M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordions ce texte avec un état d’esprit favorable.
Cette loi n’avait pas pour objet de régler le problème des moyens, qui est sans doute l’un des points les plus sensibles du débat sur le monde carcéral. Le cœur de la question est en effet la construction des prisons, ainsi que les moyens humains et financiers dont disposent ces établissements. Or tel n’est pas l’objet de la loi pénitentiaire.
De même, la politique carcérale définie par la loi pénitentiaire n’est pas une branche de la politique de santé publique. Or, le rapport de notre commission des lois le souligne, les prisons accueillent de plus en plus de personnes atteintes de troubles mentaux du fait de la réduction du nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques. La prison se substitue à l’hôpital, en raison des carences de ce dernier. M. le président About a d’ailleurs exprimé à plusieurs reprises, lors des débats, ses regrets au regard de cette évolution, qui apparaît fort dommageable.
Dans ce contexte, quelles réformes pouvait-on souhaiter voir initiées par ce texte pénitentiaire, attendu depuis si longtemps ?
Tout d’abord, il était nécessaire qu’il comporte des avancées en matière d’aménagement des peines : cette exigence est globalement satisfaite par le texte.
Ensuite, on attendait qu’il crée plus de droits pour l’ensemble des détenus : cette exigence était sans aucun doute remplie par le texte issu de la commission des lois, et elle l’est d’autant plus au terme de nos débats en séance plénière.
Le projet de loi avait comme objectif fondamental de renforcer les droits des personnes détenues. Dès la discussion générale, nous avons salué le travail d’enrichissement profond effectué par la commission des lois du Sénat sur l’ensemble du texte proposé par le Gouvernement.
Le Sénat a renforcé les droits et garanties déjà reconnus par le texte. Il a introduit également de nouveaux droits et libertés tels que la liberté de conscience, le droit à la confidentialité ou le droit à la sécurité pour les personnes détenues. De plus, l’adoption de certains amendements en séance, notamment concernant les aspects sociaux et sanitaires défendus par ma collègue Mme Muguette Dini, dès la discussion générale, mais aussi par M. Nicolas About, a permis de diversifier les avancées en faveur de la condition carcérale.
Le groupe de l’Union centriste se réjouit que plusieurs de ces amendements aient été votés par la Haute Assemblée.
Le projet de loi tente aussi de répondre au malaise des professionnels de l’administration pénitentiaire en leur accordant la reconnaissance qu’ils attendent. Plusieurs de mes collègues ont rappelé, à de nombreuses reprises, les attentes mais aussi les craintes de ces fonctionnaires qui exercent un métier difficile et souvent dangereux.
On rappellera également que ce texte a l’immense mérite de procéder à une clarification des missions du service public pénitentiaire, en prenant en compte son rôle d’insertion et de probation ainsi que de lutte contre la récidive. Il met ainsi en phase objectifs pénaux et carcéraux.
Nous nous sommes montrés particulièrement attachés au maintien du principe de l’encellulement individuel des prévenus. En effet, le texte initial semblait s’éloigner quelque peu de ce principe : il prévoyait que les prévenus, et non les condamnés, pourraient être placés soit en cellule individuelle, soit en cellule collective, et donc pas nécessairement en cellules individuelles.
Sur ce point fondamental, nous avons affirmé la nécessité de maintenir la rédaction actuelle du code de procédure pénale, datant de 1875. En effet, l’encellulement individuel, tant pour les prévenus en détention provisoire que pour les condamnés, permet la reconnaissance de deux droits fondamentaux : le droit au respect de la dignité et le droit à l’intimité.
Le respect de la dignité a réellement été un leitmotiv tout au long des débats : abordée dès l’article 1er du projet de loi, mais également lors de l’examen des articles relatifs aux fouilles corporelles, c’est sans doute au sujet de l’encellulement individuel que la dignité devait avant tout être défendue.
Ainsi, nous nous félicitons de l’adoption en l’état du texte présenté par la commission, ce qui sauvegarde un principe fondamental de notre droit pénitentiaire.
Nous regrettons que le texte n’aborde pas le problème du transfèrement des prisonniers, en vue de favoriser le reclassement familial des détenus à leur libération, maintenir et améliorer leurs relations avec leurs proches, comme l’a rappelé récemment l’Observatoire international des prisons, à la suite de la demande d’un Réunionnais détenu dans l’Oise.
