M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS FINALES
Article additionnel avant l'article 58 A
M. le président. L'amendement n° 277, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 58 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 622-1 à L. 622-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.
II. – Le 4° de l'article L. 282-1 du code de l'aviation civile est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous avons déjà évoqué hier la situation des étrangers détenus. Actuellement, la loi prévoit jusqu’à un an d’emprisonnement pour l’entrée ou le séjour irrégulier sur le territoire français. C’est un délit des plus fréquents, qui est le plus souvent frappé d’une peine de prison ferme.
Pire encore, les étrangers qui essaient d’échapper à une expulsion, à un refoulement – par exemple en cachant leur identité ou leur nationalité –, ou qui reviennent clandestinement en France après en avoir été expulsés, peuvent être condamnés à trois ans d’emprisonnement.
Enfin, toute personne qui voudrait, face à de tels dénis de droit et d’humanité, exercer ses droits de citoyen en cherchant à entraver l’expulsion d’une personne n’ayant pas la nationalité française est susceptible de poursuites pénales. Nous connaissons des cas, dont un s’est produit dernièrement, le 19 février dernier, dans mon département.
En conséquence, si le Gouvernement a réellement l’ambition de désengorger les prisons, il serait plus que nécessaire de libérer les gens qui n’ont rien à y faire. Le fait de se retrouver en prison parce que l’on a essayé de vivre en France est, de mon point de vue, scandaleux ; s’y retrouver parce qu’on a refusé de rester muet face à une injustice flagrante l’est tout autant.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’abroger les délits de séjour irrégulier, d’aide au séjour irrégulier et d’entrave à la navigation ou à la circulation des aéronefs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement est sans lien avec l’objet du projet de loi. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si l’objectif de cet amendement est de désengorger les prisons par l’abrogation de délits, je voudrais juste vous signaler qu’en 2007 ceux-ci ont donné lieu à 286 condamnations à des peines fermes. Ce n’est pas cela qui va résoudre le problème ! De plus, la durée moyenne d’emprisonnement pour ces délits est de 2,8 mois. Il ne s’agit donc pas de longues peines.
En outre, abroger ces délits reviendrait à donner un signe absolument désastreux. Cela risquerait de favoriser notamment les filières criminelles et les passeurs, ce que nous ne souhaitons pas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pourtant pas ça qui empêche les étrangers de venir !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 58 A
Avant l'avant-dernier alinéa de l'article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les actions conduites par l'État, les communes de 10 000 habitants et plus, les établissements publics de coopération intercommunale de 10 000 habitants et plus, les départements, les régions ainsi que les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ne sont éligibles au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance que s'ils proposent des travaux d'intérêt général destinés aux personnes condamnées. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, supprimer (deux fois) les mots :
de 10 000 habitants et plus
La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. L’un des objectifs majeurs de ce projet de loi est de promouvoir les solutions alternatives à l’enfermement, dont les travaux d’intérêt général.
Ce dispositif, je le « plébiscite », car il permet indéniablement d’offrir aux personnes condamnées – très souvent des jeunes majeurs – une seconde chance.
Ces jeunes sont généralement à la recherche de limites et de repères. Ainsi pris en charge dans un contexte nouveau, encadrés et contraints de réaliser ces travaux d’intérêt général, certains trouvent la chance d’acquérir une première expérience professionnelle, aussi petite qu’elle soit. C’est notamment vrai dans le cas des peines les plus lourdes. Je regrette d’ailleurs que l’extension de la possibilité de condamner ces personnes à quatre cents heures n’ait pas été retenue.
Afin de promouvoir notamment l’accueil des personnes condamnées à des travaux d’intérêt général, un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance a été créé. Néanmoins, force est de constater que les collectivités ou autres structures bénéficiaires de ce fonds ne répondent pas systématiquement aux demandes des SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, qui cherchent à placer les personnes condamnées à des travaux d’intérêt général.
C’est sans aucun doute pour cette raison que le rapporteur M. Jean-René Lecerf a introduit le présent article 58 A, qui contraint les collectivités de plus de 10 000 habitants à proposer des travaux d’intérêt général si elles souhaitent bénéficier du fonds de compensation.
Par ailleurs, les SPIP recherchent régulièrement des solutions d’accueil de proximité, notamment en zone rurale, afin de permettre aux personnes condamnées qui sont domiciliées loin des pôles urbains d’effectuer les travaux d’intérêt général près de leur domicile, ce qui lève ainsi rapidement les contraintes, celles-ci étant généralement liées au transport.
