M. Jean Desessard. Il est également défendu.
M. le président. Les amendements nos°175 et 268 sont identiques.
L'amendement n° 175 est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 268 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :
, leur dangerosité
La parole est à M. Alain Anziani, pour défendre l’amendement n° 175.
M. Alain Anziani. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 268.
Mme Éliane Assassi. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 291, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du second alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
doit être spécialement motivé
par les mots :
ne saurait porter atteinte aux droits des détenus visés à l'article 10 de la loi pénitentiaire n° ... du ...
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement estime nécessaire d’adapter les régimes de détention à la personnalité et à la dangerosité du détenu, ainsi qu’aux efforts manifestés par ce dernier pour sa réinsertion.
Comme l’ont fait nos voisins européens, l’administration pénitentiaire a mis en place des régimes de détention différenciés dans cinquante établissements pénitentiaires.
En effet, ainsi que M. Lecerf l’a noté dans son rapport, les détenus sont loin de constituer une population homogène. De ce fait, il est nécessaire et logique que certains établissements développent des programmes comprenant des dispositifs adaptés aux problématiques spécifiques de certains détenus, notamment les délinquants sexuels, et que, au sein d’un même établissement, des règles de prise en charge soient adaptées à la personnalité des détenus.
Ce système permet de ne pas appliquer à l’ensemble des détenus des règles qui ne sont pas justifiées ou qui ne le sont que pour une minorité d’entre eux.
Je rappelle, à cet égard, que l’instauration des régimes différenciés à l’intérieur d’un même établissement ne comporte aucune conséquence sur les droits des détenus.
M. Anziani affirmait tout à l’heure qu’une même prison comportait plusieurs prisons. Telle n’est pas la définition du régime différencié.
La différenciation porte non pas sur les droits des détenus, mais uniquement sur les modalités concrètes de prise en charge de chaque détenu en fonction du degré d’autonomie qui peut lui être accordé, ainsi que de sa capacité à vivre en collectivité.
Par exemple, l’accès des détenus à l’ensemble des activités de chaque établissement n’est pas remis en cause par le programme des régimes différenciés. Seules les conditions de cet accès sont modulables, selon que le détenu nécessite ou non d’être accompagné à l’intérieur du lieu de détention par un agent de l’administration pénitentiaire. Il en va de même pour l’accès au téléphone.
Il ne s’agit en aucun cas – et je tiens à le confirmer à M. le rapporteur – d’un régime disciplinaire destiné à priver le détenu de l’exercice effectif d’un droit, qu’il s’agisse de l’activité, du travail, de la formation, des relations avec l’extérieur, notamment de l’accès aux parloirs.
Le placement d’un détenu dans l’un de ces régimes est décidé par le directeur de l’établissement après examen du cas du détenu devant la commission pluridisciplinaire de l’établissement, d’où l’importance de ces commissions, je le souligne une nouvelle fois.
À l’évidence, toutes les explications seront données au détenu sur son affectation, mais il convient de rester extrêmement pragmatique et de ne pas complexifier par une procédure trop lourde un dispositif qui ne touche pas à l’exercice des droits.
Il a paru opportun au Gouvernement d’inscrire dans la loi cette possibilité, qui sera encadrée par les règlements pour chaque catégorie d’établissement.
D’ailleurs, les établissements pénitentiaires qui ont adopté des régimes de détention différenciés ont enregistré une forte diminution du nombre de violences, d’actes de violence et d’incivilité en leur sein, et donc du nombre de sanctions disciplinaires. Ainsi, dans l’établissement pénitentiaire de Châteaudun, les sanctions disciplinaires ont diminué de plus de moitié à la suite de la mise en place de ces régimes de détention différenciés.
J’indique également que les quartiers « arrivants » ont favorisé une meilleure réinsertion des personnes détenues par la prise en compte des difficultés de ces dernières grâce à l’évaluation qui est faite dès leur arrivée en prison de l’ensemble de leurs carences et de leurs besoins.
Auparavant, l’évaluation du détenu se fondait sur l’infraction commise ou sur la condamnation dont il faisait l’objet. Par exemple, une personne condamnée pour violences conjugales n’était évaluée qu’à l’aune de ses actes, sans que l’on se demande si elle avait agi sous l’emprise de l’alcool, sans que l’on cherche à évaluer ses addictions.
Par conséquent, les différentes difficultés des détenus seront désormais mieux prises en compte grâce aux programmes mis en place dès leur arrivée en prison et aux régimes différenciés de détention.
