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Défense (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles et une candidature pour la commission des affaires sociales.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- Mme Catherine Dumas membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Philippe Goujon, élu député ;

- M. Louis Pinton membre de la commission des affaires sociales à la place laissée vacante par Daniel Bernardet, décédé.

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loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Défense (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Défense

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Défense (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Nous reprenons l'examen des crédits de la mission « Défense ».

Mes chers collègues, ayant entendu avant la suspension les deux rapporteurs spéciaux de cette mission ainsi que les différents rapporteurs pour avis de la commission de la des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous allons maintenant entendre les orateurs.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinquante minutes pour intervenir.

La parole est à M. Michel Guerry.

M. Michel Guerry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient aujourd'hui d'examiner et de voter les crédits de la mission « Défense », c'est-à-dire les crédits indispensables à la poursuite des missions de nos armées.

Il y va de la capacité de la France à remplir les missions qui lui échoient en tant que grande puissance mondiale, membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU, membre de l'Alliance atlantique et élément pivot de la défense européenne.

Toutefois, nous ne devons pas ignorer les interrogations portant actuellement sur les perspectives de notre politique de défense, notamment sur la possibilité de concilier nos ambitions en termes d'autonomie stratégique et de capacité d'action sur la scène internationale, tout en prenant en compte la contrainte financière pesant sur la modernisation de notre outil militaire.

La commission chargée de l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui poursuit actuellement ses travaux, devra parvenir à un tel équilibre, difficile à trouver, mais qui s'avère vital pour l'avenir de nos armées dans les prochaines années.

Pour la sixième année consécutive, ce projet de loi de finances respecte la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, ce qui met définitivement un terme aux renoncements successifs dont les précédentes programmations avaient fait l'objet.

Le budget de la mission « Défense » s'élèvera en 2008 à 35,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 36,8 milliards d'euros en crédits de paiement. Les crédits progressent ainsi de manière modérée, tout en permettant de préserver l'outil de défense.

Le ministère participe toutefois à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, grâce au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Sur les 320 000 agents qu'il compte actuellement, 6 000 postes, dont 4 800 militaires et 1 200 civils, seront donc supprimés.

Nous souhaitons que ces réductions ne touchent pas aux forces vives de l'armée et qu'elles portent plutôt sur les fonctions de soutien administratif et technique.

Mme Michelle Demessine. Merci pour eux !

M. Michel Guerry. Le budget militaire de la France, hors pensions, est le cinquième du monde, loin derrière ceux des États-Unis et de la Chine, mais également derrière ceux de la Russie et du Royaume-Uni, à égalité avec le Japon.

L'effort de défense n'est pas seulement le garant de l'indépendance nationale et de la sécurité de nos compatriotes à l'étranger, c'est aussi un moteur de l'économie. Les masses financières qui y sont investies sont trop souvent considérées comme perdues, alors qu'une grande partie d'entre elles reviennent aux industries nationales, soit directement, soit par le biais de partenariats.

Ainsi, le chiffre d'affaires de l'industrie aéronautique et spatiale française s'est élevé, en 2006, à 32 milliards d'euros, dont 73 % à l'exportation, avec 48 milliards d'euros de prises de commandes au cours de l'année. Le carnet de commandes des entreprises du secteur représente plus de cinq années d'activités, le plus important d'entre eux étant celui d'EADS.

L'industrie aéronautique emploie 131 000 personnes en France, avec un flux de 10 000 recrutements par an, ce à quoi il faut ajouter 80 000 personnes employées par 4 000 sous-traitants. En 2006, le solde commercial de ce secteur a été de 12,4 milliards d'euros, ce qui, au passage, représente à peu près le coût des 35 heures.

Les crédits du programme « Équipement des forces » s'élèveront à 9,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 10,4 milliards d'euros en crédits de paiement.

Tous les grands programmes d'équipement seront ainsi menés conformément aux objectifs de la loi de programmation : les Rafale et les Tigre prévus seront disponibles à la fin de l'année 2008, ainsi qu'une frégate de type Horizon.

Les principales commandes porteront sur le Rafale, les véhicules blindés de combat d'infanterie, ou VBCI, et les hélicoptères NH90 pour l'armée de terre. Parmi les commandes passées, la première tranche conditionnelle du sous-marin nucléaire d'attaque de type Barracuda est la plus importante. Je tiens à le souligner, il est indispensable de commander les hélicoptères NH90 en 2008, afin de développer les aptitudes d'aéromobilité de l'armée de terre, lesquelles s'avèrent essentielles dans le cadre des OPEX.

