M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les événements et les incidents, parfois dramatiques, qui se sont déroulés ces derniers mois en Guyane, puis en Guadeloupe ainsi qu’en Martinique, et maintenant à la Réunion, nous montrent que l’outre-mer vit une crise profonde.
Cette crise est naturellement économique ; nos territoires souffrent de handicaps structurels majeurs : l’éloignement, l’insularité, les conditions naturelles, qu’elles soient climatiques ou sismiques.
La conjoncture financière exceptionnellement défavorable qui secoue le monde depuis l’automne affaiblit encore plus nos économies déjà fragilisées.
Finalement, le développement endogène de l’outre-mer n’a jamais vraiment réussi à se concrétiser et nos territoires sont trop peu ouverts sur l’extérieur.
Mais la crise est beaucoup plus large : quand le chômage des jeunes atteint 50 %, quand les jeunes diplômés ne réussissent pas à trouver un emploi correspondant à leur niveau de qualification, on crée peu à peu un sentiment d’abandon et de désespérance.
C’est pourquoi je tiens à saluer l’annonce par le Président de la République de la réunion d’états généraux de l’outre-mer, qui pourront établir, département par département, un constat global qui soit partagé par tous les acteurs locaux.
J’approuve également la constitution par le Sénat d’une mission commune d’information, qui apportera sa contribution à ce travail d’évaluation et de propositions.
J’en viens maintenant, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, au projet de loi que nous commençons d’examiner aujourd’hui, et qui constitue un premier élément de la révision des politiques publiques menées outre-mer.
Il contient de nombreuses dispositions fiscales et économiques, dont nous aurons l’occasion de débattre durant la discussion des articles. Je concentrerai mon propos sur les sujets qui concernent particulièrement la commission des affaires sociales.
Il s’agit tout d’abord des exonérations de charges sociales patronales.
Cette réforme a été adoptée par anticipation dans la loi de finances pour 2009. Néanmoins, je crois que nous devons l’adapter au nouveau contexte économique international.
Premièrement, il conviendrait d’en élargir le bénéfice à des niveaux de rémunération supérieurs à ce qui est actuellement prévu, et ce pour limiter les effets de seuil et favoriser le recrutement de personnel d’encadrement intermédiaire. C’était d’ailleurs une promesse de Nicolas Sarkozy.
Deuxièmement, il conviendrait aussi d’en élargir le bénéfice à tous les secteurs prioritaires qui sont essentiels pour le développement de nos territoires : la recherche et le développement, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’environnement, les énergies renouvelables, le tourisme et l’agro-nutrition.
Troisièmement, il conviendrait enfin d’en élargir le bénéfice à toutes les zones rurales défavorisées des départements d’outre-mer. Le Gouvernement a déposé des amendements allant dans ce sens. Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je ne vous poserai en conséquence qu’une question, qui concerne la date d’entrée en vigueur de la réforme : quelles seront les charges sociales effectivement réclamées aux entreprises à partir du 1er avril prochain ?
Je souhaite maintenant évoquer la réforme des mécanismes de défiscalisation dans le secteur du logement.
En préalable, il est nécessaire de dire que la défiscalisation telle que nous la connaissons depuis plusieurs années a engendré des abus en pesant sur le marché de la construction. Ces mécanismes se sont en fait retournés contre le développement durable de notre économie. Par exemple, la production trop faible de logements sociaux ces deux dernières années est certainement liée à un effet d’éviction.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales s’est déclarée favorable à l’orientation générale de l’article 20 du projet de loi, notamment parce qu’il concentre les dépenses fiscales sur le logement social. L’axe majeur de la réforme vise en effet à supprimer la défiscalisation à usage locatif dans le secteur libre et à créer parallèlement un dispositif spécifique en faveur du logement social.
Cependant, la concentration des dépenses fiscales de l’État sur le logement social ne pourra être effective, et donc positive, que si les acteurs se saisissent rapidement et fortement des outils qui sont ainsi mis à leur disposition. En conséquence, l’État devra soutenir les organismes de logement social, qui n’ont pas l’habitude de travailler avec de telles procédures.
