Article 48 bis
À l'article 723-29, le mot : « juge » est remplacé par le mot : « tribunal ». – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pénitentiaire.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 49 A.
Section 3
Des régimes de détention
Article 49 A
L'article 728 est ainsi rédigé :
« Art. 728. - Des règlements intérieurs-types, prévus par décret en Conseil d'État, déterminent les dispositions prises pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires. » – (Adopté.)
Article 49
I. - Le dernier alinéa de l'article 716 devient l'article 715–1.
II. - L'article 716 est ainsi rédigé :
« Art. 716. - Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :
« 1° Si les intéressés en font la demande ;
« 2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ;
« 3° S'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent.
« Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placées en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés. Ceux-ci doivent être aptes à cohabiter et leur sécurité doit être assurée. »
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, j’aurai des mots agréables. En effet, je constate en lisant le nouveau dérouleur de séance que l’amendement n° 290 du Gouvernement a été retiré. Je voudrais en féliciter Mme le garde des sceaux !
Honnêtement, personne ne pouvait comprendre cette obstination à refuser le texte excellemment rédigé par la commission des lois et qui, d'ailleurs, était susceptible de recueillir une large majorité, du moins je l’espère, dans cette assemblée.
A fortiori, personne ne pouvait comprendre les motifs de cet amendement. Comme il était nécessaire de le défendre, on avait trouvé, sans doute avec de grandes difficultés, un argument qui frisait le ridicule : pour faire accepter l’idée que l’encellulement collectif et l’encellulement individuel seraient mis au même niveau, on développait la notion majeure de « libre choix du détenu », ce dernier pouvant choisir entre les deux modes d’incarcération !
On voit bien le ridicule de cet amendement : une prison n’est pas un hôtel, qui aurait plus ou moins d’étoiles. Le détenu, à son arrivée, ne visite pas les lieux avec un surveillant avant de choisir entre une cellule individuelle et une cellule collective ! Bien plutôt, on le « colle » dans une cellule sans lui demander son avis ! Quel est d'ailleurs le libre arbitre d’un homme qui vient de vivre le traumatisme de l’arrestation et de la détention ?
L’abandon de cet amendement relève soit de la sagesse – j’espère qu’il en est ainsi ! – soit du réalisme. Il s’explique aussi, je tiens à le souligner, par la très forte volonté exprimée par le Sénat. Il est positif que, de temps en temps, les sénateurs soient écoutés par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mon intervention n’aura pas la teneur que j’avais prévu de lui donner, car le Gouvernement a retiré un amendement que je combattais avec force et pour lequel j’aurais eu des mots très durs, qui sont désormais inutiles.
Comme notre collègue Alain Anziani, je remercie Mme le garde des sceaux d’avoir eu la sagesse de retirer cet amendement.
De la même façon, je tiens à saluer la démarche courageuse de M. le rapporteur, qui a tenu bon sur le principe de l’encellulement individuel. Qu’il en soit également remercié !
M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, sur l'article.
M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l’administration pénitentiaire est tenue d’héberger en cellule individuelle tout détenu, en le laissant seul dans sa cellule, en maison d’arrêt comme en établissement pour peines.
L’article 716 du code de procédure pénale prévoit toutefois un certain nombre de dérogations :
« 1° Si les intéressés en font la demande ;
2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls ;
3°S’ils ont été autorisés à travailler, ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent ».
Le dernier moratoire, qui s’inscrivait dans la continuité du projet adopté en 2000, est venu à expiration le 12 juin 2008. Il permettait de déroger à l’encellulement individuel pour des raisons tenant à la structure de l’établissement.
La commission des lois souhaite maintenir le principe de l’encellulement individuel des personnes prévenues en maison d’arrêt. Il s'agit, en effet, d’un objectif essentiel pour garantir des conditions de détention respectueuses.
Notre groupe entend suivre la position de M. le rapporteur : l’encellulement individuel constitue un principe fondamental inscrit depuis 1875 dans le code de procédure pénale, et nous ne souhaitons pas le remettre en cause.
