compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Décès d'un ancien sénateur
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue et ami Charles de Cuttoli, sénateur honoraire et membre honoraire du Parlement, qui fut sénateur représentant les Français établis hors de France de 1974 à 2001.
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candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances pour 2008 actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
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Loi de finances pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90, 91).
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici parvenus au dernier jour de la discussion budgétaire.
Quelle comparaison choisir : celle du « marathon » ou celle de la « course de fond » ? Je laisse à chacun le soin de juger.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi pas le jumping ?
M. le président. Quoi qu'il en soit, ces trois semaines ont requis de nous tous des qualités d'athlètes complets.
En notre nom à tous, je souhaite remercier très vivement une nouvelle fois Mme Lagarde, qui, retenue ailleurs, n'a pu être parmi nous aujourd'hui, ainsi que M. Woerth ici présent pour la qualité de leur écoute et la précision de leurs réponses. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.) Mes remerciements s'adressent aussi aux membres de leurs équipes, dont nous avons tous pu apprécier la compétence et la disponibilité.
Je soulignerai également l'assiduité sans faille du président et du rapporteur général de notre commission des finances (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées), dont la présence constante, la rigueur et - oserai-je le dire, la passion ! - ont une fois de plus fait l'admiration de toutes et de tous. Félicitons les « hommes-orchestres » de la discussion budgétaire ! Mes compliments, messieurs !
Pendant plus de 130 heures, chacun, qu'il soit de la majorité ou de l'opposition, a pu s'exprimer et apporter sa pierre à l'édifice de nos propositions budgétaires.
Sur les 226 orateurs des groupes qui sont intervenus pendant cette discussion, 134 appartiennent à la majorité et 92 à l'opposition.
Je voudrais aussi relever que, sur les 113 rapporteurs spéciaux et pour avis qui ont animé nos débats, 81 appartiennent à la majorité et 32 à l'opposition : c'est donc une vraie diversité des points de vue qui, cette année encore, a pu librement, comme cela doit être la règle, s'exprimer.
Je souhaite remercier vivement toutes celles et tous ceux, sénatrices, sénateurs ou ministres, qui ont veillé à respecter scrupuleusement les temps de parole définis par la conférence des présidents, conformément à l'appel que j'avais lancé au début de cette discussion. Vous avez ainsi toutes et tous prouvé que la meilleure discipline reste décidément l'autodiscipline !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. le président. Grâce à vous tous, nos débats ont été à la fois sereins et riches. Le large écho médiatique qu'ils ont reçu en est le signe certain.
Comme chaque année, la discussion du projet de loi de finances, dépassant tout naturellement les aspects strictement budgétaires, a reflété dans leur diversité tous les aspects de l'actualité des politiques publiques.
Si l'on en juge par les amendements d'origine sénatoriale, les thèmes abordés pendant cette discussion tiennent de « l'inventaire à la Prévert », allant de la TVA sur les activités de déneigement aux aumôniers dans les prisons, de la fiscalité sur les biocarburants au monopole de l'État sur les ventes de tabac dans les collectivités d'outre-mer, de la redevance télévision aux cessions d'ordinateurs par les entreprises, sans oublier - dans un registre qui, s'il est plus technique n'en est pas moins important - les plus-values à long terme des sociétés immobilières cotées ou l'exonération de charges pour les employeurs de services à la personne.
Cette année encore, a pu se faire entendre la spécificité de notre assemblée, représentant constitutionnel des collectivités territoriales et des Français établis hors de France.
En première comme en deuxième partie, les débats centrés sur les collectivités territoriales, sans oublier celles d'outre-mer, ont été particulièrement éclairants et complets.
Quant à nos collègues représentant nos compatriotes établis à l'étranger, ils ont montré une fois de plus leur implication forte dans les questions concernant, entre autres, les affaires étrangères et la culture.
Le travail que nous venons d'accomplir, mes chers collègues, ne s'arrêtera pas avec la promulgation de la loi que nous allons voter dans un instant.
En effet, dès le 1er janvier prochain, il appartiendra au Gouvernement d'assurer l'exécution de ce budget, conformément aux orientations que nous avons fixées. J'espère, monsieur le ministre du budget, que, dans le souci de donner l'exemple, vous ferez en sorte que le taux d'exécution des lois dépasse 35 %, qui constitue, en la matière, le taux moyen - et insuffisant -, comme l'a souligné un récent rapport du Sénat. Vous pouvez encore faire mieux, et je ne doute pas un seul instant que vous agirez en ce sens.
