M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (préparation et emploi des forces). Monsieur le ministre, avant que mes collègues et moi-même présentions l'avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de budget de la mission « Défense » pour 2008, permettez-moi de vous faire part de notre profonde déception de n'avoir pu tenir, comme nous en avions pris l'habitude avec votre prédécesseur, les réunions trimestrielles de suivi et de contrôle.
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Certes, le Parlement a interrompu ses travaux au printemps dernier, mais, depuis, le Sénat semble avoir été un peu mis à l'écart. Ainsi, la réunion qui était prévue le 20 novembre dernier a été annulée, alors qu'elle a pu avoir lieu à l'Assemblée nationale.
Mme Michelle Demessine. C'est inacceptable !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. C'est pourquoi nous souhaitons, monsieur le ministre, que, en vertu du caractère bicaméral de nos institutions, une réunion de suivi et de contrôle soit organisée avant la fin de l'année, de manière que le Sénat puisse exercer pleinement ses compétences en matière budgétaire. Je vous remercie par avance de bien vouloir faire droit à cette demande. (M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, ainsi que Mme Nathalie Goulet applaudissent.)
M. Didier Boulaud. C'est normal ! Le ministre n'a jamais été sénateur !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela ne saurait tarder ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je tiens à m'associer, au nom de la commission des finances, au souhait pressant que vient d'exprimer M. le rapporteur pour avis ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur le banc des commissions.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, deux commissions attendent votre réponse ! (Sourires.)
J'en viens maintenant à l'avis de la commission des affaires étrangères.
Notre armée professionnelle est récente : elle a moins de dix ans.
Après une phase de montée en puissance des effectifs, nous sommes entrés dans une phase d'ajustement et de consolidation. Ce projet de loi de finances en témoigne : en supprimant des postes vacants, il prend acte de ce que le format initialement prévu ne sera pas rejoint ; en ne remplaçant pas un départ à la retraite sur deux, il finance des mesures catégorielles au profit des personnels en poste.
L'équation, en effet, est connue : l'amélioration de la condition des personnels ne pourra se faire qu'en agissant sur les effectifs. Or cette action sur les effectifs ne pourra se poursuivre sans dommage avec une organisation inchangée.
Tout d'abord, les deux processus de réduction d'effectifs, militaires et civils, sont menés selon un parallélisme complet. Cela est dû au fait que, d'une manière générale, ces deux populations sont gérées de façon cloisonnée, car elles ne sont soumises ni à la même autorité de gestion ni aux mêmes règles de mobilité et de mutation. Voilà un chantier que le ministère devra ouvrir pour mieux faire travailler ensemble civils et militaires.
L'autre chantier en cours concerne la révision des schémas d'implantation, notamment pour l'armée de terre et l'armée de l'air. À la suite de la révision générale des politiques publiques et du nouveau Livre blanc, elle devrait être placée au coeur du prochain projet de loi de programmation militaire, tout comme la loi de programmation militaire antérieure avait été celle de la professionnalisation.
Pour les armées, cette révision est seule à même de préserver l'efficacité opérationnelle, dans un contexte de réduction des effectifs, en mutualisant davantage les services de soutien. Dans l'attente de cette réforme, les solutions adoptées sont peu satisfaisantes.
Pour faire face aux réductions d'effectifs, la diminution du volume des recrutements est en effet la solution la plus simple et la plus dommageable. Elle est simple en apparence, compte tenu de l'importance des flux annuels. Elle est en fait très dommageable parce que, sans être confrontés pour le moment aux mêmes problèmes que nos amis britanniques, nous allons très certainement, pour des raisons démographiques, au-devant d'une période de difficultés de recrutement. À cet égard, monsieur le ministre, un véritable indicateur qualitatif sur le recrutement nous permettrait de mieux évaluer ce phénomène et de mieux exercer la vigilance nécessaire.
