M. Guy Fischer. Ils ne lâchent pas prise !
M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Notre collègue Auguste Cazalet avait alors mené un travail important, qui avait débouché sur l’élaboration d’un texte consensuel.
Si le RSA se substitue au RMI, il maintient le partenariat départemental existant entre les organismes payeurs que sont les caisses d’allocations familiales et de mutualité sociale agricole et les conseils généraux. Le projet de loi ne reprend pas l’ensemble des dispositions votées par le Sénat au mois de mai dernier. Celles-ci visaient essentiellement à améliorer la connaissance qu’ont les départements des bénéficiaires des minima sociaux. Or, au moment où la Caisse nationale d’allocations familiales refonde ses systèmes d’information pour s’adapter au RSA, il me semble particulièrement opportun de mettre en place ces dispositions. Tel sera donc l’objet des amendements que je vous soumettrai.
Au total, la réforme qui nous est présentée s’appuie sur des expérimentations dont les résultats sont positifs. Elle vise à valoriser le retour à l’emploi, ce que nous devons saluer.
L’équilibre général de la réforme proposée a également paru satisfaisant à la majorité de la commission des finances. Dès lors, sous réserve de ces remarques et des amendements qu’elle présente, la commission des finances a émis un avis favorable sur ce projet de loi.
Pour conclure, monsieur le haut-commissaire, l’aspect financier de la mise en place du RSA constitue un élément essentiel de sa réussite, tant pour les bénéficiaires que pour les financeurs. La contribution financière globale de plus de 9,5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard d’euros nouveaux, doit permettre de favoriser le retour vers l’emploi.
Pour autant, les départements, qui se voient confier une responsabilité étendue, ne doivent pas être pénalisés dans leurs équilibres budgétaires. Nous le savons d’expérience, le transfert des compétences relatives au RMI, à l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, ou à la prise en compte du handicap, que les départements assument fort bien, n’a pas été à la hauteur de ce qui avait été annoncé. En cette période où les recettes décroissent et les charges progressent, il faut veiller à ne pas prendre le risque d’affaiblir un échelon moteur de l’investissement en France.
Je sais que telle n’est pas votre intention. C'est la raison pour laquelle, après l’expérimentation, les départements seront à vos côtés pour relever ce défi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais remercier et féliciter M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté de l’opiniâtreté dont il a fait preuve pendant mille jours avant de venir présenter devant le Sénat le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.
Je souhaite également saluer Mme Bernadette Dupont, rapporteur de la commission des affaires sociales, et M. Éric Doligé, rapporteur pour avis de la commission des finances. Tous deux nous ont parfaitement expliqué les mécanismes du dispositif qui nous est proposé et les bienfaits que nous pourrons en retirer en termes d’emploi et d’insertion.
Mes chers collègues, en tant qu’élu d’un département expérimentateur, la Mayenne, je peux vous confirmer que le RSA, cela marche !
Depuis 2004, les départements assument la compétence relative au revenu minimum d’insertion. En ce qui me concerne, au sein du conseil général dont j’exerce la présidence, j’avais donné comme instruction, au risque de chagriner Mme Terrade, d’orienter tous les allocataires du RMI vers l’activité et, si possible, vers l’emploi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est d’accord !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour autant, lorsque vous entendez un homme ou une femme dont les revenus sont particulièrement modestes vous expliquer que le retour à l’activité entraîne une perte de ressources de 100 euros ou de 200 euros par mois, croyez-moi, votre détermination vacille. Il nous fallait donc un nouvel instrument. Tel est l’objet du revenu de solidarité active.
Monsieur le haut-commissaire, grâce à vous, qui avez su interpréter les critères posés par le législateur, notre département a pu s’engager dans cette voie nouvelle au mois de mars de cette année, et les résultats sont allés au-delà de nos espérances. Aujourd'hui, ce sont pratiquement 700 personnes qui bénéficient d’un contrat de revenu de solidarité active.
