M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Lors de la discussion générale, vous posiez la question suivante, madame la ministre : « Comment résoudre la crise du logement, qui s’aggravera si l’ensemble des forces vives de ce pays, au-delà des clivages politiques, économiques ou sociaux, ne se mobilisent pas pour faire du logement une priorité effective, non pas seulement à l’échelon national, mais aussi dans chaque commune ? » Et vous ajoutiez : « C’est une question de solidarité nationale » !
À l’évidence, ces propos éminemment pertinents ne se traduisent pas en actes, ce projet de loi démontrant s’il en était besoin que les convictions du Gouvernement ne l’inclinent pas à renforcer le logement social !
La disposition qui vise à changer la règle des 20 % de logements sociaux est présentée abusivement dans l’exposé des motifs comme complétant les obligations des communes.
De qui se moque-t-on ? En réalité, une fois encore, vous attaquez cette règle posée par la loi SRU : après avoir compté au nombre des logements sociaux les prêts locatifs sociaux, vous continuez de vider la mesure de sa substance.
M. le rapporteur a demandé la suppression de l’article 17. C’est une bonne chose, mais nous ne sommes pas dupes : ce faisant, il ne fait qu’agiter un chiffon rouge, si vous me permettez l’expression, car cet article, même s’il constitue sûrement la preuve la plus visible du désintérêt de l’État pour le logement social et pour nos concitoyens qui souffrent de la crise du logement, ne reste qu’une mesure parmi d’autres de ce projet de loi.
La semaine dernière, vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, en concluant l’une de vos interventions, que tous les moyens seraient utilisés pour combattre cette crise du logement. Nous espérons que vous traduirez ces belles paroles en actes, et que vous voterez notre amendement sur l’inéligibilité des maires qui ne respectent pas la loi.
Il faut bien en être conscient, le projet de loi entend remettre en cause une règle qui n’est pas appliquée par certains élus de la République. En pleine pénurie de logements, alors que nos concitoyens sont appauvris par les politiques menées par le Gouvernement, à l’heure où il serait plus que nécessaire de revoir à la hausse le pourcentage de logements sociaux fixé par la loi, vous n’avez qu’une seule réponse : puisque les maires ne respectent pas cette obligation légale, alors changeons la loi !
Un tel changement est d’ailleurs bien inutile puisque les maires dans l’illégalité restent déjà impunis !
Si nous voulons vraiment apporter des réponses rapides aux besoins urgents de la population, au lieu de remettre la loi en question, appliquons-la !
Un autre exemple aurait eu toute sa place dans ce chapitre consacré à l’offre nouvelle de logements, la réquisition des immeubles vacants appartenant à l’État. La loi existe pourtant, mais elle n’est toujours pas appliquée.
Madame la ministre, vous avez déclaré dans un récent entretien accordé à l’association Jeudi-Noir que vous n’excluiez pas de recourir à la réquisition. Encore une fois, c’est une bonne chose puisque c’est la loi ! Toujours dans le même entretien, vous ajoutiez, madame la ministre : « Je suis prête à écorner le droit de propriété » !
Qu’en est-il alors de la demande que vous deviez faire au ministre du budget Éric Woerth afin de dénicher des immeubles à réquisitionner ? Je crois que l’association devant laquelle vous teniez ces propos vous a elle-même signalé l’existence d’un bâtiment vide en face de votre ministère ! Et, en tant qu’élue de la Seine-Saint-Denis, je peux moi-même vous dresser une liste dès ce soir, si nécessaire.
Comment allez-vous faire pour répondre aux recours déposés au titre du droit au logement opposable ? Comment allez-vous faire pour mettre les gens à l’abri du froid mortel, cet hiver ? Comment allez-vous faire pour donner un toit aux familles fragilisées, aux retraités exsangues, aux travailleurs pauvres, à toutes les personnes frappées par la misère ?
Inscrire l’opposabilité du droit au logement dans les tables de la loi française, c’était entendre leur appel et reconnaître la légitimité de leur combat. Mais aujourd’hui, qu’en est-il de la parole donnée ? À l’évidence, l’article 17 ne constitue que la cime de l’iceberg des mesures mises en œuvre pour détruire le logement social !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, sur l'article.