Toutefois, je mesure bien que, sur le terrain, cet objectif ne peut aujourd'hui être concrétisé. L’adoption de l’article 49 du projet de loi ne doit pas empêcher une réflexion commune visant à assurer la mise en œuvre de ce principe essentiel.
Nous adopterons donc en l’état le texte de la commission des lois, mais nous savons que le débat reste ouvert.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je pense qu’il s'agit là d’une question importante qui mérite quelques explications, notamment en ce qui concerne l’attitude de la commission et sa volonté de préserver le principe de l’encellulement individuel.
Certaines des raisons de la commission tiennent à la vie quotidienne dans les prisons, telle que j’ai pu l’observer, au moins partiellement, en multipliant les visites dans ces établissements.
En effet, certains directeurs de prison – de plus en plus nombreux, serais-je tenté de dire, au fur et à mesure que l’inflation carcérale s’est développée –, au cours des visites que j’ai effectuées dans leur établissement avec nos collègues de la commission des lois, m’ont confié qu’ils étaient de plus en plus souvent confrontés à des détenus refusant de réintégrer leur cellule, par exemple à la fin de la promenade.
Ces réactions n’exprimaient en rien un défi à l’autorité pénitentiaire, mais simplement le refus de retourner en cellule collective. Même s’ils devaient payer cette fronde du quartier disciplinaire, les détenus préféraient encore ce dernier, avec les contraintes qu’il implique, plutôt que l’encellulement collectif qui leur était imposé.
Il est vrai également que des drames se sont produits en encellulement collectif, des violences, parfois des meurtres – nous avons tous en mémoire des cas particulièrement tragiques.
Sans aller jusqu’à ces extrémités, et pour nous limiter à la vie quotidienne de la prison, rappelons combien les détenus peuvent manifester d’irritation à l’égard de la télévision, qui constitue pourtant une amélioration importante de leur cadre de vie.
Il est vrai que, comme la langue d’Ésope, la télévision peut être la meilleure et la pire des choses. Elle fonctionne parfois, sinon vingt-quatre heures sur vingt-quatre, du moins depuis très tôt le matin jusqu’à très tard le soir. Quand plusieurs détenus cohabitent dans une cellule, le choix des programmes, déjà un motif de discorde en soi, se fait généralement sur le plus petit dénominateur commun. Et ce n’est pas nécessairement la chaîne Arte qui est choisie, si je puis me permettre cette remarque…
Que pouvons-nous répondre, nous, parlementaires, quand nous visitons les prisons, au détenu qui nous dit : « Monsieur le sénateur, j’en ai marre, je souhaiterais dormir, lire, travailler, me former, et je dois supporter cette musique, ce bruit de fond incessant. » ?
La commission a voulu maintenir l’objectif de l’encellulement individuel, pour trois raisons principales.
Tout d'abord, parce que ce principe a valeur d’objectif essentiel de la politique pénitentiaire, parce qu’il garantit des conditions de détention plus respectueuses de la dignité de la personne et parce qu’il implique de lutter contre la surpopulation carcérale, qui se trouve à l’origine de bien des difficultés des établissements pénitentiaires dans notre pays.
L’objectif de l’encellulement individuel doit donc continuer de guider la politique pénitentiaire, ce qui, pardonnez-moi de le préciser, ne serait pas le cas si l’encellulement collectif était admis au même titre que l’encellulement individuel.
En outre, je trouve qu’il serait véritablement paradoxal de remettre en cause, à l'occasion d’une loi pénitentiaire que le Gouvernement veut, à juste titre, ambitieuse, et qui l’est – M. Badinter nous disait que c’était une « grande loi » –, un principe inscrit dans notre droit depuis 1875.
Par ailleurs, cet objectif est également conforme aux règles pénitentiaires européennes, qui constituent un socle de principes minimaux communs à l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe.
Sans doute la règle 18.6 rappelle-t-elle qu’ « une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter ».
