M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je voudrais évoquer un point de méthode, puisque M. le rapporteur a critiqué notre démarche sur ce plan.
Suite au débat en commission, nous avons souhaité trouver une solution, qui passait par la présentation d’un amendement différent. Si nous n’avons pas le droit de le faire, qu’on nous le dise ! Mais, dans le cas contraire, qu’on ne nous objecte pas que la commission n’a pu se prononcer ! Cet argument n’est pas recevable ! Il va véritablement falloir clarifier ce point.
Par ailleurs, le terme « biocarburants » mérite effectivement d’être précisé, pour la simple raison que le préfixe « bio » est associé, dans l’esprit des consommateurs, à une production ne recourant pas à des pesticides ou autres intrants chimiques. On ne peut pas maintenir cette confusion !
Il est tout de même très curieux que notre proposition suscite autant d’émotion !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Les échanges qui viennent d’avoir lieu montrent bien que la question n’est pas si simple.
Il ne s’agit pas de faire de la sémantique, mais il faudrait tout de même se renseigner sur le sens exact des mots avant d’en changer, d’autant que le terme « biocarburants » est utilisé depuis des années et identifie une filière industrielle sur laquelle notre pays compte beaucoup.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. L’amendement de notre collègue Jacques Muller est important, et je comprends parfaitement sa motivation : le préfixe « bio » ne pourrait-il se trouver dévalorisé s’il sert à qualifier des carburants produits à partir d’une exploitation de la terre moderne et rationnelle, mais ne faisant pas nécessairement appel aux procédés de l’agriculture biologique ?
M. Muller craint qu’une ambiguïté ne s’installe, mais il oublie qu’il s’agit en fait de carburants issus de la biomasse, terme générique recouvrant les productions de la nature, accompagnées ou non par l’homme, indistinctement.
L’élaboration et le développement des biocarburants ont nécessité un immense effort, mobilisant d’importants moyens intellectuels, scientifiques, industriels et, plus encore, humains. En effet, des milliers d’agriculteurs ont accepté de s’impliquer dans cette démarche au travers de leurs coopératives, lesquelles assurent en France l’essentiel d’une production dont le bilan énergétique est positif et qui permet d’éviter toute émission de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, dans la mesure où, par définition, le volume de dioxyde de carbone rejeté par la combustion des agrocarburants correspond à celui qui avait été absorbé par les plantes au cours de leur croissance.
M. Paul Raoult. Vous oubliez les engrais utilisés !
M. Gérard Longuet. Je rappelle d’ailleurs, par parenthèse, que les carburants traditionnels ne sont jamais que le produit de la fossilisation d’organismes vivants, voilà des millions d’années…
Il est donc incontestable que les agrocarburants sont issus de la biomasse et qu’ils ne libèrent pas, comme les carburants fossiles, de carbone fossilisé depuis très longtemps. Dans ces conditions, pourquoi diable les priver d’une appellation qui fédère un immense élan de recherche et d’investissement, une mobilisation humaine et un travail coopératif considérables, et qui reflète à juste titre, aux yeux de l’opinion, leur neutralité en termes d’émissions de gaz carbonique ?
Je souhaite donc, tout en reconnaissant que la démarche de M. Muller n’est pas illégitime, que nous conservions sa désignation actuelle à une filière importante sur le plan économique, qui joue un grand rôle dans le monde rural et agricole et qui contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Pour ces raisons, j’invite mes collègues du groupe UMP, bien que n’ayant pas reçu mandat pour cela, à suivre l’avis exprimé à titre personnel par M. le rapporteur, celui d’un homme pour qui l’agriculture est un univers familier, puisqu’il y a bâti sa vie professionnelle ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
M. Daniel Raoul. Ah non ! Cela ne va pas recommencer !
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 190 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Comment expliquer que, alors que certains sénateurs de la majorité étaient favorables à la proposition de M. Muller et que la commission s’en était remise à la sagesse du Sénat, on fasse voter les absents pour rejeter cet amendement ? Est-ce ainsi que s’exprime la sagesse de notre assemblée ? Que devient la démocratie dans cette affaire ?
