Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les archives nationales ont été créées par le décret du 12 septembre 1790 et leur ouverture au public sans restriction ni discrimination a été proclamée par la loi du 7 messidor an II. Pourtant, ce principe fondateur n'est jamais à l'abri de tentatives de remise en cause.
Notre vigilance à l'égard de toute remise en cause de l'accès aux archives est d'autant plus aiguisée que les archives sont notre histoire à tous : sans archives, il n'y a pas d'histoire !
C'est pourquoi les archives ne doivent pas être réservées aux historiens, aux professeurs ou aux chercheurs. Elles doivent être accessibles à l'ensemble de nos concitoyens, qui doivent pouvoir s'approprier l'histoire de leur pays, leur histoire. Elles participent ainsi pleinement à la sauvegarde de la mémoire collective.
En cela, le principe de libre communicabilité des archives publiques ainsi que la réduction des délais des secrets protégés par la loi, tous deux prévus par l'article 11 du projet de loi, constituent indéniablement un progrès en direction du public. Cet article établit comme principe l'ouverture des archives au public, ce que ne faisait pas la loi de 1979. Il faut y voir de toute évidence une avancée démocratique, au bénéfice de tous les citoyens.
Cet accès sans restriction ou presque aux archives ne peut donc que renforcer l'obligation de transparence que détient un État démocratique vis-à-vis des citoyens. La collecte, la conservation et la gestion de ces archives constituent donc une mission de premier ordre pour une démocratie.
Cette mission particulière des Archives nationales justifie évidemment leur caractère de service public régalien. La mission présidée par Bernard Stirn et chargée en 2005 d'étudier l'organisation administrative des Archives nationales ne s'y est d'ailleurs pas trompée, même si nous ne partageons pas totalement son choix de faire des Archives nationales un service extérieur à compétence nationale.
Dans son rapport, il est précisé que, pour opérer ce choix, la mission s'est notamment fondée sur la nature des missions des Archives nationales.
L'article L.211-2 du code du patrimoine dispose, en effet : « La conservation des archives est organisée dans l'intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche. »
En mentionnant la justification des droits des personnes publiques, ainsi que le besoin des services de l'État de consulter leurs archives, le législateur atteste l'essence profondément régalienne de ce service public.
Sur ce point, nous sommes satisfaits de constater que le projet de loi ordinaire, sur lequel portera quasiment l'ensemble de mon intervention, ne touche pas à la définition de ce qu'est une archive. Mieux, il constitue un progrès par rapport à la loi de 1979, notamment dans le domaine de l'accès des chercheurs et du public aux archives.
En ce qui concerne la communicabilité des archives, le texte prévoit une innovation majeure en faisant du libre accès le principe et du maintien de certains délais l'exception.
Je rappelle simplement pour mémoire qu'en 1979 le principe était la non-accessibilité aux archives pendant au moins trente ans, l'accès aux archives dans des délais plus courts étant l'exception, sauf pour ce qui concerne les documents administratifs entrant dans le champ d'application de loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.
S'agissant des exceptions à ce principe de libre communicabilité, il faut bien admettre que le projet de loi prévoit des délais nettement plus courts que ceux qui sont actuellement applicables, ce qui constitue un véritable progrès.
La seule « frilosité » du projet porte sur les délibérations du Gouvernement, qui pourront être consultées après un délai de vingt-cinq ans, au lieu de trente ans, et sur les documents susceptibles de porter atteinte à la sûreté nationale ou à un secret de la défense nationale, consultables après un délai de cinquante ans, au lieu de soixante ans actuellement.
Pour les autres documents, le raccourcissement des délais est loin d'être négligeable : les minutes notariales et les archives des juridictions administratives et judiciaires pourront être consultées passé un délai de cinquante ans, au lieu de cent ans.
Ce même délai de cinquante ans s'appliquera aux archives publiques dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée.
Le projet de loi favorise donc largement, et dans un sens que nous souhaitons, l'accès aux archives publiques. C'est pourquoi nous regrettons quelque peu l'initiative de la commission des lois, qui propose de faire passer ce délai de cinquante ans à soixante-quinze ans, le délai de cinquante ans ayant l'avantage de faciliter la recherche, notamment en histoire sociale contemporaine.
En revanche, si nous approuvons le principe de la libre communicabilité des archives publiques et du raccourcissement des délais s'agissant des exceptions, nous ne pouvons émettre le même jugement positif au sujet du respect de la mission des Archives nationales.
