M. Dominique de Legge. Il s’agit de donner aux organismes HLM qui ont déjà compétence pour réaliser et gérer des résidences hôtelières à vocation sociale, de le faire en partenariat avec d’autres acteurs, via des sociétés civiles immobilières ad hoc.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 27.
L’amendement n° 511 présenté par Mme Herviaux, MM. Repentin et Raoul, Mmes San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 27, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport analysant les incidences de la politique logement sur l’accompagnement social des publics en difficultés et les politiques d’insertion est transmis au Parlement avant le 30 décembre 2010.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Connaissant le goût immodéré de notre rapporteur pour les rapports, à cette heure tardive et anticipant quel pourrait être le sort réservé à cet amendement, je le retire.
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement demande au Sénat de procéder à une seconde délibération de l’article 21. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Les explications fournies sur cet article ont peut-être été insuffisantes ou mal interprétées et le Gouvernement souhaite que les dispositions de cet article soient réexaminées, en espérant qu’un vote favorable à son rétablissement soit accordé par la Haute Assemblée.
M. le président. En application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 21 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, tout ou partie d’un texte peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission pour une seconde délibération, à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement.
Je rappelle en outre que, dans le débat ouvert sur cette demande, ont seuls droit à la parole son auteur, en l’occurrence le Gouvernement, un orateur d’opinion contraire pour une durée n’excédant pas cinq minutes et le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond.
Aucune explication de vote n’est admise.
Quel est l’avis de la commission sur la demande de seconde délibération ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, contre la demande de seconde délibération.
M. Guy Fischer. Bien entendu, nous nous opposons fermement à cette demande de seconde délibération revenant sur la suppression de l’article 21 du projet de loi.
Sur la forme, une seconde délibération, c’est la négation du droit d’amendement des parlementaires et c’est, dans tous les cas de figure, parfaitement détestable.
M. Guy Fischer. J’ai tout de même le droit de dire ce que je pense !
M. Dominique Braye, rapporteur. Et nous celui d’appliquer la Constitution !
M. Guy Fischer. Bien sûr, je ne le conteste pas ! (Sourires.)
Du point de vue politique, nous ne pouvons évidemment adopter ni les termes de cet article 21, ni ceux du projet de loi tel qu’ainsi modifié, et ce pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, nous maintenons notre opposition globale au texte dont nous avons eu l’occasion de dire, au fil des articles, tout le mal que nous en pensions !
Ensuite, le Gouvernement devra bien finir par accepter que les rapports de forces politiques propres à notre Haute Assemblée ont connu une évolution sensible à la fin du mois de septembre.
Il faut, pour la bonne intelligence de nos travaux, que chacun comprenne que l’époque où le groupe majoritaire pouvait faire et défaire la loi à lui tout seul est bel et bien révolue.
Désormais, nous pensons qu’il faut composer avec la pluralité des opinions, une pluralité dont on ne peut que regretter qu’elle ne soit pas plus nette encore, ce que ne permet toujours pas un mode de scrutin sénatorial favorisant les équilibres anciens.
La pluralité, c’est aussi admettre que le Sénat, dans sa grande sagesse, puisse appréhender les réalités d’une manière différente. L’occasion de le prouver nous était offerte par l’article 21 de ce projet de loi.
Nous n’approuvons donc pas la demande de seconde délibération et le groupe CRC demande un scrutin public.
M. Daniel Raoul. Le groupe socialiste également !
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 16 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 153 |
La seconde délibération est ordonnée.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance pour permettre à la commission des affaires économiques d’examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à deux heures trente, est reprise à deux heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à la seconde délibération de l’article 21.
Je rappelle les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement :
« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
Article 21
M. le président. Le Sénat a précédemment supprimé l’article 21.
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Les plafonds de ressources pour l'attribution des logements locatifs sociaux fixés en application de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation sont minorés de 10,3 % à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la loi n° ... du ... de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
II. - Le dernier alinéa de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Les plafonds de ressources pour l'attribution des logements locatifs sociaux fixés en application du présent article sont révisés chaque année en tenant compte de la variation de l'indice de référence des loyers mentionné à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Cet amendement reprend la rédaction de l’article 21 enrichie de l’amendement de la commission, suivant lequel la mise en application de la réduction de 10,3 % des plafonds de ressources sera effective à compter du premier jour du troisième mois suivant la date de publication de la présente loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Comme l’a indiqué M. Fischer voilà un instant, nous sommes bien évidemment opposés au principe même de cette seconde délibération.
