M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 191.
Mme Odette Terrade. Monsieur Braye, le parti communiste n’est pas nécessairement en retard quant à la densification foncière ! Au contraire, il a souvent été trop en avance sur les masses, ce qui n’est pas bon non plus !
Il ne suffit pas de densifier et d’optimiser le foncier pour faire du logement social. En effet, une bonne partie des communes qui éprouvent des difficultés à respecter la règle des 20 % de logements sociaux affichent déjà une densité urbaine significative.
Dans un précédent débat, j’avais déjà cité quelques exemples. Ainsi, à Neuilly-sur Seine, la densité est de 7 200 logements au kilomètre carré, avec moins de 3 % de logements HLM sur l’ensemble du parc. À l’inverse, Gennevilliers compte 1 350 logements au kilomètre carré, avec plus de 60 % de logements sociaux.
Vous voyez bien que les mesures de densification ou d’optimisation du foncier ne suffiront pas !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 544.
M. Thierry Repentin. Un avis défavorable a été émis sur cet amendement au motif que le dispositif proposé pourrait donner lieu à des contentieux. Je ne l’exclus pas !
Même si je reconnais que certains d’entre eux sont perfectibles, le groupe socialiste continuera néanmoins, madame la ministre, à défendre plusieurs amendements dont le point commun est de vouloir instiller un soupçon de développement durable dans le code de l’urbanisme, afin que celui-ci devienne plus « grenello-compatible », si je puis m’exprimer ainsi, qu’il ne l’est aujourd’hui.
Je voudrais également vous redire, madame la ministre, combien nous regrettons que l’urbanisme soit exclu du champ de vos compétences ; j’avais déjà eu l’occasion de le déplorer lorsque vous étiez venue présenter votre projet de loi devant la commission des affaires économiques. En effet, je ne vois pas comment on pourrait, dans notre pays, conduire une politique du logement sans maîtriser le premier pas du cheminement vers la construction que constituent la maîtrise du foncier et l’édiction du droit de l’urbanisme.
Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 618, présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché, est ainsi libellé :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Je me permettrai tout d’abord de saluer l’affabilité légendaire de notre rapporteur…Lorsque vous prétendez que le parti communiste ne serait pas en faveur du logement social, monsieur Braye, j’imagine qu’il s’agit d’un trait d’humour. Mais c’est un humour quelque peu décalé.
Quant au Grenelle de l’environnement, nous entendons effectivement veiller à l’emprise foncière. On constate en effet, notamment dans les zones rurales, une tendance à développer les maisons individuelles au détriment des terres agricoles, alors qu’on ferait mieux de travailler sur une densification de l’habitat dans les bourgs-centre.
En tout cas, tel n’était pas le sens de notre amendement.
L’amendement que je présente maintenant est un amendement de repli.
L’article 10 du projet de loi tend à modifier l’article L 127-1 du code de l’urbanisme, afin de permettre que des programmes mixtes comportant une certaine proportion de logements locatifs sociaux puissent bénéficier de l’optimisation et de la densification foncière. Nous avons déjà exprimé des critiques à l’égard de cet article.
Cet amendement de repli entend maintenir cette possibilité prévue spécifiquement par l’actuel article L 127-1 du code de l’urbanisme pour le logement locatif social dont le coût de réalisation n’excède pas certains montants. Ainsi, cela faciliterait la réalisation de logements sociaux accessibles aux personnes modestes.
Comme il n’est pas toujours possible de réaliser un programme mixte, la suppression de cette disposition risquerait en effet de pénaliser les opérations de logement social par rapport aux opérations mixtes.
Enfin, je ne résiste pas au plaisir de vous lire une intervention que M. Braye, déjà rapporteur à l’époque, avait prononcée lors du débat sur le projet de loi portant engagement national en faveur du logement : « la concentration trop importante de logements sociaux a montré ses limites et nous en payons aujourd’hui les conséquences puisque nous sommes amenés à dépenser des sommes considérables pour réparer les erreurs du passé. Il n’est pas forcément utile de les réitérer. »
Vous le voyez, mes chers collègues, les choses ne sont pas aussi simples qu’on voudrait bien le dire !