M. Thierry Repentin. Madame la ministre, en tentant une nouvelle fois d’intégrer pour le calcul des 20 % de logements sociaux imposés aux communes de plus de 3 500 habitants les logements acquis avec l’aide de l’État, vous vous apprêtez, hélas, à affaiblir l’objectif de mixité sociale et d’égalité des chances d’accès à tous nos territoires, quelle que soit la catégorie sociale à laquelle on appartient.
Quelle était l’ambition de l’article 55 de la loi SRU ? Inciter, pour ne pas dire obliger tous les maires à accueillir des ménages éligibles au logement locatif social et faire en sorte que la ségrégation urbaine ne soit plus compatible avec un projet de ville, c’est-à-dire un projet de vie.
Alors que 45 % des communes soumises à l’article 55 n’ont toujours pas respecté totalement leurs obligations, loin de rendre cette disposition véritablement obligatoire en permettant au préfet de se substituer aux maires peu enthousiastes, comme nous vous l’avons déjà maintes fois proposé, vous décidez au contraire de remettre en cause le seul dispositif véritablement volontariste de notre corpus législatif en matière de logement social, qui plus est en période de crise du logement abordable. Dois-je vous rappeler que vous vous étiez engagée, lors d’une conférence de presse tenue le 2 juillet dernier, à faire appliquer l’article 55 avec la plus grande fermeté ?
Si votre proposition de réforme nous concerne tous, c’est parce qu’elle a en ligne de mire une mesure qui participe fondamentalement de l’intérêt général national, et c’est pourquoi rouvrir ce débat au sein de cet hémicycle, c’est dépasser largement les clivages politiques !
Plusieurs raisons me poussent à vous affirmer que votre proposition, qui a un air de déjà vu, n’est pas acceptable.
Tout d’abord, vous la défendez au moyen d’une argumentation erronée et déconnectée de la réalité que vivent nos concitoyens.
Je tiens à préciser un point qui ne paraît pas faire consensus entre nous, et qui, pourtant, s’appuie sur la simple réalité.
Vous dites, madame la ministre, que l’accession aidée à la propriété trouve toute sa place à l’article 55 de la loi SRU, que l’accession dite « sociale » et le locatif « social » sont du même ordre et visent un seul et même objectif. En affirmant cela, vous faites preuve d’une certaine méconnaissance du différentiel de revenus entre ceux qui ont accès à l’un et pas à l’autre. En effet, les plafonds de ressources pour bénéficier des dispositifs d’aide à l’accession dite « sociale » à la propriété sont bien plus élevés que ceux qui sont demandés aux ménages éligibles à un logement locatif social, même intermédiaire.
De fait, les ménages éligibles à ce type d’accession sont parmi les « plus aisés » des locataires du parc social. Inutile de vous dire que cette tendance n’est pas près de s’infléchir, au vu des prix du marché immobilier !
Ainsi, vous faites fausse route, car cette mesure que vous nous proposez aujourd’hui participe de ce mythe d’une « France de 70% de propriétaires ». Vous voyez à quoi je fais référence. Bien sûr, il faut encourager plus que jamais l’accession, mais il ne s’agit pas du même combat que celui dont on parle aujourd’hui. Bien au contraire, ce sont deux démarches différentes, quoique complémentaires, pour viser l’objectif d’une ville pour tous. Mais, ne nous trompons pas, la propriété n’est pas une solution pour tous.
De surcroît, plus vous entretenez cette illusion, plus vous faites du logement un objet de spéculations. Du coup, la propriété peut être un frein aux parcours individuels comme elle peut être un risque pour l’économie du pays, alors même qu’un secteur locatif abordable et équitable est à lui seul un élément essentiel à la régulation et à la stabilité du marché du logement.
Ensuite, cette disposition ne fera que renforcer l’image négative, et imméritée, du logement locatif social, ce qui trahit fondamentalement la philosophie de l’article 55 de la loi SRU.
En nous proposant, encore une fois, de remettre en cause cet article, vous récompensez en quelque sorte les maires qui persistent à fermer les portes de leur cité aux ménages les plus modestes, qui sont pourtant les bienvenus lorsqu’ils apportent une force de travail dans ces mêmes communes.
De même, vous découragez les élus locaux qui ont fait un effort massif en matière de construction, allant parfois bien au-delà de ce que la loi les oblige à faire.
En satisfaisant les premiers, vous ne faites qu’encourager le retour à une certaine ségrégation spatiale et renvoyez le logement social à l’image injuste et inexacte de pauvreté et d’exclusion dont il a tellement de mal à se défaire.
