Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Votre projet de loi, madame la ministre, demeure extrêmement compartimenté, s'adressant tout à tour à des catégories spécifiques de salariés, oubliant les salariés privés d'emplois, les retraités ou, pour ce qui concerne cet amendement, les étudiants.
Ces derniers sont les oubliés de votre gouvernement, comme nous venons d'en avoir l'illustration. Ils se sont pourtant manifestés à vous à plusieurs reprises. Les formidables mobilisations contre le contrat première embauche, ou CPE, et celles plus récentes contre la loi « Pécresse » avaient pour objectif commun de vous dire l'inquiétude des étudiants, pour ne pas dire leur angoisse face à l'avenir.
Comment pourrait-il en être autrement quand, au quotidien, ils subissent la précarité, le travail de nuit et de week-end, toutes ces heures qui viennent s'ajouter au travail universitaire, pour n'obtenir finalement que de quoi survivre, et dans quelles conditions ! Cela se traduit par le renoncement aux soins, le déséquilibre alimentaire, les fatigues chroniques et, parfois même, un habitat insalubre ; et que l'on ne me dise pas que j'en rajoute !
Trop souvent, on minore cette réalité. Sans doute est-ce une résurgence de l'appréhension paternaliste, qui veut que « jeunesse se fasse ».
Ils sont tout de même près de 800 000 à cumuler travail et études, quitte à sacrifier ces dernières. Autant dire que vos mesures de défiscalisation en direction des étudiants n'étaient pas la priorité. Vous le savez, la majorité des étudiants salariés ne payent pas l'impôt, car les revenus des contrats très partiels qu'ils sont en mesure de conclure restent inférieurs aux barèmes d'imposition.
Il appartient à notre assemblée d'en finir avec cette logique et d'arrêter de faire rimer jeunesse avec précarité, études avec galère.
Rappelons que 40 % des étudiants qui cumulent petit ou gros boulot sont en échec. Il est donc urgent de prendre des mesures de grande ampleur, comme l'augmentation des bourses et la création d'un dixième mois de bourse afin de faire coïncider le versement des bourses avec l'allongement de l'année universitaire.
Malheureusement, votre gouvernement ne s'est pas préoccupé de cette question, et la loi Pécresse ne participe pas à l'amélioration de la qualité de vie des étudiants.
Les organisations syndicales craignent même, pour les rentrées prochaines, des hausses considérables des frais d'inscriptions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles ont raison !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C'est dans ce contexte que s'inscrit cet amendement visant à supprimer les cautions exigées par le Centre régional des oeuvres universitaires et scolaires, le CROUS, pour la location des chambres en cités universitaires, qui représentent des sommes importantes proportionnellement aux ressources des étudiants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement, qui vise à interdire au CROUS de demander une caution aux étudiants locataires, ne me paraît pas souhaitable.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Parce que cela coûte de l'argent ?
M. Nicolas About, rapporteur. Non, ce n'est pas la raison, ma chère collègue !
À l'heure actuelle, la caution s'élève à 90 euros pour une chambre et à 150 euros pour un studio. Sa suppression pure et simple présente le risque de déresponsabiliser le bénéficiaire du logement.
La question du logement étudiant est en cours d'étude et doit faire l'objet d'un rapport - vous demandiez tout à l'heure des rapports sur un certain nombre de sujets ! - qui sera remis au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche dans quelques jours. Il vaut mieux attendre ses conclusions avant de se prononcer.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Il convient de bien distinguer, d'une part, le dépôt de garantie versé au bailleur et, d'autre part, la caution, ou caution solidaire, qui permet au bailleur de se retourner contre une personne en cas de défaut de paiement.
L'amendement porte sur un versement, donc sur un dépôt de garantie. Un dépôt de garantie représente un mois de loyer, soit, dans une résidence CROUS, 90 euros pour une chambre et environ 150 euros pour un studio.
Le dispositif de généralisation de l'avance Loca-pass, avec l'Union d'économie sociale pour le logement, l'UESL, que j'ai évoqué à plusieurs reprises aujourd'hui, permettra d'étaler le paiement sur la durée du bail ; il s'agit d'un prêt à 0 %.
