M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1287, modifié.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 25 septdecies.
Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 283, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de ce projet de loi :
Projet de loi portant réforme du système sanitaire et médico-social, relatif à l'hôpital, aux patients, à la santé et aux territoires.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Comme je l’avais déjà indiqué devant la commission des affaires sociales, l’actuel intitulé du projet de loi nous semble quelque peu inadapté.
Cela étant, afin de vous rassurer, mes chers collègues, je vous annonce d’emblée que je retire mon amendement, ne serait-ce que parce que la notion de « santé publique » est – cela a été indiqué tout à l’heure – relativement absente de ce texte. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Toutefois, je profite de l’occasion qui m’est offerte pour remercier M. le rapporteur, qui a beaucoup travaillé pendant ces semaines, M. le président de la commission des affaires sociales, ainsi que Mme la vice-présidente de la commission, qui l’a quelquefois remplacé, et tous nos collaborateurs.
D’une manière plus générale, j’adresse mes remerciements à tous nos collègues sénatrices et sénateurs, à leurs assistants et, bien entendu, à Mme la ministre et à ses services.
À ce propos, j’ai pu apprécier la ténacité de Mme la ministre et constater qu’elle avait effectivement la santé ! (Sourires.)
Vous avez pu le noter, madame la ministre, nous avons nous-mêmes également beaucoup de ténacité, ce qui nous conduira à voter contre le présent projet de loi. (Nouveaux sourires.)
Je ne souhaite pas anticiper sur l’explication de vote que vous fournira dans quelques instants mon collègue Jean-Pierre Godefroy, mais je vous précise simplement que ce texte ne répond pas à nos convictions profondes, que nous n’avons pas pu exprimer de manière aussi complète que nous l’aurions souhaité. Il nous aurait sans doute fallu, pour cela, plus de semaines !
Nous verrons en commission mixte paritaire, puisqu’il y aura une commission mixte paritaire, si nous pouvons encore faire un petit bout de chemin.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de ce débat, qui fut certes long, mais qui fut surtout riche en amendements, en controverses, en désaccords, en rebondissements…
Le moins que l’on puisse dire est que, si le débat fut plutôt serein et, globalement, courtois, il a mis en évidence de réelles divergences de fond quant à notre vision de la santé publique.
Reste à en tirer le bilan avant de passer au vote. Ce n’est pas si facile, tant le débat fut parfois confus. Je tiens à le redire, les conditions dans lesquelles nous avons travaillé, notamment pendant les premiers jours d’examen du projet de loi, ne sont pas satisfaisantes. Certes, je ne nie pas les efforts qui ont été réalisés par chacun, qu’il s’agisse de M. le président de la commission ou de Mme la ministre.
À ce propos, madame la ministre, comme l’a souligné mon collègue Jacky Le Menn, si nous avons rarement partagé votre avis, nous beaucoup apprécié le soin que vous avez apporté à nous répondre et à expliquer votre position, ce qui n’est pas toujours le cas de la part de certains ministres.
M. le président. Il me semble que, à l’époque où Gaston Defferre était ministre, il ne s’embarrassait pas beaucoup de discours ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous n’avez sûrement pas manqué, à l’époque, de le lui faire remarquer ! (Nouveaux sourires.)
En tout cas, je préfère la manière dont Mme la ministre nous a répondu, même si nous n’étions pas d'accord avec elle.
Je souhaite également remercier M. le rapporteur, ainsi que l’ensemble de nos collègues.
Mais il est incontestable que nous avons trop souvent dû, notamment au début de l’examen du projet de loi, interrompre la séance pour retourner en commission et examiner en urgence des amendements déposés par le Gouvernement, parfois à la dernière minute. Nous avons dû souvent improviser, ce qui n’est pas un gage de cohérence.
Je voudrais rapidement évoquer chacun des quatre volets de ce projet de loi dit « HPST ».
D’abord, H comme « hôpital ». L’hôpital sortira-t-il renforcé de ce débat, comme vous nous le promettez ? Nous ne le croyons pas.
