Article 4
Les montants exprimés en euros dans la présente loi sont adaptés annuellement à l'indice des prix à la consommation en France.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 n’est pas adopté.)
Article 5
La présente loi s'applique aux revenus de l'année 2008 et des années suivantes.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dispositions de l'article premier sont applicables à compter de l'imposition des revenus de 2009.
Lorsqu'ils sont soumis à prélèvement libératoire, les revenus visés aux articles 2 et 3 sont imposables dès la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise simplement à remplacer la date de 2008 par celle de 2009. Il faut dire que nous avions déposé la présente proposition de loi le 15 octobre 2008.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission est défavorable à l’article 5 et l’amendement n’est pas de nature à modifier cet avis ! La commission est donc défavorable à l’amendement n° 16 et demande le rejet de l’article 5.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 n’est pas adopté.)
Article 6
I - À la fin du premier alinéa de l'article L. 225-38 du code du commerce, les mots : « du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée générale ».
II - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Cette convention est soumise à l'accord du comité d'entreprise. »
III - À la fin de la première phrase du second alinéa de l'article L. 225-39 du même code, les mots : « au président du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « à l'assemblée générale des actionnaires ».
IV - Dans le premier alinéa de l'article L. 225-42 du même code, les mots : « du conseil d'administration », sont remplacés par les mots : « de l'assemblée générale des actionnaires ».
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 6, sur lequel la commission a émis un avis défavorable, comporte des dispositions qui sont pourtant attendues par des millions de salariés.
Nous proposons que les conventions réglementées ne soient plus soumises à la seule approbation du conseil d’administration, mais à l’accord conjoint de l’assemblée générale des actionnaires et du comité d’entreprise.
Nous entendons répondre à une exigence de transparence sur la rémunération des dirigeants, qui est composée d’une part fixe et d’éléments variables. Cette proposition repose donc sur le double contrôle préalable de ces conventions par les actionnaires et par les salariés, à travers leurs représentants au comité d’entreprise.
L’avis du rapporteur sur notre proposition me surprend. Pour lui, le droit actuel, qui confie l’immense majorité des outils de contrôle et de surveillance au conseil d’administration – au détriment de l’assemblée générale des actionnaires ou des salariés – est un principe équilibré.
Mais, en cas de non-respect par un dirigeant d’entreprise des règles de consultation du conseil d’administration, la convention est nulle et le conseil d’administration a toute latitude pour exiger qu’elle soit déclarée comme telle. À l’inverse, en cas de non-respect des règles relatives à la consultation de l’assemblée générale des actionnaires ou du comité d’entreprise, la convention reste valable. Est-ce là ce que l’on appelle un principe équilibré ?
La majorité, qui se fait chaque jour le défenseur de l’actionnariat, qui dit vouloir en finir avec un actionnariat spéculatif pour retourner à un système régulé, plus humain, refuse une disposition qui aurait pour conséquence de reconnaître chaque actionnaire, en lui confiant un droit de surveillance plus approfondi en fonction d’une règle que vous devriez soutenir : une personne, une voix.
Notre proposition de conditionner la validité des conventions à l’approbation du comité d’entreprise est traitée avec mépris. Alors qu’hier encore éclatait au grand jour un nouveau scandale concernant une filiale du Crédit agricole qui aurait distribué plus de 50 millions de bonus, tout en élaborant un plan de licenciement de plus de soixante-dix salariés, il serait bon qu’un contrôle des salariés sur la gestion économique et les choix stratégiques de l’entreprise vienne bouleverser de telles habitudes !
Le plaidoyer en faveur de l’autodiscipline n’est plus crédible. Face à la multiplicité des abus, les salariés, y compris ceux de Continental à Clairoix – que M. le rapporteur connaît bien – doivent pouvoir disposer de réels contre-pouvoirs face aux actionnaires majoritaires.
Ces salariés sont licenciés, sous prétexte que l’entreprise n’est pas assez rentable, alors même que les actionnaires accumulent les profits et que les mandataires sociaux ont des rémunérations parfois vingt fois supérieures aux salaires médians !
