M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 55. La précision que ce dernier tend à apporter est de toute façon inutile, l'article L. 351-17 du code du travail prévoyant déjà que des décisions relatives à la suppression ou à la réduction du revenu de remplacement sont prises sous l'autorité de l'État.
S'agissant de l'amendement n° 80, relatif aux spécificités, je partage l'avis de la commission, ainsi que les convictions de Mme le rapporteur. (Mme Christiane Demontès s'exclame.)
Je ne vous convaincrai pas, madame Demontès. Je comprends votre point de vue : il y a des métiers différents, des approches différentes et des usagers différents ; je suis néanmoins intimement persuadée qu'il est extrêmement utile, pour répondre aux demandes d'une catégorie donnée d'usagers, de comprendre les exigences ou les attentes d'une autre catégorie d'usagers.
On peut parfaitement imaginer - ce serait probablement dans l'intérêt de la réalisation de la mission - que des agents aient besoin, et même envie, d'ailleurs, de passer du temps auprès des entreprises pour en comprendre les demandes et être ensuite mieux en mesure d'orienter les demandeurs d'emploi.
J'estime indispensable, pour les raisons de stress que vous évoquiez s'agissant du contrôle, de laisser de la flexibilité au sein de l'organisation : les salariés de cette nouvelle institution pourront ainsi, au fil du temps, et après avoir suivi, bien entendu, les formations qui s'imposent, aller d'un métier vers un autre.
Telle est d'ailleurs, bien souvent, la demande des salariés eux-mêmes au sein des entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l'amendement n° 80.
Mme Christiane Demontès. Je vais tenter de convaincre Mme la ministre et Mme le rapporteur qu'il n'était pas du tout dans mon esprit, non plus que dans celui des rédacteurs de cet amendement, de dire que les agents de la nouvelle institution ne pouvaient pas changer de mission : nous souhaitons que, lorsqu'ils exercent la mission spécifique de contrôle, ils n'accomplissent pas une autre mission, qu'elle soit de placement ou d'accompagnement.
Je précise bien que je sépare la mission de contrôle des autres missions, mais cela ne suppose pas qu'un agent, dans le cours de sa carrière professionnelle dans la nouvelle institution, ne pourra pas changer d'activité.
Je ne suis pas sûre de convaincre mes interlocutrices. Je tenais cependant à ce que notre pensée soit bien précisée, parce que je n'ai sans doute pas été assez explicite tout à l'heure.
M. le président. L'amendement n° 56 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Est créée une commission de recours gracieux qui reçoit les recours des demandeurs d'emplois à l'encontre d'une décision de sanction. Des représentants des demandeurs d'emploi, des représentants des salariés, des représentants des employeurs, et à titre consultatif les représentants de l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du code du travail siègent dans cette commission.
Cette commission se réunit au moins une fois par mois dans chacun des départements.
Le demandeur d'emploi qui exerce un recours gracieux peut se faire accompagner par la personne de son choix.
L'autorité compétente pour prononcer la sanction est tenue d'appliquer la décision adoptée par la commission de recours gracieux.
La commission de recours gracieux communique sa décision sous un délai de sept jours.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement a pour objet de créer, au sein de la nouvelle institution, une commission de recours gracieux à qui les demandeurs d'emplois pourraient s'adresser pour demander le réexamen d'une décision leur étant défavorable.
Ce recours gracieux n'est pas une innovation : il existait déjà dans ce qui sera demain l'ancienne ANPE.
En effet, le dispositif actuel précise qu'il faut faire un recours préalable devant le délégué départemental de l'ANPE en joignant des copies des justificatifs et en demandant à être informé de la réunion de la prochaine commission de recours gracieux.
Là où notre projet d'amendement diffère de ce qui existe déjà, c'est que, aujourd'hui, le directeur de l'agence décide discrétionnairement de soumettre ou non le dossier à la commission ; notre amendement tend au contraire à rendre cette transmission obligatoire et à encadrer les modalités de la réunion en prévoyant, par exemple, le nombre de réunions de cette commission, ainsi que le délai de réponse de cette dernière.
