M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour explication de vote.
M. Daniel Soulage. Faut-il que la France soit diverse pour que se fassent jour des positions si opposées ! Ce n’est pas la première fois que nous discutons de ce sujet, ce n’est pas la première fois que nous tranchons cette question…
Mme Évelyne Didier. Eh oui !
M. Daniel Soulage. … et ce sont toujours les mêmes arguments.
Dix fois, déjà, j’ai raconté, dans cet hémicycle, ce qui s’est passé dans le Sud-Ouest, à quarante kilomètres de chez moi : certains agriculteurs ont fait du zèle et, forts de l’accord qu’ils avaient obtenu pour procéder à des travaux sur leurs terres, ont démoli tous les barrages, par souci, non de continuité écologique, mais d’assainissement. Je pourrai vous y conduire, mon cher collègue : la rivière doit d’ores et déjà être à sec !
M. Robert del Picchia. Il n’y a plus d’eau !
M. Daniel Soulage. Bien sûr qu’il n’y a plus d’eau ! Devant chez moi coule une rivière, que j’ai eu la chance d’entretenir au mieux pendant des années, étant responsable d’un syndicat intercommunal. Tous les barrages ont été conservés.
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Daniel Soulage. Aujourd’hui, nous avons de l’eau, et nous en aurons tout l’été. Une résidence Pierre et Vacances est construite à proximité, des campings sont installés, des touristes viennent en vacances et certains se réjouissent de pouvoir s’adonner à la pêche. Et vous voudriez qu’à tous ces touristes nous n’offrions plus que le spectacle désolant d’un cours d’eau tari ?
Quant à soutenir que les barrages de moins de deux ou trois mètres seraient des ouvrages négligeables… Chers collègues, ce n’est pas rien, un barrage de deux ou trois mètres ! Le barrage qui est près de chez moi mesure un mètre quarante-sept très exactement !
Je ne sais pas ce que vous avez contre les retenues d’eau.
M. Paul Raoult. Nous voulons aider les poissons à remonter les rivières !
M. Daniel Soulage. Vous vous offusquez à la vue de la moindre goutte d’eau retenue par un barrage, alors que vous exhortez nos concitoyens à collecter et à stocker l’eau de pluie dans des bidons installés au droit des gouttières !
M. Bruno Sido, rapporteur. Il a raison !
M. Paul Raoult. Les poissons remontent les rivières !
M. Daniel Soulage. J’aurai vraiment tout entendu ce soir ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Avoir de l’eau est bien agréable, en tout cas dans le Midi. Peut-être, dans le Nord, avez-vous trop d’eau et voulez-vous assécher vos rivières ? Il faut alors couper la France en deux. (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Sourire n’est guère de mise, chers collègues : le problème est grave.
Mme Évelyne Didier. Je ne souris pas : je suis confrontée au même problème.
M. Daniel Soulage. Si vous inscrivez dans la loi la possibilité de l’effacement de certains barrages, les techniciens, sur le terrain, quelle que soit la direction départementale dont ils dépendent, feront appliquer la loi et les règlements subséquents.
Dieu sait qu’on a voulu en démolir, des barrages. Et la communication sur les notions, qui vous sont si chères, de continuité écologique, de trame verte, de trame bleue, commence à porter ses fruits : nos concitoyens pensent que cette destruction est une bonne chose et qu’il faut supprimer les barrages.
J’estime, pour ma part, que les barrages sont un « plus » pour ceux qui en ont. Il faut les conserver, il faut les entretenir. Gardons-nous d’inciter à leur destruction, car ils sont très utiles pour notre environnement ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Je répondrai à Mme Didier.
Ma chère collègue, nous n’avons jamais prétendu qu’il ne devait pas y avoir de débat en séance publique. Simplement, la présente discussion ne remet pas en cause ce que nous avons pu dire en commission, ce qui paraît tout à fait légitime.
Nous avons déjà eu, en commission, le débat sur le terme « effacement », et je me rends bien compte qu’il est très mal apprécié par tout un ensemble d’élus.
Pourquoi ? À partir du moment où se fait jour un problème sur un barrage, une étude est immédiatement engagée quant à l’aménagement auquel il convient de procéder.
Nous avons préféré conserver le terme « aménagement » et accepter la suppression du mot « effacement » parce que, si les études peuvent préconiser un « aménagement », pourquoi n’iraient-elles pas jusqu’à conclure au bien-fondé d’un « effacement » ?
En revanche, une majorité d’entre nous refusent d’inscrire dans une loi de programmation le mot « effacement ».
Chacun, notamment M. Jean-Patrick Courtois, a évoqué des situations rencontrées dans son propre département et je ne ferai pas exception.
