Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite aborder la situation des journalistes stagiaires.

Qu’ils effectuent un stage d’observation ou un stage de journalisme à proprement parler, dans le cadre d’un cursus en école de journalisme, les stagiaires sont souvent au cœur de l’activité d’un média ou d’une agence de presse. Assez rapidement, ils acquièrent une autonomie vis-à-vis de leur tuteur de stage, ce qui, à plusieurs égards, leur permet de se sentir aussi journalistes que ceux qui sont rémunérés par la rédaction.

Ces stagiaires sont extrêmement nombreux. Le stage est une étape essentielle, parfois même obligatoire, dans la formation des journalistes. Souvent, certains passent plusieurs mois dans une rédaction sans être rémunérés.

Or ce projet de loi définit le journaliste sur un critère de rétribution. Il inclut donc toute personne qui pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public. Cependant, bien qu’ils ne soient pas rémunérés, les stagiaires exercent la fonction de journaliste. Ils sont donc exclus du dispositif tel qu’il est aujourd’hui créé. Or un stagiaire peut se retrouver dans une situation nécessitant la protection de ses sources : sans la garantie de cette protection, il verra ses sources se tarir.

La situation dont je parle n’est pas un cas d’école. Depuis le 2 février 2008, un stage de plus de trois mois consécutifs fait d’ailleurs l’objet d’une gratification. Cette dernière est-elle considérée comme une rétribution ou une rémunération au sens de l’article 2 ? Je ne le pense pas ! Les stagiaires ni gratifiés ni indemnisés effectuant des stages d’une durée inférieure à trois mois sont-ils concernés par cette disposition ?

Afin de lever toute ambiguïté sur cette question, je vous propose d’inscrire au bénéfice des stagiaires la protection du secret des sources. Ainsi les stagiaires seront-ils protégés de la même manière que les journalistes avec qui ils travaillent.

M. le président. Le sous-amendement n° 19, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Est considérée comme une atteinte directe au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir, au moyen d'investigations, l'identité d'une personne ayant fournie à un journaliste une information, ainsi que le fait de tenter de se procurer des informations, documents ou objets permettant d'identifier cette personne.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Lorsqu’on aborde la question de l’atteinte au secret des sources des journalistes, nous devons définir au préalable non seulement ce que sont ces sources, mais également ce qui constitue une atteinte à ces sources.

À la lecture du quatrième alinéa de l’amendement n°1 de la commission des lois, on imagine que vont être déclinées les deux voies possibles d’atteinte au secret des sources : directe ou indirecte. Or seule l’atteinte indirecte est définie dans le texte, au cas où le contenu d’une telle atteinte ne ferait pas l’objet d’un consensus.

Je constate en revanche que l’atteinte directe au secret des sources n’est pas mentionnée. Pourquoi ? J’en déduis que cette atteinte directe est développée tout au long du projet de loi. Elle découlerait, j’imagine, d’une lecture combinée de toutes les dispositions du texte. Il me paraîtrait cependant utile de mentionner ce qu’il faut entendre, de manière extensive, par atteinte au secret des sources.

J’ai conscience que la nécessité de rendre cette loi applicable à des situations variées est incompatible avec des définitions trop poussées, qui risqueraient de déborder les cas habituels. Mais s’agissant de l’atteinte directe au secret des sources, nous sommes tous plus ou moins d’accord pour dire qu’il s’agit du fait de chercher à découvrir, au moyen d’investigations, l’identité d’une personne ayant fourni à un journaliste une information, ainsi que du fait de tenter de se procurer des informations, documents ou objets permettant d’identifier une telle personne. Le présent sous-amendement a donc pour objet d’inscrire cette définition dans le texte de loi.

M. le président. Le sous-amendement n° 18, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, remplacer le mot :

recherchée

par les mots :

, du document ou de l'objet recherchés

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est un amendement de coordination avec l’amendement d’appel que j’ai présenté tout à l’heure. Nous proposons de donner une définition de l’atteinte directe au secret des sources journalistiques.

