M. Gérard Delfau. Poète ! (Sourires.)
M. Marc Massion. Vous avez remis en cause le contrat de croissance et de solidarité, alors même que les collectivités concourent puissamment à la croissance : plus de 72 % des investissements civils publics ont été réalisés par les collectivités territoriales en 2006.
Si elles ne sont plus en mesure de continuer leur politique de développement, c'est la récession assurée dans certaines branches professionnelles ! II n'est pas juste que nos collectivités ne bénéficient pas de la croissance alors qu'elles contribuent à son dynamisme.
Même si cette croissance est faible, trop faible, la réalité de la croissance en 2007 et les prévisions pour 2008 ne sont pas au rendez-vous du prétendu « choc confiance » annoncé cet été et dont les effets devaient se faire sentir rapidement.
Dans ce projet de budget, la rupture est là, dans votre politique à l'égard des collectivités territoriales, qui, elles, assument leurs engagements et même bien davantage. Ainsi, les régions se substituent à l'État défaillant pour boucler le financement des contrats de plan État-régions.
Le congrès de l'Association des maires de France a lancé plusieurs messages au Gouvernement, dénonçant ce « contrat de stabilité sans aucun lien avec la réalité des obligations financières des collectivités locales ».
Ce désengagement de l'État est d'autant plus injuste que, selon les déclarations de Mme le ministre devant le comité des finances locales, la dette des collectivités locales pèse 0,1 % du produit intérieur brut.
Par ailleurs, vous faites une impasse totale sur une péréquation juste et dynamique pour les collectivités les plus pauvres.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Marc Massion. Durant l'examen de ce projet de budget, mission après mission, nous avons exprimé notre opposition aux choix politiques du Gouvernement, et je n'en referai pas ici l'inventaire. Je rappellerai simplement, pour mémoire, que ce dernier ne répond pas aux urgences essentielles que sont le logement, l'éducation, la politique de la ville.
L'Association des maires ville et banlieue a ainsi lancé un véritable cri d'alarme au vu de la baisse de 12,7 % de l'ensemble du budget « Ville et logement ».
L'évolution du livret A qui est envisagée n'est pas pour nous rassurer s'agissant du logement, en particulier du logement social. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Son taux va augmenter !
M. Marc Massion. Le Gouvernement remet en cause le principe républicain de la progressivité de l'impôt et confirme son choix idéologique d'entamer un peu plus l'ISF, dont il souhaite chaque année, sans jamais mettre ce souhait à exécution, la suppression, sans jamais nous dire quelle autre recette pourrait s'y substituer. Il se félicite même de l'augmentation de son produit...
En décidant des mesures ciblées toujours pour les mêmes, les plus favorisés, il n'a plus aucune marge de manoeuvre.
Bien sûr, au cours du débat, nous nous sommes entendu dire que nous n'étions pas une gauche moderne...
M. Philippe Leroy. C'est clair !
M. Marc Massion.... mais pour vous, mesdames, messieurs de la majorité, une gauche moderne, c'est une gauche qui adhère à votre politique, comme le font quelques individualités qui sont membres du Gouvernement. Ne comptez pas sur nous pour souscrire à une telle démarche ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
D'ailleurs, « moderne », ça veut dire quoi ? Nous avons tous en mémoire un instituteur ou un professeur qui avait une formule fétiche. Moi, je me souviens d'un professeur de français qui nous interdisait l'emploi de deux mots : « formidable », parce que cela ne voulait rien dire, et « moderne », parce que ce qui est moderne aujourd'hui ne l'est plus demain.
M. Gérard Longuet. Vous lui avez été fidèles : vous n'êtes ni formidables, ni modernes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent professeur !
M. Marc Massion. Bien sûr, il faut adapter les solutions à l'évolution d'un monde qui bouge, mais, en ce qui nous concerne, c'est en restant bien campés sur nos valeurs de solidarité, d'égalité des chances, de laïcité et de justice sociale que nous avançons nos propositions.
