M. Adrien Giraud. Je retire également mes amendements.
M. le président. Les amendements nos 13 rectifié, 17 rectifié, 14 rectifié, 20 rectifié, 15 rectifié et 19 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par M. Domeizel, Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I - Les exonérations ou réductions de toute contribution et de cotisation sociale d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la présente loi et par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat sont compensées par le budget de l'État pour les organismes sociaux non visés par l'article 53 de la loi de finances pour 2008 (n° 2007-1822 du 24 décembre 2007).
II - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise à prévoir que les pertes de recettes des organismes sociaux non visés par l'article 53 de la loi de finances pour 2008 du 24 décembre 2007 seront compensées par les mesures concernant le rachat de RTT et les heures supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Avis de sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. En son paragraphe III, l'article 1er du projet de loi prévoit d'exonérer de toutes cotisations et contributions, à l'exception de la CSG et de la CRDS, les rémunérations versées au titre du rachat des droits acquis au 31 décembre 2007.
Le rachat de jours de RTT acquis en 2007, qui n'auraient autrement pas été pris et donc rémunérés et soumis à cotisations sociales, ne prive pas la sécurité sociale de ressources ; celle-ci percevra en outre des recettes via la CSG et la CRDS.
Pour autant, l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, issu de la loi relative à l'assurance maladie du 13 août 2004, impose que soit compensée à la sécurité sociale toute mesure de réduction ou d'exonération de contribution affectée aux régimes de sécurité sociale, la loi organique du 2 août 2005 exigeant que les dispositions actant une éventuelle absence de compensation ne puissent être votées que dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale.
En conséquence, le Gouvernement a déjà indiqué, lors de l'examen en commission à l'Assemblée nationale et au Sénat, que les conséquences de ces mesures devraient être tirées dans le cadre des arbitrages du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. À cette date, le bilan d'application de la loi, qui doit être transmis le 1er octobre au Parlement, permettra de connaître précisément le nombre de jours réellement rachetés et le nombre de salariés concernés.
En tout état de cause, le Gouvernement sera attentif à ce que la sécurité sociale ne soit pas pénalisée : si une mesure est bonne en termes de croissance ou en termes de revenus, il est important que la sécurité sociale bénéficie des fruits de cette mesure.
S'agissant des jours acquis au cours du premier semestre de 2008, leur régime de rachat sera soumis aux dispositions de la loi TEPA sur les heures supplémentaires, pour laquelle l'État s'est engagé à mettre en oeuvre une compensation intégrale des exonérations créées.
Je vous rappelle que, dans le projet de loi de finances pour 2008, l'État a affecté des recettes supplémentaires à la sécurité sociale pour compenser intégralement ces exonérations liées aux heures supplémentaires.
L'article 2 du projet de loi organise un déblocage des sommes issues de la participation. Ces sommes, qui ne pourront excéder 10 000 euros, bénéficieront du régime fiscal et social habituel de la participation, c'est-à-dire d'une exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales, à l'exception de la CSG et de la CRDS. Le déblocage aura des conséquences positives pour la trésorerie de la sécurité sociale puisqu'il entraînera, au titre de la CSG et de la CRDS, des recettes nouvelles qui n'étaient pas prévues.
Enfin, pour les entreprises non couvertes par un accord de participation, l'article 3 prévoit la possibilité du versement d'une prime exceptionnelle d'un montant maximum de 1 000 euros par salarié. Cette prime pourra être modulée selon les salariés en fonction de critères objectifs définis dans un accord. Elle ne bénéficiera pas d'exonérations fiscales, mais fera l'objet d'une exonération de charges sociales, à l'exception de la CSG et de la CRDS.
Outre le fait que le déblocage de la prime de 1 000 euros ne peut se substituer à un autre élément de rémunération ni même à une augmentation salariale, son caractère exceptionnel - qui justifie qu'il n'entraîne pas le versement de cotisations sociales - ne constitue pas, puisqu'il n'était pas attendu, une perte pour la sécurité sociale. Il lui permettra au contraire de percevoir des recettes au titre de la CSG et de la CRDS.