Vous dites vouloir instaurer de la morale ; vous dites vouloir faire en sorte que les dirigeants prennent leurs responsabilités. On le voit depuis une semaine, les appels du Gouvernement, du Président de la République, et même ceux – contraints, il est vrai – du MEDEF n’y changent pas grand-chose. Il faut faire sortir la question de la rémunération des dirigeants du cercle fermé des conseils d’administration, dans lesquels ces dirigeants se croisent, se cooptent, s’organisent en réseau pour bénéficier les uns et les autres de très avantageux jetons de présence. Dans ce système, l’un est président du conseil d’administration quand l’autre est membre du conseil de surveillance, et vice versa dans une autre entreprise.
Il faut de la transparence et de la démocratie sociale. C’est l’objet de cet article 6, sur lequel le groupe CRC-SPG demande un scrutin public. (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Alain Gournac. Le cinéma continue !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais à nouveau lancer un appel à nos collègues du groupe CRC-SPG, qui prennent des engagements et ne les tiennent pas ! Il est tout de même fâcheux qu’ils continuent de demander des scrutins publics à répétition alors que le vote est identique chaque fois ! À quoi cela sert-il ? C’est un dévoiement du débat parlementaire.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ça suffit, les insultes !
Mme Annie David. Qui manifeste le plus de mépris, dans cet hémicycle ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En ce qui concerne l’article 6, je rappellerai que les administrateurs qui approuvent des conventions réglementées sont dans l’obligation de soumettre ces conventions à l’assemblée générale des actionnaires et engagent personnellement leur responsabilité.
Du point de vue de la commission des finances, il n’y a pas lieu de modifier cette législation. C’est la raison pour laquelle elle demande au Sénat de rejeter l’article 6.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 134 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je suis chargé d’exprimer la position du groupe socialiste sur la proposition de loi qui doit – normalement – être examinée après le présent texte. Or, vous avez tout à l’heure indiqué qu’à dix-neuf heures, selon la façon dont les choses se passaient, soit vous appelleriez en discussion ladite proposition de loi, de façon qu’elle soit examinée dans son entier, soit vous lèveriez la séance dès la fin de l’examen du présent texte.
Je ne vous cache pas que nous souhaiterions savoir ce que vous allez décider, puisqu’il est dix-neuf heures quatre.
M. le président. En effet, mon cher collègue, il a été décidé que, si l’examen du présent texte était terminé à dix-neuf heures, nous étudierions le suivant dans la foulée.
Or, nous n’en aurons pas terminé avec la présente discussion avant dix minutes ou quinze minutes ? Dans ces conditions, monsieur Collin, acceptez-vous que l’examen de votre proposition de loi soit reporté à une date ultérieure ?
M. Yvon Collin. Notre position reste inchangée : nous souhaitons que notre texte soit examiné aujourd’hui, sinon, sa discussion sera reportée au mois d’avril et perdra tout son sens.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-38 du code de commerce est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La rémunération du président du conseil d'administration et du directeur général est soumise à autorisation du conseil d'administration.
« La rémunération et l'augmentation de la rémunération du président du conseil d'administration et du directeur général doit faire l'objet, au préalable, d'un avis conforme du comité d'entreprise et de l'assemblée générale des actionnaires. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission souhaite le rejet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
Le premier alinéa de l'article L. 2242-1 du code du travail est complété par la phrase suivante :
« Cette négociation porte également sur les éléments de rémunérations versées aux dirigeants salariés de l'entreprise, sous quelque forme que ce soit, notamment dans le cadre des dispositions visées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, vous alliez encore oublier de me donner la parole pour explication de vote, peut-être parce que les arguments que j’entendais développer, en ce qui concerne l’Allemagne et les Pays-Bas, ne vous convenaient pas : ils allaient à l’encontre de ce qui avait été dit initialement.
Avec cet article 7, nous entendons modifier l’article L. 2242-1 du code du travail, qui tend à organiser dans les entreprises une ou plusieurs sections syndicales afin d’encadrer les négociations annuelles obligatoires.
Notre proposition est donc – M. le rapporteur l’avait d’ailleurs bien résumée – d’intégrer dans le champ de ces négociations annuelles obligatoires la question de la rémunération des dirigeants d’entreprise, particulièrement pour ce qui est des éléments variables de rémunération, qu’il s’agisse de stock-options, d’attributions gratuites d’actions ou de parachutes dorés.
Pour nous – chacun, ici, l’aura compris –, il s’agit de permettre aux salariés d’entreprises de connaître clairement la rémunération totale des mandataires sociaux qui les dirigent : il ne serait pas illégitime que les salariés, qui continuent à produire de la richesse, soient informés des conséquences financières de leur travail sur les rémunérations de leurs propres dirigeants.