M. Dominique Braye. Propositions que les Français refusent !
M. Marc Massion. Il y a peut-être plus grave que ce mauvais budget, que nous ne voterons évidemment pas,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle déception ! (Sourires.)
M. Marc Massion.... c'est que le pire est sans doute à venir. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget pour 2008, sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer, se situe dans un contexte marqué par des incertitudes qui pourraient retentir sur son exécution.
La première est due à la hausse très sensible des matières premières et énergétiques qui s'est manifestée depuis 2007. Les prix à la production des céréales ont quasiment doublé en un an. Selon M. le rapporteur général, un écart de 10 dollars du prix du baril de brent aurait un impact sur le PIB de la France et de la zone euro de 0,5 point de croissance environ.
La deuxième trouve sa source dans l'évolution de l'euro par rapport aux autres monnaies. Un écart de 10 % du taux de change de l'euro coûterait un peu moins d'un point de PIB mais accentuerait le déficit de notre commerce extérieur, qui atteint déjà 29 milliards d'euros, ainsi que les risques de délocalisation de nos entreprises.
Le troisième facteur d'incertitude résulte de la crise des prix hypothécaires aux États-Unis, qui peut entraîner un abaissement du taux de croissance d'un point pour ce pays, ce qui entraînerait un fléchissement corrélatif de la croissance en Europe, donc en France, mais aussi une hausse des taux d'intérêt à court et long terme qui freinerait notre développement.
Nous nous heurtons également à trois réalités aussi indiscutables que pénalisantes.
Nous consacrons, dans notre budget, des sommes aussi importantes pour compenser l'effet des 35 heures que pour encourager le travail. Quand on appuie à la fois sur l'accélérateur et le frein, on risque le tête-à-queue. Il faut donc mettre un terme définitif au carcan des 35 heures. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Gautier. Pourquoi ne le faites-vous pas ?
M. Josselin de Rohan. La deuxième réalité est que le service de la dette, deuxième budget civil de l'État, absorbe la totalité du montant de l'impôt sur le revenu. Une très large partie de cette dette sert à financer les dépenses de fonctionnement de l'État. C'est pourquoi réduire la dépense publique est un impératif absolu.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Réduire les recettes publiques payées par les riches, c'est absurde !
M. Josselin de Rohan. La dernière réalité est une conséquence des deux premières : depuis sept ans, la production industrielle a crû de 9 %, les importations de 66 %, la consommation de biens manufacturés de 23 %, et notre compétitivité a régressé, puisque la France se situe au dix-huitième rang des nations occidentales. Il faut travailler davantage et mieux. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
La ligne tracée par le Président de la République et par le Gouvernement est claire : privilégier le travail et l'effort, et tourner le dos à l'extension sans fin de la dépense publique. Si nous voulons, d'ici à 2012, ramener la dette publique à moins de 60 % du PIB et le solde public à l'équilibre, il nous faut, selon M. le rapporteur général, trouver 85 milliards d'euros d'économies. Le chemin de la vertu imposera de durs sacrifices.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La vertu pour qui ? Pour les pauvres ?
M. Josselin de Rohan. Le projet de budget pour 2008 est à la fois responsable et porteur d'avenir. Il repose sur des hypothèses de croissance et de recettes prudentes.
Le Gouvernement limite l'évolution globale des dépenses de l'État au niveau de l'inflation et stabilise le déficit budgétaire à 41,7 milliards d'euros, légèrement au-dessous de la prévision initiale pour 2007, soit 42 milliards d'euros. La réserve de précaution de plus de 7 milliards d'euros qu'il a décidé de constituer au début de l'année 2008 doit lui permettre de tenir ses engagements.
Le budget 2008 traduit un effort de réduction des effectifs de l'État très supérieur aux exercices précédents : 22 900 départs ne seront pas remplacés, soit un sur trois. Une telle baisse ne permet toutefois pas d'obtenir une diminution de la masse salariale, car les économies sont plus que compensées par l'augmentation des pensions. Comme le démontre M. le rapporteur général, sur 5,5 milliards d'euros d'augmentation naturelle des crédits à périmètre constant, 2 milliards d'euros sont déjà préemptés par le service des pensions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Avec ce budget, le Gouvernement fait un choix clair et porteur d'avenir, en donnant la priorité aux mesures valorisant le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, l'innovation et la recherche.