La seconde innovation de cet amendement est que la décision prise par la commission s'impose à l'autorité hiérarchique ayant prononcé la sanction.
En commission, Mme le rapporteur m'a objecté qu'il s'agissait là d'un cavalier. J'ose dire ma surprise, car il s'agit bel et bien d'un amendement visant à améliorer le service public de l'emploi. C'est dire à quel point il s'inscrit parfaitement dans ce projet de loi.
En outre, si chaque création ou amélioration parlementaire devait être considérée comme un cavalier, la richesse de notre travail s'en trouverait considérablement réduite !
Je conclurai en indiquant que les demandeurs d'emplois sont attachés à ce mécanisme. Les organisations qui les représentent et que j'ai rencontrées me l'ont réaffirmé. J'estime, pour ma part, qu'il s'agirait là d'un droit important qui éviterait, notamment, des recours contentieux complexes, bien souvent de nature à décourager les demandeurs d'emploi qui s'estiment lésés par une décision défavorable.
Je demande un vote par scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je remercie Mme David d'avoir donné par avance l'avis de la commission !
S'agissant de la procédure de sanction et du recours contentieux, le présent texte ne modifie rien, puisqu'il porte sur la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC.
Sur ce point également, j'ai des convictions qui me sont propres et que je n'ai pas fait partager à la commission : j'estime que les dirigeants de ces institutions - j'en ai rencontré deux - examinent les dossiers en toute connaissance de cause et avec compétence. Leur retirer cette mission d'examen des dossiers serait vécu par eux comme une motion de défiance. Pour ma part, j'ai confiance en eux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement et en sollicite le retrait, sans toutefois se faire trop d'illusions.
La mise en place d'une telle commission est du ressort du décret et non pas de la loi.
Par ailleurs, le Gouvernement n'entend pas revenir sur l'économie générale des procédures applicables en matière de sanctions, qui prévoient l'intervention d'une commission administrative de recours pour les sanctions les plus lourdes.
Il faudra bien évidemment tenir compte des effets de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC sur la nature des recours, et procéder à un toilettage du texte par voie de décret.
M. le président. Madame David, l'amendement n° 56 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie David. Les arguments de Mme la ministre et de Mme le rapporteur m'amènent à m'interroger : puisqu'une toute nouvelle institution publique, dotée d'un statut propre, va être créée, institution dont les missions et le fonctionnement sont en train d'être définis, pourquoi ne pas prévoir simultanément la mise en place d'une commission compétente pour recevoir les recours gracieux des demandeurs d'emploi lorsqu'une sanction à leur égard a été décidée ?
Si j'ai bien compris ce qui m'a été dit, la commission actuelle sera transférée au sein de cette nouvelle institution.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Du passé on ne fait pas table rase !
Mme Annie David. Mais fonctionnera-t-elle toujours comme aujourd'hui ? Au lieu de se livrer au toilettage ultérieur évoqué par Mme la ministre, pourquoi ne pas réécrire dès maintenant et proprement ses modalités d'intervention, comme nous le proposons, conformément d'ailleurs à la demande de tous nos interlocuteurs, raison pour laquelle je maintiens cet amendement ?
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. On nous reproche parfois, à juste titre, de rédiger des lois bavardes qui empiètent sur le domaine réglementaire.
De ce point de vue, cet amendement va très loin, puisqu'il prévoit les dates de réunion d'une commission de recours gracieux, dispositions qu'il est aberrant d'insérer dans un texte législatif.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Laurent Béteille. Ces modalités relèvent du seul domaine réglementaire. Je rappelle que, dans ce domaine, la loi fixe les principes fondamentaux du droit sans entrer dans le détail des modalités de son application.
M. Alain Gournac. Et après, on dit que les lois sont illisibles !
M. Laurent Béteille. Demander un scrutin public sur un amendement qui prévoit des dispositions contraires à la Constitution, c'est quand même très fort !