Je vous rappelle, monsieur Longuet, qu’un amendement similaire avait été soutenu, lors de la première lecture, par certains des vôtres, dont M. Pasqua, qui estimaient que le terme « agrocarburants » était plus approprié !
Par ailleurs, monsieur Longuet, le préfixe « agro » vient du latin ager, qui signifie « champ » !
J’ajoute que vous y allez un peu fort en affirmant que l’agriculture pourra demain produire de l’énergie, alors que son bilan énergétique est nul si l’on tient compte de la production des engrais et des intrants, ainsi que du carburant consommé par les tracteurs.
M. Yves Détraigne. Mais non !
M. Paul Raoult. La mission de l’agriculture est de nourrir la population de la planète, qui est en augmentation, pas de produire de l’énergie. Si vous pensez que l’agriculture sera demain en mesure de le faire, vous vous trompez !
M. Roland Courteau. Bravo !
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mme Herviaux, MM. Courteau, Raoul, Raoult, Repentin, Ries, Teston, Guillaume, Muller, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
des critères de performances énergétiques et environnementales
par les mots :
obligation de mener des expertises exhaustives et contradictoires du bilan écologique et énergétique
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Cet amendement vise à rétablir la première phrase de l’article 18 dans la rédaction qui avait été adoptée par nos collègues députés.
En effet, M. le rapporteur est revenu en commission sur cette rédaction, qui nous semblait pourtant meilleure.
Il ne s’agit nullement, de notre part, d’une marque de suspicion envers les organismes certificateurs qui pourraient être amenés à vérifier le respect des critères de performances énergétiques, mais de prendre une précaution nécessaire et de répondre à un besoin de précision, besoin que le débat que nous venons d’avoir a parfaitement illustré.
Voilà quelques années, les biocarburants ou agrocarburants – je ne sais plus comment les appeler ! – étaient présentés comme la solution miracle aux problèmes de la raréfaction des énergies fossiles et de la pollution liée aux hydrocarbures. On leur prêtait toutes les vertus, sans même se demander de quelle manière ils étaient obtenus : par les méthodes industrielles d’une agriculture intensive ?
Si l’on établit le bilan carbone en prenant en compte non pas seulement les plantes, mais aussi les intrants utilisés, le transport et l’énergie consommée par l’entreprise qui a transformé les végétaux en carburant, je ne suis pas certaine qu’il soit positif…
Il est donc nécessaire de préciser ce que recouvre la notion de bilan écologique. Je reconnais qu’il est beaucoup plus simple de dresser le bilan énergétique, car nous disposons de normes et d’éléments concrets pour procéder aux calculs. En revanche, pour établir un bilan écologique, prendre en compte l’impact sur les sols ou sur l’eau ne suffit pas, il faut également considérer les rejets dans l’atmosphère : à mon sens, le bilan global est alors loin d’être positif.
C’est pourquoi nous tenons à ce que la production française d’agrocarburants soit subordonnée à l’obligation de mener des expertises exhaustives et contradictoires du bilan écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Thierry Repentin. Excellent !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit de l’amendement Dionis du Séjour. Il tend à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, qui témoigne d’une certaine suspicion à l’égard des biocarburants.
Le texte voté par la majorité de la commission subordonne simplement la production des biocarburants à des critères de performances énergétiques et environnementales, prenant en particulier en compte les effets sur les sols et sur la ressource en eau.
Cependant, il va de soi que la vérification du respect de ces critères implique des expertises exhaustives et contradictoires. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a déjà commencé à en mener pour les biocarburants de première génération, avec le sérieux et l’esprit d’indépendance qui la caractérisent, sans avoir pour autant le monopole de l’expertise.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. En réalité, madame la sénatrice, la rédaction que vous proposez est beaucoup moins exigeante que celle qui figure dans le projet de loi. Alors que le texte issu des travaux de la commission prévoit d’imposer que la production de biocarburants respecte des critères de performances énergétiques, vous proposez seulement d’instaurer une obligation de mener des expertises.
