M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. La perte de recettes qui résultera du crédit d’impôt doit donc être considérée, à notre avis, non comme une perte sèche pour le budget de l’État, mais plutôt comme un investissement dans nos entreprises.
À ce sujet, je crois utile d’évoquer une mesure du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, que nous allons examiner très prochainement. Ce texte prévoit un « forfait social », qui se traduira par un prélèvement de 2 % sur les primes d’intéressement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas très cohérent !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Si je comprends la nécessité de trouver de nouvelles recettes pour les caisses de sécurité sociale dont le déficit s’aggrave tandis que les besoins augmentent, je m’interroge cependant sur la cohérence du message adressé aux entreprises.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Qu’on en juge : d’un côté, un crédit d’impôt introduit par le projet de loi en faveur des revenus du travail ; de l’autre, un prélèvement supplémentaire opéré par la loi de financement de la sécurité sociale. N’est-ce pas un peu singulier ?
Certes, les montants en jeu ne sont pas les mêmes : le prélèvement au titre du forfait social sera très faible comparé au bénéfice que l’entreprise retirera du crédit d’impôt. Mais le forfait social a vocation à être pérenne, alors que le crédit d’impôt est, lui, une mesure provisoire, applicable jusqu’à la fin de l’année 2014 seulement.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Il faudra donc veiller, lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale, à ce que la mise en place du forfait social n’aille pas, monsieur le ministre, à l’encontre de l’objectif ambitieux que s’est fixé le Gouvernement en matière de développement de l’intéressement.
Venons-en maintenant à la question de la participation. Le projet de loi a pour objectif de donner une nouvelle liberté de choix aux salariés.
Traditionnellement, les sommes que les salariés reçoivent au titre de leur participation aux résultats de l’entreprise sont bloquées pendant cinq ans, sauf déblocage anticipé pour les aider dans certains moments heureux ou difficiles de leur vie personnelle ou professionnelle.
Je suis résolument attachée à cette règle d’indisponibilité des fonds pendant cinq ans, et ce pour deux raisons principales. D’abord, elle permet à des salariés, souvent modestes, de se constituer une épargne ; il faut savoir, par exemple, qu’un grand nombre de primo-accédants à la propriété - de mémoire, 80 % -, n’ont que leur épargne salariale comme apport personnel ; ensuite, la participation, en venant consolider les fonds propres des entreprises, contribue ainsi à leur financement.
Le texte vise à donner aux salariés le choix entre blocage de la participation et disponibilité immédiate de leurs droits. Cet assouplissement me paraît acceptable dans la mesure où il est strictement encadré : dans le temps, car les salariés disposeront d’un délai limité pour indiquer s’ils souhaitent disposer immédiatement de leur participation ; dans l’esprit, car l’absence de choix vaudra confirmation du blocage ; dans l’étendue, puisque l’encours de participation ne sera pas « déblocable », seul le flux annuel distribué le sera.
J’ajoute, enfin, que le régime fiscal incitera les salariés à faire le choix du blocage et, donc, de l’épargne longue, puisque seules les sommes bloquées pendant cinq ans seront exonérées d’impôt sur le revenu.
Comme nos collègues de l’Assemblée nationale, qui ont modifié le texte en ce sens, je suis convaincue de la nécessité de développer l’épargne retraite en raison des contraintes qui pèsent sur nos régimes de retraite par répartition. Je vous proposerai, au nom de la commission, des amendements qui confortent cette orientation.
La commission s’est également intéressée à la question de l’actionnariat salarié, qui est une autre manière d’associer les salariés à la bonne marche de leur entreprise.
Les sociétés ont la possibilité de procéder à des augmentations de capital réservées à leurs salariés. Les opérations de ce type dans les PME, qui sont pour la plupart des sociétés non cotées, sont toutefois freinées par le montant des frais d’expertise qu’elles occasionnent. Nous proposerons donc d’alléger les formalités qui s’y attachent.
Il me paraît aussi très important que l’on puisse améliorer la liquidité des titres des sociétés non cotées. La Caisse des dépôts et consignations a engagé en ce sens une réflexion qu’il conviendrait de faire aboutir rapidement, monsieur le ministre.
J’aborderai maintenant le volet du texte qui porte sur la politique salariale et, en premier lieu, sur la modernisation de la procédure de fixation du SMIC en y associant, à titre consultatif, un groupe d’experts indépendants.