Comme nous avons avancé tout à l’heure l’idée qu’une atteinte directe au secret des sources est constituée lorsque l’on tente de se procurer non seulement l’identité d’une personne, mais également les informations, documents ou objets permettant d’identifier cette personne, il nous a semblé logique et coordonné de mieux définir, dans le sixième alinéa de l’amendement n° 1 de la commission des lois, ce qu’il faut entendre par « information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction ».

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par deux alinéas ainsi rédigés :

« Au nom de la liberté de la presse et du droit public à l'information, le secret des sources des journalistes est garanti par la loi.

« Nul ne peut contraindre un journaliste à divulguer ses sources, ni chercher, par quelque moyen que ce soit, à en connaître la teneur.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement a pour objet de reformuler l’énoncé du principe de la protection du secret des sources. Je l’ai déjà évoqué dans mon intervention, la référence à la question de l’intérêt général nous pose quand même problème.

Vous avez souhaité reprendre la formulation de la recommandation du 8 mars 2000 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Cette formulation n’en demeure pas moins ambiguë. Comment, en effet, déterminer ce qu’est une information d’intérêt général ? Que devient la protection des sources si des intérêts privés sont en jeu ?

Par souci de clarté et afin de ne pas introduire dans la loi une notion qui serait sujette à interprétation, nous proposons de poser le principe selon lequel le secret des sources est garanti par la loi, et d’affirmer qu’un journaliste ne peut être contraint de divulguer ses sources.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

« - Le droit au secret des sources d'information est protégé par la loi.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. La Cour européenne des droits de l’homme considère que la protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse.

L’article 1er complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin d’y inscrire le principe de la protection des sources en en fixant aussitôt les limites. En effet, le projet de loi n’admet le secret de sources que pour autant que le travail du journaliste a pour finalité l’information du public sur des questions d’intérêt général.

Cette atténuation du principe a suscité de nombreuses critiques de la part des journalistes : ils dénoncent à la fois le caractère flou de l’expression « intérêt général » et une divergence avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

Par cet amendement, nous entendons affirmer le droit au secret des sources d’information, en le posant comme un principe ne souffrant aucune restriction. Nous souhaitons que ce droit soit protégé par la loi.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Bénéficient de la protection des sources :

« 1° Toute personne qui contribue directement à la collecte, à la rédaction, à la production, au stockage ou à la diffusion d'informations par le biais d'un média ou d'un ouvrage au profit du public ;

« 2° Le directeur de la publication, les collaborateurs de la rédaction et toute personne qui, par l'exercice de ses fonctions ou de sa profession, est amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier une source.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Le projet de loi ne définit pas ce qu’est une source, comme l’a dit Mme Boumediene-Thiery. En revanche, l’article 1er définit ce qu’est un journaliste au sens de la protection des sources. Cette définition est importante, car elle détermine les personnes pouvant invoquer le secret des sources dont il est question dans ce projet de loi. : « Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public. »

Cette définition appelle plusieurs critiques de notre part. Les notions trop floues et générales qu’elle contient laisseront perdurer une insécurité juridique et un aléa judiciaire important. Par ailleurs, l’ensemble de la chaîne de l’information ne sera pas protégé, seul le journaliste proprement dit bénéficiant de la protection du secret des sources.

Il s’agit de contourner ces difficultés, qui sont réelles, car il est arrivé que la personne ayant dû ouvrir la porte lors d’une perquisition et se trouvant ainsi impliquée soit la secrétaire, l’assistante ou l’assistant, tel ou tel collaborateur qui travaille dans l’entreprise de presse. Notre amendement prévoit donc de définir non pas le journaliste, mais les catégories de personnes qui doivent être protégées en raison de leur activité professionnelle régulière ou occasionnelle.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’étendre le champ des personnes bénéficiant du droit au secret des sources d’information, de façon à viser celles qui disposent d’informations protégées recueillies directement ou indirectement en raison de leurs fonctions à l’intérieur de l’entreprise de presse ou parce qu’elles leur ont été confiées à titre professionnel.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. - Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« Bénéficient de la protection du secret des sources :

« 1° les journalistes, soit toute personne qui contribue à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d'informations, par le biais d'un média, au profit du public ;

« 2° les collaborateurs de la rédaction, soit toute personne qui, par l'exercice de sa fonction, est amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations.