Dans mon département, sur un affluent de la Saône s’élevaient dix-sept moulins, entre la confluence de la Saône et Cluny, haut-lieu de l’histoire de notre pays. Tous ces moulins étaient, bien entendu, des propriétés privées. Il ne s’y faisait plus de travaux, les vannages étaient bloqués, ce qui entraînait, pendant l’hiver, des inondations permanentes, mais, pendant l’été, un étiage très bas interdisant la présence de poissons.
Nous avons poussé assez loin la réflexion sur le mot « aménagement ». Nous pouvons nous accorder sur une définition : aucun aménagement ne peut être effectué sans études préalables, lesquelles doivent, justement, démontrer la nécessité d’aménager un barrage, voire, quelquefois, de l’effacer.
Nous en faisons un principe. Je suis certain qu’une majorité va se prononcer ici en faveur de la suppression du mot « effacement ».
J’en suis désolé, monsieur Raoult, mais je ne peux que confirmer ce que M. le rapporteur a annoncé : la commission est défavorable à cet amendement, qui vise à rétablir le mot « effacement » dans ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Chacun aura compris qu’il ne s’agit pas d’effacer tous les barrages de France et de Navarre. Mme la secrétaire d’État l’avait souligné : il serait procédé à un effacement uniquement « en l’absence d’autres alternatives ». Je la remercie de son soutien.
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Afin de faciliter la création de la trame bleue, l'État s'engage à assurer le classement des rivières prévu par l'article L. 214-17 du code de l'environnement avant le 31 décembre 2012.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. L’ambiance ne nous en donne vraiment pas envie, mais nous allons continuer malgré tout !
Cet amendement concerne les rivières. Nous souhaiterions, une fois de plus, lever une ambiguïté. Alors que, aux termes de l’article 6 de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la date butoir de 2012 est fixée pour la procédure de classement de rivières au titre de rivières réservées ou de rivières à passes à poissons, dans les schémas d’aménagement et de gestion des eaux, cet aménagement par les préfets coordonnateurs de bassin est prévu avant 2014.
Il conviendrait donc d’aligner ces deux échéances sur la date arrêtée dans le projet de loi pour la création de la trame bleue, soit le 31 décembre 2012. Nous souhaitons assurer cette procédure de classement des rivières, qui répond au même objectif que la trame bleue, outil essentiel pour la mise en place des continuités écologiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je ne sais plus que faire. Mme Didier me permet-elle de donner l’avis de la commission quitte à mentionner ce qui s’est dit en commission ? J’ai l’impression qu’elle va me reprocher de couper ainsi court au débat. Or, telle n’est pas mon intention.
M. Paul Raoult. M. le rapporteur est traumatisé ! (Sourires.)
M. Robert del Picchia. Il s’en remettra !
M. Bruno Sido, rapporteur. La réactualisation de l’ensemble des classements des rivières réservées est un chantier très important. Elle a été discutée lors de l’examen de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, que nous connaissons bien, vous et moi, madame Didier.
La question mérite que l’on s’y arrête, tant elle est complexe. Trois ans semblent manifestement trop peu, mais nous allons entendre le Gouvernement sur le sujet.
De plus, le calendrier est actuellement prévu pour 2014, selon un planning en cohérence avec les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, prévus pour la période 2009-2015, ce qui permettra de les intégrer dans les SDAGE suivants.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Nous avons voulu mettre en cohérence les deux calendriers, celui du classement des rivières et celui des futurs SDAGE.
Dans les SDAGE 2009-2015 sont déjà identifiés les cours d’eau qui pourraient constituer une partie de la future trame bleue. On les appelle, d’ailleurs, les « axes bleus ».
M. Robert del Picchia. C’est joli !
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Soulage et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La mise en place de la trame bleue se fera après accord des deux tiers des collectivités concernées, représentant au moins la moitié de la population, ou à défaut après accord des propriétaires ou gestionnaires.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. L’article 26 vise à définir les principes généraux de mise en œuvre de la trame bleue.
Comme je l’indiquais dans la discussion générale, je me félicite des modifications apportées à cet article par la commission. Je suis tout à fait favorable à la protection des milieux et des continuités écologiques. Mais continuité jusqu’où ? Telle est la question !
L’idée d’un maillage du territoire, séduisante au premier abord, ne doit pas entraver la vie même du monde rural. Il faut concilier les préoccupations de protection de l’environnement, qui sont légitimes, avec la vie de l’espace rural, qui gagne chaque année 50 000 habitants.
La seule façon de réussir la trame bleue est, à mes yeux, de la faire en concertation avec les collectivités territoriales concernées et les propriétaires ou les gestionnaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Nous nous trouvons une nouvelle fois à cheval entre le Grenelle I et le Grenelle II !
La commission a déjà adopté, s’agissant du Grenelle II, des amendements visant à assurer une concertation poussée entre les parties prenantes pour la mise en œuvre de la trame bleue à travers des comités dédiés.