Notre commission a été sensible à la volonté qui s’est exprimée à l’Assemblée nationale d’éviter la création d’une énième instance consultative dans le domaine de l’emploi, alors que ces instances sont déjà très nombreuses. Nous approuvons donc l’engagement pris par le ministre du travail de rattacher ce nouveau groupe d’experts à une structure existante, ce qui permettra de limiter au minimum ses dépenses de fonctionnement.
Sur le fond, ce groupe d’experts devrait jouer un rôle utile en éclairant le débat public par des analyses économiques rigoureuses. Son avis viendra compléter celui de la Commission nationale de la négociation collective, qui réunit les partenaires sociaux, sans remettre en cause les règles légales d’indexation du SMIC, ni la responsabilité du Gouvernement en matière de revalorisation du salaire minimum.
La commission est, en revanche, plus dubitative sur l’utilité d’avancer au 1er janvier la date de revalorisation du SMIC, fixée jusqu’ici au 1er juillet ; j’y reviendrai.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Enfin, le texte a pour objet de dynamiser les négociations salariales grâce à un mécanisme de conditionnalité des allégements de cotisations sociales.
La commission a approuvé sans réserve le dispositif qui prévoit de réduire ces allégements de charges dans les entreprises qui ne procéderont pas à la négociation annuelle obligatoire sur les salaires.
Certains de nos collègues ont regretté que l’on n’aille pas plus loin et que le bénéfice des allégements de charges ne soit pas conditionné à la conclusion d’un accord salarial. Cependant, respectueuse de l’autonomie des partenaires sociaux, la commission n’a pas souhaité, dans sa majorité, que le législateur menace de sanctions les entreprises qui ne concluraient pas d’accord. L’obligation d’un accord risquerait aussi de fausser les conditions de la négociation.
La mobilisation des syndicats et le sens des responsabilités des chefs d’entreprise, qui savent que la motivation de leurs équipes passe par un partage équitable des fruits de la croissance, suffiront, selon nous, à donner son plein effet à cette mesure.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour interroger le ministre sur une question plus ponctuelle, qui concerne les entreprises de travail temporaire. Elles s’inquiètent des conséquences que pourrait avoir pour elles l’application de ce nouveau dispositif de conditionnalité des allégements de charges. Elles se demandent notamment si elles devront tenir compte de la situation de chacune de leurs entreprises clientes ou si c’est le respect, par l’entreprise d’intérim, de son obligation de négocier sur les salaires qui sera pris en considération. Il semble que la deuxième option est la bonne, mais il serait bon que le ministre puisse nous le confirmer.
J’en viens à la question des accords salariaux négociés au niveau des branches professionnelles.
Certaines grilles de salaires comportent, vous le savez, des minima inférieurs au SMIC. Cela n’a, bien sûr, aucune incidence sur le salaire effectivement versé puisque le SMIC est d’ordre public. En revanche, cela peut avoir un impact sur le montant de certaines primes calculées par référence aux minima conventionnels et entraîne un « écrasement » du bas de l’échelle des rémunérations : des salariés qui se situent à des niveaux différents de la grille salariale parce qu’ils sont plus ou moins qualifiés se retrouvent, en pratique, tous rémunérés au niveau du SMIC.
Notre président, Gérard Larcher, a lancé, lorsqu’il était ministre délégué aux relations du travail, une politique volontariste destinée à résoudre ce problème des minima conventionnels inférieurs au SMIC. Cette politique a eu des résultats très positifs puisque le nombre de branches concernées est passé de dix-huit, à la fin de l’année dernière, à six seulement aujourd’hui.
Le Gouvernement souhaite cependant aller plus loin et propose de rendre moins favorable le barème de l’allégement Fillon lorsqu’il s’appliquera à des entreprises qui relèvent d’une branche dont les minima salariaux sont inférieurs au SMIC.
Cependant, le mécanisme proposé présente, selon nous, monsieur le ministre, l’inconvénient de pénaliser financièrement des entreprises vertueuses en matière salariale mais qui dépendent d’une branche dans laquelle la négociation n’a pas abouti. On peut, certes, estimer, comme le fait le Gouvernement, que les entreprises feront alors pression sur les représentants patronaux qui négocient, en leur nom, au niveau de la branche, mais cette vision des choses nous paraît assez théorique. En effet, de quels moyens de pression peut bien disposer une PME dans une branche où dominent quelques grands groupes ?