Face à cette situation fragile, il convient de ne négliger aucun vivier. C'est pourquoi la commission considère que le plan pour l'égalité des chances, qui vise à ouvrir plus largement les lycées et les écoles militaires aux jeunes défavorisés, est tout à fait dans l'intérêt des armées.
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Il permettra non seulement de mieux refléter la diversité de la société française, après la suspension du service national, mais aussi de recruter des personnes qui pensaient spontanément que l'armée leur était inaccessible.
Cette exploration plus large en matière de recrutement a un coût, sur lequel nous ne pouvons transiger, qui concerne la formation. Il est plus difficile et plus long aujourd'hui de faire passer un jeune de l'état civil à l'état militaire, mais une fois formés, les jeunes engagés font preuve d'un professionnalisme reconnu. Cet investissement dans les hommes est un acquis de la professionnalisation que nous devons préserver.
Le dernier point que je souhaite évoquer est celui des opérations extérieures.
Le processus de budgétisation des surcoûts liés aux opérations extérieures, entamé en 2005, marque le pas avec une stabilisation de la provision à 360 millions d'euros.
Pour 2007, ce surcoût est estimé à 650 millions d'euros et rien ne laisse présager une diminution du niveau d'engagement de la France. Pour 2008, comme pour 2007, un financement en cours d'année devra être trouvé pour faire face à quelque 300 millions d'euros de dépenses. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il y a un risque pour les programmes d'armements, qui ont longtemps été la variable d'ajustement des OPEX.
Or nous ferions une grave erreur en considérant que la condition militaire est dissociable de la question des équipements. Une protection adéquate en opération, des équipements adaptés et entretenus, des missions clairement définies sont les clés de la motivation de nos militaires et de l'attractivité de ce métier.
Je rappellerai, en conclusion, que nous nous apprêtons à voter non pas un budget de transition, mais un budget qui, nous le savons, sera excessivement tendu, dans l'attente de réformes substantielles qui sont la condition de la préservation de l'efficacité de notre outil de défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (préparation et emploi des forces). Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'analyse du budget pour 2008, présentée avec efficacité et clarté par les précédents orateurs, je m'en tiendrai à quelques observations sur les points positifs et sur les quelques éléments négatifs qui ont marqué l'évolution du secteur du soutien militaire au cours des dernières années.
Un effort marqué a été accompli depuis 2000 pour rationaliser l'organisation et réduire les coûts du maintien en conditions opérationnelles - appelé couramment MCO - des divers équipements en service dans les armées.
L'apport financier de la loi de programmation 2003-2008 a permis de redresser des taux de disponibilité des matériels qui étaient très souvent inquiétants, ne dépassant pas 50 %, quand ils n'étaient pas inférieurs à ce pourcentage.
Cette loi a également permis une rationalisation, qui n'est pas achevée, de l'organisation et des modalités de réalisation des opérations de MCO.
La création successive du service de soutien de la flotte, en 2000, et de la structure intégrée de maintien en conditions opérationnelles des matériels aéronautiques de la défense, plus connue sous l'acronyme de SIMMAD, en 2002, ainsi que celle, au début de 2008, du SIAé constituent autant d'atouts pour les armées qui sauront s'en servir utilement.
Toutes les actions destinées à restructurer et à mutualiser les moyens destinés aux trois armées sont bénéfiques, car elles démontrent que nos forces ne cessent de réfléchir à leur organisation en vue de l'optimiser, grâce à une démarche interarmées pragmatique, que nos militaires ont comprise et mise en oeuvre. À nous de leur donner des signes de reconnaissance, en prenant des décisions renforçant cette démarche de modernisation, de mutualisation et d'efficacité.
