M. le président. Monsieur le président de la commission, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Tout d’abord, monsieur le président, je retire l’amendement n° 5, eu égard à la précision apportée par M. le secrétaire d’État.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Concernant l’amendement n° 1, je voudrais reprendre l’argumentaire de Philippe Marini, rapporteur, qui a remporté l’adhésion de nos collègues, lors de l’examen de cette mesure en commission. Nous avons eu un débat à ce sujet, débat dont je ne peux que me faire l’écho en tant que président.
Philippe Marini a pris un exemple : peut-on parler de fonds d’investissement de proximité lorsque quatre régions – je les choisis tout à fait par hasard : Franche-Comté, Bourgogne, Rhône-Alpes et PACA – vont se trouver dans le même fonds d’investissement de proximité ? Il s’agit, certes, d’une proximité parce que ces régions appartiennent à la même nation, mais est-ce vraiment ce que l’on entend par investissement de proximité ? Telle était la préoccupation de Philippe Marini !
Compte tenu de l’échange que nous avons eu en commission, je ne peux que soumettre cet amendement à notre assemblée, sachant que nous aurons le temps d’y réfléchir. Mais il est vrai que, s’agissant du terme « proximité », face à une telle étendue, il nous faudra revisiter notre géographie. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je souhaiterais être un peu plus précis, avec des chiffres qui, je l’espère, vous convaincront de suivre l’intention initiale du Gouvernement qui est d’étendre à quatre, au lieu de trois, les régions limitrophes.
La limitation à trois régions conduit actuellement les opérateurs, soumis à des contraintes de résultat, à privilégier les régions les plus dynamiques ou offrant le tissu économique le plus étoffé. Car, vous le savez bien, ce sont des investissements qu’il s’agit de rentabiliser sur des durées limitées. Telle est la réalité !
Élargir le périmètre à quatre régions permettrait à ces opérateurs d’intégrer des régions limitrophes moins favorisées – je sais, monsieur le président, combien vous êtes sensible aux notions d’aménagement du territoire –, tout en limitant la prise de risque complémentaire.
Je voudrais vous donner quelques statistiques. Entre 2003 et 2007, quatre-vingt-trois FIP ont été créés, et 826 millions d’euros ont été levés. Comme je viens de le relever, chaque FIP couvre trois régions, et trois régions seulement. Or de nombreuses régions sont peu couvertes. Pour ne citer que deux exemples, sur cette période, aucun FIP ne couvre le Limousin, et un seul couvre la Basse-Normandie. Ces régions n’obtiennent donc pas, pour leurs PME, les investissements auxquels elles pourraient prétendre.
En élargissant le périmètre, cela permettrait de couvrir…
Mme Nathalie Goulet. Et d’unifier !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. …des régions qui ne sont pas ou peu couvertes aujourd’hui par des FIP et, par conséquent, de leur donner plus de chances de se développer.
Au total, la conviction du Gouvernement est que l’extension à quatre régions ne diminuera pas l’ancrage territorial des FIP ; si c’est votre crainte, soyez apaisé, monsieur le président. Au contraire, cette extension facilitera l’investissement à des fins de diversification dans des régions pas ou peu couvertes.
C’est la raison pour laquelle je vous demande avec insistance de bien vouloir vous rallier à l’intention initiale du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je vais retirer l’amendement….
Mme Nicole Bricq. Oh non !
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. …à moins que Mme Bricq ne le reprenne immédiatement…
En l’état actuel, la région Basse-Normandie est liée non seulement à la région d’Île-de-France, …
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. … mais aussi à la région Centre, pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, je connais votre profond attachement et votre grand engagement.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Le fait qu’un FIP puisse investir dans ces trois régions traduit des phénomènes bien spécifiques. Je suis, pour ma part, originaire de Basse-Normandie et je connais bien les problèmes qui s’y posent, notamment dans l’Orne. (Mme Nathalie Goulet approuve vivement.) Dans la mesure où les fonds d’investissement de proximité constituent l’un des facteurs d’attractivité de territoire, je souhaiterais que ce département puisse bénéficier de FIP en provenance d’Île-de-France, qui n’en manque pas !
Il n’est pas utile, me semble-t-il, de poursuivre le débat : qu’on limite le dispositif à trois régions ou qu’on l’étende à quatre, l’important est de souligner le dynamisme des fonds d’investissement de proximité.
Cela étant, monsieur le président, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
Mme Nicole Bricq. C’est bien dommage !