Toutefois, cette disposition n’est qu’une exception énoncée au principe de la règle 18.5, selon laquelle « chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus ».
Enfin, il est apparu nécessaire, pour un troisième motif, de conserver la rédaction actuelle du code de procédure pénale ; pour la première fois peut-être, l’objectif de l’encellulement individuel n’apparaît plus hors de portée.
Grâce à l’effort engagé dans le cadre des constructions du « programme Perben », 16 466 places devraient être créées, portant la capacité opérationnelle des établissements pénitentiaires à quelque 62 500 places, ce qui correspond à peu près, mes chers collègues, au nombre actuel des détenus.
Comme l’avait indiqué Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, lors de son audition par la commission des lois du Sénat du 26 novembre dernier, un peu plus de 30 % des cellules des maisons d’arrêt du programme « 13 200 » sont doubles, ce qui pourrait correspondre, peu ou prou, à la proportion du nombre de détenus couverts par les régimes dérogatoires prévus par l’article 716 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuelle, que la commission entend maintenir. Jean-Patrick Courtois énonçait d'ailleurs voilà quelques instants ces dérogations.
Pour toutes ces raisons, la commission a jugé indispensable de conserver les principes actuels de notre droit, qui font de l’encellulement individuel le principe et de l’encellulement collectif l’exception.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avant que nous n’engagions ce débat sur la question, essentielle, de l’encellulement individuel, je souhaite faire le point sur la position du Gouvernement.
Je rappelle que cette « grande loi », comme l’a appelée Robert Badinter, correspond à un engagement du Président de la République et découle d’une initiative du Gouvernement, ce qui mérite tout de même d’être souligné.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pris connaissance avec intérêt des débats et des positions de votre commission, qui a enrichi ce texte.
Je comprends parfaitement le souci de M. le rapporteur et de votre commission de trouver une solution pérenne. Ce débat est ancien et anime le Parlement depuis plus d’un siècle. Vous avez raison de souhaiter légiférer pour l’avenir. C’est aussi la volonté du Gouvernement.
Ce qui nous interpelle, c’est bien la situation des maisons d’arrêt, car, je le rappelle, le problème ne se pose absolument pas dans les établissements pour peines.
La situation des maisons d’arrêt pose un problème dans trois cas : premièrement, lorsque le détenu peut être placé dans des conditions de détention qui sont matériellement indignes ; deuxièmement, lorsque les détenus sont contraints d’être placés en encellulement collectif avec des codétenus non souhaités ; troisièmement, quand des dortoirs existent encore, et ce parce que l’effort de rénovation consacré par la Nation a longtemps été insuffisant, pour ne pas dire inexistant.
Le Gouvernement a, sur ce dossier, une approche pragmatique et réaliste. Cette position n’est pas isolée : elle est largement partagée par les gouvernements de la plupart des pays de l’Union européenne.
Ainsi, je rappelle que nos voisins espagnols ou hollandais, notamment, ne connaissent pas le principe de l’encellulement individuel. Dans ces pays, le temps passé en cellule est plus limité qu’en France puisque plus d’activités collectives sont offertes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela résulte aussi, sans doute, d’une vie communautaire plus développée. Nous sommes d’accord pour dire que cette gestion plus collective facilite grandement une meilleure réinsertion, voire une meilleure organisation.
Je vois dans le positionnement retenu sur l’encellulement individuel un présupposé et un paradoxe : le présupposé, qui renvoie d’ailleurs très directement aux origines de notre culture, c’est l’idée du « retour sur soi » grâce à la solitude ; le paradoxe, c’est que, d’une certaine manière, plus on insiste sur l’encellulement individuel, plus on peut freiner, par le confinement du détenu seul dans sa cellule, une évolution nécessaire vers la réinsertion.
Je ne pense pas, par conséquent, que l’encellulement individuel soit la panacée et la réponse unique à toutes les situations qui se présentent.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis d’accord !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En fait, il me semble que deux vraies questions se posent.