Cette énième réforme de la gouvernance, qui consacre l’avènement, en bonne logique sarkozyenne, de l’« hôpital entreprise » autour d’un « patron » appelé avant tout à être un bon gestionnaire financier, n’était pas celle qui était attendue par les professionnels concernés. D’ailleurs, ils l’ont dit haut et fort. Même si le travail du Sénat a permis un certain rééquilibrage des pouvoirs au sein de l’hôpital, la rupture est consommée.
Le débat s’est focalisé sur la gouvernance, alors que les véritables problèmes de l’hôpital sont ailleurs. Pour nous, l’application de la tarification à l’activité doit être revue, la convergence tarifaire avec les établissements privés doit être annulée et les missions de service public, comme la prise en charge de tous les patients et de toutes les pathologies, sans exclusive, doivent être financièrement reconnues. Or vous avez refusé toutes ces propositions.
P comme « patients ». Il aurait fallu dire plutôt M comme « médecins ». En effet, dans le titre II de ce texte, on trouve bien plus de dispositions relatives aux professions de santé diverses et variées que de dispositions favorables aux intérêts des patients.
Après le passage du texte au Sénat, les patients ne sont pas du tout à la fête. Vous refusez encore et toujours de vous attaquer à la question des dépassements d’honoraires.
En outre, il ne reste que des demi-mesures en matière d’accès aux soins et de lutte contre les refus de soins. Et encore, madame la ministre, c’est bien aux groupes de gauche que vous devez d’avoir sauvé l’essentiel !
En ce qui concerne la démographie médicale, je suis persuadé que la situation s’aggravera inévitablement si nous ne prévoyons pas dès aujourd’hui des mesures fortes. Ma conviction profonde est que la liberté d’installation ne doit plus être un sujet tabou.
Devant l’insuffisante efficacité des seules incitations financières, il est aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin et de freiner les installations dans les zones excédentaires. Sans drame, les infirmiers et infirmières ont montré l’exemple, dans une démarche conventionnelle, en subordonnant, dans les zones trop denses, les installations aux départs. Aujourd’hui, les médecins ne peuvent pas rester à l’écart de ce mouvement ; ils doivent s’engager dans une démarche similaire.
Au lieu de les y pousser, chers collègues, vous les encouragez à rester figés sur leurs positions conservatrices. Ce sont les patients qui en paieront le prix. Nous ne pouvons pas l’accepter. Vous faites perdre dix ans à la solution du problème des déserts médicaux. L’augmentation du numerus clausus, fût-il régional, sans mesures d’accompagnement, ne fera qu’aggraver la situation que nous connaissons aujourd’hui.
S comme « santé ». Dès le départ, dans ce texte, la prévention et la santé publique étaient réduites à la portion congrue. Nous avons tous tenté d’étoffer un peu ces dispositions, parfois avec votre soutien, madame la ministre, et nous vous en remercions, mais au final, il n’y a aucune cohérence dans le titre III. On n’y trouve qu’une ribambelle de dispositions diverses et variées. Certaines ont peut-être un intérêt, mais, en tout état de cause, l’ensemble ne permet pas d’élaborer une politique de santé publique digne de ce nom.
Enfin, T comme « territoires ». La création des agences régionales de santé, les ARS, est sûrement la plus grande innovation de ce projet de loi. Au départ, c’était même une idée qui faisait consensus. Mais le problème, c’est que vous avez fait de ces ARS des superstructures technocratiques qui consacrent l’avènement de véritables préfets sanitaires. En effet, un pouvoir sans partage est accordé aux directeurs d’ARS, en même temps qu’est renforcée la chaîne de responsabilité exécutive contrôlée par l’État et que sont affaiblis ou isolés les intérêts locaux et les acteurs territoriaux.
La commission a bien tenté de rééquilibrer tout cela, mais le Gouvernement a réussi à revenir grosso modo au texte initial.
Au final, nous sommes inquiets et nous nous demandons comment tout cela tiendra la route. Les ARS seront submergées par leurs tâches administratives et gestionnaires et elles s’inscrivent dans une logique d’étatisation, qui n’est assurément pas la meilleure façon de prendre en compte les réalités sanitaires locales.
