Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur.
M. Éric Doligé, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le président du Sénat qui nous faites l’honneur d’assister à ce débat qui vous passionne, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, le Sénat a été saisi du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer le 28 juillet dernier
Ce texte a été renvoyé au fond à la commission des finances. La commission des lois, la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales, saisies pour avis, ont également apporté leur expertise.
Le contexte dans lequel nous étudions ce projet de loi est, à plusieurs titres, particulier.
En effet, depuis l’élaboration du texte, la situation économique et sociale de l’outre-mer français a beaucoup évolué. Outre la crise financière globale, déjà évoquée, qui les touche au même titre que la métropole, les départements d’outre-mer sont au cœur d’une crise sociale particulièrement violente, depuis maintenant plus d’un mois.
L’onde de choc, partie de la Guadeloupe, a atteint, depuis, les autres départements d’outre-mer. Aujourd’hui, à la Réunion, un appel à la grève générale est lancé. Les pressions de tous ordres sont de plus en plus nombreuses. Les événements de l’actualité dépassent largement les règles normales de la démocratie.
Il résulte de cette situation très spécifique deux difficultés. Il s’agit, d’une part, d’un certain « décalage » des dispositifs proposés par le projet de loi initial, qui n’ont pas été prévus pour répondre à la situation de crise actuelle, dont les origines sont très anciennes ; il s’agit, d’autre part, d’un examen par la commission des finances de dispositions que le Gouvernement a annoncé vouloir amender de façon significative et qui ne seront sans doute pas adoptées telles quelles par notre assemblée.
Madame le ministre, vous nous avez dit, voilà quelques instants, que le Gouvernement serait attentif et ouvert à nos amendements. Permettez-moi de préciser que, le texte présenté étant celui de la commission, nous serons nous-mêmes très attentifs aux amendements que proposera le Gouvernement ; peut-être y apporterons-nous des réponses positives… (Sourires.)
Toutefois, je souhaite insister sur le fait que les mesures du projet de loi que nous allons examiner restent pertinentes. Certes, nous en sommes conscients, elles ne se suffiront pas, à elles seules, à répondre à la crise que connaît l’outre-mer aujourd’hui ; telle n’est d’ailleurs pas leur vocation.
Elles constituent, en réalité, le premier volet d’un plan plus vaste, qui va se déployer au cours des prochains mois.
Le Président de la République a ainsi annoncé la tenue d’États généraux pour l’outre-mer, qui, en donnant le temps de la réflexion, permettront d’apporter à cette crise les éléments de réponse qu’elle mérite.
Dans cette attente, les dispositions du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, tel qu’il a été adopté par la commission des finances, rendront plus efficaces les mécanismes de soutien à l’activité économique.
La principale mesure du texte est la mise en place, dans les départements d’outre-mer, de zones franches d’activités offrant des avantages fiscaux aux entreprises. Cette mesure fait suite à un engagement pris par le candidat Nicolas Sarkozy.
Ces zones franches d’activités concerneront la très grande majorité des PME des départements d’outre-mer. Le régime applicable à ces zones se caractérise par des exonérations sous la forme d’abattements de 50 % des bases d’impôt sur les bénéfices, de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties, dans la limite d’un plafond de 150 000 euros. Certaines zones géographiques et certains secteurs bénéficieront d’un abattement préférentiel égal à 80 % des bases d’imposition.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit l’ajustement d’un certain nombre de dispositifs déjà mis en place, dont l’efficacité s’est révélée incertaine.
Ainsi, le taux de la réduction d’impôt consentie au titre des navires de plaisance dans les DOM passe de 70 % à 50 %. Il est également prévu que les collectivités d’outre-mer qui disposent d’une autonomie fiscale devront avoir signé avec l’État une convention fiscale pour pouvoir bénéficier de la défiscalisation.
La réforme de la TVA dite « non perçue récupérable », ou TVA NPR, est un autre exemple de ces ajustements. La TVA NPR est un dispositif très spécifique, qui permet aux entreprises d’outre-mer de récupérer la TVA, y compris sur des importations de biens qui en sont exonérés. Elles sont donc remboursées d’une TVA qu’elles n’ont pas payée. Ce dispositif est réformé et encadré par le présent projet de loi.
Enfin, un titre entier du projet de loi porte sur le logement, notamment social.
