Articles additionnels après l'article 5
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Article 6 (interruption de la discussion)

Article 6

L'État incitera les acteurs de la formation professionnelle initiale et continue à engager un programme pluriannuel de qualification et de formation des professionnels du bâtiment et de l'efficacité énergétique dans le but d'encourager l'activité de rénovation du bâtiment, dans ses dimensions de performance thermique et énergétique, acoustique et de qualité de l'air intérieur.

Les programmes publics de recherche dans le domaine du bâtiment seront orientés vers les nouvelles générations de bâtiments faiblement consommateurs d'énergie, ceux producteurs d'énergie à partir de sources renouvelables et les techniques de rénovation performantes en matière d'économie d'énergie.

Le diagnostic de performance énergétique tel que prévu au titre de la réglementation thermique et des réglementations européennes sera adapté à l'outre-mer afin de tenir compte des critères propres à ces territoires.

La France concourt à la création d'une plate-forme européenne sur l'éco-construction, pour développer les recherches et promouvoir les différentes filières de bâtiments faiblement consommateurs d'énergie.

M. le président. L'amendement n° 321 rectifié, présenté par MM. Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava, Miquel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

à engager

insérer les mots :

, en concertation avec les régions,

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Cet article prévoit que l’État incite les acteurs de la formation professionnelle initiale et continue à engager un programme pluriannuel de qualification et de formation des professionnels du bâtiment et de l’efficacité énergétique.

Notre amendement vise à ce que cela se fasse en concertation avec les régions, puisque la formation professionnelle relève en grande partie de leur compétence.

Je rappelle simplement que c’est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui, en vertu de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, a transféré aux régions la charge de la formation professionnelle. Les régions françaises ont fait, dans leur ensemble, un effort considérable de révision de leur plan régional de formation professionnelle et ont déjà anticipé cette problématique. Il semble donc tout à fait légitime de les associer au programme pluriannuel de qualification et de formation des professionnels du bâtiment prévu à cet article.

Comme le souligne d’ailleurs l’avis du Conseil économique, social et environnemental sur ce projet de loi, « l’amélioration des qualifications, le développement de métiers nouveaux ont besoin de s’effectuer rapidement. Ces efforts seraient vains si l’accent n’était pas mis, au cours des prochaines années, par les collectivités régionales, compétentes en ce domaine, sur la formation continue aux techniques en lien avec le changement climatique ».

L’absence de précision quant aux moyens réservés pour atteindre l’objectif énoncé risque de faire peser une nouvelle contrainte sur le budget des régions. Il conviendrait donc de préciser que les régions seront associées au programme de formation professionnelle.

Au cours de ce débat, j’aurai l’occasion d’insister sur les nécessaires relations qui doivent être tissées, en la matière, entre l’État et les collectivités régionales. On ne prend pas des décisions qu’on impose ensuite du sommet vers la base ; au contraire, il est important de prendre connaissance de ce qui se fait déjà localement sur les territoires. À cet égard, nous pourrons vous citer de nombreux exemples.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Conformément à la demande du Président de la République, le comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, travaille actuellement sur la répartition des compétences entre les différents acteurs institutionnels. Toujours est-il qu’il est indéniable que la formation professionnelle est de la compétence des régions. Aussi, la commission émet un avis tout à fait favorable sur cet amendement de bon sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. La rédaction actuelle de l’article mentionne « les acteurs de la formation professionnelle. Aux yeux du Gouvernement, cette formulation inclut bien sûr les régions et renvoie aux fédérations, très engagées sur ce sujet, ou aux entreprises, elles aussi bien impliquées.

Cela étant dit, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 321 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 322, présenté par MM. Courteau et Raoul, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries, Teston et Guillaume, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ce programme insistera avant tout sur la formation aux techniques de diagnostic préalable, la connaissance des énergies renouvelables et de leurs modalités d'utilisation, l'adaptation des contenus de formations pour privilégier l'isolation et les réseaux de chauffage.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. La formation des professionnels de la filière du bâtiment est un prérequis indispensable pour permettre à ce secteur d’activités de s’adapter aux nouvelles exigences environnementales.

Il nous semble important d’insister notamment sur la formation aux techniques de diagnostic préalable et à la connaissance des énergies renouvelables, ainsi que sur leurs modalités d’utilisation. Ce sont des domaines extrêmement complexes, nouveaux, absolument nécessaires pour produire un travail de qualité.