Vous, la ministre « du logement et de la lutte contre l’exclusion » qui avez maintes fois fait référence aux valeurs humanistes et chrétiennes, allez-vous réellement être celle qui tentera de trahir l’une de nos références législatives les plus solidaires et avant-gardistes, défendue par ceux qui croient à un avenir meilleur pour les plus démunis ?
Madame Boutin, si nous n’étions pas là pour faire barrage à votre tentative, cela signifierait que nous nous ferions complices d’une vision d’une France redevable uniquement envers ses propriétaires et reléguant les plus fragiles à la seule solution de l’hébergement et du provisoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Madame la ministre, mes chers collègues, je prends la parole au nom de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice des Hauts-de-Seine, qui ne peut pas être présente ce soir.
En Île-de-France, 1 500 communes sont concernées par l’article 55 de la loi SRU. Or près de la moitié de ces communes ne comptent aucun logement social et la moitié du parc social se situe dans 8 % des communes. Nous sommes donc très loin de la mixité sociale et de l’objectif fixé par la loi SRU, votée en 2000.
La modifier, comme vous entendez le faire aujourd’hui, madame la ministre, en intégrant l’accession sociale à la propriété dans le décompte des logements sociaux, revient de fait à dédouaner les communes qui refusent de respecter cette loi, alors qu’il faudrait au contraire la rendre plus contraignante vis-à-vis des communes récalcitrantes.
Cela ne répondra pas au problème du million de Français en attente d’un logement social. Vous le savez, madame la ministre, la réponse à cette attente passe par la construction.
Le cas des Hauts-de-Seine, deuxième département le plus peuplé d’Île-de-France, qui compte 100 000 demandes de logements sociaux en souffrance, illustre assez bien cette situation.
Sur les 36 communes que compte le département, 15, toutes gérées par la droite, ont fait le choix de ne pas respecter la loi SRU. Boulogne-Billancourt n’atteint même pas les 12 % de logement social pour une population de plus de 110 000 habitants, quand Nanterre, avec plus de 87 000 habitants, en compte plus de 53 %. (M. Jean-Pierre Fourcade s’exclame.)
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est trop !
Mme Évelyne Didier. Que dire des 3,22 % de Neuilly, pour 60 000 habitants, face aux 63 % de logement social de Gennevilliers, qui compte plus de 40 000 habitants, face aux 50 % de Bagneux et aux près de 40 % de Malakoff ?
En 2007, seulement 1 980 logements ont été financés, chiffre en baisse puisque, en 2006, 2 590 logements avaient été financés. C’est presque moitié moins que les engagements pris en 2005 par le conseil général des Hauts-de-Seine, présidé à l’époque par Nicolas Sarkozy, de construire chaque année 3 500 logements sociaux.
L’objectif, fixé par le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo, de 3 000 logements financés chaque année n’est donc pas atteint, et ce pour la troisième année consécutive depuis 2005 ! Rien n’indique qu’il le sera d’ici à 2009, date à laquelle ce plan doit prendre fin.
Le rééquilibrage est loin de se faire : sur la totalité de la production, moins de la moitié des logements sociaux ont été financés dans les communes comptant moins de 20 % de logement social.
Nous sommes donc encore très loin d’un autre engagement pris en octobre 2005 par le président du conseil général de l’époque, Nicolas Sarkozy, de porter à 60 % le pourcentage de logements sociaux construits dans ces communes.
Un examen des engagements triennaux de réalisation de logements sociaux le montre : cela fait six ans que la commune de Neuilly ne les respecte pas. Au cours de la période 2005-2007, elle aura financé 378 logements, au lieu des 774 qui étaient prévus, soit moins de la moitié. Il en est de même pour la période précédente : entre 2002 et 2004, seuls 439 logements sociaux avaient été financés, au lieu des 815 qui étaient prévus.
On le voit bien, les arrêtés de carence pris par les préfets, quand ils sont finalement appliqués après déductions, n’ont aucune valeur contraignante. Or ces plans triennaux constituent un plan de rattrapage pour atteindre l’objectif des 20 % d’ici à 2020 !
Pis, face à ce déséquilibre, le conseil général des Hauts-de-Seine mène en parallèle une politique de mise en vente du parc social : déjà 4 000 logements ont été vendus !
Aussi, modifier l’article 55 de la loi SRU ne peut être interprété que comme un recul de l’État face à la « cause nationale » que devrait être le logement.