Comment assurer une prise en charge adaptée à la personnalité et à la vulnérabilité des détenus ?
C’est toute la question de l’évaluation du détenu,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … à savoir de l’évaluation de sa vulnérabilité, de sa dangerosité, du risque suicidaire. C’est pour cela que le Gouvernement veille à ce que soient créés des quartiers réservés aux arrivants dans tous les établissements et que soient mises en place des commissions pluridisciplinaires – auxquelles je suis très attachée – afin que le diagnostic soit le plus fiable et le plus rigoureux possible.
C’est aussi pour cela que doivent être développés des régimes différenciés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d’accord !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ils permettent d’adapter le régime de détention à la personne détenue et sont loin d’être des « systèmes arbitraires », comme je l’ai entendu dire.
La seconde question est la suivante : une fois cette évaluation faite, quel est le régime de détention qui convient le mieux à la personne détenue ? De surcroît, cette personne souhaite-t-elle être seule en cellule ou non ?
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, et comme vous avez pu le constater lors de vos visites dans les établissements pénitentiaires, beaucoup de détenus préfèrent partager une cellule avec un détenu qu’ils connaissent…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … ou avec lequel ils ont des affinités, plutôt que d’être seuls, tandis que d’autres préfèrent être seuls de manière systématique.
C’est pourquoi je ne crois pas qu’il faille priver les détenus de cette possibilité de cohabitation, si elle correspond à un souhait.
À l’occasion du traumatisme de l’incarcération, l’affectation avec un détenu avec lequel on peut partager et échanger est incontestablement préférable, dans beaucoup de cas, à un isolement. (M. le président de la commission des lois fait un signe d’assentiment.)
Le Gouvernement prône donc le libre choix.
Pourtant, ne vous y trompez pas ! Il n’est pas partisan du statu quo. Sa position marque une évolution profonde par rapport à la situation actuelle, puisqu’elle place la volonté du détenu au cœur même du dispositif. J’ai toujours souhaité qu’il en aille ainsi. D’ailleurs, c’est dans cet esprit que j’ai pris, en juin 2008, un décret visant à ce que les souhaits des détenus d’être en cellule individuelle soient exaucés. Depuis, toutes les demandes d’incarcération en cellule individuelle ont été satisfaites.
Les débats de ces jours derniers nous conduisent même à considérer que le libre choix entre cellule individuelle et collective pourrait, à l’issue d’une période de moratoire, devenir celui du libre choix entre cellule individuelle et cellule double. (M. le président de la commission des lois fait un signe d’assentiment.) Il s’agirait là d’une évolution majeure, respectueuse de la dignité du détenu, qui passe aussi par le respect de sa volonté.
Par ailleurs, le Gouvernement souhaite indiquer très clairement à la représentation nationale que notre parc immobilier ne nous permet pas aujourd’hui – il ne le permettra pas davantage demain – de mettre en œuvre le dispositif actuellement proposé dans le texte issu des travaux de la commission. Il faut être très clair.
En effet, en 2012, les 64 000 places seront réparties entre 45 500 cellules individuelles et 8 500 cellules collectives. Ces chiffres montrent à quel point la marge de manœuvre est réduite.
À cet égard, le dispositif prévu par la commission paraît des plus difficiles à mettre en œuvre de manière effective, je tiens à le dire.
En effet, les propositions de la commission ne permettront pas à cette échéance de répondre aux souhaits d’encellulement individuel des prévenus et des condamnés car il va de soi que le principe systématique, sauf exception, de l’encellulement individuel conduira nécessairement à contraindre, en le prédéterminant, le choix du détenu. Le nombre de cellules individuelles sera insuffisant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces raisons de principe, qui renvoient au respect de la volonté du détenu, mais aussi des raisons pratiques conduisent le Gouvernement à vouloir poursuivre la réflexion engagée sur la question de l’encellulement individuel. À aucun moment, monsieur Anziani, ma position n’a été une position irréaliste, voire surréaliste.