En conclusion, nous saluons encore une fois l’excellent travail réalisé par la commission des lois, en particulier par son rapporteur M. Jean-René Lecerf, et très utilement complété par celui de M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les questions relatives à la santé en prison.
Nous remarquerons également que, si ce texte fut le premier à être étudié selon la procédure prévue par la réforme constitutionnelle issue de la loi du 23 juillet 2008, cette expérience semble encourageante. En effet, le Gouvernement a tenu compte des travaux des commissions en ne proposant que des amendements qui respectaient les orientations initiées par celles-ci, et qui n’ont en rien altéré le jeu des débats en séance publique. Le rôle du Parlement en sort donc réaffirmé et renforcé, ce dont on doit se féliciter.
Pour l’ensemble de ces motifs, le texte tel qu’il a été modifié nous semble maintenant équilibré et nous le voterons, tout en veillant à ce que les futures orientations budgétaires permettent sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord rendre hommage à la sagesse de MM. Hyest et About, respectivement président de la commission des lois et président de la commission des affaires sociales, et à notre rapporteur M. Jean-René Lecerf, dont je souhaiterais relever la courtoisie, la mesure, l’intelligence et l’humanisme. Ils ont fait preuve d’excellence dans la préparation de leurs avis.
Nous avons été sensibles aux efforts faits par le Gouvernement pour rejoindre les positions de notre assemblée ou au moins s’en rapprocher.
Je voudrais enfin relever la haute tenue de nos débats, à la mesure de l’enjeu qui concerne des milliers d’hommes et de femmes que la vie a conduit à une certaine forme d’exclusion.
S’agissant du fond, notre groupe doit s’engager sur un texte essentiel pour notre pays et qui présente de véritables avancées par rapport à une politique pénale à laquelle, en son temps, nous n’avions pas pu dire notre totale adhésion. Nous mesurons aujourd’hui, à travers la loi pénitentiaire qui, en réalité, fait partie intégrante de la politique pénale, la volonté du Gouvernement de réviser le droit des détenus et le droit de l’exécution des peines.
Nous voulons, ensemble, saluer l’inscription dans la loi du principe du respect de la dignité des détenus, et des mesures qui en découlent, celles-ci concernant aussi bien le quotidien que les conditions d’activité et, surtout, le traitement sanitaire. Je veux relever en particulier les amendements qui ont été adoptés sur les articles 1er, 10 et 20.
De la même façon, nous ne pouvons que nous accorder sur le principe de l’aménagement des peines et de leur individualisation. Il ne faut pas se leurrer : ce principe a pour objet de combattre les effets d’une politique pénale qui a empli nos prisons plus que de raison. Parmi ces mesures, je pense notamment à la surveillance électronique dont Guy-Pierre Cabanel, ancien président de notre groupe, a été l’initiateur.
Nous voulons dire notre vive satisfaction face à la sagesse du Gouvernement qui s’est rangé derrière le texte de la commission des lois pour préserver le principe de l’encellulement individuel, lequel est présent dans notre droit depuis plus d’un siècle.
En revanche, nous avons regretté la frilosité du Gouvernement sur certaines propositions, telles que l’extension des droits d’expression des personnels pénitentiaires, les fouilles, la facilitation des mesures de réinsertion, les régimes différenciés de détention ou le régime disciplinaire. Ces attitudes ne manqueront pas, dans la réalité, d’amenuiser les effets de la réforme.
Nous avons regretté notamment que la pression du concept sécuritaire ait globalement pesé sur notre débat. À ce propos, je voudrais d’ailleurs m’étonner d’informations contradictoires sur l’évolution statistique de la délinquance qui nous ont été données, ici par Mme le garde des sceaux, et très récemment par Mme la ministre de l’intérieur. Ces résultats se sont-ils aggravés, ou à l’inverse se sont-ils améliorés ? Il faudrait bien, un jour, que les membres du Gouvernement s’entendent sur des estimations communes.
Nous aurions enfin tous apprécié que ce texte pût être examiné selon la procédure normale, et non pas sous l’empire d’une déclaration d’urgence. Les débats conduits cette semaine ont apporté la preuve de l’enrichissement d’un texte grâce à la confrontation d’analyses différentes. Il est dommage, pour un sujet aussi grave, d’avoir brûlé les étapes.