L’outre-mer français connaît une situation particulièrement précaire en matière d’habitat pour les plus démunis. Moins de 8 000 nouveaux logements ont été construits dans les DOM en 2007, pour un nombre de demandes non satisfaites supérieur à 64 000 ; on parle même de 100 000 demandes en attente.
Le projet de loi prévoit, pour remédier à ce déficit dramatique, de recentrer sur le logement social le dispositif de défiscalisation du logement en vigueur aujourd’hui. Nous serons certainement amenés à examiner un grand nombre d’amendements visant à trouver des solutions pour le domaine du logement intermédiaire. Le régime actuellement applicable entraîne d’importants effets pervers : il favorise essentiellement le logement à loyer libre, pour lequel la demande est faible ; il entraîne un renchérissement important du coût du foncier et empêche les entreprises de construction de se consacrer à ce qui devrait être la priorité en outre-mer, à savoir le logement social.
Le texte vise donc à supprimer la quasi-totalité de l’ancien dispositif de défiscalisation et à en instaurer un nouveau, centré sur cette catégorie d’habitat.
Outre ces éléments, le Gouvernement a déposé plusieurs amendements portant mesures d’adaptation et de complément au projet de loi tel qu’il ressort des débats de la commission des finances.
Ces amendements visent essentiellement à renforcer le dispositif des zones franches d’activités et à assouplir la dégressivité des exonérations de charges sociales adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009. Ils prennent ainsi en compte la situation actuelle de l’outre-mer. C’est la raison pour laquelle la commission des finances, qui aura l’occasion de préciser sa position au cours des débats, s’est déclarée favorable à la majorité de ces amendements, mais non à leur totalité ! (Sourires.)
Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour formuler quelques observations personnelles, dont j’ai déjà fait part à M. le secrétaire d’État lors de son audition par la commission des finances, mais que j’ai plaisir à rappeler dans cette enceinte.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, nous avions demandé que l’application de la révision de la règle des charges sociales soit liée à la mise en œuvre de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, ou LODEOM. C’était impossible, nous a-t-il été répondu, et vous vous souvenez certainement, mes chers collègues, du débat que nous avons eu à ce sujet.
Ensuite, à l’occasion de l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, en tant que rapporteur pour avis, j’avais souhaité l’application du RSA en outre-mer dès 2009, et non en 2011. Cela paraissait alors impensable !
Je constate que, sur ces deux points, la commission aurait eu raison avant l’heure !
Autre remarque, je viens de découvrir que les ignames, autrefois produites en Guadeloupe, proviennent en grande partie aujourd’hui des sables du Val de Loire. On ne me fera pas croire que c’est bon pour les prix ou notre bilan carbone !
Nous nous sommes interrogés sur l’octroi de mer et le contrôle des prix des principaux produits de première nécessité.
Nous aurons certainement des débats approfondis sur ces points, ce qui répondra ainsi à votre volonté, madame le ministre, d’aller au fond des choses, comme jamais nous ne l’avons fait, sur différents sujets concernant l’outre-mer.
Je laisse maintenant à Marc Massion le soin de vous présenter notre analyse de l’équilibre global du projet de loi, notamment ses aspects budgétaires, ainsi que les modifications que nous y avons apportées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion, rapporteur.
M. Marc Massion, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental, mes chers collègues, je vous présenterai l’analyse que la commission des finances a faite des dispositions de ce projet de loi, ainsi que les ajustements qu’elle a souhaité y apporter.
Je précise toutefois, à titre personnel, comme j’ai eu l’occasion de le dire devant la commission voilà quelques semaines, que j’aurais préféré un autre calendrier pour l’examen de ce texte.
En effet, je m’interroge quant à la durée de vie de ce dernier. Alors que nous serons bientôt à la mi-mars, il n’est pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Dans le même temps, le Président de la République a lancé les États généraux pour l’outre-mer – avec un calendrier relativement précis –, au cours desquels tous les sujets devront être mis sur la table, qu’il s’agisse de questions économiques, sociales, ou même institutionnelles, comme vous l’avez rappelé, madame le ministre, lors de la séance des questions au Gouvernement la semaine dernière à l’Assemblée nationale, où vous avez employé les termes forts de « gouvernance institutionnelle ».
Les États généraux devront rendre leur copie à la fin du mois de mai, pour que le conseil interministériel de l’outre-mer puisse présenter, selon les termes du Président de la République, un « vaste plan de dynamisation » pour les départements d’outre-mer.