Or, dans sa rédaction actuelle, cet article omet de préciser les axes prioritaires sur lesquels doit s’engager la formation professionnelle.

Je précise que notre amendement ne fait que suivre l’avis rendu par le Conseil économique, social et environnemental sur ce projet de loi. Il y est écrit ceci : « Notre assemblée rappelle qu’elle a, à plusieurs reprises, souligné la nécessité de développer la formation initiale et continue en partenariat avec l’ensemble des acteurs de la filière. Il ne paraît pas superflu d’ajouter ici que la formation aux techniques de diagnostic préalable, la connaissance des énergies renouvelables et de leurs modalités d’utilisation, l’adaptation des contenus des formations pour privilégier l’isolation et les réseaux de chauffage, doivent, selon notre assemblée, être traités prioritairement ».

C’est exactement ce à quoi vise notre amendement.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il faut que nous ayons tous bien conscience de plusieurs faits.

Premièrement, nos concitoyens font preuve de bonne volonté. Ils sont prêts à engager des dépenses pour des travaux d’isolation et pour les énergies renouvelables.

Deuxièmement, ils sont inquiets : comment trouver le bon prestataire ? Comment disposer d’un vrai diagnostic ? Certains foyers s’endetteront ou bénéficieront d’aides publiques, notamment pour compenser les intérêts des emprunts. Aussi, nous n’avons pas de droit à l’erreur : chaque chauffe-eau solaire défectueux, chaque diagnostic erroné, chaque pompe à chaleur qui s’enraye est une contre-publicité pour tout ce que vous envisagez de porter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Là encore, il s’agit d’une précision très utile. Aussi, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Cette précision est utile, à défaut d’être exhaustive, puisque c’est bien une approche systémique du bâtiment qu’il faut développer dans les formations.

Aussi, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Les techniques du diagnostic préalable, la connaissance des énergies renouvelables et de leurs conditions d’utilisation, toutes les techniques d’isolation évoluent, exigent des adaptations, qui nécessitent ensuite de nouvelles formations.

Si nous ne pouvons disposer de personnels très qualifiés sur les nouvelles techniques, les nouveaux matériaux, les plus récentes technologies, nous rencontrerons des difficultés majeures dans la mise en œuvre de nos politiques et des actions en faveur des économies d’énergie, du développement des énergies renouvelables ou de la réduction des gaz à effet de serre.

À l’inverse, si les programmes de formation sont bien ciblés et adaptés, il y a là un formidable gisement d’emplois.

Voilà pourquoi, par cet amendement que nous souhaitons voir adopté, nous proposons d’apporter certaines précisions au texte qui nous est soumis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 322.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, les dispositions visées à cet alinéa ayant été reprises à l’article 5.

M. le président. L'amendement n° 339 rectifié, présenté par MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

De même, en outre-mer, en matière d'éco-construction, les études et recherches devront favoriser la prise en compte des techniques, savoir-faire et matériaux locaux - notamment le bois -, afin d'examiner et promouvoir les conditions de leur labellisation, certification, agrément ou mise aux normes.

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

M. Jean-Etienne Antoinette. Des études du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, des thèses soutenues par des doctorants de l’École nationale du génie rural, des eaux et des forêts, l’ENGREF, des rapports de l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, font régulièrement apparaître l’intérêt de telle essence de la forêt guyanaise pour la construction ou de telle technique traditionnelle pour une architecture adaptée au climat, ou encore de tous ces savoir-faire qui, transmis de génération en génération, permettent aux sociétés locales une bonne adaptation à leur milieu., dans des conditions parfois rustiques, pour ne pas dire difficiles. Et ce que je dis là ne vaut pas seulement pour la Guyane ni même seulement pour l’outre-mer.

Pourtant, ces mêmes techniques, ces mêmes essences, qui ont fait leurs preuves depuis des siècles, ne passent pas la barrière du contrôle des normes NF ou NF Environnement, des nomenclatures de bois autorisés, des diplômes et certificats divers, faute d’inventaire, faute d’information, faute de mise à jour des nomenclatures, faute de reconnaissance des acquis, ou faute de bon sens, tout simplement.

