Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. La réforme de l’épargne salariale portée par l’article 2 rencontre l’hostilité des milieux économiques, et nous les comprenons tant ils éprouvent aujourd’hui des difficultés à accéder au crédit bancaire pour consolider leur trésorerie ou investir.
L’article 3 du projet de loi a pour objet de modifier la procédure de fixation du SMIC, au moment même où nous examinons dans l’urgence la mise en place du RSA…
Cet éparpillement des moyens est tout simplement illisible et incompréhensible. Il n’incite à croire ni à une simplification des procédures ni à une réelle volonté du Gouvernement de se doter d’un outil susceptible de réduire la pauvreté.
En effet, la publication de récents critères laisse à penser que la remise en cause de la vocation initiale du SMIC est bien en cours. Mes chers collègues, je vous renvoie au rapport qu’a réalisé sur ce thème, pour le Gouvernement, le Conseil d’analyse économique.
Parce qu’il est toujours bon, notamment eu égard à l’esprit et à la lettre de la LOLF, d’équilibrer financièrement une nouvelle mesure, vous proposez aux articles 4 et 5 du projet de loi d’ouvrir des négociations salariales dans les entreprises. Mais il s’agit là, d’ores et déjà, d’une obligation !
De surcroît, les chefs d’entreprise n’auront qu’à entamer une négociation pour bénéficier des exonérations, sans avoir à se soucier de déboucher sur des accords d’entreprise, qui sont eux-mêmes très difficiles à encadrer et que l’on peut d’ores et déjà soupçonner de se conclure au détriment des salariés.
Dans le même esprit, sans doute dicté une fois de plus par le MEDEF, vous proposez de remettre à 2011 l’alignement des minima de branche sur le SMIC. Mais avez-vous réellement pris la mesure des événements récents et de la situation dans laquelle se trouve la majeure partie de nos concitoyens ?
En effet, monsieur le ministre, que devient le million et demi de travailleurs pauvres qui, par essence, n’est pas concerné par la première mesure ? Je veux parler des allocataires du RSA, bien sûr, mais aussi des étudiants, des retraités, des fonctionnaires d’État, de la fonction publique territoriale et hospitalière, ou encore des personnes handicapées et des demandeurs d’emploi !
Cette mesure semble intrinsèquement inégalitaire, à moins que, dans votre conception, le pouvoir d’achat ne concerne que les salariés du secteur privé. Cette dernière explication est envisageable, après tout, dans une philosophie qui remet en cause le salaire en tant qu’élément structurant du pouvoir d’achat au profit d’autres rémunérations beaucoup plus aléatoires. Le gouvernement auquel vous appartenez n’en est pas à une contradiction près !
D’ailleurs, il va de soi que le revenu différé – la seconde mesure que vous proposez – se trouve parfaitement adapté à une revalorisation immédiate du pouvoir d’achat ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La création d’un comité d’observation du RMI, dont vous vous passez bien dans l’urgence de la mise en place presque simultanée du RSA, est d’une logique implacable !
Monsieur le ministre, le Gouvernement prétend aujourd'hui moraliser le capitalisme, mais il réussit surtout à démoraliser les ménages et les Français, qui n’ont pas beaucoup progressé depuis que M. Raffarin évoquait la « France d’en bas ». Ils auraient même plutôt encore régressé !
Assurément, le Gouvernement n’a pas réalisé les promesses de campagne du Président de la République, à savoir augmenter le pouvoir d’achat des Français, loin s’en faut ! Depuis le temps que vous vous y efforcez, vous n’y parvenez guère, monsieur le ministre. Soyons sérieux !
En ce qui concerne la moralité, n’en déplaise au MEDEF, occupons-nous de légiférer afin d’encadrer la rémunération et le statut des grands patrons. Voilà du concret !
S'agissant du pouvoir d’achat des Français et de la réhabilitation de la valeur travail, contentons-nous de revaloriser les salaires. C’est tellement plus simple, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, et tellement plus efficace ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la baisse du pouvoir d’achat des ménages constitue aujourd’hui une réalité que nul ne peut nier.