Les baisses d'impôt inscrites dans le budget, qui atteignent 7,5 milliards d'euros, permettent la mise en oeuvre des dispositions de la loi TEPA : 57 % des crédits engagés par l'État en 2008 au titre de cette loi ont trait à l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Il s'agit donc bien de mesures favorisant l'emploi, donc les salariés ; aussi est-il abusif et faux de les qualifier de cadeaux aux riches ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On verra le résultat ! Vous pouvez toujours applaudir ! Qui fait des heures supplémentaires ?
M. Josselin de Rohan. Il en est de même pour les mesures relatives aux intérêts d'emprunt et aux droits de mutation, qui favorisent l'accession à la propriété des classes moyennes, lesquelles sont pénalisées par l'envolée des prix de l'immobilier et la remontée des taux d'intérêt ou par des droits de succession qui découragent la transmission à leurs ayants droit de patrimoines peu considérables.
À terme, ce dispositif doit permettre une élévation du pouvoir d'achat des bénéficiaires. Il sera d'ailleurs sans doute complété et étendu par les nouvelles mesures, annoncées par le Président de la République, visant à indexer les loyers sur l'inflation,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'inflation est plus importante que la hausse de la construction !
M. Josselin de Rohan.... à supprimer les cautions et à ramener à un mois le dépôt de garantie, ainsi que par les mesures donnant la possibilité de racheter des jours de RTT et de « monétariser » le compte épargne-temps.
Mes chers collègues, nous sommes loin des propositions démagogiques prônées par M. Hollande et ses amis ! Ces derniers ont puisé dans leur brocante les vieux rossignols qui ont depuis longtemps fait la preuve de leur inefficacité ou de leur impuissance ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rossignols de la lutte des classes !
M. Josselin de Rohan. Voici ce qu'ils proposent : le blocage des loyers, qui provoque des crises durables dans le secteur de l'immobilier ; le doublement de la prime pour l'emploi, qui, comme le souligne justement le président de la commission des finances, Jean Arthuis, crée surtout des emplois en Chine ; la TIPP flottante, qui coûte des sommes très élevées au Trésor public, sans véritable impact sur les prix à la pompe.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les accords que votre gouvernement signe avec la Chine qui créent de l'emploi en Chine !
M. Josselin de Rohan. Madame Borvo Cohen-Seat, calmez-vous un peu, je vous prie ! Votre problème, c'est de gérer vos 1 % de suffrages à l'élection présidentielle !
M. Ivan Renar. 1,93 % !
M. Josselin de Rohan. En tout état de cause, le parti communiste souffre d'avoir un peu trop de « Buffet » et pas assez de coffre ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Manque total d'humour !
M. Josselin de Rohan. Mesdames, messieurs de l'opposition, sur tous ces points, il faudrait trouver des solutions plus originales. Mais il en est de la rénovation du parti socialiste comme du monstre du loch Ness, on en parle beaucoup, certains croient l'avoir entrevu, mais personne ne l'a approché ! (Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela manque de relief !
M. Dominique Braye. Mais souriez donc !
M. Guy Fischer. On n'a pas envie de sourire !
M. Josselin de Rohan. Autre mesure d'avenir, l'effort sans précédent consenti pour l'enseignement supérieur et la recherche, dont les moyens augmenteront de 1,8 milliard d'euros afin d'accompagner la réforme des universités adoptée cet été.
Trois dispositions favoriseront l'innovation : la simplification et le renforcement du crédit d'impôt recherche, pour soutenir les efforts de recherche et développement engagés par les entreprises ; l'allégement de la fiscalité des brevets ; la création du statut de la jeune entreprise universitaire, qui accorde aux étudiants ou aux chercheurs créant leurs entreprises les mêmes avantages fiscaux et sociaux que ceux qui sont applicables aux jeunes entreprises innovantes.