Du coup, la charpente de l’hôtel Novotel de Cayenne a été faite avec du bois en provenance du Massif central ; du coup, la médiathèque de Kourou, fabriquée avec du bois répondant parfaitement aux normes, a dû attendre l’instruction de deux dérogations en matière de sécurité incendie avant son ouverture au public, parce que le bois en question n’était pas encore répertorié ; du coup, les stages proposés par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes aux Amérindiens pour leur apprendre à fabriquer des carbets d’écotourisme ou aux piroguiers bushiningués, qui maîtrisent la navigation sur des fleuves administrativement non navigables et qui ont créé une véritable filière économique de transport de personnes et de marchandises, sont, dans ce cas, quelque peu inutiles.

Madame la secrétaire d'État, il serait peut-être temps de mettre fin à ces plaisanteries. Elles sont coûteuses et, en même temps, méprisantes pour ces populations. Puisque le présent projet de loi pose, par exemple, l’exigence d’utilisation de bois certifié, il serait juste qu’il prévoie les conditions dans lesquelles ce bois et les matériaux locaux en général, ainsi que les savoir-faire et les techniques éprouvés, pourront passer les épreuves permettant leur reconnaissance et leur certification, à tout le moins leur utilisation dans un cadre réglementaire. Cette mesure de bon sens favoriserait l’insertion d’un grand nombre de personnes et irait dans le sens du développement local et du développement durable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 339 rectifié ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement a le mérite de mettre en évidence la nécessité de soutenir et de valoriser la filière bois.

Cela dit, la problématique en question ne concerne pas que l’outre-mer. Mais, effectivement, il est curieux que du bois utilisé en Guyane provienne du Massif central !

Par ailleurs, des dispositions de soutien à ladite filière ont été prévues dans la loi de finances pour 2009 et d’autres mesures devraient figurer dans le projet de loi portant engagement national pour l’environnement.

En conséquence, la commission vous demande, monsieur Antoinette, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez raison, on ne peut pas imposer à l’outre-mer les mêmes normes en matière d’éco-construction que celles qui s’appliquent en métropole. Votre proposition tendant à mener des études et des recherches est très intéressante.

Le Gouvernement s’engage à ce que ces sujets soient clairement abordés lors du processus de définition des normes qui associe de très nombreuses parties prenantes dans divers comités. Mais pour ne pas alourdir le projet de loi que nous examinons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 339 rectifié n'a plus d'objet.

Mais M. Antoinette vient d’obtenir, de la part de Mme la secrétaire d’État, la garantie que ce sujet sera étudié avant le Grenelle II.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Dans les jours qui viennent.

M. le président. L'amendement n° 323 rectifié, présenté par MM. Raoul, Guillaume et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mme Blandin, MM. Antoinette, Gillot, Lise, S. Larcher, Patient, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'État veillera à soutenir les actions collectives de type clusters et pôle de compétitivité en lien avec les conseils régionaux et les collectivités territoriales.

La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Cet amendement vise à dynamiser l’article 6.

Aux termes de l'article 3, « le secteur du bâtiment, qui consomme plus de 40 % de l'énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions nationales de gaz à effet de serre, représente le principal gisement d'économies d'énergie exploitable immédiatement ».

Le développement de l'éco-construction et des nouvelles technologies dans la construction neuve et la rénovation du parc nécessitent une professionnalisation dans le cadre d'actions collectives. Il s'agit de mettre en réseau les acteurs privés et publics qui souhaitent contribuer au développement des filières de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables

Nous constatons tous les jours que les retards pris par rapport à d’autres pays, notamment l’Allemagne, dans le domaine de l’innovation et dans l’industrie de la construction sont patents.

Il ne suffit pas simplement d’innover ; encore faut-il que les entreprises se regroupent pour assurer la diffusion de ces innovations.

En cet instant, je voudrais évoquer les pôles de compétitivité mis en œuvre par vos prédécesseurs, madame la secrétaire d’État. Ils ont été à la fois innovants, dynamiques et ont permis de mettre en réseau non seulement des industriels, des laboratoires de recherche, mais également des acteurs du territoire et des collectivités locales. Ainsi, en regroupant l’innovation, la recherche et les énergies, la dynamique économique et industrielle peut être développée.