Monsieur le ministre, notre principale préoccupation touche le programme de l'avion de transport A400M et les silences répétés d'EADS sur les retards constatés.

Aujourd'hui, on nous annonce des délais supplémentaires pour livrer le premier appareil, ainsi que des surcoûts importants. Est-il vraiment certain qu'il n'y aura pas de nouveaux dérapages ?

Pour notre part, nous restons très inquiets et nous vous demandons, monsieur le ministre, d'être extrêmement ferme à l'égard de l'industriel.

Mon observation suivante portera sur le lancement éventuel du programme de second porte-avions.

S'il appartient aux plus hautes autorités de l'État de procéder aux décisions majeures concernant ce programme, il est souhaitable que le Parlement puisse être associé à la réflexion du Gouvernement.

En ce qui concerne la dissuasion nucléaire, nous sommes très attachés à sa plénitude et à sa crédibilité.

Cette crédibilité suppose d'abord un système d'armes lui-même crédible - armes nucléaires fiables, missiles, SNLE, avions bombardiers, système de transmission et de renseignement sûrs, forces classiques d'accompagnement - et un processus d'engagement réactif, qui exclut que la décision soit soumise à plusieurs autorités politiques.

Cette crédibilité ne joue pas pour les seules forces affectées à la dissuasion. Il est important de rappeler que toutes les composantes des armées bénéficient de facto de tout ce qui a été consenti au développement de notre force de frappe et à son maintien à niveau, que ce soient en termes technologiques et industriels ou sur le plan opérationnel.

Si l'arme nucléaire n'est pas, plus qu'une autre, « la » réponse à toutes les menaces et à tous les risques, elle reste néanmoins, directement ou indirectement, un facteur essentiel de stabilité. Elle est une arme politique.

Là aussi, notre effort doit continuer et il ne peut pas y avoir de demi-mesure ou de mutualisation de la dissuasion. Eu égard à la prolifération actuelle au niveau mondial, préserver la crédibilité de notre dissuasion nucléaire est un impératif.

Les crédits destinés à la dissuasion nucléaire représentent 18,4 % du programme. C'est beaucoup, et cela traduit la volonté constante de la France de disposer d'un arsenal autonome de dissuasion nucléaire. Nous nous en félicitons, tout en réaffirmant la nécessité de poursuivre l'effort nucléaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi maintenant de rendre hommage aux forces qui servent notre pays sur des théâtres extérieurs.

La multiplication des opérations extérieures au cours de ces dernières années a soulevé la question de leur financement. À la demande insistante du Parlement, le Gouvernement a décidé d'inscrire, dès la loi de finances initiale, une somme correspondant aux prévisions de dépenses relatives aux OPEX.

Cette somme fut d'abord symbolique, mais son augmentation a permis un certain rapprochement avec la réalité. Pour l'année 2008, il est prévu d'inscrire 375 millions d'euros à ce titre, soit un montant identique à celui de l'année précédente. La facture devrait toutefois dépasser 600 millions d'euros. Il faudra donc continuer nos efforts de budgétisation dans ce domaine.

Par ailleurs, je voudrais dire un mot sur l'Europe de la défense.

Un certain nombre de programmes menés en collaboration avec des alliés européens - Britanniques, Allemands, Italiens ou Espagnols - sont en cours de développement, voire arrivent à terme. Ils ont tous connu des difficultés de mise en oeuvre, en raison notamment des divergences stratégiques et tactiques entre les différentes armées concernées.

Aujourd'hui, nous sommes arrivés à un point crucial, où les futures collaborations vont toucher des fonctions éminemment stratégiques.

Je pense principalement à l'espace, qui constitue un sujet de très grande préoccupation, car les perspectives d'avenir ne sont pas des plus claires.

Avec la rédaction du Livre blanc et de la future loi de programmation militaire, 2008 sera l'année de choix décisifs quant à la place accordée à l'espace. À l'évidence, un effort dans le secteur spatial est nécessaire dans le cadre de notre autonomie de renseignement et de commandement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer à ce sujet sur vos intentions ?

Sur la relance de l'Europe de la défense, nos partenaires ne seront entraînés que dans la mesure où la France continuera à faire un effort significatif, notamment sur le plan budgétaire. Ils ne voudront peut-être pas tous se rallier à une « Europe puissance », mais ils ne comprendraient pas que la France ne soit pas au premier rang. En d'autres termes, il faut donner envie à nos partenaires de consacrer les moyens nécessaires à la défense européenne.