L'exonération de charges sociales ne sera pas compensée à la sécurité sociale, comme cela avait été le cas du précédent bonus exceptionnel institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de cet amendement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser le caractère très technique de ma réponse. Je suis convaincue que M. Xavier Bertrand pourra, si besoin est, vous donner des explications plus accessibles.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
(précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 351-3-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux de la contribution des employeurs est modulé et, le cas échéant, majoré en fonction du nombre de salariés en contrats à durée déterminée et en missions d'intérim, et en fonction de la durée de ces contrats et de ces missions, ainsi que du nombre de stagiaires, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Compte tenu de l'organisation de nos travaux, nous en revenons au sujet qui nous a occupés au début de la discussion. C'est la règle du jeu, mais c'est dommage !
Cet amendement aborde de front la cause majeure de la perte de pouvoir d'achat des salariés, c'est-à-dire la baisse des salaires. Bien évidemment, il ne s'agit pas de la baisse du salaire horaire nominal, mais de la vraie baisse, celle qui résulte de la durée du temps de travail, celle qui affecte un nombre désormais important de salariés, dans des proportions parfois considérables, sans qu'aucun accord ait jamais été signé pour cela.
Cette baisse est due au développement exponentiel de la précarité, des contrats à durée déterminée, des missions d'intérim, du temps partiel subi. Plus des deux tiers des embauches se font aujourd'hui en CDD.
La part des salariés ne travaillant pas à temps complet et de ceux qui alternent les contrats précaires est passée de 17 % à 31 % en 25 ans.
Selon le rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, en novembre 2006, la durée de travail des 10 % de salariés ayant les revenus les plus bas est plus de trois fois inférieure à celle des autres salariés. Ils n'ont été en moyenne, en situation d'emploi, que treize semaines dans l'année contre cinquante et une semaines pour les autres salariés.
Ces chiffres officiels et irréfutables nous montrent la réalité de la durée du travail et plus encore des conditions de vie des personnes qui affrontent l'incertitude constante du lendemain et les difficultés budgétaires quotidiennes.
Je puis vous affirmer que nombre d'entre elles souhaiteraient avoir un CDI à temps complet et pouvoir bénéficier des 35 heures. Cela augmenterait considérablement leurs revenus.
C'est par là qu'un projet de loi soucieux d'efficacité économique et sociale devrait commencer. Comment réduire le nombre des contrats précaires, donc inciter les employeurs à cesser de faire tourner les salariés précarisés sur les mêmes postes, par exemple ?
Comme votre précédent projet de loi sur le pouvoir d'achat, ce texte ne concerne, au mieux, que le pouvoir d'achat de salariés qui ont déjà un emploi, et de préférence à temps complet. On doit certes fustiger la stagnation des salaires, mais ce n'est pas là que se situe la plus grande urgence.
L'utilisation du terme « pouvoir d'achat » est donc selon nous abusive. Pour la énième fois depuis 2002, vous ne nous présentez qu'un texte de « détricotage » de la loi relative à la réduction du temps de travail. Votre objectif final, que les syndicats refusent d'avaliser, est la suppression de la durée légale du travail.
Comme vous ne pouvez y parvenir ni par un accord interprofessionnel ni par un projet de loi qui ferait quelque bruit, surtout avant les élections municipales, vous bricolez une série de pseudo-projets tous censés améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Après les élections municipales, viendra le temps de nous présenter un texte un peu plus musclé. Cela aura l'air d'autant plus naturel que vous aurez déjà introduit l'accord de gré à gré pour contourner les accords de branche et d'entreprise sur le temps de travail. II n'y aura plus qu'à pousser le dernier pion.
Votre démarche, monsieur le ministre, est transparente. Vous ne faites qu'appliquer les doctrines des économistes libéraux dont on constate pourtant les dégâts, y compris à l'égard des plus privilégiés.
Rien n'est fait pour endiguer l'augmentation du travail précaire sous-rémunéré, dont vous favorisez au contraire le développement.
