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Souhaits de bienvenue à M. Dimitris Sioufas, président du Parlement hellénique
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de M. Dimitris Sioufas, président du Parlement hellénique, venu en visite en France pour rencontrer le président du Sénat et celui de l’Assemblée nationale.
M. Dimitris Sioufas est accompagné par notre collègue M. Marc Massion, président du groupe d’amitié France-Grèce du Sénat.
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que M. Dimitris Sioufas porte à notre institution.
Au nom du Sénat de la République, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des vœux pour que son séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié entre nos deux pays. (Mme le garde des sceaux, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
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Protection du secret des sources des journalistes
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la protection du secret des sources des journalistes.
Article 1er (suite)
M. le président. Je rappelle que, sur l’article 1er, les amendements et les sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune ont été présentés.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. L’amendement n° 1 répond aux inquiétudes exprimées par les journalistes.
Tout d’abord, c’est l’activité journalistique elle-même qui motive la protection des sources : l’information du public est centrale. Il n’est donc pas indispensable de rappeler l’objectif d’intérêt général ajouté par la Cour européenne des droits de l’homme.
La définition proposée par la commission des lois, plus neutre et plus objective, évitera tout malentendu.
Ensuite, la protection du secret des sources peut concerner notamment les collaborateurs et les proches du journaliste. M. le rapporteur a eu raison de rappeler qu’il s’agissait de protéger le secret des sources, quelle que soit la personne qui détient ce secret : ce sont les sources d’information qui sont protégées, non les personnes.
De même, la définition des atteintes indirectes lève définitivement les dernières incertitudes.
Enfin, s’agissant des atteintes exceptionnelles au secret des sources dans les affaires pénales, les critères qui figurent dans la loi sur la liberté de la presse seront précisés dans ce texte afin de permettre un meilleur encadrement de la pratique judiciaire.
Ces précisions rédactionnelles proposées par la commission sont indiscutablement de nature à rassurer les journalistes.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
S’agissant du sous-amendement n° 17, il ne me paraît pas indispensable de définir la notion de « source », et ce d’autant moins que cette question n’a pas soulevé de difficulté lors des débats.
Certes, la définition que vous proposez est intéressante et traduit bien la conception que nous partageons, mais elle présente aussi plusieurs inconvénients
Tout d’abord, cette définition fige la notion de source.
En outre, elle confond la protection de la source et la protection de l’anonymat d’un informateur, qui sont pourtant deux considérations différentes. Ce qui nous intéresse, c’est la protection de la source – bien plus complexe, comme on a pu le voir dans des affaires récentes ! –, et non celle de l’informateur. Il suffit parfois de savoir comment un journaliste a été informé pour savoir qui l’a informé. Certains documents sont, pour ainsi dire, signés !
Autre inconvénient, cette définition ne prend pas en compte le cas où la source du journaliste est une lettre anonyme. Or un journaliste peut ne pas vouloir que l’on sache qu’il a été informé par ce moyen. Aucune réponse n’est apportée dans l’amendement pour ce cas d’espèce.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 17, ainsi que sur le sous-amendement n°22, pour les mêmes raisons.
Le sous-amendement n° 19 prévoit une définition des atteintes « directes » au secret des sources. Cette précision paraît inutile puisque l’article 1er, en donnant une définition de l’activité journalistique et du secret des sources, interdit déjà les atteintes indirectes au secret. Cette disposition est donc de nature à rassurer les journalistes, qui souhaitaient obtenir davantage de garanties que ce que leur laissaient augurer les explications du rapporteur de l’Assemblée nationale.
Comme je l’ai déjà dit à propos du sous-amendement n° 17, définir les atteintes directes au secret des sources, c’est définir la notion de source. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Plusieurs amendements de la commission tendent à ajouter la notion d’ « objet » à celle de « document » s’agissant des perquisitions ou des saisies. Même si la notion d’information est plus générale, il peut paraître cohérent de compléter sur ce point la loi de 1881, comme cela est proposé dans le sous-amendement n° 18. Sur cette proposition, le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
L’amendement n° 43 et le sous-amendement n° 26 rectifié tendent à limiter la possibilité de lever le secret des sources dans les cas d’affaires pénales, comme c’est le cas en Belgique. Nous en avons débattu et M. le rapporteur vient de nous faire part de ses observations. La loi belge autorise en effet la levée du secret des sources lorsque la divulgation de ce secret peut prévenir des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes. Or ces atteintes ne sont pas les seules à être condamnables et d’autres cas, comme la révélation d’un site secret ou de faits pouvant porter atteinte à la dignité, peuvent aussi être extrêmement graves et justifier la levée du secret des sources.