J’espère, monsieur le rapporteur, madame Borvo Cohen-Seat, que ces explications vous auront rassurés et convaincus de la nécessité de ne pas alourdir inutilement un dispositif qui ne porte pas atteinte aux droits des détenus.
M. le président. Le sous-amendement n° 294, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Au début du dernier alinéa de l'amendement n° 291, insérer les mots :
constitue une décision administrative individuelle défavorable au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Chacun l’a bien compris, nous sommes opposés à l’amendement n° 291 mais, pour le cas où ce dernier serait adopté, nous proposons ce sous-amendement de repli.
L’amendement du Gouvernement vise à supprimer, dans l’article 51, la référence à la motivation spéciale des décisions de placement dans un régime différencié.
Cet amendement a pour objet, en réalité, d’asseoir une pratique réglementaire tendant à considérer de telles décisions comme des mesures d’ordre intérieur, qui ne peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir.
Pourtant, une décision de placement en régime différencié n’est pas sans incidence sur la situation juridique du détenu.
L’amendement entretient l’arbitraire puisque, en ne reconnaissant pas que la décision de placement en régime différencié est un acte faisant grief, il empêche tout recours devant le juge de l’excès de pouvoir. L’administration pourra donc prendre des mesures arbitraires sans qu’un juge puisse vérifier leur conformité au droit, notamment à la loi pénitentiaire.
Mes chers collègues, si nous décidons de faire entrer le droit dans les prisons, donnons au détenu la possibilité de former un recours contre une décision de placement en régime différencié !
Je le répète, les décisions de placement en régime différencié sont considérées comme des mesures d’ordre intérieur, parce que l’administration l’a souhaité.
Pourtant, elles ont une incidence sur les droits des détenus : elles modifient leur situation juridique. Les détenus placés sous un régime différencié sont surveillés de manière plus stricte ; ils doivent prendre leurs repas dans leur cellule, qui ne dispose pas de porte ouverte ; ils n’ont pas accès aux ateliers et ne peuvent se rendre à la bibliothèque que dans le cadre d’un créneau horaire réservé.
Ces exemples ne suffisent-ils pas à démontrer qu’il s’agit d’une décision faisant grief ?
Les tribunaux administratifs eux-mêmes le reconnaissent, et je vous renvoie à cet égard à la décision de la cour administrative d’appel de Nantes du 21 février 2008.
Ce que nous proposons est en réalité une évolution naturelle. Les décisions de placement en isolement ont connu le même sort. D’abord considérées comme des mesures d’ordre intérieur, elles ont été transformées, par un revirement de jurisprudence, le 30 juillet 2003, en décisions administratives individuelles défavorables, susceptibles de recours devant le juge de l’excès de pouvoir.
Je vous propose, par ce sous-amendement, mes chers collègues, de mettre un terme à l’immunité juridictionnelle dont bénéficie l’administration pénitentiaire dans le placement en régime différencié des détenus, en soumettant ses décisions au contrôle du juge administratif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur l’amendement n° 173, la commission émet un avis défavorable pour deux raisons.
En premier lieu, le 1° de cet amendement ne fait plus référence à une période d’observation pluridisciplinaire qui pourra s’effectuer dans le quartier « arrivants », ce qui paraît extrêmement gênant.
En effet, nous sommes très favorables à l’évaluation, dont nous avons même élargi les hypothèses en étendant aux prévenus la disposition qui visait uniquement les condamnés, tout en convenant cependant de la nécessité de l’adapter selon qu’il s’agit des prévenus ou des condamnés.
Il s’agit d’ailleurs là d’une espèce de rendez-vous que nous nous étions fixé avec Mme la garde des sceaux lors de la discussion du texte relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, puisque nous avions introduit à cette occasion, avec la collaboration précieuse de Robert Badinter, une disposition visant à mettre en place une évaluation pour les personnes condamnées à des peines pouvant amener à la rétention de sûreté. Il s’agissait d’une évaluation très ambitieuse, fondée sur une période d’observation de six semaines minimum au Centre national d’observation, de façon que la qualité du travail soit à la hauteur des implications éventuelles du risque de placement en rétention de sûreté.
Nous avions prévenu Mme la garde des sceaux que nous reviendrions à la charge lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire pour obtenir l’évaluation au moins pour toutes les longues peines.
En l’occurrence, nous sommes allés plus loin – et le Gouvernement ne tente pas de revenir sur ce point – en redemandant une évaluation pluridisciplinaire – espérons que l’adoption de l’amendement de M. About n’empêchera pas la réalisation de cette dernière – car, pour nous, cette évaluation est nécessaire à l’élaboration du parcours d’exécution de la peine, afin que le temps de peine soit un temps utile et non pas un temps mort.