Il faut absolument repérer les forces en présence sur le territoire, ce qui permet d’avoir un temps d’avance. Tel est l’objet de l’amendement n° 323 rectifié.

Tel était également l’objet premier des pôles de compétitivité regroupant les acteurs pour atteindre une taille critique. En effet, certaines entreprises innovantes n’ont pas la taille critique suffisante pour aller sur le marché concurrentiel. Les acteurs concernés ne doivent pas disperser leurs forces. Bien souvent, dans le domaine de la recherche, il vaut mieux qu’ils se regroupent afin d’être compétitifs à l’échelon mondial.

Ce type de démarche permet de relever des défis et de mener à bien des projets fédérateurs et innovants grâce à la mise en place de collaborations et d'actions concrètes interacteurs et interfilières.

C’est pourquoi nous proposons cet amendement aux termes duquel l'État veillera à soutenir les actions collectives de type clusters et pôles de compétitivité en lien avec les conseils régionaux et les collectivités territoriales

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Guillaume, l’article 19 du présent projet de loi dispose que « le soutien aux innovations éco-responsables se traduira notamment par la mobilisation et la coordination des pôles de compétitivité travaillant dans le domaine de l’environnement et par la mise en place de mécanismes favorisant le développement des entreprises éco-innovantes ».

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 323 rectifié, redondant, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Guillaume, l'amendement n° 323 rectifié est-il maintenu ?

M. Didier Guillaume. Je souhaite, monsieur le rapporteur, que puissent être ajoutés à côté des pôles de compétitivité les clusters. Ces groupes dynamiques fonctionnent et sont liés aux pôles de compétitivité.

Sous cette réserve, j’accepte de retirer mon amendement.

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission vous donne son accord, mon cher collègue.

M. le président. Le mot « cluster » figure-t-il bien dans le dictionnaire ?

M. Didier Guillaume. Je ne sais pas si tel est le cas, monsieur le président, mais cette notion est bien chevillée aux corps des entrepreneurs et des chefs d’entreprise dynamiques.

M. le président. L'amendement n° 323 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

M. le président. Au cours de l’après-midi, 75 amendements ont été examinés ; il en reste 647.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 6 (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Discussion générale

5

Prolongation de cinq interventions des forces armées

Débat et votes sur des demandes d’autorisation du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle, en application de l’article 35, alinéa 3 de la Constitution, un débat et un vote sur la demande du Gouvernement tendant à autoriser la prolongation de l’intervention des forces armées en République de Côte-d’Ivoire, au Kosovo, au Liban, en République du Tchad et en République centrafricaine (opération EUFOR et opérations Boali et Épervier).

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’exprime ce soir au nom de M. le Premier ministre. Avec ce débat, suivi de votre vote, nous voici au cœur du rééquilibrage des pouvoirs opéré par la réforme constitutionnelle du 21 juillet 2008.

Au cœur, puisque du « domaine réservé », apanage historique de l’exécutif, nous allons passer à un domaine partagé avec le Parlement, incarnation de la souveraineté nationale.

Nous avons voulu cette révision historique afin de conférer plus de pouvoir au Parlement. Nous avons voulu ouvrir le fonctionnement de notre démocratie à plus de débats. Nous avons voulu que s’exerce avec plus de transparence la prérogative régalienne que constitue l’emploi de la force armée, comme le pratiquent la plupart des grandes démocraties.

Conformément à la nouvelle rédaction de l’article 35 de la Constitution, le Gouvernement informe désormais le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées françaises à l’étranger dans les trois jours suivant le début de l’opération. Il soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement lorsque celle-ci dépasse les quatre mois.

Certaines activités militaires à l’étranger ne sont pas visées par cette procédure, notamment les échanges de militaires, les exercices, les troupes pré-positionnées en vertu des accords de défense, l’envoi d’observateurs non armés, les déplacements des navires et aéronefs dans les espaces internationaux et les escales dans les ports étrangers, ainsi que les opérations des services de renseignement ou des forces spéciales.

Cette procédure s’appliquera à l’envoi à des fins opérationnelles de forces militaires en corps constitués, c’est-à-dire des unités militaires d’un volume important, engagées en situation de crise et sur un territoire étranger. Elle concernera l’immense majorité des effectifs déployés en opérations.