Par ailleurs, il est tout de même singulier de donner une telle portée à l’accord de branche, alors que la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail vient, au contraire, de donner la priorité à l’accord d’entreprise, plus adapté aux réalités du terrain, comme pourrait nous le confirmer notre collègue Alain Gournac, rapporteur de ce récent texte !
Nous ferons des propositions pour résoudre le paradoxe qui conduirait à pénaliser les entreprises vertueuses. D’autres collègues iront aussi dans ce sens. Nul doute que, du débat que nous aurons sur ce point, monsieur le ministre, surgira une solution satisfaisante.
Cette réserve ne remet pas en cause l’appréciation globalement positive de la commission sur l’ensemble de ce projet de loi, qui agit sur plusieurs leviers pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Nous vous demandons, en conséquence, de l’adopter, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de vous présenter mon rapport pour avis, je voudrais vous citer un extrait du discours prononcé à Toulon par le Président de la République, le 25 septembre 2008.
M. Guy Fischer. Ça commence !
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Je cite le Président de la République : « La loi à venir sur la participation et l’intéressement s’inscrit exactement dans la perspective de rééquilibrage entre le capital et le travail. Ne pas donner tous les bénéfices aux dirigeants et aux actionnaires, en destiner une part plus grande à ceux qui par leur travail ont créé la richesse, redonner du pouvoir d’achat aux travailleurs sans alourdir les charges fixes de l’entreprise et ainsi remettre le capitalisme à l’endroit, voilà l’autre révolution qu’il nous faut entreprendre. »
Et cette révolution, voulue par le Président de la République, votre commission des finances vous invite à la commencer de suite en modifiant la définition de la réserve de participation. En effet, le montant de cette réserve, calculée par la formule de départ datant de 1967, ne représente que 10 % environ des bénéfices après impôts. Elle ne supprime pas du tout l’inégalité de traitement entre les salariés et les actionnaires comme le demande le Président Sarkozy, car elle donne ainsi la plus grande partie des bénéfices aux actionnaires.
En revanche, si la formule des trois tiers était appliquée, tous les problèmes soulevés par le Président de la République seraient en partie résolus.
Elle mettrait en effet les salariés et les actionnaires à égalité, puisqu’elle prévoit la distribution du même montant, à savoir le tiers du bénéfice net, aux salariés et aux actionnaires.
Elle permettrait aussi d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés sans alourdir les charges de l’entreprise puisque les sommes correspondantes ne concernent pas les coûts de production. Quant aux salariés dont le pouvoir d’achat serait ainsi augmenté, ils seraient autorisés à choisir entre l’épargne et la distribution directe.
J’ajoute que cela ne coûterait rien à l’État si les sommes ainsi perçues supportaient la totalité des charges et des impôts.
Je proposerai donc à ce sujet un amendement, voté à l’unanimité par la commission des finances.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Nous allons en discuter, monsieur le rapporteur pour avis !
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Je voudrais ajouter que cette règle des trois tiers, dont je parle depuis plus de vingt ans, n’est pour moi ni une idée fixe ni un caprice : elle a un effet bénéfique considérable, à la fois pour les salariés, les actionnaires et l’entreprise.
Cette règle m’a été inspirée par mon expérience : en tant que chef d’entreprise, et depuis quarante ans, puisque cela a commencé en 1968, j’ai été plongé maintes fois dans des conflits sociaux. Chaque fois, je me suis demandé ce qu’il faudrait faire pour les éviter. Chaque fois revenait le même slogan : « Le patron peut payer ! », quand ce n’était pas : « Dassault peut payer ! » (Sourires.)
Cela, Dieu sait combien de fois je l’ai entendu, parce que, quand la société faisait des bénéfices et que le personnel n’était pas augmenté, il y avait conflit, le conflit éternel entre profits et salaires que je peux résumer en une revendication : « moins de profits pour les actionnaires et plus de salaires pour les salariés ».
Alors, pour éviter ces conflits permanents, je me suis dit que, si l’on distribuait aux salariés la même somme qu’aux actionnaires, on résoudrait le problème.
C’est ce que souhaitait d’ailleurs le général de Gaulle, qui avait lancé l’idée de l’association capital-travail et de l’égalité entre l’un et l’autre, comme c’est ce que souhaite aujourd'hui le Président Sarkozy lorsqu’il dit vouloir « donner une part plus grande à ceux qui par leur travail ont créé la richesse ».