M. le président. Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Article additionnel après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa du 4 du I de l’article 885 I ter, les mots : « l’article L. 214-36 » sont remplacés par les mots: « les articles L. 214-36 et L. 214-37 » ;
2° Dans la seconde phrase du premier alinéa du 1 du III de l’article 885-0 V bis, les mots : « à l’article L. 214-36 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 214-36 et L. 214-37 ».
II. - Le I s’applique aux versements effectués à compter du 29 décembre 2007.
III. - La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Avec cet amendement de précision, nous en revenons à la réduction d’impôt de solidarité sur la fortune accordée au titre de la souscription de parts de fonds d’investissement de proximité, de fonds communs de placement dans l’innovation et de fonds communs de placement à risques « classiques ».
Dans la logique de ce que nous avons déjà voté, nous proposons de compléter l’article 885 I ter du CGI pour étendre une telle réduction d’ISF à la souscription de parts de fonds communs de placement à risques bénéficiant de la procédure allégée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. La proposition de la commission, qui vise à élargir le champ de la mesure en y incluant les souscriptions de parts de FCPR dits « allégés », est de nature à drainer encore plus d’épargne vers les fonds propres de nos PME.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement et je lève le gage.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 3 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Article 10 bis
I. - Après l’article L. 225-209 du code de commerce, il est inséré un article L. 225-209-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-209-1. - L’assemblée générale d’une société dont les actions sont admises aux négociations sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations dans les conditions prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, figurant sur une liste arrêtée par l’autorité dans des conditions fixées par son règlement général, peut autoriser le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, à acheter un nombre d’actions représentant jusqu’à 10 % du capital de la société aux fins de favoriser la liquidité des titres de la société. L’assemblée générale définit les modalités de l’opération ainsi que son plafond. Cette autorisation ne peut être donnée pour une durée supérieure à dix-huit mois. Le comité d’entreprise est informé de la résolution adoptée par l’assemblée générale.
« Un rapport spécial informe chaque année l’assemblée générale de la réalisation des opérations d’achat d’actions qu’elle a autorisées et précise en particulier le nombre et le prix des actions ainsi acquises aux fins de favoriser la liquidité des titres de la société.
« Le conseil d’administration peut déléguer au directeur général ou, en accord avec ce dernier, à un ou plusieurs directeurs généraux délégués, les pouvoirs nécessaires pour réaliser cette opération. Le directoire peut déléguer à son président, ou avec son accord, à un ou plusieurs de ses membres, les pouvoirs nécessaires pour la réaliser. Les personnes désignées rendent compte au conseil d’administration ou au directoire de l’utilisation faite de ce pouvoir dans les conditions prévues par ces derniers.
« L’acquisition, la cession ou le transfert de ces actions peut être effectué par tous moyens. Ces actions peuvent être annulées dans la limite de 10 % du capital de la société par périodes de vingt-quatre mois.
« En cas d’annulation des actions achetées, la réduction de capital est autorisée ou décidée par l’assemblée générale extraordinaire qui peut déléguer au conseil d’administration ou au directoire, selon le cas, tous pouvoirs pour la réaliser. Un rapport spécial établi par les commissaires aux comptes sur l’opération envisagée est communiqué aux actionnaires de la société dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. »
II. - Dans les premier et dernier alinéas de l’article L. 225-211 du même code, le mot et la référence : « et L. 225-209 » sont remplacés par les références : «, L. 225-209 et L. 225-209-1 ».
III. - 1. À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 225-212 du même code, la référence : « de l’article L. 225-209 » est remplacée par les références : « des articles L. 225-209 et L. 225-209-1 ».
2. Dans le dernier alinéa du même article, la référence : « de l’article L. 225-209 » est remplacée par les références : « des articles L. 225-209 et L. 225-209-1 ».
IV. - Dans le premier alinéa de l’article L. 225-213 du même code, le mot et la référence : « et L. 225-209 » sont remplacés par les références : «, L. 225-209 et L. 225-209-1 ».
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.
Mme Odette Terrade. Avec cet article 10 bis, il s’agit, dans les faits, de donner le moyen à certains dirigeants d’entreprise de mettre en œuvre des procédures d’autocontrôle permettant de résister aux raids financiers internationaux, par le biais d’un dispositif complexe en apparence, mais qui pourra, évidemment, trouver sa pleine application dans le cas de nos PME inscrites sur le marché Alternext.