L'investissement sera globalement encouragé, l'épargne sera davantage orientée vers les entreprises, grâce à la réforme de la fiscalité des dividendes, et les investissements risqués ne seront plus pénalisés.
Cette priorité donnée à la recherche, à l'innovation et à l'investissement traduit notre volonté de renforcer la compétitivité de nos entreprises et s'inscrit dans une démarche favorisant une croissance forte et durable au service de tous. L'innovation est source de productivité et de croissance potentielle ; dans l'économie de la connaissance, progrès technique est synonyme de progrès économique et social.
Le budget 2008 doit ouvrir la voie à des réformes indispensables à une meilleure administration de l'État et des collectivités locales.
Les débats au sein de la Haute Assemblée ont souligné la nécessité d'engager une réflexion globale sur les dépenses publiques et l'architecture des prélèvements. Grâce à l'excellent travail de nos rapporteurs spéciaux ou pour avis, l'existence d'importants gisements de productivité a été mise en lumière, comme la persistance de certains conservatismes au sein de nos administrations.
L'esprit de la LOLF n'est pas accepté par tous ; la culture de la performance et du résultat a parfois du mal à s'imposer.
Notre système de prélèvements obligatoires est caractérisé par l'existence de 650 niches fiscales, dont la pertinence comme l'utilité sont contestables et méritent d'être réexaminées.
Des réformes structurelles profondes sont aujourd'hui indispensables pour réduire les déficits publics et permettre à notre pays de faire face au double défi de la mondialisation et du vieillissement.
La révision générale des politiques publiques, lancée par le Gouvernement, s'inscrit dans cette perspective. Nous soutenons cette démarche globale et novatrice, qui consiste à dépasser la logique des moyens pour s'interroger sur la finalité des politiques publiques.
Nous apportons également notre soutien à la revue générale des prélèvements obligatoires. Conduite par Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et par M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, elle doit permettre d'identifier les faiblesses du système actuel et de moderniser son architecture, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.
Nos débats ont enfin mis en évidence les limites d'un système de financement des collectivités locales arrivé à bout de souffle. Ce système est le reflet du degré extrême de confusion atteint par notre administration territoriale. Jamais, depuis l'Ancien Régime, on n'a connu un tel empilement de structures, un tel enchevêtrement de compétences, une telle complexité des financements et une telle multiplication des normes. L'opinion en est tout à fait consciente et son apparente résignation laissera certainement, un jour, place au mécontentement.
Malgré le cadre contraint du nouveau contrat de stabilité, le Parlement a préservé la dotation globale de fonctionnement, qui continuera d'évoluer au rythme de l'inflation augmenté de la moitié du taux de croissance prévisionnel, soit 2,08 % en 2008.
Grâce à l'ingéniosité et aux capacités de persuasion du rapporteur général et du président de la commission des finances,...
M. Alain Gournac. Ils sont excellents !
M. Josselin de Rohan.... le Sénat est parvenu à limiter la baisse des dotations de compensation, en particulier pour les départements les plus défavorisés.
La complexité du dispositif révèle toutefois les limites d'un système qui fonctionne en circuit fermé. Les collectivités territoriales sont aujourd'hui soumises à des contraintes croissantes en matière de recettes, sans pouvoir disposer d'une réelle maîtrise de leurs dépenses. Il est temps que l'État cesse de leur dire : je commande et vous payez ; je serai généreux et vous en ferez les frais.
L'exercice « acrobatique » de cette année se reproduira l'an prochain si nous n'entreprenons pas une réforme en profondeur de notre système de financement des collectivités locales et si nous ne clarifions pas leurs relations avec l'État.
À cet égard, nous attendons beaucoup des suites qui seront données aux recommandations de notre collègue Alain Lambert, qui a souligné la nécessité de clarifier les compétences respectives de l'État et des différents échelons des collectivités territoriales, de refonder leurs relations financières et d'alléger les contraintes normatives. En appelant de nos voeux cette refondation et la simplification de notre administration territoriale, nous serons très attentifs aux travaux de la Conférence nationale des exécutifs, mise en place par le Gouvernement.