Ce projet de loi n'est donc pas seulement un effet d'annonce, il est aussi un trompe-l'oeil d'une politique qui va délibérément dans le sens inverse.
J'ai un peu le sentiment de répéter ce que nous avons dit hier, mais c'est l'organisation de l'ordre du jour qui le veut ainsi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Une telle décision relève de la compétence des partenaires sociaux, qui définissent les paramètres de l'assurance chômage.
La commission, considérant qu'elle ne pouvait pas suivre la proposition de M. Godefroy, a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je souscris aux propos formulés par Jean-Pierre Godefroy, tant sur le fond de son amendement que sur l'organisation de nos travaux.
Ainsi, nous en revenons aux articles additionnels avant l'article 1er qui ont été réservés alors qu'ils portent sur le travail, dont nous avons débattu hier. Nous déplorons vraiment la décision, qui a été prise au dernier moment, de réserver la discussion de ces articles additionnels, car elle est nuisible à la cohérence du débat.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. À titre personnel, je tiens à souligner que, sans ces contrats que vous qualifiez de « précaires », de nombreux salariés resteraient sans emploi. Or il vaut mieux travailler un peu que d'être au chômage !
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Toutes les exonérations de cotisations sociales patronales d'origine légale sont supprimées au 1er juillet 2008 dans les entreprises relevant de branches dans lesquelles les salaires minima conventionnels sont inférieurs au salaire minimum de croissance défini à l'article L. 141-2 du code du travail.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je ne répondrai pas à M. Dassault. Il me semble en effet inutile de rouvrir le débat. Depuis le début de nos travaux, nous avons, à maintes reprises, eu l'occasion de faire connaître notre position.
L'amendement no 29 tend à soutenir une véritable démarche en faveur de l'augmentation du pouvoir d'achat par une augmentation rapide des minima conventionnels inférieurs au SMIC. Notre collègue Gérard Larcher avait d'ailleurs entrepris cette démarche lorsqu'il était ministre du travail, mais il n'a pu la mener à son terme.
À l'heure actuelle, il existe des minima conventionnels inférieurs au SMIC dans soixante et onze branches. En termes d'effectifs, il s'agit surtout des secteurs du commerce alimentaire - 566 000 salariés -, du caoutchouc - 80 700 salariés -, de la papeterie - 62 700 salariés -, du commerce d'habillement - 55 000 salariés -, des grands magasins - 42 000 salariés.
Dans ces branches, le Gouvernement a fait savoir qu'il entendait conditionner les exonérations de cotisations sociales à l'ouverture de négociations salariales. Il est vraiment dommage que l'absence de sanction ne soit pas liée à la mise à niveau des minima conventionnels par rapport au SMIC dans la mesure où ces minima sont illégaux. Sans doute est-ce parce qu'il n'est pas possible de faire injonction aux partenaires sociaux en les obligeant à conclure des négociations dans un sens « prédécidé » ! Pourtant, le Gouvernement ne s'en prive pas depuis quelque temps !
Le présent dispositif de renoncement aux RTT, à la suite de la loi TEPA, risque d'être compris par les employeurs comme une invitation à ne pas négocier sur les salaires. II sera en effet possible, par ce biais, de demander aux salariés de travailler davantage, en contrepartie d'une légère majoration de salaire compensée par la flexibilité et par des exonérations d'impôts et de cotisations, donc de ne pas négocier sur les salaires.
Il y a une contradiction dans le message gouvernemental sur le pouvoir d'achat, ce qui peut étonner de la part d'experts en communication.
Le présent amendement vise à remédier à cette confusion en prévoyant que les branches qui ne parviendraient pas à se mettre en règle au plus tard au 1er juillet prochain se verraient privées d'exonérations de cotisations sociales.
Un tel dispositif, favorable au pouvoir d'achat, ne serait-il pas plus juste socialement et plus simple que les usines à gaz que l'on nous propose régulièrement et qui ne cessent de creuser le déficit au profit d'entreprises qui sous-paient les salariés ?