Dès le 22 septembre dernier, nous avons abordé un premier théâtre, le plus difficile, l’Afghanistan. Nous avons débattu de la stratégie de la France et de ses partenaires pour le retour de la sécurité et de la stabilité dans ce pays.

Aujourd’hui, nous voulons vous informer des autres opérations extérieures en cours et vous demander d’approuver leur prolongation. Comme vous le savez, l’Assemblée nationale a voté ce soir en ce sens.

Cinq théâtres principaux accueillent aujourd’hui 95 % des soldats français déployés en opérations. L’Afghanistan mis à part, restent quatre zones, où cinq engagements distincts prennent place : la zone regroupant le Tchad et la République centrafricaine, la Côte-d’Ivoire, le Liban, le Kosovo.

Pourquoi la France y est-elle présente ?

Tout d'abord, parce que sa stratégie de sécurité a pour objectif premier de parer aux risques qui menacent tous les Français et qu’un nombre croissant de ces menaces trouvent aujourd’hui leur origine bien au-delà de nos frontières.

Ensuite, parce que la France entend jouer son rôle en faveur de la sécurité internationale et qu’elle assume pleinement ses devoirs, dans le cadre des Nations unies.

Enfin, parce que les valeurs humanitaires ne cessent de guider au mieux son action.

Cette triple ambition nous commande de participer aux efforts de maintien de la paix, partout où notre implication peut se révéler décisive, par les moyens qu’elle engage, ou par l’effet d’entraînement qu’elle suscite.

La responsabilité d’envoyer nos soldats là où se nouent et se dénouent les crises est immense. Le 19 août 2008, dix soldats français tombaient au combat, au cours d’une reconnaissance conjointe avec l’armée afghane.

Le 22 novembre dernier, j’apprenais le décès, à Kaboul, d’un sous-officier du 3e régiment du génie de Charleville-Mézières.

Le 17 janvier dernier, encore, huit de nos hommes mouraient dans un accident d’hélicoptère au Gabon. Avec Hervé Morin, nous plaçons dans l’ombre de leur mémoire les choix graves qui nous incombent ici.

La France n’engage pas d’opérations militaires sans nécessité impérieuse, sans stratégie, sans objectif. Elle ne les engage que là où elles sont strictement nécessaires et dans les conditions les plus sécurisées possibles. Elle ne les engage que là où les enjeux humanitaires et stratégiques sont décisifs.

Dans tous les cas, notre engagement militaire doit être la contrepartie d’un engagement politique actif, susceptible de tirer de l’impasse les pays concernés.

Dans tous les cas, nous veillons à définir dès le départ les objectifs que nous assignons à nos troupes et qui détermineront, une fois qu’ils auront été atteints, les termes de leur retrait.

Par exemple, engagée pour une durée limitée, dans un but précis, l’opération européenne au Tchad et en République centrafricaine prendra fin dans les prochaines semaines, pour laisser place à une force des Nations unies.

Nous intervenons de plus en plus dans un cadre multilatéral, celui de l’OTAN, de l’Union Européenne, entre autres. La présidence française a élargi le rôle de cette dernière organisation dans le maintien de la paix et dans la gestion civile des crises, en lançant trois nouvelles opérations : deux à caractère civil, au Kosovo et en Géorgie ; une à caractère militaire, contre la piraterie dans le golfe d’Aden.

À chaque fois, que ce soit dans le cadre de l’OTAN ou dans celui de l’Union européenne, la France a conservé la maîtrise opérationnelle de ses forces. Elle a fait en sorte que ses troupes déployées à l’étranger soient le reflet de sa solidarité, mais aussi de son indépendance.

Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale le confirme : en toute situation, « La France s’engage avec une qualité et un volume de forces suffisants pour disposer d’une représentation adéquate dans les organes de planification et de commandement de l’opération, et garantir ainsi sa liberté d’appréciation et de décision ».

Depuis une dizaine d’années, une trentaine d’opérations mobilisent en moyenne 12 000 de nos soldats à travers le monde, sans jamais remettre en cause la participation de nos moyens militaires à la sécurisation du territoire national.

