Mme la présidente. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous faire part de ma satisfaction.
Il faut en effet savoir insister sur les éléments positifs qui démontrent que notre pays va dans le bon sens. C’est le cas de votre budget, madame la ministre, budget ô combien majeur, car il est celui des défis du futur.
Notre capacité à sortir de la crise économique dépendra surtout de notre capacité à innover et à offrir aux jeunes générations des formations universitaires qui leur donnent les meilleurs outils pour s’imposer sur le marché de l’emploi. Ce budget va y contribuer.
Il est clair que, dans votre esprit, tout comme dans celui de notre majorité et du Gouvernement, les crédits affectés à cette mission ne sont pas de simples dépenses de fonctionnement. Il s’agit de dépenses d’investissement, et d’investissement pour notre avenir.
En dépit de circonstances budgétaires particulières et de marges de manœuvre étroites, le projet de loi de finances pour 2009 témoigne nettement de la priorité donnée à l’investissement en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Les crédits affectés à cette mission sont en augmentation de 6,5 %, soit 1,8 milliard d’euros en 2009. Et si l’on se projette sur les trois années prochaines, ce sont 17 % de crédits supplémentaires qui seront alloués à la recherche et à l’enseignement supérieur. Comme l’a dit notre collègue Jean-Claude Etienne, c’est du jamais vu !
Les choses sont claires, nettes et précises : ce budget est celui qui connaît la plus forte augmentation cette année, preuve, si besoin en était, de votre souci de répondre, aujourd’hui, aux enjeux de demain, madame la ministre.
Cet effort financier est visible, si l’on considère, par exemple, les moyens accordés au nouveau plan campus. Depuis longtemps, nous faisons le constat que nos pôles universitaires sont trop modestes pour être visibles et pour attirer les meilleurs enseignants, chercheurs et étudiants.
Avec le plan campus, la France va pouvoir disposer de pôles d’excellence universitaire. Permettez-moi au passage de relever avec satisfaction l’attention qui a été portée à mon département, la Seine-Saint-Denis, et à ses jeunes, si souvent stigmatisés, qui vont pouvoir prochainement profiter d’un pôle universitaire de sciences humaines à Aubervilliers.
Par ailleurs, ce budget s’inscrit dans votre démarche, entamée il y a plusieurs mois, de réorganisation du CNRS.
Vous souhaitez en effet renforcer la culture de l’évaluation dans la recherche française. Appliquée dans de nombreux pays, elle permet de récompenser les chercheurs les plus performants. C’est tout le sens de l’extension de la prime d’excellence scientifique, qui reconnaîtra les meilleurs. Ainsi, vous favoriserez également l’émulation entre les centres, afin de créer des synergies entre les différents organismes.
De plus, madame la ministre, vous souhaitez une recherche publique plus autonome et capable de trouver d’autres sources de financement. Face à l’importance des moyens américains, notamment, face aussi à la détermination manifestée par les nouveaux pays concurrents, la France doit mieux identifier ses domaines d’excellence, afin d’orienter dans les meilleures conditions possibles les moyens qu’elle met à leur disposition. Je sais votre souci en la matière et l’attention que vous portez à cette question au travers de ce budget pour 2009.
Enfin, dans un contexte de mondialisation des connaissances, notre pays est confronté à la fuite de ses cerveaux. Nos universités forment des chercheurs de grande qualité, mais ceux-ci se voient contraints de partir, faute de trouver des conditions de travail et de rémunération satisfaisantes.
Force est de constater que, sur le marché de la connaissance, la France n’est pas la plus compétitive. Quelques chiffres peuvent l’attester : le taux de chômage des docteurs aux États-Unis est de 1,9 %, alors qu’il est de 7,4 % en France ! Cette situation, nous la ressentons comme un gâchis. Elle engendre nécessairement des pertes pour notre économie comme pour notre recherche et désespère nos jeunes diplômés.
Vous répondez à ce problème en améliorant l’attractivité des postes de chercheurs, grâce à une augmentation des rémunérations et à une amélioration des carrières des personnels. Cet effort inédit représentera un milliard d’euros sur la période 2009-2011.
Je voudrais vous interroger, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, sur les moyens développés par le Gouvernement pour stimuler la recherche privée dans notre pays et, en particulier, sur l’efficacité du crédit d’impôt recherche.
La création de ce dispositif partait du constat que les dépenses provenant du secteur privé étaient insuffisantes, notamment pour ce qui concerne les PME.