Naturellement, des craintes se sont exprimées. Un tel dispositif ne crée-t-il pas un risque d’« optimisation », favorisant le développement du temps partiel ? En fait, selon les premières évaluations qui ont été réalisées, les deux tiers des personnes entrées dans le mécanisme du RSA travaillent plus de vingt-neuf heures par semaine. Ainsi, nous tendons pratiquement vers le temps plein. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Cela étant, je pense que le risque que j’évoquais à l’instant n’est pas absolument nul. C'est la raison pour laquelle, dans le souci de pragmatisme qui est le nôtre, il me semble judicieux de prévoir une évaluation permanente du dispositif, afin de ne pas laisser apparaître des déviations qui tendraient à le détourner de sa vocation.
La substitution du RSA au RMI et à l’API constitue, à mon sens, un bon levier pour faciliter le retour à l’activité, c'est-à-dire à la dignité, de nombre de nos concitoyennes et concitoyens qui se trouvent aujourd'hui dans l’embarras ou dans la difficulté. Au fond, je crois pouvoir affirmer qu’il existe un très large consensus sur les vertus de ce dispositif.
Mme Nicole Bricq. C’est faux ! Nous ne sommes pas d'accord !
M. Guy Fischer. Nous non plus !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes, j’ai bien compris qu’il pouvait exister quelques positions extrêmes (Sourires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), amenant leurs tenants à exprimer des réserves. Mes chers collègues, si vous avez des solutions de remplacement plus efficientes et opérantes,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … et de préférence pas celles qui avaient justifié une interprétation un peu abusive du rappel au règlement par Mme Terrade voilà peu, je pense que le moment est venu de les mettre en débat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au fond, le seul aspect du projet de loi qui suscite un véritable débat concerne le financement du RSA.
Monsieur le haut-commissaire, vous avez rappelé que le nouveau dispositif coûterait 1,5 milliard d’euros et qu’il serait financé par le recours à l’impôt. Nous avons entendu nombre de critiques à cet égard. Je vous l’avoue, toute augmentation d’impôt contrarie mes convictions, mais il n’échappe à personne, ici au Sénat, qu’avant la manifestation de la crise financière en France et en Europe, à la fin du mois de septembre, le Gouvernement avait approuvé en conseil des ministres un projet de loi de finances comportant un déficit prévisionnel de 52 milliards d’euros et un projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoyant un déficit prévisionnel – je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des affaires sociales – d’une dizaine de milliards d’euros. Cela est tout de même significatif, d’autant que ces projets étaient fondés sur une prévision de croissance de 1 % pour 2009, ce qui est devenu incertain aujourd'hui.
Mme Nicole Bricq. À présent, nous en sommes à une prévision de croissance de 0 % !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par conséquent, mes chers collègues, s’il doit y avoir des économies, il me paraît prudent de les affecter non pas au financement du RSA, mais plutôt à la réduction du déficit public. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Je vous propose donc de poser entre nous une convention de sagesse, consistant à gager le financement du RSA.
Peut-être aurions-nous pu imaginer un « recyclage » de la prime pour l’emploi,…
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … qui représente aujourd'hui un coût supérieur à 4 milliards d’euros, distribués à plus de huit millions de foyers fiscaux. Sans doute y a-t-il là une évolution qui a échappé à notre contrôle et qui fait que le dispositif ne répond plus tout à fait aux objectifs visés lors de la mise en place de cette mesure. Mais des voix se sont élevées, à droite comme à gauche, pour s’opposer à un tel recyclage. Des raisons politiques ont ainsi rendu cette solution impossible.
Partant de là, et compte tenu de l’état actuel de nos finances publiques, il est à mon avis totalement irréaliste d’imaginer pouvoir réaliser des économies à concurrence de 1,5 milliard d’euros. Même dans l’hypothèse où la suppression de la redevance audiovisuelle serait suspendue, il faudrait, là encore, affecter les économies ainsi réalisées à la réduction du déficit, mes chers collègues. Je ne doute pas que vous serez nombreux à exprimer ce souhait lorsque nous aborderons l’examen du projet de loi de finances pour 2009.
Il fallait donc trouver une assiette aussi équitable que possible. Vous avez retenu, monsieur le haut-commissaire, les revenus mobiliers, les revenus fonciers, les plus-values, bref, tous les revenus qui ne font pas l’objet de retenues à la source au titre de la CSG. Je pense que vous avez eu raison.
Ceux qui s’indignent en pensant qu’il appartiendra aux plus modestes de payer doivent garder un élément à l’esprit : le livret d’épargne populaire, le livret A et le livret de développement durable seront exonérés de ce prélèvement.
