M. Bernard Frimat. Je souscris aux propos de M. Le rapporteur, car il importe d’assurer une certaine clarté à ce dispositif. En effet, il risque d’avoir des conséquences en cascade, notamment si certains suppléants devenus parlementaires ont renoncé à d’autres mandats pour se conformer aux règles relatives à la limitation du cumul des mandats.
Lorsque nous avions évoqué cette question, il m’avait semblé qu’une telle opinion était partagée par la totalité du Sénat, et je m’en étais alors réjoui.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit simplement d’une disposition de confort, comme en témoigne l’objet de l’amendement n° 307 de notre collègue Jean-René Lecerf : « Il serait pour le moins paradoxal, alors que l’Assemblée nationale a souhaité modifier l’article 34 de la Constitution en insérant un alinéa disposant que “sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir” que l’on remette en cause rétroactivement la situation des collègues députés et sénateurs suppléant actuellement des parlementaires devenus ministres. »
En l’espèce, je ne vois aucun « motif déterminant d’intérêt général ». Je le répète, il s’agit à l’évidence d’une disposition de confort : nous ne sommes pas là pour ça !
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.
M. Henri de Raincourt. Notre collègue Bernard Frimat a évoqué un accord intervenu sur l’ensemble des travées.
M. Jacques Gautier. C’était en commission des lois !
M. Henri de Raincourt. C’était probablement en commission des lois, car je n’ai pas le souvenir d’un tel accord en séance publique.
En tout cas, le groupe de l’UMP ne partage absolument pas l’avis émis par la commission des lois. Je suis désolé de devoir le dire. Pour notre part, nous souscrivons…
M. Bernard Frimat. Aux parachutes !
M. Henri de Raincourt. … aux arguments qui ont été développés à l’instant par Mme la garde des sceaux. Nous entendons que le dispositif s’applique dès la publication de la loi.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Visiblement, la rétroactivité, dans ce domaine, ne vous gêne pas !
M. Robert Bret. Ils ont le doigt sur la couture du pantalon !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Gélard et Lecerf et Mme Henneron, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article 56, dans sa rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, ne s’applique pas aux Présidents de la République actuellement membres du Conseil constitutionnel.
Cet amendement a été retiré.
L’amendement n° 358 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article 56, dans sa rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’applique au Président de la République dont le mandat expire après l’entrée en vigueur de celle-ci.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la suppression, votée tout à l’heure, de la possibilité qui était offerte aux anciens Présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel.
Contrairement à ce qu’entendait proposer notre collègue Hugues Portelli au travers de l’amendement n° 76 rectifié bis, nous souhaitons que cette règle s’applique à l’actuel Président de la République. Son âge, ainsi que son influence dans le monde politique et médiatique, ne nous paraissent pas lui conférer l’indépendance et le recul nécessaires à la charge qu’il serait amené à exercer.
D’ailleurs, d’une manière générale, le rajeunissement des Présidents de la République, couplé au quinquennat, me semble incompatible avec l’appartenance de droit au Conseil constitutionnel, dont les membres sont communément appelés « les sages », non sans raisons précises !
M. le président. L'amendement n° 497, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions de l'article 56 relatives au statut de membre de droit à vie des anciens présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle ne s'appliquent pas aux anciens présidents de la République actuellement membres de droit du Conseil constitutionnel.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Par cohérence avec notre amendement visant à la suppression, pour l’avenir, de l’appartenance de droit des anciens Présidents de la République au Conseil constitutionnel, nous proposons de ne pas appliquer cette mesure aux anciens Présidents actuellement membres du Conseil constitutionnel.
Nous sommes tellement attachés au principe de la non-rétroactivité de la loi que nous estimons qu’il doit s’appliquer à cette disposition visant les anciens Présidents de la République comme à la mesure de confort dont viennent de bénéficier les membres du Gouvernement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission, favorable à l’amendement n° 76 rectifié bis, qui a été retiré, avait demandé aux auteurs des deux amendements restant en discussion de s’y rallier. Dans ces conditions, je ne suis plus en mesure de donner un avis ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote sur l’amendement n° 358 rectifié.