Comme vient de le dire M. le rapporteur, la question du logement étudiant fait l'objet d'une mission parlementaire confiée par Valérie Pécresse à Jean-Paul Anciaux. Le rapport doit nous être remis la semaine prochaine. Nous souhaitons donc attendre d'avoir pris connaissance de ses recommandations plutôt que de prendre maintenant des mesures isolées et ponctuelles.
Au demeurant, le Loca-pass me paraît apporter une véritable réponse à votre préoccupation.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 5 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le II de l'article L. 553 - 4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« II. - L'allocation de logement prévue à l'article L. 542 - 1 est versée au prêteur lorsque l'allocataire est emprunteur et au bailleur lorsque l'allocataire est locataire.
« Le prêteur ou le bailleur déduit l'allocation du montant du loyer et des dépenses accessoires de logement ou de celui des charges de remboursement. Il porte cette déduction à la connaissance de l'allocataire. Lorsque le bailleur ou le prêteur ne pratique pas cette déduction, l'allocataire peut, dans des conditions définies par décret, obtenir le versement de l'allocation.
« L'allocation ne peut être versée que si le logement répond aux exigences prévues au 2º de l'article L. 542 - 2. »
II. - L'article L. 835 - 2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 835 - 2. - La créance du bénéficiaire de l'allocation de logement est incessible et insaisissable.
« L'allocation est versée au prêteur lorsque l'allocataire est emprunteur et au bailleur lorsque l'allocataire est locataire.
« Le prêteur ou le bailleur déduit l'allocation du montant du loyer et des dépenses accessoires de logement ou de celui des charges de remboursement. Il porte cette déduction à la connaissance de l'allocataire. Lorsque le bailleur ou le prêteur ne pratique pas cette déduction, l'allocataire peut, dans des conditions définies par décret, obtenir le versement de l'allocation.
« L'allocation ne peut être versée que si le logement répond aux exigences prévues au premier alinéa de l'article L. 831 - 3.
« Lorsque l'organisme payeur a versé une allocation indue et que le bailleur ou le prêteur justifie avoir procédé à la déduction prévue à l'alinéa précédent, le trop-perçu est recouvré auprès de l'allocataire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre aux bailleurs et aux prêteurs de recevoir directement les allocations de logement, qu'ils devront ensuite déduire du montant du loyer ou de la mensualité de remboursement.
Cette possibilité existant déjà pour l'aide personnalisée au logement, l'APL, le présent amendement vise à l'étendre aux deux autres allocations de logement, à savoir l'allocation de logement à caractère social, l'ALS, et l'allocation de logement à caractère familial, l'ALF.
En déposant cet amendement, la commission a deux objectifs : d'une part, faire cesser les abus de certains locataires qui refusent de payer leur loyer tout en percevant leur allocation de logement ; d'autre part, apporter une nouvelle garantie aux propriétaires, de façon à mieux équilibrer un projet de loi jusqu'ici uniquement favorable aux locataires.
Nous avons bien conscience que le dispositif proposé par la commission présente le léger défaut de faire perdre au locataire la notion du montant exact de son loyer ; néanmoins, nous y voyons plus d'avantages que d'inconvénients.
M. le président. Le sous-amendement n° 143, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Modifier comme suit le texte proposé par le I de l'amendement n° 10 pour le II de l'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale :
1° Dans le premier alinéa, après le mot :
versée
insérer les mots :
, s'il le demande,
2°Après le mot :
déduction,
rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa :
l'allocation est versée à l'allocataire.
3° Dans le dernier alinéa, après le mot :
versée
insérer les mots :
au bailleur
4° Compléter le dernier alinéa par deux phrases ainsi rédigés :
Pour les logements compris dans un patrimoine d'au moins dix logements dont le propriétaire ou le gestionnaire est un organisme d'habitations à loyer modéré, une société d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux ou l'établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais et les sociétés à participation majoritaire de cet établissement, le bailleur peut continuer à percevoir l'allocation s'il s'engage par convention avec l'État à rendre le logement décent dans un délai fixé par cette convention. Le bailleur adresse une copie de la convention aux organismes payeurs de l'allocation de logement.
