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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 3, du règlement du Sénat.
Monsieur le haut-commissaire, le projet de loi que vous défendez aujourd’hui, et plus particulièrement son article 2, tend à accroître considérablement les pressions sur les bénéficiaires de minima sociaux, afin de les obliger à accepter des miettes d’emplois, peu rémunérées et à temps très partiel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
Mme Odette Terrade. Pour mieux les contraindre à accepter ces offres, vous entendez imposer aux bénéficiaires du RSA les dispositions prévues dans la loi relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi. Ainsi, ils devront accepter toute offre d’emploi, même précarisante, ou faire la preuve qu’ils participent activement à la recherche d’un emploi.
Lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi, mes collègues Guy Fischer et Annie David avaient dénoncé une mesure disproportionnée, qui se traduirait par des pressions insupportables à l’encontre des salariés privés d’emploi. Eh bien, nous y sommes !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas un rappel au règlement ! Nous sommes déjà en train d’examiner l’article 2 !
Mme Odette Terrade. J’ai entre les mains un courrier du directeur de l’Agence nationale pour l’emploi de Villeneuve-Saint-Georges, ville située dans le Val-de-Marne, adressé aux demandeurs d’emploi, qui les prie de bien vouloir participer à un forum sur l’emploi afin d’y rencontrer des agences d’intérim. Il y est précisé : « Au cas où vous ne donneriez pas suite à ce courrier, je serais conduit à ne plus vous considérer comme demandeur d’emploi. »
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme Odette Terrade. Cela appelle, de notre part, deux commentaires et une interrogation.
Premièrement, la politique de culpabilisation et de chasse aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires de minima sociaux que mène le Gouvernement conduira bien, nous en avons la preuve avec ce courrier, à des radiations massives et injustifiées, à seule fin de réduire le nombre de demandeurs d’emploi, et donc le montant des indemnités versées par l’État.
Deuxièmement, si une agence est capable de radier des demandeurs d’emploi au motif qu’ils n’ont pas assisté à une rencontre avec des agences d’intérim, il y a lieu de s’inquiéter de la signification de ce que le Gouvernement appelle une « offre raisonnable d’emploi ». Cela confirme l’analyse de notre groupe : il s’agit de contraindre les personnes en situation de grande précarité à accepter toute offre d’emploi !
Enfin, monsieur le haut-commissaire, je souhaiterais que vous puissiez répondre à la question suivante.
Nous avons la démonstration du danger que représente le dispositif contraignant imposé aux demandeurs d’emploi. Or, avec le texte dont nous entamons l’examen, cette politique sera généralisée et affectera des publics parfois très éloignés de l’emploi. Au vu de tous ces éléments, ne pensez-vous pas qu’il serait déraisonnable d’étendre ces mécanismes de sanction aux bénéficiaires du RSA ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. Madame Terrade, il ne s’agit pas là d’un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais si ! Nous parlons du Val-de-Marne !
M. le président. Vous interprétez de manière abusive l’article 36, alinéa 3, du règlement, ce qui m’étonne quelque peu de votre part. Je vous demande donc de ne pas renouveler ce type d’intervention, sinon je serais obligé de vous interrompre.
La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je ne voudrais pas que cette intervention reste sans réponse, même si nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet au cours du débat.
Madame Terrade, vous nous prêtez des arrière-pensées que nous n’avons pas. Ces dernières années, nombre d’allocataires de minima sociaux ont vu se fermer devant eux les portes du service public de l’emploi, parce qu’on les considérait comme incapables de travailler. Les dispositions que nous présentons visent à corriger cette situation, car ce que ces personnes demandent, c’est que les portes s’ouvrent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous niez la réalité !
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Voilà ce que nous nous attachons à faire avec les conseils généraux expérimentateurs, en partenariat avec l’ANPE.
Par ailleurs, les faits auxquels vous vous référez ne sont pas du tout la conséquence de l’entrée en vigueur de la loi relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi. En effet, ses décrets d’application ne sont pas encore parus ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne faites que des discours !