Les enquêtes le prouvent, l’INSEE prévoit que le salaire moyen en 2008 stagnera dans le secteur privé et baissera de 0,9 % dans les administrations publiques. La masse salariale se trouve donc globalement sur une pente descendante, tandis que l’inflation augmente.
Cette réalité, nous la percevons quotidiennement dans nos permanences, où nous recevons des personnes en détresse sociale qui ont perdu leur emploi, des familles monoparentales qui peinent à se loger, des femmes cantonnées aux contrats de travail à temps partiel, des ménages qui peinent à finir le mois, et cela malgré deux salaires mensuels, des retraités qui vivent de plus en plus difficilement... La baisse du pouvoir d’achat frappe toutes les couches de la population.
Jusqu’à présent, le Gouvernement n’a apporté que de mauvaises réponses à ce problème. Il y eut, tout d’abord, le « paquet fiscal » ou loi TEPA de l’été 2007, qui fut un scandaleux festival de cadeaux, du bouclier fiscal à la mise en cause de l’ISF. Ce dernier objectif a d'ailleurs été atteint pour une infime minorité de très gros contribuables, dont certains reçoivent du Trésor public des chèques de remboursement d’un montant faramineux.
Or ce bouclier fiscal est de plus en plus mal vécu aujourd’hui, en période de crise, par la population. Comme il inclut également la CSG, la CRDS et, depuis peu, le RSA, les plus hauts revenus se trouvent exonérés de tout effort de solidarité nationale.
Nous ne cesserons de dénoncer cette injustice, ou plutôt ce scandale, comme nous l’avons fait déjà lors de la discussion sur le RSA.
Par ailleurs, la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat visait le rachat de leurs RTT par les salariés.
Or, selon l’URSSAF, seule une entreprise sur cinq propose un tel rachat. Surtout, bien peu de salariés l’ont demandé, ce qui prouve, si besoin en était, qu’ils sont très attachés à leurs RTT.
Cette même loi du 8 février 2008 prévoyait également le versement d’une prime exceptionnelle de 1 000 euros dans les PME, ainsi qu’un déblocage de la participation. Dans l’un et l’autre cas, le bilan est mitigé.
Selon vos prévisions, 12 milliards d’euros devaient être débloqués, mais en réalité ce montant est plus proche de 4 milliards d’euros.
Par ailleurs, en décembre 2007, le Gouvernement a fait adopter par le Parlement une loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Ce texte devait faire baisser les prix, mais force est de constater qu’il n’en a rien été.
Enfin, en juillet dernier, ce fut la loi de modernisation de l’économie, qui devait libérer toutes les énergies. Elle avait pour objectif d’apporter 0,3 % de croissance de plus et de créer 50 000 emplois par an. On sait aujourd’hui ce qu’il en est : ces objectifs ne seront pas atteints !
En fait, les Français dans leur grande majorité n’ont absolument pas perçu les efforts du Gouvernement pour améliorer leur pouvoir d’achat. En revanche, ils ont subi la hausse des matières premières, des denrées alimentaires, de l’essence, du gaz…
Ils ont aussi pâti – notamment les plus pauvres d’entre eux, qui hésitent aujourd’hui à se soigner – des prélèvements déguisés du Gouvernement, à savoir les déremboursements et les franchises médicales.
La diminution du pouvoir d’achat doit absolument être combattue, car notre pays se trouve sur une mauvaise pente. Avec le recul du PIB aux deuxième et troisième trimestres de 2008, avec 43 200 chômeurs supplémentaires en août dernier, nous sommes entrés en récession.
La crise financière a déjà eu des répercussions sur l’économie, dans des secteurs clés comme l’immobilier, l’automobile et le bâtiment. Elle en aura d’autres dans les prochains mois.
Que fait le Gouvernement ? En septembre dernier, il a convoqué le Parlement en session extraordinaire. On eût été tenté de croire que c’était pour organiser un Grenelle du pouvoir d’achat… Or tel n’était pas le cas : le Gouvernement a seulement apporté une mauvaise réponse de plus à travers ce projet de loi alors soumis à l’Assemblée nationale.
