M. Thierry Repentin. C’est scandaleux de dire cela !
M. Nicolas About. Vous verrez dans les jours à venir que l’on va tenter, pour des raisons strictement économiques, d’échapper à l’obligation d’accessibilité dans les constructions de logements sociaux, en permettant des dérogations systématiques.
Est-ce avec de telles mesures que l’on est « social » ? Je considère, tout au contraire, que l’on est social en permettant à ceux qui commencent à en avoir les moyens d’accéder à la propriété. C’est en permettant à ceux qui ont assumé, sans en appeler à la solidarité nationale, la prise en charge de personnes handicapées, de faire une transition douce vers le logement social. C’est en permettant à ceux qui sont handicapés d’accéder au logement social, parce que ce sont les plus démunis parmi les plus démunis, donc en ne dérogeant en aucune manière à l’obligation d’accessibilité instituée par la loi.
Nous verrons ce soir, lors du scrutin public sur les amendements de suppression de l’article 17, qui véritablement souhaite que le social s’étende à tous ceux qui le méritent ! (Applaudissements sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l’article.
M. Philippe Dallier. J’interviens à titre personnel ; la commission des finances ne s’est pas saisie de cet article qui ne comporte pas de mesure à caractère budgétaire ou fiscal.
Je suis maire d’une commune de Seine-Saint-Denis. Dans ce département, pour bien des raisons et sur bien des sujets, on s’efforce d’être réalistes et de faire la part des choses. Mais ici, et j’en suis consterné, il est à l’évidence impossible de débattre de ce sujet sans tomber dans l’anathème et dans l’exagération. Croyez bien que je le regrette.
M. Nicolas About. Moi aussi !
M. Philippe Dallier. Oui, je suis consterné de devoir constater que, sur des sujets aussi importants, c’est le tout ou rien : on est soit du côté des bons, soit du côté des méchants, mais il est absolument impossible de débattre du fond.
Alors, à mon tour de citer des chiffres !
Sur les 730 communes qui sont soumises à l’article 55 de la loi SRU, seules 56, c’est-à-dire une infime minorité, n’ont rien fait.
Mme Éliane Assassi. Dont sept en Seine-Saint-Denis !
M. Philippe Dallier. Ces chiffres proviennent du rapport du comité de suivi de la loi DALO, comité qui est présidé par M. Xavier Emmanuelli que l’on ne peut pas soupçonner de ne pas être objectif.
En Île-de-France, sur les 181 communes n’ayant pas encore réalisé le quota de l’article 55, seules 17 n’ont pas atteint au moins les deux tiers de leurs objectifs.
Et, malgré cela, on continue de jeter l’opprobre sur tous les maires, sans tenir compte de leurs difficultés, de la nature différente des territoires. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Madame Assassi, vous tirez de votre chapeau les exemples qui vous intéressent.
Mme Éliane Assassi. Mes exemples sont réels !
M. Dominique Braye, rapporteur. On s’en moque, des cas particuliers !
M. Philippe Dallier. Je vous demande simplement, chère collègue, de ne pas faire d’un exemple une généralité. C’est bien pour cette raison que nous avons créé, et fort heureusement, les deux commissions d’appel chargées d’aller dans le détail. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
J’en parle avec assez de calme, mais je suis bien placé pour dire que le maire d’une commune de 20 000 habitants qui sait qu’il lui reste 800 logements à construire craint le jour où, du fait de la raréfaction du foncier, sa commune fera peut-être l’objet d’un constat de carence.
Je ne veux pas que vous puissiez venir me dire un jour : « Monsieur le maire, vous êtes indigne de l’écharpe tricolore que vous portez » uniquement parce que, à un moment donné, j’aurais rencontré des difficultés !
Voilà pourquoi il est bon que la loi prévoie un examen au cas par cas, et voilà pourquoi aussi je regrette que les termes du débat soient posés comme ils le sont. On met tout le monde dans le même sac alors que, les chiffres le démontrent, il n’y a que peu de communes où rien n’est fait.
M. Dominique Braye, rapporteur. Très juste !
M. Philippe Dallier. Sur l’article 17, je suis partagé. D’une certaine façon, vous avez raison, monsieur Braye, on ouvre la boîte de Pandore.