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Revenu de solidarité active
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur. (M. Paul Blanc applaudit.)
Mme Bernadette Dupont, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un sujet essentiel, puisqu’il touche à la condition humaine.
La volonté du Président de la République, Nicolas Sarkozy, de réduire la pauvreté d’au moins un tiers d’ici à 2012 n’est pas à mettre en doute.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Le choix de votre personne, monsieur le haut-commissaire, pour mener l’élaboration de ce texte à son terme et aboutir à une application à partir de l’été 2009 en est la preuve.
M. Guy Fischer. Alibi !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Chacun connaît votre engagement de longue date auprès des plus démunis.
À cet instant, il me paraît difficile de ne pas évoquer les belles figures de l’abbé Pierre et de sœur Emmanuelle, qui vient de disparaître, grands témoins, pour le XXe siècle, de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je vais sans doute provoquer des réactions sur les travées de gauche, mais j’ai une confidence à vous faire, mes chers collègues : ils ont marqué ma jeunesse. L’abbé Pierre, par son appel de l’hiver de 1954, auquel nous sommes sans doute peu nombreux ici à avoir répondu,…
M. Guy Fischer. Nous étions un peu jeunes !
M. Gérard Longuet. L’abbé Pierre fut député de Meurthe-et-Moselle !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. … sœur Emmanuelle, en raison de l’éducation que j’ai reçue au sein de la congrégation de Notre-Dame de Sion. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Rassurez-vous, j’arrête là mes confidences !
Monsieur le haut-commissaire, vous travaillez sur un projet de RSA depuis 2005, et je sais que mes collègues Henri de Raincourt, Michel Mercier, Bernard Seillier et Valérie Létard ont utilement contribué à la réflexion.
Dès 2007, les départements ont commencé à expérimenter le RSA. Le 27 mai 2008, le Grenelle de l’insertion a rendu ses conclusions.
La concertation, qui impliquait les acteurs intéressés par la réforme, a suscité une large adhésion de tous les participants : partenaires sociaux, associations et organismes concernés par l’insertion.
Aujourd’hui, il convient de généraliser le RSA, dont l’objet « est de réconcilier le travail et la solidarité, de réduire la pauvreté en se fondant sur le socle le plus précieux : le travail, donc la dignité ». J’ajoute que le demandeur du RSA sortira du cadre d’un statut pour que ses droits soient considérés en fonction de ses revenus et de sa situation familiale.
C’est résolument qu’il nous faut regarder vers l’avenir, car gémir sur le présent n’est pas constructif. La généralisation du RSA est le fruit d’une démarche innovante, dont l’intérêt compense la rapidité et l’urgence avec lesquelles nous devons examiner et adopter, je l’espère, en toute responsabilité et en toute solidarité, ce beau projet de loi, même si des critiques ont été formulées, que vous connaissez et dont nous reparlerons.
Je souhaite aussi saluer le travail réalisé à l’Assemblée nationale, en particulier par les deux rapporteurs du projet de loi, MM. Marc-Philippe Daubresse et Laurent Hénart, qui a permis d’améliorer de manière substantielle le texte initial du Gouvernement.
Ce projet de loi comporte trois volets.
Le premier est consacré à la généralisation du RSA et à la réforme des droits connexes.
Le deuxième prévoit une nouvelle organisation de la gouvernance territoriale des politiques d’insertion.
Enfin, le troisième tend à créer un contrat unique d’insertion et à assouplir les conditions de mise en œuvre des contrats aidés.
La généralisation du RSA constitue, à n’en point douter, un changement de perspective, puisqu’elle place au cœur de notre système de solidarité l’insertion sociale et professionnelle, au même titre que la lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
En effet, le RSA a vocation à remplacer le RMI et l’API, l’allocation de parent isolé, et à être étendu aux travailleurs pauvres, disposant de revenus faibles au regard des charges du foyer. Il s’agit donc d’une approche tout à fait nouvelle, consistant à prendre en considération non plus le statut de la personne en tant qu’allocataire de tel ou tel minimum social, mais le montant de ses revenus, ce qui garantit une plus grande équité dans le fonctionnement du dispositif de solidarité. Vous l’avez dit, monsieur le haut-commissaire, il concernera environ 3,5 millions de personnes, toutes catégories confondues.