Or la période de latence entre l’extinction des mécanismes actuels et la montée en puissance des nouveaux pourrait se révéler longue ; dans ce cas, il y a un risque majeur de destructions d’emplois dans le secteur du BTP, alors même que celui-ci est extrêmement important dans nos départements.
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous alerter sur cette question pour que vous puissiez nous assurer, au-delà des déclarations traditionnelles, que l’ensemble des services de l’État, tant au niveau central qu’au niveau déconcentré, seront totalement mobilisés sur ces questions et adopteront une position souple dans la gestion des dossiers de financement, notamment lorsqu’ils associeront crédits budgétaires et défiscalisation.
Finalement, la commission des affaires sociales a tenu à rappeler que les crédits budgétaires de l’État – la ligne budgétaire unique – doivent rester le principal outil de financement du logement social outre-mer.
À ce sujet, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, dans quelles conditions l’État entend-il régler sa dette à l’égard des organismes HLM ?
J’aurai l’occasion, durant la discussion des articles, de revenir sur la question du niveau du forfait de charges de l’allocation logement, qui est aussi un engagement du Président de la République.
Enfin, j’évoquerai un dernier aspect de la réforme de la politique du logement : l’extension de la compétence de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Face aux défis immenses de l’habitat insalubre et précaire, principalement à Mayotte, je suis tout à fait favorable à cette extension. Pour autant, quels seront les nouveaux moyens mis à la disposition de l’ANAH pour remplir ce nouveau rôle dans des territoires éloignés, isolés, et dont le parc de logements est si dégradé ?
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite enfin vous poser deux questions qui vont au-delà du projet de loi et qui concernent des annonces qu’a récemment faites M. le secrétaire d’État.
Premièrement, pouvez-nous donner des précisions sur l’extension du revenu de solidarité active outre-mer et, notamment, sur la création, annoncée par le Gouvernement, d’un « revenu supplémentaire temporaire d’activité » ? Quelle est l’articulation entre ces deux mesures ? Quels départements en seront bénéficiaires ? À quelle échéance ces deux mesures se mettront-elles effectivement en place ?
Deuxièmement, pouvez-vous nous indiquer le calendrier et les modalités du doublement du nombre de volontaires du service militaire adapté ?
Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise actuelle réclame à l’évidence des réponses de court terme en faveur du pouvoir d’achat, mais il ne faudrait pas que, une fois les grèves passées, on oublie de réfléchir à l’ensemble des questions qui ont été soulevées en Guadeloupe et ailleurs et d’évaluer sereinement les politiques publiques menées outre-mer.
Nous devons travailler ensemble sur les mécanismes de formation des prix et sur l’organisation globale du système économique, dossiers que j’évoque depuis longtemps dans cet hémicycle, mais aussi sur les questions de formation initiale ou continue, sur la continuité territoriale.
Même si cet aspect est parfois galvaudé, n’oublions pas, mes chers collègues, que l’outre-mer apporte à la France une présence, une richesse, une diversité, une capacité d’influence qu’elle n’aurait pas autrement. À l’heure de la mondialisation, les questions doivent être appréhendées globalement et la France doit s’appuyer sur ses territoires d’outre-mer, qui peuvent et doivent devenir des atouts dans la nouvelle économie. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, entre 1986 et 2008, une succession de lois relatives à l’outre-mer ont été votées, qu’il s’agisse de la loi de programme du 31 décembre 1986 relative au développement des départements d’outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, de la loi du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l’emploi, l’insertion et les activités économiques dans les départements d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, de la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, ou de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer.
En fin de compte, ces différents textes ont porté leurs fruits.
Jusqu’à ce jour, nous avons eu recours à deux mécanismes pour favoriser le développement de l’outre-mer : en premier lieu, nous avons voulu agir sur le coût du travail en diminuant graduellement le montant des cotisations sociales ; en second lieu, nous avons cherché à réduire le coût des investissements productifs afin de moderniser l’outil de production.
Mes chers collègues, en dépit des handicaps dont souffrent nos territoires et qui ont été soulignés avec brio, à cette tribune, par mes collègues rapporteurs, force est de constater que les résultats que nous avons obtenus sont à la hauteur de nos espérances. En effet, les secteurs concernés par la baisse du coût du travail et par l’amélioration de l’investissement ont connu, au cours de cette période, une hausse de 19,5 % des créations d’emplois quand, dans le même temps, ce taux était, pour les mêmes secteurs, de 4 % seulement en métropole.