M. le président. Monsieur Béteille, je ne peux pas entrer dans un tel débat. Lorsqu'un groupe demande un scrutin public, il est de mon devoir d'y procéder.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On peut toujours en appeler à la raison !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 65 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 124 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié bis, présenté par MM. Carle, Gournac, Humbert et Mortemousque, Mmes Dumas et Hermange et M. Girod, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour la mise en oeuvre des missions énoncées au troisième alinéa (2°) de l'article L. 311-7 du code du travail, les services d'orientation professionnelle de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes sont transférés à l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du même code.
La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Comme je l'ai indiqué hier, les personnes à la recherche d'un emploi doivent effectuer un véritable parcours du combattant. Je souhaite donc que la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC débouche sur la création d'un vrai guichet unique.
Or, le présent projet de loi ne prévoit pas l'intégration des services d'orientation professionnelle de l'AFPA dans la nouvelle institution.
Madame le ministre, les rapports des missions communes d'information du Sénat vous sont transmis. Vous avez d'ailleurs indiqué à plusieurs reprises qu'ils étaient empreints d'un grand bon sens. L'un de ces rapports préconise précisément d'instituer une unité globale du fonctionnement de la formation professionnelle.
Les auteurs de cet amendement souhaitent aller au bout de la logique de guichet unique en permettant au demandeur d'emploi d'accéder sur un seul site à tous les services, notamment à l'orientation, car c'est important.
Dans cette optique, il nous paraît « intelligent », si vous me permettez cette terminologie, d'intégrer les services d'orientation professionnelle de l'AFPA dans la future institution. Nous aurions alors un vrai guichet unique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission souhaite le retrait de cet amendement. En effet, la formation professionnelle va donner lieu à une réflexion qui sera suivie par le dépôt d'un projet de loi. Aussi, comme je l'ai indiqué à M. Carle hier soir, il me paraît inopportun d'intégrer immédiatement les services d'orientation professionnelle de l'AFPA dans la nouvelle institution.
J'ajoute que faire entrer un organisme dans une structure en cours de création sans avoir consulté les partenaires sociaux ne procède pas d'une méthode très appropriée. Je ne pense pas que le Gouvernement accepte de prendre une telle décision sans dialogue préalable. Ce n'est sans doute pas non plus la volonté du Parlement. En tout cas, la commission ne le souhaite pas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Je tiens à rendre hommage à la Haute Assemblée, en particulier à MM. Carle et Seillier qui ont accompli en matière de formation professionnelle un travail de fond auquel j'ai été sensible et attentive. Lorsque ces deux sénateurs m'ont remis leur rapport, nous avons évoqué certaines pistes qui, je n'en doute pas, serviront de fil conducteur à nos futures réflexions en matière d'orientation et de formation professionnelle. Dans ces deux domaines, les apports du Sénat sont très significatifs.
Sur le fond, je reconnais qu'il est tentant de vouloir agir vite et agir bien. Pour autant, l'un ne doit pas se faire au détriment de l'autre. C'est pourquoi j'indique par avance que le Gouvernement se ralliera à l'amendement de Mme le rapporteur visant à insérer, après l'article 8 du projet de loi, un article additionnel prévoyant que le Gouvernement présentera au Parlement, dans un délai d'un an, un rapport sur l'éventuel transfert à la nouvelle institution des personnels de l'AFPA qui sont en charge de l'orientation professionnelle des demandeurs d'emploi.
Monsieur Gournac, vous avez raison de vouloir regrouper ces services sur un site unique. Toutefois, je le rappelle, près de huit cents personnes sont concernées. Nous devons prendre le temps de conduire la concertation avec les responsables des institutions et avec les représentants des personnels avant d'intégrer les services d'orientation de l'AFPA dans la mission d'accueil et de formation professionnelle, qui fait partie intégrante du service de l'emploi, et ainsi offrir un meilleur service aux demandeurs d'emploi.
Monsieur le sénateur, votre objectif est louable, et je m'y rallie sans réserve, mais il est nécessaire de prendre le temps de la concertation. Un délai d'un an me paraît donc tout à fait légitime et approprié.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice de l'amendement no 18 de la commission, après l'article 8.
M. le président. Monsieur Gournac, l'amendement no 89 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. Les auteurs de cet amendement - et Jean-Claude Carle, premier signataire, a beaucoup travaillé sur ce sujet - souhaitaient, vous l'aurez compris, lancer un appel.