Nous savons aujourd’hui, grâce à une enquête récente du cabinet de conseil en stratégie américain Booz & Co, que les entreprises dépensent désormais plus en recherche et développement à l’étranger qu’en France.
Cette enquête m’amène à m’interroger sur les cibles du crédit d’impôt recherche, dont l’objectif initial est de soutenir les efforts de recherche et développement, notamment des PME, et à faire en sorte que nos chercheurs restent en France.
Je souhaiterais donc savoir si ce crédit d’impôt n’a pas plutôt tendance à favoriser les investissements des entreprises françaises dans des recherches menées à l’étranger et s’il participe réellement à l’innovation des PME, si essentielle à notre dynamisme économique.
Cet été, les pôles de compétitivité ont été évalués par deux organismes indépendants, lesquels ont reconnu, et c’est une bonne nouvelle, que ces dispositifs lancés en 2005 étaient prometteurs mais, aussi, qu’ils n’avaient pas tous atteint leurs objectifs. Néanmoins, aucune « délabellisation » de pôles n’a été constatée depuis lors.
Pouvez-vous nous en dire plus, madame la ministre, sur les conclusions de cette évaluation, ainsi que sur celles que vous tirez de l’étude menée par le cabinet Booz & Co ?
Pour conclure, je considère que ce budget s’inscrit dans l’objectif de Lisbonne, qui vise à faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde ».
Pour atteindre cet objectif, nous savons qu’il faut créer 550 000 emplois scientifiques dans l’Europe des Quinze d’ici à 2010. La France, sous l’impulsion du Président de la République, ainsi que sous la vôtre, madame la ministre, veut participer à cet effort de construction d’une recherche européenne.
Votre budget pour 2009 porte la marque de cette volonté de miser sur notre jeunesse, sur nos chercheurs, sur nos entreprises, tout en offrant une vision d’envergure à la France afin de la voir occuper demain une place prépondérante, non seulement en Europe, mais surtout sur l’échiquier mondial face au leader que sont les États-Unis et aux challengers que sont la Chine ou l’Inde.
Je ne peux que souscrire à cet objectif et je voterai bien entendu vos crédits, madame la ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes des témoins gênants !
Nous étions sur ces travées lors de la discussion de ce qui allait devenir la loi de programme pour la recherche en 2006, quand l’aiguillon du mouvement des chercheurs avait conduit le Gouvernement à créer des postes et à promettre un milliard d’euros de plus par an pour la recherche.
Or nous mesurons aujourd’hui la baisse des moyens induite par le choix, à l’époque, de libeller ces engagements en euros courants, et non en euros constants.
Aujourd’hui, qu’en est-il du budget global ? On nous annonce une augmentation de 6,5 % qui omet l’inflation et englobe des mesures fiscales.
On nous disait, à l’époque, que les organismes seraient protégés, que l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, serait un magnifique outil - en quelque sorte le bras armé des orientations que le Haut Conseil de la science et de la technologie soufflerait au Président de la République - et que le crédit d’impôt était un louable stimulant.
Aujourd’hui, il n’y a plus d’orientation lisible. Les organismes se voient fragilisés et l’ANR devient une machine à fabriquer de l’emploi précaire.
Le CNRS perd 296 postes. À l’heure des critères de visibilité internationale auxquels vous êtes attachée, madame la ministre, est-ce pour le punir de nous avoir donné un prix Nobel ? Pourtant, même un prix Nobel a besoin, à ses côtés, d’ingénieurs, de techniciens et de personnels administratifs !
L’INRA perd 86 postes au moment où ses recherches s’infléchissent, enfin, vers une agriculture plus respectueuse de la santé et de l’environnement : est-ce pour le punir de retrouver les chemins de l’intérêt général ?
L’INSERM perd 59 postes : est-ce pour décourager ses travaux admirables sur la reproduction et ses perturbations, au profit de crédits d’impôt aventureux octroyés à des industries qui ont voulu développer le créneau juteux de prétendus médicaments contre l’obésité ?
Quant à l’ANR, hier présentée comme l’agence de financement idéale, elle ne suffit même plus à la dérive néolibérale que vous appliquez aux modes de soutien à la recherche. Vous en réduisez ainsi les crédits de 8,35 %, ce qui aura un impact mécanique sur les programmes blancs, auxquels nous sommes attachés.
Oui, nous sommes des témoins gênants : nous lisons les journaux et nous mesurons la fragilité des apports dont vous vous servez pour asseoir votre budget.