Cette mesure est propre à augmenter le pouvoir d'achat des salariés les plus défavorisés, sans complication inutile et de manière économique tant pour le budget de l'État que pour celui de la sécurité sociale.
Il serait d'ailleurs intéressant, et je m'adresse ici aux présidents des commissions des finances et des affaires sociales, que nos services procèdent au chiffrage des économies que cette mesure engendrerait. Nous en faisons publiquement la demande.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. L'adoption de cet amendement reviendrait à pénaliser des entreprises dont la politique salariale est très généreuse pour le seul motif qu'elles sont couvertes par une convention de branche moins favorable.
Une entreprise, je le rappelle, a toujours la faculté de faire mieux que ce que prévoit la convention de branche. La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement no 29.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission pour les raisons qui ont été développées hier.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur About, dans les branches que j'ai citées, combien d'entreprises exemplaires risqueraient d'être touchées. Nous ne disposons sans doute pas de statistiques sur ce sujet, mais je doute qu'elles soient bien nombreuses.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. D'une manière générale, je suis plutôt défavorable aux exonérations, donc favorable à leur suppression. Là, il s'agit d'un cas un peu particulier.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1111-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les actes techniques, le dépassement d'honoraires demandé ne peut être supérieur à 15 % du montant de la prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement constitue une proposition simple en faveur du pouvoir d'achat de personnes en situation difficile devant subir une intervention chirurgicale et devant acquitter un dépassement d'honoraires.
Les dépassements d'honoraires demandés par certains praticiens excèdent à ce point « le tact et la mesure » - selon la formule consacrée - que vous avez cru devoir, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, adopter un embryon de mesure régulatrice. Il est vrai que le rapport de l'IGAS d'avril 2007 vous y incitait en préconisant le plafonnement des dépassements d'honoraires à 15 %.
Ces dépassements constituent 40 % du reste à charge des assurés. Le dernier rapport de la Cour des comptes précise que les sanctions contre les médecins qui violent l'obligation de « tact et de mesure » sont rarissimes.
En réalité, la précision par écrit du tarif des actes et du montant du dépassement demandé par le praticien, si celui-ci est de plusieurs centaines d'euros, n'est pour le patient que l'annonce de ce qu'il va devoir payer.
Dès lors, quel choix lui reste-t-il ? Ne pas se faire soigner ? Mettre en concurrence plusieurs praticiens ? La doctrine libérale atteint là ses limites. Dans certains domaines, son application relève de l'impossibilité et du non-sens.
Par ailleurs, et c'est le plus choquant, des personnes qui éprouvent des difficultés financières se voient contraintes de payer un dépassement d'honoraires, souvent très important compte tenu de leurs ressources, à des praticiens qui jouissent en général d'une situation financière correcte et dont les revenus augmentent régulièrement, ce qui en soit est juste compte tenu de leur charge de travail.
II n'en demeure pas moins que la dérive des dépassements d'honoraires est devenue à la fois une atteinte au pouvoir d'achat, notamment pour les catégories moyennes et modestes, une remise en cause des principes qui régissent notre protection contre le risque maladie et un facteur d'aggravation des inégalités.
Il n'est pas question ici de supprimer tous les dépassements d'honoraires, qui sont une reconnaissance des mérites des praticiens et des risques qu'ils courent. Il est néanmoins devenu nécessaire, dans un contexte de précarisation et de stagnation des salaires, de les encadrer, sauf à décider que l'on ne fera rien pour empêcher une conséquence majeure de la baisse du pouvoir d'achat des personnes modestes : une médecine à deux vitesses, y compris pour les actes graves qui mettent en jeu la vie des patients.
Nous reprenons donc la proposition raisonnable de l'IGAS en arrêtant le taux de dépassement à 15 % du montant de la prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie.
En outre - et je m'adresse à vous car, même si vous êtes maintenant en charge du travail, vous connaissez bien le domaine de la santé -, il me semble souhaitable que les médecins mentionnent, sur les plaques qu'ils apposent à l'entrée de leur cabinet, s'ils sont ou non conventionnés. Tel n'est pas le cas aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Godefroy. Les plaques qui n'en font pas mention sont légions.