La création des centres hospitaliers territoriaux, les CHT, constitue à nos yeux un point positif dans la mesure où le dispositif a été amendé par la commission des affaires sociales, qui lui a donné, dirai-je, la souplesse nécessaire.
En bref, on est loin de l’ambition initiale qui était la vôtre, madame la ministre, de moderniser l’ensemble du système de santé. On en est loin parce que, en fait, votre texte ne répond pas aux défis majeurs auxquels est soumis notre système de santé : là où s’imposait une réforme globale, accompagnée d’investissements structurels majeurs, vous proposez une vision cloisonnée et étriquée de notre système. Pour l’hôpital, comme pour la médecine de ville, vous êtes passés, je crois, madame la ministre, chers collègues de la majorité, à côté d’une formidable occasion.
C’est donc sans aucun état d’âme que le groupe socialiste du Sénat votera contre ce projet de loi, sur lequel il demande un scrutin public.
Nous continuons de penser, madame la ministre, que la levée de la déclaration d’urgence de ce texte est nécessaire afin de prendre le temps d’analyser les changements effectués par le Sénat et qui, quoique vous en disiez, sont importants. À défaut, la commission mixte paritaire à venir ressortira probablement au marathon et occultera le nécessaire débat public. L’Assemblée nationale est fondée à réclamer le retour du texte dans son enceinte.
Je ne doute pas que le rapporteur se soit déjà mis quelque peu d’accord, sur l’essentiel, avec son collègue de l’Assemblée nationale,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas encore !
M. Jean-Pierre Godefroy. … mais nous, nous ne pouvons pas accepter que le débat soit ainsi confisqué alors que l’attente est si forte. Bien entendu, nous ne manquerons pas de redéposer en commission mixte paritaire certains amendements qui nous semblent essentiels.
Pour terminer, je veux remercier tous les collaborateurs de la commission des affaires sociales du travail qu’ils ont accompli, de leur disponibilité et de la qualité exceptionnelle des relations de travail qu’ils ont instaurées sur un texte aussi dense, soumis à l’expérimentation de la nouvelle procédure liée à la réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon collègue François Autain et moi-même, ainsi que les membres du groupe CRC-SPG, nous nous sommes battu pied à pied contre ce projet de loi.
Je ne vous étonnerai donc guère en vous disant que, après cette lecture au Sénat, le groupe CRC-SPG ne le votera pas.
Nous voterons contre puisque, malgré vos déclarations, que vous voulez rassurantes, madame la ministre, malgré l’adoption de quelques rares amendements positifs, l’esprit de ce projet de loi reste inchangé. Il demeure ce qu’il était initialement, c’est-à-dire un plan de privatisation du service public hospitalier.
M. François Autain. Absolument !
M. Guy Fischer. Dans cette optique, vous créez treize missions de service public afin de permettre aux cliniques commerciales de choisir, parmi ces treize missions, celles qui permettront les plus fortes rémunérations, c’est-à-dire les plus grands profits pour leurs actionnaires.
Cette démarche est à la fois dogmatique et économique.
Elle est dogmatique en ce que votre gouvernement, qui prônait encore, avant l’émergence de la crise, la « concurrence libre et non faussée », ne peut accepter que des secteurs entiers restent hors du domaine marchand.
La privatisation est pour vous non seulement un moyen, mais également une fin en soi.
Elle constitue un objectif économique, puisqu’il s’agit d’appliquer la révision générale des politiques publiques à l’hôpital. Et comment ne pas faire le lien entre le déficit de l’assurance maladie et la volonté de réduire une des sources principales de ce déficit, c’est-à-dire les dépenses relatives à l’hôpital public, notamment en faisant peser une pression constante sur les établissements publics de santé quant à leur équilibre financier, sans tenter de leur apporter les ressources nécessaires ? De toute évidence, ils meurent de sous-financement.