Le Gouvernement considère que la loi belge est trop restrictive et qu’elle ne saurait être transposée dans notre droit. J’émets donc un avis défavorable.
Les sous-amendements nos 27 rectifié et 28 rectifié visent à étendre le champ d’application du présent texte aux journalistes occasionnels non rétribués.
M. Jean-Pierre Sueur. Les militants !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si vous voulez !
Je rappelle que ce projet de loi vise à protéger le secret des sources des journalistes professionnels. Or les personnes qui informent le public sans exercer la profession de journaliste ne sont pas forcément confrontées aux mêmes problèmes. Nous préférons, pour notre part, protéger les journalistes professionnels.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces sous-amendements, car ils étendraient trop largement le champ d’application du présent texte.
Les amendements nos 40, 25, 41 et 42 ainsi que le sous-amendement n° 24 rectifié étant satisfaits par l’amendement n° 1 de la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 24 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes pour notre part très attachés à la rédaction proposée dans cet amendement, car elle a l’avantage de la simplicité et de la clarté, contrairement à l’amendement n° 1 de M. le rapporteur, qui n’est pas vraiment limpide.
« Le droit au secret des sources d’information est protégé par la loi. » Il va de soi qu’il s’agit d’un texte qui concerne les journalistes. En son article 1er, la loi de 1881 prévoit : « L’imprimerie et la librairie sont libres ». Nous ne faisons que proposer une formulation générale du même type. La liberté de communication est reconnue et le secret des sources d’information est protégé par la loi.
Cette rédaction permettrait d’éviter quelques arguties juridiques. J’entends dire, en effet, que nos motifs d’exception sont trop restrictifs. Il faut donc entendre, je le crains, que l’on pourra invoquer, au contraire, un très grand nombre de ces motifs, ce qui fera perdre beaucoup de son efficacité à ce texte. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 24 rectifié.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 27 rectifié.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 28 rectifié.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 23.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai pas compris pourquoi M. le rapporteur et Mme la ministre s’étaient opposés à ce sous-amendement, ce qui m’amène à une remarque plus générale.
L’opposition a déposé quinze amendements et sous-amendements sur cet article 1er. Or aucun d’entre eux n’a reçu un avis favorable de M. le rapporteur ou de Mme la ministre. Cela me semble quelque peu systématique !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends, monsieur le président de la commission des lois, que vous ayez une haute idée de votre conception de la vérité et des travaux de la commission des lois, mais nous pouvons, nous aussi, avoir quelques idées et faire des suggestions qui peuvent ne pas être totalement inutiles !
Le fait que toutes nos propositions sur ce sujet soient « retoquées » en bloc traduit une conception quelque peu différente de celle dont se prévaut le nouveau président du Sénat, M. Gérard Larcher, lui qui se dit très attentif aux idées avancées par l’opposition. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Sans doute certaines de ces propositions ne sont-elles pas parfaites, mais il ne nous semble pas convenable qu’elles soient toutes retoquées, et j’emploie le mot à dessein.
Je prendrai l’exemple du sous-amendement de Mme Boumediene-Thiery concernant les stagiaires.
Pourquoi un stagiaire qui travaille pendant trois mois, six mois ou un an dans un journal, et qui rédige des articles, ce qui est un cas fréquent, ne bénéficierait-il pas des mêmes garanties de protection de ses sources d’information ? Je comprends d’autant moins ce refus que nous avons voté récemment une loi pour protéger les stagiaires, pour éviter qu’ils ne soient cantonnés à des tâches subalternes comme les photocopies, et pour que le stage s’inscrive dans un véritable apprentissage professionnel.
Dans ces conditions, pourquoi les stagiaires ne bénéficieraient-ils pas de la garantie du secret des sources ? Je ne comprends décidément pas l’hostilité de M. le rapporteur et de Mme la ministre à l’égard de ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Sueur, vous avez une curieuse conception de l’opposition ! Ainsi donc, parce que vous en faites partie, vous auriez le droit de voir un certain nombre de vos amendements retenus.
