M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Madame la ministre, devenir propriétaire pour 15 euros par jour...
Mme Isabelle Debré. Je signe !
M. Robert del Picchia. J'achète !
M. Thierry Repentin. ... me paraît constituer également un bon argument pour Mme Roselyne Bachelot-Narquin : en renonçant à l'achat de deux paquets de cigarettes par jour, les fumeurs invétérés pourraient devenir propriétaires ! Voilà un argument à avancer dans le cadre de la cohérence gouvernementale !
Plus sérieusement, madame la ministre, notre combat vise à ce que nos concitoyens qui souhaitent devenir propriétaires pour la première fois et qui sont soumis à conditions de ressources - pas les plus pauvres, mais les plus modestes, voire les classes moyennes puisqu'elles sont éligibles aujourd'hui au prêt à taux zéro - puissent bénéficier d'un coup de pouce supplémentaire.
En cinq ans, les prix à la construction ont augmenté de 82 %, ce qui exclut nombre de nos concitoyens de l'accession à la propriété.
La TVA à 5,5 % sur la construction même est sans doute une piste que nous devrions étudier sereinement les uns et les autres.
C'est l'idée que nous souhaitions défendre avec notre amendement n° 41 rectifié.
Madame la ministre, vous me dites que cet amendement n'est pas applicable en l'état. Il est de la responsabilité des parlementaires de ne pas défendre des mesures qui ne sont pas applicables. Je vous fais confiance et je retire donc cet amendement, vous indiquant néanmoins que nous reviendrons sur la question de la TVA à 5,5 % pour la première accession à la propriété.
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié est retiré.
L'amendement n° 53 rectifié, présenté par M. Repentin, Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le premier alinéa du b decies de l'article 279 du code général des impôts est complété par les mots : « ou lorsqu'elle est livrée dans un logement locatif social mentionné à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. »
II - La perte de recettes pour l'État résultant de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. L'amendement n° 53 rectifié vise également à privilégier le pouvoir d'achat de nos concitoyens, en particulier les ménages dont l'habitation est raccordée à un réseau de chaleur.
Depuis 1999, les ménages qui se chauffent à l'électricité ou au gaz bénéficient d'une TVA à 5,5 % sur leur abonnement, alors que les trois millions d'usagers des réseaux de chaleur français - ce sont souvent des HLM, madame la ministre -continuent de payer une TVA à 19,6 % pour leur abonnement au chauffage. Il s'agit en général de logements sociaux et d'établissements publics.
Nous considérons cette situation comme triplement injuste.
Elle est injuste, d'abord, parce qu'elle surtaxe de 45 euros à 90 euros par an en moyenne des foyers à bas revenus, qui sont les principaux usagers des réseaux de chaleur en France.
Cette situation est injuste, ensuite, parce qu'elle pénalise les énergies renouvelables et la cogénération, utilisées dans la plupart des 450 réseaux de chaleur existant dans près de 350 villes françaises. On va donc à l'encontre des objectifs nationaux de lutte contre l'effet de serre et de réduction de la dépendance énergétique.
Elle est injuste, enfin, parce qu'elle crée une distorsion de concurrence entre les différents modes de chauffage.
C'est pourquoi il nous semble inacceptable que ces trois millions d'usagers, qui n'ont pas le choix et qui doivent se chauffer, continuent à être surtaxés dans notre pays.
La révision de la directive TVA en janvier 2006 avait permis d'introduire explicitement la chaleur parmi les biens et les services pouvant désormais bénéficier du taux réduit de TVA. Elle laissait espérer que les choses changent au bénéfice des plus modestes.
Une telle mesure est de nature à assurer la pérennité des réseaux de chaleur existants et à assurer le développement de nouveaux réseaux de chaleur utilisant les énergies renouvelables.