Ainsi, le produit de la vente d’actions EDF, maladroitement annoncée, est passé de 5 milliards d’euros à 3,7 milliards d’euros, pour le même nombre de parts cédées. Et ce n’est là qu’une illustration parmi d’autres du décalage entre ce que vous promettez et ce que l’on voit arriver sur le terrain ; le fait que les universités sélectionnées dans le cadre du plan campus puissent « phaser » leurs travaux sur plusieurs décennies en constitue un autre.
Nous sommes étonnés de la fragilité des hypothèses qui sous-tendent les affichages. Le crédit d’impôt, outil ponctuel intéressant, est devenu l’alpha et l’oméga de l’impulsion à la recherche. Vous affichez des millions de recettes hypothétiques. De plus, ce sont non pas les PME mais les grandes entreprises qui vont en profiter. Or, multiplier les milliards dépensés dans le cadre de ce crédit d’impôt, sans critères ni évaluation, est pour le moins aventureux. Si je parle de milliards, sans plus de précision, c’est parce qu’il est question de 3,1 milliards d’euros dans l’un des rapports, de 2 milliards d’euros dans un autre et, enfin, de 3,92 milliards d’euros dans un troisième. C’est vous dire à quel point le parlementaire de base a de la peine à se retrouver dans ce budget !
Même si la culture de nos entreprises - parmi les plus pingres du monde lorsqu’il s’agit de financer en leur sein des recherches – évoluait, même si la crise ne les empêchait pas d’investir dans l’innovation, même si la rigueur du contrôle de l’argent public était sans faille, il n’en demeurerait pas moins que vous renoncez à la fois à donner la dimension qu’elle mérite à la recherche fondamentale libre et à soutenir des domaines attendus par la société et délaissés par les entreprises, leurs actionnaires les considérant comme non rentables.
À la veille de grandes mutations, nous avons pourtant plus que jamais besoin de lieux où se produit la connaissance. On les prive pourtant de 900 emplois. Vous nous dites, madame la ministre, qu’il s’agit de départs en retraite. Cela évite, certes, les drames individuels, mais, la population française ne diminuant pas, c’est quand même du savoir en moins et des chômeurs en plus pour demain !
Les chercheurs aussi sont des témoins gênants : ils sont dans la rue, et même dans l’ANR et, à votre discours enthousiaste - « un budget courageux et ambitieux », avez-vous déclaré devant la commission -, ils opposent, eux, le démantèlement des équipes et l’érosion pathétique de leurs moyens.
Les étudiants sont également des témoins gênants : ils racontent leurs « galères », les économies qu’ils doivent faire sur la santé, sur la culture, leur recherche d’inaccessibles hébergements ; je précise d’ailleurs qu’aucune construction ne figure dans le « bleu » pour 2009. Les 100 millions d’euros annoncés en 2008 n’ont été pourvus qu’à moitié, malgré les besoins criants et l’augmentation des coûts pour les étudiants de 26 % en cinq ans.
Au lieu de mettre en avant des bourses au mérite dont le dispositif est variable et dont le budget s’inscrit en baisse, pourquoi ne pas rétablir les concours de prérecrutement avec bourse qu’hébergeaient autrefois les écoles normales ou les IPES, les instituts de préparation aux enseignements de second degré ? Ces dispositifs étaient producteurs de justice sociale et de diversité culturelle dans nos élites.
Ce n’est pas dans ce budget que les universités trouveront les moyens de se grandir, au sens figuré comme au sens propre.
Enfin, ceux qui ont entendu Jean-Louis Borloo et vous-même, madame la ministre, annoncer un milliard d’euros supplémentaire pour la recherche dans le cadre du Grenelle – un engagement qui figure dans l’article 19 du projet de loi de programme adopté en première lecture à l'Assemblée nationale -, sont aussi des témoins gênants. Après des questions répétées et des réponses embarrassées, on découvre que c’est, en réalité, un milliard d’euros sur trois ans !
Il est vrai que cela pourrait faire 333 millions d’euros de plus cette année, dans lesquels on retrouverait le photovoltaïque, les moteurs du futur, la biodiversité, les formations de toxicologues, les registres des cancers, les recherches sur les molécules de substitution aux pesticides, ces pesticides dont on mesure aujourd’hui les effets sur la santé et dont on craint aussi qu’ils ne fassent disparaître les insectes pollinisateurs…
Mais, là aussi, des réponses embarrassées lèvent le voile : le budget n’augmentera pas de 1,333 milliard d’euros, et c’est en fait dans le milliard annuel que se logent les nouvelles promesses. Pourtant, croyez-vous vraiment que les entreprises de la chimie seront candidates au crédit d’impôt pour démontrer les effets nocifs des phytosanitaires ou des nanoparticules dans les cosmétiques ?