Telle est donc la première raison de l’hostilité de la commission à l’amendement n° 173.
En second lieu, cet amendement encadre très strictement la mise en œuvre des régimes différenciés. Il ajoute l’avis du juge de l’application des peines et il prévoit le renouvellement de la procédure tous les trois mois, ce qui nous paraît excessivement lourd.
L’amendement n° 50 rectifié vise à prendre en compte les préoccupations relatives à la santé dans le bilan d’observation des détenus arrivants. Cette précision est apparue utile à la commission, qui émet donc un avis favorable.
M. Jean Desessard. Merci, monsieur le rapporteur !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’en viens à l’amendement n° 174.
La référence aux trois critères relatifs à la personnalité, la dangerosité et les efforts en matière de réinsertion pour la détermination du régime de détention permet, selon nous, d’encadrer de manière précise l’appréciation du chef d’établissement.
En outre, il faut rappeler que cette décision est considérée par la jurisprudence administrative comme faisant grief et, donc, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Sur ce point, je suis en total désaccord avec MM. Anziani et Desessard.
En effet, je ne sais pas ce qu’en pensera notre collègue Hugues Portelli, et je peux me tromper, mais, à mes yeux, toute l’évolution de la jurisprudence administrative, depuis déjà de nombreuses années, va dans le sens de l’extension de la notion de l’intérêt à agir et donc des cas où l’on admet le recours pour excès de pouvoir, la catégorie des mesures d’ordre intérieur, c'est-à-dire celles qui sont considérées comme n’ayant pas suffisamment d’importance pour que le juge s’en préoccupe, se réduisant comme peau de chagrin.
À ma connaissance, toutes les décisions défavorables, par exemple de déclassement ou de sanction disciplinaire, qui étaient des mesures d’ordre intérieur sont désormais considérées comme des mesures susceptibles de recours et faisant grief, tout comme le classement dans une catégorie de régime différencié moins favorable.
Souvenez-vous de cette jurisprudence du juge administratif, quelque peu subtile, mais dont on peut comprendre aisément les raisons, consistant à dire que, si une mesure est plus défavorable, par exemple dans le cas d’un déclassement au niveau du travail, elle fait grief et est susceptible de recours, mais que, si la mesure n’est pas plus défavorable – par exemple, un changement d’affectation dans l’emploi –, elle ne fait pas grief et le recours n’est pas autorisé.
Par conséquent, en l’état actuel de la jurisprudence du Conseil d’État, qui l’emporte sur celle des tribunaux administratifs, la disposition proposée est considérée, à mon sens, comme une mesure faisant grief.
La commission n’a pas eu connaissance des sous-amendements à son amendement n° 296.
Au demeurant, sachant qu’elle avait donné un avis favorable à plusieurs amendements de Mme Boumediene-Thiery allant dans le même sens, à titre personnel, je suis plutôt favorable au sous-amendement n° 297 rectifié.
Quant au sous-amendement n° 299, avec les mêmes réserves puisqu’il n’a pas été examiné par la commission, j’en demande le retrait dans la mesure où la notion de handicap me semble incluse dans celle de santé.
Il en va de même pour l’amendement n° 51 rectifié, qui a le même objet que le sous-amendement n° 299.
Je ne peux suivre les auteurs des sous-amendements identiques nos 298, 301 et 302, selon qui la dangerosité ne saurait constituer un critère permettant de mettre en place des conditions de détention différenciées, car il s’agit, à mes yeux, d’un critère absolument fondamental à cet égard.
Tous ceux qui ont visité des établissements de détention ont entendu les personnels de surveillance leur dire que, sur 500 détenus, 450 ne posaient pas de problème, mais que 50, parfois beaucoup moins, créaient des conditions extrêmement difficiles aux uns et aux autres. Ainsi, à cause de cette poignée de personnes, on est obligé d’imposer des conditions de sécurité communes aux 500 détenus !
C’est pourquoi nous devons essayer de mettre en place un régime différencié, qui permette à 450 détenus de vivre dans des conditions plus sereines et plus agréables, et de réserver l’hypothèse, par exemple, des « portes fermées », à ceux qui, de fait, posent problème.
Franchement, je ne vois pas comment on pourrait envisager d’éliminer la notion de dangerosité des critères permettant de mettre en place des conditions de détention différenciées. La commission est donc défavorable à ces trois sous-amendements.
La commission est favorable à l’amendement n° 52 rectifié, qui prévoit la prise en compte de la notion de santé.
La commission est défavorable aux amendements nos 175 et 268 puisqu’ils tendent à supprimer le critère de dangerosité.