En l’espèce, la disposition visée à cet article tend à assurer à nos entreprises les moyens de résister à l’un des effets pervers d’une économie ouverte : celui d’être exposées aux opérations de prise de contrôle menées par des intérêts étrangers.
Dans l’absolu, force est de constater qu’il conviendrait, dans un premier temps, de savoir quel est l’équivalent de telles dispositions à l’étranger.
Dans son rapport, la commission spéciale souligne : « [La] commission spéciale approuve l’économie de ce dispositif, qui offre de nouvelles possibilités d’approfondissement de la liquidité et de "lissage" de la sortie d’importants actionnaires des PME cotées sur Alternext, conformément aux recommandations des acteurs de la place. La liquidité est en effet un enjeu déterminant pour ce marché, dont trois années de fonctionnement ont permis de constater les lacunes, et la possibilité de recourir aux contrats de liquidité apparaît à cet égard indispensable. »
Elle ajoute : « [La] commission spéciale vous propose d’adopter un amendement afin de renforcer la transparence et la crédibilité d’Alternext, de compléter le présent dispositif par une obligation d’information périodique de l’AMF sur les achats, cessions, transferts et annulations d’actions réalisés dans le cadre des programmes adoptés et mis en œuvre. »
Dans les faits, il s’agit donc, au motif de protéger certaines de nos PME, de faire en sorte qu’elles soient encore mieux intégrées à la logique des marchés financiers et, notamment, aux obligations en découlant quant au rendement des placements pour les « épargnants », et je mets ce terme entre guillemets à dessein.
Nous ne sommes pas convaincus, faut-il le souligner encore, que le problème des fonds propres des entreprises puisse forcément se régler par appel public à l’épargne et par inscription durable de leur gestion dans la seule logique boursière.
C’est donc au bénéfice de ces observations que nous ne voterons pas cet article.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 225-209-1 du code de commerce par deux phrases ainsi rédigées :
La société informe chaque mois l’Autorité des marchés financiers des achats, cessions, transferts et annulations ainsi réalisés. L’Autorité des marchés financiers porte cette information à la connaissance du public.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. L’article 10 bis, introduit par l’Assemblée nationale, complète le régime des rachats d’actions par les émetteurs prévu par le code de commerce, afin de permettre l’extension au marché organisé Alternext de la pratique des contrats de liquidité.
Force est de le constater, Alternext, qui fonctionne depuis maintenant trois ans, connaît un démarrage relativement lent puisqu’il n’accueille que 137 sociétés. En comparaison, le marché britannique similaire, certes beaucoup plus ancien, regroupe plus de 1 500 sociétés. Le rapport est donc de un à douze !
Monsieur le secrétaire d’État, il y a sans doute une réflexion à conduire au vu des besoins de financement, notamment en termes de liquidités. Peut-être pourrez-vous nous donner votre sentiment sur le sujet ?
Le présent article prévoit opportunément un régime de rachat d’actions pour les sociétés cotées sur un marché non réglementé dédié justement à l’amélioration de cette liquidité. Dans un souci de transparence, l’amendement n° 6 vise à préciser que la société doit informer mensuellement l’AMF, afin de s’aligner sur le régime applicable au marché réglementé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. M. le président de la commission l’a souligné à juste titre, il convient, pour renforcer l’attractivité d’Alternext, d’assurer une plus grande transparence des contrats de liquidité par une information de l’Autorité des marchés financiers.
Je suis favorable à l’amendement n° 6, qui est de nature à améliorer une telle transparence. Nous aurons l’occasion, dans l’une des ordonnances prévues à l’article 42 du projet de loi, de mettre en cohérence les règles de publicité entre les sociétés cotées et non cotées.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 bis, modifié.
(L’article 10 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 10 bis
M. le président. L’amendement n° 710, présenté par M. Nogrix, Mme Dini et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les deux premières phrases de l’article L. 311-15 du code de la consommation sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l’offre, l’emprunteur peut revenir sur son engagement. »
II. La première phrase de l’article L. 311-16 du code de la consommation est ainsi rédigée :
« Le contrat accepté par l’emprunteur ne devient parfait qu’à la double condition que dans le délai de sept jours, ledit emprunteur n’ait pas usé de la faculté de rétractation visée à l’article L. 311-15 et que le prêteur ait fait connaître à l’emprunteur sa décision d’accorder le crédit. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Afin de responsabiliser les établissements de crédit, il semble naturel d’exiger d’eux qu’ils étudient la situation financière des souscripteurs. Les établissements de crédit doivent connaître avec précision la solvabilité des demandeurs de crédits à la consommation avant de répondre positivement à leur demande.