Le paysage stratégique bouge. Les menaces évoluent. En 2008, la France a réexaminé sa politique de sécurité, dans le cadre d’un Livre blanc présenté par le Président de la République le 17 juin. Présidente de l’Union européenne, elle a réactualisé et complété la stratégie de sécurité de celle-ci. En avril prochain, le sommet de l’OTAN, à Strasbourg et à Kehl, lancera les travaux de redéfinition du concept stratégique de l’Alliance atlantique.

Nos priorités changent et nos moyens s’adaptent.

Dans certaines régions du monde, où notre présence se révèle moins déterminante, il convient de réduire notre contribution. Ailleurs, il importe de quitter des zones déjà stabilisées, pour retrouver la mobilité nécessaire à d’autres participations. Les moyens de la France ne sont pas infinis, nous le savons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes intervenus en Côte d’Ivoire après la crise de septembre 2002. Au plus fort de l’épreuve, en 2004, plus de 4 000 soldats français y ont été déployés. En bloquant l’avancée des rebelles du nord et de l’ouest du pays, l’objectif était d’éviter que le pays ne sombre dans la guerre civile, comme l’avaient fait ses voisins, le Liberia et la Sierra Leone, souvenez-vous-en !

En 2004, ces soldats ont défendu la sécurité immédiate de nos ressortissants. Lors du bombardement de Bouaké, le 6 novembre 2004, neuf d’entre eux ont payé ce dévouement de leur vie.

Depuis, nous avons privilégié la gestion multilatérale de la crise, et contribué à un processus politique de réconciliation ouvert sur la tenue d’élections régulières. L’accord de Ouagadougou, signé le 4 mars 2007, a consacré la stabilisation politique du pays.

Ayant obtenu un fort engagement des Nations unies, nous intervenons aujourd’hui non plus en première ligne, mais en soutien de leur mission, l’ONUCI, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire.

En Côte d’ivoire, les enjeux sécuritaires ont perdu de leur intensité, et l’attente d’échéances électorales toujours incertaines ne justifie plus le maintien de notre dispositif militaire en l’état.

D’ores et déjà, l’ONU a entamé son désengagement, par une diminution de ses effectifs et par un réexamen des mandats de l’ONUCI, où la France compte 200 soldats, principalement des troupes du génie, dont la mission peut être considérée comme achevée et qui – je vous l’annonce – rentreront en France cette année.

À son tour, notre pays devrait réduire de moitié le contingent de 1 800 hommes qui constitue la force Licorne, d’ici à l’été 2009. Regroupées à Abidjan, nos troupes resteront en mesure d’assurer la protection et l’évacuation éventuelle de nos ressortissants, ou d’accueillir des transports stratégiques destinés à l’ONUCI, en cas de reprise des conflits.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au Kosovo, où notre engagement ancien fait de nous le troisième contributeur de la KFOR, avec 1 850 hommes, la situation politique s’est, elle aussi, profondément modifiée.

L’indépendance du Kosovo et sa reconnaissance comme État souverain ouvrent depuis décembre la voie à une mission civile de consolidation de l’état de droit menée par l’Union européenne. Cette mission EULEX est une mission ambitieuse de police et de justice, dont un Français assure en outre le commandement.

La France est aujourd’hui favorable à une évolution de l’action de l’OTAN au Kosovo. Elle souhaite la transformation progressive de la KFOR en force de présence dissuasive, qui permettra une réduction de son volume global et, dans ce cadre, de la participation française.

Ce changement de posture nécessitera l’accord du Conseil de l’Atlantique Nord, après évaluation de la situation diplomatique et sécuritaire régionale.

Au Liban, depuis trente ans, la France ne s’est fixé qu’un objectif : renforcer l’indépendance et la sécurité du pays. Notre travail diplomatique, intense, porte ses fruits. Le Liban a passé l’an dernier l’épreuve délicate du choix d’un nouveau Président. Il se prépare à organiser, en mai prochain, des élections législatives qui doivent signer son apaisement.

Pour cette paix retrouvée, la France a versé le prix du sang.

L’attentat contre le « poste Drakkar », en octobre 1983, l’assassinat odieux de notre ambassadeur, Louis Delamarre, en septembre 1981, ont été des tests de notre résolution.

La République n’a pas renoncé, elle n’a pas lâché le Liban. En 2006, lorsqu’il a fallu s’engager dans le cadre de la FINUL II, elle a fourni 1 500 hommes à l’opération. Elle les a pourvus d’équipements à la fois robustes et dissuasifs, comme les chars Leclerc.