Il est important de signaler que, actuellement, des communes plus petites que le seuil retenu ont signé des conventions avec les juges de l’application des peines, et qu’elles accueillent, à la demande des SPIP, des jeunes condamnés. Nous pouvons parler sans détour de volontariat, et très souvent l’accueil et le suivi y sont très personnalisés.
Or, le traitement qui est réservé à ces collectivités pourtant vertueuses est inéquitable. En effet, ces petites collectivités ne sont pas prises en considération dans le cadre du fonds de prévention de la délinquance. Elles n’en bénéficient pas du tout, alors que d’autres communes en bénéficient sans proposer de travaux d’intérêt général !
Aussi, je propose tout simplement de supprimer les mots « de 10 000 habitants ou plus » dans l’article 58 A, ce qui permettra ainsi à toute collectivité, quelle que soit sa taille, de pouvoir bénéficier du fonds interministériel de prévention de la délinquance si elle propose effectivement des travaux d’intérêt général aux personnes condamnées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le seuil de 10 000 habitants retenu par la commission avait une double justification. D’une part, nous avions le souci de ne pas pénaliser les petites communes en les obligeant à proposer des travaux d’intérêt général aux personnes condamnées afin de pouvoir solliciter un financement du fonds interministériel de prévention de la délinquance. D’autre part, un souci de cohérence, puisque seules les communes de 10 000 habitants et plus sont tenues de créer des CLSPD, ou conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Pour autant, il est effectivement souhaitable d’inciter l’ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à développer les travaux d’intérêt général. À cet égard, si nous n’adoptons pas l’amendement que nous soumet notre collègue Catherine Troendle, il est évident que les petites communes faisant l’effort de mettre des travaux d’intérêt général à disposition seront doublement pénalisées.
C’est pourquoi la commission s’en remet, sur cet amendement, à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hugues Portelli. Article 40 ! (Rires.)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je suis gênée pour répondre, car, au moment de la création du fonds interministériel de prévention de la délinquance, je me suis beaucoup battue avec M. Lecerf ! Jean-Patrick Courtois travaillait lui aussi sur ce texte. Nous avons souhaité élargir la possibilité pour d’autres organismes d’accueillir des travaux d’intérêt général. Ce faisant, nous avons incité à créer de tels travaux.
Les arguments avancés par M. le rapporteur sont intéressants. J’ai moi-même eu l’occasion de le souligner au cours des débats, les travaux d’intérêt général sont un moyen efficace de réinsérer les jeunes majeurs, voire les mineurs de plus de seize ans. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Madame Troendle, je suis très sensible à votre amendement, car je considère que tout ce qui est de nature à contribuer à l’extension des travaux d’intérêt général, dont je suis le père lointain – cela fait tout de même vingt-cinq ans ! –, est bienvenu. Nous avons eu les plus grandes difficultés à les mettre en pratique, mais il s’agit là, à n’en point douter, de l’une des meilleures armes pour prévenir la récidive. Je soutiens donc votre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 58 A, modifié.
(L’article 58 A est adopté.)
Article 58
I. - La présente loi est applicable :
1° En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, à l’exception des deuxième à quatrième alinéas de l’article 9 et du second alinéa de l’article 14 ;
2° Dans les îles Wallis et Futuna, à l’exception de l’article 2, des deuxième à quatrième alinéas de l’article 9 et du second alinéa de l’article 14.
II. - Pour l’application des articles 2 et 2 sexies, la Nouvelle-Calédonie est regardée comme une collectivité territoriale.
III. - En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, à l’article 23, pour le dépôt des biens abandonnés par les détenus à leur libération, la Caisse des dépôts est remplacée par le Trésor public.
IV. - L’État peut conclure avec les autorités compétentes des îles Wallis et Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie une convention afin de définir les modalités d’application de l’article 20.
V. - Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 9 sont applicables à Mayotte.
M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La commission a supprimé l’article 23, relatif aux biens abandonnés par les détenus à leur libération, mais elle a oublié de supprimer par coordination les dispositions d’adaptation de cet article en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna figurant au III du présent article. Cet amendement vise donc à réparer cette omission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’adoption de cet amendement, très opportun, permettra en effet la réparation d’un oubli. La commission y est donc favorable et remercie M. Desessard de son initiative.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 58, modifié.
(L’article 58 est adopté.)
Article 59
Dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d’arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas leur application.