M. Dominique Braye, rapporteur. La preuve !
M. Philippe Dallier. Permettez-moi cependant de vous dire que la position de la commission - fermons le dossier et n’en parlons plus - n’empêchera jamais certains de nos collègues, à ma gauche, de présenter systématiquement des amendements qui ne feront pas le détail, qui ne tiendront aucun compte des situations particulières.
D’un côté, on nous appelle à la raison et, de l’autre, certains de nos collègues refusent de tenir compte de la réalité des cas particuliers. J’ai, je l’avoue, du mal à l’accepter.
Un collègue me disait tout à l’heure que l’on n’est pas censé se faire une opinion à partir des réactions des autres. Il avait raison. Néanmoins, cela finit par user… Il n’y a pas dans ce pays que des élus indignes de la République ; il y a des élus qui, simplement, rencontrent des difficultés pour atteindre leurs objectifs.
Le présent projet de loi donne la possibilité à toutes les communes soumises à l’article 55 de comptabiliser dans leur quota les logements en accession sociale.
L’accession sociale à la propriété n’est pas destinée aux riches. Il s’agit de permettre aux gens modestes de devenir propriétaires et ainsi d’améliorer la mixité sociale de la commune. Il aurait été intéressant de débattre de tous ces sujets. Je crains pourtant que, comme d’habitude, la réponse ne soit négative parce que l’on est dans l’anathème et dans le blocage complet. On va donc refermer le dossier…
Mais je pose la question : aurait-il été scandaleux d’assortir l’article 17 de certaines conditions ?
Peut-être aurions-nous pu aménager le dispositif et réserver cette possibilité aux communes ayant respecté par deux fois leurs engagements triennaux.
Peut-être aurions-nous pu durcir le dispositif en ouvrant cette possibilité aux seules communes dont le revenu moyen par habitant est inférieur de manière significative à la moyenne régionale.
Peut-être aurions-nous pu décider aussi que les logements en accession sociale n’étaient comptés qu’à la condition que l’accédant quitte un logement social dans la même commune. On aurait alors eu du « un pour un ».
Et je n’ai pas pris ces trois exemples au hasard. Ma commune est directement concernée. Je n’en avais pas encore parlé, mais, puisque chacun prend des exemples personnels, je vais le faire aussi.
Gérée pendant quatre-vingt-deux ans par le parti socialiste, Les-Pavillons-sous-bois, qui compte aujourd’hui 20 000 habitants, n’avait que 11 % de logements sociaux. J’en ai construit 400 en douze ans. Il m’en reste 800 à réaliser. Viendra un moment où je ne pourrais plus construire.
Éligible à la DSU, éligible au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, ma commune se caractérise par un potentiel financier de 878 euros par habitant, alors que la moyenne régionale s’élève à 1 100 euros, et un revenu moyen par habitant de 9 000 euros, alors que la moyenne régionale est de 12 000 euros.
Viendra-t-on dans ces conditions me dire à moi que vouloir faire de l’accession sociale dénote une volonté de bloquer le système ou de contourner la loi ? Je vous interdis, j’interdis à quiconque de sous-entendre cela.
Mais voilà, alors que le dispositif proposé ouvrirait probablement des possibilités intéressantes pour ma commune, elles me seront interdites parce que nous aurons supprimé l’article 17 ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Henri de Raincourt. Brillant !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier, les uns et les autres, de la qualité de ces échanges.
J’ai souhaité que cette question fasse l’objet d’un débat au fond, et celui qui nous occupe me paraît effectivement riche d’arguments dignes d’intérêt.
Comme vous le savez tous, la crise du logement présente désormais une gravité significative sur certains territoires de notre pays. Il convient donc d’essayer de trouver des moyens, des solutions de nature à libérer le maximum de logements et, ainsi, faire de toute la chaîne de logement une véritable chaîne de solidarité.
Le projet de loi qui vous est présenté comporte des mesures structurelles, comme vous le savez évidemment à ce stade avancé de notre discussion. Visant à faciliter l’accès au logement des Français des classes moyennes et modestes, il cherche également à répondre à la demande exprimée par le Président de la République – je l’assume totalement, monsieur Repentin. Parmi ses promesses électorales figurait effectivement celle de faire de la France un pays comportant 70 % de propriétaires.
L’accession populaire à la propriété est un concept récent. N’ayant effectivement été mis en œuvre qu’en décembre dernier, avec le Pass-foncier et une TVA réduite à 5,5 %, ce concept repose sur un effort de tous : l’État ; le « 1 % » ; les promoteurs ; les élus.