II. - Après le I, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa du III du même article, le mot : « dernier » est remplacé par le mot « deuxième ».
III - Modifier comme suit le texte proposé par le II de l'amendement n° 10 pour l'article L. 835-2 du code de la sécurité sociale :
1° Dans le deuxième alinéa, après le mot :
versée
insérer les mots :
, s'il le demande,
2° Après le mot :
déduction,
rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du troisième alinéa :
l'allocation est versée à l'allocataire.
3° Dans le quatrième alinéa, après le mot :
versée
insérer les mots :
au bailleur
4° Compléter le quatrième alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Pour les logements compris dans un patrimoine d'au moins dix logements dont le propriétaire ou le gestionnaire est un organisme d'habitations à loyer modéré, une société d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux ou l'établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais et les sociétés à participation majoritaire de cet établissement, le bailleur peut continuer à percevoir l'allocation s'il s'engage par convention avec l'État à rendre le logement décent dans un délai fixé par cette convention. Le bailleur adresse une copie de la convention aux organismes payeurs de l'allocation de logement.
5° Dans le dernier alinéa, remplacer les mots :
à l'alinéa précédent
par les mots :
au troisième alinéa
La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Sous réserve de l'adoption de son sous-amendement, d'ordre technique, le Gouvernement émet un avis hautement favorable sur l'amendement de la commission, qu'il trouve très intéressant en ce sens qu'il participe à l'équilibre que je recherche entre les uns et les autres. Je remercie d'ailleurs M. le rapporteur de l'avoir déposé, au nom de la commission.
Votre amendement, monsieur le rapporteur, a pour objet de généraliser le tiers-payant pour l'allocation de logement, à l'instar de ce qui existe déjà pour les locataires du parc social public avec les APL.
Le droit en vigueur prévoit déjà que les bailleurs ou les prêteurs peuvent percevoir l'allocation de logement en tiers-payant à la condition que l'allocataire en soit d'accord.
La généralisation du tiers-payant permettra d'harmoniser les modalités de versement des aides personnelles au logement. Elle permettra également de mieux garantir le caractère dédié de l'allocation de logement au paiement des charges de loyer et au remboursement des prêts d'accession et, par là même, de réduire les risques d'impayés.
M. Lardeux sera probablement sensible à cet amendement, qui rétablit une certaine forme d'équité. (Marques d'approbation de M. André Lardeux.)
Cependant, afin de préserver au mieux les intérêts de chacun, j'attire votre attention, monsieur le rapporteur, sur la nécessité de modifier la rédaction de cet amendement par le sous-amendement n° 143 du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 143 ?
M. Nicolas About, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur ce sous-amendement. Néanmoins, je m'interroge sur son second objectif, à savoir permettre aux propriétaires de plus de dix logements et aux organismes d'HLM de continuer à percevoir les allocations de logement même si les logements loués ne respectent pas les conditions légales de salubrité, à condition qu'ils s'engagent par une convention à les mettre aux normes.
Je suis réservé sur cette disposition, qui me paraît quelque peu curieuse. Tant que ces logements ne satisfont pas aux normes de salubrité, leurs propriétaires ne devraient pas être autorisés à percevoir les allocations de logement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement raison de soulever cette difficulté.
Vous savez mon opiniâtreté et ma détermination à lutter contre le logement insalubre. Je me suis engagée dans ce combat comme jamais un ministre du logement ne s'y était engagé jusqu'à présent. C'est ce que m'ont confirmé plusieurs observateurs.
En fait, la disposition qui suscite votre réticence est limitée à la fois dans le temps, mais encore géographiquement, puisqu'elle ne concerne que certains logements d'anciens mineurs situés en région Nord-Pas-de-Calais. Si ce sous-amendement n'était pas adopté, les intéressés seraient placés dans une situation impossible du point de vue financier. Ces familles étant excessivement fragilisées, il ne faut pas accroître davantage leurs difficultés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Si cette disposition est parfaitement ciblée et véritablement limitée aux opérations indiquées, je n'y suis pas hostile. Mais il ne faudrait pas qu'elle puisse être étendue à d'autres opérateurs.