Madame la ministre, entre l’habillage flatteur et la dure vérité des comparaisons pluriannuelles et des réalités du terrain, il y a un gouffre.
Personne n’ignore le contexte tendu des finances publiques ni la difficulté que chacun, à votre place, aurait à boucler un budget ambitieux.
Ce que nous n’acceptons pas, en revanche, c’est l’orientation croissante de l’argent de la recherche vers les choix des entreprises riches, aux dépens de la pérennité de nos laboratoires publics, aux dépens de l’innovation anticipatrice des mutations climatiques et énergétiques à venir et, enfin, aux dépens de l’accès au savoir de tous les étudiants sans distinction de classe sociale.
Pour l’ensemble de ces raisons, les sénateurs Verts ne voteront pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’égalité des chances dans l’accès aux études supérieures est un objectif républicain qui n’est pas près de devenir une réalité démocratique dans notre pays.
Ainsi, la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles a nettement régressé ces dernières décennies, passant sous la barre de 10 % pour les élèves issus des catégories sociales défavorisées. Le chiffre est en revanche de 30 % pour les enfants d’enseignants et de milieux sociaux aisés.
En septembre 2007, dans un rapport présenté au nom de la commission des affaires culturelles, laquelle était unanime sur ce point, je m’inquiétais de l’absence de diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles. Un certain nombre de propositions vous ont été faites, madame la ministre. Elles visaient essentiellement à améliorer l’information et l’orientation des élèves sur l’accès aux classes préparatoires, à développer les aides matérielles proposées aux étudiants, comme les bourses et les partenariats avec les CROUS pour les logements étudiants, et à renforcer l’accompagnement dans le travail des étudiants, à travers le tutorat.
Des expérimentations ont été mises en place dans certaines grandes écoles, avec l’aide d’entreprises.
Madame la ministre, l’heure d’un premier bilan est arrivée. Le temps est sans doute venu pour le Gouvernement d’évaluer ces expériences et de rechercher les méthodes les plus efficaces pour en faire profiter les lycéens et les étudiants sur l’ensemble du territoire national.
Ce qui est vrai pour les classes préparatoires l’est également pour le premier cycle universitaire. En effet, plus de 80 % des enfants d’enseignants ou de cadres supérieurs poursuivent leurs études au-delà du baccalauréat, alors qu’ils ne sont que 40 % lorsque les parents sont ouvriers.
Malgré vos réformes, madame la ministre, mes inquiétudes sont vives sur le quotidien des étudiants, que ce soit en classes préparatoires aux grandes écoles ou en premier cycle universitaire. Un quotidien trop difficile, on le sait, constitue l’une des principales causes d’échec scolaire. Ces inquiétudes portent principalement sur le logement, les bourses, le tutorat et l’orientation des élèves. Je m’attarderai sur les bourses et le logement.
En cinq ans, les dépenses des étudiants ont augmenté de 23 % quand, dans le même temps, les aides n’ont augmenté que de 6 %.
En ce qui concerne les bourses, le budget pour 2009 prévoit d’allouer 1,547 milliard d’euros, augmentant ainsi l’aide directe aux étudiants de 2,9 %. Mais, dans le même temps, l’inflation s’établit à 3,6 % !
De plus, les frais obligatoires continuent d’augmenter, en particulier les droits d’inscription en licence, qui sont en hausse de 2,5 %.
S’agissant du logement étudiant, les constats sont particulièrement alarmants. Les logements étudiants sont totalement insuffisants : environ 150 000 chambres ont été recensées pour plus de deux millions d’étudiants, 550 000 étant boursiers.
Pour remédier à cette situation, en mars 2004, votre prédécesseur avait lancé un plan sur dix ans qui prévoyait la réhabilitation de 70 000 chambres du parc des CROUS et la construction de 50 000 autres logements. Quatre ans après sa mise en œuvre, il manque 8 400 réhabilitations et 10 200 constructions.