Par ailleurs, la nouvelle méthodologie de l’ADEME est une analyse de cycle de vie complète, qui intègre les incidences tant directes qu’indirectes. Cette nouvelle méthodologie est en voie d’être appliquée filière par filière. Nous disposerons du bilan complet d’ici à la fin du mois de juillet, voire à la rentrée, car le processus est assez long. Les expertises étant menées de manière contradictoire, votre amendement me semble satisfait, madame la sénatrice.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 191 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappels au règlement
M. Daniel Raoul. Voilà une démonstration de l’incapacité de la majorité à assumer un texte pourtant proposé par le gouvernement qu’elle soutient.
M. Didier Guillaume. Ils n’en veulent pas !
M. Paul Raoult. Autant revenir au monocamérisme !
M. Daniel Raoul. Comment expliquer l’absence massive de nos collègues autrement que par une motivation profonde d’aller voir ailleurs, afin peut-être d’éviter d’avoir à voter un texte auquel ils sont fondamentalement opposés ? Je ne sais pas comment il faut interpréter cette situation…
Quoi qu’il en soit, un problème fondamental se pose, monsieur le président : vous faites voter des gens qui ne connaissent pas ce projet de loi. Je serais curieux de connaître le point de vue du Conseil constitutionnel sur une modalité de vote à usage purement interne, que l’on s’est bien gardé d’inscrire dans le règlement du Sénat !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. C’est faux ! Elle y figure !
M. Daniel Raoul. Elle constitue un déni de démocratie et de débat parlementaire. Nous avons bien vu comment le groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement, présidé par M. Larcher, a contourné le problème afin d’éviter la censure du Conseil constitutionnel, car elle savait qu’une telle procédure n’était pas constitutionnelle. Pourtant, vous l’appliquez à l’envi ce soir, monsieur le président, en faisant voter les absents ! Je pensais que de telles pratiques étaient réservées à certains territoires, mais je constate que la contagion n’a pas épargné le Sénat !
Lors de la discussion générale, M. Borloo a déclaré que ce projet de loi était un texte extraordinaire, fondateur, qui allait entraîner une véritable « révolution culturelle » dans les esprits et les pratiques. Il est intéressant de constater à quel point son examen mobilise la majorité… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je ne sais pas qui sera le prochain président du groupe UMP – peut-être est-il présent dans l’hémicycle ! (Sourires) –, mais je lui souhaite bien du courage pour mobiliser ses troupes. Peut-être pourrait-il commencer, pour cela, par appliquer une disposition du règlement prévoyant des pénalités financières en cas d’absence. Je le lui conseille fortement.
Quoi qu’il en soit, je suis totalement offusqué par le déroulement de notre débat de ce soir. Je sais que vous avez la possibilité de mettre fin aux hostilités faute de combattants, mais ce n’est pas une solution pour faire avancer les choses !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Longuet. Je comprends la position de notre collègue Daniel Raoul, mais je souhaite qu’il accepte cette idée simple que la révision constitutionnelle a modifié les règles du travail parlementaire et renforcé le travail en commission.
La commission s’est donc longuement et attentivement penchée sur le projet de loi qui nous est soumis, et ce travail collectif a été validé par des votes successifs. Nos collègues du groupe UMP, satisfaits de la réflexion de la commission et confiants dans la valeur des amendements qu’elle a adoptés, même si certains ont été combattus par l’opposition, ont sans doute considéré que le texte recueillerait l’assentiment de notre assemblée. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. C’est tiré par les cheveux !
M. Gérard Longuet. Pour ma part, en tant que responsable de cette séance pour mon groupe, je plaide coupable de ne pas avoir su mobiliser suffisamment de collègues. Néanmoins, j’ai des circonstances atténuantes : pour l’heure, notre groupe n’a plus de président ! Considérons donc que la séance de ce soir a une valeur pédagogique et que notre prochain président de groupe aura à cœur d’épargner au Sénat d’autres soirées de ce type.