Cependant, la personne condamnée ou, sous réserve de l’accord du magistrat chargé de l’information, la personne prévenue peut demander son transfert dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 55 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.
L’amendement n° 278 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
M. Jean Desessard. La surpopulation carcérale est devenue le cancer de nos prisons, qui conduit certains détenus à vivre aujourd’hui dans des conditions d’hygiène et d’insalubrité portant atteinte à leur dignité.
Je souhaite avant tout vous rappeler un chiffre : au 1er février dernier, le nombre de personnes détenues était de 62 744, soit une surpopulation carcérale de 12 654 détenus. Rendez-vous compte, 12 654 détenus en surnombre !
Depuis 1958, le code de procédure pénale prévoit l’emprisonnement individuel de jour comme de nuit. Cela fait plus de cinquante ans que ce principe est inscrit dans notre droit, et il n’a pourtant jamais été respecté. La dérogation à ce principe, supposée exceptionnelle et provisoire, est devenue la règle.
Dans ces conditions, les questions qui se posent sont simples. Allons-nous continuer ainsi longtemps ? Allons-nous encore éternellement repousser l’échéance de cinq ans en cinq ans, trouvant, à chaque fois, une raison de ne pas respecter nos engagements ? Allons-nous encore longtemps laisser des prévenus entassés à quatre par cellule sans réagir ? Allons-nous encore attendre que des détenus se suicident pour décider de mettre enfin un terme à cette mascarade ?
Nous avons, aujourd’hui, une responsabilité historique : nous devons la saisir !
De deux choses l’une : soit nous maintenons le principe de l’encellulement individuel et, dans ce cas, nous devons l’appliquer dès aujourd’hui ; soit nous mettons un terme à l’hypocrisie, et nous supprimons ce principe de notre droit.
Sans l’éradication de la surpopulation carcérale, nous aurons beau donner aux détenus tous les droits, nous ne réussirons jamais à faire respecter leur droit élémentaire à la dignité.
Mes chers collègues, la dignité de milliers de détenus est aujourd’hui entre nos mains.
Nous devons refuser de cautionner, pour cinq années supplémentaires, cette situation qui représente une véritable honte pour notre République.
Nous devons refuser de cautionner un moratoire qui transforme nos prisons en mouroir de la République.
Depuis le 12 juin 2008, ce moratoire est caduc. Pourquoi ne pas en profiter pour améliorer le décret du 10 juin 2008 et créer, enfin, les conditions du respect de la dignité des détenus ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 278.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je rappellerai que le Comité d’orientation restreint, le COR, a lui-même préconisé le maintien du principe de l’encellulement individuel et la suppression du moratoire. Nous ne pouvons pas en effet énoncer un principe tout en nous donnant les moyens de ne pas l’appliquer !
Nous nous sommes bien sûr félicités de la réaffirmation du principe de l’encellulement individuel proposée par M. le rapporteur. Nous avons donc voté son amendement, même si nous avons émis un certain nombre de réserves.
À l’évidence, l’instauration d’un nouveau moratoire de cinq ans ne manquera pas de rendre la situation très incertaine. En la matière, nous avons une longue pratique des moratoires, et cette disposition gâche quelque peu les choses. Je le répète, cessons de nous donner, encore une fois, l’occasion de déroger à nos principes et affirmons notre volonté de les appliquer le plus rapidement possible !
Pour ce faire, il importe d’adopter notre proposition, de nous mettre l’épée dans les reins, si je puis dire, ce qui nous incitera à agir. Madame la ministre, construire des prisons supplémentaires ne servira à rien s’il s’agit uniquement, comme vous le laissez entendre, d’envoyer encore plus de personnes en prison. Il est temps de mettre en œuvre tout ce que nous exprimons, plus ou moins timidement d’ailleurs, pour diminuer le nombre des personnes derrière les barreaux.
M. le président. L’amendement n° 186 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du premier alinéa de cet article, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement, dont le premier signataire est mon collègue Richard Tuheiava, s’inscrit dans le même esprit que celui des deux amendements précédents. Instaurer un nouveau moratoire de cinq ans nous paraît excessif, surtout qu’il vient à la suite de deux autres qui n’ont pas permis d’aboutir. Pour mettre fin à la période de non droit dans laquelle nous sommes aujourd’hui, nous souhaitons que la durée du nouveau moratoire soit réduite à trois années.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il convient de le rappeler, l’article 59 introduit également, grâce à une décision récente de Mme le garde des sceaux, la possibilité pour la personne prévenue de « demander son transfert dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle ». Il s’agit tout de même d’un point positif.