Je suis donc persuadée que, sur ce point, nous devons poursuivre notre réflexion commune pour aboutir à un dispositif respectueux des droits des détenus, certes, mais aussi conforme aux nécessités de la réinsertion et compatible avec les conditions matérielles de notre parc pénitentiaire. Tel est l’objectif que nous devons chercher à atteindre ensemble. Le Gouvernement est – croyez-moi ! – très attaché à ce que les demandes des détenus d’être en cellule individuelle soient satisfaites.
J’espère que nos débats parviendront à vous convaincre que l’encellulement individuel n’est pas le seul moyen de respecter la dignité des détenus, à laquelle je suis extrêmement attachée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la garde des sceaux, nous avons le même objectif que vous.
Tout d’abord – plus encore que d’autres – nous sommes persuadés que cette réforme sera couronnée de succès, grâce, notamment, aux aménagements de peine : ils devraient faire diminuer le nombre de détenus, notamment le nombre de ceux qui sont condamnés à de courtes peines. Ce sont les maisons d’arrêt qui seront concernées.
Ensuite, il faut continuer à œuvrer dans le sens d’une diminution de la détention provisoire. Le Gouvernement a pris des mesures à cette fin, mesures dont les effets se font d’ores et déjà sentir, puisque le nombre de personnes incarcérées en détention provisoire est en diminution même s’il reste encore trop élevé.
Je l’affirme, nous croyons en la réussite de la réforme.
Madame la garde des sceaux, selon vous, l’encellulement doit être individuel ou collectif, sauf demande expresse ; selon nous, il doit être par principe individuel, sachant que, bien entendu, il peut y avoir des dérogations.
Demander un encellulement collectif est possible. Je suis convaincu qu’à partir du moment où les cellules de deux places offriront des conditions de détention dignes, aucun problème ne se posera : les détenus seront nombreux à opter pour cette formule. Il est de notoriété publique que, dans les établissements qui ne souffrent pas de problèmes liés à la surpopulation carcérale, notamment les établissements réservés aux femmes, l’encellulement individuel est souvent moins demandé.
La demande d’encellulement collectif augmentera à partir du moment où, grâce à la réalisation des programmes immobiliers pénitentiaires, le nombre des cellules accueillant deux détenus augmentera et où il n’y aura plus de cellules collectives de neuf mètres carrés dans lesquelles s’entassent cinq personnes. En effet, il existe encore aujourd’hui trop de cellules de ce type.
Madame la garde des sceaux, la commission des lois n’est pas irréaliste ! Si nous abordons le problème sous un angle différent de celui par lequel vous l’abordez, nous n’en aboutissons pas moins au même résultat.
Si la personnalité du détenu justifie qu’il ne soit pas laissé seul – pour ceux qui sont très fragiles psychologiquement, l’isolement n’est pas une bonne chose – ou si le travail et la formation professionnelle qu’il pratique justifient que l’encellulement ne soit pas individuel, nous sommes d’accord, mais il faut que les cellules collectives soient adaptées et qu’il ne s’agisse pas de dortoirs fourre-tout. Cela existe, nous en avons tous vu. Comme M. le rapporteur, peut-être moins que lui, j’ai moi aussi visité des prisons et j’ai vu des choses assez curieuses – c’est le moins qu’on puisse dire – notamment dans certaines petites maisons d’arrêt. Certes, de telles cellules tendent à se raréfier, ce qui traduit un certain progrès. Mais il existe encore des dortoirs qui peuvent rendre l’incarcération insupportable.
Je le répète, il n’y a pas d’opposition entre nous, j’en suis convaincu. La situation actuelle est ce qu’elle est actuellement. Mais je pense qu’elle aura évolué dans cinq ans, sinon cela reviendrait à dire que cette réforme pénitentiaire devrait échouer et je suis convaincu du contraire. C’est pourquoi nous souhaitons affirmer que l’encellulement individuel est un droit, sachant que, pour diverses raisons, il pourra ne pas être choisi obligatoirement. Un équilibre entre les deux modes d’encellulement peut être trouvé. Mais il est important de donner ce signal.