M. Nicolas About, rapporteur. Ce doit être inscrit dans la salle d'attente.
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est sur la plaque extérieure que cela devrait figurer, au même titre que les honoraires. Je conçois que cela puisse faire sourire, mais lorsqu'un patient est entré, il est trop tard. Il vient pour se faire soigner. Et, au moment de payer, il a une surprise désagréable. Je peux vous dire par expérience que certains dépassements d'honoraires font véritablement frémir !
M. Guy Fischer. Ils sont scandaleusement exagérés !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. La question des dépassements est une vraie question. Pour autant, elle ne saurait être débattue dans le cadre de ce projet de loi et trouvera mieux sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Sans vouloir trop prolonger la discussion, je soulignerai que bien des gestes auraient pu être faits pour envoyer un signal aux assurés sociaux, à tous les malades.
Les dépassements d'honoraires sont un véritable problème, et vous savez fort bien, monsieur le rapporteur, que, en particulier dans la région parisienne, ils sont légion : on n'y trouve pratiquement plus de médecin conventionné du secteur I, si bien que très souvent, notamment pour les spécialistes, les assurés parisiens sont obligés de subir des tarifs outranciers.
Il vous revient en tant que président de la commission des affaires sociales, mon cher collègue, la lourde responsabilité de faire avancer cette question.
M. Nicolas About, rapporteur. Je la ferai avancer !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 30.
Mme Catherine Procaccia. Je m'abstiens.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement no 31, présenté par Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Un bilan chiffré du Gouvernement sur l'application des nouvelles franchises médicales mises en place par la loi no 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 et sur ses effets en matière sanitaire et de pouvoir d'achat est remis au Parlement avant le 1er octobre 2008.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement tend à ce que soit déposé devant le Parlement un rapport sur l'application des franchises en matière médicale.
II faut en effet bien de l'aplomb au Gouvernement pour nous présenter aujourd'hui un texte « pour le pouvoir d'achat » alors que, voilà deux mois, des dispositions portant frontalement atteinte à ce même pouvoir d'achat ont été adoptées ici même par la majorité !
La totalité des franchises mises bout à bout peut atteindre 10 euros pour une seule journée, ce qui est énorme à l'aune d'un petit salaire. Il s'agit en fait d'une taxe qui, étant uniformément répartie, aggravera les inégalités et portera atteinte aux principes fondamentaux de notre protection sociale.
En réalité, on peut se demander si nous ne sommes pas en présence d'un système de vases communicants. Les salariés seront tenus de travailler plus si leur employeur en a besoin, ce qui leur permettra le cas échéant de gagner plus, au risque de devoir exécuter un nombre d'heures supplémentaires excessif qui peut être préjudiciable à leur santé. Mais, comme ils auront gagné plus, ils pourront acquitter les franchises et contribuer à éponger le déficit de la sécurité sociale que les exonérations non compensées sur les heures supplémentaires auront pourtant contribué à aggraver... Tel est le mécanisme !
Ajoutons pour faire bonne mesure que, s'ils sont placés en arrêt maladie, ils seront contrôlés par des médecins payés par l'employeur et retourneront peut-être même travailler - encore ! - en heures supplémentaires décidées par l'employeur. Cela pourrait d'ailleurs entraîner le développement de pathologies plus graves et, cette fois, irrémédiablement plus coûteuses pour la sécurité sociale.
Où est la cohérence de cette politique ? On pourrait être tenté, à première vue, de dire qu'il n'y en a pas et que nos concitoyens sont pris dans un tourbillon de mesures aussi vaines que médiatiques. Ce serait pourtant une vision trop optimiste. En fait, une ligne claire émerge de ces mesures éparses : les salariés devront en effet travailler plus, mais ce ne sera que pour l'illusion de gagner plus puisque cet argent leur sera repris à la première occasion. L'augmentation du pouvoir d'achat n'est, encore une fois, qu'un trompe-l'oeil destiné à dissimuler de nouvelles contraintes dont le profit n'ira pas aux salariés.