Je m’explique.
Tout d’abord, les personnes auxquelles est ouverte cette accession populaire à la propriété grâce au Pass-foncier et à la TVA à 5,5 % remplissent les critères de ressources auxquels sont soumises les personnes demandant à bénéficier d’un logement en HLM.
En deuxième lieu, le « 1 % » joue pendant la durée du premier prêt d’acquisition pour le bâti et le terrain.
En troisième lieu, l’État applique une TVA réduite à 5,5 %. Ce n’est pas négligeable et peut être comparé aux efforts que l’État consent en faveur du logement locatif.
Par ailleurs, le maire accorde, dans le cadre de cette opération d’accession populaire à la propriété, une subvention d’un montant maximal de 5 000 euros par acquisition populaire.
Enfin, l’article 17 ne propose de comptabiliser l’accession populaire à la propriété dans les logements sociaux que pendant une durée de cinq ans.
Nous retrouvons donc les mêmes personnes, le même public, les mêmes revenus, la même aide de l’État et la même maîtrise laissée au maire, ainsi que la même durée pour la comptabilisation dans les 20 % que lorsqu’un organisme HLM vend son logement pour en faire une propriété.
Pourquoi donc cet article a-t-il suscité tant d’interrogations, en particulier dans les gazettes ? C’est sans doute parce que cette réforme impose de réviser complètement certaines de nos représentations. Mêmes personnes, mêmes revenus, même comptabilisation, même effort de l’État : dans ces conditions, sur quels arguments rationnels pouvaient donc se fonder le refus de l’ouverture de l’article 55 de la loi SRU à l’accession populaire à la propriété ?
Je me réjouis, au passage, de constater que tout le monde ici, sur toutes les travées, est favorable à l’accession populaire à la propriété.
Pourquoi donc de telles interrogations à propos de l’accession populaire à la propriété ? Sommes-nous dans le rationnel…
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Ah, ça… !
Mme Christine Boutin, ministre. … ou dans l’affectif, le symbolique ?
Depuis toujours, et sans doute jusqu’en 2007, la propriété a été associée dans nos représentations à la richesse.
Élus de terrain, vous le savez très bien, mesdames, messieurs les sénateurs, plus de 46 % des propriétaires occupants sont des pauvres. Être propriétaire, ce n’est pas être riche.
Par ailleurs, devons-nous tout simplement ignorer la volonté des Français ? Devons-nous passer outre la volonté d’une bonne majorité de Français locataires, qui aspirent à devenir propriétaires ? Vous pourrez certes me rétorquer qu’il existe de nombreuses études, mais il se trouve que le CREDOC a étudié le point de vue de nos concitoyens sur la question qui nous occupe. J’ai d’ailleurs fait parvenir à chacun d’entre vous l’extrait de l’enquête qui concerne précisément ce sujet.
Dans le cadre de cette étude annuelle du CREDOC, qui n’est pas n’importe quel institut, les Français, plus intelligents que les élus ne le croient souvent, étaient priés de répondre à la question suivante : « Les communes ont désormais l’obligation d’avoir une certaine proportion, 20 %, de logements sociaux sur leur territoire ; seriez-vous favorable à une évolution de la loi pour qu’on tienne compte dans ce pourcentage des efforts faits par les communes pour aider les ménages les plus modestes à devenir propriétaires ? ». À cette question, 84 % des personnes interrogées ont répondu par l’affirmative, 15 % ont répondu « non », 1 % ne se prononçaient pas.
J’en appellerai aussi à votre sens des réalités. J’ai récemment eu l’occasion de poser la première pierre d’un lotissement construit pour l’accession populaire à la propriété individuelle – l’accession en collectif n’était pas encore possible, mais vous allez, je l’espère, y remédier dans les minutes qui viennent. J’ai donc inauguré un lotissement, en présence des accédants. Il se trouve que ces personnes sont actuellement locataires dans des HLM et que leurs logements actuels et le lotissement en question se situent de part et d’autre d’une même rue.
Cela signifie que, dans neuf ou dix mois, les locataires d’aujourd'hui vont traverser la rue et pourront alors prendre possession du logement dont ils seront propriétaires. Au motif que ces personnes auront traversé la rue, devrions-nous refuser que leurs logements soient comptés au nombre des logements sociaux ?