En outre, la question de notre relation avec l'OTAN constitue, à nos yeux, un axe de réflexion absolument majeur, dans la mesure où cette organisation est, aujourd'hui, un cadre essentiel de la politique de défense de notre pays.

Un quart des militaires français engagés en opérations extérieures le sont au titre de l'OTAN, et la France prend une part active aux réformes militaires en cours au sein de l'organisation.

Il importe donc, pour la France, de définir clairement ce qu'elle attend de l'Alliance atlantique, de proposer une articulation cohérente et crédible entre celle-ci et l'Europe de la défense, et de se donner les moyens de promouvoir ses idées dans une organisation où son rôle politique ne semble pas à la hauteur de sa contribution militaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai une ultime remarque : plusieurs exercices en cours auront une incidence sur les équipements de nos armées dans les années à venir.

Le Livre blanc et la revue des programmes redessineront le cadre décisionnel, le suivi et la nature des prochains programmes d'équipements militaires.

Les places et responsabilités respectives du chef d'état-major des armées, des différents états-majors d'armée et de la DGA devront être précisées.

De même, le suivi et le contrôle des industriels devront être resserrés.

Le Parlement ne doit pas être absent de ces réformes. Certes, des parlementaires sont associés aux travaux et à la rédaction du Livre blanc, et il faut s'en féliciter. Mais le rôle du Parlement doit se prolonger, au travers, par exemple, de missions d'information. Il me semble impératif que nous soyons présents sur le suivi des programmes d'armement.

En liaison avec les états-majors et les industriels, la création d'une mission d'information permettrait ainsi d'éviter de découvrir, par la presse, certains retards inexcusables, concernant, hier, le VBCI et, aujourd'hui, l'A400M. Cela contribuerait à renforcer la fonction de contrôle du Parlement, chère au président de la commission des finances et à son rapporteur général.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que le budget qui nous est présenté est réaliste et équilibré, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget, c'est la traduction financière d'une politique.

Or, manifestement, nous sommes, en matière de défense, dans une période de transition entre la fin de la loi de programmation, les réflexions du Livre blanc et la revue de programmes, éléments qui serviront de support à la prochaine loi de programmation militaire.

Avec le projet de budget que vous nous présentez pour 2008, vous ne gérez que les affaires courantes : vous êtes en attente des décisions que doit permettre de valider le Livre blanc.

Je dis « valider » car, sans contester la qualité du travail qui sera fourni par les membres de la commission de rédaction, je crains que les réponses et les conclusions du Livre blanc ne soient déjà contenues dans les questions posées par le Président de la République dans sa lettre de mission.

Il s'agit donc d'un budget virtuel, qui se contente de gérer l'existant sans proposer de mesures vraiment nouvelles. Nous retrouvons sans surprise les « fondamentaux » et les grands équilibres des années précédentes.

Vous maintenez grosso modo l'effort de défense, en y consacrant 1,71 % du produit intérieur brut. Avec 36,77 milliards d'euros de crédits de paiement et 35,99 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, les crédits de la mission « Défense » semblent être en légère progression par rapport à l'année précédente.

Mais à y regarder de plus près, certains programmes - en particulier le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », qui paraît stable - connaissent en fait une baisse de leurs crédits de paiement. Il en va de même des dépenses d'équipement qui, compte tenu de l'inflation, ne sont pas vraiment celles qui sont inscrites en loi de programmation.

Je pourrais aussi parler des crédits consacrés à l'entraînement de l'armée de terre, qui ne garantissent que 88 jours d'activité, au lieu des 100 jours programmés, ce qui peut avoir quelques conséquences négatives, dont nous nous inquiétons, sur le niveau opérationnel de nos troupes. L'entretien de matériels vieillissants - dû aux retards successifs des plans d'équipement en matériel neuf -, qui entraîne des coûts très élevés de maintien en condition opérationnelle, a également des conséquences fâcheuses.

Les crédits concernant la recherche de défense sont stables, mais il faudra absolument que cet effort soit très nettement accentué lors de la prochaine loi de programmation militaire, tant il est vrai que la recherche et le développement sont l'un des moyens permettant de lutter contre les effets négatifs de la parité euro-dollar, en améliorant la compétitivité de notre industrie aéronautique et spatiale.