En effet, la conservation des archives publiques prévue par l'article 3 du projet de loi semble quelque peu dangereuse. L'article L. 212-4 du code du patrimoine, dans sa nouvelle rédaction, prévoit la possibilité de confier des archives publiques au stade d'archives vivantes ou intermédiaires à des sociétés privées d'archivage. Cette disposition constitue une totale nouveauté, car elle n'existait pas aux termes de la loi de 1979. Elle découle directement de la pratique puisqu'il faut bien reconnaître que, depuis une vingtaine d'années, des entreprises privées spécialisées sont déjà chargées de stocker les archives publiques.
Cette pratique, que nous déplorons, n'est que le résultat du manque de moyens, de personnel et de locaux de préarchivage, ce qui a conduit la direction des Archives de France à revoir à la baisse ses prétentions et ses exigences de service en matière de gestion des archives.
Même s'il n'est question, pour l'instant, que des archives courantes et intermédiaires, il n'en est pas moins regrettable que la loi entérine aujourd'hui ce recours au privé.
L'article L. 212-4 du code du patrimoine, en écartant, certes, les possibilités de recours au secteur privé pour la gestion des archives courantes et intermédiaires, fragilise la gestion des archives définitives par les services publics d'archives.
Par ailleurs, ces sociétés de stockage privées seront habilitées à conserver ces archives, mais aussi, en fonction du contrat qui les lie avec les administrations ou organismes publics, à les communiquer.
Ce délestage d'une mission aussi sensible ne peut que nous inquiéter. Notre souci est le même s'agissant des archives du Conseil constitutionnel, pour lesquelles la même possibilité d'externalisation est prévue.
C'est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à supprimer cette possibilité d'externaliser la gestion des archives courantes ou intermédiaires publiques.
L'autre réserve que je souhaite formuler concerne les archives des entreprises publiques. En effet, sur ce point, je considère le projet de loi comme étant en retrait par rapport à la loi de 1979. Les archives des entreprises publiques ne sont plus situées dans le champ des archives publiques.
La prise en charge de ces archives par le service public pose certes beaucoup de problèmes, notamment parce que le réseau de cinq centres d'archives du monde du travail, qui était programmé, n'a pas été réalisé.
Cependant, renoncer à conserver les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques posera nécessairement le problème du contrôle de ces archives, surtout si la révision générale des politiques publiques, lancée par le Gouvernement en juillet 2007, aboutit à la suppression d'une direction des archives de France.
Nous avons, pour ce cas précis, également déposé un amendement visant à réintroduire les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques.
Le projet de loi ordinaire, hormis les deux remarques que je viens d'exprimer, nous satisfait dans sa globalité. Sur le papier, l'ouverture à laquelle il entend procéder nous semble évidemment aller dans le bon sens. Dans les faits, cependant, j'espère que les moyens accompagneront la mise en oeuvre de ce texte. Le libre accès aux archives publiques et surtout le raccourcissement des délais nécessitent du personnel pour stocker et gérer ces archives, rédiger les inventaires.
De même, et c'est notamment le cas s'agissant des archives notariales, il faudra bien des espaces supplémentaires ou du moins des espaces réaménagés. Je pense, en particulier, au site parisien des Archives nationales, dont la rénovation s'avère nécessaire.
C'est également pourquoi nous espérons que seront tenues les promesses faites par le précédent gouvernement à propos des effectifs du futur centre de Pierrefitte-sur-Seine.
La mission de service public assurée par les Archives nationales ne peut être correctement effectuée sans les personnels nécessaires. Or tout archiviste, tout agent travaillant dans les centres d'archives, voire tout citoyen qui a eu accès aux centres d'archives, sait que, derrière chaque mètre linéaire, il y a des hommes et des femmes qui travaillent quotidiennement à la collecte, au tri, à la conservation, à la communication de cette mémoire collective de la nation que constituent les documents d'archives.
Sans créations de postes, cette mission de service public ne peut qu'être incomplètement assurée et c'est la mémoire collective qui s'en trouvera ainsi affectée.
De même, faire adopter ce projet de loi sans une direction d'administration centrale puissante, de plein exercice et reconnue dans ses attributions, sans contestation possible, semble inquiétant.
Nous attendons donc de votre part, madame la ministre, l'assurance de ne pas assister, à terme, à la disparition de la direction des archives de France ou à la fusion de ses services au sein d'une nouvelle organisation des directions d'administration centrale du ministère de la culture, comme le Gouvernement pourrait l'envisager dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
L'accueil que nous réservons à ce projet de loi n'en reste pas moins positif.