Si nous proposons de l’intégrer aux négociations annuelles obligatoires, c’est précisément parce que nous considérons que les salariés doivent pouvoir participer à la fixation de cette rémunération, et ce précisément parce que trop souvent celle-ci est sans commune mesure avec celle qui est pratiquée dans l’entreprise.
Je citerai un exemple : en 1930, l’industriel américain Henry Ford préconisait que, pour être admissible, l’écart de salaires entre les salariés et les dirigeants devait être de 1 à 40. Il est aujourd'hui de 1 à 400. C’est dire ! Cette hausse considérable entre le salaire moyen et la rémunération de certains dirigeants d’entreprises n’est pas la cause de la bulle spéculative, elle en est la manifestation. Elle atteste à quel point la recherche de l’argent pour l’argent, la spéculation financière, conduit à tous les abus.
Cet emballement spéculatif, qui profite aux actionnaires et à certains dirigeants, joue bien sûr contre les salariés, à qui l’on impose au choix des périodes forcées d’inactivité, des gels ou des réductions de salaires, le retour en arrière sur les acquis sociaux – je pense au retour aux 40 heures, avec les conséquences que l’on connaît, notamment à Continental – ou bien à qui l’on impose délocalisations et licenciements.
C’est donc précisément parce que les salariés sont victimes de cette politique spéculative que nous entendons leur donner le droit d’intervenir en ce domaine.
Certains d’entre vous, mes chers collègues, s’étonnent de ce que nous demandons des scrutins publics sur chaque article : c’est parce que nous voulons que la France entière sache, demain, qui, dans cette enceinte, de Dupont ou de Durand a voté contre le bouclier fiscal, pour les stock-options ou pour des rémunérations monstrueuses ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est important ! On le fera savoir dans les départements !
M. Thierry Foucaud. Cela ne vous plaît pas, parce que vous serez gêné un jour de vos prises de position actuelles. Nous le savons ! Votre fébrilité le prouve !
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 225-40 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Un rapport sur les rémunérations des dirigeants de l'entreprise est rédigé chaque année en début d'exercice, qui présente la politique de rémunération de l'entreprise, les objectifs et les modes de rémunérations qu'elle met en œuvre, ainsi que les critères de la relation entre les rémunérations et les performances individuelles des dirigeants. Ce rapport est élaboré par le comité des rémunérations, composé d'administrateurs indépendants, qui délibèrent en l'absence des dirigeants. Les institutions représentatives du personnel ont la possibilité d'interroger les dirigeants sur le contenu dudit rapport. Les réponses apportées sont intégrées dans le rapport. Le rapport est validé par l'assemblée générale des actionnaires. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement est défendu, de même que l’amendement n° 14.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission demande le rejet de cet amendement, de même que celui de l’amendement n° 14.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 225-40 du code de commerce est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Dans ce rapport, figure une annexe spécialement consacrée à toutes les rémunérations allouées au président du conseil d'administration et au directeur général. Cette annexe met en évidence, en les séparant, la partie fixe et la partie variable des rémunérations octroyées. »
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, l’ensemble des articles ayant été repoussés, la proposition de loi est rejetée.
8
Service d'accueil des élèves dans les communes de moins de 2000 habitants
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d’accueil des élèves d’écoles maternelles et élémentaires, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues (nos 219, 289).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, co-auteur de la proposition de loi.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous avons l’honneur de vous présenter aujourd’hui est un texte dicté par le bon sens et l’expérience, élaboré de surcroît au terme de nombreux échanges tenus avec les maires de nos départements respectifs, un texte que nul ne saurait qualifier de malvenu dans cette enceinte, où la majorité d’entre nous sait pertinemment ce qu’est une petite commune, connaît ses problèmes et mesure les difficultés que rencontrent tous les jours ses élus.
J’ai déjà eu à me prononcer sur le dispositif du service minimum d’accueil, créé par la loi du 20 août 2008 instituant un droit – et non un devoir – d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires les jours de grève, une loi très difficile à appliquer si, bien entendu, les maires veulent le faire correctement et non dans une improvisation qui, à l’usage, peut se révéler désastreuse.