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le III de cet article :
III. - L'article L. 127-2 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 127-2. - En outre, le dépassement de la norme résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols est autorisé, dans la limite de 20 p.100 de ladite norme et dans le respect des autres règles du plan d'occupation des sols, sous réserve :
« - d'une part, que la partie de la construction en dépassement ait la destination de logements à usage locatif bénéficiant d'un concours financier de l'État au sens du 3° de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation ou, dans les départements d'outre mer, la destination de logements locatifs bénéficiant pour leur construction d'un concours financier de l'État ;
« - et d'autre part, que le coût foncier imputé à ces logements locatifs sociaux n'excède pas un montant fixé par décret en Conseil d'État selon les zones géographiques.
« La partie de la construction en dépassement n'est pas assujettie au versement résultant du dépassement du plafond légal de densité.
« La mise en œuvre du permis de construire est subordonnée à l'obtention de la décision d'octroi du concours financier de l'État et au respect des conditions de cette dernière. Copie de cette décision doit être notifiée, avant l'ouverture du chantier, à l'autorité compétente en matière de permis de construire. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Madame la sénatrice, vos propos font insulte aux élus locaux ! Nous sommes tous conscients des erreurs commises dans les années soixante-dix et je ne connais pas un élu sur le territoire qui serait prêt à les réitérer !
Je me permets de vous préciser que, dans les zones urbaines sensibles, la densité est souvent très inférieure à celle des centres-villes.
Par ailleurs, il me paraît indispensable de donner aux élus la possibilité de revoir l’urbanisme des territoires dont ils ont la charge.
Je prendrai l’exemple de la communauté d’agglomération de Mantes en Yvelines, que je connais bien. Depuis six ans, 90 % des logements construits sur le territoire de la communauté l’ont été en renouvellement urbain, sans consommation de foncier. Nous avons donc besoin de ce genre de règles, madame la sénatrice ! Je vous invite d’ailleurs à venir voir combien la ville de Mantes-la-Jolie est devenue attractive et rayonnante : elle est totalement différente de ce qu’elle était auparavant !
De grâce, madame Didier, ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain ; nous avons besoin d’outils tels que celui-là ! Faites confiance aux élus pour les utiliser avec parcimonie et à bon escient ! Croyez bien qu’ils ont été instruits par les contre-exemples des années soixante-dix.
La commission émet donc un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le IV de cet article :
IV. - Après l'article L. 128–2 du même code, il est inséré un article L. 128–3 ainsi rédigé :
« Art. L. 128–3. - L'application combinée des articles L. 127–1 et L. 128–1 ne peut entraîner de majoration du coefficient d'occupation des sols supérieure à 50 %. »
L'amendement n° 74, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
V. - Les délibérations prises sur le fondement de l'article L. 127-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure à celle du présent article restent applicables.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 73, les communes peuvent, à l'heure actuelle, majorer leur COS de 20 % pour favoriser les constructions à haute performance énergétique ou comportant des équipements de production d'énergie renouvelable.
Le IV de l'article 10 interdit aux communes d'utiliser simultanément cette disposition et celle qui permet d’accorder des majorations correspondant à la part de logements sociaux d'un programme.
En conséquence, cette mesure interdit aux communes de différencier entre du logement social « vertueux » sur le plan énergétique et du logement social sinon énergétivore, à tout le moins banal. En outre, elle favorise la rénovation énergétique des logements privés au détriment de celle des logements sociaux.
Cela n'apparaît pas très opportun au moment où le Grenelle de l'environnement fixe des objectifs très ambitieux en matière de rénovation énergétique des logements sociaux.