II. - En conséquence, supprimer le troisième alinéa du même texte.

L'amendement n° 43, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le mot :

secret

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

, dans les conditions prévues à l'article 56-2 du code de procédure pénale, que lorsque la divulgation de ce secret peut prévenir la commission d'infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes et ceci seulement si le renseignement recherché est d'un intérêt crucial pour la prévention de ces infractions et ne peut être obtenu d'aucune autre matière.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il est vrai que le projet de loi comporte une lacune, à laquelle nous tentons de remédier : il s’agit en effet de définir expressément les personnes qui sont protégées.

D’ailleurs, l’article 1er prend un peu le problème à l’envers puisqu’il donne une définition du journaliste qui, à peu de chose près, reprend celle du code du travail. Ainsi, nous nous retrouvons avec une petite catégorie de personnes effectivement protégées, alors que c’est l’ensemble de la chaîne d’information qu’il faut considérer.

À cet égard, le projet de loi se situe bien en deçà du droit européen. Selon les termes de la recommandation du 8 mars 2000, à laquelle nous faisons sans cesse référence, le terme « journaliste » désigne toute personne physique ou morale pratiquant à titre régulier ou professionnel la collecte et la diffusion d'informations au public. En prévoyant que seuls les journalistes professionnels seraient bénéficiaires de la protection, ce projet de loi en restreint de facto la portée.

Les collaborateurs des journalistes doivent donc être explicitement mentionnés. La protection doit également bénéficier à toute personne impliquée dans le processus journalistique. Comme les journalistes travaillent en équipe, les membres de leur équipe peuvent eux aussi avoir connaissance de l’identité des personnes avec lesquelles les journalistes sont en contact.

Nous avons choisi de nous inspirer, pour cet amendement, de la loi belge : elle comporte une bien meilleure définition et offre une bien meilleure protection.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

secret

rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

qu'à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d'aucune autre manière

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite transformer les amendements nos 26, 27 et, avec votre indulgence, l’amendement n° 24 en sous-amendements à l’amendement n° 1 de la commission. Nous aurons ainsi le plaisir de voter sur ces dispositions.

Donc, le sous-amendement °26 rectifié vise à préciser les conditions dans lesquelles on peut faire exception au principe de protection des sources. En effet, le projet de loi prévoit : « Au cours d’une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations » le justifient. Cette délimitation nous paraît vague ; nous l’avons maintes fois souligné.

Notre position sur le sujet est très claire. Nous tenons d’autant plus à ce sous-amendement que les débats qui viennent d’avoir lieu montrent que la formulation « impératif prépondérant » est tout à fait floue.

Nous estimons, pour notre part, qu’une possibilité d’exception au principe de protection du secret des sources doit être prévue. Nous proposons donc d’écrire qu’il ne peut être fait exception au principe de la protection des sources « qu'à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d'aucune autre manière ».

Nous sommes parfaitement responsables ! Nous pensons que lorsque l’intégrité physique des personnes est menacée ou qu’un crime risque d’être commis il est tout à fait légitime de porter atteinte au secret des sources. La vie humaine, l’intégrité physique des personnes doivent être protégées. Nous sommes donc très clairs !

Madame la ministre, c’est parce que nous sommes très clairs sur le périmètre de l’exception que nous disons que, pour tout le reste, nous devons abandonner les formulations floues. Notre position, parfaitement responsable, aboutit à vous proposer une définition rigoureuse et logique du secret des sources des journalistes.

M. le président. Les amendements nos 24 et 26 et 27 sont donc transformés en sous-amendements à l’amendement n° 1 de la commission.