On compte, aujourd’hui, environ 63 000 détenus et 35 000 cellules individuelles. Autrement dit, si le moratoire était supprimé, il faudrait, pour respecter le principe de l’encellulement individuel, libérer près de 30 000 personnes. Cela n’a pas beaucoup de sens !
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 55 rectifié et 278.
Par ailleurs, la commission est également défavorable à l’amendement n° 186 rectifié, qui tend à réduire la durée du moratoire à trois années. En effet, compte tenu des délais d’achèvement du programme de construction lancé par la loi Perben II, il est plus réaliste de maintenir une durée de cinq ans.
Je forme le vœu que, à l’issue de cette période, et contrairement à ce qui s’est passé pour les moratoires précédents, nous soyons enfin réellement « dans les clous » ou, à tout le moins, que nous nous soyons largement rapprochés de l’objectif fixé.
Mme Éliane Assassi. Vœu pieux !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Un vœu pieux ? Oui, si ces amendements sont acceptés ! Nous y sommes totalement défavorables, car les dispositions proposées sont irréalisables, pour ne pas dire irréalistes. Il convient d’être raisonnables, en nous donnant une marge de cinq années : si nous réussissons dans ce laps de temps, nous aurons tous contribué à apporter plus de dignité dans nos prisons.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié et 278.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, puisque c’est la première fois que nous délibérons avec la nouvelle procédure, je tiens à vous donner quelques indications statistiques à l’issue de nos travaux.
La commission des lois avait intégré dans son texte un peu plus d’une centaine d’amendements : 96 amendements que j’ai présentés, mais aussi 11 amendements proposés par les autres membres de la commission, notamment ceux du groupe CRC-SPG et de notre collègue Hugues Portelli.
Lors de la discussion en séance publique, le Sénat a adopté une quarantaine d’amendements, présentés aussi bien par la commission des affaires sociales, par nos collègues du groupe socialiste, apparentés et rattachés, par ceux du groupe CRC-SPG, par la commission des lois elle-même, pour tenir compte des observations des uns et des autres, par Mme Troendle que par le Gouvernement.
Au-delà de ces chiffres, mes chers collègues, seule compte la substance des modifications que nous avons introduites, et force est de constater qu’elle est d’importance.
Ainsi, les droits des personnes détenues ont été renforcés, le principe de leur encellulement individuel a été maintenu, le développement des alternatives à l’incarcération a été facilité, ainsi que celui des aménagements de peines, et le statut des personnels pénitentiaires a été amélioré. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis quatre jours et trois nuits, nous avons tous effectué un travail important. Ce fut même une véritable œuvre partagée, puisque, M. le rapporteur vient de le rappeler, ce ne sont pas moins de cent quarante amendements qui, au total, ont été adoptés. Le débat a permis à chacun d’exprimer ses convictions.
Monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, je tiens à vous féliciter. Peut-être que rien n’aurait été possible si vous n’aviez pas fait preuve d’humanisme. Vous saviez du reste qu’une telle attitude trouverait un écho favorable auprès de vos collègues, tant l’humanisme est une valeur largement partagée sur les travées de cet hémicycle, au-delà même des divergences politiques.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Alain Anziani. Il était d’autant plus important de faire preuve d’humanisme que la prison souffre justement d’un manque d’humanité. À l’issue de l’examen de ce texte, d’aucuns diront que l’on y a mis une certaine dose d’humanité : un peu, beaucoup, ou pas assez, les avis divergent ; pour ma part, je penche pour « un peu ».
Pour autant, vous connaissez nos positions, nous ne les cachons pas. En fait, nous étions saisis de deux textes : d’un côté, le texte initial du Gouvernement, de l’autre, le texte revu par la commission des lois et soumis à la commission des affaires sociales, avec, parfois, des inspirations différentes.
Sur plusieurs points, c’est l’inspiration initiale qui est restée le socle du texte. Je le redis, même si cela peut paraître aux yeux de certains polémique ou, ce qui serait plus triste, anecdotique, voire hors sujet, nous ne pouvons pas délier la politique pénitentiaire de la politique pénale.
Au cours de ces quatre jours de discussion, nous aurons concentré tous nos efforts pour tenter, finalement, sur de nombreuses dispositions, d’ouvrir les portes que le Gouvernement s’était évertué à fermer, mû par la volonté de faire entrer le maximum de détenus dans les cellules des prisons. Il y a là une véritable contradiction, que nous avons soulevée à maintes reprises : rien ne sert de remplir à ras bord les prisons si, ensuite, on s’efforce de les vider, en empruntant, de surcroît, des voies plus secrètes, notamment aux yeux de l’opinion publique.
