Article 23
Le chapitre IV du titre V du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Garantie et liquidation des droits
« Art. L. 3154-1. - Les droits acquis dans le cadre du compte épargne-temps sont garantis dans les conditions de l’article L. 3253-8.
« Art. L. 3154-2. - Pour les droits acquis, convertis en unités monétaires, qui excèdent le plus élevé des montants fixés par décret en application de l’article L. 3253-17, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, la convention ou l’accord de branche établit un dispositif d’assurance ou de garantie.
« À défaut d’accord collectif avant le 8 février 2009, un dispositif de garantie est mis en place par décret.
« Dans l’attente de la mise en place d’un dispositif de garantie, lorsque les droits acquis, convertis en unités monétaires, excèdent le plafond précité, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l’ensemble des droits est versée au salarié.
« Art. L. 3154-3. - À défaut de dispositions conventionnelles prévoyant les conditions de transfert des droits d’un employeur à un autre, le salarié peut :
« 1° Percevoir, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l’ensemble des droits qu’il a acquis ;
« 2° Demander, en accord avec l’employeur, la consignation auprès d’un organisme tiers de l’ensemble des droits, convertis en unités monétaires, qu’il a acquis. Le déblocage des droits consignés se fait au profit du salarié bénéficiaire ou de ses ayants droit dans les conditions fixées par décret. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 281, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. J’ai défendu cet amendement en présentant le précédent.
M. le président. L’amendement n° 282, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l’article L. 3154-2 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il s’agit d’un amendement de repli. En quelque sorte, monsieur le ministre, vous prévoyez d’ores et déjà que la négociation ne pourra aboutir et que ce point sera tranché par décret. Nous proposons donc de supprimer toute la partie qui a trait au décret.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Toujours dans la même logique, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 281.
Par ailleurs, prévoir un décret permet de pallier l’éventuel échec de la négociation. La commission souhaite donc le maintien de la disposition que l’amendement n° 282 vise à supprimer ; elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 23.
(L’article 23 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 23
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 188 rectifié, présenté par MM. Dassault et Fourcade, est ainsi libellé :
Après l’article 23, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Les 35 heures, avec la limitation des heures supplémentaires et les compensations de temps de repos, sont le plus mauvais coup jamais rendu à notre économie par un gouvernement socialiste. Heureusement que Xavier Bertrand va y mettre fin.
Cela a eu comme conséquence, non pas de réduire le chômage comme le croyaient naïvement les auteurs de cette loi, mais d’aggraver considérablement nos coûts de production, donc nos prix, et de défavoriser nos ventes et nos exportations, d’où délocalisations de la production, réduction de la croissance et augmentation prévisible du chômage.
De nombreuses usines ou filiales étrangères en France commencent à disparaître.
De plus, pour faire avaler la pilule, Mme Aubry avait inventé la compensation par l’État des 35 heures payées 39. Cela a obligé l’État à verser aux entreprises une subvention de compensation de plus en plus importante chaque année.
Cette subvention de plus de 10 milliards d’euros par an en moyenne, ce qui fait en dix ans près de 100 milliards d’euros – ce n’est pas rien ! – a été financée en empruntant. Ce n’est pas vraiment une pratique financière conseillée puisqu’elle aggrave chaque année notre déficit budgétaire. Il faut en effet éviter d’emprunter pour payer des charges de fonctionnement car on n’a aucune chance de pouvoir rembourser le capital. On aggrave la dette, la charge de la dette, et cela de façon récurrente : on recommence chaque année et aucune limite n’est prévue.
En outre, on a enlevé cette charge du budget général de l’emploi, dont je suis le rapporteur, pour la transférer au budget de la sécurité sociale. Ainsi, elle s’ajoute aujourd’hui au financement des charges de la sécurité sociale.