M. Joseph Kergueris. Bien sûr !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point.
Il n’y a pas si longtemps, nous avons exonéré certaines plus-values qui supportaient un impôt de 16 %. Cet impôt-là a disparu. Seuls demeurent maintenant le prélèvement de 11 % correspondant à la CSG, à la CRDS et à quelques cotisations exceptionnelles de protection sociale.
À mon sens, mes chers collègues, les propositions du Gouvernement sont fondées.
Bien entendu, il y a le problème du bouclier fiscal.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le bouclier fiscal est un principe magnifique, surtout dans des phases de baisse des prélèvements obligatoires, mais lorsqu’il faut procéder à une augmentation d’impôts, la question de son application peut revenir comme un boomerang.
En effet, à ce moment-là, on ne manquera pas d’observer que les mieux dotés en revenus n’auront pas à supporter ce supplément d’impôt, puisque le bouclier fiscal les protège.
À la vérité, il faut examiner comment est calculé ce bouclier fiscal. Nos collègues députés ont travaillé sur cette question. J’ai été surpris par leurs observations, mais ils ont vraisemblablement raison.
Au fond, l’application du bouclier fiscal qui était faite est la plus restrictive que l’on puisse imaginer. Autrement dit, on déduisait du revenu l’avantage permis par certaines niches fiscales. Il pouvait ainsi arriver qu’un revenu d’un montant significatif soit réduit à peu si l’on utilisait les voies et moyens de la loi Malraux, des défiscalisations ultramarines, des déficits de location meublée, ou encore d’autres déductions.
Le revenu devenait alors réellement très faible, et 50 % de ce revenu résiduel pouvait représenter peu de choses, ce qui était objectivement très injuste et contraire à l’esprit du bouclier fiscal.
Je proposerai donc à la commission des finances de suivre les propositions des députés pour retenir désormais un véritable revenu de référence, avant prise en compte de tout ce qui relève des niches fiscales, des déductions, des réductions, des abattements exceptionnels, de ce qui fait la singularité de la fiscalité française.
Dès lors, toutes les réserves que l’on pouvait exprimer ici ou là à propos du bouclier fiscal et de l’inclusion de la cotisation de 1,1 % dans ce dispositif vont, je le crois, tomber.
C’est la raison pour laquelle je voterai le texte, enrichi naturellement par les amendements que Mme Dupont et M. Doligé nous proposeront, en s’inspirant des travaux antérieurs du Sénat, en particulier ceux de Michel Mercier –nous avons tous à l’esprit sa proposition de loi tendant à mieux contrôler les mouvements de fonds – ou de Henri de Raincourt.
Monsieur le haut-commissaire, dès lors que vous privilégierez le temps réel dans l’appréciation des revenus des bénéficiaires, il y aura sans doute moins d’indus, et donc moins d’hésitations de la part des gestionnaires départementaux.
Voilà les quelques observations que je souhaitais formuler, afin de témoigner de la confiance que m’inspire ce texte et d’expliquer le vote positif que j’émettrai.
Dans cette période difficile, on peut dire que mobiliser 1,5 milliard d’euros, c’est de la relance ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est M. Joseph Kergueris.
M. Joseph Kergueris. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, voici enfin une réforme structurelle qui cible les véritables insuffisances du système des minima sociaux et des contrats aidés, une réforme qui s’appuie sur une véritable expérimentation dont elle tire les enseignements. En un mot, voici enfin une réforme de l’insertion qui soit digne de ce nom !
Vous l’aurez compris, monsieur le haut-commissaire, votre projet de loi constitue, à nos yeux, une avancée sociale majeure. Pas seulement à nos yeux d’ailleurs car, sur le fond, et cela est révélateur de son importance, votre réforme fait consensus. Je crois en effet pouvoir dire, sans trop me tromper, qu’un texte sur lequel une grande majorité du groupe socialiste de l’Assemblée nationale s’abstient fait consensus…
Lorsque j’évoque le fond de cette réforme, je fais bien évidemment abstraction de la question du financement. Cette dernière est bien entendu capitale et a suscité, à juste titre, de vives polémiques, mais c’est aussi une question qui mérite un traitement distinct de celui du contenu structurel du projet de loi. C’est la raison pour laquelle je laisserai mon collègue du groupe de l’Union centriste Jean Boyer la traiter plus spécifiquement.