Rappelons-le, l’objectif est triple : assurer aux bénéficiaires des moyens convenables d’existence, inciter à l’exercice d’une activité professionnelle et lutter contre la pauvreté des personnes en situation d’emploi précaire.
Pour encourager le retour au travail, le RSA autorisera un mécanisme de cumul durable d’une fraction des revenus professionnels avec l’allocation. En conséquence, et c’est là un élément déterminant, chaque heure supplémentaire travaillée entraînera obligatoirement une augmentation de revenu. Nous savons bien que tel n’est pas systématiquement le cas aujourd’hui pour les bénéficiaires de minima sociaux, en raison des droits connexes, nationaux et locaux, et des coûts liés à la reprise d’activité. Ces points avaient bien été mis en évidence, dès 2005, par le groupe de travail sur les minima sociaux de la commission des affaires sociales.
Les esprits sont donc mûrs pour cette réforme du système de solidarité. On peut néanmoins s’étonner, même si l’on comprend les motifs qui vous ont conduit à agir vite, qu’elle intervienne avant 2010,…
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. … terme des expérimentations du RSA menées actuellement dans une trentaine de départements au profit des seuls allocataires du RMI et de l’API.
M. Guy Fischer. Nous sommes d’accord !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Cela étant, vous l’avez souligné, les premiers résultats sont encourageants, et le RSA suscite une large adhésion, au-delà des clivages idéologiques. L’ensemble des associations d’insertion, les organisations syndicales, patronales et de salariés, que j’ai auditionnées reconnaissent la pertinence de ses principes de fonctionnement.
Il est incontestable que le RSA améliorera notre système de solidarité. Que peut-on en attendre ?
Premier progrès, il permettra une simplification de ce système, puisqu’il se substituera à l’API, au RMI, aux primes forfaitaires d’intéressement et à la prime de retour à l’emploi, qui sera remplacée par une aide de retour à l’emploi facultative, attribuée « sur mesure » par le référent, c’est-à-dire la personne qui accompagnera l’allocataire.
Deuxième progrès, il engendrera une plus forte incitation à la reprise d’activité et amènera la suppression des « trappes à inactivité », grâce à l’extension du RSA aux travailleurs pauvres et au cumul, sans limitation de durée, de la prestation avec les revenus d’activité. Je précise tout de même que, à partir d’un certain seuil, l’allocation sera supprimée, puisque chaque cas sera étudié individuellement et qu’il sera tenu compte des revenus du bénéficiaire.
Troisième progrès, et non des moindres, il instaurera un peu plus d’équité entre bénéficiaires des minima sociaux et travailleurs pauvres, grâce à l’attribution des droits connexes nationaux. Je pense à l’exonération de la taxe d’habitation ou de la redevance audiovisuelle et à l’attribution de la CMU complémentaire en fonction non plus du statut d’allocataire, mais des ressources et de la composition du foyer. Nous savons combien nos concitoyens sont attachés à la justice en ce domaine.
Relève d’ailleurs de la même préoccupation la logique des droits et devoirs, qui s’appliquera désormais aux personnes en insertion professionnelle ou sociale. Celles-ci devront respecter leurs engagements contractuels pour percevoir le RSA.
Enfin, dernier atout, le texte tend à instituer un système pragmatique d’orientation et d’accompagnement personnalisé vers l’emploi, accessible à tous les bénéficiaires du RSA, alors qu’aujourd’hui deux tiers des allocataires du RMI et de l’API n’ont pas accès au service public de l’emploi, n’étant pas inscrits à l’ancienne ANPE, devenue le Pôle emploi depuis sa fusion avec l’ASSEDIC, l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce.