Après des années d'attente, comment expliquer que cette mesure de rattrapage et d'incitation ne soit pas adoptée dès maintenant et que tous les ménages de France du parc HLM qui sont raccordés à ces réseaux de chaleur paient plus chers que ceux qui sont chauffés au gaz ou à l'électricité ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement est proposé et rejeté chaque année. Cet argument n'est pas suffisant, j'en ai bien conscience, parce que ce dispositif pourrait apporter un supplément de pouvoir d'achat. Cette mesure pourrait-elle trouver sa place dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ?
Je me tourne donc vers le Gouvernement, puisqu'il s'agirait d'une perte de recettes pour l'État : madame la ministre, êtes-vous favorable à une réduction de la TVA dans le domaine de la fourniture de chaleur ?
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, car elle ne peut pas répondre à cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur le rapporteur, je suis sensible à vos propos. J'aimerais beaucoup apporter de la chaleur, et je regrette de ne pas pouvoir faire davantage. (Sourires.)
Monsieur Repentin, l'article 76 de la loi portant engagement national pour le logement avait étendu aux réseaux de chaleur l'application du taux réduit à 5,5 % de la TVA qui était prévu auparavant pour les seuls abonnements relatifs à la livraison d'électricité et de gaz naturel combustible.
Le principe est toujours que l'énergie fournie reste à un taux normal.
Toutefois, lors des débats sur la loi portant engagement national pour le logement, une exception avait été prévue concernant la livraison de chaleur issue au moins à 60 % de la biomasse, de la géothermie, des déchets et d'énergie de récupération, en raison de leur contribution environnementale.
À ce titre, des logements locatifs sociaux bénéficient d'ores et déjà du taux réduit sur leurs livraisons de chaleur.
J'ai conscience que cela ne répond pas totalement à vos objectifs, mais je vous confirme que je ne peux pas vous donner davantage de chaleur. (Sourires.) C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement est-il maintenu ?
M. Thierry Repentin. Aux termes de la loi portant engagement national pour le logement, un article dispose qu'il peut y avoir une TVA à 5,5 % si les réseaux de chaleur fonctionnent avec au moins 60 % d'énergie renouvelable. Or, en France, sur 450 réseaux de chaleur, 50 fonctionnent avec des énergies renouvelables.
M. Thierry Repentin. Qu'y peuvent les ménages vivant dans les HLM qui sont reliés aux 400 réseaux de chaleur non éligibles à cette loi ?
Madame la ministre, on ne vous demande pas beaucoup ! Faites un petit geste ! Il n'y a pas un centime de dépense supplémentaire, et vous ferez économiser du pouvoir d'achat à ces ménages vivant dans des HLM ! Je ne sais que dire face à cette attitude gouvernementale systématiquement fermée sur un texte qui vise pourtant à augmenter le pouvoir d'achat des ménages les plus en difficulté.
Je maintiens bien évidemment mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Repentin, j'ai bien entendu votre argumentation et j'y suis sensible. Cependant, vous comprendrez que je ne peux pas, quant à moi, engager aujourd'hui une perte de recettes pour l'État.
En revanche, je pense que cette idée devrait être présentée lors de la discussion des textes sur le Grenelle de l'environnement. Je m'engage à transmettre votre amendement à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, afin qu'il prenne en compte vos réflexions. Votre motivation est tout à fait importante, généreuse et responsable.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Notre collègue Thierry Repentin reprend un amendement que nous présentons de manière récurrente depuis des années en loi de finances et qui est systématiquement rejeté.
J'ai fait allusion ce matin à l'histoire de la chaufferie des Minguettes, qui fonctionne au bois. Depuis la création des Minguettes, nous avons fait évoluer cette immense chaufferie urbaine à chaque avancée technologique.
Madame la ministre, la mesure proposée par M. Repentin vise à aider les ménages les plus démunis des grands quartiers populaires : ces ménages sont confrontés aux plus grandes difficultés, et votre soutien leur est nécessaire.
Aujourd'hui, la France se paupérise, se ghettoïse, malgré tous les efforts qui ont été réalisés dans tous les plans banlieues.