Pour l'heure, si vous le voulez bien, profitons pleinement de ce moment solennel, convivial, amical et, ajouterai-je, républicain du vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, d'autant que nous nous retrouverons très bientôt, pour l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2007 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui l'ont demandée pour expliquer leur vote.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation des débats décidée le 7 novembre dernier par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de dix minutes.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons de vivre des débats toujours riches, intéressants, sereins - vous l'avez souligné, monsieur le président -, des débats souvent exaltants.
Mais, convenons-en, c'est au moment de l'examen des amendements que l'intensité et, oserai-je dire, le suspense atteignent leur meilleur niveau, tout spécialement lorsque leurs auteurs sont inspirés par de fortes convictions, notamment celles qu'ils ont acquises lors de contrôles sur place et sur pièce. Nous avons pu le vérifier, cette année, de façon peut-être plus nette encore que les années précédentes. M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », peut en témoigner.
Ainsi, je voudrais à nouveau lancer un appel aux rapporteurs pour avis. Mes chers collègues, puisque le contrôle est l'une de nos grandes prérogatives, unissons nos initiatives, coordonnons nos efforts, organisons des missions conjointes des rapporteurs spéciaux de la commission des finances et des rapporteurs pour avis des autres commissions !
Les constats, les données factuelles sont des arguments déterminants pour convaincre non seulement le Sénat, mais aussi le Gouvernement. Les sénateurs qui ont fait des constatations ou observé des dysfonctionnements sont en situation de faire partager leurs convictions et de faire voter des amendements.
L'amendement déclenche l'interactivité, donne au débat son relief, son originalité, sa valeur ajoutée. Cessons de nous interroger à propos des pouvoirs du Parlement. Osons, mes chers collègues, assumer la plénitude de nos prérogatives ! J'en suis convaincu, c'est le meilleur service que nous puissions rendre au Gouvernement et à la sphère publique.
Dans ce cadre, le temps est venu de nous interroger à propos de la durée et de la forme des discussions générales des trente-quatre missions du budget.
Réduire la durée des séances dans l'hémicycle, libérer du temps pour les auditions publiques et les réunions de commissions dans ce que nous appelons désormais le « petit hémicycle » et, surtout, revaloriser le projet de loi de règlement, telles sont quelques-unes des pistes de réflexion issues des débats qui ont eu lieu ces dix derniers jours sur les crédits des missions. Elles devront nous guider pour nous permettre d'oeuvrer à la rénovation du rôle et de la place du Sénat, à laquelle chacun ici est si légitimement attaché.
À l'évidence, nous avons examiné un budget de transition, dont la sincérité a été servie par un bel effort du Gouvernement. Il nous faut le reconnaître, monsieur le ministre. Cette sincérité révèle toute l'âpreté de la situation de nos finances publiques. Au seuil de la nouvelle législature et donc du quinquennat nouveau, ce budget porte la marque des gestions antérieures et transcrit l'impact des mesures votées cet été dans la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Il serait donc vain d'y chercher la trace des réformes à venir.
Au cours de nos débats, toujours courtois et surtout constructifs, nous nous sommes efforcés d'atténuer les conséquences de certains arbitrages. C'est ainsi qu'à propos des relations entre l'État et les collectivités territoriales, fidèles au « bonus constitutionnel » du Sénat, nous sommes parvenus - non sans difficulté, il est vrai - à améliorer le système en gommant la brutalité des ajustements ciblés sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, et sur la compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties. Grâce au rapporteur général, Philippe Marini, avec l'aide du rapporteur spécial Michel Mercier et du Gouvernement, un correctif a pu être mis au point. Ce faisant, nous avons surtout mis en évidence la fin annoncée d'un mode de financement de l'État vers les collectivités territoriales.
Aussi sommes-nous convenus d'ouvrir, dès le début de l'année 2008, le chantier des modalités de répartition de quelque 54 milliards d'euros de dotations. Arrivé au bout du rouleau, le système croule sous les contraintes et la complexité. Toute péréquation est devenue aujourd'hui impossible, pérennisant des injustices flagrantes.
M. Gérard Delfau. C'est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est donc urgent d'y porter durablement remède. Nous serons invités à faire preuve de beaucoup de lucidité et de courage.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sur le fond, et sans anticiper sur le bilan que le rapporteur général dressera dans un instant, ce budget nous invite à une triple réflexion.