Dès lors, la précision apportée par cet amendement semble superfétatoire. Les auteurs de l’amendement auront satisfaction avec le dispositif du Grenelle II.
La commission souhaite le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Soulage, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?
M. Daniel Soulage. Nous avons déjà été confrontés à cette situation, en particulier lors de la mise en place de Natura 2000. Cela s’était fait alors de manière contractuelle. Il y a été fait allusion lors de la dernière réunion du COMOP, selon certains participants qui me l’ont rapporté. Si l’on m’a dit une bêtise, je retire très vite mes propos ! Mais ne disions-nous pas, il y a peu encore, « Rien que le COMOP, tout le COMOP » ?
Croyez-le bien, madame la secrétaire d’État, se dispenser de discuter avec les acteurs concernés ne facilitera pas forcément les choses.
Imaginez que la commune décide tout à coup de créer une servitude de passage sur votre terrain, alors que plusieurs tracés sont possibles, ou d’agrandir la route située à proximité, et ce sans même vous demander votre avis ou envisager avec vous une éventuelle indemnisation : vous trouveriez cela anormal !
En la matière, les personnes ont le droit d’être informées et tout doit se faire dans une logique contractuelle.
Loin de moi l’idée de bloquer le dispositif ! Malgré un démarrage un peu difficile, Natura 2000 a donné satisfaction, ce qui prouve que la méthode est la bonne.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que certaines dispositions sont d’ores et déjà prévues dans le Grenelle II. Très franchement, ce n’est pas en nous épargnant une concertation sur le terrain que nous avancerons plus vite !
M. Bruno Sido, rapporteur. Puis-je vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Daniel Soulage. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l’autorisation de l’orateur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il est vrai, monsieur Soulage, qu’il est parfois difficile de s’y retrouver entre le Grenelle I et le Grenelle II. Cela me rappelle d’autres textes, d’ailleurs ! (Sourires.)
Mais je vous rappelle que, dans le Grenelle II, qu’il s’agisse de la trame verte ou de la trame bleue, c’est la concertation qui, de toute façon, prévaut, et ce à chaque instant. Vous pouvez donc être rassuré !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le rapporteur, quelle sera la marge de discussion ? Si la concertation se réduit à une simple information, ce n’est pas suffisant !
M. Bruno Sido, rapporteur. Mais non !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Monsieur Soulage, ce n’est pas si simple ! Quand, en amont d’une rivière, on a arraché des haies pour faire des labours et que, en conséquence, les communes situées en aval subissent des inondations à répétition, je n’ai que faire de la règle des deux tiers ! L’intérêt général doit prévaloir. En l’espèce, il commande de modifier, tout le long de la rivière, les conditions d’écoulement des eaux pour éviter tout risque d’inondation.
Quand, dans le Marais poitevin, on a supprimé 20 000 hectares de zone humide pour planter du maïs, cela relevait-il véritablement de l’intérêt général ?
C’est très bien de demander l’avis des communes ; il faut le faire et essayer de convaincre ; mais ne posons surtout pas de règles trop strictes, qui nous feraient oublier la primauté de l’intérêt général, en l’espèce l’avenir environnemental de notre pays.
M. le président. Monsieur Soulage, qu’en est-il, en définitive, de l’amendement n° 47 ?
M. Daniel Soulage. Voilà exactement ce que je craignais, monsieur Raoult. Au nom de l’intérêt général, tout est possible !
Je reprends l’exemple que j’ai cité tout à l’heure : des barrages ont été démolis, au nom de l’intérêt général. Par excès de zèle, certains se sont même proposés bénévolement pour détruire le barrage qui se trouve non loin de chez moi ; les entailles sont toujours visibles ! (M. Paul Raoult s’exclame.)
Sur ce sujet, il faut vraiment faire preuve de réalisme. Y aura-t-il une enquête publique ? Comment cela se passera-t-il ?
Monsieur le rapporteur, vous me dites que des dispositions sont prévues dans le Grenelle II. Je n’insisterai donc pas, mais, en tout état de cause, il faut prévoir une procédure. Peut-être ma solution n’est-elle pas la bonne, mais, en déposant cet amendement, je n’avais pas l’ambition de l’imposer ; je souhaitais uniquement appeler l’attention sur le problème et inviter les uns et les autres à trouver une solution.
Cela étant, monsieur le président, je retire cet amendement ! (Exclamations.)
M. Bruno Sido, rapporteur. Bravo !
M. Paul Raoult. Demandez à Valérie Létard ce qui se passe chez elle !
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer, car tel est bien l’esprit dans lequel nous travaillons.
Les grandes lignes des orientations qui doivent être suivies sur le plan national ont été fixées ; elles sont maintenant disponibles sur Internet et sujettes à débat. L’avis de l’ensemble des parties prenantes est donc recueilli.