Nous soutiendrons bien évidemment l'amendement no 18 de la commission. Notre proposition s'inscrit pleinement dans l'esprit du projet de loi. Il nous paraissait donc important de la présenter, même si nous n'avions aucun doute quant à la réponse qui nous serait apportée.
Monsieur le président, au nom de mes collègues, je retire l'amendement no 89 rectifié bis, mais nous ne regrettons pas de l'avoir déposé ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 89 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Cantegrit et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 5411-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés français expatriés hors de l'Espace Économique Européen et de la Suisse, inscrits au registre des Français établis hors de France, et privés d'emploi, peuvent s'inscrire pour une durée de six mois renouvelable une fois auprès des comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle du lieu de leur résidence à l'étranger. »
La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Cet amendement porte sur la couverture chômage de nos compatriotes expatriés.
Depuis les années soixante-dix, à titre facultatif, et depuis la fin de 1979, à titre obligatoire pour les sociétés de droit français, les salariés français expatriés peuvent s'assurer contre le risque chômage.
Cette disposition résulte de l'adoption, à la fin de 1979, d'un amendement dont j'étais l'auteur. Le Parlement était alors réuni en session extraordinaire. Monsieur le président, nous sommes sans doute peu à nous souvenir que Robert Boulin, siégeant alors au banc du Gouvernement, s'en était alors remis à la sagesse de la Haute Assemblée, laquelle avait soutenu ma proposition malgré les réticences du CNPF. Nous fûmes tous consternés en apprenant, quelques jours plus tard, la mort de Robert Boulin, dans des conditions affreuses.
Les salariés français expatriés peuvent donc s'assurer contre le risque chômage, soit individuellement, soit par l'intermédiaire de leur employeur. L'adhésion à l'assurance chômage doit avoir lieu dans les douze mois suivant leur date d'embauche à l'étranger. Le taux de leur contribution est identique à celui des salariés travaillant sur le territoire français.
En revanche, ces salariés français expatriés, lorsqu'ils se trouvent privés d'emploi, sont dans l'obligation, pour pouvoir bénéficier des prestations et des indemnisations liées à leur situation, de rentrer en France et de s'inscrire comme demandeurs d'emploi auprès de l'ANPE et des ASSEDIC, conformément aux articles L. 311-2 et L. 311-6 du code du travail.
Or, ce retour en France n'est pas la solution la plus opportune. En effet, outre les frais et les problèmes qu'il induit, il empêche le demandeur d'emploi de mettre à profit son expérience spécifique qui, bien souvent, lui permettrait de retrouver un travail plus rapidement et plus facilement en demeurant sur place.
Soyons clairs : quand vous êtes installé depuis de nombreuses années à Dakar, à New York ou à Santiago du Chili et que vous vous trouvez privé d'emploi, le choix qui s'offre à vous est simple : ou bien vous renoncez à rentrer en métropole et à toucher vos prestations, ou bien vous abandonnez votre lieu de résidence, votre famille, pour devenir demandeur d'emploi en France ! C'est donc une situation extrêmement grave.
Nous interrogeons depuis fort longtemps le Gouvernement et les partenaires sociaux sur ce sujet. Lorsque Mme Notat présidait l'UNEDIC, j'avais eu avec elle des entretiens très poussés sur ce point. Elle avait bien voulu reconnaître le bien-fondé de ma proposition. Malheureusement, son départ a tout remis en cause.
À l'époque, les partenaires sociaux étaient réservés parce qu'ils se demandaient comment il serait possible d'opérer un contrôle quant à la recherche effective d'un emploi par nos compatriotes restés à l'étranger. Or, depuis quelques années, les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle ont été mis en place, et je peux affirmer devant la Haute Assemblée qu'ils ont fait leurs preuves lors de l'application de la loi de modernisation sociale de 2002, aux termes de laquelle l'État prend en charge un tiers des cotisations à la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, que j'ai l'honneur de présider. J'en apporte le témoignage : leur travail est tout à fait remarquable et précis, et ils prennent en compte tous les critères pour éviter toute fraude, tout abus.