Enfin, il me semble que l’un d’entre vous a soulevé la question la plus cruciale. Comme je vous l’ai dit dans mon propos liminaire à l’orée de l’examen de ce projet de loi, et je vous remercie, madame le sénateur, de l’avoir relevé, je suis pour ma part convaincue que le logement est une chaîne de solidarité humaine.
J’ai le sentiment que le ministre du logement était jusqu’à présent considéré comme le ministre du logement de ceux qui avaient un logement. Pour ma part, je suis le ministre du logement de tous, de celui qui n’a pas de logement à celui qui est fort bien logé. Ce dernier peut effectivement se trouver renvoyé « à la case départ », particulièrement en une période de turbulences telle que celle que nous traversons aujourd’hui. Et la première responsabilité du ministre du logement est tout de même de donner un logement à ceux qui n’en ont pas.
Or il est évident dans mon esprit et, je l’espère, dans le vôtre, que, si nous libérons des logements ordinaires du parc locatif HLM, nous pourrons trouver les quelques centaines, les quelques milliers de logements peut-être nécessaires aux 30 % de travailleurs qui ne peuvent, pour l’instant, aller en HLM ordinaires, puisque ces derniers ne sont pas libres, et qui se trouvent actuellement en centres d’hébergement et de réinsertion sociale, alors qu’ils n’ont rien à y faire. Une fois ces 30 % de places libérés, ceux qui n’ont pas de solution d’hébergement pourront être accueillis dans les CHRS.
Les dernières inquiétudes que certains peuvent encore nourrir sur ce sujet devraient naturellement être dissipées. Je suis étonnée qu’aucun d’entre vous ne l’ait souligné : grâce à votre adoption unanime d’un amendement que j’ai repris, vous avez décidé, mesdames, messieurs les sénateurs, d’accorder un droit de préemption au préfet. Il m’avait semblé entendre dire, lors de précédents débats, en d’autres lieux, et avant qu’elle ne commence l’examen de ce projet de loi, que la Haute Assemblée en faisait la condition d’une ouverture de l’article 55 à l’accession populaire à la propriété.
Je vous rappelle mes arguments et j’en aurai terminé : les mêmes personnes, les mêmes revenus, la même aide de l’État que pour le logement locatif, la même durée de comptabilisation que celle des logements vendus par les HLM, obligeant les élus à reconstituer leurs stocks, la libération de logements locatifs sociaux, le droit de préemption du préfet.
L’accession populaire à la propriété – je vous l’accorde – ne concerne pas les plus modestes d’entre nous. Cependant, en proposant aux classes moyennes et populaires de devenir propriétaires, nous libérons des places pour les plus modestes et les plus fragiles d’entre nous. C’est pourquoi, me semble-t-il, l’article 17 répond à un objectif de justice, d’équité, de solidarité et de souplesse.
Certes, des nuances nous séparent, pour ne pas dire parfois des lignes de partage, mais je vous propose de suivre la voie de la sagesse. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Ce beau débat nous aura occupés une heure. Nous essaierons donc, mes chers collègues, d’examiner les amendements déposés sur cet article avec une célérité accrue. (Sourires.)
Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les cinq premiers sont identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 89 est présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 199 est présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et rattaché.
L'amendement n° 549 est présenté par MM. Mercier, Dubois, Vanlerenberghe, J.L. Dupont et les membres du groupe Union centriste.
L'amendement n° 595 rectifié bis est présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Cazalet et Juilhard.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Repentin, pour défendre l’amendement n° 1.
M. Thierry Repentin. Vous nous proposez d’intégrer les dispositifs d’aide à l’accession à la propriété dans le décompte des 20 % de logements sociaux rendus obligatoires par l’article 55 de la loi SRU. C’est cette disposition que nous voulons supprimer.
Madame la ministre, vous déclarez vouloir favoriser l’accession à la propriété ainsi que la mixité sociale. Le passage de l’une à l’autre nous paraît un saut logique un peu trop important. Comment peut-on favoriser la mixité en réduisant les obligations des communes en matière de construction de logements sociaux ? Nous aimerions comprendre…
L’esprit de la loi SRU était de soutenir le segment du marché le plus difficile à faire émerger : le logement locatif social. En effet, si nous ne connaissons pas de maire refusant l’accès à la propriété sur le territoire de sa commune, nous connaissons malheureusement des maires refusant le locatif. Madame la ministre, certains perçoivent hélas, différemment les ménages selon qu’ils sont locataires ou propriétaires.