Première réflexion : comment retrouver l'équilibre des finances publiques d'ici à 2010-2012 ? Mes chers collègues, 65 milliards d'euros d'économie sont à trouver avant cette échéance. Sans préjuger des résultats de la révision générale des politiques publiques, que j'espère audacieux et réformistes, j'ai conscience que ceux-ci dépendront pour une large part du taux de croissance de notre économie, que les récents événements ont, à tout le moins, mis à mal...
À l'évidence, l'augmentation durable du prix du pétrole, qui s'est approché du seuil symbolique des 100 dollars, ne va pas simplifier les choses, et cela d'autant moins que la hausse du prix des matières premières offre de nouveaux champs d'action aux fonds souverains, qui, à l'avenir, risquent de ne plus investir seulement dans notre dette souveraine.
Deuxième réflexion : comment redonner de la compétitivité au travail, aux entreprises, aux territoires afin de contribuer au tonus et au dynamisme de notre économie ? C'est certainement le grand débat de l'année à venir, au moment où le tabou des délocalisations vient de sauter, comme en attestent les récentes déclarations des responsables de nos fleurons industriels, tout spécialement dans le domaine aéronautique. Nous ne pouvons en aucune façon considérer que la désindustrialisation est une fatalité pour la France.
Ayons à l'esprit les statistiques relatives à notre commerce extérieur : déficit record au mois d'octobre et sans doute pour l'année 2007. S'il est vrai que l'État dépense plus qu'il ne reçoit, les Français, collectivement, consomment plus qu'ils ne produisent. La récente baisse du taux de chômage accrédite le retour à une croissance plus robuste. Tant mieux !
Il reste que d'importantes réformes structurelles, notamment sur les prélèvements obligatoires, sont attendues, en particulier - puis-je le rappeler, mes chers collègues ? - le financement des branches santé et famille de la sécurité sociale. Pour l'immédiat, nous attendons avec confiance les premières décisions de la révision générale des politiques publiques. Dès demain, je crois, une première série d'arbitrages sera prononcée.
Troisième réflexion : au-delà des efforts accomplis par la France, le redressement économique appelle l'Europe à un sursaut. Que l'Europe politique existe enfin ! Que la Banque centrale européenne ait, à ses côtés, un pouvoir politique européen ! À la veille de la présidence française, comment faire entendre notre voix ? Nous pouvons le faire par des réformes structurelles courageuses, trop longtemps ajournées. N'hésitons plus à perdre cette spécificité pour redevenir moteur. L'année qui vient est cruciale, déterminante. Elle porte toutes nos espérances.
Avant de conclure, mes chers collègues, je me fais votre porte-parole en adressant mes très chaleureux et cordiaux remerciements à Philippe Marini, notre rapporteur général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.) Comme à son habitude, il a mis sa maestria, la force de ses convictions et son sens de la pédagogie au service du Sénat. Qu'il en soit chaleureusement remercié (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées), ainsi que les quarante-trois rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les soixante-quatre rapporteurs pour avis des cinq autres commissions permanentes, qui, sous l'autorité de leurs présidents, ont su donner de l'interactivité, parfois même de l'imprévu à nos débats.
Je remercie également tous nos collègues qui ont participé à nos discussions avec autant de conviction que de courtoisie républicaine, le tout dans le respect de nos légitimes différences, à l'image de ce que notre assemblée sait si bien faire ! Nous avons ainsi connu plusieurs moments - très appréciés - d'unanimité.
Je veux aussi saluer les ministres, qui, pour la plupart, se sont prêtés avec bonheur à notre dialogue, en vous distinguant tout naturellement, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique pour vous remercier de votre disponibilité et de votre écoute.
Mes remerciements s'adressent également, bien évidemment, à l'ensemble de vos collaborateurs, ceux de votre cabinet et des services de Bercy, qui ont à nouveau prouvé leur efficacité et leur réactivité.
Vous me permettrez d'y associer nos propres collaborateurs de la commission des finances et de chacune des commissions permanentes du Sénat.
Je remercie enfin la présidence, vous-même, monsieur le président du Sénat, et les six vice-présidents, ainsi que les services de la séance et des comptes rendus, grâce auxquels cette discussion a su rester d'un bout à l'autre dans l'épure que nous avions tracée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion du premier projet de loi de finances de la nouvelle mandature. Dans quelques jours seulement, nous aborderons, dans cette course d'obstacles, le dernier obstacle de l'année pour la commission des finances - et ce n'est pas le moindre ! -, c'est-à-dire le collectif budgétaire.