Cet amendement permettrait de réduire les charges. En effet, ces chaufferies fournissent le chauffage, mais également, bien souvent, l'eau chaude, et c'est ce poste qui fait exploser les charges de ces familles les plus démunies parmi lesquelles figurent de nombreux allocataires du RMI et de l'allocation de parent isolé.
Nous voterons donc l'amendement n° 53 rectifié, sur lequel nous demandons un scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 69 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Division additionnelle avant l'article 4 (précédemment réservée)
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre...
MESURES RELATIVES AU SERVICE DE BASE BANCAIRE
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement porte sur la question particulièrement importante de l'accès aux services bancaires, accès qui est rendu aujourd'hui particulièrement difficile pour de nombreuses familles.
Or, le pouvoir d'achat, cela passe aussi par la possibilité de disposer d'une variété de moyens de paiement et de financement.
Je me permettrai de formuler une remarque. La discussion que nous avons eue tout à l'heure à propos de la Société générale, lors des questions d'actualité au Gouvernement, montre à quel point il est urgent de mettre en place un pôle public du crédit démocratisé.
Tout le monde connaît les chiffres.
Si l'on en croit le comité consultatif du secteur financier, ce sont en effet 2 457 000 familles qui sont inscrites au fichier central des chèques et des cartes bancaires.
De même, près de 2,3 millions de familles sont inscrites au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, dont près de 800 000 au titre du surendettement.
Pour sa part, la Banque de France a mis en évidence, ces derniers temps, dans le baromètre trimestriel du surendettement, une nouvelle augmentation du nombre de dossiers examinés par les commissions de surendettement.
Plusieurs causes sont à l'origine de cette situation. La hausse des prix de l'immobilier est l'une des raisons profondes de la progression de l'endettement des ménages et des difficultés qu'ils rencontrent. L'inflation des frais bancaires, la pratique fort développée des crédits revolving, des crédits permanents faussement présentés par des publicités alléchantes sont autant d'éléments qui constituent les segments sur lesquels se construit l'exclusion bancaire, avec tout ce que cela implique bien sûr.
Il faut aujourd'hui créer les conditions d'un véritable droit au compte. Nous venons de souligner le fait que des personnes sont inscrites, d'une manière ou d'une autre, sur les deux fichiers des incidents de paiement, le FCC, le fichier central des chèques, ou le FICP. Cependant, dans les deux cas, la plupart des familles concernées ne sont pas visées par les mesures d'interdiction pure et simple d'émission de chèques ; un grand nombre de personnes sont aujourd'hui dépourvues de compte bancaire alors même qu'elles n'ont pas connu jusqu'à présent la moindre difficulté.
Il convient donc de définir les modalités d'exercice de ce droit au compte, en précisant les conditions dans lesquelles les personnes dépourvues de compte pourront bénéficier de services bancaires de base.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement vise à introduire une division additionnelle comportant cinq articles relatifs à la mise en place du service public bancaire de base garantissant le droit au compte.
Certes, nous allons examiner un par un les amendements y afférents, mais je peux d'ores et déjà indiquer que la commission n'y est pas favorable. En effet, les dispositions proposées compliquent inutilement la mise en oeuvre du droit au compte, laquelle est actuellement garantie dans des conditions qui semblent satisfaisantes.
En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Comme vient de le préciser M. le rapporteur, cet amendement et les suivants sont liés. Aussi, mon explication, qui sera longue car globale, vaudra également pour les autres amendements.
Tout d'abord, la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a été l'occasion d'engager un débat approfondi sur les relations des banques avec leurs clients, et elle a permis de réaliser des avancées notables pour les consommateurs, telles que le relevé annuel de frais bancaires et une meilleure information sur les prêts à taux variable.
Vos amendements concernent le service public bancaire de base, qui reposerait sur une offre minimale de services bancaires accessibles à toute personne et qui serait financé par l'ensemble des banques.
Le législateur a déjà répondu à vos préoccupations, madame la sénatrice, en instituant la procédure du droit au compte et du service bancaire de base.