Toutes ces mesures constituent d’indéniables améliorations par rapport au système actuel, mais elles ne sont pas dénuées de risques ou d’effets pervers. J’ai en effet plusieurs inquiétudes.
La première provient des perspectives difficiles qui se profilent sur le marché de l’emploi, du fait de la crise économique et financière actuelle, dont personne ne sait exactement, aujourd’hui, quelles seront les conséquences, l’ampleur et la durée. Ce contexte exigera de tous des efforts redoublés en matière d’accompagnement et de formation, et nécessitera une évaluation du dispositif, que je souhaite rapide et régulière.
Il existe aussi un risque de précarisation durable des emplois, car le versement du RSA sans limitation de durée peut aboutir, et ce n’est pas l’objectif, à maintenir les allocataires dans des emplois à temps partiel, voire très partiel. Nous proposerons des mesures pour limiter ce risque.
Je me dois également d’aborder la question du financement, qui sera reprise par M. Éric Doligé.
Le financement doit être partagé entre les départements et l’État au travers d’un nouveau fonds, le fonds national des solidarités actives, ou FNSA.
Le coût global du dispositif, estimé à 10 milliards d’euros, nécessitera un effort supplémentaire de l’État de 1,5 milliard d’euros, financé grâce à la fameuse contribution additionnelle de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et des placements, qui ne sera peut-être pas sans conséquence pour les ménages de la classe moyenne, dont les placements immobiliers ou financiers complètent souvent utilement les revenus au moment de l’arrivée à l’âge de la retraite.
Nous avons également évoqué, en commission, les effets du bouclier fiscal, et je me doute que cette question sera largement débattue.
Il me semble néanmoins que la solution retenue par l’Assemblée nationale améliore le dispositif initial. Celle-ci a, en effet, adopté une mesure de plafonnement des niches fiscales et décidé que les 150 millions à 200 millions d’euros qui seront ainsi récupérés viendront réduire le taux de cette nouvelle contribution.
Je souhaite, pour ma part, que l’efficacité du dispositif que vous présentez, monsieur le haut-commissaire, permette la diminution rapide des prélèvements nécessaires à son financement. Parallèlement, l’amélioration de la conjoncture permettra peut-être, en tout cas je l’espère, de dégager des économies budgétaires et de les redéployer au profit du RSA.
Il faudra par ailleurs veiller à ne pas voir ce prélèvement de 1,1 % s’installer subrepticement et s’accroître par petites étapes. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, je veux insister sur la nécessité de voir le service public de l’emploi, en particulier le nouveau Pôle emploi, se mettre rapidement en ordre de marche pour honorer sa mission d’accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires du RSA, dans un contexte économique particulièrement difficile.
La réussite de cette réforme repose, en effet, sur l’efficacité de l’accompagnement et sur la capacité du nouvel opérateur à soutenir des publics qu’il n’a pas eu l’occasion d’accueillir dans le passé. Nous espérons avoir des garanties en la matière, en particulier à l’occasion de la signature de son futur cahier des charges.
Avant d’aborder le deuxième volet du texte, je souhaitais évoquer plusieurs questions qui ne sont pas tranchées : je pense à la situation particulièrement préoccupante des jeunes, ainsi qu’à celle des bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, et de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Ceux-ci ne sont pas pris en compte dans le dispositif général, même si le projet de loi de finances pour 2009 prévoit un mode de cumul avantageux des revenus d’activité avec l’AAH et si vous avez annoncé la semaine dernière un futur fonds d’expérimentation consacré aux problèmes d’emploi des jeunes.
Il ne faut pas éluder ces questions, c’est pourquoi je ferai des propositions visant à préparer les étapes suivantes et à apprécier l’opportunité de certaines mesures qui font l’objet de débats.
J’en viens au deuxième volet du projet de loi, qui réorganise la gouvernance des dispositifs d’insertion à l’échelle territoriale.