Le chemin de la croissance passe par les réformes.
Ces réformes, de très grande envergure et de très grande portée, que le Président de la République a voulues, sont la condition du redressement de nos finances publiques, du développement de notre économie et du progrès social.
Nous nous devons de les mener à bien sans hésitation ni faiblesse, non seulement pour moderniser notre pays, mais aussi pour renforcer notre crédibilité en Europe et dans le monde.
Le Gouvernement peut compter sur notre soutien total pour réaliser cette grande entreprise et atteindre cet objectif. C'est aussi pour cette raison que nous voterons ce budget sans réticence et avec confiance ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici au terme de la discussion du projet de loi de finances pour 2008 ou, plutôt, au terme des travaux dont nous allons confier le résultat à la commission mixte paritaire, même si, à l'évidence, l'essentiel des dispositions initiales n'ont pas été mises en question par les discussions parlementaires.
Oui, le Gouvernement sait encore en partie obtenir l'appui de sa majorité ; en cela, les choses n'ont guère varié...
Pour autant, ce texte marque un certain nombre d'évolutions sensibles quant à la situation des comptes publics et des engagements de l'État. Il incarne, d'ores et déjà, sous bien des aspects, la rupture, cette rupture promise par le nouveau Président de la République dans ce qu'elle a de plus injuste et de plus insupportable.
Écrit dans le droit-fil de la loi prétendument en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, ce texte consacre, de nouveau, l'inscription de pertes de recettes fiscales significatives. Et cela ne concerne pas n'importe quels impôts !
Encore une fois, la baisse des impôts touche l'impôt de solidarité sur la fortune, touche les plus-values de cession d'actifs financiers, affecte la taxation des dividendes, tandis que l'« imagination » de la majorité est venue supprimer l'impôt de bourse et alléger la fiscalité des sociétés spécialisées dans la spéculation immobilière.
En revanche, la baisse de la TVA, comme nous l'avons proposé pour redonner du pouvoir d'achat, ne fait pas partie de vos objectifs, mes chers collègues !
Ces pertes de recettes publiques, estimées à 20 milliards d'euros avec les cadeaux fiscaux éhontés de la loi TEPA, sont autant de ressources en moins pour financer les priorités de l'action publique, qu'il s'agisse de l'éducation, de la formation, de l'insertion sociale, du logement ou encore de la santé.
D'ailleurs, la lecture des crédits budgétaires est instructive : on taille dans les dépenses de personnel, on s'attaque à la politique de la ville, on rationne les crédits destinés au droit au logement, on compresse sans arrêt les dépenses sociales, on accroît la participation des citoyens !
M. Bruno Sido. Assez, monsieur 1 % !
M. Thierry Foucaud. En outre, on offre sur un plateau d'argent le budget de l'État au bénéfice exclusif non seulement des grands groupes - il n'est qu'à voir, par exemple, le débat sur le crédit d'impôt recherche -, mais aussi des familles les plus aisées, c'est-à-dire tous ceux qui n'ont pas besoin de l'argent public pour faire face aux exigences du quotidien.
Ce projet de loi de finances est donc quasi exclusivement, de manière presque caricaturale, au service du pouvoir d'achat des grandes entreprises et des ménages les plus riches.
Ce projet de loi de finances divise, il ajoute « de la droite à la droite » !
J'en veux pour seule preuve la révision du barème de l'impôt sur le revenu. Prévue à l'article 2, elle produit 5 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires pour le compte de l'État, qui seront essentiellement payées par les salariés - pour 3 milliards d'euros - et par les retraités - pour 1 milliard d'euros -, ce qui réduit à néant le peu de bénéfice que les premiers pourraient tirer des heures supplémentaires défiscalisées, cette usine à gaz que votre gouvernement, monsieur le ministre, a fabriquée par le biais de la loi TEPA !