Le retard n’a pas été rattrapé en 2008. Au mois de février dernier, vous avez cru bon de lancer un nouveau plan prévoyant la construction de 40 000 logements étudiants à l’horizon 2014. Accompagné d’une enveloppe de 620 millions d’euros, celui-ci avait pour ambition de faire bénéficier 200 000 étudiants d’un logement CROUS d’ici à la fin 2014.
Mais les retards continuent de s’accumuler. En effet, si le projet de budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2009 prévoit la réhabilitation de 6 522 logements, il n’y a aucune construction nouvelle, alors que l’on nous en avait annoncé 6 500 par an !
La situation sociale des étudiants est dramatique. La moitié d’entre eux sont obligés de se salarier pour financer leurs études, ce qui augmente les risques d’échec.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’ai même entendu un de vos collègues du Gouvernement prôner l’ouverture des magasins le dimanche en arguant que cela aiderait les étudiants à payer leurs études.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Il a raison !
M. Yannick Bodin. Quel cynisme ! Je ne connais pas beaucoup d’étudiants qui sont satisfaits de devoir travailler, notamment le dimanche.
M. Yannick Bodin. C’est tout simplement qu’ils n’ont pas le choix.
M. Yannick Bodin. D’ailleurs, leur courage est bien peu récompensé. Chaque année, en effet, ce sont 20 % des étudiants qui arrêtent définitivement leurs études pour des raisons strictement financières.
Madame la ministre, l’échec à l’université, en particulier lors du premier cycle, est l’objet de l’une de vos grandes réformes. À la fin de l’année 2007, vous nous avez annoncé la mise en place du plan pluriannuel pour la réussite en licence, dit « plan licence », qui serait doté de 730 millions d’euros en cumulé sur 2008-2012. L’objectif serait d’atteindre un taux de 50 % d’une classe d’âge au niveau licence à l’horizon 2012.
Le plan licence prévoit plusieurs mesures phare, notamment cinq heures hebdomadaires d’encadrement pédagogique supplémentaires par étudiant et pour chaque année, un enseignant référent, du tutorat et un contenu rénové, avec l’instauration d’une première année fondamentale, où la dimension pluridisciplinaire serait plus forte.
Mais comment comptez-vous atteindre les 730 millions annoncés pour 2012 avec seulement 100 millions d’euros consacrés à ce plan pour les deux premières années ?
Par ailleurs, tout le monde s’accorde aujourd'hui pour considérer la faiblesse de l’encadrement à l’université comme l’une des causes de l’échec des étudiants. Le chiffre a déjà été évoqué. En France, le taux d’encadrement dans les universités est de 18,1 étudiants par enseignant, contre 15,4 en moyenne dans le reste de l’OCDE. Voilà comment notre pays se place à la dix-huitième place sur vingt-trois, ce qui n’est pas très glorieux. Et si l’on compare ce taux d’encadrement avec celui des lycées, des classes préparatoires ou des grandes écoles, les résultats sont édifiants.
Aujourd’hui, alors que le nombre d’étudiants s’inscrivant en premier cycle universitaire continue d’augmenter, pour la première fois depuis quinze ans, 900 postes sont supprimés dans l’enseignement supérieur et la recherche. La réussite des étudiants ne sera donc pas assurée et les objectifs du « plan licence » ne pourront pas être atteints. Comment pouvez-vous augmenter le nombre d’heures d’encadrement des étudiants en supprimant des postes, madame la ministre ? Comptez-vous demander aux enseignants-chercheurs d’augmenter leurs heures d’enseignement ? Ou alors peut-être envisagez-vous de relancer la recherche française en demandant aux enseignants de diminuer le nombre d’heures de recherche…
Madame la ministre, la situation de la vie étudiante est dramatique en France. Les réformes que vous avez proposées ces derniers mois étaient sans doute généreuses et nécessaires. Hélas ! l’examen de votre projet de budget pour 2009 montre que ces mesures ne sont pas accompagnées des moyens budgétaires correspondants.
Vous le comprendrez donc, nous estimons que le projet de budget pour 2009 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est insuffisant et nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2009 vient un peu plus d’un an après la promulgation de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, réforme dont le Premier ministre, M. François Fillon, a un jour déclaré qu’elle était « peut-être la plus importante de la législature ».
Le moment est donc venu de vérifier si les promesses du Président de la République, annoncées tambour battant pendant la discussion de ce texte législatif pour, disait-on, donner à nos universités les moyens de leur autonomie – il s’agissait surtout à l’époque de désamorcer la grogne des personnels et des étudiants contre le texte –, seront tenues.
