M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quatre ? C’est beaucoup !
M. Guy Fischer. C’est peu, rapporté au nombre d’amendements que nous avions déposés ! D’autant que la commission des finances, prétextant l’aggravation des comptes publics, a déclaré irrecevables – le fameux article 40 ! – certains de nos amendements ; le groupe socialiste n’a d’ailleurs pas été mieux loti.
Monsieur le haut-commissaire, l’article 40 est pour nous une vraie matraque ! Douze de nos amendements – douze ! – sont tombés sous ses coups par surprise ! Nous croyions savoir comment les éviter, mais, c’est clair, nous devons retourner en formation pour apprendre à en protéger nos amendements. (Sourires.)
Un de ces amendements visait à porter le SMIC de 1 127 euros aujourd’hui à 1 500 euros, avec une étape intermédiaire à 1 300 euros ; un autre, à verser le RSA non pas au foyer mais au bénéficiaire ; un autre encore, à supprimer les mesures stigmatisantes à l’égard des résidents extracommunautaires, comme l’obligation qui leur est faite dans le projet de loi de bénéficier d’un titre de séjour de cinq ans les autorisant à travailler. Ce dernier point, monsieur Martin Hirsch, je vous le reprocherai toujours, parce que ce ne sont pas les mêmes règles que pour le RMI !
Nous, sénateurs du groupe CRC, considérons qu’il est urgent de résorber la pauvreté ; or, le seul moyen qui soit, c’est le travail pour tous et en échange d’une juste rémunération. Nous considérons que notre pays, l’un des plus riches du monde – même si la situation actuelle peut susciter des interrogations –, doit être en mesure de faire respecter le droit fondamental qu’a tout citoyen de travailler et de vivre dignement des fruits de son activité.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement tendant à ce que le Gouvernement, en application de l’article L. 1 du code du travail, prenne l’initiative d’une négociation entre organisations syndicales et patronales sur la question des salaires.
Je n’ignore pas que nous touchons ici aux relations contractuelles, mais, dans la situation d’exception que nous connaissons, n’est-il pas possible d’organiser un véritable « Grenelle des salaires », pour reprendre une expression à la mode ? Nous considérons en effet que l’État, tout comme les entreprises, a une responsabilité sociale dont il ne peut s’exonérer.
Certains d’entre vous, mes chers collègues, ont redécouvert à l’occasion de la crise financière actuelle, qui ne cesse de s’accentuer, l’intérêt de l’interventionnisme d’État. J’ai donc bon espoir que vous ne serez pas opposés à cet amendement par principe.
Je voudrais, pour terminer, dire ma surprise devant les arguments qui ont été employés en commission à l’encontre de notre proposition : elle serait illégale ! Mais je ne m’attarde pas davantage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bernadette Dupont. Cet amendement ressemble à une injonction faite au Gouvernement, ce qui n’est pas conforme à l’usage.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Tout à l’heure, monsieur Fischer, vous étiez en avance ; cette fois, vous êtes en retard ! (Sourires.)
Nous avons déjà ouvert ce débat. J’ai entre les mains la feuille de route du Grenelle de l’insertion : l’ensemble des acteurs – CFDT, CFTC, CGT, Force ouvrière, CFE-CGC, CGPME, MEDEF et UPA –,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Même le MEDEF !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. … se sont engagés à travailler sur les nombreux thèmes énumérés dans ce document, et les négociations ont commencé.
Nous sommes donc réservés sur votre amendement, car son adoption donnerait à penser que nous n’avons rien fait, ce qui n’est pas le cas.
Nous avons déjà invité les organisations concernées à négocier ensemble, et elles ont répondu à l’invitation. Maintenant, il faut plutôt les encourager à aller de l’avant.
M. Guy Fischer. Je retire mon amendement !
M. le président. L’amendement no 214 est retiré.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Grande victoire du haut-commissaire, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. L’amendement no 291, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé un fonds d’appui aux expérimentations en faveur des jeunes. Ce fonds est doté de contributions de l’État et de toute personne morale de droit public ou privé, qui s’associent pour définir, financer, et piloter un ou plusieurs programmes expérimentaux visant à améliorer l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de 16 à 25 ans.
La gestion de ce fonds est assurée par la Caisse des dépôts et consignations.
La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Cet amendement a pour objet de permettre la création d’un fonds d’expérimentation en faveur des jeunes.
Il ne s’agit pas d’expérimenter l’application du RSA aux jeunes. C’est au contraire un ensemble de programmes en faveur de l’insertion des jeunes dans différents domaines : l’aide sociale à l’enfance, le suivi des jeunes sous main de justice, le fonctionnement des missions locales, les interventions des rectorats pour lutter contre les sorties sans qualification du système scolaire, l’effet des écoles de la deuxième chance, la réduction des ruptures de contrat dans les systèmes de contrat d’alternance, les questions de soutien aux revenus des jeunes, ainsi que différents autres points pour lesquels nous avons constaté que beaucoup de choses restaient à faire.
Nous avons déjà recouru à l’expérimentation dans d’autres domaines. Pour les jeunes, notre démarche reposera sur des appels à projets qui associeront des équipes d’évaluateurs et des opérateurs de terrain – les syndicats, les associations d’étudiants, les collectivités territoriales, notamment –, en leur demandant de monter des programmes qu’il soit possible d’évaluer clairement. Les données et les résultats ainsi obtenus nous permettront ultérieurement de proposer un certain nombre de mesures au Parlement.
Comme vous le savez, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité un amendement prévoyant la transmission au Parlement d’un rapport sur les conséquences de l’exclusion des moins de vingt-cinq ans du bénéfice du RSA. Nous vous présenterons en même temps que ce rapport les informations dont nous disposerons alors sur les différents programmes en faveur des jeunes.
D’emblée, donc dès 2008, nous dotons ce programme de 10 millions d’euros, de façon qu’un premier appel à projets soit fait avant la fin de l’année. Je sais déjà qu’il sera également abondé par l’État en 2009 et en 2010, et que d’autres partenaires, y compris privés – il est prévu que le fonds puisse recevoir aussi des fonds privés –, seront appelés à participer au financement des programmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. L’avis est bien entendu favorable.
Cependant, la commission rappelle à M. le haut-commissaire que le Sénat a adopté hier un article additionnel après l’article 2 dont la rédaction vient utilement préciser celle de l’amendement voté par l’Assemblée nationale.
Il nous paraît essentiel d’apporter une réponse adaptée aux problèmes spécifiques que rencontrent ces jeunes. Ce fonds, doté de 10 millions d’euros, devrait permettre d’aider et d’accompagner vers l’emploi ceux d’entre eux qui ont les plus grandes difficultés, c’est-à-dire ceux qui sont sans formation et qui disposent de faibles ressources.
Nous ne pouvons donc que nous réjouir de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Il est vrai que nous ne pouvons que nous réjouir de cet amendement, qui permettra de mieux s’occuper des jeunes.
Néanmoins, monsieur Hirsch, votre rédaction reste assez imprécise. Certes, ce fonds « est doté de contributions de l’État », mais rien n’indique à quelle hauteur ni pour combien de temps. Votre amendement se limite à des « programmes expérimentaux visant à améliorer l’insertion sociale et professionnelle » des jeunes de seize à vingt-cinq ans, sans évoquer leur généralisation ultérieure.
Si je comprends que l’on commence par une expérimentation – c’est apparemment la méthode aujourd’hui –, j’aurais préféré lire dans le texte que, si elle est concluante, cette expérimentation a vocation à être généralisée.
Par ailleurs, votre amendement ne comporte aucune somme, aucun chiffre.
Nous avions nous-mêmes déposé un amendement visant à la mise en place d’une commission devant déboucher sur la création d’un fonds d’autonomie pour les jeunes ; nous n’avions pas précisé d’âge limite parce qu’il nous semblait qu’avoir vingt-cinq ans ne signifiait pas pour autant ne plus être jeune. Bien entendu, notre proposition n’a pas été acceptée, et je le regrette.