Finalement, nous assistons à un tour de passe-passe scandaleux qui rétablit le texte initial du projet de loi, modifié par le seul amendement de M. le rapporteur, sans prendre en compte toutes les autres propositions d’amendements.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Vous ne serez pas surpris d’entendre que, tant sur le fond que sur la forme, nous sommes en total désaccord avec l’adoption de ce nouvel article 21, modifié par l’amendement de la commission qui décale de deux mois l’augmentation des loyers que supporteront les locataires du parc HLM.
Nous reviendrons sans doute sur ce sujet dans trois mois, d’autant que les loyers des logements du parc public subiront alors une majoration de 2,9 %, qui s’ajoutera à la taxe que vous allez voter, mesdames, messieurs de la majorité.
Il est dommage que vos collègues qui avaient pris la parole tout à l’heure pour s’opposer à cette disposition ne soient plus là à cette heure avancée de la nuit.
Madame la ministre, grâce à cette seconde délibération, un article sera adopté dans une rédaction proche de celle que proposait le Gouvernement. En effet, si l’on compare le texte du projet de loi que vous nous avez soumis et sa mouture définitive, on constate que presque toutes les lignes ont été réécrites. C’est dire le travail qu’il y avait à faire !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A-1.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 17 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 21 est rétabli dans cette rédaction.
Avec cette seconde délibération, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, ce serait une gageure de vouloir résumer en quelques minutes le contenu des discussions qui nous occupent depuis plusieurs jours et plusieurs nuits sur un texte portant le titre positivé de « Mobilisation pour le logement et lutte contre l’exclusion » : le flacon était en apparence attirant ; le contenu ne porte pas vraiment à l’ivresse.
C’est avec une grande déception que nous faisons ce constat. La suppression de l’article 17 et, un temps, celle de l’article 21 nous ont certes donné satisfaction, mais ce fut de courte durée.
Un seul de nos amendements, l’amendement no 654, a été adopté, alors que nous avions fait de nombreuses propositions. Nous considérons, après toutes les modifications qui ont été apportées au texte, que le présent projet de loi tient plus du désengagement national de l’État pour le logement que de la mobilisation.
Quelle mobilisation pour le logement lorsque les premières mesures consistent à faire payer les organismes d’HLM prétendument riches en lieu et place de l’État ?
Quelle mobilisation lorsque le texte procède au racket des ressources du 1 % logement, pour mieux justifier la disparition des dotations budgétaires correspondantes ?
Quelle mobilisation lorsque l’on demande au mouvement HLM de venir au secours des promoteurs aux prises avec leurs stocks de logements invendus et invendables, comme on le constate à l’article 4 ?
Quelle lutte contre l’exclusion lorsque l’on organise, au travers d’une mise en coupe réglée de la gestion locative des organismes d’HLM, l’expulsion programmée des retraités sans enfants, des couples de salariés moyens et même modestes ?
Quelle lutte contre l’exclusion lorsque, au motif de préserver le droit de propriété, on facilite encore un peu plus la mise en œuvre des procédures d’expulsion locative, sans considération pour le drame humain que constituent ces procédures ?
Quelle lutte contre l’exclusion lorsque l’on assimile hébergement d’urgence et logement, lorsque l’on pervertit le sens de la loi DALO ?
Vous déposez un recours dans le cadre de la loi DALO ? Fort bien ! Alors, acceptez d’être relogé loin de votre domicile actuel, loin de votre lieu de travail, à Trifouillis-les-Oies ; je crois que M. le rapporteur préfère Trifouillis-les-Olivettes (Sourires.), mais cela ne raccourcira pas les distances que devront parcourir les personnes relogées.
Et que dire de l’accroissement programmé des effets du surloyer, de la précarisation du maintien dans les lieux et des contrats de location, de la mise en cause, même, du droit de se loger là où on le souhaite, là où l’on peut avoir des attaches, des relations, des amis, des pratiques sociales et culturelles ?
La vérité de ce projet de loi, c’est qu’il est marqué par la pression continue de la régulation budgétaire. Faiblement consommés – la non-réalisation des objectifs de mises en chantier de logements le confirme –, les crédits de la mission « Ville et logement » sont véritablement massacrés dans le projet de budget pour 2009. Le présent projet de loi accompagne le mouvement.