Il apparaît dès lors nécessaire de rendre obligatoire un délai d’agrément de sept jours, tant pour l’établissement de crédit que pour l’emprunteur, afin que le premier ait le temps de procéder à l’étude de la solvabilité du second.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Madame Payet, lors du débat en commission, il est apparu à M. Marini à la fois peu utile et peu juridiquement cohérent de conditionner la faculté de rétractation prévue en la matière.
Dans les faits, cette rétractation est garantie : l’emprunteur doit simplement remplir un bordereau et n’a pas à motiver sa décision. Elle va en outre être confortée par une transposition de la récente directive sur le crédit à la consommation, en date de janvier dernier, qui harmonisera les délais existants en les alignant tous à quatorze jours. La législation des États membres pourra autoriser le consommateur à demander la réduction de ce délai, car il s’agit d’un délai maximal, pour les contrats liant la mise à disposition des fonds à l’expiration du droit de rétractation.
Par conséquent, ma chère collègue, M. Marini, estimant votre préoccupation satisfaite, a souhaité que cet amendement puisse être retiré.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Cet amendement vise, en réalité, à modifier l’état actuel du droit en rendant obligatoire l’agrément du prêteur par l’emprunteur pour tous les crédits à la consommation. Or cela soulève deux difficultés principales.
Premièrement, il n’est pas prévu de faire figurer cette information dans l’offre préalable, comme c’est le cas actuellement. L’adoption d’une telle disposition risque donc d’introduire de la confusion au niveau des emprunteurs, qui ne comprendront pas forcément que leur acceptation de l’offre préalable doive s’accompagner, en tout état de cause, de l’agrément du prêteur.
Deuxièmement, cette systématisation de l’agrément pourrait soulever des difficultés pour la comparaison par l’emprunteur des offres préalables. En effet, dans le système actuel, les offres qui ne sont pas soumises à agrément lient le prêteur pendant un délai de quinze jours, au cours duquel l’emprunteur peut comparer les offres et choisir celle qui lui semble la plus adaptée. Cette comparaison ne sera plus possible si son acceptation est systématiquement conditionnée à l’agrément du prêteur.
Au bénéfice de ces explications, madame le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 710.
M. le président. Madame Payet, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 710 est retiré.
Article 10 ter
Après l'article 24 de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d'ordre économique et commercial, il est inséré un article 24-1 ainsi rédigé :
« Art. 24-1. - Est puni d'une amende de 15 000 € le fait, pour le cocontractant du transporteur routier, de ne pas rémunérer les prestations de transport par un prix permettant de couvrir la variation des charges liée à la variation du coût du carburant, entre la date du contrat et la date de réalisation de l'opération de transport, conformément aux II et III de l'article 24.
« Est puni d'une amende de 15 000 € le fait, pour le cocontractant du commissionnaire de transport, de ne pas rémunérer la part relative à l'organisation des transports routiers de marchandises de la prestation de commission de transport par un prix permettant de couvrir la variation des charges liée à la variation du coût du carburant, entre la date du contrat et la date de réalisation de l'opération de transport, conformément aux II à IV de l'article 24. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce nouvel article, introduit par nos collègues députés, tend à punir le fait, pour un cocontractant d’un service de transport routier de marchandises, de ne pas respecter les dispositions qui permettent aux transporteurs routiers de répercuter les variations des charges de carburant sur leurs clients.
Nous sommes favorables à une telle mesure dont l’urgence est d’une brûlante actualité. Les transporteurs routiers, comme en témoignent les nombreux mouvements récents survenus dans plusieurs pays de l’Union, sont des victimes évidentes de la hausse du pétrole.
Cependant, je souhaite alerter notre assemblée sur les contradictions que cette mesure soulève.
D’une part, il nous faut reconnaître que la hausse exorbitante des tarifs des produits pétroliers depuis plusieurs mois et ses répercussions sur le pouvoir d’achat des salariés est directement liée au mode de gestion de la ressource pétrolière et à la spéculation organisée autour de cette richesse.
Laisser à de grandes firmes le monopole de gestion du pétrole, donc à des actionnaires soucieux avant toute chose de leur marge, ne permet pas de répondre aux enjeux de maîtrise de la consommation d’une telle ressource.