Pourquoi, au contraire, ne pas utiliser l’arme de la réquisition prévue dans la loi SRU ? L’année dernière, déjà, à l’approche de l’hiver, vous aviez brandi cette menace, madame la ministre, sans pourtant l’utiliser. La situation l’exige peut-être plus que jamais pour aider les trois millions de personnes, des hommes, des femmes et des enfants, qui, dans notre pays, souffrent du mal-logement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, sur l'article.
M. Michel Mercier. Madame la ministre, ce n’est pas l’aspect symbolique des 20 % qui guide mon choix, c’est l’analyse de la réalité, de la situation telle qu’elle est vécue aujourd’hui.
À cet égard, madame Bout, permettez-moi de vous dire que je suis en total désaccord avec la description que vous avez faite de cette situation.
Madame la ministre, je ne peux que vous féliciter de vouloir favoriser l’accession sociale à la propriété. J’aurais trouvé sensationnel que vous portiez l’objectif de 20 % à 25 % de logement social, dont 5 % au titre de l’accession à la propriété, mais sans modifier l’obligation relative au logement locatif.
Chacun parle de son expérience. En dépit de tous mes efforts, je n’habite ni les Hauts-de-Seine ni les Yvelines ! (Sourires.) Je me contente humblement du Rhône. (Nouveaux sourires.)
J’ai l’honneur de présider l’un des offices publics d’aménagement et de construction les plus anciens de France, créé par celui-là même qui a été l’initiateur de la première loi sur le logement social.
Nous logeons 100 000 personnes dans 35 000 logements, madame Bout, chiffres honorables pour un office départemental. Environ 72 % de nos locataires se situent en dessous du plafond PLAI, soit le plus bas, qui est lui-même à 60 % du plafond HLM. Une fois que l’on connaît ces chiffres, on a tout compris ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Tout le problème est là !
M. Michel Mercier. Bien entendu, il n’y aurait aucun problème si tout le monde était au plafond.
Actuellement, dans le Rhône, dont la situation ne doit pas être très différente des autres départements, on dénombre 53 000 demandes en attente de location sociale, dont 18 000 ont été déposées auprès de l’office départemental. Les personnes qui ont déposé ces demandes, comme près de 80 % des 100 000 personnes que nous logeons, sont bien incapables d’accéder à la propriété, même sociale.
Mme Odette Terrade. Eh oui !
M. Michel Mercier. Gardons-nous donc de tout mélanger. Il faut développer l’accession sociale à la propriété. C’est d’ailleurs ce à quoi je vais m’employer à la tête de l’office, et je demanderai à Mme la ministre de venir signer le plan que nous aurons élaboré en ce sens d’ici à la fin de l’année. Rassurez-vous, madame la ministre, je ne vous demanderai pas d’argent, non, simplement votre bénédiction ! (Sourires.) J’espère bien pouvoir mettre 500 logements en accession à la propriété.
À cet égard, le présent projet de loi contient une disposition importante, à savoir l’extension à la construction de logements collectifs du dispositif Pass-foncier, jusqu’à présent réservé à la construction des seuls logements individuels.
Cette mesure est fondamentale, mais, pour autant, il ne faut pas relâcher l’effort en faveur du logement locatif, alors que ce type de logement est le seul qui soit accessible à des centaines de milliers de personnes.
Cette seule considération détermine ma position dans ce débat. La location est la seule solution pour faire face à la crise du logement. Aujourd’hui, les gens qui logent dans nos HLM ne peuvent accéder au locatif privé, qui est beaucoup trop cher.
Mme Évelyne Didier. Voilà !
M. Michel Mercier. Ils restent en logement HLM. Aussi, l’offre nouvelle provient non plus des départs de locataires et des constructions, comme c’était encore le cas voici quelques années, mais uniquement des constructions. Si l’on ne fait plus l’effort de construire des logements locatifs ou si l’on réduit cet effort, beaucoup de gens se retrouveront sur le carreau.
Je n’ignore pas les difficultés d’ordre financier que soulève un tel effort en matière de construction de logements locatifs, mais, très honnêtement, compte tenu de la situation actuelle, telle que la vivent les Françaises et les Français, il est justifié.
Pour conclure, et j’aurai défendu l’amendement n°549, monsieur le président, je voudrais dire qu’il est essentiel de répartir les logements locatifs sur tout le territoire.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Nous sommes bien d’accord !