Pour toutes ces raisons, notre groupe, dans la diversité de ses sensibilités, notant le caractère équilibré du texte mais regrettant certaines de ses faiblesses, pourra dire, pour certains d’entre nous, son accord en votant en faveur de ce texte et, pour les autres, le plus grand nombre, exprimer ses réserves en s’abstenant.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons en effet travaillé jour et nuit pendant une semaine, mais nous aurions pu faire encore plus.
Je souhaite d’emblée vous faire part de mon regret que ce texte ait été déclaré en urgence, à un moment inopportun, d’ailleurs, puisque cela est intervenu bien après qu’il a été déposé sur le bureau de notre assemblée. Nous nous demandons quelle raison a motivé le recours à cette procédure. Nous qui avons travaillé en première lecture sur le texte, vous nous privez ainsi d’une deuxième lecture qui nous aurait permis d’évaluer sereinement l’évolution du texte après son passage à l’Assemblée nationale. Cela est tout à fait regrettable.
Je voudrais évoquer deux problèmes majeurs. D’abord, contrairement à ce que vous affirmez, madame le garde des sceaux, ce texte n’a pas la densité d’un texte fondamentale. En effet, ni les principes qui devraient guider une loi pénitentiaire, ni les droits fondamentaux qui doivent être reconnus à des sujets de droit, ne sont ici énoncés.
Vous avez donné l’impression, madame le garde des sceaux, de vous résigner à vous mettre en conformité avec les règles européennes parce que la France, qui ne se conformait pas à ces règles, avait été montrée du doigt à plusieurs reprises. Mais, ce faisant, vous avez également semblé très réticente, puisque vous nous avez souvent taxés, au cours de vos interventions, de naïveté et de laxisme.
Vous nous avez dit que les délinquants étaient des délinquants, que les coupables étaient des coupables, et que l’opinion publique voulait que les coupables soient punis. Tout cela est sans doute vrai, mais ces réflexions ne nous éclairent guère en matière de loi pénitentiaire.
En conséquence, les principes qui sont inscrits dans le projet de loi et dont nous pouvons nous réjouir sont immédiatement assortis de renvois au règlement, aux décrets, et donc à l’administration pénitentiaire, ou de restrictions. Cela fut le cas pour les dispositions relatives aux régimes différenciés de détention, aux fouilles et aux quartiers disciplinaires, ce dernier sujet n’étant pas la meilleure façon d’achever l’examen de ce texte.
On peut certes se réjouir de voir enfin votée une loi pénitentiaire. Mais ce texte répond-il pleinement aux attentes de tous ceux qui sont attachés aux droits des personnes détenues et au respect des personnels ? Je ne le crois pas !
Il est vrai que notre rapporteur a accompli un travail considérable en modifiant le texte initial et en défendant ces modifications, et qu’il nous a permis de travailler dans de bonnes conditions.
Je ne peux qu’exprimer ma satisfaction devant l’adoption en commission, sous la houlette de M. le rapporteur, selon la nouvelle procédure parlementaire, de certains amendements déposés par mon groupe. Ce fut notamment le cas de nos amendements relatifs au respect de l’intégrité physique des détenus, à l’individualisation des peines, à l’autorisation du parloir pour tous les détenus, y compris ceux qui sont placés en quartier disciplinaire, ainsi qu’à la continuité des soins et à l’état psychologique.
Nous regrettons en revanche que d’autres amendements, déposés et défendus en séance par notre groupe ou par d’autres collègues, et qui nous paraissaient conformes à l’idée que nous nous faisons des droits des détenus, n’aient pas été retenus, en raison des limites que vous avez posées à la reconnaissance de ces droits. Je pense aux amendements relatifs à l’encellulement individuel, dont le principe est certes maintenu, mais connaît des dérogations. Le moratoire est, en effet, toujours en vigueur ; or, de moratoire en moratoire, on n’avance pas !
Nous ne pouvons que saluer les avancées obtenues en matière d’aménagement de peine, car nous y tenons beaucoup. Malheureusement, vous avez refusé de considérer que le principe de l’aménagement des peines était acquis. L’absence de moyens ne manquera pas de se faire sentir en la matière.