Au cours d’une récente réunion à Matignon, j’ai également entendu parler d’un nouveau texte, qui serait déposé à l’automne.
Par conséquent, je me demande si tous ces textes ne risquent pas de s’entrechoquer. Pourtant, lors d’une réunion à Matignon, notre collègue Daniel Marsin a exprimé le souhait que l’on ne change pas chaque année les règles du jeu outre-mer. En l’occurrence, je crains l’accumulation des textes et les contradictions qui en résulteront peut-être.
J’en viens à la fonction qui est la mienne aujourd’hui, celle de co-rapporteur de la commission des finances sur ce texte.
Au total, d’après les chiffres fournis par le secrétariat d’État chargé de l’outre-mer, l’équilibre budgétaire du projet de loi faisait apparaître, dans sa rédaction initiale, une dépense totale nette supplémentaire relativement modeste de 22 millions d’euros en faveur de l’outre-mer.
Plusieurs remarques peuvent être faites sur cet équilibre. Il résultait essentiellement de la compensation entre deux grandes masses budgétaires : d’une part, le coût des zones franches d’activités, estimé à 224 millions d’euros par an et, d’autre part, les gains résultant à la fois de la réforme de la TVA non perçue récupérable, estimés à 124 millions d’euros par an, et de celle des exonérations de charges sociales, évalués à 138 millions d’euros par an.
La mise en œuvre de la dégressivité des exonérations de charges, votée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, était initialement inscrite dans le présent projet de loi.
Deux nouvelles aides, aux montants plus réduits, s’ajoutent à cet équilibre financier.
Il s’agit, d’abord, de l’aide aux intrants et aux extrants, qui vise à compenser pour partie aux entreprises le coût d’acheminement des produits. Elle devrait être de 27 millions d’euros par an.
Il s’agit, ensuite, du fonds exceptionnel d’investissement, qui tend à aider les collectivités d’outre-mer à financer des grands projets structurants. Il devrait être doté de 40 millions d’euros par an en autorisations d’engagement.
Il apparaît, globalement, que le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, opère non pas une suppression nette de niches fiscales, mais un déplacement budgétaire entre des niches fiscales.
Cette analyse implique toutefois que les nouvelles dépenses fiscales mises en place par le projet de loi aient un coût relativement stable. Or l’expérience des dispositifs de défiscalisation adoptés dans le cadre de la loi de programme pour l’outre mer du 21 juillet 2003 a montré que l’évaluation a priori du coût pour les finances publiques des niches fiscales était difficile. Ainsi, il faudra surveiller l’évolution de l’impact des zones franches d’activités, qui pourrait excéder les 224 millions d’euros prévus.
Par ailleurs, au regard du montant global de la dépense fiscale en direction de l’outre-mer, évalué à 3,3 milliards d’euros en 2009, nous constatons que « seuls » 250 millions d’euros environ sont concernés par les dispositions du présent projet de loi.
Toutefois, de manière générale, et outre la situation actuelle particulièrement difficile, les orientations du texte qui nous est soumis vont dans le sens préconisé par la commission des finances.
En effet, elles visent à réformer les dispositifs actuellement existants pour restreindre ceux dont l’efficacité est douteuse, mais aussi à réorienter les financements ainsi dégagés vers des mesures plus favorables à l’activité économique endogène des collectivités territoriales d’outre-mer.
Ainsi, la réforme du dispositif de la TVA dite « non perçue récupérable » répond, en partie, à des critiques formulées à plusieurs reprises par la commission des finances. De même, la réorientation de la défiscalisation en matière de logement va dans le sens préconisé depuis plusieurs années par les rapports d’information de la commission.
Les réformes engagées suivent également les conclusions de plusieurs audits de modernisation mis en place dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Cette mise en œuvre concrète des réflexions de la RGPP doit être saluée.
Toutefois, j’attire de nouveau votre attention, mes chers collègues, dans le droit-fil des propos tenus par M. Éric Doligé, sur le fait que l’équilibre initial du projet de loi risque d’être largement modifié par les amendements qui ont été déposés par le Gouvernement. Ainsi, d’après les informations fournies à la commission des finances, le cumul de l’ensemble des amendements déposés à ce jour par le Gouvernement accroîtrait de 114 millions d’euros l’effort financier du présent projet de loi. Je rappelle, à ce sujet, que de nombreuses mesures annoncées ces dernières semaines en faveur de l’outre-mer n’ont pas vocation à être incluses dans le présent projet de loi.