Ce sont en moyenne plus de 25 milliards d’euros qui partent en fumée chaque année, et cela augmente sans cesse. Cette charge représente la moitié de notre déficit budgétaire. Elle doit prendre fin car il ne faut plus continuer à endetter la France sans limite, même si cela doit avoir des conséquences sur l’emploi. Rien n’est plus grave que de continuer à s’endetter sans investir. Dans de telles conditions, on ne prépare pas l’avenir, plus grave, on le compromet.
Monsieur le ministre, voilà pourquoi je propose que l’on commence à diminuer cette charge colossale dès 2009, en ramenant, dans le projet de loi de finances pour 2009, le plafond de remboursement des charges sociales de 1,6 SMIC à 1,4 SMIC, ce qui ferait déjà 4 milliards d’euros d’économies. Pour revenir à l’équilibre en 2012, il faudrait supprimer rapidement la totalité de cette aide.
Je sais que ce n’est pas le moment de débattre de cette question, mais je voulais l’évoquer pour qu’on ne l’oublie pas lors de la discussion du prochain projet de loi de finances.
Monsieur le président, je laisse maintenant à notre collègue Jean-Pierre Fourcade le soin de compléter mon explication en défendant notre second amendement.
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M. le président. L’amendement n° 187 rectifié, présenté par MM. Dassault et Fourcade, est ainsi libellé :
Après l’article 23, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le troisième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, le pourcentage : « 60 % » est remplacé par les mots : « 40 % à compter du 1er janvier 2009 ».
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. J’ai indiqué dans la discussion générale que nous ne pouvions pas continuer à supporter cette charge d’allégements de cotisation qui atteindra 30 milliards d’euros en 2009 et qui maintenant est tellement complexe qu’il est impossible de savoir ce qui provient des 35 heures ou des abattements d’ordre général.
Nous sommes le seul pays européen à avoir une charge de cette nature et, plutôt que de prévoir le report de ces allégements à l’infini, il faudrait, d’une part, déterminer exactement quels en sont les effets sur l’emploi et, d’autre part, envisager un système de décélération en pente douce.
Mon collègue et ami Serge Dassault propose…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Une pente raide !
M. Jean-Pierre Fourcade.… de baisser le plafond de 1,6 SMIC à 1,4 SMIC la première année, puis d’aller jusqu’au niveau du SMIC.
Je formulerai à cet égard deux observations.
Première observation : d’après le rapport de notre excellent collègue Philippe Marini, 72 % de cette masse financière profite essentiellement au secteur tertiaire. Or je rappelle que ces allégements avaient été créés pour lutter contre les délocalisations et pour fortifier notre appareil industriel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Du fait d’évolutions structurelles tout à fait normales en période de mondialisation, il semble que ces allègements profitent essentiellement aux secteurs qui sont les moins touchés par la compétition internationale.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est donc un argument pour la réduire.
Seconde observation : il faudrait établir un lien – M. le ministre du travail peut sans doute le faire – entre la diminution des charges sociales pour favoriser l’embauche de personnel non qualifié ou le maintien dans l’entreprise de seniors et les résultats obtenus par les entreprises sur ces deux objectifs.
Une fois que nous disposerons d’un mécanisme d’observation et de mesure suffisant, nous pourrons déterminer si le dispositif répond bien aux trois objectifs que s’étaient donnés les gouvernements successifs, objectifs qui remontent à une douzaine d’années, puisque leur première application a été la loi Robien.
Premièrement, permet-il de financer des investissements productifs dans notre pays ? Deuxièmement, permet-il d’embaucher des personnels non qualifiés ou de maintenir dans l’entreprise des seniors ? Troisièmement, améliore-t-il la compétitivité de nos entreprises sur le marché mondial ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Dassault. Plutôt que d’essuyer un refus, je préfère retirer les amendements tout de suite, monsieur le président ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Déjà ?
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voici arrivés à la fin de l’examen de ce texte. Je ne reviendrai pas sur la position commune du 9 avril dernier à laquelle sont parvenus la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME, après une négociation interprofessionnelle de plusieurs mois.