C’est ainsi qu’est née la règle des trois tiers, que j’ai appliquée, dès 1965, à Dassault Électronique et, à partir de 1986, à Dassault Aviation, par accord dérogatoire.
Et c’est ainsi aussi que, depuis plus de vingt ans, nous n’avons plus eu de grève et qu’en 2007 nous avons distribué aux salariés de Dassault Aviation près de quatre mois de salaire au titre de la participation, en plus des treize mois habituels ; je signale que les actionnaires ont accepté de recevoir des dividendes d’un montant inférieur à celui de la participation. Le sacrifice des actionnaires a été largement compensé par un climat social complètement participatif et une motivation plus grande de tous les salariés.
Mais revenons au projet de loi.
La commission des finances s’est saisie pour avis de celles des dispositions du présent projet de loi qui auraient un impact sur l’équilibre des finances publiques. Elle a le souci, et c’est son rôle, de refuser d’aggraver le déficit budgétaire par de nouvelles mesures alourdissant les dépenses sans augmenter les recettes.
Je vous exposerai les principales dispositions de ce projet de loi, qui aborde de nombreux thèmes tels que l’intéressement, la participation, les réévaluations permanentes du SMIC, et traiterai des conséquences budgétaires correspondantes.
Les principales dispositions du projet de loi concernent notamment, à l’article 1er, la mise en œuvre d’un crédit d’impôt en faveur de l’intéressement, et, à l’article 3, l’évolution du SMIC.
À ce sujet, je tiens à citer de nouveau Nicolas Sarkozy, qui, à Toulon, s’exprimait ainsi : « Je n’accepterai pas d’augmenter les charges qui pèsent sur les entreprises parce que ce serait affaiblir leur compétitivité quand, au contraire, il faudrait la renforcer. » Il a raison ! Or, en augmentant le SMIC, à dire d’experts ou autrement, et ce quel que soit l’intérêt porté aux salariés, on va exactement en sens inverse, car augmenter le SMIC, c’est augmenter aussi les charges et les coûts de production des entreprises mais sans augmenter, on l’oublie trop souvent, leurs recettes, ce qui diminue leur compétitivité.
Surtout, cette augmentation des salaires est aggravée par les charges, qui doublent pratiquement le salaire net, en grande partie parce que la sécurité sociale est financée par une taxe sur les salaires.
Ce ne sont en effet pas tant les augmentations de salaire que les charges correspondantes qui créent le problème, et c’est sous cet angle qu’il faut s’y attaquer. Si au moins on déchargeait les salaires du financement de la sécurité sociale, l’entreprise pourrait plus facilement procéder à des augmentations de rémunération, car elles lui coûteraient moins cher, et le montant de ses charges serait diminué de près de 30 %.
C’est pourquoi je demande, une fois encore, que l’on étudie sérieusement des modalités de financement de la sécurité sociale qui ne fassent plus intervenir les salaires. D’autres solutions, dont j’ai déjà évoqué les principes, existent. Rien ne serait plus grave que de ne rien faire, mais c’est, hélas ! ce que l’on fait…
Je veux aussi insister sur le fait que tout a des conséquences sur tout : l’augmentation des salaires peut avoir des conséquences graves sur l’emploi si les entreprises ne peuvent pas supporter l’augmentation des charges correspondante et perdent ainsi leur productivité.
L’article 1er institue un crédit d’impôt sur les primes d’intéressement pour inciter les chefs d’entreprise à développer l’intéressement.
C’est une idée, mais si ce texte ne se traduit pas par l’engagement de dépenses budgétaires nouvelles, l’« incitation » fiscale attachée au crédit d’impôt en faveur de l’intéressement représentera une perte de recettes pour l’État comprise, selon les évaluations actuelles, entre 800 millions d’euros et plus d’un milliard d’euros.
La commission des finances estime qu’il serait déraisonnable de mettre cette mesure en application, car elle serait susceptible d’augmenter notre déficit budgétaire et, soit dit entre nous, l’incitation fiscale des chefs d’entreprise par ce crédit d’impôt n’aura pas l’efficacité que l’on pense. En effet, ou ils croient aux effets positifs de l’intéressement, notamment sur la motivation des salariés, et ils le pratiquent, ou ils n’y croient pas et ce n’est pas un crédit d’impôt qui les poussera à le faire.