Ce texte a de quoi décevoir toutes celles et tous ceux qui attendaient une réponse à leurs difficultés quotidiennes.
Tout d’abord, il est profondément inégalitaire. Je le répète, alors que la baisse du pouvoir d’achat concerne toutes les catégories de la population, ce texte exclut les retraités, les étudiants, les fonctionnaires, les bénéficiaires des pensions d’invalidité, les adultes handicapés, les chômeurs et les salariés des entreprises dont la nature, la taille, les résultats ou l’absence de volonté rendent inopérants les dispositifs d’intéressement.
Ensuite, ce projet de loi remet totalement en cause la notion de salaire qui, jusqu’à présent, constituait le pilier principal du revenu des ménages.
Avec votre texte, monsieur le ministre, ce revenu sera constitué en partie seulement du salaire, le reste provenant des heures supplémentaires, de l’intéressement, de la participation ou encore de l’épargne salariale.
Les mesures que vous proposez – crédits d’impôts, exonérations de cotisations sociales et autres niches fiscales – auront pour seule conséquence d’inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires et à privilégier toutes les formes annexes de rémunération.
Comment dès lors garantir un revenu décent ? Quelles seront les conséquences de ces dispositions sur les retraites ? Les revenus annexes que vous encouragez seront-ils pris en compte dans le calcul des pensions ?
Par ailleurs, nous avons toutes les raisons de nous interroger sur l’incidence de ce texte sur le budget national. On nous répète depuis plusieurs mois que « les caisses sont vides », le Premier ministre ayant même évoqué un « État en faillite ».
Or, en dépit de ces déclarations, le Gouvernement a souhaité procéder à une nouvelle dépense fiscale d’un milliard d’euros.
Aussi la commission des finances s’est-elle inquiétée de cette nouvelle charge. Elle a supprimé à l’unanimité le nouveau crédit d’impôt en faveur de l’intéressement.
Enfin, monsieur le ministre, ce texte nous paraît présenter certains risques pour le SMIC, dont la progression est actuellement fondée sur l’inflation et le pouvoir d’achat.
En avançant au 1er janvier de chaque année la fixation annuelle du SMIC, on se dirige vers un lissage annuel depuis longtemps revendiqué par le MEDEF. Nous n’y sommes pas favorables.
De plus, ce texte vise à confier à un groupe d’experts un avis annuel sur l’évolution du SMIC et de l’ensemble des revenus. Un décret devra fixer les conditions de leur désignation afin de garantir leur indépendance. Il y a de quoi se poser des questions sur les intentions réelles du Gouvernement, d’autant que, selon certains experts, le SMIC serait trop élevé par rapport à la productivité des salariés peu qualifiés…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a de tout chez les experts !
Mme Gisèle Printz. … et que, dans son rapport du 23 juillet 2008, le Conseil d’analyse économique émet de vives critiques sur l’efficacité du SMIC et propose de modifier les règles actuelles : « une commission d’experts pourrait être créée, les membres en étant nommés dans des conditions garantissant leur indépendance ».
Pour conclure, posons-nous la question : ce texte répond-il aux attentes des Français ?
Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Gisèle Printz. Va-t-il augmenter leur pouvoir d’achat ?
Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Gisèle Printz. Non, nous ne le croyons pas. Ce texte est inégalitaire et dangereux à la fois pour les salariés, les entreprises et le budget de l’État. Il tend à substituer au salaire des formes annexes de rémunération, incertaines parce qu’indexées sur les résultats des entreprises, et à créer les conditions de la remise en cause du SMIC.
Monsieur le ministre, pour améliorer le pouvoir d’achat, c’est sur le salaire qu’il faut faire porter vos efforts et non pas sur les compléments de revenus. Ce texte est une mauvaise réponse gouvernementale supplémentaire à une vraie question de société. Le groupe socialiste ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est à la fin du mois de mai dernier, à Verberie, dans l’Oise, que le chef de l’État a donné « sa » réponse au pouvoir d’achat : il a annoncé un projet de loi sur l’intéressement – les sommes versées aux salariés seraient doublées – et sur la participation, avec la fin du blocage automatique des sommes consignées.