Le sous-amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l’amendement n° 1 de la commission pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

« Le droit au secret des sources d’information est protégé par la loi.

Le sous-amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

secret des sources

rédiger comme suit la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par l’amendement n° 1 de la commission pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

qu’à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d’aucune autre manière

Je donne lecture de l'amendement n° 27, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

régulier et

Cet amendement est également transformé en sous-amendement à l’amendement n° 1 de la commission.

Il s’agit donc du sous-amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l’amendement n° 1 de la commission pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

régulier et

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Ce sous-amendement tend à préciser la définition du journaliste, pour laquelle le sixième alinéa de l’article 1er du projet de loi prévoit : « Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public. »

Notre sous-amendement a pour objet de supprimer la référence au caractère régulier. En effet, nous le savons tous, aujourd’hui, il n’est pas toujours possible pour les personnes qui sont amenées à exercer les métiers de l’information de le faire à titre régulier. Il nous semble donc utile d’adopter une définition plus conforme à la réalité.

M. le président. L’amendement n° 28, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

et rétribué

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite également transformer cet amendement en sous-amendement à l’amendement n° 1 de la commission.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l’amendement n° 1 de la commission pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, supprimer les mots :

et rétribué

Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame le garde des sceaux, il s’agit, par ce sous-amendement, de vous soumettre un cas qui va sans doute beaucoup vous intéresser, celui de la presse militante.

Nous sommes en effet nombreux, dans cet hémicycle, à avoir produit des articles pour la presse bénévole, militante et associative.

J’ai moi-même, dernièrement, perçu une rémunération pour un article que j’avais envoyé à une revue. J’en ai été quelque peu étonné, tant il m’arrive de publier des articles sans jamais recevoir de rémunération. D’ailleurs, je n’en demande pas ! Si j’écris dans des revues et des journaux, c’est pour y exprimer des convictions. Nous sommes très nombreux à faire de même dans le champ politique, syndical ou associatif.

C’est pourquoi nous souhaitons que la rémunération ne constitue pas un critère absolu à prendre en compte dans la définition proposée dans ce projet de loi.

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par un alinéa ainsi rédigé :

« Est considérée comme source toute personne qui fournit des informations à un journaliste et, par extension, le nom et les données personnelles ainsi que la voix et l’image d’une source, les circonstances concrètes de l’obtention d’informations par un journaliste auprès d’une source, la partie non publiée de l’information fournie par une source à un journaliste et les données personnelles, documents et objets des journalistes et de leurs employeurs liés à leur activité professionnelle. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Le projet de loi recèle une autre lacune dans la mesure où il ne définit pas ce qu’est une source. Nous nous efforçons d’y remédier par cet amendement.

Le mot « source » est ambigüe et, par conséquent, motif d’insécurité pour les journalistes, mais aussi pour les juges.

La notion de « source » est définie par le Conseil de l’Europe comme étant « toute personne qui fournit des informations à un journaliste ». Mais celui-ci ne s’est pas contenté d’en donner une définition, puisqu’il a également défini les informations permettant d’identifier une source et qui sont, elles aussi, protégées par le secret.

Ainsi, selon la recommandation du 8 mars 2000, le terme « source » recouvre non seulement tous les éléments d’identification – le nom, l’adresse, l’image et la voix –, mais aussi les circonstances concrètes de l’obtention de l’information, la partie non publiée de l’information et les données personnelles des journalistes et de leurs employeurs liées à leur activité professionnelle, bref, tout ce qui permet de remonter jusqu’à cette source.

Nous avons donc repris la définition figurant dans cette recommandation, en y ajoutant, afin que la protection soit la plus étendue possible, les mots : « documents et objets des journalistes et de leurs employeurs liés à leur activité professionnelle ».

La protection des sources ne doit donc pas porter sur la seule identité de la personne qui fournit l’information. Les pays ayant adopté une loi relative à la protection des sources des journalistes ont, dans leur grande majorité, d’ailleurs, étendu cette protection aux informations pouvant conduire à l’identification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je tiens à le rappeler, la modification proposée par la commission dans son amendement n° 1, qui vise à supprimer la notion d’intérêt général pour y substituer la protection du secret des sources des journalistes « dans l’exercice de leur mission d’information du public », constitue tout de même une précision très importante.