Mes collègues du groupe CRC et moi-même ne voterons pas contre votre amendement, monsieur le haut-commissaire. Néanmoins, son imprécision laisse dans le doute et l’incertitude l’ensemble des jeunes, qui attendent un peu plus qu’un vague fonds d’appui aux expérimentations.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le haut-commissaire, lors de la Journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre dernier, nous avons eu le plaisir de vous entendre mettre l’accent sur un sujet qui est pourtant absent du présent projet de loi et qui devrait pourtant, comme Annie David vient de le dire, constituer l’une de nos préoccupations majeures : les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans.
Nous savons que, dans certains quartiers, les jeunes chômeurs représentent 30 à 40 % de la population totale. Mais je parle ici d’une France que, trop souvent, on ne connaît pas, d’une France que l’on ne veut pas voir, celle des quartiers populaires.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Pour notre part, nous serons très attentifs au contenu des actions que ce fonds financera.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
Article 13 bis
I. - L'article L. 5212-7 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 5212-7. - L'employeur peut s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi en accueillant en stage, dans des conditions fixées par décret, des personnes handicapées, dans la limite de 2 % de l'effectif total des salariés de l'entreprise. »
II. - Le I est applicable à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés des années 2009 et suivantes.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 105 est présenté par Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau, Krattinger et Le Menn, Mmes Printz et Chevé, MM. Lise, Gillot et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 211 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 105.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous demandons la suppression de cet article 13 bis, qui permet aux employeurs de s’exonérer partiellement de leur obligation d’emploi en accueillant en stage des personnes handicapées. Cette disposition, introduite à l’Assemblée nationale, est en effet particulièrement malvenue.
Tout d’abord, il n’aura échappé à personne qu’il s’agit d’un cavalier.
Ensuite, il nous semble tout à fait inopportun de permettre aux employeurs de s’exonérer à si bon compte de leur obligation d’emploi.
La loi du 11 février 2005 a clairement réaffirmé la priorité du développement de l’emploi des personnes handicapées et a consolidé les modalités de l’obligation d’emploi qui incombe, depuis 1987, aux entreprises de plus de vingt salariés. Les membres de la commission des affaires sociales qui ont participé à ces débats s’en souviennent très bien.
Une première brèche a déjà été ouverte par le ministère de l’éducation nationale qui, depuis 2006, échappe à toute contribution au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, en comptabilisant dans ses effectifs de personnes handicapées les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, qui sont non pas des personnes handicapées mais des personnes qui aident les enfants handicapés dans leur scolarité. Nous avons suffisamment dénoncé en son temps ce tour de passe-passe !
Ce ne serait pas rendre service aux personnes handicapées que d’ouvrir une nouvelle brèche dans l’obligation d’emploi.
Même si elle s’améliore lentement, la situation de l’emploi des personnes handicapées dans notre pays est encore loin d’être satisfaisante. Les associations de défense des personnes handicapées nous alertent régulièrement sur les difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap pour s’insérer dans le monde du travail. Le taux de chômage des personnes handicapées est ainsi toujours élevé – 17%, soit plus du double de la moyenne nationale !– et d’une durée plus longue que pour le reste de la population active.
De fait, les entreprises préfèrent payer l’amende plutôt que de recruter des personnes handicapées. Globalement, elles emploient moins de 3 % de travailleurs handicapés. En 2007, 58 100 entreprises ont ainsi versé une contribution à l’AGEFIPH, l'association de gestion des fonds pour l'insertion des personnes handicapées, pour un montant total de 604,1 millions d’euros.
Il faut reconnaître que les stages peuvent faciliter l’insertion dans l’emploi. C’est le cas pour les personnes handicapées comme pour les personnes non handicapées. Si la personne handicapée fait ses preuves, elle peut être embauchée à la suite de son stage et elle rentre alors normalement dans le calcul des effectifs, l’entreprise pouvant bénéficier des aides versées par l’AGEFIPH pour adapter le poste de travail.
