M. le président. L'amendement n° 171, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 716 du code de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées :
Ceux-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité, leur hygiène et leur intimité doivent être assurées.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Nous sommes favorables au texte proposé par l’article 49. Toutefois, nous pensons qu’il peut être amélioré sur un petit point, celui-ci allant, d’ailleurs, dans le sens des propos que M. le président Hyest vient de tenir.
L’article 49 prévoit effectivement que : « Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placées en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés. Ceux-ci doivent être aptes à cohabiter et leur sécurité doit être assurée. » C’est bien !
Mais, à mon sens, il serait bon de préciser qu’elles doivent l’être sur les points précis de l’hygiène et de l’intimité.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela va de soi !
M. Alain Anziani. Certes, mais cela irait encore mieux en le disant !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 266, je voudrais d’abord rassurer Mme Borvo Cohen-Seat, qui nous demande si l’encellulement individuel est un droit, en lui lisant le texte prévu à l’article 49 : « Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, sont placés en cellule individuelle. »
Nous n’allons pas reprendre le débat d’hier sur l’utilisation du présent de l’indicatif ou du verbe devoir : l’indicatif vaut impératif ! Par conséquent, nous pouvons être totalement rassurés au niveau des principes.
Nous nous situons au niveau des principes, parce qu’il ne faut tout de même pas oublier la situation actuelle.
Mme le garde des sceaux n’y est strictement pour rien, mais, quand nous évoquons aujourd’hui la surpopulation carcérale, nous confrontons le chiffre du nombre des détenus, avoisinant 62 000 ou 63 000 personnes, et le nombre de places de prison disponibles, soit 51 000 ou 52 000 places et nous oublions parfois que, sur ce dernier total, environ 35 000 places sont des places individuelles.
Donc, si nous devions effectivement nous interroger sur la proportion de détenus placés en cellule individuelle – je crois d’ailleurs qu’il n’existe aucun chiffre officiel en la matière – nous constaterions certainement qu’elle ne dépasse pas le seuil de 50 %. Or, l’emprisonnement individuel est prévu par la loi depuis 1875.
Alors, mes chers collègues, commençons par battre notre coulpe ! Nous avons vu les gouvernements se succéder depuis 1958 et, en particulier, depuis 1981. Nous sommes tous coupables ! Certains ont été « responsables, mais pas coupables », mais, sur cette question, nous sommes tous responsables et coupables !
À cet égard, Mme le garde des sceaux ne porte pas de responsabilité particulière. J’incline d’ailleurs à penser que, si nous nous approchons de l’objectif, même à la fin du moratoire fixé, nous aurons tout de même fait un très bon travail.
Je souscris donc totalement aux propos de M. le président Hyest lorsqu’il déclarait que, si nous aboutissons, à quelques milliers de places près, à la réalisation du principe d’encellulement individuel, nous aurons effectivement fait un grand pas en avant.
Je voudrais maintenant revenir sur l’amendement n° 266. En le lisant, je constate que Mme Borvo Cohen-Seat reprend les exceptions au principe de l’encellulement individuel fixées par l’article 49 en en retirant une.
Il s’agit de la deuxième exception : les personnes concernées sont placées en cellule individuelle sauf si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'elles ne soient pas laissées seules. D’après moi, cette hypothèse est vraiment la moins discutable : les individus dont il est question souffrent d’une grande fragilité psychologique, ils encourent un risque suicidaire et nécessitent qu’on tente de les conforter davantage.
Certes, on ne peut en faire supporter systématiquement la charge au codétenu, sur lequel nous faisons parfois peser une lourde responsabilité. Le codétenu n’est pas forcément formé pour cette mission. Peut-être d’ailleurs faudrait-il réfléchir à un dispositif permettant de considérer l’aide apportée dans ce cas comme une responsabilité entrant dans l’obligation d’activité que nous venons de créer. C’était, je crois, l’objet d’un des amendements du président About.
En tout cas, s’il est une exception à l’encellulement individuel que je ne souhaite pas retirer, c’est bien celle-là ! C’est pourquoi l’avis de la commission sur l’amendement n° 266 est défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 171 de notre collègue Alain Anziani, nous allons retrouver un débat que nous avons eu à de très nombreuses reprises au cours de la discussion des amendements.
Sur le principe, nous sommes totalement d’accord ! Qui pourrait contester que, en matière d’encellulement collectif, l’hygiène et l’intimité des personnes doivent être assurées ?
Pour ma part, je me réjouis que le Gouvernement ait inscrit dans le projet de loi pénitentiaire des dispositions selon lesquelles les cellules collectives doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés.
J’ai eu l’occasion de discuter du problème de l’encellulement individuel ou collectif, avec des aumôniers par exemple. Pour ceux-ci, le fait d’adopter le principe « une place pour chacun » constituerait déjà un tel progrès que même un partisan de l’encellulement individuel aurait du mal à s’y opposer.