M. Guy Fischer. Les marchands de sommeil, par exemple !
M. Nicolas About, rapporteur. Or, si je m'en tiens à la rédaction de ce sous-amendement, j'ai l'impression qu'il ne concerne pas seulement l'établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais. Cela étant, je ne veux pas faire un procès d'intention au Gouvernement et je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Je vous confirme, monsieur le rapporteur, que, à travers l'établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais, le Gouvernement vise uniquement les logements sociaux de mineurs situés dans cette région.
Je le répète, son objectif est d'éviter de placer les personnes concernées, qui sont particulièrement fragilisées, dans une situation difficile.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'existe-t-il pas une convention qui le permette d'ores et déjà ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. L'amendement de la commission est bien équilibré. En revanche, j'émets de vives réserves sur le sous-amendement du Gouvernement, qui me pose un problème. S'il est bien normal que le bailleur puisse directement percevoir l'allocation de logement, encore faut-il que les locaux loués ne soient pas insalubres.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Bien que je ne sois pas un spécialiste de cette question, je puis néanmoins confirmer les propos de Mme la ministre. J'ai en mémoire que notre collègue Michèle San Vicente-Baudrin avait déjà abordé ce sujet lors de l'examen d'un précédent texte et demandé que l'établissement public de gestion immobilière du Nord Pas-de-Calais bénéficie d'une mesure dérogatoire.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous sommes tous contraints à un effort de mémoire.
M. Nicolas About, rapporteur. Oui !
M. Guy Fischer. Notre groupe a compté et compte toujours dans ses rangs des sénateurs de la région Nord-Pas-de-Calais. Je me souviens plus particulièrement de ce que nous avait dit Yves Coquelle, qui a été maire de Rouvroy, à propos de cette question.
Si nous comprenons bien, madame la ministre, vous souhaitez améliorer la gestion des anciens corons du Nord.
M. Guy Fischer. Soyons clairs ! Dans toutes les régions, de grandes entreprises se sont séparées de leur patrimoine immobilier. Moi qui suis un enfant des cités du textile, je puis en porter témoignage. Très souvent, les locataires de ce parc immobilier ont pu acquérir leur logement dans des conditions très avantageuses,...
M. Nicolas About, rapporteur. Oui !
M. Guy Fischer.... par exemple grâce à des prêts à taux zéro. Ainsi, les établissements Berliet-Renault Trucks, sis à Vénissieux, ont cédé, par l'intermédiaire d'une société de gestion, des appartements, voire des villas, à des conditions très avantageuses par rapport aux prix du marché.
Madame la ministre, dans le cas des corons appartenant à l'établissement public de gestion immobilière du Nord - Pas-de-Calais qui n'ont pu être vendus, il serait important que vous nous précisiez si le fait pour celui-ci de percevoir directement l'APL permettra par la suite à ces anciens mineurs ou à leurs enfants de pouvoir acquérir dans de bonnes conditions leur logement.
Si tel était le cas, nous serions convaincus du bien-fondé de la perception directe par l'établissement de l'APL, qui trouverait là toute sa vocation sociale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Je remercie M. Godefroy de l'intéressant éclairage qu'il a apporté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, croyez bien que, si j'ai accepté d'accorder la dérogation en cause, moi qui lutte tant contre l'habitat indigne, c'est parce que nous sommes pris entre deux exigences, deux priorités et qu'il nous faut retenir la solution la plus rationnelle et, surtout, la plus humaine.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Madame le ministre, en dépit de mes quelques réserves, je vous fais confiance et voterai le sous-amendement du Gouvernement. Vous nous avez démontré que quand vous voulez quelque chose, vous l'obtenez. (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Lardeux.
L'amendement n° 18 rectifié est présenté par Mmes Dini et Férat et MM. Merceron, Amoudry, A. Giraud et Biwer.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I- L'article 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est abrogé.
II- Les articles L. 613-1, L. 613-2, L. 613-2-1 du code de la construction et de l'habitation sont abrogés.
La parole est à M. André Lardeux, pour présenter l'amendement n° 12.