Pour mémoire, vous avez instauré pas moins de trois mesures permettant aux directeurs des agences régionales de santé de moduler les dotations attribuées au titre des missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation, les MIGAC, et, plus grave encore, vous avez introduit une disposition qui permet aux directeurs des ARS d’exiger des directeurs des hôpitaux qu’ils opèrent, dans le cadre de leur plan de retour à l’équilibre, la suppression d’un certain nombre de postes.
C’est cela que, comme les organisations syndicales, comme la Fédération hospitalière de France, nous redoutons : un immense plan social pouvant porter sur des milliers d’emplois. J’ai évoqué le chiffre, à long terme ou à moyen terme, de 20 000.
On sait bien que la restructuration – inévitable, puisqu’on se dirige vers la refonte de la carte hospitalière – conduira certainement à réduire le nombre des établissements de santé. Deux cents ? Trois cents ? L’avenir le dira.
Sans doute seront-ils transformés en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, en établissements de soins de suite, en établissements de réadaptation.
Le seul point sur lequel vous avez reculé et qui a été au cœur de la discussion – et vous en avez fait un élément d’annonce au premier jour du débat –, c’est le report de la convergence tarifaire de 2012 à 2018.
S’agissant de la médecine de ville, je ne peux que regretter la tiédeur des mesures prises et déplorer celles que notre assemblée a supprimées. Je pense particulièrement au testing, à l’inversion de la charge de la preuve pour les patients qui s’estiment victimes d’une discrimination illégale dans l’accès aux soins. À l’évidence, notre assemblée a été la caisse de résonance du corps médical et paramédical.
Au début de nos travaux, à l’occasion de la présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, j’interrogeais notre assemblée en ces termes : « Ce projet de loi permettra-t-il de garantir le droit fondamental de nos concitoyens à la santé, notamment en termes d’accès aux soins ? » Après quatre semaines de débats, il est possible de répondre. Et malheureusement, en la matière, votre loi ne sera pas du tout efficace. Comment pourrait-elle l’être dès lors que vous avez systématiquement refusé d’encadrer et de limiter les dépassements d’honoraires, dont on sait qu’ils représentent la principale barrière dans l’accès aux soins ?
Vous êtes restée sourds aux attentes de nos concitoyens les plus modestes, ceux qui, aujourd’hui, peinent à se soigner et opèrent déjà des choix entre leur santé et leur survie quotidienne.
Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, d’autant moins que, d’après les récentes déclarations du Président de la République, ce gouvernement entend amplifier le champ de compétences des mutuelles complémentaires, au détriment de la protection sociale, c’est-à-dire de l’assurance maladie obligatoire. Autrement dit, il entend faire peser sur les patients eux-mêmes le financement de leur propre droit à la santé. Une telle proposition est, dans la situation actuelle de démutualisation, une véritable provocation.
Par ailleurs, vous avez refusé d’encadrer l’installation des médecins libéraux. Pourtant, nous nous sommes tous accordés sur un point : il existe, à l’heure actuelle, une véritable inadéquation entre les besoins en soins de ville et l’installation des professionnels. Notre désaccord porte sur les réponses à y apporter.
Pour vous, défenseurs de la liberté des médecins, il faut poursuivre la politique incitative lancée depuis des années, c’est-à-dire celle qui n’a pas permis de résorber les déserts médicaux, quand elle ne les a pas amplifiés.
Pour notre part, nous considérons que, face à ce constat, il est nécessaire de procéder à une véritable réforme de la médecine de ville.
C’est pourquoi nous avons proposé, au travers de la reconnaissance du droit à coter CS et de l’extension des rémunérations complémentaires au paiement à l’acte, une revalorisation de la médecine générale, avec un corollaire fondamental pour notre groupe – mais surtout pour celles et ceux de nos concitoyens qui vivent dans les zones de montagnes, à la campagne ou dans les quartiers difficiles –, l’installation des médecins dans les seuls secteurs sous-denses.
Il est de notre devoir d’assurer l’accès continu aux soins de nos concitoyens. Je dois regretter, madame la ministre, mes chers collègues, que, en la matière, nous n’y soyons pas parvenus.