C'est grâce à ces efforts que le poste de dépenses le plus important, le MCO, notamment aéronautique, a fait l'objet, depuis 2002, d'une forte restructuration, fondée sur une « interarmisation » pragmatique, avec la création de la SIMMAD. Le fonctionnement de cette structure doit encore être amélioré pour réduire les coûts d'entretien des matériels, mais beaucoup a déjà été fait et pourrait être utilement transposé au niveau européen. Par exemple, la création d'un organisme analogue à la SIMMAD au sein de l'Agence européenne de défense donnerait un contenu concret à une coopération européenne encore à développer et simplifierait les difficiles discussions en cours sur la répartition des marchés de MCO entre les pays partenaires des équipements aéronautiques, élaborés en commun, comme l'hélicoptère NH90 et l'avion de transport militaire A400M.
Nous regrettons tous les retards pris dans la livraison de cet appareil, mais serons-nous prêts, lorsqu'il sera disponible, à en équiper nos forces, étant entendu qu'il aura fallu, préalablement, assurer la formation des pilotes que mettre en place des structures adéquates pour son MCO ? Souhaitons-le. Mais il faudrait agir rapidement et donner les moyens nécessaires à nos armées.
La prochaine création du SIAé permettra d'optimiser la répartition des actions de MCO entre les armées et les industriels. Ce service devra déterminer les activités de soutien qu'il est indispensable de maintenir dans les forces, tant pour y pérenniser un socle de compétences techniques que pour y assurer un soutien de proximité. J'y suis favorable, à condition que la liberté de chacun puisse s'y exercer, en ce qui concerne tant la parole que l'écoute.
J'en viens aux difficultés que je souhaite évoquer.
Les premiers bilans tirés des expériences d'externalisation qui se sont multipliées depuis la professionnalisation sont contrastés, quoi qu'en ait dit M. le rapporteur spécial ; les prestations ne sont pas toujours satisfaisantes et chaque renouvellement de contrat est automatiquement l'occasion d'augmentations, parfois très fortes, des coûts. Soyons donc vigilants !
En matière de dépenses courantes de fonctionnement, la sous-traitance d'activités non militaires présente, à l'usage, des dérives financières importantes, faute de concurrence et de compétences suffisantes au sein des armées en matière de négociation de ce type de contrat. L'adjudication, la gestion de marchés publics comme la location de services sont des métiers à part entière, et l'on ne saurait reprocher aux militaires d'avoir besoin de temps pour les maîtriser.
Cependant, il semble acquis que la location de services est coûteuse et qu'elle le sera de plus en plus, sans que l'efficacité des services rendus en soit pour autant garantie. L'évolution de ces coûts pose donc la question de l'éventuelle réintégration de ces tâches parmi celles des personnels militaires. Monsieur le ministre, je pense qu'il sera nécessaire de se demander, en procédant à une évaluation rigoureuse, si l'externalisation n'était pas une mode. Ne faudra-t-il pas revenir sur cette notion ?
Je conclurai, dans un premier temps, en saluant le service des essences des armées, le SEA. Selon moi, ses compétences sont trop méconnues à l'échelon national, alors qu'elles sont reconnues par nos partenaires, notamment par ceux qui ont participé à l'intervention au Kosovo, dont il a, à lui seul, assuré le soutien. Tout le monde s'en est trouvé satisfait. Sachons donc reconnaître la qualité de son action.
Sur ce point, j'ai une question à vous poser, monsieur le ministre. Le ministère semble avoir imposé au SEA, en 2005, l'obligation de souscrire une assurance afin de minimiser les effets des fluctuations des cours sur leurs achats. Cette assurance, dont le coût est considérable, puisqu'il s'est élevé à 4 millions d'euros en 2006 et atteint 3 millions d'euros en 2007, soulève des interrogations. Pourquoi la règle selon laquelle l'État est son propre assureur ne joue-t-elle plus en ce cas précis ? Pourquoi le SEA est-il contraint de prendre une telle assurance, qui détourne des sommes importantes des achats de produits pétroliers, ce fait ne produisant pour le ministère aucune retombée positive selon ce que j'ai pu comprendre au cours des auditions auxquelles j'ai procédé ? J'espère que vous pourrez nous éclairer sur cette singulière façon de travailler.
Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits affectés à la mission « Défense » dans le projet de loi de finances pour 2008.
Mais je ne peux m'empêcher, en complément, de porter un jugement différent de celui de mon excellent collègue Yves Fréville, notamment sur le programme Rafale.
Je tiens à affirmer dans cette enceinte que le Rafale est une bonne arme, une excellente arme.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Très chère !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Un même appareil permet de mettre à la disposition de nos armées un avion à la fois de combat, de reconnaissance, de dissuasion et d'intervention au sol. L'aéronavale, qui en a été le premier bénéficiaire, en est très satisfaite. L'aviation l'attend avec impatience, pour permettre à la France de garder son rang de nation respectée par l'opérabilité de ses armements et par ses capacités d'intervention sur de nombreux territoires.
M. Didier Boulaud. Le Rafale sera bientôt fabriqué aux États-Unis !
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis. Quant à l'A400M, avion de transport, nous ne pouvons que regretter les retards qu'il subit, car la location de moyens extérieurs, lorsque besoin s'en fait sentir pour mener à bien des OPEX, coûte très cher à notre pays et ne nous garantit pas la sécurité dont nous aurions besoin pour la mise à disposition opérationnelle efficace de nos troupes.
Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m'excuser de vous avoir fait part de mon jugement personnel sur ce point, mais je pense que le Rafale est un excellent avion, une excellente arme, dont nous avons besoin et que l'A400M nous manque cruellement pour que nous soyons véritablement efficaces, comme nous savons le faire.
M. Didier Boulaud. Le problème, c'est que le Rafale va être fabriqué aux États-Unis !
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (équipement des forces). Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime également au nom de notre collègue André Boyer, qui ne peut être présent aujourd'hui.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées nous avait confié la charge de présenter conjointement le rapport pour avis couvrant l'ensemble du programme « Équipement des forces ».
Je présenterai tout d'abord quelques observations sur l'évolution générale de ce programme et sur les perspectives de notre politique d'équipement militaire.
Le niveau des crédits de paiement pour 2008 doit permettre une réalisation financière satisfaisante de la loi de programmation. Certes, les dotations sont légèrement inférieures à l'annuité prévue et des annulations sont intervenues la semaine dernière pour financer le surcoût des opérations extérieures.
Bien qu'encore insuffisante, la budgétisation partielle en loi de finances initiale a permis de modérer le montant des annulations en fin d'exercice.
Enfin, le volume de crédits disponibles mais non consommés, qui avait atteint un pic au début de l'année 2005, a notablement diminué.
Globalement, et compte tenu des crédits prévus en 2008, on peut d'ores et déjà considérer que les entorses à la réalisation financière de la programmation seront restées limitées et sont, en tout état de cause, sans commune mesure avec celles qui ont été constatées sur la loi précédente, ce qui n'empêche pas, néanmoins, des reports ou décalages dans la réalisation physique de la loi.
Nous souhaitons savoir, monsieur le ministre, si le ministère pourra consommer intégralement ses crédits d'équipement à hauteur du montant inscrit en loi de finances initiale. Autrement dit, comment sera appliquée la norme de dépense sur les crédits d'équipement en 2007 et quel sera le sort réservé aux crédits de report, qui s'élevaient à 1,5 milliard d'euros au début de l'année ?
Par ailleurs, comment sera financé le programme de frégates multimissions, auquel a fait allusion M. Fréville, puisque la dotation complémentaire de 338 millions d'euros qui avait été annoncée à cet effet lors de l'examen du collectif budgétaire n'y figure pas ?
M. Didier Boulaud. On nous a annoncé des financements innovants ! (Sourires.)
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Attendons la réponse du ministre !