Comme vous le savez, le droit au compte permet à toute personne, physique ou morale, ne disposant d'aucun compte et s'étant heurtée à un refus d'ouverture d'un compte de la part d'un établissement de crédit de s'adresser à la Banque de France, à qui il appartient de désigner un établissement tenu d'ouvrir un compte auquel est associé un service bancaire de base.
Le contenu de ce service bancaire de base a été amélioré en 2006 : les prestations gratuites auxquelles il donne droit ont été accrues et comprennent désormais la délivrance d'une carte de paiement à autorisation systématique, qui évite la survenance d'incidents, contrairement aux chèques, dont vous proposez la mise à disposition dans l'un de vos amendements, mais dont l'utilisation peut, de ce point de vue, soulever des difficultés.
Par ailleurs, les banques et la Banque de France se sont engagées en 2006 à mettre en oeuvre une procédure accélérée, qui permet la désignation d'un établissement teneur de compte en un jour ouvré. Ce système fonctionne. En 2007, la Banque de France a enregistré plus de 30 500 désignations au titre du droit au compte. Le nombre est stable par rapport à 2006.
Par ailleurs, le Gouvernement proposera prochainement au Parlement plusieurs dispositions relatives à la réforme du livret A. Il est trop tôt pour les évoquer dans le détail. Cependant, le Gouvernement souhaite vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait qu'elles tiendront compte des enjeux liés au maintien d'un haut degré d'accessibilité de la population aux services bancaires. Je puis vous dire que j'y mettrai tout mon poids car il me semble qu'elles répondent à une exigence élémentaire que la France doit s'enorgueillir de préserver.
En outre, vous abordez, madame la sénatrice, la question des frais bancaires perçus au titre des incidents de paiement.
Comme vous le savez, en application de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, le Gouvernement a récemment pris un décret en la matière, le décret du 15 novembre 2007 relatif au plafonnement des frais bancaires applicables aux incidents de paiement, qui entrera en vigueur le 16 mai prochain.
Le Gouvernement ne souhaite donc pas modifier ces dispositions et rouvrir le débat avant même leur entrée en application.
Dans ces conditions, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable sur cet amendement comme sur les suivants.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 139 est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 4 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud et Vera, Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 312-1 du code monétaire et financier est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il est institué un service public bancaire de base qui a pour objectif la mise en oeuvre du droit au compte.
« Il garantit à toute personne physique résidant habituellement sur le territoire national ou communautaire, sans discrimination, et quelle que soit sa situation personnelle ou pécuniaire, une prestation minimale identique reposant sur le principe de l'égal accès de tous à l'argent leur appartenant, qu'il soit fruit du travail, de l'épargne populaire ou émanant des ressources dites de transfert issues de la solidarité nationale. Il s'applique également aux interdits bancaires.
« Cet argent est déposé sur un compte courant ou de dépôt, ouvert dans les livres d'une agence de La Poste ou dans un établissement bancaire ou financier, tels que visés aux articles L. 511-1 à L. 511-4.
« Tout bénéficiaire peut, à tout instant, librement renoncer à ce service en notifiant sa décision par courrier simple à l'établissement bancaire ou financier teneur du compte courant ou de dépôt. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Depuis l'adoption de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite « loi MURCEF », existe un dispositif, appelé « droit au compte », qui ne rencontre pour le moment qu'un succès mitigé.
Dans les faits, cet amendement participe à la modification que nous souhaitons pour ce que nous appelons le « service public bancaire de base ».
Ce débat sur les services bancaires revêt, à nos yeux, une certaine importance, notamment en raison du nombre significatif et permanent de personnes frappées d'une exclusion bancaire, phénomène dont les grandes données sont connues.
Même si la loi MURCEF a permis de réduire de manière importante le nombre d'usagers du service bancaire inscrits au fichier national des incidents de paiement et au fichier central des chèques, de sérieux problèmes persistent.
L'évolution des difficultés des usagers bancaires traduit, au cours de la dernière période, une contraction relative du nombre des chèques sans provision.