Avec l’intéressement, chacun y trouve son compte, a affirmé Nicolas Sarkozy : l’entreprise dont la performance et les résultats s’améliorent ; les salariés qui voient leur travail récompensé et sont directement associés à la bonne marche des affaires.
Le Gouvernement s’est donc mis dans les pas du Président de la République en déposant, le 23 juillet dernier, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.
Cependant, entre-temps, il y a eu l’accumulation des mauvais chiffres affectant entreprises et ménages, et la panique financière des mois de septembre et d’octobre.
Le chef de l’État, dans son discours prononcé à Annecy, la semaine dernière, ne déclarait-il pas – et cette citation revêt toute son importance dans le contexte actuel – : « Je tenais à affirmer que plus rien, dans l’économie mondiale, ne sera comme avant. Vouloir continuer avec les mêmes idées, les mêmes habitudes, les mêmes pratiques qu’auparavant serait une erreur fatale » ?
Pourtant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous continuez « avec les mêmes idées, les mêmes habitudes, les mêmes pratiques qu’auparavant », comme si, malgré la crise économique, les entreprises allaient pratiquer intéressement et participation, comme si elles n’avaient pas particulièrement besoin, en cette période difficile, de fonds propres, quand leur accès au crédit est compromis. Pour vous, tout continue comme avant !
Ce projet de loi ne permettra d’améliorer ni la consommation, ni le pouvoir d’achat, ni la situation des entreprises, ni les finances publiques.
La commission des finances s’est saisie pour avis du texte ; elle a bien fait de s’intéresser tout particulièrement aux articles 1er et 2.
L’article 1er vise à créer, en effet, un crédit d’impôt supplémentaire au profit des entreprises qui concluent un accord d’intéressement ; l’article 2 tend à prévoir le déblocage de la participation des flux à venir.
C’est à l’unanimité – vous l’avez souligné tout à l’heure, monsieur le rapporteur pour avis – que la commission des finances a adopté la suppression de ce crédit d’impôt. Je veux résumer ici les quelques arguments des commissaires socialistes à cet égard.
Tout d’abord, ce texte, comme bien d’autres, comme trop d’autres, tend à consacrer une mauvaise habitude du Gouvernement, celle de démanteler la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
Ensuite, est-il utile de rappeler que le maintien en l’état du projet de loi de finances pour 2009 laisse sans réponse la question du soutien à l’économie, alors que la récession est annoncée et qu’elle se traduira à la fois par un « désinvestissement » des entreprises et une remontée du chômage ?
Ce crédit s’imputera donc sur les recettes de l’État. Si l’objectif du Gouvernement de doubler l’intéressement sur quatre ans était atteint, il se traduirait, en régime de croisière, par un coût d’un milliard d’euros pour les finances de l’État. Je suppose que M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, doit souhaiter, en son for intérieur, que cela ne marche pas.
Cette estimation n’a cependant pas fait l’objet d’études d’impact – voilà une autre mauvaise habitude du Gouvernement ! – et serait le résultat d’un sondage effectué par un cabinet privé auprès d’un panel d’entreprises. Cette fantaisie est-elle de mise dans la période particulièrement critique que nous traversons ?
Ce crédit d’impôt est toutefois limité à 2014, année à laquelle il devrait être évalué. La date est lointaine et l’on ignore quelle sera la méthode.
La mise en œuvre de la réforme constitutionnelle ouvre le champ de l’évaluation au Parlement. J’espère que le Sénat, particulièrement la commission des finances, dont je suis membre, profitera pleinement de cette opportunité.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La commission des affaires sociales aussi !
Mme Nicole Bricq. Par ailleurs – et c’est vraiment une raison de fond –, une réduction d’impôt qui serait payée par une augmentation du déficit public n’aurait aucun effet sur la production, la consommation ou l’investissement.