Bien entendu, je regrette que l’idée même d’une programmation des moyens nécessaires en vue d’une réelle amélioration des prisons n’ait été ni inscrite ni même évoquée dans la loi.
La notion de moyens est vaste. Il ne suffit pas de dire que l’on va construire des cellules supplémentaires ! Il faut aussi des moyens pour les juges, pour les SPIP, pour la réinsertion, etc.
J’ai eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais des personnels qui militent pour une amélioration de la condition pénitentiaire. Les personnels travaillent durement, c’est évident, et méritent d’être mieux considérés, mieux rémunérés et de travailler dans des conditions acceptables : voilà qui serait vraiment les respecter, plutôt que de les évoquer sans cesse afin de justifier le recul des droits des détenus !
Comment, enfin, ne pas voir une contradiction profonde entre la volonté affichée – il ne s’agirait donc que d’affichage ? – et le durcissement de la loi pénale. Ce durcissement n’a certes pas commencé avec votre entrée en fonctions, madame le garde des sceaux, mais vous l’avez considérablement aggravé en défendant des dispositions qui ont toutes été votées par la majorité, mes chers collègues. Cette contradiction, qui est assumée par la majorité parlementaire, hypothèque la sincérité de ce texte, car le durcissement de la loi pénale aggrave les conditions pénitentiaires.
Des pas en avant ont cependant été faits, et tout pas en avant nous agrée ; mon groupe s’abstiendra donc. Mais nous nous réservons le droit de voter contre ce texte en fonction de ce qu’il en adviendra lors de son examen à l’Assemblée nationale, et notamment si les avancées obtenues n’y figurent plus au moment du vote final.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Je ferai trois réflexions pour compléter l’excellent propos tenu, au nom de mon groupe, par Mme Anne-Marie Payet.
Je tiens tout d’abord à vous dire bravo, madame la ministre, d’avoir su mener en quelques mois deux démarches : l’une qui va dans le sens de la sécurité, parce qu’elle est nécessaire, parce que les délinquants sont effectivement des délinquants – il y en a de plus en plus ! –, parce que les dangers sont effectivement des dangers, quel que soit le qualificatif dont on les affuble, et qu’ils sont également de plus en plus nombreux ; l’autre qui consiste à faire sortir nos prisons de l’état pitoyable dans lequel elles se trouvent. Et même si nous avons pu améliorer ce texte, ces améliorations sont greffées sur le porte-greffe de votre projet de loi.
Bravo, donc, à ce gouvernement ! Je suis fier de soutenir un gouvernement qui a pu mener ces deux démarches. Dans le passé, les uns se préoccupaient d’un seul de ces deux aspects en omettant le second, et les autres faisaient de même à l’inverse. En assumant ces deux démarches, vous défendez une idée plus complète, plus satisfaisante et plus stimulante de la justice : une justice démocratique et humaniste, mais également protectrice de la sécurité de nos concitoyens.
Je tiens, ensuite, à dire bravo à la commission des lois, sans toutefois trop insister, car j’en fais partie ! (Sourires.)
Ce que nous venons de vivre, mes chers amis, est très intéressant ! Nous avons été les premiers à expérimenter la nouvelle procédure parlementaire, dont nous avons surtout vu les avantages. Peut-être comporte-t-elle quelques inconvénients,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Surtout pour le Gouvernement ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre Fauchon. ...mais elle a tout de même remarquablement fonctionné. Le mérite en revient à la commission, à son président et à M. le rapporteur, que je tiens à mon tour à féliciter.
Le mérite en revient également au Gouvernement, qui a eu la sagesse de ne pas chercher, comme on pouvait l’imaginer et le craindre, à reprendre la main – tentation somme toute bien naturelle ! – en mobilisant ses troupes ou en menant des combats quelque peu formels. C’est ainsi que cela doit se passer dans un véritable régime démocratique fondé sur la séparation des pouvoirs : le Gouvernement propose et le Parlement dispose.
Pour autant, le Gouvernement n’a pas été battu : il a fait ses propositions et nous avons assumé nos responsabilités. Il ne faut y voir aucun climat d’opposition : chacun joue son rôle, et cela me paraît pleinement satisfaisant.