S'agissant des autorisations d'engagement, le programme « Équipement des forces » se trouvera dans une situation très particulière en 2008 avec, d'une part, une provision de 3 milliards d'euros pour le lancement éventuel du second porte-avions et, d'autre part, une diminution moyenne de 30 % des autorisations d'engagement sur toutes les autres lignes. Le montant des engagements nouveaux qui seront passés en 2008 constitue l'enjeu budgétaire majeur pour le programme « Équipement des forces ». Il dépendra directement du niveau des ressources déterminé pour 2009 et, au-delà, dans le cadre de la prochaine loi de programmation.
Compte tenu de l'ampleur des besoins financiers liés à la réalisation des programmes en cours, il faudra hiérarchiser les priorités, effectuer des choix, quitte à réviser certains objectifs. Il faudra aussi retrouver des marges de manoeuvre sur l'ensemble du budget du ministère.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées souhaite simplement rappeler aujourd'hui la conclusion à laquelle était parvenu son président, Serge Vinçon, dans son rapport sur les équipements militaires publié cet été.
En dépit du redressement accompli depuis 2002, notre effort de défense reste aujourd'hui très inférieur à ce qu'il était voilà une dizaine d'années : 1,65 % du PIB en norme OTAN cette année, contre 2 % en 1996. Il est également inférieur d'environ 9 milliards d'euros par an au budget de la défense britannique, qui devrait progresser de 1,5 % par an dans les trois prochaines années.
Quels que soient les efforts d'économie engagés par ailleurs, un simple maintien du budget d'équipement à son niveau actuel, pour autant que cela soit possible compte tenu des engagements déjà passés, impliquerait de renoncer à moderniser une partie de notre outil militaire pour nous orienter vers un modèle très différent de celui que nous nous étions fixé, sans doute plus proche de ceux de l'Allemagne ou de l'Italie que de celui du Royaume-Uni, auquel nous le comparons souvent.
Notre commission avait donc estimé nécessaire de poursuivre, en tenant compte, bien entendu, de la situation des finances publiques, le redressement du budget de la défense engagé ces dernières années et qui lui semble toujours indispensable au vu des défis de sécurité auxquels font face la France et, plus largement, l'Europe.
J'en viens maintenant aux différents domaines de la politique d'équipement, en commençant par la dissuasion.
La dissuasion nucléaire - cela semble déjà constituer un point d'accord au sein de la commission du Livre blanc - continuera de jouer un rôle fondamental dans notre stratégie de défense dans les années à venir.
En termes d'équipement, le renouvellement de nos moyens est déjà très largement avancé, qu'il s'agisse des missiles, en cours de fabrication, des plates-formes, avec la réalisation du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins - SNLE - et l'arrivée du Rafale, ou des moyens de simulation, avec la progression du chantier du Laser Mégajoule.
S'agissant de la composante aéroportée, qui fait souvent l'objet de débats, notre commission considère que, compte tenu des investissements déjà réalisés, sa remise en cause engendrerait peu d'économies immédiates, mais priverait certainement la France d'un volet appréciable de sa capacité de dissuasion, qui tient à la visibilité et à la souplesse de cette composante.
La maîtrise de l'information constituera aussi, à n'en pas douter, un domaine clef pour notre autonomie de décision et nos capacités d'action.
Sur le plan budgétaire, l'année 2008 sera marquée par une très nette diminution des autorisations d'engagement dans le domaine spatial. Les besoins sont certes moindres, après les réalisations de ces dernières années, mais cela montre surtout que notre programme spatial se trouve en attente de perspective. Je veux croire que ce reflux ne sera que temporaire, car nul ne conteste aujourd'hui le caractère stratégique des capacités spatiales dans les domaines de la défense et de la sécurité.
Il faudra en tirer les conclusions dans la prochaine loi de programmation, tant pour pérenniser les moyens actuels que pour acquérir de véritables capacités opérationnelles en matière d'écoute ou d'alerte sur les tirs de missiles balistiques.