Je ne peux être favorable à l’amendement n° 291 du Gouvernement dans la mesure où il n’est pas compatible avec l’amendement n° 296 de la commission.
J’ai écouté Mme le ministre avec beaucoup d’attention et je reconnais que ses arguments, sur bien des points, sont marqués au coin du bon sens, mais, en tant que rapporteur de la commission des lois, je suis contraint de m’en tenir à ce que celle-ci a décidé.
Par voie de conséquence, la commission est également défavorable au sous-amendement n° 294.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ainsi que je l’ai souligné lorsque j’ai présenté l’amendement n° 291, le dispositif prévu par l’article 51 ne correspond pas à un régime disciplinaire. Il garantit le respect des droits fondamentaux des détenus et n’entraîne aucune restriction quant au régime de détention de droit commun.
Il est donc inutile de rappeler, comme le fait l’amendement n° 173, que le détenu soumis à un régime différent conserve ses droits à la promenade, ainsi qu’aux activités collectives et au travail. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 50 rectifié, qui vise à prévoir un bilan de santé en complément du bilan de la personnalité. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle je tenais à ce que le médecin ne soit pas exclu des commissions pluridisciplinaires, car son avis peut être important dans le cadre de ce bilan. L’amendement qui a été adopté hier risque d’être source de difficultés pour l’évaluation du nouveau détenu dans la mesure où il n’y a pas d’acte médical stricto sensu.
Le Gouvernement est tout à fait favorable à la prise en compte de l’état de santé dans la détermination du régime de détention et pourrait, dès lors, accepter le sous-amendement n° 297 rectifié, s’il n’était défavorable à l’amendement n° 296 de la commission, qui n’est pas compatible avec l’amendement n° 291.
Le sous-amendement n°299 vise à inclure le handicap parmi les critères à prendre en compte dans la détermination du régime de détention. Le handicap est pris en compte dans l’affectation des cellules, et tous les nouveaux établissements pénitentiaires ont des cellules adaptées aux personnes handicapées, mais il ne s’agit pas d’un critère de personnalité. Le Gouvernement est donc défavorable à ce sous-amendement.
Le Gouvernement est également aux sous-amendements nos 298, 301 et 302, qui visent à supprimer le critère de la dangerosité.
Je répondrai à Mme Assassi que la dangerosité n’est pas une notion nouvelle, créée avec la rétention de sûreté : elle existait dans le code pénal bien avant la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Dans la loi de 2005, les commissions pluridisciplinaires doivent évaluer la dangerosité d’un détenu avant sa sortie. Ce critère figure aussi dans le code de la santé publique, en relation avec le trouble à l’ordre public, notamment pour les hospitalisations d’office.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 174, ainsi qu’aux amendements identiques nos 175 et 298.
J’ai déjà répondu sur la question du handicap, soulevée par l’amendement n° 51 rectifié, auquel le Gouvernement est défavorable.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 52 rectifié puisqu’il vise à inclure la santé parmi les critères de détermination du régime de détention.
Enfin, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 294.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote sur l'amendement n° 173.
M. Alain Anziani. M. le rapporteur s’étonne de ce que nous insistions pour faire explicitement figurer dans le texte que les décisions de placement en régime différencié sont motivées alors que la jurisprudence administrative serait déjà plutôt encline à accepter une telle motivation.
Monsieur le rapporteur, c’est vrai, globalement, la jurisprudence administrative va dans ce sens. Cependant, la raison du Conseil d’État n’atteint pas la Place Vendôme ! (Sourires.) C’est pour cela que j’éprouve quelque inquiétude.
J’ai sous les yeux un pourvoi en cassation du garde des sceaux contre un arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Nantes du 21 février 2008. La cour administrative d’appel a confirmé un jugement du tribunal administratif et a annulé un placement en régime de détention, notamment pour un problème de défaut de motivation.
Dès lors, je ne comprends pas pourquoi les services juridiques du ministère de la justice s’acharnent dans presque tous les recours à soutenir la position contraire !
Permettez-moi de lire un extrait du recours signé par la personne habilitée à le faire au nom de Mme la garde des sceaux : « En tant que mesure d’ordre intérieur, la décision de placement d’un détenu en régime différencié… » – la décision de placement est donc qualifiée de mesure d’ordre intérieur – « …n’entre pas dans le champ d’application de la loi du 11 juillet 1979… » – il s’agit de la loi relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public – « …ni dans celui de la loi du 12 avril 2000, qui ne s’appliquent qu’aux décisions faisant grief. »
On nous explique à longueur de contentieux que ces décisions n’ont pas à être motivées et qu’elles ne font pas grief, contrairement à ce qu’indique la jurisprudence du Conseil d’État. Il est peut-être temps de se rallier à cette dernière !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 297 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Desessard, le sous-amendement n° 299 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.
