Article 51
L'article 717-1 est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dès leur accueil dans l'établissement pénitentiaire et à l'issue d'une période d'observation pluridisciplinaire, les détenus font l'objet d'un bilan de personnalité. Un parcours d'exécution de la peine est élaboré par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pour les condamnés, en concertation avec ces derniers, dès que leur condamnation est devenue définitive. Le projet initial et ses modifications ultérieures sont portés à la connaissance du juge de l'application des peines. » ;
2° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Leur régime de détention est déterminé en prenant en compte leur personnalité, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale. Le placement d'une personne détenue sous un régime de détention plus sévère doit être spécialement motivé. »
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, nous sommes en présence d’une question de la plus haute importance.
Le placement en régime différencié ne se limite pas à une entrave à la liberté de circulation du détenu, comme l’a annoncé Mme le garde des sceaux lors de la discussion générale. C’est là une interprétation très restrictive de la réalité carcérale.
Comme vous le savez, les conséquences du régime différencié sont plus graves que cela. Une telle décision a des conséquences sur la situation juridique des détenus : elle marque le détenu tout au long de la détention. Celui-ci est entravé non seulement dans sa liberté de circulation, mais également dans son accès aux activités, par exemple à la bibliothèque.
Je souhaite vous dire que nous sommes opposés à ces régimes différenciés. Ils n’ont aucune justification et entraînent de graves atteintes aux droits des détenus, que nous avons pourtant proclamés avec force depuis mardi.
Sans aller jusqu’à la suppression des régimes, le texte de la commission a proposé, à bon droit, que de telles décisions de placement soient motivées. Cela entraîne une conséquence simple : la possibilité, de droit, pour le détenu de contester la décision devant le juge de l’excès de pouvoir. Et c’est pourquoi, madame le garde des sceaux, vous souhaitez supprimer la motivation spéciale et avez déposé un amendement en ce sens.
En l’état actuel, vous savez que de telles mesures sont considérées comme des mesures d’ordre intérieur par le Conseil d’État, même si les juges du fond ont tendance à les considérer comme des décisions administratives individuelles défavorables, au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public.
Le texte ouvre une brèche indispensable. Il s’agit de mettre un terme à une immunité juridictionnelle dont dispose aujourd’hui l’administration pénitentiaire, ce qui lui permet de sanctionner les détenus sans contrôle extérieur.
L’objet du présent projet de loi est de faire entrer le droit dans nos prisons. Cela implique également que les décisions prises à l’encontre des détenus puissent être contrôlées.
Je regrette donc que le Gouvernement maintienne un amendement visant à supprimer la motivation de ces décisions.
C’est la raison pour laquelle nous avons sous-amendé votre amendement, madame le garde des sceaux. Nous souhaitons préciser que ces décisions constituent des décisions individuelles défavorables qui doivent être motivées.
Pour autant, ce qui vaut pour l’amendement du Gouvernement vaut également pour le nouvel amendement qui a été déposé par la commission. Même si cet amendement vise à supprimer la référence aux régimes différenciés et à encadrer le champ de telles mesures, il reste muet sur la motivation de ces décisions.
Nous soutiendrons donc l’amendement de M. le rapporteur si nous avons la garantie que ces décisions peuvent être considérées comme des décisions faisant grief, donc susceptibles de faire l’objet d’un recours.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 173, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 717-1 est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dès leur accueil dans l'établissement pénitentiaire, les détenus sont placés, sans distinction, dans un quartier arrivant. Ils font l'objet d'un bilan de personnalité. Un parcours d'exécution de la peine est élaboré par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pour les condamnés, en concertation avec ces derniers, dès que leur condamnation est devenue définitive. Le projet initial et ses modifications ultérieures sont portés à la connaissance du juge de l'application des peines. » ;
2° Après le premier alinéa sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Après le passage en quartier arrivant, si l'établissement pénitentiaire comporte différents régimes de vie, le détenu est placé dans le quartier de détention commun.
« Si le comportement du détenu se révèle incompatible avec le régime de droit commun, il peut être placé dans un régime dérogatoire par décision spécialement motivée du chef d'établissement, après avis du juge de l'application des peines. Un tel placement est pris pour une durée de trois mois, renouvelable selon la même procédure. Le détenu peut faire parvenir au juge de l'application des peines toutes observations concernant la décision prise à son égard.