En commission, nous étudions attentivement chaque amendement. À cet égard, je souhaite faire une remarque concernant nos méthodes de travail et votre participation aux travaux de notre commission. Il arrive, en effet, que vous ne vous prononciez pas sur les amendements que propose le rapporteur mais que vous déposiez, ultérieurement, vos propres amendements. Nos débats seraient bien plus riches si nous pouvions plutôt confronter nos amendements respectifs. Mais nous reviendrons plus tard sur cette question ...
M. Jean-Pierre Sueur. Avec plaisir !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons examiné vos amendements un par un et aucun ne nous a paru satisfaisant. Nous avons tout de même le droit de ne pas être d’accord avec vous !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous en avez le droit constitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez également le droit de présenter des amendements.
Vous vous demandez pourquoi nous n’avons pas accepté l’amendement de Mme Boumediene-Thiery sur les stagiaires. Décidément, vous nous donnez du fil à retordre, monsieur Sueur ! (Sourires.) Vous savez parfaitement que cet amendement, transformé maintenant en sous-amendement, est inutile !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pensez que je suis de mauvaise foi, en quelque sorte ?
M. Bernard Saugey. Mais non ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout, mais vous n’êtes pas non plus complètement naïf. Cela se saurait ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je défends les stagiaires !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dès lors qu’ils sont sous l’autorité d’un journaliste, les stagiaires sont compris dans la chaîne de l’information, qu’ils soient rémunérés ou pas. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser, on l’a dit et répété – cela figure désormais dans les travaux préparatoires – ils sont déjà couverts.
Monsieur Sueur, convenons tous ensemble que l’on ne peut pas tout énumérer dans la loi, sinon, ce n’est plus une loi.
Vous avez évoqué la loi sur la presse. Quand on dit que l’imprimerie et l’édition sont libres, on pose un principe. Mais quand on affirme, dans la loi, que la protection des sources doit être prévue par la loi, on ne pose rien sinon une redondance : c’est évident puisqu’on légifère pour cela !
Revenons-en à des principes sains en matière de législation.
J’avoue que j’ai quelquefois envie de « sabrer » non pas seulement les propositions de lois ou les amendements des parlementaires, mais aussi les textes du Gouvernement, à 90 % parfois, car ils sont souvent de nature réglementaire. (Mme le garde des sceaux sourit.)
Ce n’est pas le cas, bien sûr, des textes émanant du ministère de la justice qui sont forcément, naturellement de nature législative, mais je pense à beaucoup d’autres que l’on pourrait supprimer dans d’autres domaines. Dans ce cas-là, monsieur Sueur, la tentation est grande d’amender et d’amender encore. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)
L’opposition a certes des droits, mais pas celui d’avoir un quota d’amendements acceptés.
M. Jean-Pierre Sueur. J’observe qu’ils sont tous refusés !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. J’ai trouvé mon collègue Jean-Pierre Sueur un peu sévère, puisqu’un sous-amendement a recueilli un avis de sagesse de la part du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Bernard Frimat. Je tenais à le faire remarquer et saluer cette avancée : le Gouvernement n’a pas émis trente avis défavorables sur trente amendements et sous-amendements, il en a émis vingt-neuf sur trente, et un avis de sagesse ; il est vrai que, vu l’état d’esprit, on peut se demander ce qu’il va devenir…
J’écoute toujours avec beaucoup d’intérêt M. le président de la commission des lois.
Monsieur Hyest, le droit d’un parlementaire, c’est de déposer des amendements, de les défendre…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’ai pas dit autre chose !
M. Bernard Frimat. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le président de la commission des lois.
Le droit d’un parlementaire, c’est de déposer des amendements, de les défendre et d’essayer de convaincre.
Jean-Pierre Sueur a cette faculté de croire qu’il peut encore convaincre et que la qualité de ses arguments sera telle que vous changerez de position.
En outre, le sous-amendement en question n’a pas été déposé par un membre du groupe socialiste, il s’agit d’un sous-amendement de Mme Alima Boumediene-Thiery.