Ces mesures ont permis de financer un tiers de la formation brute de capital fixe pour les biens et services marchands réalisée dans les départements d’outre-mer durant cette période.
Ainsi, dans l’ensemble de ces secteurs, qu’il s’agisse de l’agroalimentaire, de l’agriculture, du logement, du bâtiment, des nouvelles technologies, pour ces dernières malgré des monopoles qui ont accru le coût de l’utilisation du câble, l’outre-mer a su créer de nombreux emplois.
Toutefois, les emplois ainsi créés ne sont pas suffisants pour absorber la croissance démographique et ne sont pas en adéquation avec le niveau de formation des jeunes. Je rappelle que 30 % d’entre eux sont en situation d’échec scolaire en classe de troisième et sont contraints de quitter l’école, chiffre comparable peu ou prou à ce qu’il est en métropole.
Lorsque vous combinez croissance démographique, jeunesse de la population et taux d’échec scolaire, vous avez armé la première grenade explosive de la société des départements d’outre-mer. Elle éclate régulièrement, tous les quinze ou vingt ans, sous la pression de l’incompréhension et du mécontentement des jeunes.
Certains estiment que la solution est institutionnelle. Comme vous le savez, ce n’est pas mon point de vue.
L’outre-mer a bénéficié, mes chers collègues, d’une amélioration institutionnelle forte en 2003. En effet, les départements des Antilles et de la Guyane peuvent aujourd’hui demander l’adaptation ou la mise en œuvre de mesures législatives nouvelles. Il est vrai que ce n’est pas le cas de la Réunion. J’ai moi-même eu l’honneur de défendre et de faire adopter ici un amendement permettant de ne pas lui appliquer cette réforme. Telle était effectivement la volonté de la population. Je vous remercie de l’avoir respectée.
Cela dit, force est de constater, à l’heure du bilan, qu’un seul département, celui de la Martinique, a formulé une telle demande d’habilitation, à propos de la loi d’orientation des transports intérieurs. Aucun autre département n’a demandé à prendre des responsabilités dans ce domaine de l’adaptation législative, pourtant possible outre-mer. S’il faut, comme certains le prétendent, revoir la gouvernance, ouvrons le débat. Ne nous faisons cependant pas d’illusion. La vraie réforme est celle qui concerne les hommes et leur capacité à participer au développement de leur région.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé, rapporteur pour avis. Constatons enfin que la croissance de l’économie d’outre-mer a pratiquement été supérieure à celle de la métropole pendant la période d’application de ces lois. Elle s’élevait effectivement à un niveau compris entre 3,2 % à 3,7 % par an, et de 2,8 % en Guyane, soit un taux de 50 à 60 % supérieur à la croissance métropolitaine.
Cette croissance s’est faite par des gains de productivité, gages d’avenir pour notre développement. Si le nombre d’emplois n’a pas progressé comme nous l’espérions, c’est tout simplement parce que les gains de productivité ont limité la croissance de l’emploi dans certains secteurs.
La loi aujourd’hui soumise à notre examen change le cap. Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, la baisse du coût du travail et la diminution du coût de l’investissement ont été nos deux outils privilégiés pour rattraper le retard de l’outre-mer. Nous l’avons fait, à bien des égards, de façon acceptable.
Aujourd’hui, le Gouvernement nous propose, sous la houlette du Président de la République, de passer d’une logique de rattrapage à une logique de valorisation de l’outre-mer.