M. Henri de Raincourt. Cet après-midi, lors de la discussion de l’article 25, qui traitait du Conseil constitutionnel et de l’opportunité d’y voir ou non siéger, dans l’avenir, les anciens Présidents de la République, M. Fortassin s’était quelque peu étonné que seules les voix hostiles à la présence dans l’avenir des anciens Présidents de la République au sein du Conseil constitutionnel se fassent entendre.
Je ne pensais pas que la discussion prendrait cette tournure. Notre groupe avait adopté initialement une position politique extrêmement claire, consistant à perpétuer le système actuel en permettant, dans l’avenir, aux anciens Présidents de la République de siéger au sein du Conseil constitutionnel.
Au cours de la discussion, des arguments sans doute pertinents ont emporté l’adhésion d’un certain nombre de collègues de mon groupe, et le vote du Sénat est intervenu, clair, manifeste. Personne n’aurait évidemment l’idée de revenir dessus.
En revanche, notre groupe, comme le Gouvernement, est totalement hostile aux deux amendements actuellement en discussion, faute de bien comprendre la logique qui les sous-tend.
Première hypothèse, le Conseil constitutionnel, qui va bientôt s’appeler la Cour constitutionnelle, est considéré comme une juridiction. Dans ce cas, on peut sans doute se poser la question de savoir si les anciens Présidents de la République y ont leur place. Dans l’affirmative, pourquoi ceux qui y siègent aujourd'hui auraient-ils une place dans la nouvelle juridiction qui est en train de voir le jour ?
Seconde hypothèse, si l’une des vocations premières du Conseil constitutionnel est bien évidemment de se prononcer en droit, l’analyse des décisions qu’il a prises depuis l’origine montre bien qu’il peut lui arriver, et les exemples sont nombreux à cet égard, de se prononcer en opportunité par rapport à des choix de société, par rapport à ce qui lui paraît utile à l’équilibre de notre société. En tout cas, les explications données alors par le Conseil constitutionnel n’étaient pas assises exclusivement sur le droit.
Dans cette seconde hypothèse, on peut sans doute admettre que les anciens Présidents de la République siègent au Conseil constitutionnel.
En tout état de cause, je ne comprends pas que, après le vote de cet après-midi, on vienne à deux heures du matin nous soumettre une disposition de confort au bénéfice des deux anciens Présidents de la République qui se trouvent aujourd'hui dans ce cas. Nous nous y opposons résolument !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes là, à une heure avancée, pour défendre avec beaucoup de conviction le principe de non-rétroactivité de la loi inscrit à l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La loi pénale !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes très logiques et notre position est tout à fait claire : ce principe, que nous avons voulu appliquer à une disposition intéressant le confort ministériel, doit valoir pour les anciens Présidents de la République. Selon nous, la situation de MM. Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac doit être maintenue, contrairement à ce que préconise M. de Raincourt. C’est là un point intéressant en termes de cohérence…
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais remercier M. de Raincourt, qui considère, si je l’ai bien compris, que le Conseil constitutionnel est une assemblée politique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. Pierre-Yves Collombat. J’osais à peine nourrir une telle conception, que je croyais très minoritaire ! Je suis fort aise de trouver quelqu’un qui partage quelque peu mes préoccupations et mes idées !
Quoi qu’il en soit, nous nous cramponnons à un certain nombre de principes, notamment celui de la non-rétroactivité des lois.
M. Henri de Raincourt. Qui ne s’applique qu’à la loi pénale !
M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
Article 35
I. - À compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de l'article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne » sont remplacés par les mots : « les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne » ;
2° Dans l'article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;
3° Les deux derniers alinéas de l'article 88-6 sont ainsi rédigés :
« À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.
« À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, l'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement. »
II. - Sont abrogés l'article 4 de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution ainsi que les 3° et 4° de l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution.
III. - Supprimé.........................................................................
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 244, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. L’objet de l’article 35 du projet de loi est d’accorder la réforme constitutionnelle avec les conséquences de la ratification du traité de Lisbonne par la France, en attendant qu’il s’applique…
Comme je l’ai rappelé lors de la discussion de l’article 32, cette modification est censée avoir pour objet de lever l’ensemble des obstacles juridiques à la ratification dudit traité, mais cette modification n’entrera en vigueur qu’une fois le traité ratifié par tous les pays membres de l’Union européenne. D’où la coexistence de dispositions « périmées », mais encore valables, et d’autres « actualisées », mais pas encore en vigueur.
Maintenant que le traité de Lisbonne est mort, il convient de supprimer cet article ; vous ne le voulez pas, très bien, nous en prenons acte ! Mais vouloir réviser la Constitution sans écarter les dispositions relatives au traité de Lisbonne, c’est ouvrir la porte à la confusion, tant juridique que politique.
M. le président. L'amendement n° 137, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A. - Supprimer le 3° du I de cet article.
B. - Rétablir le III du présent article dans la rédaction suivante :
III. - Les dispositions de l'article 88-5 de la Constitution, dans leur rédaction résultant tant de l'article 33 de la présente loi que du 2° du I du présent article, ne sont pas applicables aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale pour modifier l'article 88-6 de la Constitution ne paraît pas pertinent.
Les députés ont souhaité préciser les modalités d'initiative des recours que pourront former les deux assemblées devant la Cour de justice de l'Union européenne pour violation du principe de subsidiarité, à compter de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
En prévoyant que ces recours pourraient être formés à la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, les députés, alors qu'ils pensaient peut-être garantir les droits des groupes, ont en fait fortement restreint le droit d'initiative.
En effet, avec ce dispositif, certains groupes ne pourront déposer seuls une proposition de recours. De même, alors que le règlement de chaque assemblée pourrait ouvrir ce droit à chaque parlementaire, ou à un nombre défini de parlementaires, ou encore aux commissions et au comité chargé des affaires européennes, la mise en œuvre du dispositif retenu par l'Assemblée nationale empêcherait cette ouverture.
Il semble préférable de laisser la définition des modalités d'initiative et de discussion des résolutions tendant à former un recours aux règlements des assemblées.
Par ailleurs, le rétablissement d'une procédure parallèle à celle de l'article 89 de la Constitution est proposé à l'article 33 du projet de loi constitutionnelle, s'agissant de l'examen des projets de loi autorisant la ratification des traités relatifs à l'adhésion de nouveaux États à l'Union européenne. Dès lors, il apparaît cohérent de rétablir une disposition prévoyant que ce dispositif ne s'appliquera qu'aux adhésions engagées dans le cadre d'une conférence intergouvernementale convoquée après le 1er juillet 2004.
M. le président. L'amendement n° 143, présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :
Rétablir le III de cet article dans la rédaction suivante :
III.- Les dispositions de l'article 88-5 de la Constitution, dans leur rédaction résultant tant de l'article 33 de la présente loi constitutionnelle que du 2° du I du présent article, ne sont pas applicables aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 244 ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. M. Bret est cohérent. Tout aussi cohérent que lui, je vais donner, au nom de la commission, un avis défavorable !
Il faut maintenir les dispositions susceptibles d’assurer la conformité de notre Constitution avec le traité de Lisbonne si celui-ci entre en vigueur.
Il appartiendra en effet aux États souverains de décider de l’entrée en vigueur de ce traité, le cas échéant avec des aménagements faisant suite au « non » irlandais. Ce n’est qu’alors que les dispositions faisant référence à ce traité seront intégrées à notre loi fondamentale. Il n’y a donc pas lieu de supprimer ces dispositions qui répondent à l’analyse du Conseil constitutionnel sur la compatibilité entre le traité et la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 244.
L’amendement n° 137 de la commission des lois vise à supprimer les dispositions introduites par l’Assemblée nationale ouvrant la possibilité à soixante parlementaires de demander à leur assemblée la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne pour méconnaissance du principe de subsidiarité. C’est le traité de Lisbonne qui donne aux parlements nationaux cette possibilité. La loi constitutionnelle du 4 février 2008 a adapté en conséquence notre Constitution.
La commission des lois du Sénat estime qu’un tel dispositif est finalement plus restrictif que ne le seraient sans doute les règlements des assemblées. En effet, chaque assemblée pourrait permettre, dans son règlement, à un parlementaire, à un groupe ou à une commission de déposer une proposition de résolution tendant à formuler un recours.
Sur l’amendement n° 137, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'article 35, modifié.
(L'article 35 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera unanimement contre cette révision constitutionnelle.
Dès la présentation de ce texte, nous avions souligné la dérive présidentialiste engagée par Nicolas Sarkozy et sa majorité. Depuis des mois, depuis la publication du rapport du comité Balladur, nous dénonçons la véritable propagande mise en œuvre pour présenter ce projet de loi constitutionnelle comme une avancée historique pour les droits du Parlement.
Naturellement, vous avez renoncé au projet initial du comité Balladur, qui souhaitait instaurer un régime authentiquement présidentiel, en supprimant dans la Constitution le rôle du Premier ministre et, de fait, la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement.
Le Président de la République a adopté une tactique plus discrète : s’imposer au Parlement par des discours aussi nombreux qu’il le souhaitera, affaiblir le débat démocratique pluraliste et transparent en réduisant le rôle de la séance publique et le droit d’amendement, enfin assurer la domination de la conférence des présidents, donc du fait majoritaire.
Cette révision, telle que vous la voterez sans doute dans un instant, mes chers collègues, confirme cette nouvelle architecture institutionnelle, dans laquelle un Président tout puissant se trouverait en contact permanent avec une majoritaire parlementaire renforcée et qui lui serait naturellement dévouée.
Tel est, pour l’essentiel, l’objet de cette révision. Un changement de régime s’annonce clairement – le Premier ministre a d'ailleurs affirmé qu’il ne s’agissait que d’une première étape –, et je ne crois pas que la démocratie y gagnera. Comment pouvez-vous décemment prétendre que les droits du Parlement seront renforcés, alors que, comme nous l’avons montré, le rôle de la séance publique et le droit d’amendement se trouvent réduits à la portion congrue ?
J'ajoute que l’un des principaux défauts de cette réforme est d’ignorer les rapports, plutôt difficiles, qu’entretiennent les citoyens avec leurs institutions, sans chercher à les améliorer.
Vous avez refusé systématiquement toute proposition tendant à améliorer la représentation du peuple dans les assemblées parlementaires.
Vous avez refusé d’instiller la moindre dose de proportionnelle, de créer un référendum d’initiative populaire ou de renforcer réellement le pouvoir législatif.
Vous avez refusé d’accorder aux immigrés le droit de vote aux élections locales, alors que la majorité de nos concitoyens approuve désormais une telle avancée.
Et que dire de la réforme du Sénat ? Une fois encore, un projet susceptible de rendre un peu plus démocratique l’élection des sénateurs a été balayé d’un revers de main.
En outre, cette réforme constitutionnelle est lourde de conséquences, car, à l’évidence, elle nous engage résolument dans la voie d’un régime présidentialiste à la française, c'est-à-dire qui accordera des pouvoirs exorbitants au Président de la République, y compris, bien entendu, celui de dissoudre l’Assemblée nationale.
Vous refusez de consulter le peuple, c'est-à-dire de modifier la Constitution par référendum, alors que vous avez affirmé vous-mêmes qu’il s'agissait de la révision la plus importante engagée depuis 1958 – je doute fort que ce soit vrai pour les droits des citoyens, mais ça l’est certainement pour le renforcement du présidentialisme ! Je comprends cependant que vous n’ayez pas voulu consulter les citoyens, puisque vous n’avez retenu aucune avancée en leur faveur !
Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre ce texte, auquel toute la gauche, me semble-t-il, devrait s’opposer pareillement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous me permettrez, avant d’expliquer mon vote, d’adresser mes remerciements à l’ensemble du personnel du Sénat, que nous avons fait veiller tard et qui a donc enchaîné quelques journées sans doute difficiles.
M. le président. Monsieur Frimat, je suis convaincu que tous les sénateurs s’associent à vos propos. En leur nom, j’exprime ma gratitude aux fonctionnaires du Sénat et souligne leur dévouement et leur compétence.