J’ajouterai enfin que les principes relatifs à l’hygiène et à l’intimité des personnes, donc les principes relatifs à leur dignité, sont déjà posés par trois articles du projet de loi pénitentiaire tel que rédigé à l’issue des travaux de la commission : l’article 1er, l’article 10 et l’article 20.
Puisque nous sommes d’accord, la commission ne peut émettre un avis défavorable sur cet amendement. Mais elle en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souscris aux arguments exprimés par M. le rapporteur sur l’amendement n° 266. L’administration pénitentiaire doit pouvoir, dans l’intérêt d’un détenu, décider de le placer dans une cellule collective. De telles décisions sont d’ailleurs prises en cas de risque suicidaire.
Mme Borvo Cohen-Seat, votre amendement, tel qu’il est rédigé, me semble aller à l’encontre de l’objectif que vous souhaitez. Pour vous le démontrer, je vais simplement vous donner quelques chiffres : 79 des 109 détenus qui se sont suicidés pendant l’année 2008 étaient seuls en cellule, ce qui représente pratiquement 73 % des cas ; sur les 30 détenus qui étaient placés en cellule collective, 23 ont profité de l’absence de leur codétenu pour passer à l’acte.
Il est donc absolument indispensable de prévoir un dispositif permettant au chef d’établissement de prendre une mesure d’encellulement collectif dans l’intérêt du détenu. Je crains fort que, en supprimant cette restriction, nous ne favorisions pas l’atteinte de l’objectif fixé.
Le maintien de cette phrase est donc absolument nécessaire dans l’intérêt des détenus.
Pour répondre aux questions concernant les demandes de cellules individuelles, je rappellerai que les deux tiers des demandes ont été satisfaites depuis le décret du 10 juin 2008 relatif au régime de détention. Le tiers restant concerne des demandes qui ont été rejetées, car elles n’étaient pas liées à un souhait d’encellulement individuel, mais à d’autres raisons, comme le souhait de rejoindre un autre établissement ou un autre détenu. Certains détenus reviennent également sur leur décision. Ils demandent un encellulement individuel, puis ils changent de codétenu en cours de détention et préfèrent alors rester en cellule collective.
En tout cas, les deux tiers des demandes ont bien été satisfaites grâce au décret et le principe de l’encellulement individuel, qui est bien inscrit dans le projet de loi pénitentiaire, tel que rédigé, est donc tout à fait respecté.
Nous émettons donc un avis défavorable sur l’amendement n° 266, qui, selon nous, ne remplira pas l’objectif fixé.
S’agissant de l’amendement n° 171, je rappellerai que l’article 20 du projet de loi pénitentiaire prévoit que l’administration pénitentiaire assure, à tous les détenus, indépendamment de leur situation, l’accès à l’hygiène propice à la prévention des infections. L’article 49, quant à lui, prévoit que les détenus affectés dans les cellules collectives doivent être aptes à cohabiter.
Enfin, le respect de la dignité, dont on a systématiquement parlé depuis le début de ces débats, est établi dans l’article 1er et dans l’article 10. Ce principe, fixé dans une rédaction claire, s’applique à l’ensemble du texte.
Nous sommes donc également défavorables à l’amendement n° 171.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'article.
M. Pierre Fauchon. Je suis tout à fait favorable aux propositions de la commission. Nous devons effectivement être conscients des inconvénients de l’encellulement collectif, dont Mme Borvo Cohen-Seat a très justement dit tout à l’heure qu’il est probablement pire que tout ce que nous pouvons imaginer.
Je n’en dirai pas plus, d’autant que je suis chargé d’une mission par notre collègue Mme Morin-Desailly, qui aurait vivement souhaité être ici pour exprimer son point de vue dans une affaire qui lui tient à cœur. Elle est effectivement élue de la ville de Rouen, dans laquelle s’est récemment produit un événement dramatique : dans un cas d’encellulement à deux, il se trouve que l’un des deux détenus a assassiné l’autre !
Mme Morin-Desailly m’a donc chargé, en son nom, d’exprimer les quelques réflexions suivantes.
Au cœur de ce projet de loi attendu depuis tant d’années, se trouve la question fondamentale de l’encellulement et de ses modalités, dont nous allons débattre.
La commission des lois a tenu à réaffirmer le principe de l’encellulement individuel. Nous l’en remercions et saluons le souci d’humanisme de nos collègues rapporteurs Jean-René Lecerf et Nicolas About, qui s’opposent ainsi à la banalisation juridique de l’encellulement collectif.
Les drames que nous avons vécus ces derniers temps confirment que l’affirmation de ce principe dans la loi est indispensable, d’une part, au nom du respect de la dignité de la personne humaine et de son intégrité physique et psychique et, d’autre part, afin d’être en conformité avec les normes européennes.