Par conséquent, la commission peut difficilement se rallier au sous-amendement n° 24 rectifié, qui appelle d’ailleurs plusieurs critiques.

Tout d’abord, ce sous-amendement tend à affirmer un droit au secret des sources. Or il s’agit non pas d’un droit, mais d’une condition nécessaire à l’existence d’une presse d’investigation.

Ensuite, il y est fait référence au secret des sources d’information. Là encore, mieux vaut, en réalité, viser le secret des sources « des journalistes ». À défaut, quiconque possédant une information sera en droit de revendiquer ce secret.

Enfin, à la différence de l’amendement de la commission, ce sous-amendement n’a pas pour objet de limiter le secret des sources à l’exercice d’une mission d’information du public. Or ce secret ne mérite d’être protégé que dans le cadre d’une telle mission, et non pour poursuivre éventuellement la défense d’intérêts personnels ou, en tout cas, pour détourner le rôle des journalistes.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Par le sous-amendement n° 17, Mme Boumediene-Thiery souhaite insérer dans le texte la définition d’une source journalistique, en reprenant celle qui est inscrite dans la législation belge.

La Belgique a effectivement choisi de dresser une liste exhaustive, et nous nous sommes interrogés sur la possibilité de faire de même. Or, il faut bien le reconnaître, les professionnels sont extrêmement partagés sur la pertinence d’une telle exhaustivité dans la définition de la notion de source.

En outre, je me méfie toujours de la multiplication des énumérations et des listes à rallonge, censées offrir une protection optimale. On risque finalement d’oublier certains éléments et de créer des situations qui s’avéreront, à un moment ou à un autre, inextricables. Je préfère en rester à un principe suffisamment clair, applicable à l'ensemble de la chaîne de l’information, afin qu’une liberté totale puisse être conservée dans l’exercice de la protection des sources.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.

La commission est également défavorable au sous-amendement n° 20, qui, comme le sous-amendement n° 17, tend à définir ce qu’est une source.

Le sous-amendement n° 22 a pour objet de supprimer de la définition du journaliste les mots : « exerçant sa profession ». Or, à mon sens, le projet de loi retient déjà une définition plus large que celle qui est définie par le code du travail. Par ailleurs, les correspondants et les pigistes sont également couverts.

En l’état, il me semble donc difficile d’aller au-delà, sachant, je le redis, que l’idée première est tout de même de protéger les sources des journalistes. Il n’est pas utile d’apporter des précisions supplémentaires quant aux personnes qui contribuent ou qui rédigent occasionnellement des articles.

La commission émet donc un avis défavorable sur ce sous-amendement, de même que sur le sous-amendement n° 27 rectifié, lequel vise à supprimer la condition de régularité dans l’exercice de la profession.

Au fond, l’objectif est toujours le même, à savoir se référer au statut de journaliste. On peut débattre de ce que l’on entend par l’adjectif « régulier » : s’applique-t-il à une activité pratiquée tous les jours, toutes les semaines, tous les quinze jours, tous les trois mois, voire tous les six mois ? Mais, au moins, en précisant que le statut de journaliste se définit par rapport à une activité pratiquée « à titre régulier », on dispose d’un élément de référence : ainsi, quelqu’un qui écrit régulièrement, ne serait-ce que tous les deux mois, et qui, par ailleurs, est affilié à un organe de presse, correspond à la définition du journaliste telle qu’elle est conçue dans le texte.

Cela a le mérite de nous doter d’un cadre précis, faute de quoi nous risquons d’aller beaucoup trop loin dans la définition et, partant, de ne pas prévoir suffisamment de limites.

L’idée défendue par les auteurs du sous-amendement n° 23 est d’assimiler à des journalistes les stagiaires non rémunérés. Ce n’est pas possible, et ce pour les raisons que je viens d’avancer en évoquant la notion de régularité.