Nous avons eu essentiellement trois vrais points de désaccord entre nous.
Il s’agit, tout d’abord, de la question des fouilles corporelles, qui, loin d’être accessoire, est véritablement symbolique.
Nous ne sommes en effet pas parvenus à faire adopter un bon dispositif à ce sujet, qui restera comme l’un des points noirs du texte et, partant, de la condition pénitentiaire. Certes, je le reconnais, des améliorations ont été apportées, mais, le plus souvent, elles en sont restées au stade des promesses, par exemple en ce qui concerne la mise à disposition de moyens de détection électronique. Au final, nous avons entendu beaucoup de bonnes intentions, mais peu d’engagements. Les fouilles sont véritablement une atteinte à la dignité humaine. Nous ne pouvons donc qu’être déçus par les dispositions adoptées en la matière.
Il s’agit, ensuite, de la cellule disciplinaire.
En l’occurrence, plutôt que de renvoyer dos à dos les présumés laxistes et les supposés répressifs, nous aurions pu, tous ensemble, partager ce même objectif de la réinsertion du détenu et de sa préparation à la liberté. Il faut effectivement faire en sorte que celui-ci, en sortant, n’ait pas plus de haine qu’à son entrée en prison.
Il s’agit, enfin, des régimes différenciés de détention.
Des avancées ont tout de même été obtenues. Monsieur le rapporteur, l’amendement que vous avez fait adopter aura, je le redis une nouvelle fois, une portée considérable.
J’ai bien perçu la teneur des débats. À cet égard, je voudrais inviter non seulement Mme le garde des sceaux, mais aussi l’administration pénitentiaire dans son ensemble à toujours se dire que, dans les prisons, la réalité n’est pas toujours celle qu’ils présentent. Souvent, malheureusement, elle est bien différente. Je ne vous fais pas un procès d’intention, je fais simplement un constat.
Une autre question doit être évoquée : pourquoi ne pas procéder à une deuxième lecture ? Si vous aviez renoncé à votre procédure d’urgence, le travail que nous avons accompli pendant ces quelques jours et qui va se poursuivre à l’Assemblée nationale aurait pu porter davantage de fruits. Peut-être nos points de vue auraient-ils pu se rapprocher. Vous nous privez d’un vrai consensus sur cette loi pénitentiaire. Nous le regrettons et pour cette raison, nous ne pouvons que nous abstenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Mes chers collègues, nous nous prononçons aujourd’hui sur un grand texte fondateur dans le domaine pénitentiaire. En le votant, nous saisissons aujourd’hui une occasion unique, je dirais presque historique, de refonder notre politique pénitentiaire, de la rendre plus humaine afin que nos prisons ne soient plus « une humiliation pour la République ». J’ai récemment visité des Français et des Françaises détenus dans des prisons à Saint-Domingue Certains d’entre vous devraient peut-être faire une telle expérience.
Le travail accompli ici, mes chers collègues, ainsi que vos propositions, madame le garde des sceaux, vont dans la bonne direction.
Au nom du groupe UMP tout entier, je souhaiterais rendre un hommage appuyé à Mme le garde des sceaux.
Depuis votre prise de fonction au sein du Gouvernement, madame, vous avez mis en œuvre une politique déterminée pour améliorer le fonctionnement de notre justice.
Afin de renforcer l’état de droit en prison, vous avez instauré un contrôle indépendant de la détention. Pour lutter contre la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention, vous avez construit de nouvelles places de prison, rénové les établissements pénitentiaires et créé des emplois pour le suivi des détenus.
Tous vos engagements ont été tenus et ce projet de loi est à la hauteur de vos ambitions.
Grâce à l’excellent travail de notre rapporteur, Jean-René Lecerf, sous la haute responsabilité du président Hyest, certaines dispositions du texte d’origine ont été considérablement améliorées.
Des propositions innovantes ont pu être adoptées, en ce qui concerne tant les droits des détenus que l’obligation d’activité.
Nous avons fait aujourd’hui œuvre utile, en donnant à la présente loi toute sa portée et en améliorant de façon significative les conditions de détention.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera sans réserve en faveur du texte de la commission des lois sur ce projet de loi majeur, qui doit permettre à la société tout entière de porter un regard nouveau sur les prisons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)