Oui, madame la ministre, mes chers collègues, vous escomptez que l’expulsion de locataires à revenus moyens vous dispensera de construire les logements sociaux qui manquent cruellement aujourd’hui pour répondre aux besoins !
Oui, vous attendez des ponctions sur l’argent des organismes d’HLM comme des collecteurs du 1 % qu’elles vous permettent de réduire autant que faire se peut les crédits, un peu plus de 2 milliards d’euros actuellement, que, dans le budget de la mission, le Gouvernement consacre encore à autre chose qu’aux aides personnelles au logement !
Oui, vous espérez des conventions d’utilité sociale qu’elles conduisent les bailleurs sociaux à vendre leur patrimoine et à autofinancer le plus possible leurs investissements pour vous éviter de verser les subventions !
Madame la ministre, c’est Bercy qui vous a tenu la main quand vous avez rédigé ce projet de loi ! (Mme la ministre proteste vigoureusement.) C’est en tout cas ce que donne à penser sa lecture !
Toutes les mesures phares du texte ne servent qu’un seul but : réduire encore et toujours la dépense publique destinée au logement sans tenir compte de la réalité ni de l’urgence des besoins.
Durant toute la discussion, madame la ministre, vous êtes restée d’une grande courtoisie ; pourtant, nous avons cherché dans ce texte la députée nourrie d’humanisme qui s’insurgeait en 2007 devant l’affaire du canal Saint-Martin et qui, pendant l’hiver de la même année, défendait avec conviction le droit au logement opposable. Serait-ce l’épreuve de la réalité des contraintes budgétaires qui vous a amenée à accepter la véritable purge budgétaire qui se profile derrière ce projet de loi ? C’est en tout cas ce que nous y voyons.
Pour notre part, nous n’avons pas varié quand il s’agit des locataires, des accédants à la propriété, des mal logés, des sans-abri, de tous ceux qui ont faim de droits, notamment de droit au logement.
C’est pourquoi les sénateurs du groupe CRC voteront résolument contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, mes chers collègues, durant une semaine, nous avons largement discuté le texte que nous a proposé Mme le ministre. Nos débats ont été fructueux et nos différences ont pu s’exprimer : c’est bien là le propre de la discussion parlementaire.
Malgré les lois qui se sont succédé ces dernières années – urbanisme et habitat en 2003 ; loi de programmation pour la cohésion sociale en 2005 ; engagement national pour le logement en 2006 ; droit au logement opposable en 2007 –, vous avez détecté, madame le ministre, un certain nombre de blocages dans la mise en pratique de notre politique du logement. Tel est donc l’objet principal du projet de loi : remédier à ces dysfonctionnements par des dispositions ciblées, pragmatiques et rapidement opérationnelles.
Ces dispositions peuvent paraître hétérogènes, mais elles sont nécessaires, que ce soit la meilleure mobilisation des organismes d’HLM, la réforme du 1 % logement pour une plus grande transparence et une nouvelle gouvernance, la mobilité dans le parc d’HLM, l’accompagnement des maires pour les aider à construire, la création d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés qui complète l’action de l’ANRU, ou encore les mesures prises en faveur des personnes les plus fragiles.
Le projet de loi traite donc de toute la chaîne du logement : location, accession, publics fragiles ; il participe pleinement à la réponse que nous entendons donner à la crise du logement ; il doit permettre à tous nos concitoyens de trouver à se loger dans des conditions décentes correspondant à leurs ressources. Il contribue ainsi à l’ambitieuse politique du logement que nous voulons pour notre pays et qui se traduit d’ores et déjà par le doublement, par rapport aux années quatre-vingt-dix, du nombre de logements construits chaque année.
M. Dominique de Legge. Dans ces conditions, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Madame la ministre, que n’avez-vous respecté l’engagement que, finalement, vous inspiraient à la fois l’expérience et la sagesse, de ne pas proposer de loi sur le logement ? Une loi de plus… Qu’en restera-t-il d’ici à quelques semaines, qu’en restera-t-il dans quelques mois ou quelques années ? Peut-être quelques-unes des dispositions nourries de l’expérience des élus de gauche, que vous avez bien voulu reprendre à votre compte.
Je ne le cache pas, mon principal motif de satisfaction a été la large mobilisation du Sénat contre les tentations de remettre en cause l’article 55 de la loi SRU, au moment où nous avons débattu de l’article 17. J’ai eu une autre satisfaction aussi intense – mais qui, je dois le reconnaître, a hélas été beaucoup plus éphémère – au moment de l’examen de l’article 21.