Pour toutes ces raisons, pour celles que nous avons exposées durant ces débats, nous voterons contre ce projet de loi.
À l’évidence, François Autain, moi-même et les membres du groupe CRC-SPG, remercions l’ensemble de nos collaborateurs qui, tout au long de ces semaines, ont permis que ce débat puisse se dérouler dans les meilleures conditions. Le ton a été celui que l’on connaît, mais sur le fond, croyez-moi, nous assistons véritablement aujourd’hui à ce que je considère comme le démantèlement du service public hospitalier ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés, enfin, oserai-je dire, au terme de l’examen de ce projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Nos débats ont été certes riches, parfois constructifs, mais aussi, soyons francs, insatisfaisants sur la forme, avec un calendrier particulièrement dense, des amendements déposés par le Gouvernement à tout moment, le report des articles additionnels en fin de titre, qui n’ont fait que relancer des thématiques déjà abordées et largement épuisées...
Nous avons néanmoins fait preuve d’adaptation et de disponibilité.
Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à notre rapporteur, Alain Milon, au président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, ainsi qu’à l’ensemble du personnel de la commission, pour le travail considérable qu’ils ont accompli.
Je veux également saluer votre patience et votre sollicitude madame la ministre, ainsi que celles de Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Cela étant, je crois qu’il faudra tirer des enseignements de ce débat pour l’organisation des discussions futures.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Gilbert Barbier. Sur le fond, il y aurait beaucoup de choses à dire, ou à redire, mais il est un peu trop tard pour entrer dans le détail.
Notre système de santé, nous le savons, présente aujourd’hui de redoutables symptômes, en particulier un financement fragilisé, un pilotage contesté et éclaté et, surtout, des inégalités très profondes dans l’accès aux soins.
Les avancées scientifiques et technologiques ont, certes, rendu la médecine plus fiable, mais les problèmes d’organisation des soins, de démographie médicale privent nombre de Français du bénéfice de ces performances.
Votre projet de loi, madame la ministre, était donc très attendu.
À l’Assemblée nationale, il a connu des modifications sensibles, qui ne sont d’ailleurs pas toujours apparues comme des améliorations. Loin d’emporter l’adhésion de ceux qui font l’excellence de l’hôpital – je veux parler bien sûr des médecins –, il a plutôt provoqué leur grogne, leur incompréhension, leur révolte. Certaines dispositions ont laissé penser que la logique comptable prenait le pas sur le projet médical.
À l’hôpital, vous défendiez l’idée d’un « seul patron » aux pouvoirs renforcés. II faut effectivement un décideur, mais toute réorganisation, pour être efficace, doit être concertée et comprise par l’ensemble des personnels, notamment, en l’occurrence, par le corps médical.
Le texte sur lequel le Sénat va se prononcer implique davantage la commission médicale d’établissement dans le fonctionnement des établissements et la nomination des personnels médicaux ; il prévoit, par exemple, trois vice-présidents dans les CHU ; il associe plus étroitement le conseil de surveillance aux orientations stratégiques. Il me semble que c’est un texte d’apaisement.
Sur ces points, un certain nombre d’amendements du groupe RDSE ont été adoptés ou satisfaits, notamment celui qui vise à conserver la présidence du conseil de surveillance aux élus locaux. Je m’en félicite, même si je mets en garde contre une certaine politisation de cette instance.
Certaines dispositions du texte relevaient aussi de la provocation, notamment vis-à-vis des praticiens exerçant en secteur 2. Je pense aux amendements de nos collègues députés Yves Bur et Jean-Luc Préel, qui ont été très mal acceptés. Ce n’est certes pas de cette manière que l’on réglera le problème de la désaffection pour certaines spécialités.
M. François Autain. Comment, alors ?
M. Gilbert Barbier. Fort heureusement, on est revenu à plus de raison !
Mais nous avons bien compris que nombre de partisans d’une fonctionnarisation de la santé siégeaient sur ces travées, et qu’ils restaient très actifs.
La stigmatisation des professionnels libéraux crée un sentiment de malaise. Comme s’ils étaient responsables de l’imprévoyance des gouvernements passés en matière de démographie !