Vous répondez, en gros, que c’est implicite. Est-il dramatique ou est-il « réglementaire » de préférer, de temps en temps, que l’explicite se substitue à l’implicite ?
Je pense ici à tous les stagiaires des écoles de journalisme qui vont de plus en plus sur le terrain où ils effectuent un vrai travail de journaliste.
Au-delà de ces considérations, accepter ce sous-amendement aurait manifesté un réel esprit d’ouverture, ce qui est suffisamment rare au Sénat pour être salué lorsque cela se produit.
M. Alain Fouché. Nous ne pouvons pas laisser dire cela !
M. Bernard Frimat. Nous n’avons pas l’outrecuidance d’exiger que nos amendements soient adoptés même contre votre avis, monsieur le président de la commission des lois. Nous demandions hier que les articles puissent être discutés, mais cela semblait insupportable. Nous demandons de même aujourd’hui que le débat s’instaure, qu’il aille jusqu’au bout et que le droit d’amendement soit plein et entier.
Quant aux autres problèmes que vous avez évoqués, nous aurons peut-être l’occasion d’en discuter, mais chaque fois qu’il s’agira de faire progresser les droits de l’opposition, vous nous trouverez à vos côtés en espérant que cette occasion se produira au moins une fois !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je ne veux pas allonger le débat, mais nous sommes ici pour essayer de construire un dispositif cohérent, compréhensible, simple, qui ne soit pas entaché de tous les défauts de certains textes dont on a voulu à tout prix qu’ils soient exhaustifs, alors que le principe suffit à garantir le droit.
De quoi s’agit-il ? Vous souhaitez que les stagiaires non rémunérés soient assimilés à des journalistes et qu’ils bénéficient de la protection ici prévue. Ce projet de loi a pour objet, je le rappelle, de protéger les sources des journalistes et l’alinéa relatif à la protection directe ou indirecte vise toute la chaîne de l’information. Par conséquent, un stagiaire non rémunéré qui travaillerait avec un journaliste professionnel sur une affaire suscitant une levée du secret des sources serait protégé au titre de toute la chaîne de l’information.
M. Jean-Pierre Sueur. Et s’il travaille seul ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Si l’on commence à introduire des précisions pour les uns, il en faudra pour les autres, et l’on aboutira à un texte extrêmement compliqué en oubliant l’essentiel, c'est-à-dire la véritable protection des sources des journalistes.
M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey, pour explication de vote.
M. Bernard Saugey. Je souhaite faire une mise au point concernant les stagiaires.
J’ai commencé ma carrière de journaliste le 1er mars 1961 et j’ai occupé tous les postes jusqu’à la direction, puisque j’ai notamment été à la tête des quotidiens Le Dauphiné Libéré et Le Progrès, qui ne sont pas des journaux négligeables, car il s’agit des deuxième et quatrième titres de la presse française. Je connais donc très bien la profession.
Le problème soulevé ne se pose pas pour les stagiaires. En effet, quand un jeune stagiaire arrive dans une rédaction, il n’a pas à protéger de sources, car il ne fait pas d’investigations. Ce sont les journalistes confirmés, les grands journalistes qui font des enquêtes et qui doivent vérifier leurs sources.
M. Jean-Pierre Sueur. Merci pour les autres !
M. Bernard Saugey. En général, les jeunes journalistes stagiaires font un travail de « localier ». Ils suivent les assemblées générales des petites associations, par exemple, et on leur demande d’écrire trente lignes. Et c’est bien, trente lignes.
M. Jean-Pierre Sueur. Merci pour les localiers, ils apprécieront !
M. Bernard Saugey. Les autres, les « faits-diversiers » s’occupent, comme leur nom l’indique, des faits divers, des vols à la roulotte, par exemple, et pour cela font la tournée des commissariats, mais pas les stagiaires.
À mon avis, le problème du secret des sources ne se pose absolument pas pour les stagiaires.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 26 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous demandons un scrutin public sur ce sous-amendement, parce qu’il nous paraît être véritablement au cœur du sujet. Tout découlera, nous semble-t-il, du sort qui lui sera réservé.