Mais vous n’ignorez pas que certaines entreprises abusent des stages et se servent des stagiaires, notamment les jeunes diplômés, pour les faire occuper à moindre coût des emplois permanents. Nous avons longuement développé ce thème à l’occasion du débat sur ma proposition de loi visant à organiser le recours aux stages qui, malheureusement, n’a pas été adoptée, mais que je ne renonce pas à présenter de nouveau un jour.
Ce pourrait d’ailleurs être l’un des effets pervers de cet article que de rendre les stages plus « rentables » pour un employeur que l’emploi d’une personne handicapée. En effet, cet employeur pourrait non seulement l’intégrer dans ses effectifs et réduire sa contribution à l’AGEFIPH, mais, de plus, la payer bien moins cher qu’un salarié.
Faut-il vous rappeler qu’aux termes de la loi pour l’égalité des chances seuls les stages de plus de trois mois sont obligatoirement rémunérés et qu’ils sont exonérés de cotisations sociales jusqu’à 30 % du SMIC, c’est-à-dire environ 350 euros – cela figure dans le décret –, somme qui constitue dans de nombreuses entreprises la gratification maximale ?
Comment pourrions-nous accepter une telle disposition ?
Cela reviendrait, de notre part, à accepter que des entreprises puissent échapper à la cotisation AGEFIPH en embauchant des stagiaires susceptibles de remplacer les salariés permanents, mais en les payant avec un lance-pierre, c’est-à-dire, dans le cadre de stages de plus de trois mois, à hauteur de 350 euros seulement par mois ! Ce serait une anomalie du point de vue tant des personnes handicapées que des stagiaires.
De plus, nous ne voyons pas ce qui pourrait justifier la différence de traitement entre les stagiaires handicapés, qui entreraient dans le calcul des effectifs de l’entreprise, et les stagiaires non handicapés qui n’y entreraient pas, sinon, de la part des employeurs, la volonté de ne pas dépasser les fameux seuils déclencheurs imposant, par exemple, la mise en place d’un comité d’entreprise.
Nous pensons sincèrement que cet article 13 bis risque de porter préjudice aux personnes handicapées, qu’il va à l’encontre de la nécessaire évolution des stages et, en outre, qu’il s’agit d’un cavalier. Nous aurions donc tout intérêt, monsieur le haut-commissaire, à le supprimer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 211.
Mme Annie David. Je souscris tout à fait aux propos de notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
Notre amendement n° 211 vise également à supprimer l’article 13 bis, car nous ne pouvons accepter que, au détour d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale – rappelons que cette disposition ne figurait pas dans le texte initial ! –, soit introduite dans le projet de loi une disposition aussi importante pour nos concitoyens atteints d’un handicap. Nous considérons en effet que cet article offre aux employeurs un moyen supplémentaire d’échapper à l’obligation légale qui leur est faite d’embaucher des personnes handicapées.
Jean-Pierre Godefroy a longuement expliqué sa position. Je ne reprendrai pas ses propos, mais je tiens à dire que cette disposition nous semble très choquante.
L’auteur de cet amendement a expliqué en séance publique, à l’Assemblée nationale, que les associations de défense des handicapés avaient réclamé cette intégration des stagiaires handicapés, à hauteur de 2 %,...
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Plafonnés à 2 % !
Mme Annie David. ... dans les effectifs de travailleurs handicapés, au motif que ces jeunes gens auraient des difficultés à trouver des stages.
Là encore, il s’agit d’un détournement de la loi, une fois de plus au détriment des personnes les plus fragiles.
Nous savons tous quelles difficultés rencontrent les travailleurs handicapés pour trouver un emploi dans quelque entreprise que ce soit. Or, désormais, on va accepter que les jeunes handicapés rencontrent les mêmes difficultés pour obtenir de simples stages. La seule solution que l’on propose, c’est la suppression de fait de l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés, puisque les employeurs pourront intégrer dans ces 6 % jusqu’à 2 %, des jeunes stagiaires sous prétexte qu’ils sont handicapés. Cette mesure est choquante et méprisante à l’égard des personnes handicapées !
M. le président. L’amendement n° 314, présenté par Mme Bernadette Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 5212-7 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Ce stage, quand il répond aux conditions fixées par l'article 9 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, ne peut avoir une durée inférieure à quatre mois.