M. François Autain. Mais oui !
M. Gilbert Barbier. En ce qui concerne l’accès aux soins, le texte contient des dispositions intéressantes : les missions de service public, les schémas régionaux d'organisation sanitaire, les schémas régionaux d'organisation médico-sociale, la coordination entre l’hôpital et les soins ambulatoires par les agences régionales de santé, la régionalisation du numerus clausus, le contrat santé solidarité, le contrat d’engagement de service public.
M. François Autain. Tu parles !
M. Gilbert Barbier. Bien sûr, on peut formuler des regrets : par exemple, à propos du refus du rétablissement des compétences, disposition qui n’a pas été acceptée par incompréhension du problème pratique posé.
Mais, globalement, le Sénat a su résister à la tentation de mesures coercitives et de cette fonctionnarisation du corps médical. Personnellement, je m’en réjouis.
M. François Autain. Évidemment !
M. Gilbert Barbier. Il faut néanmoins engager dès à présent une véritable concertation conventionnelle avec les médecins pour régler le problème de la désertification médicale, non seulement en médecine générale, mais également dans de nombreuses spécialités.
Les formes de coopération envisagées avaient pu susciter des inquiétudes dans le projet de loi initial. Certaines sont légitimes, et je crois que le texte du Sénat, qui remanie profondément les articles relatifs aux communautés hospitalières de territoire et aux groupements de coopération sanitaire, y répond en faisant une large part au volontariat et en levant des difficultés techniques. Sur ce point aussi, certains de nos amendements ont été satisfaits.
Je note également l’adoption de mon sous-amendement rétablissant trois collèges au sein de l’UNCAM, disposition essentiellement de bon sens et non dictée par une quelconque idéologie.
Solidarité et accès de tous à des soins de qualité doivent rester les fondements intangibles de notre système. Pour autant, cette ambition a un coût qui oblige chacun des acteurs, le secteur de l’hospitalisation comme la médecine de ville, à une gestion rigoureuse et responsable.
J’estime que le texte du Sénat donne les moyens de satisfaire cette exigence. C’est pourquoi, à titre personnel, je le voterai, en souhaitant que la commission mixte paritaire ne bouscule pas trop l’équilibre du texte issu des travaux de la Haute Assemblée.
En revanche, il n’en sera pas de même pour plusieurs de mes collègues du groupe du RDSE. Beaucoup doutent, en effet, que les mesures proposées pour réduire les inégalités d’accès aux soins, notamment en zone rurale, soient suffisantes. Il est vrai qu’elles ne trouveront leur plein impact que dans un délai de deux à quatre ans, voire de dix ans pour certaines d’entre elles. Or il y a urgence.
Mes collègues regrettent qu’aucune mesure immédiate ne soit proposée pour orienter l’installation dans les zones sous-dotées ou pour garantir l’accès à des soins à tarifs opposables.
Ils craignent, en outre, une restructuration hospitalière à marche forcée et, surtout, ils redoutent que la logique de rentabilité ne prenne le pas sur le facteur éthique et humain propre aux questions de santé.
C’est pourquoi la majorité de mes collègues du RDSE votera contre ce projet de loi, tandis que d’autres s’abstiendront.
Pour ma part, avec Aymeri de Montesquiou, j’apporterai mon soutien à ce texte tel qu’il ressort des travaux de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur le banc de la commission.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est très important, en particulier en matière de gouvernance du système de santé, de gouvernance hospitalière et d’organisation des soins ambulatoires.
Il répond à des inquiétudes et donne corps à des propositions que nous avons formulées à de nombreuses reprises.
Depuis plusieurs années, nous en appelons à une régionalisation de la gouvernance du système de santé et, depuis 2004, nous ne cessons de dire que la réforme de l’hôpital est absolument indispensable et que la lutte contre les déserts médicaux est urgente.
Deux points qui suscitaient notre inquiétude ont fait l’objet de substantielles améliorations.