À chaque jour suffit sa peine. Rappelons simplement cet après-midi que nous avons ajouté cinquante-huit articles aux soixante que comportait le texte initial ! (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
Bien entendu, ces initiatives se répartissent harmonieusement et équitablement entre le Gouvernement et le Sénat, entre la majorité et, pour une part non négligeable, l'opposition de notre assemblée. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Plusieurs sénateurs socialistes. Lesquelles ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'y reviendrai et vous donnerai quelques exemples, mes chers collègues !
En ce qui concerne les aspects budgétaires, nous avons tenu nos engagements, en faisant en sorte que, malgré toutes les sollicitations, le solde du projet de loi de finances ne soit pas aggravé à l'issue de son examen par le Sénat.
Nous y sommes parvenus, malgré le surcoût consécutif à l'ajustement nécessaire du droit à compensation des collectivités locales, au titre du transfert de différents personnels, d'un montant de 110 millions d'euros. Nous avons pu le faire aussi en améliorant à la marge, mais cependant de façon significative, au sujet des dotations d'ajustement, les financements des collectivités territoriales.
En ce qui concerne les mouvements de crédits, nos délibérations ont porté sur 600 millions d'euros relatifs à treize missions. En illustration des propos de Jean Arthuis, je rappelle que les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis ont été particulièrement actifs au cours des débats relatifs à la deuxième partie du projet de loi de finances. Ils ont fait preuve de vigilance ; ils ont apporté leur contribution ; ils ont pris appui sur les missions qu'ils effectuent tout au long de l'année.
Par ailleurs, à la demande du Gouvernement, il a été procédé à des réductions de crédits, d'un montant de 675 millions d'euros, et à l'ouverture de 170 millions d'euros de crédits supplémentaires.
Mes chers collègues, cela montre bien que l'examen budgétaire des différentes missions et des différents programmes se fait de manière itérative, interactive et que, mission par mission, programme par programme, les sénateurs ont été parties prenantes de l'élaboration de ce budget. Nous ne sommes pas spectateurs, loin de là !
J'en viens aux apports législatifs. En cet instant, je veux remercier nos différents collègues qui, par leurs propositions, par leurs amendements, ont permis de faire progresser le projet de loi.
Je veux remercier, par exemple, au sein de la majorité, Alain Lambert, Yves Fréville, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Michel Houel, Jean Bizet, Roland du Luart,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous en oubliez !
M. Philippe Marini, rapporteur général.... ainsi que nos collègues Georges Mouly, Christian Gaudin, Philippe Adnot.
En ce qui concerne maintenant l'opposition, je veux remercier particulièrement Michel Charasse (Exclamations sur diverses travées), qui a été très présent au cours des débats ! Il a fait avancer de nombreuses idées, souvent dans une démarche transpartisane, qu'il faut saluer.
Je ne saurais non plus oublier les auteurs, j'allais dire plus orthodoxes, d'amendements adoptés par le Sénat que sont nos collègues Claude Domeizel, François Marc, Pierre Mauroy, Jean-Marc Pastor, Marc Massion.
Quelle a été la contribution du Sénat à ces articles législatifs ? Nous nous sommes intéressés en particulier, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, à quatre rubriques, cette liste n'étant pas exhaustive.
En ce qui concerne, tout d'abord, la fiscalité de l'épargne et des marchés financiers, nous n'avons pas pu satisfaire aux préconisations des membres du groupe CRC.
Mme Odette Terrade. C'est bien dommage !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons supprimé, dès 2008, l'impôt de bourse. Nous avons modifié la fiscalité des valeurs mobilières...
Mme Nicole Bricq. Ça oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général.... et fixé un prélèvement libératoire à 18 %,...
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général.... ce qui est vertueux, mon cher collègue. Nous avons relevé à 25 000 euros le seuil d'exonération des plus-values en matière de cessions de valeurs mobilières.
Mme Nicole Bricq. Il n'y a pas de quoi être fier !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une mesure pour le grand capital !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons donné accès au bénéfice du prélèvement libératoire aux dirigeants d'entreprise non salariés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Tout cela montre bien qu'au sein de notre assemblée existent une majorité et une opposition, ce qui est nécessaire.