Pour sa part, la commission des finances a apporté des modifications, qui respectent l’objectif initial du projet de loi visant à recentrer les dispositifs d’aide sur les publics prioritaires, et qui, en même temps, tiennent compte des besoins qui se sont exprimés depuis le dépôt du texte l’été dernier.
Ses amendements s’inscrivent dans quatre directions principales.
Tout d’abord, sur l’initiative du président Jean Arthuis, nous proposons la création d’un titre additionnel consacré au pouvoir d’achat, dont l’article unique vise à encadrer par décret le prix de cent produits de première nécessité dans les DOM.
Ensuite, nous suggérons d’apporter des modifications visant à mieux encadrer le dispositif de la défiscalisation, notamment à prévoir que le nouveau dispositif créé par le projet de loi sera intégré au plafonnement des niches fiscales adopté dans la loi de finances pour 2009.
Par ailleurs, nous souhaitons introduire des ajustements des plafonds et des seuils d’éligibilité prévus par les différents dispositifs du projet de loi, pour les adapter à la situation réelle des collectivités territoriales d’outre-mer.
Enfin, nous proposons des modifications qui résultent directement du délai écoulé depuis le dépôt du projet de loi et qui consistent notamment à reporter l’entrée en vigueur des dispositifs par rapport à ce qui était initialement prévu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, afin de permettre aux groupes de se réunir, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, déclaré d’urgence (texte de la commission).
Organisation des débats
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, pour la bonne organisation de nos débats, la commission des finances souhaiterait que nous procédions à l’examen séparé de quatre amendements de suppression, de façon à éviter des discussions communes qui pourraient être interminables et incompréhensibles.
Il s’agit, en premier lieu, de l’amendement n° 34, tendant à supprimer l’article 1er, présenté par Mme Marie-France Beaufils et les membres du groupe CRC-SPG ; en deuxième lieu, de l’amendement n° 48, visant à supprimer l’article 5, présenté par les mêmes auteurs ; en troisième lieu, de l’amendement n° 55, tendant à supprimer l’article 11, également présenté par les mêmes auteurs ; enfin, en quatrième lieu, de l’amendement n° 127, visant à supprimer l’article 20, présenté par M. Serge Larcher et les membres du groupe socialiste.
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, votre demande s’inscrit dans l’esprit même de la réforme du règlement, qui vise à rendre nos débats plus intelligibles.
Néanmoins, nous demeurons sous l’emprise de l’ancienne procédure et je dois consulter le Sénat.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Discussion générale (suite)
M. Daniel Marsin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que nous examinons aujourd’hui comporte de nombreuses dispositions ressortant du champ de compétence de la commission des affaires économiques, qui s’est donc saisie de vingt-deux des trente-trois articles.
Avant de vous présenter la position de la commission des affaires économiques sur ce projet de loi, il me semble utile de revenir sur la méthode qui a été suivie afin d’aboutir à ce texte.
Je rappellerai donc que ce projet de loi, déposé en juillet 2008 sur le bureau de notre Haute Assemblée, est issu directement d’une promesse faite par le Président de la République pendant la campagne électorale présidentielle et qui était de créer des zones franches d’activités dans les départements d’outre-mer.
À la suite de cette élection, le Gouvernement a ouvert une période de consultation avec les collectivités territoriales et les représentants du monde économique ultramarin pour mettre en œuvre cette promesse. On peut ainsi saluer le fait que ce projet de loi ait été élaboré après un dialogue, parfois tendu, mené avec les élus locaux et les acteurs économiques.
Un avant-projet de texte a été présenté en février 2008. Puis, à la suite des différentes remarques des acteurs économiques et politiques locaux et de l’avis du Conseil économique et social de mars 2008, le texte a été remanié : des dispositions importantes ont ainsi été modifiées. À titre d’exemple, la défiscalisation de la résidence principale, initialement supprimée, a été finalement maintenue.
Cette longue phase de conception et de consultation a finalement abouti au texte déposé par le Gouvernement.
Je dois toutefois souligner, monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que, depuis juillet 2008, le contexte a beaucoup changé outre-mer. Comment ne pas évoquer en effet la grave crise sociale qui touche les départements antillais depuis la fin du mois de janvier ?