C'est pourquoi cet amendement vise à permettre à une commune d'utiliser les deux majorations, tout en lui imposant de demeurer en deçà du plafond de 50 % défini à l'article L. 127–1 du code de l’urbanisme.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la réalisation de 50 % de logements sociaux permet de majorer le COS de 50 %. Désormais, cette possibilité existera dans le cas où seulement 30 % de logements sociaux sont réalisés, à la condition que ceux-ci soient des logements haute qualité environnementale ou qu’ils présentent des caractéristiques positives en termes énergétiques. Mais en cas de réalisation de 50 % de logements sociaux satisfaisants sur le plan énergétique, il ne sera pas possible de porter le coefficient à 70 % ; nous conservons le plafond de 50 %.
L’amendement n° 74, quant à lui, vise à s’assurer que les communes qui ont recouru à l’article L. 127–1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure ne seront pas pénalisées. C'est pourquoi il y est précisé que les délibérations restent valables afin d’assurer la transition pour les communes qui se sont déjà saisies de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements de bon sens.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'amendement n° 73.
M. Thierry Repentin. Madame la ministre, bien que j’aie retiré avant la séance l’amendement n° 610, je souhaiterais néanmoins que vos services puissent examiner, au regard des travaux du Grenelle de l’environnement, la pertinence du dispositif qui y était proposé.
L’article L. 128–1 du code de l’urbanisme permet actuellement au conseil municipal de majorer le COS de 20 % pour favoriser la performance énergétique ou les équipements de production d’énergie renouvelable. En fait, cet amendement d’appel visait à favoriser l’application de cette disposition en précisant que le dépassement peut également concerner les règles de hauteur, d’emprise au sol ou de gabarit dans la mesure où leur application peut, dans certains cas, en créant une sorte de conflit, rendre inopérante une majoration du COS. Auquel cas, on ne favorise pas la construction de logements compatibles avec l’esprit du Grenelle de l’environnement.
Nous voterons les amendements nos 73 et 74. Mais si vous m’indiquiez, madame la ministre, que vous partagez la philosophie qui sous-tend l’amendement n° 610 ce serait déjà une avancée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Repentin, je vous confirme que mon ministère est tout à fait sensible à ces préoccupations au regard des contraintes posées par le Grenelle de l’environnement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 10
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 148 est présenté par M. Alduy.
L'amendement n° 382 est présenté par MM. Raoul et Repentin, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 123-2 du code de l'urbanisme est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« e) À délimiter des zones urbaines ou à urbaniser dans lesquelles le coefficient d'occupation des sols et les règles de gabarit, de hauteur et d'emprise au sol définissent un volume minimal de construction en deçà duquel aucun permis de construire ne peut être délivré. »
L’amendement n° 148 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 382.
M. Daniel Raoul. Afin de limiter l’étalement urbain, d’optimiser le foncier, de favoriser la densité nécessaire à la qualité architecturale et sociale de la vie urbaine, de diminuer les déplacements contraints, de favoriser la réalisation d’ensembles de logements locatifs bénéficiant de conditions favorables de gestion, de « rentabiliser » la réalisation d’infrastructures de transports, d’économiser les aides financières publiques au logement social, il est proposé de permettre à l’autorité responsable du PLU de définir des zones dans lesquelles un volume minimal de construction est nécessaire pour obtenir un permis de construire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Cette proposition, qui vise à limiter l’étalement urbain, est d’une portée assez lourde, puisqu’elle permet de fixer une constructibilité minimale. Ainsi, il serait interdit de construire sur tel ou tel terrain en deçà d’une surface hors œuvre nette minimale.
C’est pourquoi il me paraît préférable d’examiner cette disposition dans le cadre du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, en cohérence avec les autres mesures qui seront prévues sur ce sujet.
Les communes ont déjà la possibilité d’imposer aux opérateurs une surface hors œuvre nette minimale, par exemple dans le cas des zones d’aménagement concertés ou des zones à urbaniser AU. Il ne me paraît pas souhaitable d’étendre cette faculté au-delà d’un certain nombre de dispositifs qui font l’objet de conventions précises.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le sénateur, cette idée pourrait aller à l’encontre de l’objectif que vous visez, parce qu’elle est trop générale. Le Grenelle de l’environnement a donné lieu à une réflexion dans ce sens, mais la mesure envisagée serait d’une portée plus réduite que celle que vous proposez, laquelle, si elle devait être mise en œuvre, conduirait à un blocage.
Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. Daniel Raoul. Notre amendement est trop généreux !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Avec cette question de « l’optimisation foncière », on touche là un sujet très important.
En tant qu’adjoint au maire de ma commune chargé de l’urbanisme, les COS que je fixe limitent la constructibilité des zones auxquelles ils s’appliquent. Quand, sur une zone, le COS est compris entre 0,25 et 0,30, cependant que le permis de construire d’un lotissement est à 0,10, chacun comprendra qu’il se produise sur le territoire ce que j’appellerai un « développement métastasique ». L’espace est consommé, de grandes propriétés n’abritant parfois que de petites maisons.
Nous souhaitons que l’urbanisme se développe en consommant le moins possible de terres constructibles. Sur un territoire comme celui dont je suis l’élu, il n’est pas envisageable que, en l’espace d’une génération, la population augmente de 30 % tandis que la surface urbanisée augmenterait de 120 %. Or une telle perspective est possible dans la mesure où aucun dispositif ne permet aujourd’hui d’imposer, sur tel ou tel secteur, une constructibilité minimale. Actuellement, le maire est obligé de signer le permis de construire dès lors que le promoteur a obtenu son permis de lotir, quand bien même le COS de celui-ci est très faible et en deçà des possibilités qui lui seraient offertes.
Si l’on veut vraiment offrir à tous nos concitoyens la possibilité de se loger, il faudra bien, un jour, débattre sérieusement cette question.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Élu d’un département qui bénéficie d’un pôle de compétitivité dans le domaine du végétal spécialisé, je suis très sensible à cet amendement.
Nous avons tout intérêt à limiter un étalement urbain disproportionné sur les zones horticoles et maraîchères. L’exemple que vient de donner Thierry Repentin est significatif : un permis de construire accordé pour un COS de 0,1 est consommateur d’espace. Dans mon département, une convention a été signée avec la chambre d’agriculture visant à essayer de limiter au maximum cette consommation d’espace, qui a pour conséquence de repousser très loin les zones maraîchères et horticoles. En présence d’un pôle de compétitivité dans le domaine du végétal spécialisé, cela a une certaine importance !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Messieurs les sénateurs, votre objectif est respectable et rejoint la préoccupation du Gouvernement. Pour avoir été moi-même, durant des années, l’élue de terres agricoles et vouer une grande admiration au monde agricole, je suis également très attentive à la non-consommation des terrains agricoles. Néanmoins, tel que vous les avez rédigées, les dispositions proposées pourraient avoir d’importants effets pervers.
En outre, vous vous montrez soucieux d’optimiser le foncier. Avez-vous voté l’article 10 du projet de loi ?...
M. Daniel Raoul. Nous nous sommes abstenus, en dépit des avancées remarquables qu’il contient ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 559 rectifié ter, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 531–6 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si dans les six mois qui suivent l'arrêté d'autorisation de fouilles sur des terrains destinés à la construction de logements sociaux, aucune opération de fouilles n'a été engagée, l'autorité administrative prononce le retrait de l'autorisation. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. En dépit de la meilleure volonté du monde, les élus rencontrent souvent les plus grandes difficultés à lancer la construction de logements sociaux, surtout dans des zones sensibles. En tant que maire, j’en sais quelque chose !
La plupart du temps, l’État est à l’origine de ces difficultés. Il m’est arrivé, un certain nombre de fois, de reprocher au préfet de réclamer la construction de logements tout en m’empêchant d’y procéder. Nous avons affaire à un État schizophrène qui, souvent fort légitimement, doit faire appliquer des lois dont les objectifs sont concurrents les uns des autres.
Cet amendement, auquel tient beaucoup Daniel Dubois, élu de la Somme, concerne l’archéologie préventive. Notre collègue a noté que, tant dans sa ville d’Amiens que dans son département, riche en vestiges archéologiques, un très grand nombre de projets sont actuellement en attente, parce que les travaux de fouilles n’ont pas été lancés. Disant cela, je ne remets pas en cause la nécessité de ces derniers, mais il faut trouver une juste mesure.
