débat a déjà eu lieu lors de la première lecture du texte et encore en commission.
Y compris au sein du groupe socialiste, le terme d’« effacement » fait fantasmer les uns et les autres sur le risque de la disparition d’un certain nombre de barrages hydroélectriques et de non-renouvellement de certaines concessions. Voilà à quel niveau il faut situer le débat.
En tant que géographe, je rappelle que, sur les 40 000 barrages, plus de 30 000 font moins de cinq mètres ! Nous parlons de ceux-là. Dans nombre de régions, en Picardie, dans le Nord-Pas-de-Calais, notamment en Avesnois, on a construit, depuis le Moyen-Âge jusqu’au XVIIe siècle, des petits barrages de un, deux ou trois mètres sur des rivières. Aujourd’hui, ces ouvrages, qui ne sont plus entretenus, constituent des obstacles à la circulation des poissons et nuisent à la connectivité de la trame bleue.
M. Gérard Longuet. Mais ils servent à réguler l’eau !
M. Paul Raoult. Dans la mesure où ils n’ont plus aucune utilité économique, il peut être intéressant de les « effacer ».
C’est ce que nous essayons de faire sur la Canche, l’Authie, la Solre, l’Helpe majeure ou l’Helpe mineure, des rivières que je connais bien et sur lesquelles nous avons mené des études avec l’Agence de l’eau Artois-Picardie.
L’idée est de dédommager le propriétaire quand on estime que, pour la connectivité écologique, l’effacement du barrage est nécessaire et possible, dans la mesure où l’ouvrage n’offre plus d’intérêt économique.
On retrouve la trace de ces mini-barrages sur la carte de Gassendi, qui fait apparaître les droits des propriétaires. Or, avec l’Agence de l’eau, nous pensons établir un barème de dédommagement pour inciter les propriétaires à donner leur accord à l’effacement d’ouvrages qui, par définition, ne présentent plus d’intérêt pour eux, afin que l’on puisse effectivement réaliser la connectivité écologique et mettre en place la trame bleue.
On m’objectera des potentialités hydroélectriques. Mais ces petits barrages de moins de trois mètres ne peuvent pas produire d’hydroélectricité.
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est faux !
M. Paul Raoult. Il faudrait donc pouvoir les effacer.
Certes, monsieur le rapporteur, le terme « aménagement » peut sous-entendre « effacement », mais, lorsque le texte arrivera devant les responsables des régions, des départements et des agences de l’eau, je ne suis pas certain que l’on entendra « effacement » quand on parlera d’« aménagement », même si la précision sémantique que vous avez introduite figure désormais au compte rendu intégral des débats.
J’espère avoir bien résumé les données du problème.
L’amendement tel qu’il est rédigé me convient – il y est en effet prévu l’aménagement, voire l’effacement « en l’absence d’autres alternatives » –, mais à la condition qu’il ne soit pas à l’origine de procès d’intention. Certains ne manqueront pas de craindre en effet que, demain, la construction de microcentrales ne soit impossible ou que des concessions de barrages hydroélectriques ne soient remises en cause : en réalité, le problème n’est pas là.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Ma première observation portera sur la méthode.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes tranquillement en train de tuer la séance. Tel était peut-être, d’ailleurs, le but.
M. Bruno Sido, rapporteur. Pourquoi ?
Mme Évelyne Didier. Chaque fois que nous avançons des arguments, on nous objecte que nous en avons déjà parlé. Bien sûr, nous en avons déjà parlé ! Que l’on nous dise donc qu’il n’y a plus lieu de débattre, que ce qui s’est fait en commission est entériné une fois pour toutes, auquel cas nous ne déposons plus d’amendements, nous ne prenons plus la parole, nous n’argumentons plus !
Si c’est pour se faire renvoyer dans les cordes à chaque fois, à quoi bon prendre la parole ? Non, vraiment, cela suffit ! C’est excessif !
Voilà pour la méthode, et il faudra être vigilant à l’avenir.
Ma seconde observation porte cette fois sur le fond : nous sommes encore en train de jouer à nous faire peur.
Cet amendement ne concerne que 700 ouvrages environ. Or, selon Mme la secrétaire d’État, il reste 45 000 ouvrages : cela signifie que nous sommes en train de faire la loi pour des exceptions et à partir de quelques situations problématiques.
Nous n’avons jamais dit qu’il fallait tout raser. Où est-on allé chercher pareille affirmation ?
Il aurait sans doute été préférable de citer explicitement les trois options : le maintien, l’aménagement, la suppression. Ainsi, sur le terrain, les agences et les partenaires avaient la possibilité d’agir. Mais on préfère prendre prétexte de 700 ouvrages litigieux pour jouer à se faire peur.
Il faut vraiment être dépourvu de toute conviction environnementale pour en être encore à ce niveau de débat ! Il est certain que nous n’avancerons que très, très doucement si nous continuons ainsi !