Sur le fond, donc, nous appelions de nos vœux depuis longtemps l’avancée portée par ce texte. En effet, depuis de nombreuses années, lutter contre la pauvreté et l’exclusion est pour nous tous une priorité absolue, pour ne pas dire une urgence ! Une fois n’est pas coutume, nous considérons que c’est à juste titre que le Gouvernement a déclaré l’urgence sur ce texte, procédure que l’on a pris l’habitude d’appliquer pour la quasi-totalité des projets de loi. Pour une fois, cela se justifie !
Il y a urgence à agir parce que, après vingt ans d’existence, le RMI ne remplit plus sa double mission.
Il a d’abord failli à sa mission de réinsertion dans l’emploi : en vingt ans, le nombre d’allocataires du RMI est passé de 422 600 à 1 100 000, et le chômage n’a pas cessé de croître ou de stagner.
Il a ensuite failli à sa mission de garantir un minimum vital. En effet, le constat dressé par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale et le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion est plus qu’alarmant. À partir de 1990, soit deux ans après la création du RMI, le taux de pauvreté a cessé de baisser en France et s’est stabilisé autour de 12 % de la population depuis la fin des années quatre-vingt-dix, alors qu’il avait diminué régulièrement depuis les années soixante-dix.
De nos jours, vous nous l’avez dit, monsieur le haut-commissaire, la pauvreté concerne un ménage sur huit, et l’on dénombre de plus en plus de travailleurs pauvres. En outre, le nombre de familles surendettées s’élève à 1 500 000.
Il n’est pas question, bien sûr, de mettre ici au banc des accusés le seul RMI. C’est tout notre système de minima sociaux et de contrats aidés, fait d’un empilement de mesures successives, vecteurs de complexité et d’opacité, fondé sur une logique de statut du bénéficiaire et non de revenus, qui s’est révélé inadapté.
Ce système n’a pas empêché la constitution de trappes à inactivité et à pauvreté. Le phénomène est bien connu, aussi ne m’y étendrai-je pas longuement. Cependant, il n’en est pas moins ahurissant.
Aujourd’hui, en France, un grand nombre d’allocataires du RMI ou de l’API pourraient ne pas avoir intérêt à reprendre un emploi, parce qu’ils n’y ont pas de motivation financière directe, en raison de la nature différentielle des minima en question, et ce malgré les réformes de l’intéressement.
On s’est bien sûr très tôt rendu compte que si la réduction du minimum social atteignait 100 % du revenu du travail dès le premier euro, personne ne sortirait du système.
Le système classique d’intéressement – cumul intégral de l’allocation et du revenu d’activité pendant trois mois, suivi d’un cumul de 50 % des revenus du travail pendant neuf mois – s’est avéré insuffisant.
La réforme introduite par la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux n’a pas non plus réglé le problème.
Nous l’avions souligné à l’époque, l’instauration de primes forfaitaires et mensuelles pour les reprises importantes d’emploi ne pouvait pas, par nature, apporter une solution satisfaisante.
En effet, la loi de 2006 ne touchait pas aux limites structurelles du système que sont, d’une part, le caractère provisoire de la possibilité de cumuler revenu du travail et allocation, et, d’autre part, la limitation de cette possibilité aux seules prises ou reprises d’emploi.
Plus embarrassant encore, cette loi n’a fait qu’aggraver les effets de seuil préexistants et a concentré l’aide sur les publics les moins éloignés de l’emploi. Nous avions insisté sur ce point lors de l’examen du texte : le mécanisme d’intéressement qu’il créait favorisait surtout les fortes reprises d’emploi.
Or, on sait très bien que les personnes les plus éloignées de l’emploi, les plus prisonnières des trappes à inactivité, ne peuvent en général reprendre une activité que par petits paliers successifs.
Par ailleurs, lorsque l’on dit qu’un allocataire de minima social peut ne pas avoir intérêt à retrouver un emploi, il faut prendre en compte un intérêt social indirect, lié à tous les avantages et droits sociaux qu’il perd avec son statut d’allocataire. C’est la fameuse problématique des droits connexes, trop longtemps négligée mais à l’évidence capitale, problématique d’ailleurs que Valérie Létard, alors sénatrice de notre groupe, avait mise en lumière dans son important rapport de mai 2005.