« Les détenus qui sont soumis à un régime dérogatoire conservent l'accès aux promenades et aux activités collectives et de travail dans les mêmes conditions que les autres détenus. Le régime dérogatoire ne porte que sur les possibilités de déplacements libres des détenus au sein de l'unité de vie durant la journée. »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Je souscris à ce que vient de souligner M. Desessard et cet amendement est d’inspiration voisine.
En matière de régimes différenciés – et ce n’est pas faire un mauvais procès que de le constater –, il y a la théorie et la pratique.
En théorie il y a, d’un côté, des portes closes et, de l’autre, des portes ouvertes. Et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles de l’univers carcéral…
Mais, en pratique, il y a plusieurs prisons en une seule, avec des effets particuliers dont j’aimerais d’ailleurs en développer deux.
Le premier effet est un effet stigmatisant. Je relisais récemment un rapport rédigé par M. Jean-Marie Delarue, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, après une visite à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. M. Delarue écrivait ceci : « L’illusion du “parcours” peut donc se traduire en définitive par une pure et simple ségrégation entre les différents bâtiments ou étages de l’établissement, avec les détenus susceptibles d’évolution au cours de leur incarcération et ceux qui seront laissés pour compte de manière souvent irréversible durant tout leur temps de détention, dans une coursive réputée difficile pour eux comme pour le personnel pénitentiaire. » C’est une première dérive.
Le deuxième effet, je le qualifierai de « pervers ». Je ne dis pas que cela correspond à une volonté, mais c’est tout de même la réalité. Dans les faits, les personnes concernées bénéficieront de solutions plus ou moins accommodantes selon l’endroit où elles se trouveront. Ce sera notamment le cas pour toutes les décisions de classement, en particulier pour le travail. Voilà la réalité des régimes différenciés.
Dans mon amendement, je mentionne également la nécessité de motivation, qui figure dans le texte de la commission.
Toutefois, je suis disposé à faire une concession. J’entends bien l’objection qui nous est adressée, notamment par Mme la garde des sceaux. On nous demande pourquoi nous réclamons une telle disposition alors qu’elle figure déjà dans la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, qui oblige à motiver les décisions, en particulier les décisions défavorables.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à regarder la réalité, notamment les contentieux devant le Conseil d'État. Le ministère de la justice s’est récemment pourvu en cassation contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, en arguant du fait que de telles décisions, dans la mesure où elles sont d’ordre intérieur, échappent à l’obligation de motivation.
Pour ma part, je veux bien faire un effort si on me dit que ces décisions sont nécessairement motivées et que le ministère de la justice abandonnera le moyen qui est aujourd'hui le sien dans l’ensemble de ses recours !
M. Jean Desessard. Très bien ! Très clair !
M. le président. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du second alinéa du 1° de cet article par les mots :
et de santé
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’article 51 est certainement l’un des plus importants du titre II du projet de loi.
Le 1° de cet article vient utilement déterminer les conditions de prise en charge du détenu par une équipe pluridisciplinaire ayant pour objectif une meilleure individualisation de la peine dans le cadre du parcours d’exécution de la peine.
Il est ainsi fait référence à un « bilan de personnalité », dont l’objectif est connu : évaluer la dangerosité du détenu. Si l’expression est absente, nous savons qu’il s’agit bien de cela.
D’ailleurs, c’est bien ce bilan de personnalité qui a été créé dans le cadre de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, bilan qui est effectué par une équipe pluridisciplinaire.
Chacun peut comprendre que la dangerosité du détenu soit évaluée à son incarcération. En revanche, je suis stupéfait qu’aucune mesure relative à la santé du détenu et à son évaluation lors de l’incarcération ne soit prévue.
Nos prisons ont connu ces derniers mois une hécatombe ; je veux parler des nombreux suicides. Or ce sont justement les dispositifs de détection et d’évaluation des risques suicidaires lors de l’incarcération qui sont aujourd’hui pointés du doigt.
C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs verts ont déposé une demande de commission d’enquête sur les outils d’évaluation du risque suicidaire en prison. Il s’agit de faire la lumière sur les méthodes utilisées et leur évaluation.
Nous attendons toujours, madame la ministre, les conclusions du rapport Albran sur l’évaluation du risque suicidaire, qui aurait pu nous éclairer dans ce débat. Nous regrettons profondément que cette question ne soit pas traitée par le projet de loi, ni même évoquée de manière indirecte.