Telles sont les raisons qui m'amènent à demander au Sénat de bien vouloir voter cet amendement, qui, je dois le dire, est très cher au coeur de nos compatriotes établis à l'étranger.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. M. Cantegrit a déjà exposé la situation, qu'il connaît parfaitement, devant la commission. Il est en effet assez difficile d'imaginer que l'on puisse exiger d'un compatriote qu'il revienne du fin fond de la Chine ou du Brésil pour pouvoir bénéficier des prestations auxquelles il peut prétendre ; en outre, la possibilité existe effectivement d'adhérer volontairement aux ASSEDIC et de verser les cotisations afférentes. De fait, la situation ne semble pas très normale.
Il paraît évident que la loi française doit s'appliquer pour les sociétés de droit français. Cependant, notre collègue a fait observer que le problème se posait plutôt pour les sociétés de droit local. En d'autres termes, comment appliquer le droit français à l'étranger ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh voilà ! Ce n'est pas possible !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle permettent de lever l'incertitude sur le contrôle, dont l'absence constituait un gros obstacle. Néanmoins, je m'interroge : quand on est dans un pays aussi vaste que la Chine et que l'on travaille, par exemple, à Chengdu - ville que je connais parce que l'entreprise qui m'employait y était implantée -, n'est-il pas plus difficile de se rendre dans un autre point du pays pour se soumettre au contrôle du comité consulaire que de revenir en France ?
C'est la raison pour laquelle je souhaite entendre l'avis du Gouvernement. La commission a pour l'instant émis un avis de sagesse réservée, mais elle suivra la position qu'exprimera Mme le ministre.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Cantegrit, vous avez raison de soulever le problème, car les Français seront de plus en plus nombreux à passer des périodes hors de France pour exécuter des prestations en qualité de salariés soit de sociétés françaises ayant des établissements à l'étranger, soit de sociétés de droit local, soit encore de sociétés étrangères.
Je voudrais vous faire une proposition, même si je m'attends à ce que vous ne l'appréciiez guère : je vous invite à retirer votre amendement au bénéfice de l'engagement de ma part de conduire un travail, qui est à mon avis indispensable, sur le thème plus large du statut du salarié français employé à l'étranger. En effet, la perte d'emploi n'est pas le seul problème qui se pose, loin de là ! On peut également citer la question de la loi applicable au contrat de travail en l'absence de disposition spécifique, la question du recensement de l'ensemble des salariés français travaillant à l'étranger, la question du bénéfice de l'indemnisation, la question du contrôle de la recherche effective de l'emploi, dont je reconnais que les comités consulaires, dans les pays où ils existent, pourront certes s'acquitter...- mais tel n'est pas le cas dans tous les pays. Il me semble qu'une réflexion de fond doit être menée sur l'ensemble de ces problèmes.
Je vous demande donc de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, sous le bénéfice de cette proposition d'examiner de manière beaucoup plus large le statut des Français vivant et travaillant à l'étranger. La discussion de la nouvelle convention d'assurance chômage pourrait en particulier fournir l'occasion à un groupe de travail spécifique de se pencher utilement sur la question du statut des Français expatriés et du bénéfice qu'ils doivent pouvoir tirer d'une affiliation aux ASSEDIC, volontaire dans certains cas, du fait de leur entreprise dans d'autres cas, lorsque celle-ci, entreprise française, aura maintenu le bénéfice au moyen du paiement des cotisations pour ceux de ses salariés qu'elle souhaite continuer à soumettre au droit français.
À défaut de retrait, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Cantegrit, l'amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Cantegrit. Madame le ministre, ce que j'attends de vous - je vous le dis très franchement -, c'est que vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat et non que vous émettiez un avis défavorable !