À peine un peu plus d’un mois après cet accord, et alors que le président Sarkozy affirme qu’il souhaite qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec l’idée d’un État qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre pays, monsieur le ministre, vous imposez par la loi qui, en contradiction avec une célèbre maxime, opprimera le peuple plutôt qu’elle ne le libérera, une vielle exigence du patronat : livrer les salariés à des horaires de travail qui les ramènent plusieurs décennies en arrière.
Cette position commune du 9 avril fondait la représentativité des syndicats sur le vote des salariés de l’entreprise en prenant en compte cette audience électorale pour la validation des accords collectifs.
Ce texte n’était pas parfait et résultait d’un compromis entre quatre organisations syndicales. Ses principales carences portaient sur l’absence de dispositions concrètes concernant l’expression de plus de 4 millions de salariés des très petites entreprises, les TPE. Son article 17 disposait que, à titre expérimental, le contingent des heures supplémentaires au sein de l’entreprise pouvait être déterminé sur la base d’un accord signé par des syndicats représentant une majorité absolue de salariés. Il s’agissait bien d’une représentativité de 50 % de ces syndicats.
Cet accord devait respecter les dispositions du code du travail et de la convention collective, notamment en ce qui concerne les taux de majoration des heures supplémentaires et les droits des salariés à bénéficier des repos compensateurs.
Or, on sait ce qu’il est advenu de cet article 17 de la position commune, malgré tous vos discours sur les mérites du dialogue social ! Vous avez profité de l’occasion pour imposer en catimini une réforme en profondeur de la durée du travail. La trahison n’en est que plus grande !
Qui plus est, vous avez donné ici même votre accord pour que l’on revienne sur les modalités de financement du dialogue social dans les entreprises.
Que telle soit la volonté des sénatrices et sénateurs UMP, écoutant en cela les organisations patronales, cela ne m’étonne pas ; mais en ce qui vous concerne, monsieur le ministre, votre mission était de transposer fidèlement la position commune ! Votre conduite a donc de quoi choquer, car le financement faisait bel et bien partie de la position commune.
Certes, vous nous dites vouloir étendre prochainement – dès le mois d’octobre – l’application de l’accord UPA. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point, même si les promesses n’engagent que ceux qui y croient ! J’espère du moins, monsieur le ministre, que vous croyez en votre propre promesse…
Dans le titre II du projet de loi, les articles 16 à 18 consacrent la généralisation de la précarité et l’augmentation démesurée du temps de travail, avec une durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures, la suppression des jours fériés en dehors du 1er mai pour les personnes soumises au régime du forfait jour, la monétisation des repos compensateurs, la disparition des journées de RTT – ce que nous avons dénoncé comme un véritable hold-up –, le dumping social généralisé, l’éloignement de l’inspection du travail, le fait que les comités d’entreprise ne puissent pas donner leur avis, et, pour clore cette liste d’ailleurs non exhaustive, l’inversion de la hiérarchie des normes.
C’est donc une régression sans précédent que vous nous demandez d’entériner aujourd’hui !
De plus, les conditions dans lesquelles ce débat s’est déroulé – urgence déclarée, des réponses du Gouvernement pour le moins lapidaires – témoignent d’une réelle ligne de clivage entre le groupe UMP et le groupe CRC sur le sens que nous donnons, les uns et les autres, au travail, à ce que doit être sa juste rémunération, à sa place dans la vie quotidienne des salariés, mais aussi, ai-je envie de dire, au sens à donner à la vie – professionnelle et familiale –, à la santé et à la sécurité des travailleurs.
Vous n’avez cessé de rappeler que vous vouliez offrir la possibilité à tous les salariés de travailler plus s’ils le souhaitent, vous érigeant ainsi, de manière abusive, en défenseurs de la liberté individuelle. Or, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, la théorie d’Adam Smith est dépassée, l’histoire nous l’a démontré !
Alors, vous vous cachez derrière d’autres arguments, tel que celui consistant à prétendre que la France travaille moins. Cela rend-il notre pays moins compétitif que le reste de l’Europe ou que les États-Unis ?