Dans l'immédiat, le lancement de la conception du satellite successeur d'Hélios II nous semble urgent.
Dans le domaine de la projection, le retard annoncé sur le programme A400M, cher à M. Nogrix, qui l'a défendu, ainsi que le Rafale, avec fougue, prolonge d'autant nos difficultés sur le transport aérien.
Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, en quels termes se présente la question du renouvellement des ravitailleurs, après les premières études engagées cette année ? Quels sont les différentes solutions envisageables et leur coût ? Est-il déjà possible de donner des indications sur le remplacement des trois avions qui ne seront pas rénovés ?
Enfin, dans le domaine des hélicoptères, nous nous réjouissons de la commande, annoncée vendredi, de douze NH90 par l'armée de terre.
Ce programme présente un caractère absolument prioritaire pour notre commission, qui, avant même le vote de l'actuelle loi de programmation, s'était vivement inquiétée de la dégradation inéluctable de nos capacités jusqu'au début de la prochaine décennie.
Il est également nécessaire d'engager sans tarder la rénovation des Cougar, qui a connu un important décalage.
S'agissant des capacités de combat, l'année 2008 constituera un jalon important pour notre aviation, avec la qualification du Rafale au standard F3, qui donnera véritablement la pleine mesure de sa polyvalence, et l'arrivée de munitions de précision indispensables aux conditions d'engagement actuelles.
En ce qui concerne les forces navales, je ne reviendrai pas sur la question du financement des frégates multi-missions. Le point essentiel, pour 2008, concerne le second porte-avions, dont la réalisation permettrait d'assurer la permanence du groupe aéronaval lors de la prochaine indisponibilité du Charles de Gaulle.
La phase de concertation avec les Britanniques est achevée. La décision doit donc désormais mettre en balance les nécessités opérationnelles et les implications financières. S'il était lancé, le programme représenterait une annuité moyenne de l'ordre de 500 millions d'euros sur la prochaine loi de programmation.
Notre commission considère, comme l'avait souligné son président, M. Vinçon, que le lancement de ce projet doit être lié à la mise en place de ressources supplémentaires, faute de quoi la réalisation d'autres programmes essentiels s'en trouverait affectée.
Dans le domaine du combat aéroterrestre, la modernisation des équipements, attendue de longue date, entre dans une phase significative.
Monsieur le ministre, vous avez officialisé la mise en service du Tigre dans les forces à Pau, voilà quelques jours.
L'année 2008 verra l'arrivée du véhicule blindé de combat d'infanterie - VBCI -, des premiers équipements « Félin » et des canons Caesar. La commission insiste pour qu'au cours de la prochaine loi de programmation, cette modernisation se poursuive et ne soit pas remise en cause par les besoins des grands programmes aéronautiques et navals. Il y va de la protection et de l'efficacité de nos forces terrestres engagées en opérations.
Enfin, dans le domaine de la protection, il faut saluer l'admission au service actif, prévue en 2008, de la première frégate antiaérienne Horizon, ainsi que l'arrivée dans les forces de la famille des missiles Aster, qui améliore très sensiblement nos capacités, notamment en matière de défense antimissile de théâtre, et qui s'accompagne d'une rationalisation interarmées bienvenue.
En conclusion, notre commission estime que l'équipement des forces bénéficiera en 2008 des crédits de paiement nécessaires à la poursuite de la livraison, dans de bonnes conditions, des matériels commandés.
En ce qui concerne les autorisations d'engagement, le budget d'équipement pour 2008 peut être qualifié de « budget d'attente » puisque le niveau des engagements effectifs dépendra des perspectives tracées pour la prochaine loi de programmation.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits du programme « Équipement des forces » et de la mission « Défense ».
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. (Environnement et soutien de la politique de défense). Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Environnement et soutien de la politique de défense » touche à de multiples actions dont les enjeux, souvent sous-estimés, sont néanmoins essentiels pour un fonctionnement efficace du ministère de la défense.