S'agissant de la santé, le problème se pose avec une particulière acuité. C'est pourquoi nous proposons que le Parlement soit destinataire d'un rapport sur l'application des franchises non seulement en matière de pouvoir d'achat, mais surtout en matière sanitaire. Nous demandons également que ce rapport soit disponible avant la discussion du prochain PLFSS.
Toujours à propos des franchises, je rappellerai une fois encore qu'il serait tout à fait normal que les accidentés du travail et victimes de maladies professionnelles en soient exemptés. Ce sont des victimes et, à ce titre, ils devraient être traités comme toutes les victimes dans le pays : ils n'ont pas à supporter seuls ces franchises, qu'ils ne peuvent pas récupérer.
Il faudra bien parvenir à régler ce problème des accidentés du travail et victimes de maladies professionnelles ! Ils ont subi un premier préjudice, dû à un défaut de protection de la part de l'employeur ; ils n'ont pas à en subir un second en payant les franchises.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Je prends un engagement : l'examen du prochain PLFSS sera l'occasion d'une discussion qui nous permettra de dresser le bilan des franchises. Si le Gouvernement y souscrit, ce sera encore mieux, mais, en tout état de cause, la volonté de la commission des affaires sociales de faire alors le point sur ce sujet sera claire.
Dans l'immédiat, j'estime que cette disposition n'a pas sa place dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas About, rapporteur. Vous prenez donc l'engagement !
M. le président. L'amendement no 54, présenté par Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Domeizel, Repentin, Collombat, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 11 de la loi no 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous allons changer de registre et évoquer un problème que nous n'avons pas encore abordé.
Cet amendement tend à la suppression de l'article 11 de la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel ».
Il s'agit bien entendu du texte portant sur l'ouverture dominicale des magasins d'ameublement, adopté par la majorité, sur l'initiative de notre excellente collègue Mme Debré.
Nous avons dit voilà un peu plus d'un mois tout le mal que nous pensions de cette méthode de travail qui consiste à déposer sur un projet de loi, dans la précipitation, des amendements qui n'y ont pas leur place. Comme toujours en pareilles circonstances, ce procédé a été utilisé pour de mauvaises raisons.
Je rappelle d'un mot les faits : des commerces d'ameublement, parmi d'autres, ont pris la mauvaise habitude d'ouvrir le dimanche sans autorisation, donc au mépris de la loi. Ils ont donc été attaqués devant les tribunaux et condamnés à des astreintes pouvant aller de 10 000 à 50 000 euros nets par dimanche travaillé.
Les enseignes qui agissent ainsi ont tenté d'obtenir la suspension des actions judiciaires en cours afin de ne pas payer ces astreintes. Elles l'ont fait par appel judiciaire, mais aussi en demandant à certains de nos collègues de la majorité de modifier la législation.
Que disions-nous voilà un mois ?
« Sur le plan de la procédure, le Parlement n'a pas à valider des comportements délibérément illégaux afin que des actions judiciaires soient interrompues. Cela signifierait que nous prenons position pour l'une des parties au détriment de l'autre. C'est un détournement du principe de séparation des pouvoirs. »
C'est pourtant, mes chers collègues, ce que vous vous êtes autorisés à faire !
Mais il y a plus grave. Manifestement, comme nous en avons été avertis a posteriori et comme la presse l'a indiqué, dans cette précipitation, la bonne foi de l'auteur de l'amendement a été surprise ; notre collègue l'a d'ailleurs confirmé à la presse. Cela doit nous alerter sur le comportement sans scrupules de certains lobbies et nous inciter à veiller à ne pas donner officiellement à ceux-ci droit de cité dans notre enceinte.
Notre collègue a affirmé en séance publique, sur la foi des documents transmis par ses interlocuteurs - j'insiste beaucoup sur ce point -, qu'une convention de branche prévoyait des majorations de salaire automatiques pour le travail le dimanche. Après vérification, il s'est avéré que cet accord n'est applicable qu'en... Corrèze !