Si je peux naturellement concevoir que l’instauration d’un droit d’accueil n’était pas a priori une mauvaise idée, force est de constater que sa mise en place a constitué une sorte de « supercherie », faisant miroiter auprès des familles une aide qu’il était pratiquement impossible de mettre en œuvre.
Au reste, monsieur le ministre, cette loi n’a-t-elle pas suscité, dès sa publication, l’opposition des syndicats, qui voient en elle la violation même du droit de grève, et celle des parents d’élèves, inquiets de voir l’école enseignante transformée en vulgaire garderie ?
De nombreux élus, pour leur part, surtout ceux des zones rurales, les plus directement concernés, se sont émus d’un système faisant reposer sur leurs épaules toute l’application d’un texte qu’ils n’ont ni souhaité ni demandé.
Je ne parle pas de la justice, qui, dans de nombreux cas, a donné raison aux maires réfractaires à l’application de cette loi ; je pense, en particulier, à cet arrêt du tribunal administratif de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, qui fera probablement jurisprudence et qui explicite le principe suivant : « Nul ne saurait être contraint de faire ce qu’il ne peut objectivement pas mettre en œuvre ». Cet arrêt est au demeurant parfaitement conforme à la jurisprudence du Conseil d’État sur la recevabilité des recours en référé.
Monsieur le ministre, pensez-vous sérieusement que le maire d’une commune de moins de deux mille habitants – la majorité des communes du terroir dont je suis l’élue sont de cette taille, et nous sommes nombreux, ici, à en être les élus, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons – peut, tout à la fois, préparer un dispositif d’accueil dans un délai très court, à savoir moins de quarante-huit heures, trouver les collaborations nécessaires pour appliquer une réglementation qui exige, par ailleurs, un encadrement d’un adulte pour garder vingt enfants, recenser les compétences professionnelles, ou tout au moins la formation, des bénévoles requis, mettre en place un service de restauration, veiller à l’organisation modifiée des transports scolaires – que sais-je encore ? – sans tomber dans le piège d’une mauvaise garderie, parfois non dénuée de risques et de dangers ?
Tous, sans exception, nous avons mesuré, dans nos départements, nos cantons, nos villages, l’extrême difficulté d’appliquer ce qui, il faut bien le reconnaître, est une loi précipitée, produit d’une absence totale de concertation.
Cette constatation, encore une fois de bon sens, mes collègues du groupe RDSE et moi-même ne sommes pas les seuls à l’avoir formulée, puisque le Président de la République lui-même, le 27 novembre dernier, à l’occasion du 91e congrès des maires de France, a fait, en public, la déclaration suivante : « C’est vrai qu’on ne peut pas demander la même obligation de service à un maire d’une commune rurale qui n’a même pas dans ses collaborateurs un employé titulaire ayant le BAFA et [à un maire] d’une grande ville d’un ou deux millions d’habitants. Je le comprends parfaitement et l’on doit pouvoir trouver un accord. » C’est précisément pour trouver cet accord – du moins, je l’espère ! – que nous sommes réunis aujourd’hui. Et c’est la raison même de cette proposition de loi, dont l’objet est justement d’exclure du dispositif d’accueil les petites communes de moins de 2 000 habitants, seuil qui nous paraît raisonnable.
Le Sénat devrait, en toute logique, approuver ce texte à une large majorité, puisqu’il s’inscrit dans le droit-fil des propos présidentiels.
M. Yvon Collin. Tout à fait !
Mme Anne-Marie Escoffier. Je dis « devrait », car, à mon grand étonnement, j’ai constaté, monsieur le rapporteur, que, dans vos conclusions, vous préconisiez le contraire. Ne pourrait-on pas s’étonner que la gauche de notre assemblée suive les conclusions préconisées par M. Sarkozy, tandis que la droite les récuserait d’un revers de la main, avec des arguments qui, pour le moins, me semblent fallacieux ?
M. Yvon Collin. Absolument !
Mme Anne-Marie Escoffier. Ces arguments, du reste, quels sont-ils ?
En tout premier lieu, monsieur le rapporteur, vous-même avez indiqué en réunion de commission que les difficultés rencontrées « ne justifiaient pas de modifier en profondeur la répartition des compétences prévues par la loi ». Voilà une appréciation quelque peu arbitraire, qui me paraît au demeurant contraire à ce que m’ont confié les maires de mon département et de ceux des signataires de la présente proposition de loi, dont je ne saurais croire qu’ils sont différents des autres.