Surtout, elle a joué, en s’engageant, un rôle moteur auprès de ses partenaires européens, dont l’engagement conditionnait à son tour l’arrêt des hostilités entre Israël et le Hezbollah.

Aujourd’hui, grâce à la FINUL, la souveraineté du Liban est restaurée.

Grâce à la présence française, l’armée libanaise a repris position au Sud-Liban, où elle n’intervenait plus depuis des décennies.

Ce rôle stabilisateur ne se dément pas, et il mérite le maintien des soldats français au sein de la FINUL renforcée, en particulier dans sa composante terrestre.

Quant à la FINUL maritime, dont nous assurons le commandement, son dispositif très dense ne se justifie plus vraiment. Les deux bâtiments de la marine nationale qui y participent seront bientôt dirigés vers d’autres missions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au Tchad et en République centrafricaine, enfin, deux opérations différentes appellent de notre part deux réflexions distinctes.

La première opération, l’EUFOR, procède de l’initiative française face au drame humanitaire du Darfour. Déployée le 28 janvier 2008, avec le concours de dix-sept de nos partenaires européens, elle a permis de réduire les attaques contre les ONG, et de sécuriser la zone frontalière entre le Tchad et le Soudan, où se concentraient les incursions rebelles : il n’y a pas eu une seule incursion depuis un an. À ce titre, elle constitue à ce jour la plus importante opération militaire de l’Union européenne, et une preuve de sa crédibilité opérationnelle grandissante.

Nous avons lancé l’EUFOR comme une opération transitoire, en prévision de sa relève par une force des Nations unies : cette promesse sera tenue, puisque, le 15 mars prochain, la MINURCAT 2 remplacera la mission européenne.

Le calendrier du retrait français prévoit ainsi que, d’ici à l’été, 1 000 de nos 1 650 hommes quittent le pays. Cependant, jusqu’à la fin de l’année, la France continuera de fournir à l’ONU l’aide technique utile à son installation, en particulier un certain nombre de capacités logistiques critiques qui lui permettront d’assurer progressivement son autonomie.

La logique des opérations Épervier, au Tchad, et Boali, en République centrafricaine, est différente.

Au Tchad, notre engagement des années quatre-vingt, destiné à protéger la zone frontalière des agressions libyennes, a vu son principe évoluer avec la normalisation des rapports entre les deux pays. L’objectif est désormais d’offrir, au centre de l’Afrique, un point d’appui militaire aux missions multilatérales de maintien de la paix et une capacité d’évacuation de nos ressortissants. Le dispositif, pourvu d’environ 1 100 hommes, a aidé à déployer l’EUFOR : il continuera pour la MINURCAT.

Quant à notre opération à Boali, en République centrafricaine, elle illustre parfaitement l’ambition que nous fixons à nos forces prépositionnées sur le continent. Il s’agit avant tout d’aider les Africains à prendre en charge leur propre sécurité – c’est difficile ! –d’abord, en renforçant le potentiel des forces centrafricaines – c’est également difficile ! –, ensuite, en soutenant la mission régionale de consolidation de la paix engagée par une organisation africaine, la Communauté économique des États d’Afrique centrale. Notre contingent sur place ne dépasse pas 200 hommes et son rôle clé justifie entièrement son maintien.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les opérations extérieures de la France ont un sens et une nécessité à l’instant où elles sont lancées ; elles ont aussi une dynamique, un pilotage et un calendrier. Vous assurerez désormais – le Gouvernement s’en réjouit, notamment moi-même – une part de leur contrôle, et vous garantirez que leur déroulement se poursuit avec l’appui explicite de la nation.

Votre débat et votre vote ne seront pas seulement un gage de cohérence et de vigilance démocratique : ils diront aussi à nos partenaires que la France, quand elle s’engage, le fait d’une seule et forte volonté ; ils diront à nos soldats qu’aussi loin que cet engagement les porte notre regard et notre soutien les suivent.

Vous connaissez leur compétence, leur dévouement et leur bravoure : ils doivent pouvoir compter aujourd’hui sur votre responsabilité. Ils doivent savoir qu’ils ont, par votre voix exigeante, l’appui de la nation. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)