Le programme départemental d’insertion, le PDI, définira à l’avenir la politique départementale d’accompagnement social et professionnel. Le lien actuel entre la mise en œuvre du RMI et la politique des départements en matière d’insertion est ainsi dénoué.
Le projet de loi incite par ailleurs les partenaires de l’insertion à conclure un pacte territorial pour l’insertion associant au département tous ceux qui sont appelés à participer à la mise en œuvre du PDI, à commencer par l’État.
La commission est favorable à ces pactes, dont elle souhaite renforcer l’efficacité en prévoyant explicitement l’association du monde économique et des partenaires sociaux à leur élaboration, puisque l’insertion passe par le retour à l’emploi.
Par ailleurs, le texte rationalise et harmonise les dispositions législatives applicables à l’insertion par l’activité économique. Il prévoit d’étendre, par exemple, aux ateliers et aux chantiers d’insertion les aides au poste actuellement attribuées par l’État aux entreprises d’insertion et aux entreprises de travail temporaire d’insertion.
Il prévoit aussi de créer, pour l’emploi des salariés en structure d’insertion par l’activité économique, un contrat à durée déterminée d’insertion, le CDDI, dont le contenu est largement aligné sur celui des autres contrats aidés.
Ainsi, sera facilitée la transition entre les structures d’insertion par l’activité économique et des formes d’emploi plus proches du droit commun.
Je signalerai, au passage, l’article inséré par l’Assemblée nationale créant un statut juridique pour les personnes accueillies dans des organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires. Il s’agit essentiellement des communautés Emmaüs. J’approuve cette disposition élaborée en coordination avec les intéressés, qui correspond bien aux besoins des usagers de ces organismes.
Enfin, le dernier volet du projet de loi, conformément en cela aux conclusions du Grenelle de l’insertion, est consacré à la simplification et à l’harmonisation du régime des contrats aidés.
Les quatre contrats aidés existants sont ramenés à deux : le contrat d’accompagnement dans l’emploi, le CAE, pour le secteur non marchand, et le contrat initiative-emploi, le CIE, pour le secteur marchand. Le contrat d’avenir et le contrat d’insertion-RMA sont donc supprimés. (M. Jean Desessard s’exclame.) Les deux contrats maintenus, dont le contenu est très largement homogénéisé, apparaissent comme les deux volets du contrat unique d’insertion, le CUI, qui leur offre un cadre juridique commun.
La commission a soutenu cette mesure de simplification, qui répond aux très nombreuses critiques soulevées, par le passé, contre l’excessive diversité des contrats aidés. Ici encore, simplification et harmonisation permettront aux prescripteurs des contrats, aux employeurs et aux salariés eux-mêmes de mieux s’orienter dans les méandres de la réglementation.
J’approuve tout spécialement cette évolution, car une bonne visibilité des dispositifs paraît essentielle au moment où le rebond du chômage rend nécessaire la mobilisation optimale de l’ensemble des instruments disponibles.
C’est dans le même esprit que le Gouvernement présentera un amendement reportant au 1er janvier 2010 la mise en œuvre des dispositions créant le contrat unique d’insertion. Nous ne pouvons que partager cette volonté de pragmatisme et approuver l’attention aux réalités de terrain que traduit ce report.
Une autre innovation vaut la peine d’être signalée : la convention individuelle conclue entre l’employeur et le prescripteur du contrat devient tripartite. Le bénéficiaire du contrat devra désormais la cosigner et sera ainsi associé à la définition des termes de la convention et des engagements qui y sont associés.
À côté de la simplification et de la responsabilisation, les mots d’ordre qui ont guidé la rédaction des dispositions relatives aux contrats aidés ont été le meilleur accompagnement des bénéficiaires et la souplesse des instruments.
L’Assemblée nationale a déjà apporté des améliorations en ce sens ; je souhaitais en proposer d’autres, notamment la possibilité d’allonger la durée maximale des contrats aidés quand ils sont à durée déterminée, afin que les publics les plus fragiles puissent bénéficier, dans des conditions strictement encadrées, d’ajustements de durée susceptibles de rendre effective leur réinsertion professionnelle.