Même si nous savons tous qu’en pratique et qu’au regard de l’état des prisons françaises ce principe du droit à l’encellulement individuel ne peut être pleinement respecté, il n’en demeure pas moins que le législateur doit l’affirmer et que les pouvoirs publics doivent prendre les mesures nécessaires pour tendre vers cet objectif.
Ce n’est pas le droit qu’il faut aligner sur la pratique, mais la pratique qui doit se conformer aux règles de droit. Au demeurant, comme nous le savons, un moratoire permet de gagner encore quelques années.
À cet égard, le nombre de cellules collectives nouvelles rénovées ou créées ne doit pas être exagérément important par rapport à celui des cellules individuelles – il faut y prendre garde dans les programmes – et les affectations ne doivent pas être éloignées du milieu familial.
Ainsi, à la prison de Rouen – cela doit probablement être pareil ailleurs –, les demandes d’encellulement individuel sont faibles, car les détenus savent qu’ils seront envoyés à Bordeaux ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ! Ils n’exercent donc pas ce droit qui reste, par ses modalités d’application, assez virtuel.
Bien sûr, ce principe ne doit pas être une règle absolue et il peut y être dérogé dans un certain nombre de cas expressément prévus.
Nous avons d’ailleurs fait allusion à ces cas précédemment.
Enfin, au-delà de la question de l’encellulement individuel ou collectif, celle des conditions de détention insuffisamment respectueuses de la dignité de la personne humaine est fondamentale.
Ayant ainsi rempli ma mission, vous comprendrez, mes chers collègues, que, en plein accord avec Mme Catherine Morin-Desailly et tous les membres de mon groupe, je voterai la solution très sagement proposée par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 49.
(L'article 49 est adopté.)
Article 50
Le second alinéa de l'article 717 est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Toute personne condamnée détenue en maison d'arrêt à laquelle il reste à subir une peine d'une durée supérieure à deux ans peut, à sa demande, obtenir son transfèrement dans un établissement pour peines dans un délai de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive. Cependant, elle peut être maintenue en maison d'arrêt lorsqu'elle bénéficie d'aménagement de peine ou est susceptible d'en bénéficier rapidement. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 267, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En, la commission d’enquête de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, avait réalisé un travail – je suis heureuse de l’affirmer encore une fois – objectif, chiffré et particulièrement critique à l’égard des maisons d’arrêt.
Les conclusions étaient sans appel : selon le rapport issu de cette commission, « les présumés innocents sont les détenus les moins bien traités de France ».
Initialement, les maisons d’arrêt ont été prévues pour accueillir les prévenus, afin que ceux-ci se trouvent à proximité immédiate du magistrat instructeur ou des juridictions.
Ainsi, l’article 717 du code de procédure pénale prévoit que « les condamnés à l’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à un an peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d’arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient. Peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés, à titre exceptionnel, en maison d’arrêt, les condamnés auxquels il reste à subir une peine d’une durée inférieure à un an. »
Or l’exception est devenue la règle : toutes les maisons d’arrêt comptent aujourd’hui des condamnés en leur sein et l’emprisonnement des prévenus et des condamnés dans un quartier distinct n’est en aucun cas respecté.
De plus, les conditions de détention y sont bien souvent effroyables. Les maisons d’arrêt sont surpeuplées, les locaux sont bien souvent dégradés, l’encellulement individuel n’existe pas et la confusion entre condamnés et prévenus a des conséquences dramatiques.
Selon le rapport de la commission d’enquête, 35 % des personnes qui se trouvent en maison d’arrêt n’auraient « rien à y faire ». En outre, les maisons d’arrêt accueillent de plus en plus de populations « à risque », comme des malades relevant de la psychiatrie et des toxicomanes, qui nécessiteraient en principe une prise en charge particulière, le plus souvent médicale.
Aux termes du présent article, les condamnés à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans pourront désormais être maintenus en maison d’arrêt.
Une telle disposition constitue un recul. À mon sens, tous ceux qui souhaitent faire progresser la situation devraient se montrer cohérents. Pour notre part, nous sommes opposés à cet article.
M. le président. L'amendement n° 172, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :
ou est susceptible d'en bénéficier rapidement
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’article 50 permet le transfèrement à la demande du détenu, sauf si ce dernier bénéficie d’un aménagement de peine ou est susceptible d’en bénéficier rapidement.
Une telle disposition constitue une source de litiges à n’en plus finir. En effet, nous introduisons ici un élément subjectif et aléatoire. Que signifie l’expression « est susceptible » ? Qui sera chargé de déterminer la probabilité de ce « susceptible » ? L’adjectif « susceptible » n’est pas un terme objectif ; c’est le genre de formulations que nous serions bien inspirés de bannir du vocabulaire juridique.