M. André Lardeux. Cet amendement vise à attirer l'attention sur un problème qui, pour être marginal, n'en est pas moins très ennuyeux.
Certains petits propriétaires, confrontés à des locataires de très mauvaise foi, mettent beaucoup de temps pour obtenir de ces derniers qu'ils libèrent le logement qu'ils occupent. De surcroît, la législation a ajouté des délais de procédure.
Cet amendement, dont je conviens que la rédaction est quelque peu sibylline, vise à supprimer justement un certain nombre de possibilités d'atermoiements que des locataires de très mauvaise foi peuvent opposer à des petits propriétaires, qui sont souvent dissuadés ensuite de relouer leur logement.
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud, pour présenter l'amendement n° 18 rectifié.
M. Adrien Giraud. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. La question que posent ces deux amendements identiques va bien au-delà d'un problème de procédure.
M. Guy Fischer. Amendements de l'Union nationale de la propriété immobilière !
M. Nicolas About, rapporteur. Qui a parfois raison ! (Sourires.)
Mme Christine Boutin, ministre. Au préalable, je voudrais dire que, lorsque sera mise en place, dans les prochains mois, la garantie universelle du risque locatif, au sujet de laquelle nous avons eu une discussion très intéressante ce matin, le problème des expulsions, qui sont toujours un drame humain, ne se posera plus.
C'est la raison pour laquelle je défends avec tant d'ardeur cette garantie des risques locatifs, qui répond à une demande légitime des propriétaires et comporte une dimension humaine pour les personnes menacées d'expulsion.
L'expulsion est toujours une opération très difficile, qui suscite un certain nombre d'interrogations et un sentiment d'injustice, notamment chez le propriétaire. En effet, à l'issue d'une longue procédure, établie pour protéger un individu ou une famille, le préfet n'applique pas toujours le jugement d'expulsion, pour la simple raison - je me permets d'appeler votre attention sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs - qu'il est excessivement délicat, sur le plan humain, de mettre quelqu'un à la rue, même s'il n'a pas payé son loyer.
Ces situations sont d'autant plus pénibles que nous manquons de logements et qu'il peut être très compliqué pour le préfet de trouver un logement disponible pour reloger les personnes expulsées.
Je me permets donc de vous redire combien il est nécessaire de construire des logements dans les mois qui viennent, afin d'éviter de tels drames. Au demeurant, la garantie des risques locatifs apportera une réponse au propriétaire et permettra de prévenir les attitudes inhumaines.
Cela dit, je souhaiterais vous expliciter plus longuement l'avis du Gouvernement, avis qui vaudra également pour les amendements suivants.
La mesure d'expulsion est une mesure qui doit être un recours ultime. C'est un acte lourd. En effet, lorsqu'une famille est expulsée, lorsque des enfants se retrouvent à la rue, une rupture se produit. Elle peut être irréversible. Le coût pour la société peut alors être très élevé.
Quand une famille est de bonne foi, nous devons bien sûr tout faire pour éviter l'expulsion. Il faut tout mettre en oeuvre pour permettre aux personnes de trouver des solutions face aux difficultés qu'elles rencontrent. Les dispositifs sociaux dont nous disposons en France devraient le permettre.
En revanche, lorsqu'une personne est de mauvaise foi, quand elle crée des troubles de voisinage, la mesure d'expulsion se justifie et les retards constatés dans sa mise en oeuvre sont préjudiciables. Et, vous le savez bien, la frontière entre la bonne et la mauvaise foi peut parfois être très ténue.
Bien sûr, un propriétaire qui met en location son bien doit en être justement rémunéré : c'est le respect de la propriété et du contrat. C'est pourquoi le droit du bailleur à l'exécution d'une décision de justice doit se concilier avec la protection des intérêts de l'occupant du logement.
C'est bien à la loi, à la représentation nationale, de veiller à cet équilibre entre des revendications individuelles et un équilibre social. Ce devoir est au coeur de notre pacte républicain.
C'est la raison pour laquelle le législateur a prévu des délais permettant de différer la procédure d'expulsion afin de tenter de mettre en oeuvre toutes les solutions favorisant la prise en charge de la famille, de la solvabilisation au relogement.