En ce qui concerne les biocarburants - deuxième rubrique -, sur l'initiative du Gouvernement et de la commission des finances, nous avons mis en place un dispositif qui proroge le remboursement partiel de taxe intérieure sur les produits pétroliers et de taxe intérieure à la consommation du gaz naturel dont bénéficient les exploitants agricoles. Nous avons par ailleurs révisé, en fonction de l'évolution du contexte économique général, le barème de l'exonération fiscale dont profitent les différentes filières de biocarburants. Cela nous a permis de rappeler la priorité qui s'attache à cette diversification agricole, génératrice de nouvelles richesses pour nos territoires ruraux.
S'agissant des dotations des collectivités territoriales - troisième rubrique -, la commission des finances, qui a beaucoup peiné sur ce sujet cette année, est parvenue à aménager les nouvelles règles d'indexation des dotations de l'enveloppe normée. Nous avons maintenu les règles de base, à savoir une indexation de l'enveloppe normée égale à l'inflation prévisionnelle et une indexation de la DGF selon les règles antérieures prenant en compte une part de la croissance prévisionnelle.
Nous nous sommes également intéressés, vous le savez, mes chers collègues, aux conséquences, parfois préoccupantes, de la baisse des variables d'ajustement sur les différents échelons de collectivités. Nous avons adopté un mécanisme correctif qui porte, globalement, sur 113 millions d'euros et qui atténue les difficultés que l'on peut attendre en matière de compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties et d'allocation au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.
J'en viens maintenant à la quatrième rubrique. Le Sénat a de nouveau adopté plusieurs dispositions relatives au régime des sociétés immobilières cotées.
Mme Nicole Bricq. Oh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Jusqu'ici, nous nous en sommes bien portés. C'est notamment le cas des innovations apportées depuis les années 2002, 2003...
Mme Nicole Bricq. Il n'y a pas de quoi être fier !
M. Philippe Marini, rapporteur général.... en termes d'activité, de développement, d'investissement, d'emploi mais aussi, monsieur le ministre, de recettes budgétaires.
J'achèverai ce propos récapitulatif en évoquant la deuxième partie du projet de loi de finances, encore toute fraîche dans ma mémoire, puisque nos délibérations, sous la présidence d'Adrien Gouteyron, se sont terminées tôt ce matin.
Nous avons opéré quelques modifications allant dans le sens du dispositif préconisé par le Gouvernement en matière de crédit d'impôt recherche et à l'égard des jeunes entreprises universitaires. Ces compléments sont utiles.
Nous avons réglé certains problèmes de gestion locale et ajusté de nouveau certains dispositifs complexes en matière de fiscalité locale. Nous avons surtout consacré beaucoup de temps, au cours de ces dernières heures, à des débats de principe. Le Sénat a voulu affirmer sa place, prendre date et préparer les échéances des prochains mois.
Ce fut le cas en matière de fiscalité écologique. Nous avons adopté un amendement tendant à développer le système de récupération des imprimés qui élargit le dispositif Éco- Folio existant. Il va permettre, dans le respect d'une plus grande neutralité, de mieux financer la valorisation des déchets et de favoriser des intercommunalités plus efficaces.
Nous avons également abordé la question de l'autonomie des personnes âgées et de leur dépendance. Ce sujet n'est pas facile, c'est l'un des problèmes cruciaux de la société d'aujourd'hui. Nous avons suivi les réflexions et les orientations du Président de la République, qui souhaite l'émergence d'un cinquième risque social en matière de dépendance des personnes handicapées et des personnes âgées.
Au moment où la Haute Assemblée s'apprête à mettre en place une mission commune d'information sur ce sujet au sein de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, nous ne nous sommes pas dérobés vis-à-vis du difficile débat qu'est celui de la solidarité entre les générations.
M. Henri de Raincourt. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette nuit, nous avons traité le délicat problème de la récupération sur succession, que l'on ne peut éluder.
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement qui a été adopté est un signal, un appel au débat et à la réflexion.
M. Guy Fischer. C'est un appel à faire payer les pauvres, les familles ; c'est scandaleux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, il n'est pas scandaleux que chaque génération se préoccupe du sort des anciens et n'attende pas tout de la collectivité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la solidarité nationale !
Mme Nicole Bricq. Les chômeurs paieront pour leur famille ! C'est scandaleux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, j'achèverai mon propos en évoquant la politique fiscale.