Pour faire bonne mesure, dans ce budget 2008, le Gouvernement esquisse, comme nous avons pu le dire tout au long de l'examen tant de la première partie que des crédits des missions budgétaires, les grandes lignes des réformes profondément réactionnaires qu'il entend mettre en oeuvre, et ce en usant et en abusant du mandat arraché au peuple français au printemps dernier ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Cela vous va bien, monsieur 1 % !
M. Thierry Foucaud. Oui, mes chers collègues, je persiste et signe, ce mandat a, au printemps dernier, été arraché au peuple français grâce à une série de mensonges, qui s'est d'ailleurs poursuivie au cours de la discussion de ce projet de loi de finances pour 2008 !
M. Dominique Braye. Un peu de tenue, monsieur 1 % !
M. Guy Fischer. Braye, silence !
M. Thierry Foucaud. Nous n'avons peut-être recueilli que 1,93 % des suffrages à l'élection présidentielle, mais vous, vous feriez mieux de vous intéresser à l'état dans lequel se trouve le capitalisme au niveau mondial : il est en crise et en déclin ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Et le communisme au niveau mondial ?
M. Thierry Foucaud. Voyez la misère, les maladies, la faim, les guerres...
Revenons à l'action du Gouvernement : le premier étage des réformes mises en oeuvre se caractérise par une politique qui porte atteinte à l'intervention des collectivités locales.
Le pacte de stabilité, imposé en « vente forcée » par l'adoption de l'article 12, corsète un peu plus l'action des élus locaux, plaçant les concours de l'État dans les limites imposées par le pacte de stabilité européen. Par ce dispositif, l'État fait payer une partie de son déficit aux élus locaux et, naturellement, par voie de conséquence, aux populations.
Mme Nicole Bricq et M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Thierry Foucaud. Au bout du compte, c'est de près d'un milliard d'euros de ressources que les collectivités locales seront privées.
Cela, il faudra le dire, « en bas » ! Parce que, quand vous discutez avec les gens, vous leur dites que vous êtes d'accord avec eux. Mais, ici, vous votez le contraire de ce qu'ils vous demandent ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas du tout ! Nous leur disons la vérité !
M. Dominique Braye. Et les communistes ? Ils défendent les grévistes, défilent dans les rues et votent le budget de l'armement !
M. Thierry Foucaud. Ce que je dis est vrai ! On l'a encore vu hier soir, à propos de l'école privée : des présidents d'associations départementales de maires ont dit chez eux que, si les dispositions prévoyant le financement de l'école privée par les collectivités territoriales étaient votées, ils refuseraient de payer, mais, ici, vous votez ces dispositions ! (M. Dominique Braye s'exclame.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est formidable, ce Braye !
M. Thierry Foucaud. À quelques mois des municipales, une telle orientation est scandaleuse. Dès la promulgation de ce budget, les élus locaux se trouveront plus démunis encore pour faire face aux besoins sociaux et aux problèmes croissants de leur population. Je pense notamment aux élus des villes de banlieue, privés du quart de la hausse de la dotation de solidarité urbaine prévue, ou encore de plus de 150 millions d'euros au titre de la politique de la ville !
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Thierry Foucaud. À quand la définition d'une véritable politique de la ville, peut-on se demander, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les gesticulations de M. Borloo !
M. Thierry Foucaud. ... lorsque l'on entend les discours que vous tenez sur le terrain, mais qu'on vous voit, en réalité, vous éloigner toujours plus du peuple des villes de banlieue et des villes laborieuses ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Il est mal engagé, le plan Marshall pour les banlieues de Mmes Boutin et Amara ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Avec ce projet de budget, vous faites totalement fi des attentes mêmes des populations. Il suffit de regarder la longue série des économies décrites dans la seconde partie du texte pour s'en rendre compte : entre les missions « Ville et logement », « Immigration, asile et intégration », « Travail et emploi » et « Santé », 2 milliards d'euros de crédits, a priori destinés à répondre aux besoins collectifs les plus urgents, sont annulés !
On rogne sur l'aide personnalisée au logement. On s'attaque à l'aide médicale de l'État. On « tape » dans les crédits de l'insertion par l'emploi. On taille à coups de sabre les crédits de la culture. Tout fait ventre, tout est bon pour réduire encore et toujours la dépense publique !