Sous couvert des réserves que j'ai émises et du sort que connaîtront nos amendements, nous voterons en faveur de ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Mme Brigitte Bout applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, puisque nous sommes dans l'intimité d'une séance de nuit, je céderai à la tentation que Winston Churchill prêtait volontiers aux notables vieillissants : confondre leurs souvenirs et leurs discours... (Sourires.)
C'est donc par un souvenir que je commencerai mon propos.
Je ne dissimule pas ma grande passion pour les archives, passion familiale, d'ailleurs.
J'ai eu le privilège de permettre, avec M. Favier, le sauvetage des archives judiciaires, et cela uniquement, je le confesse, grâce à un étrange incident.
Alors que je me trouvais à Vienne pour une conférence des ministres européens de la justice, j'avais tenu à visiter l'appartement de Freud, afin de voir, bien sûr, le célèbre canapé, mais aussi les admirables petits objets archéologiques qu'il collectionnait. M'entretenant avec le conservateur du musée, j'évoquais la conférence de Freud sur le crime et le châtiment et sur ce qu'il fallait en déduire. C'est à cette occasion qu'il m'apprit l'existence d'un courrier adressé par Freud à Landru. J'en conclus logiquement qu'il devait s'en trouver une trace dans le dossier Landru.
Rentré à Paris, ma curiosité ainsi piquée, mon premier soin est de demander au greffier concerné de bien vouloir me communiquer le dossier Landru. Les jours passent et rien n'arrive : on ne retrouve pas de dossier Landru ! Ma demande se faisant insistante, on me répond que les Allemands l'ont emporté... Je veux bien croire beaucoup de choses, mais pas que les Allemands se sont intéressés au dossier Landru ! Je pèse donc de tout mon poids de ministre pour que l'on retrouve enfin ce dossier.
Un mois plus tard, un huissier arrive porteur de deux cartons à chapeau comme en transportaient les arpettes de jadis sur les Grands Boulevards, cartons qu'il pose sur la table de Cambacérès ! « Voilà le dossier Landru », me dit-il. Ivre de bonheur, je suis néanmoins quelque peu surpris de recevoir le dossier Landru dans des cartons à chapeau !
M. René Garrec, rapporteur. C'est normal, on lui avait coupé la tête ! (Sourires.)
M. Robert Badinter. Le dossier avait été retrouvé au fond d'une armoire du tribunal.
Je ne dirai pas ma délectation à lire les originaux du dossier Landru. J'indique simplement qu'il n'y avait pas, à mon vif regret, la moindre trace de correspondance avec Freud !
Quoi qu'il en soit, à partir de cet instant, le soupçon est né. J'en ai parlé à André Braunschweig, qui se passionnait lui aussi pour les archives des dossiers judiciaires. Nous avons procédé à quelques sondages et nous avons constaté, hélas, que nombre de dossiers judiciaires, souvent liés à des événements politiques, avaient disparu. C'est ainsi, par exemple, que le dossier de recours en grâce de Brasillach n'existe plus. En tout cas, s'il existe, il ne se trouve pas là où il devrait être ! D'autres dossiers de personnages moins importants ont également disparu. On a été ainsi incapable de retrouver le dossier Kravchenko. Ce n'étaient évidemment pas les mêmes personnes qui, dans un cas et dans l'autre, avaient porté aux pièces un intérêt particulier ! (Sourires.)
Bref, le moment était venu de réagir. Nous avons donc créé une commission avec le premier président Schmelk, qui, lui aussi, avait la passion les archives, le président Braunschweig et M. Favier, qui a été l'âme de cette commission. Nous sommes parvenus à la situation que l'on connaît et qui a régularisé le dépôt des archives judiciaires.
Après cet épisode, ma passion s'est portée plus spécifiquement sur les archives audiovisuelles. A ainsi été adoptée la loi de 1985, qui n'est malheureusement pas assez appliquée, je tiens à le redire, même si ce n'est pas le sujet en discussion aujourd'hui.
Au Conseil constitutionnel, en revanche, la situation était admirable. Les secrétaires généraux successifs du Conseil constitutionnel veillaient avec un soin jaloux à ce que les documents du Conseil constitutionnel soient conservés, classés et éventuellement consultés.