Or, nos amendements ont été déclarés irrecevables, en application de l’article 40 de la Constitution.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Fort heureusement, le Gouvernement en a repris la substance dans une version plus restrictive, mieux ajustée, sans doute, que la nôtre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ça, le renforcement des droits du Parlement !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Nous devrions donc progresser sur ce point.
Enfin, je ne peux en terminer avec les contrats aidés sans évoquer le travail remarquable effectué, en matière d’accompagnement, par les associations d’employeurs de personnes en contrat aidé. Nous y reviendrons dans le cours du débat.
Je suis convaincue que ce texte, qui a emporté dans une très large mesure l’adhésion des acteurs associatifs et institutionnels, constitue une étape essentielle de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion dans notre pays. Je m’en félicite et vous invite, mes chers collègues, à l’adopter, sous réserve des amendements que je vous présenterai.
J’ajoute que ces mesures redonneront à des Françaises et à des Français un espoir, souvent battu en brèche, la confiance en eux et la dignité. Nous devons donc tous concourir, solidairement, à la réussite du RSA. Le combat sera difficile : il faut le mener avec détermination et optimisme !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La pente est rude !
Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Pour conclure, je citerai une phrase de Charles Péguy qui me tient à cœur : « L’espérance voit et aime ce qui n’est pas encore et qui sera tout. Elle fait marcher le monde. » Je vous remercie de partager cette espérance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Éric Doligé, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le haut-commissaire, j’espère que l’examen de ce texte ne sera pas pour vous l’occasion de voir se vérifier l’adage selon lequel on n’est jamais mieux trahi que par les siens ! (Sourires.)
Notre collègue Bernadette Dupont ayant brillamment présenté le projet de loi qui nous est soumis, je n’entrerai pas dans le détail de ses dispositions. Je me concentrerai sur les éléments ayant retenu l’attention de la commission des finances.
Celle-ci s’est efforcée, d’une part, de mettre en perspective les enjeux budgétaires et fiscaux liés à la généralisation du revenu de solidarité active, d’autre part, de rappeler la position exprimée par notre collègue Auguste Cazalet, et suivie par le Sénat, lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Michel Mercier renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion.
M. Guy Fischer. Et voilà, le contrôle comptable !
M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Je rappelle que le coût total du RSA est évalué à 9,75 milliards d’euros –6,5 milliards d’euros pour le RSA « de base » et 3,25 milliards d’euros pour le RSA « chapeau » –, mais qu’il ne s’agit pas là du surcoût de cette réforme, estimé à 1,5 milliard d’euros. Ce surcoût, il convient de le souligner, résulte exclusivement du RSA « chapeau ».
Au total, 3 millions de personnes devraient bénéficier du RSA, dont 2 millions du RSA « chapeau ».
Le financement de cette nouvelle prestation, qui se substitue au RMI et à l’API, ainsi qu’aux mécanismes d’intéressement qui leur sont liés, sera partagé entre les départements et un fonds ad hoc, le fonds national des solidarités actives.
Les départements prendront ainsi en charge le RSA « de base », dont les bénéficiaires correspondent exactement aux actuels bénéficiaires du RMI et de l’API.
Le surcoût par rapport aux actuelles dépenses de RMI doit être intégralement compensé par l’État, de sorte que le coût net du RSA devrait être nul pour les départements.
Ce principe posé, je souhaite faire plusieurs observations sur le dispositif de compensation retenu pour ce que le projet de loi qualifie d’« extension de compétences ».
En 2009, la compensation se fera sur la base des dépenses engagées par l’État en 2008. Elle ne représentera que la moitié de la charge annuelle nouvelle supportée par les départements, parce que les conseils généraux ne paieront le RSA qu’à partir de juillet 2009.