Au cours de nos débats et encore dans les dernières heures, s'agissant des articles non rattachés de la deuxième partie, nous avons traité des fameuses niches fiscales, de cette mauvaise herbe fiscale qui a eu tendance à beaucoup proliférer ces dernières années. En débattant de ce sujet, ce matin, avec mon collègue rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, j'observais que, même si les deux assemblées n'abordent pas ce sujet de la même façon, nos préoccupations sont assez identiques.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À quel niveau ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'Assemblée nationale raisonne en termes de plafonnement des avantages et des exonérations. Le Sénat, quant à lui, préfère raisonner en termes de contrainte de durée et de réévaluation périodique, voire de suppression de nombreux régimes de dérogations, exonérations et déductions de toutes natures.
Mais, finalement, les préoccupations que nous exprimons sont bien les mêmes, à savoir la recherche d'une fiscalité plus lisible et plus attractive, c'est-à-dire plus propice à l'attractivité de notre pays, de nos sites en matière d'emploi et d'investissement.
Comme Jean Arthuis, je termine mon propos en faisant référence à un événement qui aura lieu demain, c'est-à-dire la première séance du Conseil de la modernisation des politiques publiques, sous l'autorité du Président de la République (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.),...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, c'est une garantie ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général.... qui va annoncer des décisions structurelles importantes relatives au système d'État, des simplifications, des améliorations, des économies, pour un meilleur service rendu aux usagers, à nos concitoyens et aux collectivités.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On trouve déjà tout dans la presse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas, au Sénat, être des adeptes de l'État immobile. L'État évolue et doit continuer à le faire, au sein d'un monde compétitif et difficile. Les parlementaires, notamment nous, sénateurs, devons bien prendre conscience des problèmes qui se posent, les expliquer, faire preuve de pédagogie et assumer l'avenir en disant la vérité à nos concitoyennes et à nos concitoyens. C'est ce que nous nous sommes efforcés de faire tout au long de la discussion de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous en avons confirmation cette année : pour gouverner, il n'y a pire situation pour la droite que de succéder à la droite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Et ce n'est pas fini !
M. Marc Massion. Déjà en 1995, M. Juppé disait calamiteuse la situation laissée par MM. Balladur et Sarkozy et, en 2007, avec d'autres mots, MM. Sarkozy et Fillon assument de manière très critique l'héritage de deux gouvernements dont ils ont été pourtant deux acteurs essentiels.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Marc Massion. En effet, les chiffres sont là : les prélèvements obligatoires sont passés de 42,90 % du PIB en 2003 à 44,2 % en 2006,...
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Marc Massion.... et la dette a augmenté de huit points en cinq ans,...
Un sénateur socialiste. Et ce n'est pas fini !
M. Marc Massion.... d'où l'appel à la rupture.
Mais il y a deux façons de réaliser cette rupture : pour le mieux ou pour le pire.
Le Gouvernement a choisi la seconde solution et la loi TEPA, dans la continuité de l'idéologie au pouvoir, n'a fait qu'aggraver les choses.
Résultat : le chef du Gouvernement annonce que le pays est en faillite et le Président de la République annonce que les caisses sont vides. C'est sûrement de la franchise, mais c'est aussi un sérieux constat d'échec, et je doute que ce soit excellent pour le moral des Français. Dans les réunions internationales, notamment européennes, que doivent penser nos partenaires ? Au moins, que vous n'avez pas de leçon à donner, monsieur le ministre !
Ce projet de budget que nous venons d'examiner est dans la même ligne d'aggravation des inégalités.
Vous avez complètement oublié, ou plutôt fait semblant d'oublier, que dans « TEPA », « P » et « A » voulaient dire « pouvoir d'achat », sous-entendu « pouvoir d'achat pour tous les Français », ce qui a ainsi créé une forte attente dans le pays.
Force est bien de constater que le candidat de l'augmentation du pouvoir d'achat n'est devenu que le président du paquet fiscal, parfaitement ciblé l'été dernier, pour être maintenant le président des heures supplémentaires et des RTT, mais sans moyen financier pour assumer son rôle.
En effet, les mesures annoncées dans l'urgence et dans le flou sont des injonctions aux entreprises. C'est quand même facile d'annoncer des mesures gouvernementales et de les faire appliquer par d'autres !