M. Michel Mercier. Le problème n’est pas tant de vivre les uns à côté des autres, mais de vivre ensemble. On démolit aujourd'hui, et cela coûte un argent fou, des logements construits voici trente ans, à une époque où l’on voulait concentrer géographiquement les logements sociaux. Cet argent serait bien utile à ceux qui sont en attente d’un logement.
Ne renouvelons pas les erreurs du passé, qui ont causé tant de souffrances, et essayons de répartir l’effort de construction de logements locatifs sur l’ensemble du territoire national, dans toutes les communes. Poursuivons l’effort en faveur de la construction de logements locatifs sans pour autant renoncer, madame la ministre, à l’accession sociale à la propriété. Sur ce point, je suis tout à fait d’accord avec vous, ainsi que je vous le démontrerai. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste. - Mme Odette Herviaux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, sur l'article.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je n’ai pas l’habitude d’adopter une position contraire à celle de la commission saisie au fond.
M. Dominique Braye, rapporteur. Cela commence mal ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais, cette fois-ci, je me rangerai à la position de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, parce que j’estime que la mesure proposée par le Gouvernement est absolument nécessaire.
Sénateur depuis un certain temps, j’ai participé très activement à la discussion de la loi SRU. J’avais échangé avec Louis Besson beaucoup d’arguments sur la question du seuil de 20 %, sur le parc social de fait, sur les logements intermédiaires, bref, sur tous des sujets que vous connaissez bien.
J’ai eu l’honneur d’administrer deux communes qui n’atteignaient pas ce seuil de 20 %. Dans le cadre des engagements pris avec l’État, j’ai fait un certain nombre d’efforts pour tenter de rattraper ce retard. Même si notre collègue du groupe CRC ne les a pas remarqués, ils ont été importants, puisque, au cours des mandats que j’ai exercés tant à Saint-Cloud qu’à Boulogne-Billancourt, j’ai créé plusieurs milliers de logements sociaux dans les différentes catégories.
Je fais un triple constat.
Tout d’abord, de nombreux ménages, jeunes et moins jeunes, qui sont locataires dans le parc social ont très envie de devenir propriétaires et nous ne pouvons pas leur donner satisfaction.
Ensuite, nous ne pouvons pas leur donner satisfaction parce que les offices d’HLM et, d’une manière générale, l’ensemble des acteurs du mouvement locatif social éprouvent beaucoup de difficultés à vendre des appartements à leurs locataires. C’est souvent très compliqué, d’autant qu’il s’agit en général de grands ensembles que l’on ne peut pas découper. Dans les faits, il est donc impossible de satisfaire cette demande. Pourtant, en permettant à ces ménages de devenir propriétaires, on ferait sortir par le haut des locataires d’un logement social.
Enfin, si le projet de loi comporte un chapitre IV consacré à la mobilité dans le parc de logements HLM, je constate que cette mobilité, qui revient, encore une fois, à faire sortir par le haut un certain nombre d’occupants actuels de logements locatifs sociaux, est impossible du fait de l’écart qui existe, notamment dans la région d’Île-de-France, entre les prix actuels dans les HLM et les prix du marché.
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est pourquoi nous devons les aider à devenir propriétaires, grâce à l’accession sociale à la propriété. Dans cette optique, l’article 17 est cohérent avec le reste du projet de loi. (M. le rapporteur s ‘exclame.)
Certains s’émeuvent : ainsi donc, on aurait l’audace de toucher à l’article 55 de la loi SRU ? Mes chers collègues, il faut savoir ce que nous voulons.
Ce que nous voulons, c’est installer dans les logements locatifs sociaux les gens qui disposent des moyens les plus réduits en essayant de faire sortir par le haut ceux qui n’ont pas à y rester.
Dans la mesure où nous ne pouvons pas aujourd’hui nous en remettre au marché, car les prix sont trop élevés, l’accession sociale à la propriété est la seule solution.
C’est la raison pour laquelle je voterai l’article 17. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, sur l’article.
M. Nicolas About. J’ai le sentiment d’avoir entendu tous les arguments pertinents : Michel Mercier et Jean-Pierre Fourcade ont dit tout ce qu’il y avait à dire. Ils ont tous les deux raisons et, pire, ils sont, me semble-t-il, d’accord, sauf que l’un, M. Mercier, considère que l’on touche à l’article 55 de la loi SRU, et que l’autre, M. Fourcade, estime qu’il s’agit d’un aspect marginal.