On pourrait se féliciter de cette situation si elle ne traduisait deux phénomènes contradictoires : d'une part, le refus injustifié et de plus en plus fréquent de nombreux commerçants d'accepter le chèque bancaire ou postal comme moyen de paiement ; d'autre part, l'accroissement du nombre de règlements par carte bancaire, avec une augmentation symétrique du nombre d'incidents de paiement.
Ainsi, selon la Banque de France, entre 2001 et 2005, le nombre de chèques émis dans notre pays a diminué de 10 % environ, tandis que le nombre de règlements par carte s'est accru de 50 % environ, le nombre d'opérations ayant augmenté de plus de 1,5 milliard.
S'agissant des incidents de paiement, ils sont moins nombreux pour ce qui concerne les chèques, mais en progression pour les cartes bancaires, même si le nombre de cartes de crédit retirées à leur détenteur diminue.
Pour autant, l'exclusion bancaire ne doit pas se mesurer à travers les seuls incidents de paiement. Elle affecte aussi toute une population dépourvue d'un compte bancaire, parce que n'ayant jamais véritablement eu recours aux services des établissements de crédit.
Selon le comité consultatif du secteur financier, le CCSF, un million de personnes seraient aujourd'hui inconnues, si l'on peut dire, des réseaux bancaires.
Le droit au compte, adopté dans la loi MURCEF, a constitué une première avancée quant à l'accès aux services bancaires. Pour autant, malgré quelques progrès par rapport à la situation antérieure, il apparaît en fait comme une réponse trop étroitement favorable aux seuls établissements de crédit.
Bien que modifié par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2001, ce dispositif n'est toujours pas satisfaisant. Il ne bénéficie, pour le moment, qu'à un très petit nombre de nos concitoyens, le flux annuel d'entrées se situant aux alentours de 30 000 personnes.
À notre sens, il convient donc de définir un véritable service bancaire de base, dont le champ d'application serait plus étendu que ne l'est aujourd'hui le droit au compte défini à l'article L. 312-1 du code monétaire et financier.
Tel est le sens de l'amendement n° 90, que nous vous invitons à adopter, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Tel qu'il est rédigé, cet amendement semble ne viser qu'à la création d'un service public bancaire de base, afin de garantir la mise en place du droit au compte.
Toutefois, j'ai le sentiment qu'il tend surtout à supprimer la possibilité offerte aux établissements bancaires de limiter l'accès des bénéficiaires du droit au compte à certains services.
La commission considère que cette limitation, qui est actuellement encadrée par un décret, empêche les établissements de crédit d'abuser de cette possibilité.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Je ne veux pas être discourtoise à l'égard de Mme la sénatrice, mais je ne reprendrai pas l'argumentation que j'ai longuement développée tout à l'heure.
En conséquence, je confirme l'avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement, comme sur les suivants.
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... - Les coûts imputables aux obligations résultant du fonctionnement et de la mise en oeuvre du service public bancaire de base sont évalués et centralisés auprès de la Banque de France, sur la base d'une comptabilité appropriée tenue par les établissements bancaires ou postaux concernés. Cet échange d'informations s'opère selon des modalités fixées par décret.
« La Banque de France centralise les informations relatives au fonctionnement, aux ouvertures et aux fermetures des comptes résultant de la mise en oeuvre du service. Elle est chargée d'en répartir le coût du fonctionnement selon une péréquation de participation entre La Poste et les établissements financiers appelés au financement commun peuvent bénéficier de la déductibilité de tout ou partie du coût moyen d'une provision pour charges, dont le plafond fait l'objet d'une autorisation annuelle fixée par décret. »
II. - Les pertes de recettes engendrées par application du I ci-dessus sont compensées par une majoration à due concurrence des droits prévus aux articles 219 et 885 U du code général des impôts.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement porte sur la question des coûts du service bancaire universel que nous souhaitons voir mis en place.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 312-1 du code monétaire et financier est peu disert sur la question des coûts du droit au compte :
« En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit les services financiers de La Poste.