En 2009, l’État compensera ainsi aux départements le montant de l’API versé par l’État en 2008, déduction faite du coût des dispositifs d’intéressement liés à l’API, qui ne sont pas transférés aux départements, et du coût des dispositifs d’intéressement liés au RMI, qui ne seront plus à la charge des départements.
Le montant de la compensation est donc estimé à la moitié de la charge annuelle, soit 322 millions d’euros.
Il est prévu, par ailleurs, que le montant de cette compensation soit corrigé par la loi de finances rectificative pour 2009, une fois les dépenses réellement engagées par l’État en 2008 définitivement connues.
Je présenterai un amendement visant à ce que la compensation définitive des charges nouvelles assumées par les départements en 2009 se fasse non pas au vu des dépenses engagées par l’État en 2008, mais sur la base des dépenses réellement constatées dans les comptes administratifs des départements en 2009, afin que la compensation soit la plus juste possible.
À partir de 2010, la compensation sera ajustée de manière définitive au vu des dépenses réellement constatées dans les comptes administratifs des départements pour l’année 2010. Cet ajustement n’interviendra donc qu’en 2011.
La rédaction initiale du projet de loi ne prévoyait pas de saisine de la commission consultative d’évaluation des charges. Toutefois, l’Assemblée nationale a garanti que l’ensemble des montants servant à la compensation seraient vérifiés par cette instance.
De même, l’Assemblée nationale a complété le projet de loi afin que la compensation par l’État s’opère, à titre principal, par l’attribution d’impositions de toute nature. L’article 18 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit ainsi la compensation par l’attribution d’une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP. Le mode de compensation retenu est donc proche de celui qui sert notamment à compenser aux départements le transfert du RMI. En outre, le mode de compensation du RMI n’est pas modifié par le projet de loi, qui maintient intégralement les dispositions actuellement applicables.
Je suis conscient que ces modalités de compensation peuvent susciter des inquiétudes.
En effet, l’affectation d’une fraction de TIPP fixée de manière définitive en 2011, sans possibilité de modulation par les départements, implique que le montant de la compensation évoluera comme les bases de la TIPP.
Cette inquiétude est d’autant plus forte que les nouvelles charges du département correspondent, d’après le projet de loi, à une extension des compétences existantes, et non à un transfert de compétences. Il n’existe donc pas de garantie constitutionnelle du niveau de la compensation. En clair, à la différence de ce qui avait été mis en place lors de la décentralisation du RMI, le texte initial du projet de loi prévoyait que, si l’assiette de la TIPP diminuait, le montant affecté aux départements diminuerait également.
Pour faire face à ce problème, l’Assemblée nationale a adopté un amendement garantissant le maintien du niveau de la compensation en cas de diminution du produit de la TIPP. Je vous présenterai, en complément, un amendement de précision prévoyant la même garantie en cas non seulement de diminution, mais également de disparition de la fraction de TIPP transférée.
Enfin, et toujours afin de garantir que la compensation s’effectuera dans les conditions les plus justes possible, je vous soumettrai un amendement tendant à préciser que les dispositions réglementaires relatives aux nouvelles compétences prises en charge par les départements seront édictées à droit constant. L’objectif est d’assurer que le coût des compétences transférées aux départements soit égal au montant auparavant pris en charge par l’État.
Si l’on ajoute à ces assurances celles qui sont apportées par l’intervention périodique de la commission consultative d’évaluation des charges, le projet de loi offrira aux départements d’importantes garanties d’être compensés intégralement de cette extension de compétences.
Le RSA « chapeau » sera, quant à lui, financé par le fonds national des solidarités actives, créé pour l’occasion. Il sera alimenté par deux types de recettes, à savoir, d’une part, des contributions sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, et, d’autre part, une subvention de l’État destinée à assurer son équilibre.
L’assiette des contributions affectées, qui prennent la forme de contributions additionnelles aux prélèvements sociaux de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, est identique à celle de la CSG sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. Leur taux est fixé à 1,1 %, ce qui porte le taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement de 11 % à 12,1 %.