En tout état de cause, rien n’est plus grave pour notre économie que l’augmentation de notre déficit budgétaire, déjà considérable, et de notre dette. Alors que le contexte économique est fortement marqué par la crise financière internationale et que les perspectives de croissance s’amenuisent au point de devenir inexistantes, je vous appelle donc, mes chers collègues, à examiner avec la plus grande fermeté toute mesure fiscale nouvelle qui aggraverait encore notre déficit budgétaire.
C’est le cas de ce crédit d’impôt, qui, je le répète, ne peut avoir un caractère incitatif. La commission des finances a ainsi voté à l’unanimité un amendement visant à sa suppression.
Il faut aussi noter que la décision, pour un chef d’entreprise, d’appliquer un contrat d’intéressement est prise pour des raisons relatives à la motivation de son personnel, et non pas pour bénéficier d’une incitation fiscale, évidemment bienvenue mais pas décisive au regard de l’efficacité de la participation, qui, elle, concerne, l’ensemble des salariés.
En résumé, en retenant comme base de calcul de la réserve spéciale de participation la « règle des trois tiers », on motive tous les salariés, qui ne travailleront ainsi plus uniquement pour les actionnaires ou pour le « patron », mais aussi pour eux, et c’est cela qui importe dans leur motivation : ils savent qu’en travaillant plus et mieux ils travaillent aussi pour eux puisqu’ils percevront une part plus importante des bénéfices ainsi réalisés.
Quant à l’article 3, il traite du problème de l’augmentation du SMIC à dire d’experts.
Je ne suis pas contre l’augmentation du SMIC systématique, mais, comme une telle augmentation entraînera un accroissement considérable des charges de l’entreprise tant que la sécurité sociale sera financée par les salaires, j’estime qu’une telle augmentation aura des conséquences négatives sur l’emploi en France, car il ne sert à rien d’augmenter les salaires si les entreprises n’embauchent pas…
Mme Gisèle Printz. Oh !
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Enfin, le crédit d’impôt sur l’intéressement devrait être supprimé pour des raisons strictement budgétaires.
Tels sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les avis émis par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le texte que nous allons examiner aurait vocation, selon vous, à « mettre en place un cadre plus favorable à la dynamisation des revenus du travail », à moderniser le SMIC et à relancer les négociations salariales.
Cependant, il convient d’inscrire ce projet de loi dans le contexte de la crise économique et financière actuelle : le Président de la République et le Gouvernement viennent d’injecter 360 milliards d’euros dans notre économie afin, entre autres choses, de sauver les banques. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.)
Le Crédit agricole recevra 3 milliards d’euros ; la BNP Paribas obtient 2,55 milliards d’euros; la Société Générale, 1,7 milliard d’euros; le Crédit mutuel, 1,2 milliard d’euros; les Caisses d’Épargne, 1,10 milliard d’euros; les Banques populaires reçoivent « seulement », ai-je envie de dire, 950 millions d’euros. Soit un total de 10,5 milliards d’euros affectés à six établissements bancaires !
Selon le gouverneur de la Banque de France, cette « recapitalisation publique » n’a pas pour objet de « pallier un quelconque défaut ou une quelconque faiblesse ». Or on retrouve dans ce qui n’est ni plus ni moins qu’un plan de sauvetage deux banques – la Société Générale et les Caisses d’Épargne – dont les autorités de contrôle interne ont fait preuve de légèreté dans la gestion de leurs avoirs.
D’un côté, les banques sont sauvées, de l’autre, nos concitoyennes et concitoyens vont payer l’addition : hausse de l’inflation et des impôts, sans parler des conséquences néfastes sur l’emploi.
Le contribuable, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, sera sollicité financièrement suite à ce vaste plan de pseudo-nationalisation de banques au bord de la faillite : le plan de sauvetage accroît la dette publique et ce sont bien les impôts qui combleront, en partie, cette dette.
Quant aux conséquences de cette crise sur l’emploi, elles se font déjà sentir. Adecco annonce 600 suppressions d’emploi ; Sanofi-Aventis, 900 ; La Redoute, 672 ; Renault, 4 900 ; Nexity, 150, 500 suppressions supplémentaires étant envisagées.
Mon département n’est pas épargné. Matussière et Forest, en dépôt de bilan, supprime 740 emplois,…
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Annie David. … dont 460 en Isère.