Alors que la crise a fait rage en Guadeloupe et en Martinique et que la Réunion connaît quelques difficultés, bien moindres tout de même que celles rencontrées par les autres départements d’outre-mer, je voudrais citer à ceux qui doutent du rôle de l’outre-mer en France et en Europe la communication de la Commission européenne du 17 octobre 2008, intitulée Les régions ultrapériphériques : un atout pour l’Europe, la Commission étant une instance plus objective que moi (Sourires.) : « À l’ère de la mondialisation et de la recherche de renforcement de la compétitivité européenne, il est nécessaire de soutenir le développement de secteurs porteurs dans lesquels les RUP possèdent des potentiels de spécialisation et des avantages comparatifs forts. Ces derniers constituent de plus des terrains propices au développement d’initiatives de pointe et de projets pilotes qui sont d’un intérêt majeur pour l’Europe. Ce nouveau paradigme, axé sur la valorisation des atouts des RUP en tant que levier de développement économique, doit conduire à un renouvellement de la stratégie qui s’appuiera notamment sur des secteurs à forte valeur ajoutée, tels que l’agro-alimentaire, la biodiversité, les énergies renouvelables, l’astrophysique, l’aérospatial, l’océanographie, la vulcanologie ou encore la sismologie, mais aussi sur le rôle important des RUP en tant qu’avant-postes de l’Union européenne dans le monde. »
Tel est l’enjeu du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.
À la lumière de cette communication de la Commission européenne, vous comprenez bien que la partie que nous sommes en train de jouer ne vise pas seulement à résoudre de graves crises sporadiques, elle est une partie gagnant-gagnant. Vous devez placer votre confiance dans la jeunesse, dans l’équipement et dans le développement de l’outre-mer, car ce n’est pas seulement l’outre-mer, c’est la France, notre pays, et l’Europe, notre communauté de destin, que vous allez ainsi développer.
Tel est le sens de ce projet de loi. Il s’agit non pas de donner plus d’argent pour faire taire l’outre-mer – il ne faudrait pas voter une loi dont ce serait l’objectif – mais de s’inscrire dans un processus amorcé voilà longtemps et toujours en cours, qui tend à faire des terres d’outre-mer des terres de plus grande prospérité et de plus grande équité.
La commission des lois, qui a examiné l’ensemble de ce texte et, plus particulièrement, certains articles, a émis un avis favorable précisément parce que ce texte marque un véritable tournant, que les États généraux, qui permettront d’apporter des solutions à quelques problèmes de fond évoqués par les uns et les autres, accompagneront bientôt.
Parmi les articles examinés par la commission des lois, figure bien sûr l’article 16, qui crée un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer. D’un montant initial de 40 millions d’euros, ce fonds a reçu une dotation supplémentaire de 75 millions d’euros.
La commission regrette toutefois, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas avoir pu déposer un amendement consacrant 10 % de ce fonds aux technologies de l’information et de la communication. Il ne s’agissait pourtant pas d’une lubie de notre part. Les moyens de communication modernes constituent un enjeu majeur pour le développement de territoires éloignés, qui doivent être reliés aux pôles de développement.
Nous aimerions, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous donniez votre point de vue sur cette question. Le Gouvernement manifestera-t-il un intérêt particulier pour l’investissement dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication ? Il est vrai que la zone franche d’activités intègre cette question.
S’agissant de l’article 19, la commission des lois a voulu, par souci d’économie, créer un GIP Réunion-Mayotte, Mayotte se prononçant bientôt, je l’espère, en faveur de la départementalisation, et un GIP Antilles-Guyane. Or l’amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Les élus des départements d’outre-mer sont pourtant très économes des deniers de l’État : réunir tout le GIP Antilles-Guyane-Réunion-Mayotte conduit tout simplement à dilapider les fonds publics. Je ne comprends pas que l’article 40 empêche une approche plus réaliste de la géographie de l’outre-mer. J’espère que le Gouvernement pourra reprendre cet amendement de bon sens, d’autant que la Réunion est dotée d’un établissement public foncier opérationnel et que nous pourrions en constituer bientôt un avec Mayotte. Le GIP disposerait alors d’un levier d’action.
La commission a adopté à l’unanimité huit amendements.
L’un tend à améliorer l’efficacité des mesures concernant l’indivision en encadrant davantage les conditions de mise sur le marché locatif de logements indivis.
Un autre concerne les mesures de lutte contre le véritable fléau qu’est l’orpaillage clandestin en Guyane.
Cet après-midi, la commission a examiné l’amendement concernant l’état civil à Mayotte, qui pose un véritable problème. En effet, beaucoup de gens ne se sont pas encore fait inscrire auprès de la commission de révision de l’état civil à Mayotte. Nous devrons examiner un amendement du Gouvernement, qui suscitera un débat important.
Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption de ce texte, qui occupera nos travaux des prochains jours. Je souhaite que le Gouvernement écoute nos propositions, notamment dans le domaine du logement, levier économique fondamental, qui est à l’outre-mer ce qu’est l’industrie automobile à la métropole. Nous proposerons ainsi de réformer l’ancienne loi Girardin dans le sens d’une défiscalisation du logement social patrimonial.
Sous réserve de ces observations, je souhaite que nos fructueux débats permettent l’élaboration d’une loi au service de l’outre-mer et, au-delà de l’outre-mer, au service de notre pays et de l’Europe. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd’hui est essentiel et en même temps particulier. Il présente en effet deux aspects que l’on pourrait a priori considérer comme antagonistes, avec, d’une part, un texte élaboré par le Gouvernement il y a déjà quelque temps et, d’autre part, une situation de crise, dramatique, sur une partie du territoire de la République, même si la situation semble à cette heure en voie de résolution.
Ces deux aspects se rejoignent-ils et ce projet de loi est-il, de fait, adapté à une situation survenue bien après sa conception ? Ce texte permettra-t-il d’éviter à l’avenir de nouvelles crises ? Les mesures financières qu’il comporte correspondent-elles bien à la situation actuelle ? C’est ce qu’il nous appartient d’étudier en toute objectivité, même si l’on peut regretter que ce projet de loi ne comporte justement que des aspects financiers de circonstance et non ces éléments sociaux, économiques et culturels qui font les grandes lois, celles, précisément, qui engagent l’avenir et soldent définitivement les vieux démons du passé.
Je le dis avec d’autant plus de conviction, que, comme mon collègue et ami le rapporteur Daniel Marsin, j’ai le privilège d’appartenir au groupe dans lequel siégea, pendant de longues années, Gaston Monnerville, dont l’action audacieuse et courageuse permit en son temps la transformation en départements de nos anciennes colonies des Antilles et de la Guyane.
La crise financière et sociale qui vient de frapper les départements de la Guadeloupe et de la Martinique devrait être l’occasion d’une discussion beaucoup plus vaste que celle qui nous est offerte et constituer ainsi le point de départ d’une nouvelle donne, qui ouvrirait la voie à la mise en œuvre une véritable politique d’aménagement économique de ces départements et collectivités d’outre-mer auxquels la France est particulièrement attachée.
Il faudrait, pour cela, tirer les leçons de cette crise et ne pas improviser, comme c’est trop souvent le cas, en oubliant l’adage, pourtant si juste, selon lequel « gouverner c’est prévoir ».
Il faudrait également prendre garde à ce que le remède ne soit pas pire que le mal, comme l’ont fait remarquer avec pertinence, d’une part, la députée Christiane Taubira, qui, dans un grand quotidien, a dernièrement noté que « les lois de défiscalisation ont nui aux Antilles », et, d’autre part, l’ancienne ministre Brigitte Girardin, qui constata, dans cette même publication, que l’on a « envoyé les plus mauvais signaux au plus mauvais moment », avant de souligner que « faire des économies sur l’outre-mer pouvait coûter très cher ».
Certes, à cette situation d’urgence, il faut une réponse d’urgence, mais il faut éviter, dans la mesure du possible, de traiter superficiellement les problèmes de fond, au risque de passer à côté des véritables solutions. Gardons-nous donc de légiférer dans la précipitation, comme cela se fait trop souvent.
Est-il raisonnable de voter cette loi avant que ne soit connue la synthèse qui sera élaborée par le Conseil interministériel sur le fondement des conclusions des États généraux de l’outre-mer, qui devraient être organisés prochainement ?
Considérons l’esprit de ce projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, que le Sénat étudie en première lecture.
Ce texte comprend un certain nombre de mesures destinées à juguler la hausse des prix, en particulier pour les produits de première nécessité.
Il instaure à cet effet des zones franches d’activités et aménage la défiscalisation des investissements productifs, ce qui permettra, entre autres choses, de baisser le coût du travail. Il institue par ailleurs quatre nouvelles aides économiques et réaffirme la nécessité de relancer la politique du logement social.
On ne peut globalement qu’approuver ces mesures, tout en espérant qu’elles seront suffisantes pour relancer l’économie ultramarine. Cela n’a pas paru totalement certain à nos collègues de la commission des finances, qui les ont complétées en adoptant plusieurs amendements.