Je retiendrai également la généralisation des commissions de prévention des expulsions locatives, ainsi que la mise en place d’un dispositif destiné à limiter le profit espéré par les marchands de sommeil de leur activité répugnante.
Hélas, beaucoup d’autres dispositions sont moins satisfaisantes. Je n’en citerai que quelques-unes : le pacte, négocié le couteau sous la gorge, conclu avec les collecteurs du 1 %, qui sont invités à verser leur écot, 800 millions d’euros,…
Mme Dominique Voynet. … à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et à l’Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, dont les missions se sont dangereusement multipliées ; l’ambivalence du dispositif mis en place pour requalifier les quartiers anciens dégradés, que je considère comme mal financé et qui n’apporte guère de garanties, en termes de relogement, aux populations souvent précaires qui y sont logées aujourd’hui ; ou encore la vision technocratique et autoritaire de la mobilité dans le parc de logements, qui suscitera pour les familles plus d’angoisse qu’elle ne leur ouvrira de réelles possibilités nouvelles.
Les motifs d’insatisfaction sont en tout cas suffisamment nombreux pour que mes quatre camarades Verts et moi-même votions contre le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà maintenant plus de dix ans que nous ne cessons de légiférer, de nous engager dans la lutte contre la crise du logement. Les chiffres ont souvent été cités, il faut néanmoins les rappeler : 3,2 millions de nos concitoyens sont mal logés, dont plus de un million attendent un logement.
Pourtant, sur aucune travée il n’a été suffisamment souligné que des moyens existent pour résoudre cette crise, moyens tant financiers que juridiques.
S’agissant, en premier lieu, des moyens financiers, je mentionnerai tout d’abord une réalité qui fait si peur que l’on n’ose pas y croire : aujourd’hui, les caisses des organismes d’HLM abritent 10 milliards d’euros d’excédents de trésorerie. Certes, ce chiffre est macroéconomique, mais il est là.
Je pense ensuite à la vente d’appartements, dont il a tant été question ici et qui a parfois suscité des positions idéologiques désuètes. Je rappelle que la vente d’un appartement génère entre 20 000 et 50 000 euros de plus-value.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je l’ai dit plusieurs fois, je vous remercie de le rappeler encore !
M. Jean-Pierre Plancade. Quand on sait qu’il suffit de 20 000 euros de fonds propres pour créer un nouveau logement, on ne pourra faire croire à personne qu’il n’est pas possible de rénover et d’agrandir un parc qui compte quatre millions de logements !
Pour ce qui est, en second lieu, des moyens juridiques, ceux-ci existent également : le plan local d’urbanisme, qui est à la disposition des maires, ne leur interdit en rien de réserver des terrains ou des zones à la construction sociale.
Pour autant, madame la ministre, nous ne voterons pas votre projet de loi. Certes, il comporte des avancées, et Mme Voynet vient de les signaler avec beaucoup de pertinence, mais il envoie de mauvais signaux, et ce au moins sur deux points.
J’ai bien compris, madame la ministre, le sens de l’amendement que vous avez défendu à propos des 20 %. Néanmoins, il pourrait donner à penser que, finalement, nous ne portons pas sur la situation un regard aussi sévère que nous le devrions. Il faut tout de même rappeler que 330 communes sont dans l’illégalité, dont 289 font l’objet d’une procédure de constat de carence ! Nous ne pouvons donc nous permettre de laisser planer ne serait-ce que l’ombre de l’idée que nous pourrions fléchir sur ce taux de 20 %.
L’abaissement du plafond de ressources représente un second mauvais signal. Vous avez assurément raison, madame la ministre, d’essayer de « mutualiser », en quelque sorte, les excédents budgétaires ; mais vous auriez encore plus raison si, dans le même temps, le budget du logement ne diminuait pas de 6,9 % ! Au lieu de paraître s’inscrire dans une démarche de mutualisation, votre décision prend dès lors l’allure d’un transfert : vous prenez de l’argent ici pour ne pas le prendre ailleurs.
Voilà pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, la majorité du groupe du RDSE ne votera pas ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quel bilan tirer finalement de ce projet de « loi molle » qui a été discuté au cours des dix derniers jours ?
Incontestablement, les sénateurs ont fourni un effort important puisqu’ils ont récrit quasiment de bout en bout le texte qui leur était soumis. Ainsi, des améliorations sont nées de leur inventivité, quelquefois avec, quelquefois sans l’accord du Gouvernement ; c’est la règle de la démocratie.