Alors que la gestion de cette ressource devrait être publique au regard des enjeux énergétiques et environnementaux, l’explosion du tarif du baril a permis d’augmenter les bénéfices nets de nombreux groupes pétroliers. Rien que pour Total, ceux-ci s’élèvent à plus de 12 milliards d’euros.
La réponse du marché à l’épuisement des ressources fossiles réside dans l’augmentation des prix et, donc, des marges pour les actionnaires. La pénurie devient une opportunité pour accroître fortement la rentabilité à court terme.
C’est autant d’argent qui ne servira ni à financer la recherche pour des énergies renouvelables ni à améliorer l’efficacité énergétique, notamment dans le secteur des transports et du logement.
D’autre part, le transport routier de marchandise paie un lourd tribut à cette politique.
La libéralisation de ce secteur, introduite par directive dès 1985, illustre particulièrement des dérives du dogme de la concurrence libre et non faussée. En effet, à coup de directives, toutes les garanties sociales pour les conducteurs ont été démantelées. En 1985, c’est la tarification routière obligatoire qui a été abrogée. Récemment, la directive relative au temps de travail dans les transports a libéré les contraintes pesant sur les employeurs en termes de temps de repos.
On voit d’ailleurs que les institutions européennes continuent de proposer une libéralisation accrue du secteur, notamment avec le projet de travailleur mobile.
Dans ce cadre, on ne peut qu’apprécier la récente opposition à ce projet du secrétaire d'État chargé des transports et sa volonté de mettre en place un groupe de travail paritaire sur ce sujet.
Nous estimons, pour notre part, que le bilan de la libéralisation du secteur du transport routier n’est pas positif. Il serait donc pleinement utile de réfléchir à d’autres formes de régulation et, notamment, à l’instauration d’une tarification sociale obligatoire dans les transports.
En effet, le secteur du fret routier est sous-tarifé depuis de nombreuses années, le dumping social et fiscal revoit à la baisse les conditions de travail des salariés, les conditions de sécurité et donc la qualité du service.
Les chargeurs devraient pourtant avoir obligation de payer le transport à son juste coût et non le considérer comme une simple variable d’ajustement.
À l’heure du Grenelle de l’environnement, il serait également opportun de créer une tarification qui intègre les coûts environnementaux et sociaux. Il s’agirait d’un signe fort en faveur du développement durable, qui allie performance économique, sociale et environnementale.
À ce titre, je vous rappelle que les coûts externes dans le secteur des transports correspondent en Europe à plus de 650 milliards d'euros par an, dont la route est responsable à 83 %.
Les sénateurs de mon groupe sont donc convaincus qu’une grande discussion doit être engagée sur la tarification du fret routier pour sortir de la spirale du dumping économique, social et environnemental. Même si l’article est intéressant, il ne suffit pas à régler le problème.
M. le président. L'amendement n° 120 rectifié, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - L'article 24 de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d'ordre économique et commercial est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du II, les mots : « prendre en compte » sont remplacés par le mot : « couvrir » ;
2° Après le III, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« III bis. - Est punie d'une amende de 15 000 euros la méconnaissance, par le cocontractant du transporteur routier, des obligations résultant pour lui de l'application des II et III. »
3° Dans le IV, la référence : « et III » est remplacée par les références : «, III et III bis » et après les mots : « transports routiers de marchandises », sont ajoutés les mots : « et aux contrats de location de véhicules avec conducteur destinés au transport routier de marchandises » ;
4° Après le IV, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« V. - Les dispositions des quatrième à huitième alinéas de l'article 23-1 s'appliquent aux infractions prévues au présent article. »
II. - L'article 189-6 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du II, les mots : « prendre en compte » sont remplacés par le mot : « couvrir » ;
2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« IV bis. - Est punie d'une amende de 15 000 euros la méconnaissance, par le cocontractant du transporteur fluvial, des obligations résultant pour lui de l'application des II, III et IV. » ;
3° Dans le dernier alinéa, les mots : « les dispositions du présent article » sont remplacés par les mots : « V. - Les dispositions des II, III, IV et IV bis », et après les mots : « transport fluvial de marchandises » sont ajoutés les mots : « ainsi qu'aux contrats de location d'un bateau de marchandises avec équipage. » ;
4° Il est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« VI. - Les dispositions des quatrième à sixième alinéas de l'article 209 s'appliquent aux infractions prévues au présent article ».
La parole est à Mme le rapporteur.