Longtemps, nous n'avons pas pris de décision formelle, mais la pratique a été constante, aussi bien sous ma présidence que sous celle de mes successeurs : les demandeurs ont toujours été accueillis et la consultation des archives du Conseil constitutionnel leur a toujours été ouverte autant qu'ils le souhaitaient. Le Conseil constitutionnel appliquait en fait, à cet égard, un régime de droit coutumier jusqu'à ce que, fort heureusement, en 2001, Pierre Mazeaud mette en place un règlement organisant le régime des archives du Conseil constitutionnel. Les documents sont versés aux archives, comme il sied, et le délai de consultation est de soixante ans, avec possibilité pour le président d'autoriser la communication à ceux qui s'intéressent aux archives du Conseil constitutionnel - généralement des doctorants, parfois des constitutionnalistes.
En tout cas, il est bien qu'une loi organique intervienne et règle la question importante des archives du Conseil constitutionnel.
Ayant indiqué que nous voterons évidemment ce projet de loi organique, je ferai seulement deux observations.
Je souhaite vous faire part, dans un premier temps, d'une interrogation. Je sais que Pierre Mazeaud, avec lequel j'entretiens des liens étroits d'amitié, s'inquiétait d'un raccourcissement éventuel des délais ; notre éminent rapporteur, qui a consacré beaucoup de temps à son travail, et je ne saurais trop l'en louer, le sait. Pierre Mazeaud se demandait, en particulier, si l'ouverture des archives du Conseil constitutionnel ne risquait pas de conduire les membres du Conseil constitutionnel, dans les délibérations, à réfréner quelque peu la spontanéité qui fait toujours le charme et l'intérêt des discussions de cet ordre.
Ce n'est pas du tout mon avis. En vérité, il faut lier, en France, la question de l'accès aux archives du Conseil constitutionnel à une question plus importante, qui est celle de l'opinion dissidente.
À ce sujet, on évoque toujours la Cour suprême des Etats-Unis, mais il n'y a pas qu'elle qui pratique l'opinion dissidente : nombre de juridictions internationales ou de cours suprêmes la pratiquent également. Ce n'est pas le cas en France, mais il faut reconnaître l'intérêt qu'il y a à ce que les opinions dissidentes demeurent quelque part dans les procès-verbaux.
L'opinion dissidente, même si je n'en suis pas partisan pour la France, a le mérite de permettre à la doctrine de s'interroger sur le bien-fondé de la décision rendue à partir du raisonnement juridique différent qu'ont fait les tenants de ladite opinion dissidente. Parfois, on se rend compte qu'un raisonnement juridique solide pouvait en effet aboutir à un résultat intéressant ; parfois, d'ailleurs, ce n'est que le raisonnement sur les motifs qui aboutit au même résultat ; parfois, au contraire, c'est une opinion totalement dissidente, dispositif et motifs.
Or c'est important pour la réflexion juridique, pour le travail des constitutionnalistes, et non pas seulement pour l'historien qui, lui, retrace l'évolution de la jurisprudence du Conseil et l'évolution des délibérations.
Donc, plus tôt sera ouverte la consultation de ces archives, mieux cela vaudra.
Prétendre que les membres du Conseil hésiteront à prendre position parce que, vingt-cinq ans plus tard, leur opinion sera connue me paraît dénué de tout fondement. Fort de mon expérience de neuf années au Conseil constitutionnel, je n'en crois rien. D'abord, dans un très grand nombre de cas, c'est à l'unanimité qu'est prise la décision et il est intéressant de voir par quels arguments on soutient en définitive le même choix. Par ailleurs, pour ceux qui ont argumenté en sens inverse de la majorité, il est quelque peu réconfortant de se dire que ce qu'ils ont fait valoir n'est pas définitivement perdu.
Par conséquent, dans les deux hypothèses, on ne peut que se féliciter de voir raccourci le délai de libre accessibilité des archives du Conseil constitutionnel, en dehors de la pratique courtoise et traditionnelle que j'évoquais.
Il reste un deuxième problème que, pour le plaisir de l'échange, j'ai tenu à évoquer devant M. Garrec et la commission des lois.
Le Conseil constitutionnel a une double fonction : outre le contrôle de constitutionnalité, c'est aussi, au plein contentieux, une juridiction en matière électorale. Devait-on plutôt pencher du côté de l'aspect juridictionnel ou plutôt considérer le caractère institutionnel particulier du Conseil constitutionnel ? Finalement, après avoir évoqué cette fonction de plein contentieux, pour ma part, je me suis rallié aux vues de notre éminent rapporteur, en me disant que, puisqu'il n'y a là rien qui concerne le moins du monde la vie privée des individus, qu'il s'agit en définitive de problèmes de pur droit électoral, là encore, plus tôt les archives seront ouvertes aux chercheurs, mieux cela vaudra.