M. Bernard Vera. Très bien !
M. Thierry Foucaud. Or, affaiblir la dépense publique, c'est affaiblir l'État ! Ce n'est pas ainsi que l'on redressera la situation de la France ! (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Plus on aura de déficit et plus on sera fort, bien sûr !
M. Dominique Braye. Ne l'embêtez pas, il y croit !
M. Thierry Foucaud. Oui, je crois à ce que je dis, contrairement à vous ! Et nous, nous faisons ce que nous disons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors que vous, à droite, entre ce que vous dites et ce que vous faites, il y a un boulevard, un fossé !
M. Thierry Foucaud. Ne nous y trompons pas ! Pour faire bonne mesure, il est des budgets et des ressources mobilisés bien plus que d'autres. Nous en avons identifié au moins trois : le budget de la dette, qui progresse de 1,6 milliard d'euros, pour le grand bonheur des spéculateurs financiers, ...
Un sénateur de l'UMP. N'importe quoi !
M. Thierry Foucaud. ... celui des dégrèvements et remboursements, qui progresse de plus de 6,5 milliards d'euros, consacrés surtout à réduire l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle, sans aucune garantie de création d'emplois au final.
M. de Rohan a tenu son discours habituel, celui qu'il tient depuis cinq ans, sur la nécessité de libérer l'initiative.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Résultat assuré !
M. Thierry Foucaud. Or, depuis cinq ans, le CAC 40 a progressé de près de 90 %, tandis que les salaires, et donc le pouvoir d'achat, n'augmentaient que de 6,6 %. Cherchez l'erreur !
M. Bruno Sido. Nous, on ne s'occupe pas du CAC 40 !
M. Josselin de Rohan. Vous, vous n'avez même pas augmenté le SMIC !
M. Thierry Foucaud. À l'époque, monsieur de Rohan, la croissance était de 2,2 %. Cette année, elle n'est même pas de 2 % !
M. Dominique Braye. Le SMIC, c'est nous qui l'avons augmenté ! Vous, vous n'avez rien fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de brailler ! Vous n'avez rien augmenté !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Braye ! Poursuivez, monsieur Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Quant aux allégements de cotisations sociales des entreprises, ils sont en hausse de 3 milliards d'euros, pour le plus grand plaisir des fanatiques de la précarité et des bas salaires !
Et le plus terrible, c'est que, malgré tout cela, le Premier ministre vient de nous faire part de son pessimisme, dans un entretien accordé hier à un quotidien économique. On est loin du discours de M. de Rohan !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les différences sont légitimes !
M. Thierry Foucaud. Malgré les cadeaux dispendieux accordés aux grands groupes, aux grandes fortunes et aux ménages aisés, la croissance ne serait donc pas au rendez vous, car elle se limiterait, pour 2007, à 1,9 %.
Je me souviens pourtant des discours tenus ici à la fin de 2006 : on envisageait alors une croissance de plus de 2 %...
Les perspectives pour 2008 ne sont pas des plus encourageantes. Où est donc passé le choc de croissance annoncé pour cette année, et qui devait faire suite à l'adoption de la loi TEPA ?
Le faible niveau de consommation - 100 millions d'euros - du dispositif « heures supplémentaires » montre que l'activité n'est pas vraiment relancée.
J'en veux également pour preuve le faible nombre d'emplois créés - et dans quels secteurs d'activité ! - depuis le début de l'année. Cela signifie que les gains de productivité ne se retrouvent pas, pour le moment, traduits en emplois nouveaux.
Vous annoncez au monde du travail de nouvelles réformes réactionnaires (Rires sur les travées de l'UMP) : flexibilité accrue, allongement des durées de cotisation aux régimes de retraite, travail du dimanche,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la messe ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Thierry Foucaud. ... remise en cause de l'avancée sociale des 35 heures, précarisation renforcée des contrats de travail... Autant de mesures qui vont concourir à creuser encore plus les inégalités sociales et à augmenter le nombre de besoins non satisfaits par l'action publique !