.M. le président. Le sous-amendement n° 299 est retiré.
La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote sur les sous-amendements identiques nos 298, 301 et 302.
M. Louis Mermaz. Cette notion de dangerosité, même si elle figure déjà dans des textes, est de plus en plus a-scientifique. Dans quelques années, si elle ne fait pas sourire, elle suscitera au moins un franc scepticisme !
Il s’agit en effet d’une notion de totalement floue et, faute de critères permettant de la cerner, elle ne signifie absolument rien. Autrement dit, si le texte est laissé en l’état, l’évaluation de la dangerosité sera laissée à la libre appréciation de la personne qui réalisera l’expertise.
Il est triste que, en ce début de xxie siècle, on en soit encore à manier des concepts médiévaux !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette affaire de dangerosité pose véritablement un problème.
Madame la garde des sceaux, ce n’est pas parce que le concept figure dans d’autres textes qu’il est pertinent ! Beaucoup d’idées existent depuis longtemps qui ne sont malheureusement pas bonnes ! Sur cette question, je rejoins totalement ce qu’a dit M. Mermaz et je n’ai pas besoin d’insister.
Par ailleurs, de nombreuses personnes dont l’avis n’est tout de même pas négligeable considèrent que le fait de laisser à l’administration pénitentiaire le soin de décider l’application de tel ou tel régime de détention introduit des inégalités à l’intérieur de chaque établissement et entre les établissements, et qu’il n’est donc pas de nature à favoriser le meilleur fonctionnement possible des établissements.
Les arguments qui ont été avancés n’emportent pas la conviction.
Je note aussi que l’Observatoire international des prisons critique également les régimes différenciés.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, que nous avons tous choisi et qui ne peut être soupçonné de fomenter l’agitation, a relevé, dès sa prise de fonctions, que ces régimes posaient des problèmes.
Je suis donc très sceptique, d’autant que vous refusez d’inscrire dans le texte les garanties que nous proposons.
Il me paraît dommage de ne pas prendre davantage en compte des remarques qui émanent non de naïfs ou de laxistes, mais de personnes bénéficiant d’une certaine expérience et passant beaucoup de temps à s’interroger sur la prison.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Ce débat sur la dangerosité a un côté purement intellectuel qui me choque. Nous sommes dans le domaine du réel. Nous touchons à des problèmes concrets, très difficiles à analyser et à exprimer en termes précis.
Il faut admettre que des termes généraux laissent une marge à l’interprétation. Toute action humaine exige ce genre de termes. Si vous avez un autre mot que celui de dangerosité à nous proposer, faites-le ! Mais, pour le moment, c’est de celui-là que nous disposons !
Il est possible que ce terme vous gêne, mais il se trouve qu’il y a des gens qui sont dangereux, comme il y a des choses qui sont dangereuses. Ce terme recouvre donc une réalité !
Je vous renvoie à un autre concept, celui du principe de précaution, que nous avons d’ailleurs sacralisé. En vertu de ce principe, il faut se méfier de ce qui est dangereux, y compris des gens qui sont dangereux.
Il faut prévoir cette éventualité, avec la marge d’interprétation qui caractérise toute action humaine, marge que nous ne pouvons cerner uniquement avec des mots. Ce serait un exercice tout à fait vain et purement intellectuel, mais malheureusement typiquement parlementaire !
M. Louis Mermaz. Voilà des propos dangereux ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous venons d’avoir un débat sur les régimes différenciés : nous avons pris connaissance de l’amendement n° 296 de la commission et de l’amendement n° 291 du Gouvernement, éclairé par les déclarations de Mme le garde des sceaux sur les droits auxquels il ne serait pas dérogé en régime différencié.
La discussion porte sur le degré de souplesse que l’on accorde à l’administration pénitentiaire. Il est difficile de se satisfaire d’une alternative du type « ouvert-fermé », car les régimes carcéraux se distinguent par diverses caractéristiques.
Monsieur le président, je demande donc le vote par priorité sur l’amendement n° 291, ainsi, bien sûr, que sur le sous-amendement n° 294 dont il est assorti. Si l’amendement du Gouvernement n’est pas adopté, celui de la commission recueillera certainement une large approbation dans cet hémicycle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
Monsieur Desessard, le sous-amendement n° 294 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 294 est retiré.
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, pour explication de vote sur l’amendement n° 291.