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 105 et 211.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. J’ai beaucoup défendu le monde du handicap et je suis très embarrassée. Même si je dois reconnaître que ce n’était pas le moment idéal pour soulever la question, je ne vois moi, dans la disposition votée à l’Assemblée nationale, contrairement à Mme David, aucune offense faite aux personnes handicapées dans cet article qui tend à leur proposer, en priorité, des stages. Pour avoir embauché des personnes handicapées dans ma mairie, je sais combien il peut être compliqué de les accueillir, dans le cadre ou non d’un stage, car il faut parfois aménager les postes de travail ou former les personnes chargées de les recevoir dans leur service. Cela représente un effort supplémentaire à tous les niveaux.
Le fait que ces personnes handicapées stagiaires entrent dans le quota des 6% ne me gêne pas non plus, dans la mesure où le taux d’emploi a été plafonné à 2 %.
En revanche, je peux comprendre mes collègues lorsqu’ils disent craindre que cette disposition n’exonère à bon compte les employeurs de leur obligation d’emploi.
Je souhaite, pour ma part, que l’on propose aux personnes handicapées des stages d’une durée minimale de quatre mois.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela ne donnera rien !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. M. le haut-commissaire a rappelé que l’on n’accédait aux droits qu’au-delà d’une durée d’activité de quatre mois. Je suggère également que les stages ne puissent être d’une durée inférieure, afin que les personnes handicapées puissent avoir accès aux droits, ce qui semble par ailleurs moins désobligeant à leur égard.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai bien entendu les propos des uns et des autres. Un rappel s’impose.
Lors de la préparation de la première Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008, des discussions ont eu lieu avec les associations de défense des personnes handicapées, qui ont souhaité que l’ensemble des stages – et non plus une partie, comme c’est actuellement le cas – soient pris en compte dans l’obligation d’emploi. M. le Président de la République en a pris alors l’engagement devant les acteurs du handicap. Cette disposition ne vient donc pas contrarier une demande des représentants des personnes handicapées.
Le stage est en effet une bonne manière d’entrer dans le monde de l’entreprise, de commencer à travailler. Il s’agit d’une mesure pragmatique.
Mme Raymonde Le Texier. Les bac + 5 aussi ont du mal à trouver du travail !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je vous dis ce qu’il en est, madame Le Texier !
Les discussions engagées avec les associations représentatives des personnes handicapées sont souvent âpres. Elles n’ont pas l’habitude d’approuver des mesures qui ne leur conviennent pas ! En l’occurrence, elles ont approuvé cette proposition, car elles la jugeaient positive, et ont souhaité qu’elle figure parmi les mesures annoncées à l’issue de la Conférence nationale du handicap. Le Président de la République leur a donné satisfaction, et M. le président de la commission des affaires sociales, qui était présent le 10 juin, peut en témoigner.
Je conviens avec vous que cette mesure n’a pas de lien direct avec les autres dispositions du projet de loi. Mais il se trouve que celui-ci était le seul texte à vocation sociale et traitant des problèmes d’insertion auquel elle pouvait se raccrocher d’ici à la fin de l’année. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a donné un avis favorable sur cet amendement déposé à l’Assemblée nationale.
Ayant moi-même évoqué la durée de quatre mois ouvrant l’accès aux droits, je suis prêt à émettre un avis favorable sur la rédaction proposée par Mme le rapporteur, car il s’agit d’une approche positive de la question. En privilégiant les stages d’une durée minimale de quatre mois, on évite que les stagiaires ne fassent qu’entrer et sortir des entreprises.
Il convient donc de resituer cette mesure dans son contexte et par rapport aux enjeux de l’obligation d’emploi de personnes handicapées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne sais pas s’il s’agit d’une directive du Président de la République. En tout état de cause, il est dommage que nous ne puissions pas nous en expliquer avec lui…
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n’est pas une critique, monsieur le haut-commissaire, mais j’aimerais être certain que l’on ne se méprend pas sur les risques que cette disposition lourde de conséquences fait peser sur les stagiaires handicapés.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que la demande émane de toutes les associations. Je crois qu’elle vient de l’AGEFIPH, mais pour le milieu éducatif, très spécialisé donc, raison pour laquelle j’ai insisté tout à l’heure sur les distorsions qui sont déjà constatées par rapport à l’éducation nationale.