En premier lieu, il est proposé d'abroger l'article 62 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. De tels délais permettent en pratique à l'occupant de bonne foi de trouver une solution de relogement, évitant ainsi une mesure d'expulsion coûteuse pour le bailleur. Dès lors, il y a plus d'inconvénients que d'avantages à les supprimer.
En second lieu, il est proposé d'abroger les articles L. 613-1, L. 613-2 et L. 613-2-1 du code de la construction et de l'habitation. Or la notification des décisions d'expulsion aux préfectures permet aux préfets de recenser et de mobiliser les capacités de relogement des personnes expulsées avec l'aide des commissions spécialisées de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, en vertu de l'article 4 de la loi du 31 mai 1990.
À défaut de pouvoir mobiliser les services de l'État, nous laisserions les personnes totalement démunies.
La loi DALO du 5 mars 2007 a justement confié aux préfets le recensement des personnes ayant besoin de relogement, dans le cadre des commissions de médiation départementales. Ce droit au logement opposable, dont je suis une militante active, nous le mettons en oeuvre depuis le 1er janvier pour les six catégories ultra-prioritaires, et, dès le 1er décembre prochain, les personnes pourront se retourner contre l'État. Nous devons assurer la cohérence de notre politique.
Ces mesures, qui protègent les locataires, trouvent leur pendant vis-à-vis des propriétaires. C'est pourquoi le Gouvernement a travaillé à la mise en place de la garantie des risques locatifs, en lien avec les partenaires sociaux du « 1 % logement ». Le dispositif est d'ores et déjà opérationnel et permet de couvrir tous les publics qui disposent de revenus. Son coût est aujourd'hui de 2,5 % du coût du loyer.
La réflexion sur l'universalisation a été engagée, je vous l'ai dit tout à l'heure, dès le 12 juillet 2007, lors du colloque au Conseil économique et social. Dans son discours de Vandoeuvre-lès-Nancy du 11 décembre dernier, le Président de la République a déclaré : « D'ici à la fin de l'année 2008, l'État va apporter sa garantie financière pour que les risques d'impayés de loyers de toutes les personnes à faibles revenus puissent être couverts par une « garantie des risques locatifs ». »
Mais je veux un système encore plus ambitieux, mesdames, messieurs les sénateurs. Je souhaite que soit mise en oeuvre une assurance contre les risques d'impayés de loyers qui concernent l'ensemble des propriétaires et des locataires. En mutualisant les risques pour tous, on en réduira le coût pour chacun.
Ce dispositif doit être mis en place avec l'adoption du projet de loi qui sera présenté au cours du premier semestre après concertation engagée par le Premier ministre et le ministre du logement et de la ville. Il doit être opérationnel dès l'été.
Une mission a été confiée par Mme Christine Lagarde et moi-même à Mme Sabine Baïetto-Beysson, directrice de l'ANAH, et M. Béguin, du groupe d'assurance Generali. Elle doit rendre ses propositions très prochainement.
Les questions qui se posent sont liées au caractère obligatoire ou non de cette garantie des risques locatifs et à son coût par rapport au loyer.
Vous le comprenez, notre volonté politique est de parvenir à un système qui permette de couvrir les risques pour tous les propriétaires, quel que soit le locataire, de bonne foi ou non, à un prix « indolore ».
Vous reconnaîtrez que ces questions n'ont pas entièrement leur place dans le présent texte sur le pouvoir d'achat.
Pour toutes ces raisons, je vous demanderai, mes chers collègues, de retirer vos amendements ainsi que les suivants. À défaut, je serais obligée - j'en serais désolée - d'émettre un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lardeux, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. André Lardeux. J'ai pris bonne note de la réponse de Mme la ministre. Je partage tout à fait son souci d'humanisme et je la remercie des précisions techniques qu'elle a données.
Cela étant, il faudra réexaminer cette question, car il y a les très mauvais payeurs de très mauvaise foi, et il y a ceux qui causent des troubles considérables à leur voisinage. Là, ce n'est plus le propriétaire, un bailleur social bien souvent, qui demande l'expulsion, ce sont les voisins. Un travail important reste à faire.