Cet effort est d'autant plus nécessaire à l'heure où certains dirigeants de notre industrie aéronautique prennent prétexte de la faiblesse de l'euro par rapport au dollar pour annoncer la délocalisation de certaines productions, qui constitue une fuite en avant et une solution de facilité. Cette question, qui est un réel problème, peut être résolue par d'autres moyens.

Il faudrait en particulier que notre pays intervienne vigoureusement auprès de la Commission de Bruxelles pour que celle-ci défende devant l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, l'outil des avances remboursables.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui se profile derrière cette situation que la parité euro-dollar fait exploser est très grave. L'industrie aéronautique est un pan déterminant et stratégique de notre potentiel industriel - plus de 100 000 salariés y travaillent - et des régions entières en vivent.

C'est une grande question d'actualité, qui en appelle une autre, celle du traité européen dit « simplifié », que l'on nous propose de ratifier dans notre pays sans débat populaire ni référendum.

Au coeur de cette crise en cours, convenez-en, se pose avec force le rôle de la Banque centrale européenne, la BCE, que ce traité ne prévoit malheureusement pas de modifier, comme notre peuple l'avait pourtant souhaité en votant non lors du référendum sur le projet de Constitution européenne en 2005.

Si la Banque centrale européenne était davantage tournée vers le soutien à l'emploi et à la croissance et si elle pouvait agir sur la parité de notre monnaie en faveur du développement industriel, nous ne serions pas dans cet état d'impuissance dont les conséquences sont catastrophiques.

Monsieur le ministre, comment pourrez-vous expliquer que l'Europe avance, si elle est incapable de sauvegarder son potentiel industriel et ses emplois ?

Je veux enfin souligner une réelle sous-estimation de l'importance du spatial militaire, qui conditionne pourtant largement notre indépendance et notre autonomie de décision, grâce aux capacités de renseignement et d'observation.

Le montant des crédits de paiement figurant au programme 146 est inférieur à celui des années précédentes. Cela ne nous permettra ni de moderniser comme il conviendrait nos moyens spatiaux ni de jouer un rôle moteur en Europe dans ce domaine. C'est d'autant plus regrettable qu'un accord, certes fragile et très imparfait, vient d'être récemment trouvé avec nos partenaires européens sur le financement du système de radionavigation par satellite Galileo.

Les autorisations d'engagement, qui s'élèvent à 15,6 milliards d'euros, sont légèrement inférieures à celles de l'an dernier. Encore faut-il tenir compte, sur ces quelque 15 milliards d'euros, des 3 milliards d'euros provisionnés pour l'hypothétique commande d'un second porte-avions.

On peut s'interroger sur un tel provisionnement compte tenu, d'une part, des difficultés rencontrées dans la coopération avec les Britanniques, qui ne nous laisseront que la fabrication des systèmes d'armes, et, d'autre part, de l'incertitude qui pèse sur les conclusions du Livre blanc et sur les arbitrages que rendra le Président de la République sur ce projet.

Comme mesures nouvelles, je ne vois guère qu'un léger effort en direction de l'amélioration de la condition des hommes du rang et des jeunes sous-officiers, ainsi que pour la reconversion des militaires et la valorisation professionnelle des personnels civils. Cela se fait, malheureusement, sur fond de suppression de 6 037 emplois, au nom de la révision générale des politiques publiques, qui incite à ce type d'économies au détriment de l'emploi.

Enfin, j'approuve, au nom de la transparence et de la sincérité budgétaire, l'inscription de 375 millions d'euros, auxquels devraient s'ajouter les 100 millions d'euros promis par M. le ministre du budget, en prévision des dépenses liées aux opérations extérieures. Toutefois, nous n'approuvons, et n'approuverons, que celles qui sont menées dans le strict cadre d'opérations de maintien de la paix sous mandat du Conseil de sécurité des Nations unies. C'est la raison pour laquelle nous nous interrogeons notamment sur l'opportunité du maintien de nos troupes en Afghanistan dans le cadre d'une opération de l'OTAN.

J'ai pris ces quelques exemples dans votre projet de budget, monsieur le ministre, pour montrer qu'au total vous gérez tout juste l'existant puisque vous ne pouvez anticiper ni le résultat de la revue de programmes ni les conclusions du Livre blanc.

Je suppose toutefois que ce que vous avez appelé « une trajectoire de dépense problématique » vous incitera, hélas ! à ne pas mener à leur terme tous les programmes engagés par la loi de programmation et à réduire certaines capacités militaires.