« Les établissements de crédit ou les services ne pourront limiter les services liés à l'ouverture d'un compte de dépôt aux services bancaires de base que dans des conditions définies par décret.
« En outre, l'organisme désigné par la Banque de France, limitant l'utilisation du compte de dépôt aux services bancaires de base, exécute sa mission dans des conditions tarifaires fixées par décret.
« Toute décision de clôture de compte à l'initiative de l'établissement de crédit désigné par la Banque de France doit faire l'objet d'une notification écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information. Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être consenti obligatoirement au titulaire du compte. »
Cela signifie que la facturation des prestations rendues relève du décret. Or, aux termes du décret codifié sous l'article D. 312-6 du code monétaire et financier, « toute personne physique ou morale domiciliée en France ayant ouvert un compte de dépôt auprès d'un établissement désigné selon la procédure définie au deuxième alinéa de l'article L. 312-1 peut bénéficier des services bancaires mentionnés à l'article D. 312-5 sans contrepartie contributive de sa part ».
Finalement, on comprend mieux pourquoi les établissements de crédit font peu de publicité sur l'existence du droit au compte !
Toutefois, comme l'accès aux services financiers doit être facilité, il nous semble cohérent de faire clairement établir par une institution objective, en l'occurrence la Banque de France, les contraintes qui sont supportées par les établissements de crédit pour faire face à la mise en oeuvre de ce droit.
Vous le constatez, mes chers collègues, nous sommes aussi attentifs aux douloureuses interrogations de nos dirigeants d'établissements bancaires. Et il s'agit de faire en sorte que ce service rendu à la clientèle soit spécifiquement intégré comme une charge figurant au compte de résultat des établissements de crédit.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. La centralisation des comptabilités spécifiques des établissements de crédit alourdirait inutilement la mise en oeuvre du droit au compte.
Par ailleurs, je signale aux auteurs de cet amendement un problème de rédaction du second alinéa du texte proposé par le paragraphe I, qui ne permet pas une bonne compréhension. Peut-être manque-t-il des mots ?
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 312-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... - L'accès aux liquidités est sanctionné par la délivrance mensuelle d'un chéquier de dix formules sans frais à toute personne physique qui n'est pas inscrite au fichier central des chèques irréguliers. Si le titulaire du compte est inscrit au fichier central des chèques irréguliers, il lui sera délivré un chéquier à la condition nécessaire et suffisante d'une régularisation des incidents de paiement, effectuée dans les conditions prescrites par la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991.
« Toutefois, la régularisation de l'incident de paiement ne peut conduire la banque, La Poste ou l'établissement financier à prélever ou à réclamer au débiteur une somme de frais de toute nature dont le cumul est supérieur à la valeur nominale du chèque rejeté.
« En cas d'impayé, les frais de toute nature prélevés par la banque, La Poste ou l'établissement bancaire teneur du compte du débiteur sont calculés au droit proportionnel selon un barème fixé par décret, et plafonnés par référence à la valeur unitaire nominale de l'échéance impayée ou du titre rejeté au motif d'absence ou d'insuffisance de provision sans excéder, par tranche, la valeur du dixième du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
« Une carte de retrait interbancaire eurocompatible aux normes internationales en vigueur est également délivrée, sécurisée au premier franc, à un tarif dont le quantum est fixé par décret dont le renouvellement est non payant, tout comme en cas de défaillance ou d'usure de cet instrument de paiement, ou en cas de progrès techniques le rendant obsolète.
« Le dépôt d'espèces au guichet teneur de compte, dite agence de rattachement, ou dans les autres agences d'un même réseau s'effectue sans frais.
« Le retrait d'espèces au guichet teneur de compte, dite agence de rattachement, ou dans les autres agences du même réseau s'effectue sans frais et sur présentation du chéquier du titulaire et d'un document d'identité.
« Il est attribué à chaque titulaire un quota de dix virements mensuels sans frais, et au-delà de cette quotité, avec frais au droit proportionnel dont le quantum est fixé par décret.