Il n'y a rien de pire, pour un pays comme le nôtre, qu'un État incapable de répondre aux attentes de la population !
Nous sommes la cinquième puissance économique mondiale. Nous avons largement les moyens de satisfaire les besoins sociaux sans brader le patrimoine de la nation, comme vous le faites en cédant les parts de l'État dans EDF, prétendument pour financer les universités !
Plus que jamais, d'autres choix sont possibles, qui allient efficacité économique, équité et justice fiscales, réponse aux attentes collectives. Nous les avons formulés au cours de ce débat, au travers de nos interventions. Nous avons, ainsi, proposé la taxation des « super-profits » des compagnies pétrolières, la mise en question des avantages fiscaux de la spéculation immobilière et financière, la baisse de la taxe sur la valeur ajoutée ou encore le renforcement de l'impôt sur le revenu.
Cela ne fait aucun doute : ce budget, contraint par les choix libéraux que vous impose Bruxelles et que vous demande, pour une part, d'adopter le MEDEF, n'aura que la durée de vie limitée d'un budget d'affichage.
On sait déjà qu'une bonne part des mesures votées par la représentation nationale ne sera pas appliquée puisque, le 1er janvier 2008, vous commencerez par mettre de côté la « réserve de précaution », que vous ferez disparaître en fin d'année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est fait pour ça !
M. Thierry Foucaud. Comme le disait Marc Massion, et comme l'attestent vos discours et vos actes, le pire est devant nous. Déjà se profile l'ombre portée de l'austérité pour le plus grand nombre !
Nous ne voterons donc pas ce projet de loi de finances pour 2008. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, premier budget de la nouvelle législature, le projet de loi de finances pour 2008 est sans réelle surprise quant à ses objectifs et son contenu.
Tout d'abord, il contient peu de mesures fiscales nouvelles puisque la plupart des engagements du Gouvernement ont été pris dans le cadre de la loi dite TEPA, votée l'été dernier.
Ensuite, comme ce fut déjà le cas à deux reprises, en 2003 et 2005, ce projet de budget perpétue des pratiques budgétaires qui en entament sérieusement la crédibilité. En effet, il est fondé sur des prévisions de croissance trop optimistes. Vous misez sur un taux de 2,25 %, tandis que la plupart des conjoncturistes s'accordent plutôt sur le chiffre de 2% en 2008. D'ailleurs, pour 2007, le Premier ministre a annoncé, le week-end dernier, seulement 1,9 % de croissance pour la France, c'est-à-dire moins que les prévisions initiales pour l'année en cours.
Vous appuyez votre politique budgétaire sur le haut de la fourchette prévisionnelle, alors que la flambée des cours du pétrole et les suites de la crise américaine des subprimes laissent entrevoir une décélération de la croissance au sein de la zone euro. Vous prenez donc le risque de moins-values fiscales et d'un dérapage du déficit en exécution.
Comment, dans ces conditions, allez-vous tenir l'objectif de maîtrise des dépenses publiques ?
On sait déjà que le déficit de 2007 pourrait être supérieur à celui de 2006. Il s'est creusé jusqu'à atteindre 43,35 milliards d'euros au 31 octobre dernier, contre 41,62 milliards, en 2006, à la même époque. Va-t-on recourir, une fois encore, à des recettes exceptionnelles pour donner l'illusion d'un contrôle du déficit budgétaire ?
Certes, je vous l'accorde, le budget est fortement contraint. Nos engagements communautaires nous obligent. Le pacte de stabilité et de croissance, en particulier, nous impose une gestion saine des comptes de la nation.
Au regard de cette nécessité, était-il bien utile de priver l'État de 15 milliards d'euros ? Je remarque, là encore, que les choix de la majorité sont constants : ils consistent toujours, depuis cinq ans, à soulager les impôts des plus favorisés. Du bouclier fiscal aux petits arrangements de l'ISF, en passant par la suppression de l'impôt de bourse, on voit bien à quelle catégorie de Français s'adresse la politique gouvernementale.