Dans l’immédiat, avançons dans l’examen du projet de loi, comme notre règlement nous le permet ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
M. Paul Raoult. Appliquez le règlement jusqu’au bout !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Frimat. Je tiens tout d’abord à saluer M. Longuet, tout en soulignant que nous ne prendrons pas part au vote pour la désignation du président du groupe UMP ! (Sourires.)
Monsieur le président, je ne suis, pour ma part, guère familier des problèmes de règlement (Nouveaux sourires), mais je vois la difficulté de votre tâche ce soir. Elle aurait d’ailleurs pu être la mienne, et je me réjouis que ce ne soit pas le cas ! (Rires.)
La situation que nous vivons n’est pas digne. Cette journée était déjà quelque peu bizarre, dans la mesure où elle marque le début de l’application du taux réduit de TVA de 5,5 % dans la restauration, alors même que nous ne délibérerons de cette question que la semaine prochaine ! La loi votée par le Parlement n’est pas toujours appliquée, et il arrive aussi, à l’inverse, que l’on applique une loi avant même que le Parlement ne l’ait votée ! Le groupe UMP devra donc fortement mobiliser ses troupes la semaine prochaine, sauf à risquer encore quelques surprises…
Monsieur le président, je l’ai déjà dit et je le répéterai au président de notre assemblée, il n’est pas digne d’utiliser, même si cela ne change rien au résultat, les pouvoirs de ce qui n’est pas un groupe, mais que l’on fait voter comme tel en fabriquant ceux-ci au fur et à mesure des scrutins, à l’aide de photocopies. Cette pratique doit cesser, c’est une question de déontologie élémentaire.
Je ne remets pas en cause la façon dont nous votons, puisqu’elle permet de respecter l’équilibre politique des groupes, mais il n’est pas admissible de faire voter comme un seul homme les membres d’un rattachement administratif qui ne constitue pas un groupe.
Monsieur le président, je vous demande de transmettre mes observations au président Larcher. J’imagine que personne dans cette enceinte ne souhaite voir s’instaurer une course vers les tiroirs des non-inscrits pour s’emparer de leurs bulletins de vote.
La majorité ne doit pas nous reprocher d’être présents. Alors que le président du Sénat souhaite voir se développer le présentéisme, devons-nous nous excuser d’être là, ce soir, pour débattre d’un texte que M. Borloo, dont on connaît la plasticité, présente comme un sujet d’admiration pour l’humanité entière, y compris dans les contrées les plus lointaines ? Si seulement il pouvait susciter la même admiration au sein de la majorité !
Pour avoir présidé de nombreuses séances publiques au cours de la première lecture du texte, je suis en mesure de vous dire, madame la secrétaire d'État, que nous avons apprécié le sérieux et la courtoisie de vos réponses dans un débat de qualité. Aujourd’hui, en revanche, nous assistons à une caricature de débat. Les pratiques doivent changer ! Nous ne sommes pas en mesure, à cet instant, de délibérer correctement, parce que le groupe majoritaire n’assume pas sa fonction. L’examen du texte va se poursuivre, il le faut bien, la majorité demandera d’autres scrutins publics et nous protesterons : cela deviendra un jeu de rôles, mais cette situation n’est pas satisfaisante, notamment pour la commission.
Aux termes de la révision constitutionnelle, dont le présent débat illustre encore une fois le caractère néfaste, il n’a pas été prévu que les textes seraient votés en commission : celle-ci élabore non pas la loi, mais son texte, qui est ensuite débattu en séance publique, dans cette enceinte.
M. Paul Raoult. Oui !
M. Bernard Frimat. Que faut-il en induire ? Pour essayer de faire vivre le débat, en serons-nous réduits à ne pas prendre part aux travaux de la commission, afin de ne pas nous voir reprocher ensuite de modifier notre position en séance publique ? Voyez à quelles dérives tout cela peut conduire !