Le rendement de ces contributions est évalué à 1,43 milliard d’euros pour 2009. Toutefois, cette évaluation me semble fragile, compte tenu de la crise financière actuelle.
Je signale que ces contributions sont incluses dans le bouclier fiscal, ce qui est cohérent, dès lors que la CSG, la CRDS – la contribution pour le remboursement de la dette sociale –, le prélèvement social de 2 % et la contribution de solidarité pour l’autonomie entrent également dans son champ. D’après les éléments fournis par le M. le haut-commissaire, le montant remboursé aux ménages en raison de l’inclusion de ces contributions dans le bouclier fiscal devrait s’élever à 40 millions d’euros, dont 13 millions d’euros pour les ménages aux revenus les plus faibles et 27 millions d’euros pour les ménages aux revenus les plus élevés.
Ce point a toutefois suscité de nombreux débats à l’Assemblée nationale, qui a adopté quelques amendements pour définir un nouvel équilibre global. Elle a précisé que le taux de ces contributions ne pourrait excéder 1,1 %, la portée de cet ajout étant essentiellement symbolique. Elle a également prévu que ce taux serait diminué au vu de l’effet du plafonnement global des niches fiscales devant être institué par la loi de finances de 2009, comme cela nous a été rappelé tout à l’heure.
À ce stade, il est difficile de porter une appréciation sur les conséquences possibles de ces différentes mesures, car elles dépendront des choix effectués lors de l’examen du projet de loi de finances.
Monsieur le haut-commissaire, vous avez évoqué, devant la commission des affaires sociales, un surcroît de recettes lié au plafonnement des niches fiscales de 150 millions à 200 millions d’euros, permettant de réduire le taux de la taxe à 0,95 % ou à 1 %.
À cet égard, je voudrais formuler une observation. Ces prévisions d’économies sont très supérieures au chiffrage présenté lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2006, qui prévoyait l’instauration d’un mécanisme très complexe de plafonnement de certains avantages fiscaux. À cette époque, le rendement attendu de la mesure avait été évalué à 50 millions d’euros.
Par ailleurs, deux remarques peuvent être faites sur le mécanisme retenu pour le financement du RSA « chapeau ».
D’une part, le choix de faire porter ces dépenses par un fonds spécifique peut apparaître contestable, dans la mesure où cela contrevient aux principes d’unité et d’universalité budgétaires, et ce alors même qu’il existe un programme dédié à la lutte contre la pauvreté. Selon M. le haut-commissaire, la création de ce fonds résulte toutefois « du choix d’une gestion transparente de l’intégralité des nouvelles dépenses et recettes afférentes à cette réforme », et il convient de rappeler que des précédents existent, notamment le Fonds national d’aide au logement et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
D’autre part, les modalités de financement retenues permettent de se soustraire pour partie à la norme d’évolution de dépenses « zéro volume » qui s’applique à l’État.
Au total, selon le Gouvernement, compte tenu des économies et transferts réalisés par ailleurs, le solde de la réforme pour l’État serait nul.
Le projet de loi contient également plusieurs dispositions à caractère fiscal, portant notamment sur l’articulation entre le RSA et la prime pour l’emploi.
Je vous renvoie sur ce point à mon rapport, étant certain que l’examen des articles nous permettra d’approfondir ces questions. Je tiens simplement à souligner que l’équilibre financier de la réforme qui nous est proposée repose sur une absence d’indexation des seuils et limites de la prime pour l’emploi en 2009 – cela devrait permettre de réaliser environ 400 millions d’euros d’économies –, ainsi que sur l’imputation du RSA « chapeau » sur la PPE, qui devrait engendrer une économie estimée à 700 millions d’euros en année pleine.
Par ailleurs, je présenterai cinq amendements reprenant des dispositions adoptées par le Sénat le 13 mai dernier, lors de l’examen de la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d’insertion, déposée par notre collègue Michel Mercier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)