Dans ces conditions, nous considérons que votre budget n'est pas adapté à la réalité du monde d'aujourd'hui, aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces qui seront précisés dans l'analyse du Livre blanc, et sur lesquels je ne suis pas certaine que nous soyons tous d'accord.

Certes, pour rester une grande puissance crédible, il faut que notre outil militaire possède l'ensemble des grandes capacités. Cependant, nous n'approuvons pas la répartition des crédits de votre projet de budget.

Une part trop importante est accordée, en particulier, au développement de l'arme nucléaire. Nous comprenons qu'il faille assurer le niveau de crédibilité de notre dissuasion, mais nous pensons que la politique que vous menez en ce domaine n'est pas conforme au principe de stricte suffisance.

Les crédits destinés à la dissuasion représentent 18,4 % du programme 146 « Équipement des forces ». C'est trop important. Mais, surtout, la répartition est tout à fait disproportionnée entre les crédits qui sont destinés à assurer la nécessaire crédibilité technique des systèmes d'armes - essentiellement la modernisation des vecteurs de l'arme nucléaire - ou encore la crédibilité opérationnelle des forces nucléaires et ceux qui concernent la simulation, laquelle permet de développer l'arme nucléaire en tant que telle.

Nous consacrons, en volume, plus d'un tiers des crédits d'équipement destinés à ce secteur pour perfectionner l'arme nucléaire. Je suis pourtant convaincue que nous n'avons pas besoin d'infléchir notre doctrine d'emploi, comme l'avait évoqué le Président Chirac dans son discours de l'Île Longue, car celle-ci n'est pas la bonne réponse aux nouvelles menaces, notamment terroristes. Le nucléaire est, en effet, inefficace pour lutter contre le terrorisme et les États qui le protègent.

Cette politique n'est pas non plus pertinente pour lutter contre la prolifération. Elle incite, au contraire, à la course aux armements quand celle-ci doit être combattue de façon multilatérale par la diplomatie, en prenant des initiatives fortes auprès d'instances internationales de concertation, comme le Conseil de sécurité de l'ONU, ou son organisme de contrôle, l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA.

Être vraiment efficace dans la lutte contre le terrorisme et la prolifération supposerait plutôt d'augmenter les crédits affectés à la recherche et à l'espace militaire afin de renforcer nos capacités autonomes de renseignement et d'observation.

La place de la dissuasion nucléaire dans notre outil de défense est un des sujets abordés par le Livre blanc, tout comme l'hypothèse du retour de notre pays dans la structure militaire intégrée de l'OTAN.

Dans ce projet de budget, monsieur le ministre, nous ne disposons pratiquement d'aucun élément d'appréciation sur cette hypothèse, alors que nous sommes pourtant l'un des tout premiers contributeurs de cette organisation. De même ne figure nulle part, en autorisations d'engagement, ce que pourrait nous coûter - très cher, vraisemblablement ! - la réintégration.

Nous marquons notre profond désaccord avec une politique de rapprochement, qui nous est fallacieusement présentée comme devant permettre de mieux influer sur l'OTAN et de faire progresser, dans le même temps, l'Europe de la défense. L'indépendance de la France est incompatible avec un retour au sein du commandement militaire d'une organisation dont l'existence même n'est justifiée que par la volonté hégémonique des États-Unis.

Il nous semble que c'est jouer là avec une contradiction et que, au contraire, cette posture mettrait en cause notre souveraineté et notre autonomie d'appréciation et de décision. Ce serait, en outre, donner un signal négatif à nos partenaires européens et affaiblir l'idée même de défense européenne, alors que la politique étrangère des États-Unis est souvent en échec et que l'OTAN elle-même se trouve dans une impasse en Afghanistan.

Nous pensons que le fait de réintégrer les structures de commandement serait perçu par nos partenaires comme l'abandon de tout espoir de voir, un jour, se construire une politique européenne de défense.

Nous regrettons que de tels sujets, décisifs pour notre avenir, ne donnent pas lieu à un véritable débat dans nos assemblées, en amont de la prochaine loi de programmation militaire.

De premières réflexions formulées dans le cadre du Livre blanc montrent pourtant qu'il est absolument nécessaire, au nom de la démocratie, d'impliquer et de mieux associer le Parlement aux affaires de défense.

Quand accepterez- vous enfin ce débat ?

Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, pour les raisons que je viens d'évoquer - notre désaccord sur les orientations de votre politique de défense et la répartition des crédits -, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je voudrais saisir l'occasion de la discussion des crédits de votre ministère pour vous faire part de quelques observations se fondant sur ma science toute neuve de la défense, science que je dois à une excellente idée de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, grâce à laquelle je viens d'effectuer un stage en immersion dans les services de la direction du renseignement militaire.

Je commencerai d'ailleurs par remercier le commandant de Becdelièvre et l'ensemble des militaires qui m'ont reçue, en souhaitant qu'il me soit possible de continuer à être en relation avec la DRM tant j'ai tiré d'enseignements de ce premier contact.

Il semblerait ainsi, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas de culture du renseignement dans notre pays, contrairement à nos amis Britanniques, alors que nos services sont sans aucun doute parmi les meilleurs du monde, notamment dans les domaines de l'imagerie et de l'écoute électromagnétique.

Mme Dominique Voynet. Ce n'est plus de l'immersion...

Mme Nathalie Goulet. Aucune école militaire n'enseigne en effet « le renseignement ». Plus simplement, il n'existe pas de module d'enseignement de cette matière indispensable.

Il faudrait donc, monsieur le ministre, introduire cette matière sans délai à Saint-Cyr et à l'école navale, et la renforcer à l'école de l'air où, m'a-t-on dit, il existe déjà un enseignement résiduel, de façon que les militaires en formation y soient sensibilisés.

Il faudrait ensuite soutenir financièrement le Centre de formation interarmées au renseignement de Strasbourg, remarquable outil qui pourrait sans doute devenir - avec prudence, certes - interministériel ou européen, avec un tronc commun à déterminer pour que l'« équipe France » - militaires, diplomates et personnels en charge des postes d'expansion économique - fonctionne à l'étranger de façon cohérente, sujet que j'ai déjà abordé lors de l'examen, samedi dernier, des crédits du ministère des affaires étrangères, car il serait bon, en effet, que nos diplomates puissent bénéficier d'une formation au renseignement.

La DRM a donc pour mission le renseignement d'intérêt militaire ; ses membres coopèrent déjà avec les services de la DGSE, avec laquelle elle met en commun certains outils, mais les objectifs sont différents et ne doivent pas être confondus.

Toute proposition qui tendrait, par souci de rationalisation théorique ou comptable, à fusionner ces services serait incohérente.

La spécificité de cette mission - et c'est sans doute ce qui fait son efficacité - est le soutien à nos forces, raison pour laquelle la DGSE et la DRM sont des entités séparées, mais j'ai cru comprendre à la lecture d'un des rapports qu'il convenait peut-être d'envisager la fusion des services, raison pour laquelle je m'interrogeais.

Le second point sur lequel je souhaite rapidement intervenir, compte tenu du fait que je n'ai que cinq minutes de temps de parole, est l'Europe de la défense.

Arrêtons-nous quelques instants sur l'Union de l'Europe occidentale, dont la France prendra la présidence en janvier prochain, et sur son assemblée, dont le valeureux président siège, mes chers collègues, parmi nous ce soir.

La France contribue à hauteur de 2,5 millions d'euros au budget, qui est d'environ 7 millions d'euros, de cette assemblée chargée des questions de défense mais qui a vu la totalité de ses missions dites les « missions de Petersberg » transférées au Parlement européen voilà plusieurs années.

Il faudra donc vraisemblablement réfléchir à une mutation de l'UEO pour en faire une assemblée de défense ragaillardie et dépoussiérée, car, certes, elle travaille, mais elle le fait dans l'indifférence générale.

En même temps que cette mutation, nous pourrions donc proposer, monsieur le ministre, la création d'une nouvelle assemblée européenne de défense qui serait distincte de l'assemblée parlementaire de l'OTAN et installée sur des bases légales solides.

Monsieur le ministre, j'attire donc votre attention sur les métiers du renseignement, sur la formation de nos troupes - à ces métiers notamment - et sur les espoirs que nous pouvons nourrir à propos d'une Europe de la défense européenne.

Surtout, je ne voudrais pas que vos très hautes fonctions vous détournent d'une autre mission tout aussi stratégique, je veux parler de la réunification de la Normandie, où, vous le savez, dans notre famille, nous vous sommes acquis. (Sourires et applaudissements sur certaines travées du RDSE. - M. Michel Guerry applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo. (M. Philippe Nogrix applaudit.)