Les droits connexes sont aujourd’hui liés au statut des personnes et non à leurs revenus. Cela est injuste et contribue très fortement à constituer les trappes à inactivité contre lesquelles on entend lutter.
Or, le projet de loi dont nous entamons l’examen tend très précisément à remédier à toutes les limites structurelles que je viens d’énumérer.
En effet, le système d’intéressement actuel est limité dans le temps ; le RSA, quant à lui, sera pérenne.
Le système actuel exclut un grand nombre de personnes ; le RSA concernera un public beaucoup plus large, puisqu’il sera ouvert à tous les travailleurs à revenus modestes, sans distinction entre ceux qui bénéficiaient déjà du RMI ou de l’API et les autres.
Le RMI et l’API n’assuraient pas une augmentation suffisante des revenus en cas de reprise d’activité, surtout pour les petites reprises d’emploi ; le RSA sera ciblé sur ces petites reprises d’emploi et garantira un revenu supérieur sans limitation de temps.
À ce sujet, il convient de ne pas ignorer un certain nombre de réalités. Pour dire les choses clairement, il est vrai que le système du RSA fera des « gagnants » et des « perdants », mais c’est précisément là la marque de son caractère redistributif, et justement redistributif. En effet, les perdants perdront peu et les gagnants gagneront beaucoup. Cet effet est la conséquence nécessaire du recentrage du dispositif sur les publics qui en auront le plus besoin.
Enfin, les droits connexes obéissent aujourd’hui à une logique désastreuse de statut ; le projet de loi l’abolit au profit d’une logique de revenus.
Une autre critique formulée contre le système actuel de l’insertion a trait à sa complexité.
Là encore, le groupe auquel j’appartiens s’était mobilisé de longue date pour une simplification du système. Souvenons-nous du rapport intitulé « Plus de droits et plus de devoirs pour les bénéficiaires des minima sociaux » remis au Premier ministre par Michel Mercier et Henri de Raincourt, au mois de décembre 2005. Nos collègues préconisaient une fusion du RMI et de l’API : c’est exactement ce que prévoit le présent projet de loi.
Une autre simplification porte sur les contrats aidés, avec la création du contrat unique d’insertion.
Si, sur le fond, cette réforme semble parfaitement adaptée pour répondre à la nature et à l’ampleur des problèmes observés, sa force est également de ne pas être une réforme théorique, puisqu’elle s’appuie sur une expérimentation.
C’est une expérimentation brève, certes, mais digne de ce nom, pour une réforme qui l’est aussi. À ce stade du processus de décision, les membres de mon groupe et moi-même avons tâché de prendre toute notre part du travail à effectuer.
Le département de la Mayenne, où le Chef de l'État a annoncé la généralisation du RSA, a été l’un des rares, avec la Haute-Corse, à expérimenter le dispositif sur l’ensemble de son territoire, ainsi que Jean Arthuis vient de s’en faire l’écho.
Pour ma part, en tant que président du conseil général du Morbihan, j’ai veillé à ce que cette mesure fasse l’objet d’une attention toute particulière de la part de nos services. L’expérience menée dans notre département sur le territoire de la commission locale d’insertion de Vannes a donné des résultats très encourageants.
Ces derniers ont été confirmés par le rapport d’étape établi après six mois d’expérimentation par le comité d’évaluation présidé par François Bourguignon pour l’ensemble des trente-trois départements concernés.
Ce rapport démontre à l’envi que le RSA incite bien au retour à l’emploi, puisque les bénéficiaires de la nouvelle prestation sont, en moyenne, 30 % plus nombreux à reprendre une activité dans les zones expérimentales que les allocataires du RMI dans les zones témoins.
Toutefois, si l’expérimentation a légitimé la réforme de façon indiscutable, au travers de l’épreuve des faits, elle doit aussi, surtout aujourd'hui, nous permettre de répondre à toutes les questions que la mise en œuvre du texte ne manquera pas de poser et nous aider, le cas échéant, à en améliorer la rédaction législative.
Grâce à l’expérimentation, nous savons quels problèmes se poseront aux opérateurs de la réforme. Les débats parlementaires doivent être l’occasion de résoudre ces problèmes par anticipation et d’éclairer la mise en place du RSA généralisé.