Nous sommes déjà gratifiés, désormais, d’une présence permanente du Gouvernement en commission. Certes, elle est parfois appréciable, mais il n’existe plus, pour les parlementaires, d’entre-soi. Les sénateurs de la majorité sont toujours sous l’œil bienveillant du représentant du Gouvernement, qui les encourage de la voix et du geste à choisir la bonne voie.
Monsieur le président, il se passe ce soir quelque chose de très grave. Je le redis, c’est une caricature de débat parlementaire. Permettez-moi de déplorer cette situation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne serai pas long, car Bernard Frimat a exprimé avec éloquence le sentiment des membres de mon groupe.
M. Longuet a prétendu tout à l’heure que le fort absentéisme des sénateurs de la majorité était dû au fait que l’essentiel du travail avait déjà été accompli en commission. Qu’il me permette de rappeler que M. Braye a affirmé exactement le contraire, voilà quelques instants (M. Paul Raoult rit), déclarant, à juste titre, que le vote décisif intervient en séance publique. Il faudra donc que vous vous mettiez d’accord au sein de votre groupe !
Alors que le Gouvernement faisait preuve de disponibilité, d’écoute et de courtoisie, les scrutins qui viennent de se tenir ne sont guère à l’honneur de la démocratie. Le travail que nous accomplissons sur un texte présenté par M. Borloo comme fondateur et protecteur pour les générations futures est bien peu exemplaire sur le plan de la pédagogie républicaine, en raison d’une procédure d’examen erratique et à géométrie variable.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour un rappel au règlement.
M. Robert del Picchia. J’ai été très sensible aux propos de M. Frimat, et je ne suis pas éloigné de partager son opinion.
Il est vrai que les non-inscrits votent même quand ils ne sont pas présents en séance.
M. Bernard Frimat. Comme un seul homme !
M. Robert del Picchia. Je me sens quelque peu responsable de cette situation, pour avoir pris leurs bulletins de vote. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cela étant, mes chers collègues, je n’ai fait que répondre à une sollicitation des non-inscrits, qui me font confiance et me demandent régulièrement de voter pour eux. Je ne prétends pas que mes options reflètent toujours exactement l’avis de chacun d’entre eux, mais ils souhaitent être comptabilisés parmi les votants et s’en remettent à moi pour le choix du vote. Je réponds donc à leur souhait.
Cependant, en cette soirée un peu particulière, j’annonce, en accord avec le responsable de mon groupe pour cette séance, que je n’utiliserai plus les bulletins de vote des sénateurs non inscrits dans la suite du débat.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour un rappel au règlement.
Mme Évelyne Didier. Ce qui est arrivé ce soir se reproduira à l’avenir, les mêmes causes produisant les mêmes effets. La réforme du fonctionnement de notre assemblée n’a ni amélioré l’efficacité de nos travaux, ni réduit la durée de nos débats. Allons-nous toujours devoir travailler ainsi ? Ce n’est pas possible ! Nous n’avons rien gagné, au contraire, en adoptant ce nouveau mode de fonctionnement.
Ainsi, lors de la première lecture, nous étions tombés d’accord pour substituer au mot « biocarburants » le mot « agrocarburants ». Puis l’Assemblée nationale a émis un avis divergent, et le consensus a tout à coup disparu au Sénat ! Cela se reproduira forcément !
On voit bien les effets négatifs engendrés par une réforme qui n’en était pas une. Son objet premier était de permettre au Président de la République de s’exprimer devant le Congrès, ce dont la République pouvait parfaitement se dispenser, je vous l’assure !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour un rappel au règlement.
M. Paul Raoult. Je ferai une observation qui sera peut-être en décalage par rapport à la position de mon propre groupe.
En réalité, la réforme est restée à mi-chemin. Elle visait à donner plus de pouvoirs à la commission, dont c’est désormais le texte qui est examiné en séance publique. Pourquoi pas ? En effet, le débat de fond a bien lieu en commission. En l’occurrence, sur le texte qui nous occupe, la commission de l’économie a accompli un excellent travail, marqué par un taux de présence élevé de ses membres.