L’objet de cet amendement est de réintroduire une préoccupation majeure : la santé des détenus.
Nous proposons de mettre en place, au côté du bilan de personnalité, un véritable bilan de santé permettant d’évaluer, de manière précise, le risque suicidaire et les troubles psychologiques du détenu entrant.
C’est un impératif moral catégorique. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser des détenus malades ou vulnérables subir un régime de détention inadapté à leur condition. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur la particulière fragilité et vulnérabilité de certains détenus. Le principe du respect de la dignité humaine de la personne nous l’interdit.
Ce bilan de santé aurait un impact immédiat sur les modalités d’individualisation de la peine : le plan d’action qui serait alors élaboré serait adapté non seulement à la personnalité du détenu, mais également à sa santé mentale.
Ce serait un pas important vers l’éradication des suicides en prison.
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Les arguments que je vais développer vaudront aussi pour le sous-amendement n° 301 et l’amendement n° 175.
Nous demandons que la référence à la dangerosité soit supprimée dans l’ensemble du texte. Si, sous l’impulsion de M. le rapporteur, la commission des lois a renoncé à cette notion pour certains articles, elle demeure cependant dans l’article 51.
Pourquoi supprimer cette référence ?
La notion de dangerosité est vague. Qui est dangereux ? Pour qui ? Pour quoi ? En fonction de quels critères ? Tout cela est bien flou.
Cela dit, plutôt que de développer ce point, je citerai la lettre du 19 septembre 2008 adressée par le syndicat national des cadres pénitentiaires au Président de la République. Les auteurs me paraissent avoir parfaitement compris ce qu’il fallait comprendre à ce sujet : « Que la dangerosité du détenu soit manifeste ou plus invisible, elle constitue déjà pour le chef d’établissement comme pour tout fonctionnaire pénitentiaire un véritable enjeu. Mais elle ne doit pas se transformer en principe d’individualisation de la peine. » Voilà une excellente analyse, faite par des professionnels à l’œuvre chaque jour dans nos prisons !
Ils ajoutent : « Cette logique a conduit notre administration en d’autres temps à créer des QHS. Nous savons que ces dispositifs ne fonctionnent pas et sont voués à l’échec, nous n’en voulons pas. »
Le syndicat précise encore que ces dispositifs sont « contreproductifs » et ne font que « crée[r] de la haine, du désespoir, et de la violence là où il faut au contraire introduire de la justice et de la cohérence. »
M. le président. L'amendement n° 296, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les deux derniers alinéas de cet article :
2° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
"Au sein de ces établissements, la différenciation des conditions de détention, déterminée en fonction de la personnalité, de la dangerosité ou des efforts en matière de réinsertion sociale de la personne condamnée, ne peut concerner que la liberté de circulation à l'exclusion de toute autre restriction."
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a été voté par la commission des lois à l’issue d’un dialogue avec Mme le garde des sceaux à propos du problème des régimes différenciés. Ceux-ci n’étaient pas appréhendés de la même manière par les uns et par les autres. Peut-être leur réalité suscitait-elle certains fantasmes.
D’une manière un peu caricaturale, nous nous étions arrêtés à l’idée que la différence de régime se bornait à un régime « porte ouverte » et un régime « porte fermée ». Dès lors qu’il était expressément mentionné que le régime différencié n’entraînait aucune restriction dans l’exercice des droits, nous avions accepté de retirer la motivation spéciale. J’avais d’ailleurs un peu l’impression d’acter un accord passé entre les uns et les autres.
Cela dit, en tant que rapporteur, je crois être autorisé par l’ensemble de la commission des lois à préciser que cet amendement a été rédigé pour accéder à une demande du Gouvernement. Si ce dernier souhaite finalement revenir au texte initial, cela ne me semble pas devoir soulever l’ombre d’une difficulté.
M. le président. Le sous-amendement n° 297 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa de l'amendement n° 296, après les mots :
la personnalité,
insérer les mots :
de l'état de santé,
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le sous-amendement n° 297 rectifié est absolument identique à l’amendement n° 52 rectifié que nous avons déposé sur le texte de la commission. Je les défends donc tous les deux en même temps.