Ce sont là trois facteurs décisifs qui, dans le contexte macroéconomique dépressif actuel, plaident en faveur de la suppression du crédit d’impôt.
Les ménages l’avaient déjà compris, avant même la prise en compte – tardive, d’ailleurs ! – de la crise par le Gouvernement : la consommation flanche depuis le début de l’année et le taux d’épargne est remonté à 16 % du revenu disponible des ménages, soit plus de deux points qu’à la même période en 2006.
Cela signifie que les ménages ont anticipé le signal d’une augmentation des prélèvements obligatoires, et ce par une épargne de précaution quand ils le peuvent. La ruée vers le livret A, depuis l’été dernier, atteste de la remontée de cette épargne.
Enfin, concernant les prélèvements obligatoires, dont nous débattrons ici même dans quelques jours avant d’entamer la discussion du projet de loi de finances pour 2009, le Gouvernement, par ce texte, envoie un message contradictoire, puisqu’il instaure une incitation fiscale en même temps qu’un « forfait » social. Comprenne qui pourra !
Tous ces arguments motivent notre refus persistant de ce crédit d’impôt, auquel, monsieur le ministre, vous avez rappelé que vous teniez tant.
Je dirai un mot du versement de la prime exceptionnelle de 1 500 euros. La loi du 8 février 2008 prévoyait déjà le versement d’une prime de 1 000 euros par salarié. Cette récente mesure n’est même pas évaluée que l’on nous propose un nouveau dispositif !
Nous n’avons pas plus d’évaluation des déblocages anticipés prévus à la suite des mesures de 2004 et de 2005 !
Tout cela manque de sérieux, et le Parlement ne peut s’en satisfaire, sous peine d’être taxé de complaisance à l’égard d’un exécutif qui fait loi sur loi sans se soucier de leurs conséquences ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Pourtant, dès l’automne 2005, nos collègues députés MM. François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain remettaient au Premier ministre d’alors un rapport dans lequel ils s’alarmaient de « la multiplication des textes ».
Je conclurai en déplorant que, dans ce projet de loi, le Gouvernement évite la question de fond du partage de la valeur ajoutée entre rémunération du capital et rémunération du travail.
Le constat est simple, malheureusement : il vaut mieux être actionnaire que salarié.
Mme Annie David. C’est sûr !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Pas en ce moment ! Il vaut mieux ne pas être actionnaire !
Mme Nicole Bricq. À l’intérieur de la part revenant au capital, une part croissante de l’excédent d’exploitation a servi à financer le versement des dividendes aux actionnaires, qui, de ce fait, se sont enrichis bien plus que les salariés. Le niveau des dividendes excède largement les capacités de profit des entreprises.
M. Guy Fischer. Soit 120 % !
Mme Nicole Bricq. Celles-ci ont distribué si largement aux actionnaires qu’elles ont été amenées, ce qui est un comble, à emprunter pour satisfaire des actionnaires insatiables…
M. Guy Fischer. Incroyable !
Mme Nicole Bricq. … au détriment des investissements pourtant si nécessaires à la compétitivité, que le Gouvernement prétend favoriser par ailleurs.
M. Guy Fischer. Incroyable mais vrai !
Mme Nicole Bricq. Nous avons voté l’amendement de M. le rapporteur pour avis, qui vise à répartir les bénéfices des entreprises entre actionnaires, investissement et salariés sous forme de participation. Il ne répond pas à la question essentielle des salaires directs,…
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Voilà !
Mme Nicole Bricq. … mais au moins se soucie-t-il de la place des salariés parties prenantes de la création de richesses.
Enfin, le Gouvernement a récemment déposé un amendement n° 20 rectifié tendant à poser des conditions à l’attribution de stock-options ou d’actions gratuites.
C’est une réponse très insuffisante aux dégâts considérables causés chez nos concitoyens par l’écart qui ne cesse de se creuser entre, d’une part, les salariés et, d’autre part, la petite classe de privilégiés que le Gouvernement protège par ailleurs – bouclier et niches fiscales confondus – et dont la fortune n’a cessé ainsi de s’accroître.