Le journaliste prend des engagements, respecte une certaine éthique, une certaine déontologie, adopte un certain comportement. Dans ces conditions, on ne peut pas, me semble-t-il, élargir son statut à des personnes présentes de manière tout à fait provisoire, quand bien même celles-ci apprennent le métier.

Par conséquent, la commission est défavorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement n° 28 rectifié tend à supprimer la référence à la rétribution, pour étendre la protection des sources à ceux qui travaillent dans la presse militante. Certes, on peut être journaliste à titre régulier, publier des articles et ne pas être rétribué, et ce notamment grâce au développement de nouveaux médias.

Faut-il pour autant élargir encore davantage la définition donnée par le code du travail et la référence au statut du journaliste à laquelle nous tenons ? En l’état, il me paraît difficile de cerner très précisément les conséquences qu’entraînerait l’adoption de ce sous-amendement. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 26 rectifié tend à préciser les cas dans lesquels il est porté atteinte au secret des sources. Nous nous sommes déjà suffisamment expliqués sur cette question tout à l’heure, notamment lors de la discussion générale, en précisant la position des uns et des autres et celles, entre autres, de la législation belge et de la Cour européenne des droits de l’homme. Je ne reviendrai donc pas sur les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à ce sous-amendement.

Le sous-amendement n° 19 a pour objet de définir ce qu’est une atteinte directe au secret des sources. Or cela me paraît évident : c’est le fait de demander à un journaliste de révéler sa source. Ce qui l’est moins, c’est de définir l’atteinte indirecte, pour pouvoir mieux la cerner. C’est ce que la commission a fait dans son amendement, lequel vise à protéger la chaîne de l’information et à définir ce qu’est une source indirecte.

À mon sens, il était tout de même plus important de clarifier ce qu’est une source indirecte que de définir ce qu’est une source directe, dans la mesure où celle-ci, si j’ose dire, coule de source ! (Sourires.) C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

Le sous-amendement n° 18 est un sous-amendement de coordination qui me semble superflu. En effet, à l’article 2, la mention des documents et objets se justifie parce qu’il s’agit d’une procédure de saisie, laquelle porte nécessairement sur un support matériel. En revanche, l’article 1er pose le principe général de la protection du secret des sources et vise toute information recherchée, quelle que soit la nature du support. Au bénéfice de ces explications, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 40 vise à prévoir une protection absolue du secret des sources. Je ne reviendrai pas sur les explications que nous avons données. Cet amendement est d’ailleurs en partie satisfait par l’amendement de la commission, puisque nous avons supprimé la notion d’intérêt général pour faire référence à la mission d’information du public.

Mais, nous le savons tous, en l’état actuel, il est nécessaire d’établir un certain nombre de limites et de prévoir un périmètre précis pour l’application du dispositif. Il y a un principe, et une exception : tout est clairement énoncé. La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 25 tend à faire bénéficier de la protection du secret des sources toute personne participant au recueil ou à la diffusion d’informations à destination du public. En réalité, son adoption aboutirait à étendre considérablement le champ de cette protection.

J’y insiste, il faut conserver au texte une certaine cohérence : il s’agit de s’inscrire dans la logique du statut des journalistes, de la chaîne de l’information, donc des personnes ou des moyens avec lesquels ceux-ci travaillent. En l’état, il est impossible de prévoir une extension de la mesure à tout le monde, sauf à considérer que n’importe qui puisse, sans aucune contrepartie et sans avoir à respecter les règles déontologiques, faire n’importe quoi et être protégé.

C’est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement, tout comme à l’amendement n° 41, dont l’objet est similaire.

L’amendement n° 43 ayant le même objet que le sous-amendement n° 26 rectifié, la commission y est défavorable.

Enfin, sur l’amendement n° 42, qui vise à définir ce qu’est une source, la commission émet le même avis défavorable que sur le sous-amendement n° 17.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes
Discussion générale