Vous avez estimé que cet amendement était un cavalier. Comme je n'éprouve pas beaucoup d'enthousiasme à l'égard des mesures dites « de pouvoir d'achat » que contient le texte, vous me permettrez de ne pas être entièrement de cet avis. Toutefois, dans la mesure où cet amendement était un amendement d'appel, j'accepte de le retirer.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Monsieur Giraud, qu'en est-il de l'amendement n° 18 rectifié ?
M. Adrien Giraud. À l'instar de mon collègue, je suis quelque peu surpris par vos propos, madame la ministre, concernant ce problème qui touche les petits locataires démunis, mais aussi les propriétaires.
Vous dites qu'il y a des gens de bonne foi et des gens de mauvaise foi, et vous êtes partagée. Vous essayez de couper la poire en deux. Il faudrait peut-être, comme vous le dites, reprendre ce problème à la base dans les prochains mois.
Certaines personnes épargnent toute leur vie et, au moment de prendre leur retraite, se servent de cette réserve pour acheter un logement et améliorer leurs ressources. Imaginez ce que peut ressentir un petit retraité ayant fait des économies tout au long de sa vie et qui, après avoir acheté un petit appartement, se trouve pénalisé par des locataires de mauvaise foi.
Je m'en tiendrai à ces quelques remarques pour ne pas allonger le débat et je suivrai notre collègue André Lardeux ; je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 13 rectifié est présenté par MM Lardeux, Béteille et de Broissia.
L'amendement n° 17 rectifié est présenté par Mmes Dini et Férat et MM. Merceron, Amoudry, A. Giraud et Biwer.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, les mots : « que deux mois » sont remplacés par les mots : « qu'un mois ».
La parole est à M. André Lardeux, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié.
M. André Lardeux. Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 13 rectifié, 14 rectifié et 15 rectifié, étant entendu que, pour ces deux derniers amendements, j'ai déjà la réponse de Mme la ministre, puisqu'ils ne sont que le prolongement de l'amendement n° 12.
L'amendement n° 13 rectifié se situe toujours dans le même esprit, dans la mesure où il s'agit de ramener à un mois le délai qui suit le commandement de payer. Il y va de l'intérêt du propriétaire - mais aussi du locataire - que l'on ne tarde pas trop à mettre en oeuvre un certain nombre de mesures qui peuvent lui être favorables.
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud, pour présenter l'amendement n° 17 rectifié.
M. Adrien Giraud. Je considère que mes amendements nos 17 rectifié, 20 rectifié et 19 rectifié sont défendus.
M. le président. J'appelle donc en discussion les amendements identiques nos 14 rectifié et 20 rectifié.
L'amendement n° 14 rectifié est présenté par MM. Lardeux, Béteille et de Broissia.
L'amendement n° 20 rectifié est présenté par Mmes Dini et Férat, MM. Merceron, Amoudry, Arnaud, A. Giraud et Biwer.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 613-3 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles ne sont pas non plus applicables aux personnes ayant fait preuve d'une mauvaise foi caractérisée ou ayant occasionné des troubles de voisinage importants ».
J'appelle également en discussion les amendements identiques nos 15 rectifié et 19 rectifié.
L'amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. Lardeux et de Broissia.
L'amendement n° 19 rectifié est présenté par Mmes Dini et Férat, MM. Merceron, Amoudry, Arnaud, A. Giraud et Biwer.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 16 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est complété par les mots : « sans délai, dès la requête qui lui est faite, et nonobstant le sursis hivernal à expulsion ».
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Nicolas About, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques nos 13 rectifié et 17 rectifié. Elle est défavorable aux amendements nos 14 rectifié et 20 rectifié, ainsi qu'aux amendements nos 15 rectifié et 19 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les six amendements, considérant qu'ils n'ont pas directement leur place dans ce texte.
M. le président. Monsieur Lardeux, maintenez-vous vos amendements ?
M. André Lardeux. Non, monsieur le président, je les retire.
M. le président. Monsieur Giraud, que décidez-vous ?