Nous suivons la même démarche pour l’élaboration des schémas régionaux. On a commis l’erreur, par le passé, de ne pas passer par la logique contractuelle que vous évoquez. Nous n’allons pas recommencer !
Je le répète, la logique du Grenelle, c’est la collaboration.
M. le président. Je mets aux voix l’article 26.
(L’article 26 est adopté.)
Article 34
La réduction de l’exposition aux substances préoccupantes, notamment en milieu professionnel, nécessite une meilleure information des entreprises et de leurs salariés.
Un portail internet de diffusion des données environnementales sera mis en place.
Les fiches de données de sécurité seront perfectionnées et le suivi de l’exposition aux substances préoccupantes en milieu professionnel sera renforcé par une concertation entre les partenaires sociaux, avec la contribution des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et des médecins du travail.
Un dispositif visant à assurer un meilleur suivi des salariés aux expositions professionnelles des substances classées cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégories 1 et 2 (CMR 1 et CMR 2) sera expérimenté en concertation avec les partenaires sociaux dans des secteurs professionnels ou zones géographiques déterminés. Cette expérimentation, dont le bilan devra être fait avant le 1er janvier 2012, a pour objet de permettre à l’État et aux partenaires sociaux de définir des modalités de généralisation d’un dispositif confidentiel de traçabilité des expositions professionnelles. Ce dispositif devra être généralisé avant le 1er janvier 2013.
M. le président. L’amendement n° 75, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Au troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :
avec la contribution des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et des
par les mots :
en conférant un rôle accru aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et aux
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Parmi tous les engagements pris à l’issue du travail des organisations, des syndicats et des associations dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’engagement n° 145 concerne la santé des travailleurs et, particulièrement, celle des populations à risque.
Il tend notamment à prévoir, par la négociation entre les partenaires sociaux, un suivi des populations à risque au travail, la formation des médecins spécialisés et un curriculum laboris pour les salariés.
Or le texte proposé par l’article 34 minimise l’engagement pris lors de ces discussions, puisque, en lieu et place d’un « rôle accru », il ne préconise plus qu’une « contribution » des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Les partenaires du Grenelle avaient en effet souligné le besoin de donner un rôle plus important à ces CHSCT, qui se trouvent en relation directe avec le terrain. Créés pour offrir un lieu de travail et d’échange sur les problèmes de santé au travail entre les salariés et leur direction, les CHSCT sont malheureusement mal utilisés et ne disposent pas des moyens nécessaires à leur action.
Par ailleurs, je voudrais préciser un point concernant le dossier médical personnel.
Celui-ci était censé permettre de conserver une trace non seulement des maladies ayant touché un salarié, mais aussi des matières nocives auxquelles il aurait été exposé et, partant, de faciliter tant le diagnostic que le traitement.
Avec cet outil, il serait évidemment plus aisé de déterminer la responsabilité de l’entreprise ayant exposé un salarié à des substances nocives sans avoir pris les précautions nécessaires. C’est un progrès.
Pour autant, le processus est à double tranchant. Si l’employeur qui s’apprête à embaucher une personne a connaissance du dossier médical, il sera peut-être incité à faire marche arrière, par crainte d’être amené à payer des charges supplémentaires liées aux risques de maladies dues au travail. Conserver de telles données, c’est risquer qu’elles soient mal utilisées.
Il est donc indispensable d’encadrer strictement l’accès au dossier médical personnel, notamment pour toutes les informations relatives à la santé au travail, car l’indépendance dans l’exercice de la médecine du travail, en particulier dans les services interentreprises, est discutable, et discutée.
Si de telles données existent et sont disponibles et si les médecins du travail sont dépendants des employeurs, l’ambiguïté de leur activité lors de la détermination de l’aptitude au travail d’un salarié conduit à les assimiler aux médecins des assurances. Il est donc à craindre qu’ils ne protègent avant tout l’employeur contre le risque d’employer une personne ayant été exposée à des substances dangereuses au lieu de défendre l’intérêt du salarié.
C’est un sujet dont nous débattrons dans le cadre de l’examen du Grenelle II. Je tiens à le dire, notre groupe sera très attentif aux décrets qui seront pris.
Dans la mesure où les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont le meilleur garant de la défense de l’intérêt des salariés en matière de santé au travail, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Aux yeux de la commission, la formulation actuelle du dispositif est suffisamment explicite pour permettre aux CHSCT de prendre toute leur place dans le suivi de l’exposition aux substances préoccupantes en milieu professionnel.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission.
La responsabilité de l’élaboration des fiches de données de sécurité relève, en fait, du responsable, c’est-à-dire de l’employeur, et il faut que cela perdure. L’adoption de l’amendement risquerait d’entraîner une confusion des rôles, en laissant penser que les CHSCT endosseraient dorénavant cette responsabilité.