Nous savons tous combien la Corrèze est un département intéressant, dynamique, regorgeant de richesses touristiques, et qu'elle a fourni à la France, depuis le président Queuille, nombre d'hommes politiques de grand talent. (Sourires.) En l'espèce, cela ne suffit pas : il reste que l'accord n'est pas applicable sur l'ensemble du territoire national.
De cette affaire, le Parlement, notamment le Sénat - et nous le regrettons -, ne sort pas grandi. Il est nécessaire que nous revenions à de plus saines méthodes.
Sur le fond, la question du travail salarié le dimanche a fait l'objet d'un rapport du Conseil économique et social. Nous devons à notre tour entendre les différentes parties au débat, mesurer les conséquences de l'extension du travail salarié le dimanche sur l'économie, sur la vie des consommateurs comme des salariés, ainsi que sur la vie des petits commerces. Cela doit faire l'objet d'un débat global et serein, et non pas être traité dans l'urgence et par petits morceaux, au risque d'aboutir à des erreurs et de faire peser des doutes sur notre sérieux et notre imperméabilité aux pressions.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons le retrait de cet article, dont nous savons maintenant qu'il n'améliore pas le pouvoir d'achat. Ce qui a été fait, et malencontreusement fait, peut être défait aujourd'hui, et ce serait assurément une très bonne chose.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Cette disposition date du 3 janvier 2008. Est-il bien raisonnable que, à peine quelques semaines après son adoption, nous soyons de nouveau appelés à nous prononcer ?
Je comprends que M. Godefroy ait gardé le même avis sur le sujet. Au demeurant, je pense que la majorité va aussi conserver le sien, au moins pour l'instant.
C'est donc tout naturellement que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, je ne vais pas refaire la démonstration qui vous a déjà été faite. En tout cas, j'ai trouvé le lien qu'il peut y avoir avec le pouvoir d'achat : votre amendement, s'il était adopté, pénaliserait le pouvoir d'achat des salariés qui veulent travailler le dimanche !
Voilà pourquoi le Gouvernement est contre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, permettez-moi d'observer très amicalement que votre argument est un peu court !
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis hier, vous nous avez souvent opposé que nos amendements n'avaient pas de lien direct avec le projet de loi pour le pouvoir d'achat.
Or l'amendement sur le travail le dimanche n'avait lui-même aucun lien avec le texte concerné. Il est clair, en outre, que c'était le fruit d'une erreur. Nous avons aujourd'hui la possibilité de revenir dessus. Pourquoi nous en priverions-nous ?
Enfin, monsieur le ministre, je vous invite à bien réfléchir. Vous nous rétorquez souvent, et à juste titre, que vous êtes en pleine concertation, que vous dialoguez avec les associations, que le débat doit avoir lieu.
Or, sur ce problème du travail le dimanche, la discussion est en cours. Vous devriez donc nous apporter la même réponse : oui, il faut supprimer cette disposition parce que le débat est en cours. Vous le savez bien, vous êtes en train de défendre une mesure concernant une région très ponctuelle - la région parisienne - et ne s'appliquant aujourd'hui que très ponctuellement en Corrèze. La question que l'on peut se poser devant votre réaction est de savoir si, finalement, vous n'avez pas l'intention d'étendre le dispositif à l'ensemble du territoire !
Sur ce sujet, nous avons rencontré un grand nombre de professionnels de l'ameublement. Dans ma région, un journal très connu a même mené une enquête sur pratiquement toutes les enseignes du secteur : elles sont toutes vent debout contre cette décision.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous demande de revenir sur ce que vous venez de nous dire et de faire en sorte que nous puissions remettre à plat ce problème du travail dominical. On ne voit d'ailleurs pas pourquoi serait seul concerné l'ameublement, dans le seul département de la Corrèze, alors qu'il s'agit de régler un problème que rencontrent deux enseignes parisiennes !