En sens inverse, toutefois, l’absentéisme en séance publique s’est accru. Inspirons-nous, pour mener notre réflexion, de l’exemple du Parlement européen : le vote intervient en séance plénière, après que le vrai débat a eu lieu en commission.
Il est en tout cas difficile d’avoir deux fois le même débat, en commission puis en séance plénière, avec un taux de participation important. J’en ai plus qu’assez, pour ma part, de ces images télévisées montrant un hémicycle peuplé de vingt, trente ou quarante parlementaires au maximum, ce qui amène les électeurs à s’interroger sur notre activité réelle. Cela est très négatif pour l’image du Parlement et de sa fonction dans l’opinion publique.
Chacun sait que les parlementaires présents en séance plénière sont ceux qui se sont investis dans l’examen du texte au sein de la commission concernée, et non pas les membres d’autres commissions. Mais cela, les médias ne l’expliquent jamais, et l’opinion publique en reste à l’image d’un hémicycle déserté.
Il faudra bien parvenir un jour à régler ce problème, au-delà de celui de l’absentéisme. Peut-être est-il bon d’avoir accordé davantage de pouvoirs aux commissions, mais il faudra se pencher sur la question de l’organisation de nos débats en séance publique, sans doute en s’inspirant de l’exemple du Parlement européen.
En résumé, si le fait d’avoir donné davantage de pouvoirs aux commissions est une bonne chose, nous devons nous poser la question de l’organisation de nos débats en séance plénière, en nous inspirant, le cas échéant, de celle du Parlement européen.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Je comprends l’émotion de nos collègues socialistes devant les difficultés suscitées par le faible taux de présence en séance.
Monsieur Frimat, je ne reviendrai pas sur la révision constitutionnelle. Nous sommes des républicains, et la Constitution s’applique.
Quant aux modalités du scrutin public, elles ont été validées par le groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement. Nous ne pouvons y revenir.
Monsieur Raoult, je partage certains de vos sentiments ; il est vrai que nos conditions de travail ont changé. En commission, nous élaborons notre propre texte, à partir de celui du Gouvernement. Je puis vous assurer que la présence du ministre lors de nos réunions n’influence pas le comportement du président de la commission ni celui du rapporteur, eût-il travaillé en partenariat avec le membre du Gouvernement chargé du dossier. Comme vous vous en doutez, je souhaite que le Parlement joue pleinement son rôle.
Je crois que nous avons travaillé en commission de façon convenable sur ce texte. Je ne prétends certes pas que tout a été parfait, mais chacun a pu s’exprimer, me semble-t-il, et des amendements de l’opposition ont été intégrés au texte : je rappelle à celui de nos collègues qui se plaignait tout à l’heure qu’ils aient été systématiquement rejetés que soixante-dix-neuf d’entre eux ont été adoptés lors de la première lecture du Grenelle I.
M. Bernard Frimat. Ils étaient consensuels !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. C’était d'ailleurs naturel, car le rôle du Parlement est de permettre à toutes les sensibilités de s’exprimer et d’inscrire leur marque dans les textes de loi.
Certes, après la publication du texte de la commission, les amendements extérieurs qui sont déposés – on en comptait soixante-treize pour ce projet de loi – mobilisent moins l’intérêt de nos collègues, à quelque groupe qu’ils appartiennent. En effet, les débats en séance publique portent uniquement sur des amendements qui ont reçu un avis défavorable de la commission, ce qui ne suscite pas la passion !
Aussi, à l’évidence, la majorité se mobilise-t-elle moins fortement ; je le regrette, et j’ose espérer que le nouveau président du groupe UMP saura inciter ses troupes à participer davantage à la séance publique. Il faudrait à tout le moins que les membres des commissions qui ont participé à l’élaboration du texte soient présents dans l’hémicycle.