Il s’agit de poser un principe fondamental : un détenu malade doit bénéficier de conditions de détention différenciées, non pas en raison de sa dangerosité ou de sa personnalité, mais en fonction de son état de santé ou de dépendance.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est constante sur ce point : le régime de détention imposé au détenu doit tenir compte de son état de santé ou de dépendance. La France a d’ailleurs récemment été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Rivière, en raison du maintien en détention d’un détenu atteint de troubles psychiatriques.
Cela fait des années que nous revendiquons le droit pour un détenu malade d’être pris en charge par un service spécifique. Les malades mentaux ou les détenus présentant des troubles mentaux graves ont leur place non pas en prison mais dans un établissement pouvant leur prodiguer les soins que nécessitent leur état et leur prise en charge.
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé permet en théorie de suspendre la peine d’un détenu dont l’état de santé est incompatible avec la détention. En pratique, cette loi ne s’est appliquée qu’aux détenus à l’article de la mort. Pour les autres détenus, qui nécessitent pourtant une prise en charge spécifique, rien n’est prévu. Le taux de suicide en prison ne me semble pas étranger à cette carence.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’inscrire dans la loi pénitentiaire ce principe : le régime de détention tient compte de la santé du détenu.
Ainsi, les détenus malades ou en état de dépendance ne devront plus subir le traitement inhumain qui consiste à les maintenir à tout prix en détention alors que leur place est ailleurs, dans un hôpital ou une unité de soins spécifique.
Ce sous-amendement permettra enfin à la loi pénitentiaire de se conformer à la règle pénitentiaire européenne n° 12.2, selon laquelle « des règles spéciales » doivent régir la situation des « personnes détenues souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison. »
M. le président. Le sous-amendement n° 299, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa de l'amendement n° 296, après les mots :
la personnalité,
insérer les mots :
le handicap,
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je ne reviendrai pas sur la question des régimes différenciés : l’amendement de M. Lecerf apporte à cet égard des clarifications importantes. J’en ai déjà parlé en prenant la parole sur l’article 51.
Le sous-amendement n° 299 est identique à l’amendement n° 51 que nous avions déposé sur le texte de la commission concernant un problème qui nous semble extrêmement important, celui de l’adaptation des conditions de détention au handicap du détenu. Vous comprendrez, monsieur le président, qu’en défendant cet amendement je défends également l’amendement n° 51 rectifié.
Je souhaite vous rappeler, chers collègues, que la France a fait l’objet d’une condamnation retentissante par la Cour européenne des droits de l’homme en raison du traitement subi par un détenu handicapé à la maison d’arrêt de Fresnes.
Nos prisons comptent plus de 5 000 détenus handicapés, dont plus de 200 handicapés moteurs.
Cette catégorie de détenus subit une double peine permanente en raison des difficultés de circulation et de l’inadaptation des locaux à leur handicap. L’absence de rampes d’accès et d’ascenseurs, l’inadaptation des soins médicaux et les difficultés à accéder aux sanitaires et aux douches sont autant de problèmes qui rendent la détention encore plus difficile. Cette question ne semble pourtant pas intéresser le ministère. En effet, cette catégorie de détenus ne fait l’objet d’aucune étude régulière.
Les détenus handicapés nécessitent une prise en charge spécifique, et donc des conditions de détention spécifiques, tenant davantage compte des besoins de ces personnes.
Selon l’administration pénitentiaire, 123 cellules ont été aménagées pour les détenus handicapés dans nos 195 établissements pénitentiaires et 130 sont en construction.
Est-il normal qu’un détenu de Tarascon n’ait pas pris de douche durant trois mois en raison de sa paraplégie qui l’empêche d’accéder aux douches ? C’est tout simplement intolérable !
La question doit aujourd’hui être prise au sérieux par l’administration pénitentiaire. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’intégrer la prise en compte du handicap du détenu dans le régime de détention qui lui sera applicable.
M. le président. Les sous-amendements nos 298, 301 et 302 sont identiques.
Le sous-amendement n° 298 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Le sous-amendement n° 301 est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Le sous-amendement n° 302 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois sous-amendements sont ainsi libellés :
Dans le troisième alinéa de l'amendement n° 296, supprimer les mots :
la dangerosité
La parole est à M. Jean Desessard, pour défendre le sous-amendement n° 298.