Mme Catherine Procaccia. Il n’a pas écouté !
M. Thierry Repentin. Certes, de nombreuses familles ont pour objectif d’accéder à la propriété et – nous partageons vos vues, messieurs About et Fourcade – doivent être aidées par l’État, mais il ne s’agit pas là de la solution à tous les problèmes de logement.
Le locatif présente lui aussi certains avantages. Ainsi, certaines familles modestes ne peuvent tout simplement pas s’endetter. Le système locatif social leur permet donc de se loger et d’accéder, elles aussi, au bonheur. Il s’adapte en outre à leurs besoins. Certains foyers, notamment les plus jeunes, recherchent tout d’abord la mobilité. Leurs besoins en matière de logement évoluent en effet plus rapidement : la naissance d’un enfant ou un nouvel emploi peuvent les obliger à déménager. La location est, elle aussi, un excellent moyen de trouver une offre toujours plus adaptée à leurs besoins et de faciliter leurs déménagements.
Favoriser l’accession à la propriété au détriment du logement locatif social…
M. Nicolas About. Ce n’est pas « au détriment » !
M. Thierry Repentin. … aurait été une bonne chose si la propriété était l’unique solution – en quelque sorte l’alpha et l’oméga de la politique du logement. Tel n’est cependant pas le cas. Le locatif social a donc toute sa place dans la politique du logement de l’État et ne doit pas être sacrifié.
En outre, bien que les dispositifs d’accession à la propriété soient incontestablement des dispositifs sociaux, monsieur About, les plafonds pour en bénéficier sont bien plus élevés que les plafonds des ménages pouvant prétendre à des logements sociaux, même intermédiaires.
Mme la ministre et Mme Bout ont affirmé à plusieurs reprises que les plafonds de ressources étaient les mêmes pour l’accession sociale à la propriété et pour le logement locatif. Hélas, non ! Je ne citerai qu’un exemple, parmi bien d’autres : pour un couple sans enfant vivant en Île-de-France, le plafond de ressources pris en compte par les organismes d’HLM est de 35 200 euros, alors que, pour un prêt à taux zéro, il est de 43 770 euros. Il est évident que ces deux dispositifs, même s’ils ont une portée sociale, ne sont pas destinés aux mêmes ménages.
Nous avons proposé des amendements visant à favoriser l’accession sociale à la propriété ; aucun d’entre eux, ce soir, ne vous a séduits. Madame la ministre, nous vous demandons en cet instant de supprimer l’article 17 de votre projet de loi. Vous avez récemment indiqué que, grâce à l’article 55 de la loi SRU, 90 000 logements sociaux avaient été construits dans des communes qui jusqu’alors refusaient d’en réaliser ou n’en réalisaient pas suffisamment. À lui seul, ce résultat mérite que l’on ne touche pas à l’article 55 de la loi SRU.
Monsieur Dallier, vous avez regretté que certains pratiquent l’anathème. Je vous assure que ce n’est pas mon cas, et si d’aventure vous avez cru percevoir dans mes paroles un propos blessant, je le regretterais sincèrement.
Il faut néanmoins rappeler certains éléments.
M. Thierry Repentin. Les communes qui ont du retard ont vingt ans, mes chers collègues, pour atteindre cette proportion de 20 % de logements sociaux. Elles ne doivent donc pas y parvenir du jour au lendemain ! Et pourquoi a-t-elle été fixée à 20 %, monsieur Dallier ? Parce qu’en 2000, quand la loi a été votée, cela correspondait à la proportion moyenne de logements locatifs sociaux en France. Ce n’était pas le résultat de je ne sais quelle élucubration de technocrate ou une lubie du secrétaire d’État au logement ! Et ce dernier, je vous prie de le croire, madame Boutin, s’estimait responsable aussi bien des personnes en attente de logement que de celles qui avaient déjà un logement social. C’est cela qui le motivait ! (Mme la ministre approuve.)
Qui plus est, ce seuil de 20 % de logements sociaux a été arrêté sur la base de chiffres qui remontaient à 1992, parce que nous n’avions pas de statistiques plus récentes. En d’autres termes, si l’on voulait aujourd’hui modifier l’article 55 de la loi SRU, il faudrait aller bien au-delà !