Nos départements ultramarins, plus vulnérables encore que les départements métropolitains, ont été touchés de plein fouet par la crise économique. Cette crise a, en quelque sorte, actualisé un malaise plus général, expression d’un mal-être identitaire ou encore des multiples dysfonctionnements qui gangrènent nos sociétés, y compris en matière de gouvernance.
Ainsi, en écho à la mobilisation en Guyane en décembre 2008 sur la question du prix des carburants, la Guadeloupe, puis la Martinique se sont mobilisées, notamment autour de la question du pouvoir d’achat, de la formation des prix et des bas salaires. La Guadeloupe a ainsi connu une grève générale à partir du 20 janvier 2009 et la Martinique à compter du 5 février. Si les négociations ont abouti le 5 mars en Guadeloupe, où la situation est pour le moins inachevée, elles restent pour l’instant bloquées en Martinique et le mouvement semble vouloir s’étendre à la Réunion.
Il faut souligner que, même si les débats ont longtemps achoppé sur la question de la revalorisation salariale, ils ont porté sur des questions aussi diverses que l’emploi, les transports ou encore la fiscalité et les services publics, locaux ou nationaux.
Au-delà de la question salariale, cette crise montre bien le malaise de nos sociétés domiennes, qui constitue une exigence pour les politiques publiques de l’État outre-mer.
En réponse à cette situation, le Gouvernement, mais aussi les sénateurs, présentent sur ce projet de loi des amendements, nombreux et importants, qui devraient représenter un coût supplémentaire pour les finances publiques de l’ordre de 150 millions d’euros. Pour ma part, au nom de la commission des affaires économiques, je vous proposerai des amendements visant à enrichir le texte et à l’adapter à la situation actuelle.
Le projet de loi comprend deux axes : d’une part, la mise en place des zones franches d’activité et, d’autre part, les modifications d’un certain nombre de dispositifs, dont la plus importante concerne les orientations en matière de production de logements.
S’agissant des zones franches d’activité, le projet de loi créé donc au profit d’un large ensemble d’entreprises des départements d’outre-mer des dispositifs d’exonérations concernant l’imposition sur les bénéfices, la taxe professionnelle et la taxe foncière sur les propriétés bâties. Prévues pour durer dix ans, elles comprennent deux niveaux : en premier lieu, un taux à 50 % pour l’ensemble des entreprises éligibles ; en second lieu, un taux à 80 % pour des territoires prioritaires comme la Guyane ou les îles du sud de la Guadeloupe et pour des secteurs prioritaires, tels que la recherche-développement, les technologies de l’information et de la communication, ainsi que trois secteurs déterminés par les collectivités territoriales en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion.
Par ailleurs, le projet de loi modifie plusieurs dispositifs pour tenir compte des différentes évaluations réalisées, notamment par la commission d’évaluation instaurée par la loi Girardin. Ainsi est revu le régime de la défiscalisation des investissements productifs qui existe outre-mer.
La principale modification porte sur le régime de défiscalisation existant en matière de logement. En effet, la défiscalisation a eu des effets pervers, avec des conséquences néfastes sur le prix du foncier ou sur l’évolution prolifique du logement libre au détriment du logement social.
En réponse, le présent projet de loi supprime progressivement la défiscalisation en matière de logement libre et intermédiaire locatif pour la réorienter vers le logement social.
Outre ces deux grands axes, notre commission s’est également saisie des dispositions du texte relatives à la zone des cinquante pas géométriques, à la rénovation hôtelière ou encore au fonds de continuité territoriale.
Avant d’évoquer plus précisément les axes autour desquels s’est orientée ma réflexion, je dois rappeler que l’examen du projet de loi s’effectue selon la nouvelle procédure d’examen issue de la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Ainsi, la commission des affaires économiques a présenté des amendements sur le texte modifié par la commission des finances saisie au fond, qui a procédé à une quarantaine de rectifications, dont trois apparaissent comme principales.
Elle a tout d’abord modifié substantiellement le niveau de l’aide à la rénovation hôtelière créée par le texte.
Elle a ensuite repoussé d’un an la date de la disparition de la défiscalisation en matière de logement intermédiaire.