Je suis de ceux qui regrettaient que ce texte soit examiné en urgence, et je continue de penser que l’urgence ne s’imposait pas juridiquement : nous l’avions attendu pendant dix ans ; nous pouvions l’attendre encore un mois ou deux ! Pour autant, je ne vois pas bien ce qu’apporterait une lecture supplémentaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, ce n’est pas la peine d’en parler ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon. Tout de même, madame Borvo Cohen-Seat, j’ai le droit d’avoir mon avis !
Sur le plan technique, nous avons exploré tous les aspects du texte et dit tout ce que nous avions à dire, sauf peut-être M. Sueur, qui est intarissable (Nouveaux sourires), tant est grande son intelligence des problèmes. Nous avons envisagé les différentes hypothèses. Le texte va désormais être examiné par l’Assemblée nationale, puis par la commission mixte paritaire. L’absence de deuxième lecture ne me semble donc pas constituer un réel inconvénient.
Enfin, je crois que nous avons fait au mieux de ce que nous pouvions. Mais l’essentiel reste à venir, c’est-à-dire ce qui va se passer sur le terrain : le programme de constructions et l’action des hommes, à laquelle Mme Borvo Cohen-Seat faisait allusion tout à l’heure.
Je souhaite que le programme de constructions soit activement poursuivi. Et puisque le Gouvernement a pris l’engagement de lancer des mesures destinées à stimuler l’activité économique, j’espère que les équipements pénitentiaires en bénéficieront. La situation pénitentiaire y gagnera, de même que ceux qui tiennent à la réactivation et au soutien de l’activité économique.
Je tiens également à rendre hommage aux personnels de l’administration pénitentiaire qui consacrent leur vie aux détenus, assumant ainsi une tâche infiniment difficile et délicate, et notamment aux cadres, lesquels pourraient faire d’autres métiers. Ils ont opté pour celui-là, par vocation ; ils méritent que nous leur exprimions notre confiance.
Le Parlement a donc achevé sa mission. Il appartient désormais au Gouvernement, dont c’est la responsabilité, de mettre en œuvre ce texte. Je lance, madame le garde des sceaux, un appel aux membres de votre équipe, et notamment à votre directeur des affaires pénitentiaires,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les affaires pénitentiaires, il vaut mieux qu’il n’y en ait pas trop ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon. …afin qu’ils stimulent, motivent et aident les personnels pénitentiaires et que cette loi porte tous ses fruits.
Quant à nous, parlementaires, nous ressentons une petite pointe de fierté, celle d’avoir fait en sorte que la France n’ait plus à rougir, au moins au niveau de sa législation, de son système pénitentiaire.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons abordé ce texte avec optimisme et conviction. Telle fut l’attitude positive adoptée à l’égard de ce projet de loi par ma collègue Alima Boumediene-Thiery tout au long de cette semaine de débat.
Le texte sur lequel nous allons nous prononcer dans quelques instants est bien loin, et c’est heureux, du projet indigent qui nous a été soumis par le Gouvernement, et nous sommes conscients des améliorations qui ont été apportées. Cependant, mes chers collègues, pourquoi sommes-nous restés à mi-chemin, alors que nous aurions pu, enfin, donner à notre pays une loi pénitentiaire digne de ce nom ?
Malgré tout le respect que nous devons à l’excellent travail de M. le rapporteur, Jean-René Lecerf, nous ne pouvons adhérer complètement à ce texte. En effet, si, sur de nombreux points, il nous apporte satisfaction, en revanche, sur d’autres, il est en retrait par rapport à nos attentes. Ces attentes n’étaient pourtant ni irréalistes ni impossibles à satisfaire ! Nous regrettons que notre optimisme ait désormais le goût amer de la déception et de la frustration.
Nous ne voterons pas contre ce texte, parce qu’il porte en lui des avancées que nous ne pouvons pas ignorer. Mais nous ne voterons pas pour non plus, en raison de son caractère incomplet, et finalement timide sur des aspects qui nous semblaient pourtant fondamentaux. En conséquence, les sénatrices et sénateurs Verts s’abstiendront.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pierre Fauchon a insisté sur les excellentes conditions dans lesquelles nous avons travaillé, dans le cadre de la nouvelle donne constitutionnelle. Je crois que ce projet de loi, le premier examiné selon cette procédure inédite, était assez adapté à ce type de débat.