Vous me demandez de retirer cet amendement pour laisser le temps de procéder à des études. Nous travaillons sur ce sujet depuis des décennies, madame ! L'Assemblée des Français de l'étranger a développé ses arguments devant des représentants tant de votre ministère que des autres ministères compétents. J'ai indiqué tout à l'heure l'élément nouveau que constituent les comités consulaires pour l'emploi et la formation professionnelle : si la loi de modernisation sociale de 2002 les reconnaît comme valables quand il s'agit de l'aide que l'État accorde aux personnes bénéficiant de l'assistance d'un tiers pour adhérer à la caisse des Français de l'étranger en troisième catégorie, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient assumer un rôle similaire dans le cas qui nous occupe !
Madame le rapporteur, prenant l'exemple de la Chine, vous objectiez tout à l'heure que l'on ne peut pas forcément installer un comité consulaire pour l'emploi dans toutes les régions du pays. Mais il y en a un à Pékin, un autre à Shanghai, à Hong Kong, dans toutes les grandes villes... Les comités consulaires pour l'emploi auront donc tous les éléments pour pouvoir en juger.
Je souhaite que la Haute Assemblée puisse se prononcer sur cette proposition, car nos compatriotes, qu'ils soient membres de l'Union des Français de l'étranger ou de l'Association démocratique des Français de l'étranger, c'est-à-dire toutes sensibilités confondues, attendent un vote sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le sénateur, il ne s'agit bien entendu pas de remettre en cause le rôle ni l'efficacité des comités consultatifs ; je tiens d'ailleurs à rendre hommage au rôle qu'ils ont pu jouer depuis leur mise en place dans le cadre de la loi de 2002, ainsi qu'à votre travail en la matière.
Pour autant, ce qui est en jeu au-delà de cet amendement, c'est le droit à indemnisation des salariés expatriés. Cette question mérite d'être débattue au fond et explorée paritairement au sein de l'institution nouvelle, de façon que soit déterminé à quelles conditions et dans quel cadre de contrôle seront versées les indemnités.
Il n'est dans l'intention de personne de brimer les salariés qui appartiennent à la catégorie des Français de l'étranger - dont au demeurant j'ai moi aussi relevé en mon temps. Cependant, il ne s'agit pas non plus de fixer les conditions de l'indemnisation à la hâte et sans examen préalable avec les partenaires sociaux.
C'est pourquoi, monsieur le sénateur, cédant à votre talent oratoire, j'émettrai sur cet amendement un avis de sagesse, mais - permettez-moi de l'exprimer très clairement - de sagesse défavorable.
M. Alain Gournac. Il faut retirer l'amendement !
Mme Christine Lagarde, ministre. Quoi qu'il en soit, je réitère ma proposition, à laquelle je donnerai même la forme d'un engagement : nous demanderons qu'au sein de l'institution soient examinées spécifiquement, de manière paritaire, les conditions d'indemnisation et de contrôle des demandeurs d'emploi français à l'étranger.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je suis bien sûr tout à fait favorable à l'amendement du sénateur Jean-Pierre Cantegrit.
Il me semble néanmoins qu'une solution pourrait être trouvée dans la sagesse exprimée par Mme le ministre.
Nous avons effectivement besoin d'une étude qui pourrait aller au-delà de cette question. (Mme la ministre acquiesce.) Vous vous souvenez de l'amendement que j'ai présenté hier concernant une base de données des Français à la recherche d'un emploi à l'étranger ou y travaillant déjà ; une grande étude concernant le statut et tous les aspects des conditions du travail à l'étranger est nécessaire.
Madame le ministre, une solution serait peut-être aussi un engagement dans le temps : dans la mesure où nous travaillons depuis très longtemps, au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger, sur la question que vient d'exprimer M. le sénateur Cantegrit, un engagement de votre part dans le temps, en mettant tous les moyens nécessaires pour cela, pourrait constituer une solution.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je suis toujours sensible aux arguments des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Dans le cadre de la préparation de la nouvelle convention d'assurance chômage, une conférence se tiendra avant la fin du mois de mars afin d'établir les bases de la négociation.
Parce que ce sujet concerne à la fois les Français de l'étranger et l'attractivité du territoire français, qui me paraît également importante, je vous propose de l'inscrire à l'ordre du jour de cette conférence, de façon qu'il soit examiné au mois de mars. Tel est le délai sur lequel je peux m'engager.