M. Didier Boulaud. De l'UC-UDF ?... Nous, nous n'y comprenons plus rien !

M. Yves Pozzo di Borgo. Du Nouveau Centre...

M. le président. Ici, pour l'instant, il n'y a pas de demande de modification officielle : c'est toujours l'UC-UDF !

M. Charles Pasqua. La clarification viendra bien assez tôt... (Sourires.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on l'aura compris, car cela ressort des rapports et des différentes interventions, le budget de la défense pour 2008 est un budget de transition,...

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. C'est dommage !

M. Yves Pozzo di Borgo. ...un budget de transition pour une défense à la croisée des chemins : la dernière loi de programmation militaire arrive à son terme et les évolutions budgétaires prévisionnelles sont parlantes dans un contexte international extrêmement incertain, notamment s'agissant de la Chine.

En l'état actuel des prévisions du ministère, le ministre nous a indiqué que les crédits d'équipement annuels devraient passer d'une moyenne de 15,4 milliards d'euros, entre 2003 et 2007, à une moyenne de 21,9 milliards d'euros entre 2009 et 2013, soit une augmentation de 42 % en volume sur la période, particulièrement marquée à partir de 2009, avec une « marche » de 2,9 milliards d'euros pour 2008.

De telles sommes, qui pourtant constitueraient une programmation idéale, sont évidemment inenvisageables dans la situation budgétaire que nous connaissons, d'où la nécessité, d'une part, de faire urgemment des choix et, d'autre part, de faire franchement avancer le dossier de la défense européenne, ce qui constitue d'ailleurs aussi un choix.

Oui, l'heure est aux choix parce que, même en maintenant comme référence un effort de défense autour de 2 % du PIB, l'évolution des besoins est intenable dans le cadre actuel.

C'est tout le sens des trois grands chantiers qui seront engagés prochainement afin d'adapter l'outil de défense : le Livre blanc évidemment, mais aussi la revue des programmes et, enfin, la loi de programmation militaire qui devrait être soumise au Parlement au printemps 2008.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale définira un concept de défense globale et les contrats opérationnels assignés aux forces armées.

La revue des programmes d'armement menée au sein du ministère de la défense fournira tous les éléments techniques et financiers préparatoires aux arbitrages au vu des conclusions de ce Livre blanc, et l'on attend de cette revue qu'elle aide à réduire, voire à résorber, la « bosse » financière attendue à compter de 2009.

La situation de transition dans laquelle se trouvent nos armées, en attente des résultats des trois grands chantiers précités, explique les principales caractéristiques du budget de la défense pour 2008.

Je tiens à saluer certains des arbitrages de ce budget qui, sans concerner les grandes masses financières, relèvent à nos yeux d'une inspiration de bon aloi.

Il s'agit de l'effort fait en faveur de la condition des personnels, en particulier des militaires du rang et des jeunes sous-officiers. Il s'agit aussi des mesures en faveur du personnel civil, pour un montant supérieur à ceux des précédents exercices.

Par ailleurs, et je veux vous en féliciter, monsieur le ministre, le ministère de la défense participe à l'effort de réduction des effectifs avec le non-remplacement de la moitié des départs en retraite, ce qui est d'autant plus méritoire que ces réductions d'effectifs porteront uniquement sur les fonctions de soutien et d'administration, et non sur les forces opérationnelles.

Je m'insurge en revanche contre une « affaire » un peu délicate sur laquelle j'étais déjà intervenu l'an dernier ; je veux parler du transfert projeté, mais heureusement non encore arrêté, de l'état-major de l'armée de terre de la rue Saint-Dominique à l'École militaire.

En ma qualité d'élu du viie arrondissement de Paris et de sénateur membre de la commission de la défense, je me suis toujours opposé à ce projet qui, à mon sens, ne répond pas à un besoin évident de l'armée et que je considère comme inopportun et inadéquat. Je préférerais que l'on développe dans ce lieu historique une grande école européenne de défense, dans le cadre d'une vocation européenne de l'École militaire.

C'est un point sur lequel je reviendrai en présentant mon amendement, mais je tiens d'emblée à dire que c'est un problème que le général de Gaulle avait déjà connu dans ce même arrondissement puisque l'armée ne voulait pas quitter les Invalides. C'est Malraux qui a obtenu du général de Gaulle qu'elle le fasse pour faire de ce lieu un lieu de mémoire militaire.