C’est pourquoi nous avons déposé un sous-amendement à cet amendement gouvernemental, qui tend à conditionner la distribution à un accord relatif aux salaires dans les deux ans.
Nous étions allés plus loin en déposant des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, amendements que M. François Marc avait défendus et qui ont été repoussés. Le groupe socialiste fera encore mieux avec sa proposition de loi sur la régulation financière qui sera discutée ici le 4 novembre prochain. Rendez-vous est pris ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame le rapporteur, je vous remercie du soutien que vous apportez à ce texte, en particulier s’agissant de l’encouragement à l’intéressement.
Je vous rassure, le forfait social ne vient pas contredire notre volonté de développer l’intéressement. Nous aurons l’occasion de revenir sue ce point au cours des débats. Le sujet était à l’étude depuis bien longtemps. L’intéressement aurait même pu, à en croire un certain nombre de ses promoteurs, se situer à des niveaux beaucoup plus élevés. En tout état de cause, il n’y a aucun risque qu’il vienne se substituer aux salaires.
Monsieur le rapporteur pour avis, il est évident que nous voulons tous les deux développer l’intéressement. Nous ne manquerons pas d’en reparler en détail lors de l’examen de l’article 1er et des amendements que vous avez déposés.
Le Gouvernement a choisi la voie de l’incitation : la situation économique actuelle montre qu’il a tout intérêt à inciter les entreprises plutôt qu’à les contraindre.
Par ailleurs, modifier les règles applicables en matière de calcul de la participation ne permettra pas aux entreprises de se développer. Il est en effet évident, compte tenu des circonstances, que les obliger à verser 33 % de leurs bénéfices risque de mettre un certain nombre d’entre elles en difficulté. Tel n’est pas l’enjeu du dispositif.
J’ai pris note de vos propos sur le crédit d’impôt et l’intéressement. Sur ce point également, nous aurons l’occasion de revenir en détail. Ce dispositif du crédit d’impôt aura, c’est vrai, un coût, mais il se révélera être un investissement en matière d’intéressement, car il entraînera des recettes supplémentaires, fiscales et sociales.
Madame David, il n’y aura pas d’annualisation du SMIC. Elle n’est prévue dans aucun texte, même en filigrane, même de façon subliminale. Le mode de fixation du SMIC restera inchangé.
Je vous remercie, madame Procaccia, des propos que vous avez tenus. Vous avez raison de relever que le Gouvernement entend mettre en place une forte incitation et de souligner à quel point il est nécessaire de faire preuve de pédagogie dans les entreprises. Je sais que votre expérience est grande en la matière.
Monsieur de Montesquiou, vous avez souligné que, selon la taille des entreprises, les salariés ne sont pas égaux face à l’intéressement. C’est à cette inégalité que le Gouvernement veut remédier. Vous l’avez dit, tous les moyens d’incitation doivent être utilisés. Le Gouvernement entend les mettre en œuvre, persuadé, comme vous, que la contrainte ne permettra pas de développer l’intéressement.
Madame Jarraud-Vergnolle, plusieurs lois ont, depuis 2007, permis d’améliorer les revenus des salariés. Chacune a produit des résultats. Sur ce point également, nous aurons l’occasion de revenir au cours du débat.
Je vous ai écoutée avec grande attention. Vous avez critiqué un projet de loi dont l’objet est de faire en sorte que toutes les ressources dont dispose le législateur soient mobilisées en faveur du pouvoir d’achat des salariés. Mais vous n’avez pas proposé beaucoup de mesures ou de politiques alternatives à celle du Gouvernement ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Vous n’avez pas bien écouté !
M. François Marc. Vous n’écoutez pas !
M. Xavier Bertrand, ministre. J’ai entendu beaucoup de belles paroles, mais le Gouvernement, quant à lui, par le présent projet de loi, s’inscrit dans le monde du réel, et fait preuve de volonté et de pragmatisme.