Dans mon département, par exemple, que vous avez bien voulu visiter à mon invitation, monsieur le haut-commissaire, l’expérimentation du RSA a soulevé de nombreuses questions, dont certaines restent toujours en suspens après l’examen du texte à l’Assemblée nationale. J’aimerais que vous puissiez y répondre.
Ainsi, le projet de loi indique que le département pourra décider de l’attribution de montants plus favorables que ceux qui seront prévus par les lois et règlements applicables au RSA. Cela signifie-t-il que plusieurs RSA pourraient voir le jour selon les départements ?
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. C’est exactement cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À votre bon cœur !
M. Joseph Kergueris. Quelle ampleur les disparités pourraient-elles alors atteindre ?
Par ailleurs, le projet de loi encadre très fortement la compétence conférée aux départements en matière d’orientation du bénéficiaire du RSA vers un organisme d’accompagnement. Dans ces conditions, comment sera prise en compte l’expertise des départements en matière d’accompagnement et d’orientation des publics en insertion ? Ne conviendrait-il pas, en ce sens, d’associer les départements à l’élaboration des dispositions réglementaires ?
En outre, quelles seront les modalités de désignation et les attributions des représentants des bénéficiaires du RSA dans les nouvelles équipes pluridisciplinaires chargées de remplacer les commissions locales d’insertion ?
Le RSA ouvrira, à n’en pas douter, de nouvelles perspectives pour les départements. Ces derniers demeurant les principaux financeurs de l’insertion, peut-on imaginer qu’ils soient, demain, parties prenantes au service public de l’emploi en région et ainsi associés à la définition des orientations qui seront de nature à engager leurs financements ? Cela serait souhaitable.
Dans les chantiers d’insertion, désormais, comment le contrat à durée déterminée d’insertion et le contrat unique d’insertion coexisteront-ils, puisque le projet de loi ne supprime pas la possibilité de recourir aux deux dispositifs ?
Enfin, nous nous interrogeons sur le calendrier de mise en œuvre de la réforme : quel est le délai envisagé pour mettre en place les nouvelles instances, l’orientation des bénéficiaires ou les nouvelles modalités de coopération avec le futur opérateur issu de la fusion entre l’ANPE et l’ASSEDIC ?
Outre les nombreuses interrogations qu’elle a permis de soulever en amont de la généralisation du dispositif, l’expérimentation du RSA a révélé la carence du système en matière d’accompagnement des publics concernés, carence qui semble perpétuée par le projet de loi dans sa rédaction actuelle. Cela est très regrettable, sachant que l’accompagnement est un aspect capital de l’insertion.
Le texte, tel qu’il nous est soumis, nous semble encore perfectible en la matière. Nous proposerons donc des amendements visant à renforcer ses dispositions sur ce point-clé.
Par exemple, il nous paraît indispensable que les contrats à durée déterminée d’insertion puissent être renouvelés, à titre dérogatoire, au-delà de leur durée maximale si l’intérêt de leurs bénéficiaires le commande.
Nous demandons donc un renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Une vision dynamique du système semble indiquer qu’un tel renforcement ne devrait pas avoir d’incidence budgétaire majeure. Le RSA devrait aider de nombreux allocataires à sortir de l’inactivité, ce qui libérerait des marges de manœuvre pour améliorer le suivi des autres bénéficiaires. Nous en sommes convaincus, à budget constant, le RSA nous permettra de mieux accompagner les publics concernés vers l’emploi.
Ainsi, monsieur le haut-commissaire, nous attendons une amélioration des dispositifs d’accompagnement et des réponses aux questions que nous nous posons. En attendant de les obtenir, je vous redis que vous pouvez compter sur le soutien de notre groupe. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté mérite toute notre attention.
L’article 1er fixe clairement l’objectif visé, qui est d’ « assurer aux bénéficiaires du revenu de solidarité active des moyens convenables d’existence, afin de lutter contre la pauvreté, encourager l’exercice ou le retour à une activité professionnelle et aider à l’insertion sociale des bénéficiaires ».
Cet objectif est tout à fait louable et ne nous étonne pas de votre part, monsieur le haut-commissaire, compte tenu de vos responsabilités passées à la tête d’Emmaüs !