Il y avait une solution, madame la ministre. Votre article 17 aurait pu afficher deux objectifs complémentaires : 20 % de logements locatifs sociaux et 10 % de logements en accession sociale à la propriété. Alors, monsieur About, les maires auraient sans doute fait le nécessaire à la fois pour construire des logements accessibles aux plus modestes et pour faire sortir les locataires par le haut au titre de l’accession à la propriété. Hélas ! c’est un chemin que vous n’avez pas voulu emprunter ; pourtant, nous vous y aurions rejointe.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement no 89.
M. Dominique Braye, rapporteur. J’ai indiqué en m’exprimant sur l’article les principales raisons qui m’avaient conduit à proposer cet amendement, dont je demanderai, le cas échéant, monsieur le président, le vote par priorité.
Madame le ministre, la véritable erreur avec cet article 17, c’est d’opposer accession sociale à la propriété et logement locatif social, alors que ces deux volets de la politique du logement social sont complémentaires et ne doivent pas entrer en concurrence.
M. Michel Mercier. C’est exactement ce que j’ai dit !
M. Dominique Braye, rapporteur. Actuellement, mes chers collègues, le véritable problème est que le logement locatif social n’est pas accessible aux plus modestes de nos concitoyens.
Vous déclarez, madame le ministre, que logement locatif social et accession sociale à la propriété visent les mêmes catégories de revenus. Non ! Les plafonds de ressources concernés sont les mêmes, mais sûrement pas les revenus : on sait que seuls sont éligibles à l’accession sociale à la propriété les ménages dont les revenus sont les plus proches du plafond ; or la majorité se trouve bien en deçà.
Enfin, pour avoir très longtemps fréquenté le monde rural, et les collègues qui en sont les élus ne me démentiront pas, je peux dire que c’est là que j’ai trouvé les propriétaires occupants les plus pauvres, qui très souvent souffraient en silence, sans se plaindre ni réclamer. C’est en ce sens que vous avez raison, madame le ministre, quand vous dites qu’être propriétaire ne veut pas dire être riche. Mais, précisément, ce ne sont pas les propriétaires qui nous occupent, madame le ministre, ce sont ceux qui veulent le devenir.
M. Dominique Braye, rapporteur. Or, monsieur de Raincourt, la situation qu’ils connaissent n’a rien de commun avec celle que vous pouvez rencontrer dans votre département rural, où ceux qui sont déjà propriétaires seraient bien incapables de le devenir aujourd’hui ! Pour y parvenir, notamment dans les zones urbaines, il faut désormais disposer d’un minimum de ressources.
M. Henri de Raincourt. Je n’ai rien dit du tout ! (Sourires.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Et même lorsque c’est le cas et que nos concitoyens tentent de réaliser leur rêve, tous les maires ici présents peuvent témoigner que, au bout de cinq ou six ans, ce rêve devient pour beaucoup un véritable cauchemar parce que les ménages ne peuvent plus rembourser, avec toutes les conséquences sociales que l’on connaît, notamment la désagrégation du foyer.
Je ne crois pas pouvoir être accusé de n’exprimer ici que des a priori, car celui qui, lors de la deuxième lecture du projet de loi ENL, a proposé l’instauration des commissions départementales, c’est moi !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. On s’en souvient !
M. Dominique Braye, rapporteur. Au demeurant, je dois reconnaître que le plaidoyer qu’avait prononcé Mme Évelyne Didier, sénateur communiste, m’avait beaucoup aidé. Notre collègue demandait en effet des exceptions en faveur des communes minières de son département qui étaient dans l’impossibilité de remplir les obligations posées à l’article 55. Comme s’il n’y avait que les communes minières !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Mais elles sont communistes !
M. Dominique Braye, rapporteur. Bien d’autres communes connaissent une situation foncière bloquée, que ce soit parce qu’elles sont exposées à des risques, notamment d’inondation, ou, comme Versailles, parce que le foncier est préempté par l’État !
Il faut donc, ma chère collègue, tenter d’élargir la vision que l’on a des choses et ne pas se contenter de les analyser à la seule lueur de son petit cas personnel, ainsi que le soulignait Philippe Dallier.
En résumé, mes chers collègues, s’il me semble important de supprimer l’article 17, pour autant – et je m’en suis entretenu notamment avec des députés –, nous ne devons pas rester inactifs et renoncer à améliorer la situation. Il nous faut poser les problèmes tranquillement, sereinement.