« Toutefois, les virements permanents effectués à la demande expresse des grands opérateurs dans les services d'approvisionnement et de gestion de l'eau, du gaz, de l'électricité, du téléphone ou du Trésor public, restent hors quota et sans frais pour le titulaire du compte.
« Les paiements effectués par avis de prélèvement ou par titre interbancaire de paiement sont également sans frais.
« Toute stipulation contraire aux présentes dispositions est réputée non écrite. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement se situant dans le droit-fil des autres amendements, je considère qu'il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. À la fin du premier alinéa de l'article L. 221-1 du code monétaire et financier, les mots : « plafonnement dans des conditions fixées par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « un plafond de 20.000 euros ».
II. La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je souhaite parler du livret A. (Exclamations.)
La problématique du logement et du pouvoir d'achat participe, de manière évidente, des préoccupations majeures de nos compatriotes.
Il existe un produit financier qui se place à l'exacte jonction entre ces deux thématiques ; j'ai désigné ici, tout le monde l'aura reconnu, le livret A, dont la collecte et la gestion, extrêmement liquides, permettent, comme nul ne l'ignore, de financer la politique de réalisation de logements sociaux par la voie de la centralisation via la Caisse des dépôts et consignations.
Ce sont ainsi près de 120 milliards d'euros qui sont immédiatement disponibles en moyenne sur l'année pour faire face aux besoins de financement du logement social tout comme aux besoins des ménages épargnants, qui tirent parti de la liquidité de ce livret.
Le livret A a un coût fiscal, me direz-vous, puisqu'il est exonéré. Posons la question : combien coûte la défiscalisation du livret A et de ses intérêts ? Réponse : 280 millions d'euros pour environ 46 millions de livrets si mes souvenirs sont bons. Si vous me faites confiance sur la division, cela représente une dépense fiscale moyenne de 6 euros et 9 centimes par livret !
Nous sommes donc extrêmement loin de la dépense fiscale coûteuse, surtout si nous gardons à l'esprit l'usage qui est fait de la collecte du livret A, à savoir le financement prioritaire de la construction de logements locatifs sociaux.
Il existe des dispositifs incitatifs pour l'épargne des ménages dont le coût est bien plus élevé - par exemple les plans d'épargne en actions, les PEA, sans parler de certaines formules de fonds communs de placement -, et ce pour une efficacité sociale et économique moindre, et un usage souvent plus discutable que celui du livret A.
La rentabilité relative du livret A a tendance à s'accroître, puisque le relèvement à 3,5 % du taux de rémunération dès le mois de février permettra a priori aux épargnants de bénéficier d'une meilleure rentabilité de leur placement. Nous regrettons vivement que, pour les petits épargnants, les règles qui prévalaient jusqu'à aujourd'hui n'aient pas été appliquées, car cela aurait permis un relèvement du taux à 4 %.
Évidemment, nos collègues nous diront que le devenir du livret A est quelque peu incertain, la Commission européenne tendant notamment à exiger la banalisation de la distribution de ce produit financier, comme d'ailleurs la banalisation de l'utilisation de la collecte. À la lumière du scandale qui est en train d'éclater, on peut se demander s'il convient de mettre entre les mains de la Société générale la collecte du livret A !
Un vaste débat s'est ouvert dans le pays depuis que, sur la foi du rapport Camdessus - rapport au demeurant truffé de multiples contrevérités qu'il serait presque lassant de citer exhaustivement ici ! -, le Gouvernement, semblant s'être rallié à la pression de la Commission européenne, s'apprête à banaliser la distribution du livret A et à remettre en cause une partie de sa centralisation.
Ainsi, on parle d'une centralisation limitée à 70 %. Cela signifie que les banques appelées à distribuer et à gérer le livret A bénéficieraient d'une manne de 36 milliards d'euros, soit l'équivalent du déficit budgétaire de l'État ou de la fraude, de l'ordre de 40 milliards à 50 milliards d'euros, évoquée par Nicole Bricq dans sa question d'actualité au Gouvernement relative à la crise financière.