Enfin, et surtout, en réponse aux préoccupations exprimées par les Antillais en matière de pouvoir d’achat et de transparence dans la formation des prix, elle a introduit, sur l’initiative de son président, M. Jean Arthuis, un nouvel article en vertu duquel les prix de cent produits de première nécessité sont fixés par décret en Conseil d’État dans les départements d’outre-mer. Si la commission des affaires économiques salue cette initiative, elle considère que le dispositif prévu peut être amélioré et assoupli, et elle vous proposera un amendement en ce sens.
Quatre idées ont guidé la réflexion de la commission des affaires économiques.
Premièrement, rendre le dispositif des zones franches d’activités aussi opérationnel et efficace que possible.
Deuxièmement, prendre en considération la situation de grande difficulté de certains territoires, particulièrement les îles du sud de la Guadeloupe.
Troisièmement, faire en sorte que la réforme de la défiscalisation en matière de logement ne porte pas atteinte au dynamisme du secteur du BTP et à la satisfaction des besoins des populations ultramarines.
Enfin, quatrièmement, assurer une réelle continuité territoriale entre les départements d’outre-mer et la métropole.
Pour ce qui est du premier axe, le dispositif des zones franches d’activités devrait soutenir le développement endogène des départements d’outre-mer.
Cependant, ce dispositif reste complexe du fait des différences existant en matière de secteurs prioritaires entre la Guadeloupe, la Réunion et la Martinique. C’est pourquoi la commission des affaires économiques propose de le simplifier en harmonisant les secteurs prioritaires entre ces trois départements.
Par ailleurs, ce dispositif ne comprend aucune mesure spécifique à l’agriculture outre-mer, secteur pourtant important, quoique fragile. C’est pourquoi nous proposerons d’inclure dans le dispositif un abattement de 100 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des agriculteurs.
Pour ce qui est du deuxième axe, le projet de loi reconnaît pour la première fois – et je m’en réjouis – la situation particulièrement difficile des îles du sud de la Guadeloupe, à savoir les îles des Saintes, de Marie-Galante et de la Désirade, qui ont perdu près de la moitié de leur population en vingt ans. Le texte octroie ainsi à ces îles le régime bonifié d’exonération, comme pour la Guyane.
Cependant, afin que la reconnaissance de leur situation particulière soit complète, il paraît indispensable d’élargir le champ de l’éligibilité au dispositif de la zone franche d’activités dans ces îles à la quasi-totalité des secteurs économiques, alors que, pour les autres territoires des départements d’outre-mer, ne sont éligibles que les entreprises pouvant bénéficier de la défiscalisation.
S’agissant du troisième axe, la réforme de la défiscalisation en matière de logement est une nécessité, comme l’ont souligné les différents rapports de notre ancien collègue Henri Torre. Cependant, la transition du régime actuel vers le dispositif en faveur du logement social ne doit pas se faire au détriment du secteur du BTP, qui a un rôle moteur dans l’économie des départements d’outre-mer, ni au détriment de la satisfaction des besoins des populations ultramarines, qui sont considérables en la matière.
Si la suppression de la défiscalisation dans le logement libre locatif ne pose pas, à nos yeux, de problème majeur, il n’en va pas de même pour le logement locatif intermédiaire. En effet, il ne paraît pas judicieux de supprimer la défiscalisation dans ce secteur, qui remplit un rôle social essentiel.
La commission des affaires économiques souhaite qu’un vrai débat ait lieu sur cette question et c’est pourquoi je vous proposerai, en son nom, de maintenir le dispositif de défiscalisation en matière de logement intermédiaire.
Enfin, la continuité territoriale est un attribut de la citoyenneté ; elle est essentielle pour le développement des départements d’outre-mer. Le projet de loi prévoit la mise en place d’un fonds de continuité territoriale, dispositif très intéressant, mais à caractère essentiellement social. Cependant, le texte n’évoque pas la question du prix des billets en général, qui pèse sur le coût de la vie et limite la mobilité des résidents ultramarins entre leur territoire et l’Hexagone.
C’est pourquoi il nous paraît utile que soit étudiée par le Gouvernement la mise en place d’un tarif résident dans les départements d’outre-mer, à l’instar de ce qui existe en Corse.
Mes chers collègues, voilà donc, brièvement résumées, les principales orientations que la commission des affaires économiques a approuvées le 4 mars dernier. Sous réserve des onze amendements qu’elle a adoptés, celle-ci a donné un avis favorable aux articles du projet de loi qu’elle a examinés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)