Certes, on m’objectera que, dans cinq ans, il manquera encore 500 places ou 1 000 places.
Madame le garde des sceaux, nous devons garder à l’esprit le fait que, depuis des dizaines d’années, les détenus sont incarcérés dans des conditions indignes. Si nous réussissons à rendre effective cette réforme à 90 % ou à 95 %, je suis sincèrement persuadé que vous resterez dans l’histoire de la justice comme le garde des sceaux qui aura le plus fait pour l’amélioration de la vie carcérale, et ce concrètement, pas seulement en paroles. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 266, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les premier à cinquième alinéas de l'article 716 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit. Il ne peut être dérogé à ce principe qu'à leur demande ou si les intéressés sont autorisés à travailler, en raison des nécessités d'organisation du travail. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sens un enthousiasme général…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Participez-y, madame Borvo Cohen-Seat !
M. Jean Desessard. Vous allez le rabattre ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si je dois me réjouir, c’est du fait que vous ayez retiré votre amendement, madame la garde des sceaux, quelles que soient les raisons de ce retrait. Peut-être l’avez-vous retiré parce que vous voulez attacher votre nom à quelque chose de positif… Mais, finalement, dans votre intervention, vous avez plutôt essayé de nous rallier à votre position : vous acceptez que le droit à un encellulement individuel soit inscrit dans le texte, mais vous nous dites que ce sera loin d’être la panacée.
Je vous l’indique d’emblée, le problème n’est absolument pas là. Il se pose en ces termes : l’encellulement individuel est-il un droit ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Hyest, je sens que vous êtes d’accord avec moi ! (Rires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est écrit dans le texte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme la garde des sceaux, pour des raisons que nous ne connaissons pas, a donc retiré son amendement, mais, en même temps, elle nous dit que nous avons tort.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’y a pas que cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve. En tout cas, ce que je voudrais, c’est qu’un détenu qui demande l’encellulement individuel voie son vœu exaucé,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … sous réserve des raisons très précises qui sont inscrites dans la loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela pose beaucoup de problèmes : celui de la rédaction du texte et celui des moyens que nous nous donnerons d’atteindre cet objectif.
On peut démontrer que l’encellulement individuel offert à tous ceux qui le souhaitent ne pourra jamais être atteint et continuer de remplir les prisons tout en prétendant que l’encellulement collectif facilite le travail de l’administration pénitentiaire. Dans ce cas, permette-moi de le dire, on sera tout à fait « à côté de la plaque ».
Il faut, au contraire, affirmer le droit à un encellulement individuel. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement et préférons en revenir à la rédaction de l’article 716 du code de procédure pénale issue de la loi du 15 juin 2000, conformément à la recommandation du comité d’orientation restreint, qui « préconise donc la mise en œuvre de toutes mesures propres à rendre effective, dans le délai le plus rapproché possible et sans nouveau moratoire, l’application du principe posé par l’article 716 du code de procédure pénale. »
Je souhaite donc qu’il en soit ainsi, sans qu’un nouveau délai vienne différer l’application de ce principe.
Les conditions de détention en cellule collective sont unanimement déplorées. Elles sont pires que ce que l’on peut imaginer.
Par ailleurs, la capacité des détenus à demeurer seuls n’est pas simple, malheureusement, à appréhender : elle suppose la mise en œuvre d’un suivi médical et d’une surveillance des détenus, notamment de leur état psychique.
On peut parfaitement avoir l’impression qu’une personne ne peut pas être placée en cellule individuelle et se tromper. A contrario, on peut imaginer qu’elle se trouve bien avec quelqu’un d’autre alors que finalement cela ne conviendra absolument pas à cette autre personne.
Je préfère donc que nous échappions à cette subjectivité en établissant que celui qui en fait la demande a droit à une cellule individuelle. Je le répète, il ne s’agit pas d’un séjour à l’hôtel, pour lequel on pourrait choisir une chambre à deux ou une chambre seule !