Ces mesures, pourtant, ne sont pas nouvelles et c’est bien là une des principales difficultés.
D’une part, les lois de défiscalisation concernant l’outre-mer, nombreuses de 1952 à 1986, n’ont aucunement résolu les problèmes économiques de ce que l’on appelait alors les DOM-TOM.
D’autre part, le budget pour 2009 étant ce qu’il est, la marge de manœuvre paraît d’emblée bien étroite.
De surcroît, il est clair que les mesures envisagées, en dépit des premières dispositions prises pour le logement social, sont largement en deçà des besoins.
Cela me conduit, avec d’autres, à penser que les solutions ne résident pas intégralement dans les mesures contenues dans ce texte. La pratique, par les banques locales, de taux supérieurs à ceux qui sont en vigueur en métropole empêche de financer correctement les entreprises. Ce fait n’est que trop connu !
Le monopole exercé par quelques-uns en matière de commerce ne permet pas l’établissement d’une saine et véritable concurrence. C’est plus que regrettable pour les consommateurs des départements et des collectivités d’outre-mer, qui mesurent effectivement la baisse de leur pouvoir d’achat.
Quant à l’absence d’un véritable modèle de développement économique endogène qui favorisait une plus grande autonomie économique des collectivités d’outre-mer, pour reprendre une formule du chef de l’État, elle n’est que trop évidente à l’heure où les observateurs soulignent que nous sommes « à la fin d’un cycle historique outre-mer ».
Je suis convaincue pour ma part que seule la création de richesses locales peut, à long terme, apporter une solution à la situation de la France d’outre-mer. Pour y parvenir, il faut engager un véritable processus de dialogue harmonieux et équilibré, dans la confiance retrouvée et la responsabilisation mutuelle.
Les départements et collectivités d’outre-mer ont connu trop de déceptions pour risquer un nouvel échec. C’est pourquoi il nous faut être prudent avant d’envisager des mesures qui engagent leur avenir et celui de la nation. De telles mesures, pour réussir, doivent préalablement sortir des éternelles logiques postcoloniales, dénoncées à juste titre de tous côtés. Cela nous impose à tous d’être créatifs et volontaires, et je sais, madame le ministre, que créativité et volonté sont deux vertus que vous partagez.
Je veux vous assurer qu’auprès de vous nous défendrons avec pugnacité et conviction tout ce qui, dans ce texte, vise à concourir au respect de la dignité de départements amis. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement nous demande d’adopter le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, préparé depuis près d’un an, sur lequel les collectivités concernées n’ont pas pu donner leur avis en connaissance de cause.
Certes, un texte nous a été transmis pour avis voilà huit mois. Mais ce texte était tellement mauvais qu’il a été trituré dans tous les sens pendant des mois.
La commission des finances du Sénat l’a encore modifié le 19 février et le Premier ministre a clairement fait savoir; le 26 février, qu’il pouvait encore évoluer.
Il est tout à fait nécessaire que le Gouvernement soit ouvert à toute proposition de modification, compte tenu des défauts du texte initial. Mais pourquoi ne pas aller jusqu’au terme de la concertation ? Quelle serait la valeur de l’avis donné par les collectivités d’outre-mer sur un texte qui est significativement différent de celui que l’on nous propose aujourd’hui ?
L’assemblée de la Polynésie française s’est réunie mardi et elle a émis le vœu que la procédure législative soit interrompue afin que le texte lui soit soumis pour avis dans sa version actuelle. N’est-ce pas le simple bon sens ? En quoi serait-il urgent d’adopter ce texte, mal conçu, mal rédigé, plus ou moins réparé par petits morceaux, sans vision d’ensemble, sans autre cohérence que la réduction des avantages fiscaux pour les investisseurs ?
Avant d’aborder des aspects plus techniques, je résumerai en trois points les sentiments que m’inspire la lecture de ce projet de loi.
Tout d’abord, ce texte est conçu pour les départements d’outre-mer et nos collectivités ne sont que des parents pauvres et, pardonnez ma franchise, madame le ministre, des parents dont on aimerait se débarrasser le plus vite possible.