Vous décrivez une France paresseuse en précisant, comme l’a fait notre collègue Jean-Pierre Fourcade, que chaque salarié travaille deux cents heures de moins dans l’année. Mais cela obère-t-il la capacité de notre pays à produire des richesses ? Non, mes chers collègues, et je ne reviendrai pas sur la démonstration qu’a faite notre collègue Jean-Luc Mélenchon au cours du débat.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
Mme Annie David. En vérité, votre projet de loi maintient la durée légale hebdomadaire du temps de travail à 35 heures, mais vide le code du travail de tout ce qui donnait du sens à cette durée.
Cette clef de voûte du droit du travail n’aura plus demain d’effet au regard des seuils sociaux européens, portés à 60 ou 65 heures hebdomadaires par le projet de directive.
Mme Annie David. Par conséquent, avec le présent texte, non seulement vous mentez au peuple de France, mais en plus vous pérennisez un système qui joue contre les salaires et l’emploi, alors que, pendant près d’un siècle, notre pays a prouvé qu’il était possible tout à la fois de baisser le temps de travail et d’augmenter les salaires et la productivité.
Pour toutes ces raisons, vous ne serez pas étonnés que les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen votent résolument et unanimement contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Grâce à l’excellent travail réalisé par la commission des affaires sociales, nous avons pu avoir sur ce texte complexe un débat serein, malgré quelques grandes envolées. Cela nous a permis, sur un certain nombre de grands sujets, d’aller au fond des choses.
Il s’agissait d’abord, par ce texte, de revoir les règles de représentativité des syndicats, qui n’avaient pas évolué depuis 1966. Le projet de loi prévoit de nouveaux critères et reconnaît l’importance de l’audience électorale. La légitimité des organisations représentatives des salariés se trouve ainsi renforcée.
Le groupe UMP considère que la faible représentativité des syndicats est un des graves inconvénients de notre système économique.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je suis persuadé qu’il est possible de conclure des accords collectifs de meilleure facture, protégeant véritablement nos travailleurs, pour peu que nous parvenions, comme c’est le cas aussi bien dans les pays nordiques qu’en Allemagne et en Grande-Bretagne, à un système fondé sur des organisations syndicales moins nombreuses – il ne faut pas avoir peur de le dire –, mais plus efficaces et représentant davantage les différentes catégories de travailleurs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. Tel est en tout cas le vœu que je forme pour ma part en apportant mon soutien au titre Ier du projet de loi.
Le titre II a, quant à lui, fait l’objet d’un débat peut-être moins serein, mais tout aussi intéressant. Il a pour objet de modifier les règles de négociation des accords en luttant contre deux idées fausses.
La première est celle qui consiste à penser que l’on peut répondre à la mondialisation et à la concurrence internationale par un partage du travail. Nous sommes les seuls au monde à avoir tenté cette expérience avec les 35 heures ! Le résultat ne s’est pas fait attendre : les exportations françaises ne cessent de régresser dans le monde et, plus généralement, notre participation au commerce mondial est en décrue depuis quelques années. Cela, aucune personne de bonne foi ne peut le contester !
M. Guy Fischer. Et notre productivité est une des meilleures au monde !
M. Jean-Pierre Fourcade. La seconde idée fausse concerne la fameuse norme descendante des accords collectifs qui distingue l’accord national, puis l’accord de branche et enfin l’accord d’entreprise.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Alors que l’inverse est plus efficace et plus légitime !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il se trouve que, dans le contexte actuel, compte tenu des problèmes d’emploi que rencontrent surtout les catégories les plus fragiles de la population – telles que les femmes à la tête de familles monoparentales ou encore les jeunes non qualifiés –, il nous faut accroître le nombre d’accords au niveau des entreprises.