M. Jean Desessard. En dépit des avancées proposées par l’amendement, la possibilité de placer un détenu dans des conditions de détention différenciées en raison de sa personnalité demeure.
Depuis le début de la semaine, nous nous acharnons à donner aux détenus des droits dont ils bénéficieront en toute circonstance. Or la possibilité de modifier les conditions de détention d’un détenu sur la base d’un critère aussi flou que celui de la dangerosité nous semble aller à l’encontre du principe de l’égalité de traitement et d’accès au droit que nous avons posé à l’article 10 du projet de loi.
Cette notion de dangerosité est en réalité un critère fourre-tout, qui va justifier des conditions de détention plus sévères en l’absence de tout acte contraire au règlement.
Vous souhaitez marquer certains détenus tout au long de la détention, à l’image des détenus particulièrement signalés. Or ce marquage affecte gravement la vie en détention. Pointant du doigt un détenu, vous le stigmatisez.
Nous refusons ce critère, puisque, à notre sens, il entraînera des abus de la part d’agents.
Que des conditions de détention différenciées soient prévues pour un détenu malade ou handicapé – tel était d’ailleurs l’objet de l’amendement et des sous-amendements que je viens de présenter – cela se comprend ; il ne s’agit d’ailleurs pas d’une sanction mais d’une adaptation de la détention à son état. En revanche, le détenu considéré comme dangereux et placé en régime différencié fera l’objet d’une sanction permanente déguisée.
Il subira une surveillance rapprochée et sa liberté de circulation sera entravée. Il lui sera impossible de travailler et courra le risque d’un déclassement. Il éprouvera le sentiment permanent d’être un paria qui doit être traité comme tel.
Mes chers collègues, celui qui viole le règlement doit être puni, mais que celui qui n’est même pas encore entré en détention soit d’emblée soumis à un régime différencié est intolérable !
Je vous rappelle qu’un détenu est là pour purger une peine, et ce type de différenciation constitue une peine dans la peine.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de la référence à la dangerosité.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani pour défendre le sous-amendement n° 301.
M. Alain Anziani. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre le sous-amendement n° 302.
Mme Éliane Assassi. Ce sous-amendement a le même objet que l’amendement n° 268.
L’article 51 a pour ambition de subordonner le régime de détention à l’évaluation – entre autres – de la « dangerosité » de la personne détenue. Revenons quelques instants sur cette notion.
Disposant d’une faculté d’auto-saisine, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ou CNCDH, a adressé le 4 janvier 2008 une note sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté à M. le Premier ministre, à Mme la garde des sceaux, à Mme la ministre de la santé et à MM. les présidents des assemblées. La CNCDH s’inquiétait alors très clairement « de l’introduction au cœur de la procédure pénale du concept flou de dangerosité, notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique ». Elle rappelait à cette occasion que « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur ».
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Comme la CNCDH, de nombreuses personnes et des institutions se sont inquiétées de la mise en place de mesures restrictives de liberté sur un fondement aussi incertain.
Depuis, des études ont aussi démontré le caractère extrêmement aléatoire de la prédiction du comportement futur. Des professionnels – des psychiatres, des médecins et des personnels de l’administration pénitentiaire – ont pétitionné, s’élevant ainsi publiquement contre cette nouvelle approche de la détention, pour le moins répressive.
Le Conseil constitutionnel lui-même s’est opposé à la rétroactivité de la loi et a tenté de proposer un encadrement à l’évaluation de la dangerosité, point sur lequel la loi était, et reste toujours, floue.
En somme, un an plus tard, le concept de dangerosité n’a toujours pas été clairement défini et encadré par le Gouvernement qui l’a mis en place.
Au contraire, de nouveaux arguments sont venus s’ajouter à la longue liste de critiques à l’égard de ce concept injuste et arbitraire.
Nous demandons que l’article 51, qui a vocation à encadrer l’évaluation par le système pénitentiaire judiciaire du régime de détention des personnes incarcérées, ne fasse plus référence à ce concept flou qui, au lieu de fournir de nouvelles grilles ou méthodes d’analyses, accroît encore, nous semble-t-il, l’opacité des critères déterminant le régime de détention.
M. le président. L'amendement n° 51 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, après les mots :
leur personnalité,
insérer les mots :
leur handicap,
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, après les mots :
leur personnalité,
insérer les mots :
leur santé,
La parole est à M. Jean Desessard.