Mes chers collègues, que se passera-t-il si le sous-amendement n° 26 rectifié est adopté ? Les mots « impératif prépondérant » disparaîtront du texte ; nous pensons avoir assez démontré qu’ils sont particulièrement flous et peuvent viser n’importe quoi. Un « impératif », c’est mal défini, et « prépondérant », c’est très général et très peu explicite. Nous sommes tous d’accord sur ce point.
Madame le garde des sceaux, vous avez évoqué les intérêts de la nation. Si les intérêts de la nation conçus par telle ou telle fraction de la nation, tel parti, tel gouvernement, peuvent être invoqués pour porter atteinte aux secrets des sources, il n’y a plus de secret des sources, parce que la formule « intérêts de la nation » est trop générale.
Vous avez également parlé des sites sensibles. Il ne faut pas confondre.
La publication suppose un directeur de la publication qui répond devant la justice des informations diffusées, tout comme l’auteur de l’article.
Madame le garde des sceaux, nous ne sommes pas contre l’existence du secret défense, qui a pour objet de défendre les impératifs de la sécurité du pays, notamment d’empêcher la divulgation de certaines informations. Les choses sont claires.
Il existe de même des règles en matière de diffamation. Heureusement, on ne peut pas publier n’importe quoi dans un journal ! Il y a tous les jours des procès et les objections que vous avez formulées à l’encontre de notre sous-amendement ressortissent à cela.
Autre chose est la question du secret des sources et, si l’on en affirme le principe, les exceptions doivent être clairement définies.
Nous proposons de le faire avec le sens de la responsabilité qui est le nôtre en disant que l’atteinte à la protection de la source peut être licite, si elle est de nature à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes.
Cela a le mérite d’être clair, précis et de bien circonscrire l’exception à des faits très graves, en effet, c'est-à-dire les crimes ou les atteintes à l’intégrité des personnes.
Dès lors que vous n’acceptez pas cette définition précise, vous entrez dans le flou et dans la théorie des « impératifs prépondérants ». Or, l’impératif n’est pas défini et le prépondérant non plus. Non défini plus non défini égale non défini ! C’est clair, tout le monde le comprend. Dès lors, votre projet de loi souffre d’un défaut majeur : il est contradictoire avec les principes affirmés.
Tout découle de ce choix et c’est la raison pour laquelle nous demandons un scrutin public, car l’adoption de ce sous-amendement éclairerait la suite de nos débats.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 26 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 31 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 19.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 1.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, avant que vous n’adoptiez, comme je le crains, l’amendement n° 1, il serait sage de porter une attention toute particulière à la rédaction de certains de ses alinéas.
Ainsi, le quatrième alinéa du texte présenté au 2° de l’article 1er pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit qu’« il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant – impératif dont j’ai déjà parlé tout à l'heure – d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi ». Nous aurons l’occasion de revenir sur la question de la proportionnalité.
Cela étant, je tiens surtout à appeler votre attention sur le dernier alinéa, dont la rédaction n’est pas d’une clarté limpide.
Je vous en donne lecture : « Au cours d’une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l’atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est pourtant clair !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne doute pas que vous compreniez, monsieur Hyest !
Permettez-moi cependant de décortiquer cette phrase quelque peu complexe : si mon analyse est bonne, selon « la gravité du crime ou du délit », il sera possible ou non de porter atteinte au secret des sources. Est-ce bien de cela qu’il s’agit ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Il sera également tenu compte, dans cette perspective, « de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction » et « du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ». Sur ce dernier point, la formulation retenue me semble malvenue : il aurait été préférable, à mon sens, d’écrire que sera prise en considération « la mesure dans laquelle les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ».
Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. D’une façon plus générale, réfléchissons bien, mes chers collègues, à la portée de la rédaction actuelle de l’alinéa considéré : le dernier membre de phrase ouvre tout à fait la possibilité de porter atteinte au secret des sources au seul motif que cela permettra la manifestation de la vérité.
Cette syntaxe quelque peu contournée est source de confusion. Je crains fort que, en se fondant sur le présent texte, l’on puisse à l’avenir invoquer la loi, quasiment en toute circonstance, pour justifier une atteinte au secret des sources dès lors que cela permettra la manifestation de la vérité. En effet, la juxtaposition de trois membres de phrase mis sur le même plan rendra suffisante cette seule condition, ce qui conduira en réalité à affaiblir très largement la protection du secret des sources.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !