M. Michel Charasse. L’arrêt Jacques Vabre !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bref, la commission n’a pas souhaité donner un avis favorable et a demandé le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Portelli, vous voulez en fait obliger les juges du fond à renvoyer à la Cour de cassation ou au Conseil d’État toute question de compatibilité entre une loi et un traité qui ne serait pas manifestement infondée.
Une telle disposition paraît difficilement praticable au niveau des juridictions, dans la mesure où il est très fréquent, en particulier en première instance, qu’une partie invoque la contrariété entre une loi et un traité. La possibilité pour un juge d’examiner la compatibilité d’une loi avec un traité international existe depuis trente-trois ans dans l’ordre judiciaire et depuis dix-neuf ans dans l’ordre administratif.
À tout moment, lorsque se présente une question sensible, le juge du fond peut demander un avis à la Cour de cassation ou au Conseil d’État, et les voies de recours peuvent être exercées.
La saisine quasi automatique du Conseil d’État ou de la Cour de cassation constituerait une lourdeur de procédure supplémentaire pour les avocats et les justiciables ; elle provoquerait par ailleurs l’engorgement de ces juridictions, compte tenu du nombre très important d’affaires. Ainsi, en particulier, dans le contentieux des reconduites à la frontière, la compatibilité avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme est systématiquement invoquée.
M. Michel Charasse. Eh oui !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quant à l’abrogation d’une disposition législative qui serait contraire à un engagement international, elle ne s’impose pas toujours puisque l’engagement en cause peut être un traité bilatéral, par exemple en matière d’extradition. Dans un tel cas, la loi peut tout à fait continuer à s’appliquer avec d’autres États.
Il peut également s’agir d’une incompatibilité entre un traité et une loi. Mais, si la loi est abrogée et que le traité vient à être modifié, voire supprimé, on perd le bénéfice de la loi. L’avantage de ce type de procédure, notamment pour les justiciables, ne me paraît donc pas avéré.
Le Conseil constitutionnel n’est pas toujours le mieux placé pour trancher ce type de questions. Lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un problème de compatibilité avec la Convention européenne des droits de l’homme, le dernier mot appartient logiquement à la Cour de Strasbourg et non au Conseil constitutionnel.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes totalement défavorables à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Rendons témoignage à notre excellent collègue Portelli : la question n’est pas simple ! Et je le remercie de l’avoir soulevée.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Moi aussi !
M. Robert Badinter. Cela étant dit, nous allons enfin franchir le cap de l’exception d’inconstitutionnalité, instrument indispensable de protection des droits des citoyens que, depuis vingt ans, nous souhaitons voir créé. Alors, je vous le dis franchement, il me paraît prématuré d’aller vers une dimension nouvelle, celle de l’exception d’inconventionnalité, et d’assigner cette tâche au Conseil constitutionnel.
Nous sommes aujourd’hui, avec l’ensemble des États de l’Union européenne, dans une situation d’une complexité juridique extraordinaire, comme j’ai eu l’occasion de le constater en œuvrant, au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe, sur le projet de Constitution européenne.
En effet, nous avons non seulement des ordres nationaux, mais aussi des ordres européens. De surcroît, s’agissant des ordres européens – et j’utilise le pluriel à dessein –, nous avons l’ordre normatif, l’espace conventionnel, qui a pour régulateur la Cour de Strasbourg, et l’autre espace, qui a pour régulateur la Cour de Luxembourg.
Le fait que les mêmes droits fondamentaux soient définis dans des instruments différents, avec des juridictions suprêmes internationales pour en déterminer le contenu, ne préviendra pas l’inévitable problème de la divergence entre les solutions apportées par ces deux ordres juridictionnels et conventionnels.
À l’heure actuelle, il convient de poursuivre la réflexion sur un problème clé : comment parvenir, dans un monde juridique que je qualifierai de « multipolaire », à une unité d’interprétation ? Ce serait très facile si nous avions un système fédéral pour l’Union européenne ; ce serait beaucoup plus difficile en ce qui concerne l’ordre européen conventionnel de Strasbourg.
Je rappellerai simplement à notre ami Portelli la phrase qu’Edgar Faure se plaisait à dire : « On a toujours tort d’avoir raison trop tôt. » En cet instant, vous ouvrez les voies qui sont celles de l’avenir, mais je dois vous dire très franchement, et à regret, que voter un tel amendement dans le cadre du présent débat me paraît prématuré. C’est pourquoi je suivrai la position de la commission.
M. le président. Monsieur Portelli, l'amendement n° 71 rectifié est-il maintenu ?
M. Hugues Portelli. Non, je le retire, monsieur le président, puisque, visiblement, il ne sert à rien de le maintenir.
M. Badinter est tout à fait fondé à dire que nous sommes actuellement dans une situation d’incertitude juridique. Il n’en demeure pas moins que, l’Union européenne reconnaissant la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci va se trouver au sommet du système juridictionnel européen en matière de droits fondamentaux.
Nombreux sont ceux qui, au Conseil d’État ou dans les instances gouvernementales, estiment qu’il faut protéger le Conseil constitutionnel. À cet égard, je rappellerai simplement que le Conseil constitutionnel a déjà été « condamné » par la Cour européenne des droits de l’homme pour une validation législative. Et il y aura d’autres cas ! Ne croyez pas que nous préserverons les juridictions suprêmes françaises : elles seront, une fois pour toutes, sous l’autorité des juridictions européennes.
De même, personne n’a bougé, voilà quelques mois, quand un simple conseil de prud’hommes a annulé une loi votée par le Parlement en matière de droit du travail en la déclarant contraire à une convention de l’OIT. Je souhaite bien du plaisir au Gouvernement, à l’avenir !
M. Jean Desessard. Moi aussi ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut que le parquet fasse son travail !
M. Hugues Portelli. J’ai peut-être eu raison trop tôt, mais je crains que vous n’ayez tort trop tard !
M. le président. L'amendement n° 321 rectifié, présenté par M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la Constitution, les mots : « Conseil constitutionnel » sont remplacés par les mots : « Cour constitutionnelle ».
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement tend à mettre le droit en accord avec le fait.
Le Conseil constitutionnel, né voilà cinquante ans, a beaucoup changé depuis. En particulier depuis la réforme de 1974 prévoyant la saisine par les parlementaires, l’institution n’a plus rien à voir avec celle qui avait été conçue en 1958, qui n’avait guère rendu plus d’une dizaine de décisions en douze ans.
Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel est une institution juridictionnelle dont les décisions s’imposent à toutes les autorités de l’État, notamment aux autorités judiciaires. J’ai ici le recueil de ses grandes décisions, et encore celui-ci ne date-t-il que de 2000 ! (L’orateur brandit un épais volume.) Il existe une jurisprudence du Conseil constitutionnel, une doctrine sur les arrêts du Conseil constitutionnel, des commentaires sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci est donc à l’origine de tout un corpus juridique.
Pourquoi, dès lors, conserver une dénomination « déceptive » ? C’est un paradoxe de notre pays, où, dit-on, la raison trouve volontiers son foyer – je n’en suis d'ailleurs pas toujours sûr. À cet égard, croyez-moi, il n’est guère raisonnable de dénommer « conseil » une institution qui rend des décisions juridictionnelles et qui, de surcroît, n’a le droit de donner des conseils ni au Gouvernement ni au Parlement ! C’est ce qui avait été répondu à M. Chaban-Delmas lorsqu’il avait sollicité, en son temps, le Conseil constitutionnel. Le rôle de conseil incombe au Conseil d’État.
Je comprends que le Conseil d’État, mi-conseil, mi-juge, conserve la dénomination de « conseil », mais celle-ci n’a véritablement pas lieu d’être pour le Conseil constitutionnel.
Au moment où nous allons mettre à la disposition des citoyens, via l’exception d’inconstitutionnalité, la possibilité de faire respecter les droits fondamentaux par le Conseil constitutionnel, cette dénomination n’a tout simplement pas de sens !
En tant que président du Conseil constitutionnel, j’ai eu l’occasion de me rendre dans de nombreux pays et de recevoir plusieurs délégations étrangères. J’ai en effet été conduit à donner des conseils à des pays accédant à la démocratie et qui voulaient créer une juridiction constitutionnelle. Mes interlocuteurs me demandaient régulièrement si notre juridiction délivrait des conseils. Je répondais invariablement : « Non, nous rendons des décisions juridictionnelles ». Dès lors, me demandait-on, pourquoi ne nommez-vous pas votre instance « cour constitutionnelle » ?
En effet, il n’y a pas une instance de contrôle de constitutionnalité en Europe – pas seulement au sein de l’Union européenne, mais parmi la totalité des États membres du Conseil de l’Europe – qui porte une autre dénomination que celle de Cour constitutionnelle ou de Tribunal constitutionnel.
Je demande simplement de reconnaître que, cinquante ans après sa création, il vaut mieux dire les choses telles qu’elles sont aujourd’hui. Par conséquent, notre haute juridiction doit porter sa véritable dénomination, celle de Cour constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a été convaincue par l’argumentation de M. Badinter. En effet, la dénomination actuelle de « Conseil constitutionnel » ne rend pas vraiment compte du rôle de cette institution, dont la vocation est juridictionnelle.
En outre, la désignation de « cour constitutionnelle » a été retenue dans presque toutes les grandes démocraties occidentales.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Badinter, vous soulignez à juste titre le rôle juridictionnel du Conseil constitutionnel. Ce mouvement s’est d’ailleurs dessiné à partir de 1971. Mais le Conseil constitutionnel n’est pas qu’une juridiction. Il fait partie des pouvoirs publics et conserve un rôle de conseil auprès d’autres institutions. (M. Robert Badinter manifeste son étonnement.) Il remplit ce rôle en cas d’exercice des pouvoirs de crise. D’ailleurs, le présent projet de loi accroît l’importance de son intervention en la matière avec le renforcement de l’encadrement de l’article 16 de la Constitution.
Il remplit également ce rôle pour les votations. Il est ainsi consulté par le Gouvernement sur l’organisation de l’élection présidentielle, en vertu de la loi du 6 novembre 1962. C’est également le cas pour l’organisation des opérations référendaires. Certaines de ses compétences sont même de nature administrative puisqu’il désigne des délégués et établit la liste des candidats à l’élection présidentielle.
La révision constitutionnelle accroîtra les pouvoirs juridictionnels du Conseil constitutionnel, mais le Conseil constitutionnel n’est pas une juridiction comme une autre. C’est une institution originale qui joue un rôle capital dans l’équilibre des pouvoirs constitutionnels.
C’est pourquoi le Gouvernement préfère conserver la dénomination actuelle, qui marque mieux l’originalité de cette institution.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. On croit rêver ! Ne parlons pas, s’il vous plaît, du rôle du Conseil constitutionnel à propos de l’article 16 : personne ne pense aujourd’hui que cette disposition sera à nouveau utilisée.
Vous évoquez des fonctions de conseil, madame le garde des sceaux. La Cour de cassation, a fortiori le Conseil d’État, et beaucoup d’autres cours suprêmes remplissent des fonctions que l’on qualifie d’annexes. Autrement dit, au nom de ce qui est accessoire, vous refusez de tirer les conséquences du principe. Ce n’est pas possible !
La fonction du Conseil constitutionnel, telle que tout le monde la perçoit et au moment même où nous allons insérer dans notre droit l’exception d’inconstitutionnalité, est juridictionnelle. Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi on se cramponne à la dénomination actuelle !
Je demande instamment au Sénat d’appeler « cour » ce qui est une instance juridictionnelle et de laisser le terme « conseil » aux instances qui en font leur fonction principale ou en tout cas éminente, comme le Conseil d’État.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Si le Conseil constitutionnel est un organe qui donne des conseils à l’exécutif, alors c’est également le cas de la Cour de cassation puisque le premier président a été sollicité en matière de récidive. Que je sache, personne n’a argué à ce moment-là que la Cour de cassation était devenue une instance de conseil du Gouvernement ou du Président de la République.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je rejoins totalement la position exprimée par M. Badinter et par M. le président de la commission des lois.
N’oublions pas que la France n’est pas seule dans le monde. Elle se trouve au milieu de l’Europe et entretient des relations avec la plupart des pays du monde. Ce qui fait sa force, c’est que, malgré quelques difficultés, la langue française est encore celle du droit. L’organisation de nos institutions doit donc être claire, et une dénomination qui n’est pas comprise par nos partenaires ne favorise pas notre image.
Le Conseil constitutionnel est de fait, maintenant qu’il a évolué en ce sens, une cour constitutionnelle. Il est donc tout à fait normal que nous ayons le courage de changer sa dénomination, d’autant que celle que propose M. Badinter est très noble et a en même temps le mérite de la clarté ; je n’en dirai pas autant concernant le changement de dénomination du Conseil économique et social qui nous sera proposé tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. J’ai été séduit par la démonstration lumineuse, comme toujours, de M. Badinter. Je constate que la commission des lois l’a été, elle aussi.
Je serais prêt à voter cet amendement si j’avais une réponse à une question qui me tarabuste. À partir du moment où ce sera une Cour constitutionnelle et non plus un Conseil constitutionnel, la liberté de choix des hautes autorités de l’État qui nomment les membres du Conseil constitutionnel ne sera-t-elle pas limitée ?
M. Didier Boulaud. Pourra-t-on continuer à nommer les copains ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne voterai pas le changement de dénomination, car le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ne me semble pas correspondre à l’idée que je me fais d’un organisme démocratique représentatif. En l’occurrence, cette instance s’apparente plus à un conseil.
J’aurais pourtant aimé voter cet amendement, car une cour constitutionnelle que les citoyens peuvent saisir pour demander ensuite au Parlement de s’exprimer sur un texte qui leur paraît inconstitutionnel aurait été une bonne chose. Mais, dans les circonstances présentes, ce n’est pas possible.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je n’ai pas d’objection à ce changement de nom, puisque, comme l’a souligné Robert Badinter, cette appellation reste toujours bizarre aux yeux de l’étranger, d’autant plus que l’institution, le Conseil constitutionnel, jouit à l’étranger d’une réputation formidable construite pendant cinquante années de jurisprudence.
Mais je voudrais poser une question à Robert Badinter.
Actuellement, devant le Conseil constitutionnel, les procédures, qu’il connaît bien, font qu’il n’y a pas de plaidoiries d’avocats et que les séances ne sont pas publiques. En matière électorale, tout se passe par échanges de mémoires, par écrit ; le rapporteur peut éventuellement rencontrer les parties, notamment en matière de contentieux électoral, mais aussi pour les recours de l’article 61.
Est-ce que le fait que le Conseil constitutionnel passe du statut d’« institution » à celui de « cour », ce que soulignera ce nouveau nom, conduira à remettre en cause les procédures suivies depuis 1958 ? C’est une simple question que je pose, puisque je n’ai pas la réponse en cet instant.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Deux questions m’ont été posées, auxquelles je vais répondre bien volontiers.
Tout d’abord, le mode de désignation n’a rien à voir avec la dénomination. À travers le monde, les cours constitutionnelles voient leurs membres nommés. Je n’ai pas besoin de rappeler ce qu’est la Cour suprême des États-Unis ni comment il est procédé à la nomination de ses neuf membres par le Président, avec un contrôle qui dure des semaines et une audition des candidats devant la commission du Sénat. S’agissant de cette grande institution, qui existe maintenant depuis deux siècles, le problème n’est pas le mode de désignation, c’est la nature de l’activité.
Ensuite, je veux dire à Michel Charasse que nous sommes maintenant dans l’exception d’inconstitutionnalité. Dans ce cadre, la partie juridictionnelle sera conservée. L’originalité des procédures ne tient pas au nom. Prêtons-y attention !
Je le répète, je demande simplement le changement de dénomination, qui mettra cette instance sur le même plan que les autres juridictions pratiquant le contrôle de constitutionnalité en Europe. Parce qu’il y a eu ce lointain passé, il est difficile d’expliquer à ceux à qui l’on donne des conseils qu’il s’agit d’une instance juridictionnelle. Notre haute juridiction doit bénéficier du même crédit que tous les autres tribunaux ou cours constitutionnels en Europe. C’est aussi simple que cela !
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.
M. Pierre Fauchon. Je suis de l’avis qui vient d’être exprimé par un bon nombre d’intervenants, en particulier par notre excellent collègue M. Badinter.
Sans sacraliser cette affaire de terminologie, il vaut mieux appeler les choses par le nom qui leur convient le mieux. Dès lors que cette instance a pour fonction de trancher des litiges – et quels litiges ! –, d’ailleurs sans possibilité d’appel, il s’agit d’une cour. C’est évident, même si, par ailleurs, il peut lui arriver de répondre à des interrogations et de donner des conseils.
Pour l’essentiel, le rôle que joue le Conseil constitutionnel, nous le savons très bien, est celui d’une cour. Appelons-le donc ainsi et nous rejoindrons la terminologie anglo-saxonne de court, laquelle trouve elle-même sa source dans la langue française.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Pierre Fauchon. Ne nous privons pas du plaisir d’adopter, nous aussi, le terme de « cour », qui nous met en harmonie avec les autres pays et qui correspond à la réalité de la fonction.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, avant l'article 25.
Article 25
Le premier alinéa de l'article 56 de la Constitution est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable à ces nominations. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée. »
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard et Béteille, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié est retiré.
L'amendement n° 234 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 56 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 56. - Le Conseil Constitutionnel est constitué dans le respect du pluralisme. Il comprend quinze membres. Trois sont désignés par le Président de la République et, à la majorité des trois cinquièmes, neuf par l'Assemblée nationale et trois par le Sénat.
« Il désigne en son sein son Président. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 25 vise à améliorer le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel – peut-être devrais-je plutôt parler maintenant de la Cour constitutionnelle – afin de tenir compte des modifications apportées par l’article 4 du projet de loi à l’article 13 de la Constitution. Mais cette procédure ne change pas le caractère essentiellement politique de cette institution.
Le fait que le président de l’Assemblée nationale ne puisse nommer que trois membres ne permet pas que soient représentées, au sein du Conseil constitutionnel, toutes les sensibilités politiques présentes à l’Assemblée nationale. Ainsi, le Conseil constitutionnel continuera de refléter, hélas ! le bipartisme que vous souhaitez tant institutionnaliser.
C’est donc par souci du respect du pluralisme, auquel nous sommes fortement attachés et que nous ne cesserons de revendiquer, que nous proposons de modifier le nombre de membres du Conseil constitutionnel. Celui-ci comprendrait désormais quinze membres, dont trois seraient désignés par le Président de la République, neuf par le président de l’Assemblée nationale et trois par le Sénat.
Par ailleurs, le président du Conseil serait désigné par ses membres, et non plus par le Président de la République comme le prévoit aujourd'hui l’article 61 de la Constitution.
Nous proposons que les membres désignés par le Parlement le soient à la majorité des trois cinquièmes.
Notre proposition permettrait ainsi de faire en sorte que le Conseil constitutionnel comprenne des personnalités désignées à la proportionnelle des groupes parlementaires. Cette nouvelle composition aurait aussi le mérite de supprimer les membres de droit que sont les anciens présidents de la République.
Enfin, pour répondre aux éventuelles critiques sur le nombre de membres du Conseil que nous proposons, je tiens à signaler que notre solution, outre qu’elle garantisse le pluralisme, se situe dans la norme européenne. En effet, selon une étude du service des études juridiques du Sénat de décembre 2007 sur les cours constitutionnelles, ces dernières comprennent en règle générale au moins douze membres.
L’effectif de certaines cours constitutionnelles est plus important : il s’établit à douze en Belgique et en Espagne, à treize au Portugal.
C’est donc une proposition mesurée et raisonnable que je vous invite à adopter.
M. le président. L'amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf et Mme Henneron, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa de l'article 56 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Le Conseil constitutionnel comprend douze membres, dont le mandat dure neuf ans et n'est pas renouvelable. Le Conseil se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l'Assemblée nationale, trois par le Président du Sénat, trois par les juridictions suprêmes : Cour des comptes, Cour de cassation, Conseil d'État, selon des modalités déterminées par une loi organique. »
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 91 rectifié est retiré.
L'amendement n° 487 rectifié, présenté par MM. Badinter, Frimat, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa de cet article :
« Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée ont lieu après avis public de la commission permanente compétente de l'assemblée concernée, statuant à la majorité des trois cinquièmes. »
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Cet amendement concerne la question des nominations effectuées par le président de chaque assemblée.
Il prévoit que ces nominations interviennent après avis public de la commission permanente de l’assemblée concernée, statuant – c’est le cœur du sujet – à la majorité des trois cinquièmes.
En effet, s’il est un domaine dans lequel le consensus nous paraît devoir régner, c’est celui de la désignation des membres du Conseil constitutionnel. Dès l’instant où il s’agit de nominations par les présidents des assemblées, il est légitime que la commission compétente, en l’occurrence la commission des lois, statue à la majorité des trois cinquièmes.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 366 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 393 rectifié est présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin, Vendasi et Alfonsi.
L'amendement n° 488 est présenté par MM. Badinter, Frimat, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Le deuxième alinéa du même article est supprimé.
II. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I. -
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 366.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les anciens Présidents de la République de siéger au Conseil constitutionnel, ou à la Cour constitutionnelle si l’amendement Badinter qui a été adopté par notre assemblée va jusqu’au bout de son chemin.
Lors de la lecture devant l’Assemblée nationale, il a été convenu que les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises à l’avis de la commission compétente : le souci de mieux encadrer la procédure de nomination des membres du Conseil constitutionnel, ou de la Cour constitutionnelle, est donc l’objet de cet article 25, combiné avec l’article 4 que nous avons adopté.
Recueillir cet avis est une manière d’éviter des nominations de convenance ou de récompenser par un siège de membre du Conseil constitutionnel, ou de la Cour constitutionnelle, une allégeance politique de longue date.
Il s’agit de permettre une meilleure indépendance des membres du Conseil constitutionnel à l’égard du pouvoir en place ou des partis politiques.
Pourtant, un ancien Président de la République a forcément été au cœur de ces jeux de pouvoirs et d’allégeance, et il appartient souvent encore à son parti.
De ce mandat, il ne subsiste certainement pas que le titre. L’influence politique demeure, sans qu’elle puisse, elle, faire l’objet d’un contrôle, ni par le Parlement ni par une commission quelconque.
Avec tout le respect que nous devons aux anciens Présidents de la République, la possibilité qui leur est offerte de siéger au Conseil constitutionnel, ou à la Cour constitutionnelle, est un cadeau contraire à l’esprit de la présente réforme des modes de nomination des membres de cette instance.
Nous vous proposons donc de supprimer la possibilité pour les anciens Présidents de la République de siéger comme membre de droit au Conseil constitutionnel, ou à la Cour constitutionnelle.