Des millions de Français ne sont pas concernés par la loi TEPA, des millions de Français ne sont pas concernés par les dernières décisions du Président de la République, non plus que par les mesures prévues dans ce projet de budget : les retraités, notamment les plus modestes ; le Gouvernement leur a promis 25 % d'augmentation en cinq ans...
M. Guy Fischer. Ils n'auront que 1,1 % !
M. Marc Massion.... mais, pour l'instant, ils n'en sont qu'à 1,1 %, et 800 000 d'entre eux paieront la moitié de la redevance audiovisuelle...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle honte ! Où va l'argent ?
M. Marc Massion.... alors que, jusqu'à présent, ils étaient exonérés de la totalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Le Gouvernement ne donne pas du pouvoir d'achat, il le diminue.
Un sénateur socialiste. Exactement !
M. Marc Massion. Il va effectuer des prélèvements sur les remboursements de frais médicaux : nouvelle diminution du pouvoir d'achat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas pour tout le monde ! Certains, en revanche, gagnent du pouvoir d'achat dans l'affaire !
M. Marc Massion. Ne sont pas concernés non plus par la loi TEPA, les chômeurs, bien évidemment, qui ne font pas d'heures supplémentaires, même pas d'heures du tout, pas plus, d'ailleurs, que les RMIstes, de plus en plus nombreux.
M. Dominique Braye. C'est faux !
M. Marc Massion. Ne sont pas concernés les salariés à temps partiel. Ainsi, aux caissières de grandes surfaces, qui ont des contrats de vingt-deux heures par semaine, quelle augmentation du pouvoir d'achat leur est offerte ?
Ne sont pas concernés les salariés qui n'auront pas la possibilité de faire ces fameuses heures supplémentaires, parce que, évidemment, la décision d'en faire ou non ne dépend pas d'eux.
Avez-vous imaginé, monsieur le ministre, le climat qui va se créer au sein de certaines entreprises ? Il y a déjà les CDI, les CDD, les intérimaires, maintenant, il y aura deux autres catégories de salariés en fonction de la possibilité de faire ou non des heures supplémentaires !
Ce n'est pas de la cohésion sociale, c'est de la dislocation sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Beaucoup vont se sentir exclu !
Lors d'un conflit social toujours en cours, vous n'avez cessé de parler d'équité entre les Français. (Mme Nicole Borvo s'esclaffe.)
Expliquez-nous ce que veut dire « équité » avec une telle politique de discrimination, qui va dresser les Français les uns contre les autres du fait de l'inégalité de leurs situations !
Allez sur les marchés, sans caméra, et écoutez les gens ! Ils vous diront qu'au fil des mois ils ont de plus en plus de mal à acheter les denrées alimentaires courantes. Ils voudraient pouvoir acheter ce qu'ils ne peuvent plus acheter, pour vivre au quotidien. Ce n'est quand même pas indécent ! Ce sont les plus modestes qui le disent et ce sont eux que vous ignorez. C'est d'autant moins indécent si l'on compare cela à une certaine auto-augmentation personnelle décidée au plus haut niveau de l'État !
Pour être vraiment concret, je prendrai un exemple tout simple et de bon sens : si le Gouvernement veut vraiment aider les pêcheurs, il faut qu'il encourage les consommateurs à acheter du poisson, ce que ces derniers peuvent de moins en moins faire et qu'ils pourront encore de moins en moins faire avec la nouvelle taxe.
Le Gouvernement est prisonnier de son idéologie : il oppose le pouvoir d'achat, c'est-à-dire la consommation, à la compétitivité des entreprises. Nous sommes, nous aussi, soucieux de la compétitivité des entreprises et ce n'est pas la remettre en cause que vouloir une autre répartition du pouvoir d'achat. Cela s'appelle la justice sociale, mais cela ne semble pas faire partie de votre vocabulaire, monsieur le ministre.
Puisque je parle de consommation, j'indique que les prévisions de recettes de la TVA pour 2007 sont inférieures aux prévisions de 2,4 milliards d'euros. C'est un signe, et ce n'est pas un bon signe.
Par le biais de ce projet de budget, vous portez un mauvais coup aux collectivités locales. (Oh oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Vous pouvez triturer les chiffres dans tous les sens et répartir la pénurie autrement, la seule réalité, c'est qu'il manque plus de 400 millions d'euros, ce que M. le rapporteur général appelle pudiquement « un certain pincement des ressources consacrées aux collectivités locales ». (Applaudissements sur les mêmes travées.)