Les quatre jours consacrés à l’examen de ce texte ont représenté, si j’en crois les propos que j’entends à l’extérieur, un grand moment de la vie parlementaire, car nous avons examiné au fond tous les aspects de la vie carcérale et bien rempli notre mission de parlementaires.
Nous avons défendu, les uns et les autres – et nous aussi ! –, la dignité des personnes détenues.
Il ne faut jamais oublier non plus que l’univers carcéral est également composé de détenus qui présentent un caractère de dangerosité, même si certains n’aiment pas ce terme. La sécurité en prison doit reposer sur un équilibre, tout en garantissant aux détenus le plus grand nombre possible de droits afin de favoriser leur réinsertion.
C’est ce à quoi nous avons tendu au cours de ce débat.
Pierre Fauchon l’a souligné, ce projet de loi pénitentiaire n’aurait aucun sens sans la poursuite du programme de rénovation des établissements pénitentiaires, qui constitue pour nous la condition de la réussite de ce texte.
Madame le garde des sceaux, je tiens à vous remercier de l’ouverture d’esprit dont vous avez fait montre à l’égard des propositions du Parlement. Je remercie également tous vos collaborateurs et les services du ministère de la justice, avec lesquels nous avons l’habitude de travailler. Je ne les citerai pas, ils diffèrent selon la nature des textes qui nous sont soumis.
Le rapporteur et la commission des lois ont pu élaborer ce texte dans un parfait dialogue avec le ministère de justice. Ainsi, très peu d’amendements du Gouvernement ont été déposés, ce qui démontre bien l’efficacité de la procédure parlementaire.
Cet hommage s’adresse tout à la fois aux services de votre ministère, qui ont su favoriser nos échanges, et au Parlement, qui sait élaborer les lois.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté. – Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je vous remercie d’avoir adopté ce projet de loi.
Présenter ce projet de loi pénitentiaire devant la Haute Assemblée a été pour moi un privilège d’autant plus grand que ce texte inaugure une nouvelle « ère » dans les relations entre le Gouvernement et le Parlement, qui font l’honneur de la démocratie.
Ce débat a permis des avancées fondamentales pour notre démocratie : plus d’aménagements des peines, plus de droits et de dignité pour les détenus, plus de moyens pour améliorer les conditions de travail de l'administration pénitentiaire.
C’est tous ensemble que nous faisons progresser la démocratie en modernisant notre système pénitentiaire.
Depuis trop longtemps, il est question de la prison. Avec la discussion de ce projet de loi devant votre assemblée, nous venons de franchir une étape décisive.
Je tiens à vous remercier et à saluer la qualité du travail que le Sénat a accompli.
L’adoption de ce projet de loi doit beaucoup à l’implication de la commission des lois, notamment de son président et de son rapporteur, et, plus globalement, à celle du Sénat.
Je tiens à vous remercier de la qualité de nos échanges, lors de l’examen des amendements. Nous avons pu débattre de toutes les questions, en profondeur, sans tabou aucun. La participation de membres de tous les groupes a permis d’enrichir le texte.
Par votre vote, vous témoignez ainsi une nouvelle fois de votre attachement à la protection des droits et au respect de la dignité humaine.
De nombreux sénateurs ont salué l’humanisme du rapporteur Jean-René Lecerf. Je m’y associe et souhaite également rendre hommage à l’humanisme du Président de la République, qui a voulu cette loi. Sans son engagement, nous aurions attendu longtemps un tel texte, comme nous aurions attendu longtemps la loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et sa nomination, auquel il a été fait référence de nombreuses fois au cours de ce débat.
Nous avons tous eu la volonté d’améliorer non seulement les conditions de détention des personnes détenues, mais également les conditions de travail des personnels pénitentiaires, auxquels je souhaite encore une fois rendre hommage.
Malgré un ordre du jour très chargé, vous avez montré beaucoup d’exigence, en discutant et en adoptant ce texte nécessaire.
En adoptant aujourd’hui ce projet de loi, vous venez de vous prononcer sur un texte fondamental, qui fera entrer notre système pénitentiaire dans le XXIe siècle.
Cette loi est attendue depuis près de vingt ans. C’est une avancée inestimable pour les personnels pénitentiaires, pour la sécurité des Français et pour les détenus. C’était une question d’honneur et de responsabilité. Je suis fière d’avoir porté ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)