Permettez-moi, cher collègue rapporteur, de m’étonner de certaines affirmations de votre rapport qui, sur ce point, me paraissent trahir une véritable méconnaissance…
M. Philippe Richert, rapporteur. Oh !
Mme Anne-Marie Escoffier. … d’un système scolaire que je crois connaître de l’intérieur.
M. Philippe Richert, rapporteur. Moi aussi, et peut-être aussi bien que vous !
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. En deuxième lieu, vous avez ajouté que « le service d’accueil ne peut être bien organisé qu’à l’échelle locale » ; tout dépend, bien sûr, de ce que l’on met derrière les mots « échelle locale ». Pour bien connaître les petites communes ne disposant d’aucun moyen humain ni de structures adaptées, je sais les difficultés, voire les impossibilités, auxquelles celles-ci se heurtent pour mettre en place une telle organisation. À ce sujet, monsieur le rapporteur, vous avez reconnu vous-même que « l’organisation du service d’accueil est une lourde charge pour les communes, et notamment pour les plus petites d’entre elles », avant de vous étendre longuement sur le cas « des communes ayant essayé de bonne foi d’appliquer le texte sans y parvenir [et dont les maires] ont assez mal vécu, et cela se comprend, d’être assignés devant les tribunaux administratifs, l’État semblant ainsi les stigmatiser au lieu de les aider à surmonter leurs difficultés ».
N’est-ce pas, en substance, dire : « Je suis tout à fait d’accord avec la proposition de loi du RDSE, mais je ne puis le dire » ?
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. En troisième lieu, le ministère de l'éducation nationale, à la suite d’une prétendue concertation avec les maires, a apporté une première série de réponses aux petites communes. Or celles-ci relèvent davantage, selon moi, du catalogue de bonnes intentions que de la réalité des faits.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
Mme Anne-Marie Escoffier. À la suite de quoi, monsieur le rapporteur, vous avez déclaré, toujours au cours de cette réunion de commission, que le « service d’accueil n’a donc rien d’impossible par principe ». N’est-ce pas juste le contraire de ce que vous aviez dit auparavant ?
Je voudrais ajouter, en quatrième lieu, mais vous vous en souvenez sûrement, monsieur le ministre, que je m’étais rebellée…
M. Philippe Richert, rapporteur. Le grand mot !
Mme Anne-Marie Escoffier. … contre l’affirmation, exprimée ici même, selon laquelle les préfets et les inspecteurs d’académie auraient mal relayé l’information sur ce nouveau système d’accueil : c’est une affirmation insupportable pour moi et pour bien des collègues qui savent la confiance dont jouissent, légitimement, ces hauts fonctionnaires.
Nous ne saurions accepter des réponses trop simples, ou trop vagues, à la très sérieuse interrogation que nous nous posons et que se posent, avec nous, l’immensité des petites communes de France, confrontées à la quasi-impossibilité d’organiser, les jours de grève, un service d’accueil dans les écoles maternelles et élémentaires.
Monsieur le ministre, j’ai lu avec attention, comme tous les maires, les circulaires que vous avez adressées à ces derniers aux mois de janvier et février derniers, pour leur suggérer quelques « bonnes recettes » afin que soit adopté le nouveau système. Vous soulignez notamment l’absolue nécessité de procéder, au plus tôt, au paiement des communes ayant organisé le droit d’accueil. L’argument n’est pas négligeable.
Plus contestable est l’argument relatif à l’énumération des personnels susceptibles d’être mobilisés pour assurer l’accueil des enfants, parmi lesquels figurent, au premier chef, les jeunes retraités de l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, pouvez-vous, en conscience, imaginer que de jeunes retraités, qui, quelques mois plus tôt, auraient été au nombre des grévistes, se feraient aujourd’hui personnels de substitution de leurs anciens collègues ? Trahison, cela s’appellerait trahison à un code d’honneur ! (Marques d’approbation sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, je veux délibérément me placer sur un plan concret, pragmatique : c’est à ce niveau que j’ai eu à gérer de telles situations, ce qui donne, me semble-t-il, quelque crédibilité à mes propos. Vous le comprenez aussi, nous sommes tous, ou presque tous, ici, à être concernés par cette question, qui dépasse largement les clivages traditionnels, d’autant que le Chef de l’État, lui-même, s’est exprimé dans le même sens que les signataires du présent texte.