Je me plairai à souligner quelques-unes de ces améliorations, à commencer, bien évidemment, par la suppression de l’article 17, article symbole de ce projet de loi qui remettait en cause la notion de solidarité territoriale à l’égard des familles modestes et moyennes.
Je citerai également la création, issue d’amendements parlementaires, d’un droit de préemption au bénéfice de l’État dans les communes qui, sciemment, mènent une politique discriminante en matière d’habitat, et la faculté désormais ouverte aux maires d’inscrire dans leur PLU, comme c’était d’ailleurs le cas par le passé, des zones réservées au logement locatif social, mais aussi, car nous y tenons beaucoup, à l’accession sociale à la propriété, secteur qui faisait vraiment grandement défaut dans le projet de loi.
Je mentionnerai encore la meilleure compatibilité active entre les PLH et les PLU ; la répartition plus équitable de la plus-value sur la cession des terrains entre le propriétaire et la commune ; l’encadrement bienvenu d’une disposition favorisant la construction, sur l’initiative des communes ; la limitation, elle aussi bienvenue, sur le territoire national, mais aussi en matière de types de logements construits, des dispositifs « Robien » et « Borloo », faute d’avoir pu les supprimer totalement ; l’assurance de la non-rétroactivité du prélèvement affectant les moyens financiers des bailleurs sociaux, grâce à un amendement important voté à l’article 2 ; la limitation des dispositions concernant la remise en cause du droit au maintien dans les lieux pour sous-occupation et des nouvelles mesures en matière de surloyers de solidarité, qui ne s’appliqueront pas dans les ZUS ni, pour le surloyer, dans les zones non tendues ; enfin, les améliorations portant sur les établissements publics fonciers, outil intéressant pour les collectivités locales.
Ces mesures positives, nées de propositions des parlementaires, n’auront malheureusement pas suffi à compenser les mesures tant de fond que de fonds qui auront manqué dans ce projet de loi.
Ainsi, et je le regrette, les conventions dites d’utilité sociale ne permettront pas une véritable territorialisation des politiques de l’habitat ; nous aurions souhaité que ces outils conservent une certaine souplesse au lieu d’être contraints à l’application uniforme sur l’ensemble du territoire national des critères retenus.
Une série de mesures laissent également penser, madame la ministre, que le déficit de l’offre de logements locatifs dans notre pays est à mettre au passif du monde HLM, lequel ne construirait pas assez, ou des locataires dans ce parc, qui y seraient logés indûment.
Que dire aussi de ce que certains ont appelé le « hold-up du 1 % » ? Cette mesure issue d’une négociation forcée, à quelques jours de la présentation d’un texte de loi dans l’hémicycle, vise à capter 850 millions d’euros pour masquer le retrait de l’État dans la politique budgétaire ; nous en aurons la confirmation dans quelques semaines dans le projet de loi de finances.
Ce hold-up ne nous assure pas, à l’heure où nous parlons, que deux outils essentiels de la politique de l’habitat et de la politique de la ville dans notre pays, l’ANRU et l’ANAH, aient les moyens de faire face à leurs besoins.
Pas une ligne budgétaire n’a été créée dans ce texte de loi et nous savons d’ores et déjà que le projet de loi de finances pour 2009 montrera une forte chute de ces mesures financières.
Ces dispositions visent aussi, malheureusement, à alléger les objectifs de contrainte de création de structures d’hébergement d’urgence dans les communes. À cela s’ajoute l’absence de soutien aux acteurs qui œuvrent au quotidien auprès des publics les plus démunis. Enfin, pour corser le tout, par une seconde délibération, une aggravation du pouvoir d’achat des ménages accueillis actuellement dans le parc public a été provoquée par les répercussions de l’article 21, lequel engendrera, personne ne pourra le contester, une augmentation du surloyer de solidarité dans les mois qui viennent.
Malgré le vote contre que nous allons émettre, madame la ministre, qui est un vote de conviction, nous ne regrettons pas les débats que nous avons eus dans cet hémicycle : ils ont eu le mérite de faire apparaître nos divergences, bien naturelles dans une démocratie, et quelquefois nos convergences. La presse s’en est fait l’écho abondamment, ce qui aura permis à nos concitoyens de prendre conscience du rôle du Sénat dans le processus législatif.
Fallait-il une sixième loi en six ans sur le logement ? Certainement pas celle-là !