D’abord, l’agence régionale de santé sort démocratisée de nos travaux. En effet, conformément à ce que nous avons demandé via plusieurs de nos amendements, la conférence régionale de santé et de l’autonomie, organe de la démocratie sanitaire au sein de l’ARS, a vu son rôle renforcé.
Il en est de même quant à la gouvernance hospitalière. À l’issue de nos travaux, l’équilibre entre pouvoir administratif, pouvoir sanitaire et pouvoir politique est autrement plus satisfaisant que ce qui nous était initialement proposé. D’ailleurs, le modus vivendi auquel nous sommes parvenus semble satisfaire l’ensemble des parties prenantes.
En outre, l’examen du texte a permis de voir plus clair sur l’articulation entre politiques nationales et politiques régionales de santé.
Pour ce qui concerne l’articulation des ARS avec l’État, il est maintenant établi que chaque agence a vocation à appliquer la politique nationale de santé dans la région de son ressort.
De plus, les missions du conseil de pilotage chargé de coordonner les agences sont explicitées.
S’agissant de l’articulation des ARS avec les collectivités, grâce à l’adoption de l’un de nos amendements, le projet garantit clairement que les compétences des agences s’exerceront dans le respect de celles des collectivités.
Si les avancées sont nettes en matière de gouvernance, nous ne sommes pas complètement satisfaits pour ce qui touche à l’organisation des soins ambulatoires.
Certes, nous reconnaissons que ce projet de loi s’inscrit dans la dynamique vertueuse engagée à partir de 2004 par l’institution du médecin traitant et du parcours de soins ou encore par la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité médicale.
Des mesures inscrites dans le présent projet de loi, telles que la définition des soins de premier recours, la reconnaissance des missions des médecins généralistes ou le développement de l’éducation thérapeutique, s’inscrivent incontestablement dans cette logique.
Cependant, nous aurions pu aller plus loin.
Les amendements que nous avons présentés et qui, pour l’essentiel, n’ont pas connu un sort favorable, s’articulaient autour de trois axes essentiels.
Premièrement, nous souhaitions promouvoir la formation au métier de médecin généraliste de premier recours, en particulier en organisant une véritable spécialité en quatre ans. Cette idée n’a pas été retenue.
Deuxièmement, nous souhaitions rénover le cadre de la coopération entre les professionnels de santé. Comme le révèle le rapport Berland de 2003, organiser la délégation d’actes entre professionnels de santé et créer de nouvelles professions médicales intermédiaires est aujourd’hui nécessaire pour dégager du temps médical. Le texte n’est pas assez ambitieux à cet égard et ne répond pas aux vraies questions que pose l’offre de soins pour tous.
Troisièmement, nous souhaitions promouvoir l’exercice regroupé et pluridisciplinaire de la pratique ambulatoire. Cela passe par le développement des centres de santé et, surtout, par celui des maisons de santé pluridisciplinaires. Ici encore, le texte n’apporte aucune avancée majeure. Il se borne simplement – mais c’est déjà une bonne chose ! – à mettre les centres et maisons de santé au nombre des institutions concourant à l’exécution du service public médical.
Très vite, madame la ministre, il nous faudra aller plus loin sur chacun de ces trois axes.
Il n’en reste pas moins que, globalement, le projet de loi HPST comporte des avancées réelles, d’autant plus réelles que l’immense travail fourni par la Haute Assemblée, en particulier par la commission des affaires sociales, a permis de l’infléchir substantiellement dans le bon sens.
J’en profite pour féliciter notre rapporteur, Alain Milon, pour le sérieux et la rigueur de son travail, ainsi, évidemment, que le président Nicolas About, qui a su excellemment organiser les travaux de la commission sur ce texte volumineux et complexe.
Je remercie également les collaborateurs de la commission.
Enfin, je vous remercie, madame la ministre, de votre écoute et de votre détermination à toujours laisser ouverte la voie du dialogue.
Il faut le souligner, nos débats se sont déroulés dans une atmosphère extrêmement constructive d’écoute mutuelle.
Ce sont autant de raisons pour lesquelles une très large majorité des membres du groupe de l’Union centriste votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)