L’archéologie préventive souffre souvent d’un défaut de financement et d’un manque d’experts très spécialisés. Faute de tels experts et de financements, le temps passe et les projets ne voient pas le jour.
Par conséquent, notre collègue Daniel Dubois propose que soit fixé un terme au-delà duquel le projet pourra être engagé, quand bien même les travaux de fouilles archéologiques n’auraient pas débuté.
Je veux bien, madame la ministre, que le manque de foncier constitue un problème majeur. En l’occurrence, il y a du foncier, mais il n’est pas disponible. Il faut donc se donner les moyens de le rendre disponible lorsqu’il existe.
M. Repentin déclarait tout à l’heure qu’il fallait faire du « grenello-compatible ». Mais il faut aussi faire de l’agricolo-compatible, du scientifico-compatible et de l’archéo-compatible.
Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer si la situation évoquée par M. Dubois est strictement locale ou si elle concerne l’ensemble du pays ?
Le présent amendement a pour objet de mettre un terme à la période pendant laquelle la priorité est donnée à l’archéologie sur le logement social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Madame la ministre, cet amendement soulève un problème pertinent auquel se heurtent de nombreux élus locaux, à savoir le blocage des chantiers d’aménagement par les projets de fouilles.
Si aucune recherche n’a été entreprise dans les six mois qui suivent l’autorisation d’effectuer des fouilles, il n’apparaît pas illogique que l’autorisation soit retirée.
Les responsables des fouilles doivent prendre conscience des conséquences du blocage d’un chantier. Il y a d’abord des conséquences financières, directes et indirectes, pour tous les acteurs concernés. Mais il y a aussi, comme l’a indiqué M. Badré, des retards pris dans les programmes de construction, alors que de nombreuses personnes attendent un logement.
Il convient donc de trouver un moyen de responsabiliser les personnes qui conduisent les fouilles et tel est l’objet de cet amendement.
Madame la ministre, si ces personnes ne prennent pas conscience des conséquences du blocage d’un chantier, le Parlement ira très rapidement plus loin.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Je suis très sensible à la fois à la démonstration de M. Badré, à l’intérêt de M. Dubois pour cette question et aux explications de M. le rapporteur, mais j’ai la conviction que tous les élus présents dans cet hémicycle pourraient tenir les mêmes propos.
Le problème qui est posé dans cet amendement méritant une réflexion approfondie, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Tous les élus sont, un jour ou l’autre, confrontés à ce genre de problèmes. Pour l’heure, dans ma commune, des fouilles archéologiques sur un site mérovingien retardent de manière considérable les travaux de construction d’un tramway.
Cela dit, le délai de six mois me paraît un peu court, car lorsque les fouilles doivent faire l’objet d’une expertise très spécifique, les experts ne sont pas forcément disponibles dans les six mois qui suivent une autorisation de fouilles. Peut-être pourrait-il être prolongé, car, je le répète, six mois c’est très court, surtout s’il y a des mois de vacances.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Madame la ministre, je vous remercie de vous en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Je n’ai nullement l’intention de gêner Mme la ministre de la culture et de la communication. Je respecte les objectifs qu’elle s’est fixés et je suis conscient des difficultés que soulève la mise en œuvre du texte sur l’archéologie préventive.
L’amendement de M. Dubois, qui est porté par l’ensemble de notre groupe, vise à résoudre un vrai problème et à trouver un délai raisonnable.
D’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, la réflexion va s’affiner. Pour l’heure, je souhaite que le Sénat adopte cet amendement. C’est me semble-t-il de bonne méthode si l’on veut être efficace et progresser.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement. Peut-être la commission mixte paritaire modifiera-t-elle le délai prévu. À titre personnel, je considère que, six mois, c’est suffisant pour entreprendre quelque chose.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Le délai de six mois nous semble beaucoup trop court pour pouvoir mettre en œuvre un chantier de fouilles. Le fond du problème, c’est le manque de moyens de l’archéologie préventive.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ils peuvent commencer à faire quelque chose !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.