Je partage bien sûr le point de vue de M. Fourcade. J’ai été, pendant des années, maire d’une commune qui comptait 20 % de logements sociaux bien avant l’élaboration de la loi SRU. J’ai vécu les situations qui ont été décrites par M. Fourcade. Il est en effet bien difficile de vendre des logements HLM à leurs occupants. Cela exige des opérations à tiroirs extrêmement délicates et il faut dépenser une énergie considérable. Pourtant, nous devons le faire, car c’est nécessaire et cela correspond à une demande des occupants.
Mais les communes qui, soucieuses comme la mienne de satisfaire les demandes de leurs habitants, se sont engagées sur cette voie ont vu leur taux de logements sociaux baisser. Naguère au « top », elles se sont retrouvées avec un pourcentage, certes, encore supérieur au quota exigé, mais dans une situation moins favorable.
La population, bien sûr, n’avait pas changé, mais du moins avons-nous eu le sentiment d’avoir fait notre devoir.
Il n’y a en effet rien d’immoral à ce que des personnes modestes veuillent se constituer un patrimoine. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas le problème !
M. Nicolas About. Si, mes chers collègues, c’est bien tout le problème.
M. Thierry Repentin. C’est scandaleux !
M. Nicolas About. De la même manière, il n’est pas immoral qu’une collectivité comptabilise, pendant cinq ans, des logements accueillant, en accession ou en locatif, des personnes à revenus modestes même si, pardonnez-leur, elles sont plus riches que les plus pauvres. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Quelle honte, n’est-ce-pas ! Elles ont atteint un niveau tel qu’elles peuvent se permettre de tenter d’accéder à la propriété !
Non, vraiment, mes chers collègues, est-ce que cela mérite d’être sanctionné ?
Nous considérons au contraire, comme l’indiquait M. Fourcade, qu’il faut leur permettre de quitter par le haut le parc locatif social, tout en restant, eu égard à leur niveau de ressources, dans l’accession sociale.
De surcroît, et c’est même la clé du dispositif proposé par le Gouvernement, on ne prend l’accession sociale en compte que pendant cinq années. Il y a un parallélisme des formes entre la vente de logement social et l’accession au logement social.
En ne prenant l’accession sociale en compte que pendant cinq années, afin de ne pas porter atteinte à l’article 55 de la loi SRU, on maintient la pression sur les élus locaux, et on n’ôte rien à l’obligation qui leur est faite de respecter ce quota de 20 % par solidarité avec l’ensemble des communes. Au surplus, une commune qui, après cinq ans, voudrait s’exonérer de l’application de l’article 55 de la loi SRU serait totalement piégée et se retrouverait avec le même pourcentage.
Mais je m’inquiète. N’y aurait-il pas là une guerre de dogmes ? En somme, il ne faudrait pas toucher à l’article 55 de la loi SRU, sorte de fondement de la législation sur le logement, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. J’ai dit tout le contraire !
M. Nicolas About. Tout à fait, mais, en creux, en quelque sorte, il s'agit bien de reconnaître que l’article 55 est, pour certains, ce fondement que j’évoquais. Pour ma part, ce n’est pas ainsi que je le considère.
Ce texte permettra aux élus locaux de continuer à aider les plus modestes à accéder à la propriété tout en libérant des logements pour les mettre à la disposition de personnes moins aisées.
Mes chers collègues, un logement est fait non pas seulement de parpaings, mais de sentiments aussi. Ce zeugma a pour seul objet de bien faire comprendre que l’on ne peut traiter les occupants d’un logement sans prendre en considération ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils vivent, ce qu’ils vivront après que l’autorité administrative ou politique aura décidé de leur sortie du parc locatif social.
Je n’ignore pas qu’un scrutin public a été demandé, et je sais bien ce qui va se passer. Des décisions ont été prises en haut lieu, et je les connais aussi. Mais je vous avertis, mes chers collègues, cela ne s’arrêtera pas là. Dans quelques instants, on va refuser aux personnes les plus modestes la possibilité d’accéder à la propriété, mais vous verrez, ce soir ou demain, que l’on voudra en outre se débarrasser rapidement des familles qui ont accueilli en leur sein une personne handicapée, dès le jour de sa mort ou dès qu’elle aura quitté le domicile. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)