Il en va de même pour l’adverbe « rapidement ». Qu’est-ce qui sera considéré comme « rapide » ? Quelques jours ? Quelques mois ?
À mon sens, une telle rédaction est un véritable nid à procès ! Il nous paraît donc plus simple de rédiger ainsi la dernière phrase de l’article : « Cependant, elle peut être maintenue en maison d’arrêt lorsqu’elle bénéficie d’aménagement de peine. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 267 vise à supprimer l’article 50, qui, il est vrai, assouplit les conditions de maintien d’un condamné en maison d’arrêt.
Mais le maintien des personnes condamnées en maison d’arrêt peut également se justifier au regard du maintien des liens familiaux ou de la préparation d’un aménagement de peine. Et si nous proposons de porter de un an à deux ans le critère relatif au quantum ou au reliquat de peine, c’est parce que le projet de loi développe par ailleurs les possibilités d’aménagement de peine, en les étendant aux condamnations ou aux reliquats de peine de deux ans, et non plus simplement d’un an, comme c’était le cas jusqu’à présent. C’est donc en cohérence avec les autres dispositions du texte.
En outre, comme nous avons nous-mêmes estimé qu’une telle mesure présentait une certaine forme de risque, la commission a, avec votre appui, mes chers collègues, déjà modifié le dispositif proposé par le Gouvernement pour reconnaître le droit pour toute personne condamnée à une peine supérieure à deux ans de bénéficier, à sa demande, d’un transfèrement en établissement pour peines dans un délai maximum de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive.
Par conséquent, nous avons au moins une échéance. Nous savons qu’il sera systématiquement fait droit, à l’issue d’un délai de neuf mois, à la demande de toute personne désireuse de quitter effectivement la maison d’arrêt pour l’établissement pour peines.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Selon l’objet de l’amendement n° 172, le risque serait qu’il soit plus intéressant pour les condamnés de ne pas s’engager dans un projet d’aménagement de peine tant qu’ils ne sont pas affectés dans un établissement pour peines.
La commission n’a pas réellement cru à un tel risque. De notre point de vue, la difficulté évoquée par les auteurs de cet amendement est excessive. Pour nous, un détenu ne devrait pas hésiter entre la possibilité d’obtenir un aménagement de peine et le souhait de poursuivre son incarcération dans un établissement pour peines. Il devrait toujours préférer la première option.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souhaite insister sur deux éléments.
Premièrement, la disposition introduite par l’article 50 existait déjà en pratique pour les personnes condamnées pour une durée supérieure à un an qui souhaitaient rester en maison d’arrêt, dans la mesure où cela permet de maintenir les liens familiaux, ce qui est d’autant plus nécessaire que les courtes peines concernent souvent, nous le savons bien, des personnes très jeunes. C'est la raison pour laquelle nous n’avions pas inséré ce dispositif dans la version initiale du projet de loi.
Deuxièmement, les mesures que nous consacrons dans la loi pour favoriser les aménagements de peines existaient déjà également en pratique. Comme vous le savez, lorsqu’une personne condamnée change d’établissement pénitentiaire, le juge de l’application des peines qui la suit peut, lui aussi, être amené à changer. Cela suppose un délai à la fois pour que le dossier soit transmis à un autre magistrat et pour que celui-ci en prenne connaissance. Ce ne sera pas forcément rapide, car il faut laisser au nouveau juge de l’application des peines le temps d’étudier l’ensemble des éléments, notamment la procédure qui a été suivie.
Ainsi, les dispositions qui figurent aujourd'hui dans le projet de loi – il s’agit d’une véritable avancée, car ces règles auront désormais une base législative – existaient déjà en pratique.
Par conséquent, les amendements nos 267 et 172 vont, encore une fois, à l’encontre des objectifs visés par leurs auteurs, c'est-à-dire faciliter la réinsertion des personnes détenues.
Cela rejoint ce que nous évoquions tout à l’heure à propos du casier judiciaire. L’amendement visant à donner au juge de l’application des peines la possibilité de supprimer du casier judiciaire la condamnation faisant obstacle à un aménagement de peine me paraissait excellent.
En l’occurrence, le dispositif institué par l’article 50 est une mesure pratique destinée à favoriser la réinsertion. Et, compte tenu de leur rédaction, adopter ces deux amendements aurait pour effet de compliquer la réinsertion des personnes détenues. Le processus d’aménagement des peines pourrait être interrompu et le maintien des liens familiaux, notamment dans le cadre des visites, pourrait également être compromis.
Aujourd'hui, nous consacrons dans la loi ce que l’administration pénitentiaire pratiquait déjà dans les faits, et cela va plutôt dans l’intérêt des détenus.