Madame Bricq, je ne peux pas vous laisser dire non plus que la loi du 8 février 2008 n’a pas été évaluée : 4 milliards d’euros ont été débloqués pour son application, et, s’agissant de la prime prévue, les déclarations annuelles des données sociales, les fameuses DADS, qui seront disponibles au début de l’année 2009, permettront de connaître précisément le montant des versements.
Madame Printz, vous avez évoqué les risques de substitution au salaire. Il est explicitement prévu dans le projet de loi que l’intéressement est un élément supplémentaire ; qui plus est, la négociation le garantit. Les salariés le savent bien, qui plébiscitent l’intéressement, comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte dernièrement avec vous en Moselle.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ma réponse concernera les articles 4 et 5.
Je remercie d’abord Mme le rapporteur de son intervention. Je sais que le sujet de l’intérim lui tient à cœur. Lors de nos débats, nous ferons le point sur la situation des entreprises d’intérim : nous tâcherons de faire en sorte qu’elles ne soient pas pénalisées et que soit évalué leur comportement, et non pas celui des entreprises pour lesquelles elles travaillent.
S’agissant des accords d’entreprise et des accords de branche, permettez-moi à ce stade du débat – nous y reviendrons ultérieurement – de préciser qu’aucun principe n’a été fixé dans la loi du 20 août 2008 quant à un niveau : celui de l’entreprise n’est pas plus privilégié que celui de la branche.
En revanche, vous soulevez une vraie question abordée également par Mme Procaccia : comment trouver un juste équilibre entre les avancées au niveau de la branche et les avancées au niveau des entreprises ? Sur ce point, l’amendement de la commission permettra, me semble-t-il, d’enrichir le texte sous réserve de trouver un équilibre entre les différentes propositions formulées par les uns et les autres.
Je remercie M. le rapporteur pour avis de son intervention. Il a attiré notre attention sur le fait que le dispositif ne doit pas être déconnecté des réalités économiques, et il a exprimé son souci de la bonne gestion des deniers publics. Nous aurons sans doute un débat sur les allégements de charges et leur évaluation afin de répondre à vos souhaits et à vos remarques sur ce sujet, monsieur Dassault.
Madame David, je vous remercie de votre intervention. Vous avez demandé si les dispositions des articles 4 et 5 devaient figurer dans ce projet de loi. Nous pensons – je sais que nous divergeons sur ce point – que cela permet de marquer clairement que l’intéressement et la participation sont non pas des substituts au salaire mais des compléments de ce dernier. Voilà pourquoi le projet de loi prévoit également des dispositifs qui ne concernent que la question des salaires ; mais nous avons déjà eu ce débat dans le cadre des travaux de la commission.
Pour le reste, vous avez souligné malgré tout le fait que les articles 4 et 5 allaient dans la bonne direction, mais qu’ils étaient insuffisants. J’entends bien vos arguments. Néanmoins, si nous prenons l’exemple des minima de branche, la disposition prévue nous permet de transposer les dispositions adoptées jusque-là au coup par coup, telles les mesures prises par Michel Rocard ou celles qui avaient été proposées par Gérard Larcher encore dernièrement, et de les systématiser pour essayer de porter durablement les minima sociaux de branches au niveau du SMIC. Et, disant cela, je réponds également à Mme Printz.
Madame Jarraud-Vergnolle, madame Bricq, nous pensons que ce texte permet de répondre à la situation des salariés qui gagnent de 1 300 à 1 500 euros par mois et qui ont le sentiment que les politiques salariales et les efforts réalisés jusqu’à maintenant n’ont pas vraiment pris en compte leur situation, notamment dans les TPE et les PME, où les mesures prises par Xavier Bertrand ont tout de même apporté des améliorations.
Enfin, je remercie Mme Procaccia et M. de Montesquiou qui sont tous deux de fins connaisseurs des réalités économiques, y compris dans les PME, et qui ont souligné l’injustice de notre système. Le fait que le dispositif prévu repose sur la chance donnée à la négociation, assortie d’une pression claire pour obtenir des résultats devrait nous permettre d’aboutir.