En effet, qui investit, qui exporte, qui embauche ? Ce ne sont pas les branches, mais les entreprises ! (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Par conséquent, si nous voulons que notre modèle social et économique soit compétitif par rapport à l’ensemble de nos concurrents, c’est bien de la réalité de l’entreprise qu’il convient de partir.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, le groupe UMP approuve les éléments de flexibilité supplémentaire que prévoit ce texte (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)…
M. Guy Fischer. C’est le moins qu’on puisse dire !
M. Jean-Pierre Fourcade.… en particulier sur le plan des heures supplémentaires.
L’année dernière, nous votions la loi TEPA, acceptant ainsi la diminution des impositions sociales et fiscales pesant sur les heures supplémentaires. Il ne fallait donc pas vous attendre, mes chers collègues de l’opposition, à ce que nous revenions sur ce vote, alors même que les effets produits par ces dispositions s’avèrent relativement bénéfiques.
De plus, nous avons examiné grâce au présent texte plusieurs problèmes liés à la réduction du temps de travail ; sur ce point également, je crois que le texte auquel nous sommes parvenus ce soir est important.
Je me félicite également, au nom du groupe UMP, que nous ayons pu, aussi bien sur ce qui concerne les heures supplémentaires que sur le rythme de travail ou encore le compte épargne-temps et le plan d’épargne pour la retraite, débattre dans des conditions qui font honneur au Sénat. Nos échanges ont en effet été sereins, presque tranquilles, ce qui n’empêche pas l’existence d’oppositions doctrinales et factuelles, bien entendu,…
M. Jean Desessard. Évidemment, nous sommes archaïques !
Mme Annie David. Chacun a sa doctrine ! Chacun est doctrinaire à sa façon !
M. Jean-Pierre Fourcade.… mais cela n’a pas empêché que les conditions du débat restent correctes.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, le groupe UMP, unanime, votera le texte auquel nous sommes parvenus.
Permettez-moi de remercier pour terminer, au nom de vous tous, le président, le rapporteur et tous les membres de la commission des affaires sociales. Ils ont beaucoup travaillé !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Nous voici donc arrivés à l’issue de nos débats sur ce projet de loi.
Qui pouvait s’opposer à la nécessaire amélioration de la « démocratie sociale » dans notre pays ? Personne, bien sûr !
Et, pour cela, les pays du nord de l’Europe nous indiquaient une nouvelle fois le chemin à suivre. Pour que le dialogue social fonctionne correctement, il faut en effet des syndicats capables de faire valoir efficacement les droits des salariés, de contribuer à l’élaboration de compromis solides et équilibrés avec le patronat, mais aussi de les faire respecter ; autrement dit, des syndicats puissants dont la légitimité est incontestable.
Sur ce point, le présent texte apporte un début de réponse au problème posé en France, même s’il reste des lacunes dans le titre Ier, notamment en ce qui concerne les modalités concrètes de désignation des syndicats dits « représentatifs ».
En revanche, je dénonce avec la plus grande fermeté, ainsi que mes collègues Verts, la manœuvre qui consiste à lier mécaniquement la recherche légitime d’une nouvelle « démocratie sociale » à ce qui constitue une attaque en règle et de portée historique contre la législation en matière de « temps de travail », pour reprendre l’intitulé du titre II.
Mais, monsieur le ministre, personne n’est dupe ! Les Français n’auront aucune peine à croire votre ami politique, M. Devedjian, député UMP, lorsqu’il annonce un « démantèlement définitif des 35 heures ».
Pis encore, cette loi constitue une régression qui va nous ramener avant 1936 et qui va toucher de plein fouet le monde du travail.
Pour le coup, cette très mauvaise attaque portée aux salariés constitue bien une politique de « rupture » ! Il s’agit même d’une rupture historique puisque, pour la première fois, le législateur s’en prend directement à l’un des principes fondateurs du droit du travail avec l’inversion radicale des normes juridiques : un accord d’entreprise pourra être plus pénalisant pour le salarié qu’un accord de branche.