Certes, vingt-cinq ans, surtout à mon âge, cela passe étrangement vite, mais certains hommes politiques survivants souffriront bien, pour la beauté de la vérité historique, que leur réputation puisse être écornée par le détail des délibérations concernant l'annulation de leur élection ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale commune est close.
Projet de loi organique
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi organique.
Article unique
Il est ajouté à l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel un article 61 ainsi rédigé :
« Art. 61. - Les dispositions des articles L. 211-3, L. 212-1, L. 212-2, L. 212-3, L. 212-4, L. 213-3, L. 214-1, L. 214-3, L. 214-4, L. 214-5, L. 214-9 et L. 214-10 du code du patrimoine s'appliquent aux archives qui procèdent de l'activité du Conseil Constitutionnel. Le délai à l'expiration duquel ces archives peuvent être librement consultées est celui fixé au 1° du I de l'article L. 213-2 du même code. »
Mme la présidente. Sur cet article, je ne suis saisie d'aucun amendement.
Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 64 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 328 |
Le Sénat a adopté.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Ivan Renar. C'est historique ! Cela mérite d'être archivé immédiatement ! (Sourires.)
Projet de loi
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi.
TITRE IER
DISPOSITIONS PORTANT MODIFICATION DU CODE DU PATRIMOINE
Article 1er
Le titre Ier du livre II et le livre VII de la partie législative du code du patrimoine sont modifiés conformément aux articles 2 à 17 de la présente loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit de supprimer un article de présentation qui est inutile.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Articles additionnels après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 211-1 du code du patrimoine, après les mots : « quels que soient leur date, » sont insérés les mots : « leur lieu de conservation, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. C'est un amendement de clarification ; il vise à compléter la définition des archives donnée à l'article L. 211-1 du code du patrimoine.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 40, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 211-1 du code du patrimoine, le mot : « matériel » est supprimé.
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à actualiser la définition générale des archives telle qu'elle est issue de l'article 1er de la loi du 3 janvier 1979.
Le développement des technologies numériques et celui de l'administration électronique, notamment, conduisent à une dématérialisation des supports d'archives.
Aussi est-il proposé par cet amendement de tirer les conséquences de cette évolution en précisant que les archives sont l'ensemble des documents, quel que soit leur support et non plus quel que soit leur support « matériel ».
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 41, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 211-2 du code du patrimoine, il est inséré un article L. 211-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-2-1. - Le Conseil supérieur des archives, placé auprès du ministre chargé de la culture, est consulté sur la politique mise en oeuvre en matière d'archives publiques et privées.
« Il est composé, outre son président, d'un député et d'un sénateur, de membres de droit représentant l'État et les collectivités territoriales et de personnalités qualifiées.
« La composition, les modes de désignation de ses membres et les modalités de fonctionnement de ce Conseil sont fixés par arrêté. »
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit de consolider le statut du Conseil supérieur des archives, créé par arrêté du ministère de la culture en date du 21 janvier 1988.
Donner une valeur législative à ce conseil et prévoir qu'un député et un sénateur y siégeront permet de le placer au même niveau que le Haut Conseil des musées de France ou que la Commission supérieure des monuments historiques.
Cette démarche, comme je l'ai expliqué dans la discussion générale, participe d'une valorisation de la politique des archives. Des réflexions sont en effet à conduire pour faire évoluer cette politique face au défi de la numérisation, ainsi qu'a évoqué tout à l'heure un de nos collègues, face également à la production massive d'archives, ou encore compte tenu de l'intérêt plus grand à accorder aux archives des entreprises.