Tyco Electronics suppriment 520 emplois, dont 228 en Isère toujours.
Ugimag, sauvée in extremis par un repreneur et par le soutien financier de la commune de Saint-Pierre-d’Allevard, en surprime 61.
Quant à Hewlett-Packard/EDS, il annonce 580 suppressions en France. Combien sur le site isérois ?...
Demain, les 180 salariés de l’entreprise familiale Celette, à Vienne, leader mondial et seule sur le marché du marbre automobile, manifesteront devant le tribunal de commerce, à la suite de la liquidation judiciaire, pour demander au repreneur de maintenir leurs emplois...
Et comme pour faire écho à ces sinistres annonces, les déclarations de chômage technique fleurissent …
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce que veulent les salariés, ce n’est pas tant travailler plus que sauvegarder leurs emplois !
Dans ce contexte, la présentation de votre projet de loi, le troisième, je le rappelle, à avoir pour objectif la relance du pouvoir d’achat, après la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat d’août 2007, dite loi TEPA, et la loi pour le pouvoir d’achat de février 2008, apparaît en complet décalage avec le quotidien subi par les salariés. Sauf à reconnaître l’échec de votre politique en matière de relance du pouvoir d’achat …
À l’heure où le Gouvernement est capable de trouver 360 milliards d’euros pour un plan de sauvetage de l’économie, dont 10,5 milliards sont d’ores et déjà affectés à la recapitalisation de six banques, c’est bien l’absence d’une véritable politique salariale qui est en cause !
Ne rien prévoir en faveur d’une augmentation des salaires...
M. Guy Fischer. Et des retraites !
Mme Annie David. …relève de l’indécence.
Voilà quelques jours, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, saisie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a décidé de présenter un amendement visant à supprimer la prime de transport, au motif que « le dispositif proposé ne se justifie pas ou plus, en particulier parce qu’il vaut mieux privilégier le salaire direct et que les prix du pétrole ont baissé ».
M. Guy Fischer. C’est un vrai scandale !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est surprenant !
M. Guy Fischer. Mais Xavier Bertrand va rétablir cela !
Mme Annie David. Je pourrais répondre : chiche !
Mais, jusqu’à présent, le Gouvernement s’est systématiquement refusé à répondre aux demandes d’augmentation des salaires, car celle-ci jouerait prétendument « contre l’emploi ». M. Serge Dassault vient de nouveau de l’affirmer.
C’est donc en intervenant sur les autres éléments de rémunération que le Gouvernement compte compenser la pression qui s’exerce sur les salaires. Monsieur le ministre, je vous rappelle que 6 millions de salariés ne bénéficient d’aucune prime et qu’un peu plus de 2 millions de salariés sont rémunérés au SMIC.
Tout d’abord, ce texte prévoit d’instituer un crédit d’impôt au bénéfice des entreprises qui se doteraient d’un accord d’intéressement.
Égal à 20 % du montant des primes d’intéressement versées, ce crédit d’impôt viendrait en déduction de l’impôt sur les bénéfices de l’entreprise. Il s’agit bien là d’une nouvelle exonération accordée aux entreprises ! Malgré vos arguments, monsieur le ministre, cela devient intolérable au regard de la situation de nos comptes sociaux et des conséquences pour nos concitoyens.
Ensuite, le projet de loi entend donner la possibilité aux salariés de choisir entre le blocage de la participation, soit une épargne sur le long terme, et la disponibilité immédiate de ces fonds, afin, nous est-il dit, d’améliorer leur pouvoir d’achat.
Cependant, il convient de mettre l’article du texte concerné en perspective avec l’article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui semble le contredire. En effet, l’article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 instaure une contribution de 2 %, dite « forfait social », à la charge des employeurs, contribution qui s’appliquera à des éléments de rémunération à la fois exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale et assujettis à la contribution sociale généralisée. Il s’agit des sommes versées au titre de l’intéressement, du supplément d’intéressement et de l’intéressement de projet, de la participation et du supplément de réserve spéciale de participation, des abondements de l’employeur aux plans d’épargne d’entreprise – PEE et PERCO – et des contributions des employeurs au financement des régimes de retraite supplémentaire.
Cette logique est difficilement compréhensible, monsieur le ministre, puisqu’elle risque de ne pas inciter les employeurs à favoriser l’intéressement et la participation !