Ainsi, à l’exact opposé des pratiques des pays nordiques adeptes du capitalisme rhénan, qui caractérise des États tout aussi pacifiés sur le plan social que performants sur le plan économique, ce texte ouvre de nouvelles voies à la déréglementation du droit du travail dans notre pays et au dumping social généralisé entre les entreprises installées en France. Voilà une belle rupture, en vérité !
Ce sont des décennies de progrès sociaux, arrachés de haute lutte par les salariés, qui sont aujourd’hui remis en cause au nom d’une idéologie ultralibérale qui ne dit pas son nom. En effet, ce projet de loi porte en germe la dégradation inexorable des conditions de travail, de vie – familiale et sociale – et de santé des salariés.
Dans le monde nouveau qui commence à émerger, marqué par la fin définitive de l’ère du « pétrole pas cher », avec pour conséquence une croissance économique structurellement et durablement ralentie, nous sommes collectivement invités à favoriser l’émergence de nouveaux compromis sociaux, forcément complexes.
Or, monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous nous proposez de valider un compromis social productiviste et inégalitaire, qui date véritablement du siècle dernier. En favorisant les heures supplémentaires, il donne en effet la priorité à ceux qui travaillent déjà, et non aux chômeurs.
Par ailleurs, les gains de productivité du travail réalisés chaque année reviennent implicitement au patronat, puisque la hausse du pouvoir d’achat ne devient possible pour les salariés que s’ils font des heures supplémentaires, ce que le texte va faciliter, pour ne pas dire imposer !
Enfin, la stimulation de la croissance – durablement ralentie – en emploi n’est envisagée qu’à travers la multiplication des emplois précaires.
À ce compromis social anachronique, productiviste et inégalitaire, j’oppose, avec mes collègues Verts, la recherche de compromis sociaux nouveaux, écologistes et solidaires, axés sur la réduction partagée du temps de travail et sur une répartition de la richesse plus équitable.
Telles sont les raisons pour lesquelles, en conscience, je ne peux que voter contre ce texte, qui est sans doute, monsieur le ministre, le pire sur le plan social que votre Gouvernement nous ait présenté !
Mais, en pleine période estivale, tout semble permis, même le pire… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Avec ce projet de loi et particulièrement son titre II, consacré à la réforme du temps de travail, nous franchissons une étape supplémentaire dans la voie d’une déréglementation à l’américaine du droit du travail et de la destruction du modèle social, non seulement français, mais européen. En effet, nous nous éloignons encore un peu plus des systèmes en vigueur en Europe du Nord.
Dans ce domaine, nous avons connu une année chargée, qui se clôt avec le coup final porté à la réglementation sur la durée du travail. Pour aller vite, à compter de ce jour, ce sont au mieux des accords d’établissement ou d’entreprise qui régiront la matière et au pire des accords de gré à gré qui exprimeront la volonté unilatérale de l’employeur.
Les forfaits sont appelés à connaître une croissance exponentielle, puisqu’ils permettent de fait d’appliquer la réglementation européenne qui autorise à « crever » tous les plafonds et à faire disparaître les heures supplémentaires pourtant promises aux salariés par le président Sarkozy.
On fait croire à ces mêmes salariés qu’ils augmenteront leur pouvoir d’achat en rachetant des jours de RTT, voire, bientôt, leur compte épargne-temps, alors que l’on ne fait que leur donner, si l’employeur l’accepte, ce qui leur appartient déjà.
Le slogan « travailler plus pour gagner plus » est vite devenu, dans l’esprit de la plupart de nos concitoyens, une expression vide de sens. Demain, lorsque ceux-ci découvriront l’application qui sera faite de ce texte dans leur entreprise, dans leur vie quotidienne, ils constateront que le Gouvernement et sa majorité élaborent des lois qui les condamnent à travailler plus pour gagner moins.
Cette formidable arnaque se produit dans un contexte de baisse des bas salaires en valeur absolue, avec une hausse de 2,30 % du SMIC pour une inflation officielle de 3,20 %.