Je crois que cette instance de dialogue et de consultation permettra de réunir l'ensemble des acteurs concernés et de les sensibiliser, notamment les producteurs d'archives, à l'intérêt de leur conservation.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Nous avions un peu hésité en commission, considérant que ces dispositions figureraient au niveau du décret. Mais compte tenu de la position des autres instances, il nous a paru vraiment fâcheux que le Conseil supérieur des archives ne soit pas traité de la même manière. La commission a donc donné un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Article 2
Le a et le b de l'article L. 211-4 sont ainsi rédigés :
« a) Les documents qui procèdent de l'activité de l'Etat, y compris des pouvoirs publics constitutionnels, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes de droit public ;
« b) Les documents qui procèdent de l'activité d'un service public géré ou d'une mission de service public exercée par une personne de droit privé ; ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Garrec, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le a et le b de l'article L. 211-4 du code du patrimoine sont remplacés par un a ainsi rédigé :
« a) les documents qui procèdent de l'activité de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ou des personnes de droit privé chargées de la gestion d'un service public, dans le cadre de leur mission de service public. Les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Il s'agit de l'autonomie des assemblées. Je ne reprendrai pas les propos que j'ai déjà tenus tout à l'heure à la tribune. Il nous semble parfaitement logique que les assemblées ne soient pas soumises au droit commun du code du patrimoine, ainsi que je m'en suis expliqué tout à l'heure.
Mme la présidente. L'amendement n° 42, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le a) du texte proposé par cet article pour l'article L. 211-4 du code du patrimoine :
« a) Les documents qui procèdent de l'activité de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ; les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l'article 7 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Mon amendement a le même objet que celui que vient de présenter M. Garrec, mais le sien est plus complet.
Mme la présidente. L'amendement n° 68, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa de cet article, après le mot :
établissements
insérer les mots :
et entreprises
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Notre amendement vise à réintroduire les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques.
En effet, si le projet de loi ne procède pas à une modification de ce qu'est une archive, son article 2 tend à modifier le code du patrimoine dans le but, nous est-il dit, de clarifier la définition de l'expression d'« archives publiques ».
Or la modification proposée pour le a) de l'article L.211-4 n'est pas anodine puisqu'elle écarte les archives des entreprises publiques du champ des archives publiques. Nous nous interrogeons, nous aussi, monsieur le rapporteur, sur un tel choix, d'autant que, comme vous le soulignez dans votre rapport, le projet de loi maintient les services publics industriels et commerciaux que le Gouvernement souhaite pourtant rapidement voir privatisés.
Les explications données tant dans le rapport que par la direction des archives de France sont tellement floues que nous ne comprenons toujours pas les raisons précises d'une telle exclusion, si ce n'est, peut-être, le contexte politique.
Nous savons en effet parfaitement que, dans le cadre de la réforme du ministère de la culture, qui s'inscrit elle-même dans celui de la révision générale des politiques publiques, le nombre de directions centrales est susceptible d'être divisé par deux, c'est-à-dire de passer de dix à quatre ou cinq. La direction centrale des archives pourrait se retrouver intégrée à un bloc « patrimoine » du ministère de la culture.
Vous le savez, madame la ministre, les archivistes redoutent la disparition d'une direction dédiée, comme ils craignent les conséquences des restructurations liées à la LOLF sur la gestion des archives et sur les moyens humains et financiers.
Ne plus inclure les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques est le moyen pour le Gouvernement de se délester d'une part non négligeable d'archives à stocker, trier et conserver, et fait oublier dans le même temps que le réseau de cinq centres d'archives du monde du travail n'a pas été mis en place. Pourtant, l'exemple de Charbonnages de France montre que le service public d'archives est tout à fait apte à prendre en charge des archives d'entreprise publique quand on lui en donne les moyens.
Pour les entreprises publiques, nous pensons qu'il serait bon d'inscrire dans la loi de façon définitive le principe selon lequel leurs archives restent publiques et, pour les entreprises privatisées, qu'elles restent publiques pour la période antérieure à la privatisation.
Le choix retenu en l'espèce ne semble-t-il pas illustrer la volonté du Gouvernement d'enterrer le statut d'entreprise publique, ce qui nous paraît quelque peu prématuré ? L'avenir nous le dira et l'histoire tranchera : c'est son « métier » d'histoire !
Cela étant dit, nous pensons qu'il est essentiel de maintenir les archives des entreprises publiques dans le champ des archives publiques.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Je comprends parfaitement la position de notre collègue Ivan Renar, mais je crois que la situation serait plus claire si l'on simplifiait !
Le projet de loi prévoit que les archives des entreprises qui exercent une mission de service public sont considérées comme archives publiques : cette catégorie inclut EDF, la RATP et la SNCF. Quant aux entreprises qui n'exercent pas une mission de service public, leurs archives sont classées comme archives privées ; si elles présentent un intérêt historique, il suffit que le ministère décide de les classer et le problème est réglé. Vous n'avez donc aucune inquiétude à avoir et vous pouvez nous faire confiance.
Je vous demanderai, par conséquent, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, sinon je serai obligé d'émette un avis défavorable.