Or, madame la ministre, votre projet de budget nous inquiète. En effet, et vous vous y étiez engagée, votre ministère ne devait pas être affecté par le véritable plan social qui frappera la fonction publique de l’État en 2009, avec plus de 30 000 suppressions de postes. Or, pour la première fois depuis quinze ans, 900 postes seront supprimés dans l’enseignement supérieur et la recherche !
Après la progression « zéro » de l’année 2008, l’année 2009 sera donc marquée par une régression du volume des emplois affectés à un secteur qui devrait pourtant être plus prioritaire que jamais, notamment à l’heure où les jeunes diplômés connaissent de plus en plus de difficultés à décrocher un premier emploi.
À ce sujet, madame la ministre, alors que le chômage des jeunes diplômés connaît une recrudescence préoccupante, je voudrais savoir où en est la mise en place, sur les campus, des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants, institués par l’article 21 de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, après adoption par le Sénat d’un amendement que j’avais défendu au nom du groupe socialiste.
Le rôle de ces bureaux est fondamental dans la rénovation de l’orientation des étudiants, qui est aujourd'hui très déficiente. Ils ont pour missions de diffuser auprès des étudiants une offre de stages et d’emplois variée, de les assister dans leur recherche et de présenter un rapport annuel sur le nombre et la qualité des stages effectués, ainsi que sur l’insertion professionnelle dans le premier emploi. Belle mission !
Or les syndicats étudiants craignent que ces bureaux, qui doivent être créés par délibération des conseils d’administration des universités, ne deviennent dès leur création des « coquilles vides » si des moyens propres et adaptés ne sont pas alloués à leur fonctionnement.
En d’autres termes, madame la ministre, où en est la création de ces bureaux ? Quels sont les moyens affectés aux universités pour que les bureaux remplissent réellement leurs missions ? Si le nouveau dispositif avait été mis en place, cela se saurait. Je souhaite donc savoir ce qui est prévu, car nous patientons depuis plus d’un an…
À qui profiteront donc les milliards annoncés, notamment l’enveloppe prélevée sur le produit de la vente de 3 % du capital d’EDF, destinée à financer, selon le Président de la République, des « pôles d’excellence capables d’attirer en France les meilleurs chercheurs et étudiants » ? D’abord, aux groupes de travaux publics et aux banques, auxquels reviendra la responsabilité de concevoir, de conduire et de financer les programmes de réhabilitation des locaux de dix sites sélectionnés pour bénéficier du plan campus dans le cadre de contrats de partenariat public-privé. Au terme du montage juridique et économique retenu, la propriété du patrimoine universitaire rénové sera transférée à des intérêts privés. Ceux-ci bénéficieront de la garantie d’un retour sur investissement grâce aux loyers que les universités devront désormais verser pour pouvoir occuper leurs propres locaux !
C’est le principe même du transfert de la propriété des campus à des opérateurs privés qui doit dès maintenant être remis en cause !
Mais c’est aussi la philosophie générale du plan campus qui pose question. Fondé sur la mise en concurrence des universités, ce plan aboutit en fait à privilégier une dizaine de sites au détriment de tous les autres, soit plus des deux tiers des universités, en créant clairement un système universitaire à deux vitesses, là où il existait déjà une inégalité de traitement profonde entre les grandes écoles et les universités.
Il faut de nouveau le rappeler ici, la dépense publique annuelle par étudiant est inférieure à 7 000 euros pour les étudiants suivant une formation universitaire, alors qu’elle est de 7 400 euros par collégien et de près de 14 000 euros pour les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles.
Malheureusement, les milliards d’euros annoncés pour revaloriser l’effort budgétaire en faveur de l’enseignement supérieur ne profiteront qu’à la minorité d’étudiants ayant la chance de fréquenter les universités sélectionnées pour faire partie du « top 10 » des établissements bénéficiant du plan campus.
D’ailleurs, et cela commence à susciter un certain agacement au sein ses universités, seuls deux projets sont aujourd’hui jugés conformes aux exigences du ministère pour pouvoir bénéficier de la manne du plan campus. Seulement deux universités sur quatre-vingt-cinq ! Autant dire, madame Pécresse, que vos ambitions semblent se réduire comme peau de chagrin. (Mme la ministre s’esclaffe.) Je le répète, parmi les quatre-vingt-cinq qui vous ont envoyé leur projet, et qui, pour la plupart, n’ont pas obtenu de réponse, seulement deux…