Je crains que l’on ne mette le doigt dans un engrenage périlleux. Tout le monde le sait, certaines entreprises et branches professionnelles, que j’ai déjà citées lorsque nous avons abordé le thème ici, fonctionnent exclusivement avec des stagiaires pour éviter d’avoir à employer des salariés à temps plein. Et l’on veut maintenant faire entrer dans ce système, qui place déjà dans une situation dramatique les stagiaires valides, des personnes handicapées, qui plus est en « subventionnant » -elles seront exonérées des cotisations à l’AGEFIPH les entreprises qui prendront comme stagiaires des personnes handicapées et qui les feront désormais « tourner » comme elles font « tourner » les stagiaires valides ?
À cet égard, je m’interroge d’ailleurs sur les effets de l’amendement de la commission des affaires sociales : la fixation de la durée minimale du stage à quatre mois part certainement d’un bon sentiment, madame Dupont, mais cela ne signifie-t-il pas tout simplement trois mois non payés et un seul mois à 350 euros, puisqu’il n’y a pas d’obligation de rémunération en dessous de trois mois ?
Tout cela mérite attention.
Tout à l’heure, plusieurs dispositions ont été renvoyées à la réflexion. Pourquoi ne pas faire de même avec celle-ci, d’autant que nous allons examiner d’autres textes sociaux qui pourront nous servir de véhicules législatifs?
Je n’en fais pas du tout un problème politicien : je tiens seulement à vous alerter, monsieur le haut-commissaire, car je suis persuadé que nous sommes en train de commettre une grave erreur. Nous nous en mordrons les doigts, mais ce sont surtout les personnes handicapées qui en pâtiront, car elles vont être extrêmement défavorisées.
Les entreprises prendront, peut-être, une ou deux personnes handicapées comme stagiaires, mais, je le répète, ce sera pour les faire « tourner » comme les autres stagiaires : il n’y aura pas de fixation dans l’emploi, et la situation des personnes sera encore pire !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je tiens à dire que je ne comprends pas les arguments que l’on nous oppose.
En premier lieu, madame Dupont, il n’est nulle part précisé que les personnes handicapées auront priorité sur les autres pour l’accès aux stages.
En deuxième lieu, alors que les salariés en CAE et en CIE – nous venons d’en débattre – ne sont pas comptés dans les effectifs des entreprises au regard des seuils, notamment le seuil à partir duquel un comité d’entreprise doit être créé, ici, au regard de l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés, on prend en compte, à hauteur de 2 %, des stagiaires qui, comme tels, ne font même pas partie de l’effectif de l’entreprise ! C’est une injustice à l’encontre de ces stagiaires.
En troisième lieu, vous nous dites, monsieur Hirsch, qu’il s’agit d’un engagement du Président de la République. On peut dès lors regretter que la traduction de cet engagement n’ait été introduite dans une loi que par amendement d’un député ! Peut-être auriez-vous pu vous-même porter l’amendement du Président de la République, puisque vous êtes dans son Gouvernement.
Si vous nous aviez expliqué les choses et si vous aviez pris le temps d’organiser un peu plus correctement la concertation avec les uns et les autres, la rédaction de cet article aurait pu être aménagée de sorte que le dispositif soit plus correct pour les personnes concernées.
Enfin, je rappelle que Mme Létard, qui travaille depuis déjà longtemps sur ce sujet, doit nous présenter — d’ici peu, nous l’espérons — un rapport relatif, notamment, aux personnes handicapées. Ce rapport, dont la préparation s’accompagne d’une concertation, nous aurait donné l’occasion de véritablement débattre des conditions de travail et de stage des personnes handicapées, contrairement à l’article 13 bis, introduit, sans réelle explication, en séance publique à l’Assemblée nationale dans ce projet de loi généralisant le RSA. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons, chers collègues, de voter sa suppression.