M. Bernard Frimat. Ce point d'accord marqué, nos chemins vont sans doute se séparer !
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez souhaité la victoire d’un camp contre un autre. (M. le secrétaire d'État proteste.) C’est dans cet esprit que vous avez abordé cette révision constitutionnelle.
Lors de la première lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, nos collègues socialistes ont émis un vote négatif. Ce soir, à l'unanimité, le groupe socialiste du Sénat fera de même.
Si j’en crois vos propos rapportés par le Parisien de dimanche dernier, vous cherchez désespérément vingt ou trente abstentions chez les socialistes pour faire adopter ce texte.
M. Bernard Frimat. Au Sénat, c’est raté, et j’ai la conviction qu’il en ira de même à l’Assemblée nationale.
M. Robert Bret. Vous aurez du mal à obtenir la majorité des trois cinquièmes !
M. Bernard Frimat. Comme nous l’avons rappelé à de multiples reprises, nous avons abordé, pour notre part, cette révision constitutionnelle dans un esprit d’ouverture, en ne posant aucune condition mais en demandant des avancées sur des sujets qui nous semblaient importants.
Or, chaque fois que nous avons souhaité des avancées, vous nous avez imposé des reculs ; chaque fois que nous avons parlé d’ouverture, vous nous avez répondu par la fermeture.
Le bilan de cette semaine est mince, hormis le plaisir intellectuel que nous avons pris à ces débats. Nous nous sommes heurtés à tout moment à un Gouvernement complètement fermé. Quand par hasard un amendement était adopté, c’est qu’il était accepté sur toutes les travées, et, même dans ce cas, il est arrivé à Mme la garde des sceaux de rappeler qu’il y aurait une navette parlementaire, qui permettrait peut-être de revenir en arrière ! (Mme le garde des sceaux proteste.)
Vous avez choisi de passer en force, et vous assumez cette méthode, mais je crois que vous échouerez et porterez donc seuls la responsabilité d’un échec de la révision constitutionnelle. Nous comprenons de mieux en mieux que cette révision n’avait qu’un but : permettre au Président de la République d’aller à Versailles délivrer son message au Parlement. Les autres questions ne vous intéressaient pas !
S'agissant du Sénat – puisque nous y siégeons –, vous avez reculé. Dans ce cas, ce n’est même plus de la fermeture, c’est de la provocation ! L’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle concluait à la nécessité de recréer un juste équilibre, en tenant compte de l’inégalité qui prévaut entre les petites, les moyennes et les grandes communes. Vous l’avez passé par pertes et profits et avez décidé, en pleine harmonie avec le groupe de l’UMP, qu’il était urgent de ne rien changer.
Quel effort de modernisation ! Pourquoi engager une révision de la Constitution si c’est pour conserver les éléments les plus archaïques de nos institutions ? C’est sans doute votre goût du paradoxe qui vous conduit à appeler « modernisation » ce qui n’est que la formalisation des archaïsmes existants.
Quant aux quelques avancées ou aux mesures que vous présentez comme telles, elles sont essentiellement en trompe-l’œil, à l’instar du droit de veto sur les nominations accordé aux trois cinquièmes des commissions compétentes.
À cette heure avancée, nous n’allons pas recommencer le débat. Je me contenterai de souligner pour conclure, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, que si pour vous le succès passe par la conjugaison de deux méthodes, le débauchage et le découpage, vous serez déçus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Nous voilà parvenus au terme d’une très longue discussion. Au début de mon exposé, je souhaite tout d'abord remercier celles et ceux qui ont été les artisans de ce débat de très haute tenue. Nous avons examiné les différents aspects de ce texte avec une grande hauteur de vues, me semble-t-il, et les échanges d’idées au sein de notre assemblée ont été extrêmement intéressants.
Je veux remercier les présidents qui ont assuré la bonne tenue de ces séances, M. le président de la commission des lois, qui fut le rapporteur de ce texte, les représentants du Gouvernement, ainsi que tous les nombreux collègues qui ont su faire vivre une discussion de bon niveau.
Pour ce qui est de notre groupe, nous avons abordé cette discussion dans un esprit d’ouverture et avons accordé foi aux annonces du Gouvernement,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes crédule !