Sous l'impulsion du secrétaire général pour l'administration, responsable du programme, de nombreuses réformes ont été engagées et sont en cours.
Je ne mentionnerai que la politique immobilière, avec la mise en place des loyers budgétaires, la rationalisation des sites et la cession de nombreux immeubles ou encore l'externalisation de la gestion des logements domaniaux.
Le regroupement dans un même programme de crédits jusqu'alors dispersés permet, nous semble-t-il, une meilleure vision globale et une gestion plus adaptée au rythme d'avancement des opérations d'infrastructure.
Je me limiterai sur ce point à deux remarques.
La première a trait au service d'infrastructure de la défense : il convient de trouver le bon équilibre entre les bénéfices incontestables de l'approche interarmées et la nécessaire prise en compte des besoins spécifiques liés aux activités opérationnelles des forces.
La seconde porte sur les dotations prévues en 2008. Elles progressent très sensiblement, tant pour les infrastructures que pour le logement familial, et témoignent d'un volontarisme certain. Souhaitons qu'elles ne soient pas remises en cause, en cours de gestion, au vu des arbitrages à venir sur la prochaine loi de programmation !
En ce qui concerne le programme « Environnement et prospective de la défense », je soulignerai tout d'abord la difficulté à mesurer et à suivre l'effort de recherche et technologie. Nous nous trouvons face à des références multiples, dont la définition peut varier dans le temps, et qui ne recoupent pas la présentation des crédits telle qu'elle résulte de la LOLF.
Une réflexion a été engagée. Je souhaite qu'elle permette à la fois un véritable suivi dans la durée et des comparaisons pertinentes avec nos partenaires européens.
Cette remarque étant faite, on peut constater qu'après un relèvement significatif à compter de 2005, les dotations consacrées à la recherche ont désormais tendance à plafonner.
Le budget des études réalisées en amont, c'est-à-dire des contrats de recherche passés avec l'industrie, restera en 2008 situé autour de 640 millions d'euros. Ce n'est certes pas négligeable et cela permettra, notamment, de poursuivre le lancement de démonstrateurs technologiques, mais on reste encore loin de l'objectif de 1 milliard d'euros par an auquel le ministère de la défense souhaitait progressivement parvenir.
On ne peut en outre manquer de nourrir une certaine inquiétude pour le futur, face au risque de voir la recherche servir de variable d'ajustement, étant donné les besoins financiers considérables que fait apparaître la réalisation des programmes d'armement.
Le renforcement de la coopération européenne en matière de recherche est en tout état de cause indispensable, compte tenu de nos budgets limités, si nous voulons maintenir nos capacités technologiques. Les progrès sont lents, mais réels, et il est encourageant de constater qu'en dépit des réticences britanniques l'Agence européenne de défense commence à jouer un rôle fédérateur dans ce domaine.
Je termine par le renseignement de sécurité, qui concerne en tout premier lieu la DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure.
Il faut saluer une évolution positive des investissements techniques, absolument nécessaire compte tenu des flux croissants d'information et de communication à traiter. Cet effort devra impérativement être poursuivi au cours des prochaines années.
La stagnation des crédits de fonctionnement est en revanche difficilement justifiable, au vu des besoins supplémentaires liés à l'entrée en service de nouveaux équipements.
Enfin, il est surprenant que l'augmentation lente mais continue des effectifs de la DGSE, qui avait été engagée ces dernières années, soit désormais stoppée. Depuis le début de la décennie, ce service doit relever des défis croissants avec des effectifs nettement inférieurs à ceux des services britanniques ou même allemands. La structure de ses personnels reste par ailleurs trop déséquilibrée, au détriment des emplois de cadres, en nombre insuffisant.
La mise en adéquation des moyens humains de la DGSE avec ses missions reste encore à opérer. Le projet de budget pour 2008 est malheureusement en total décalage avec cet objectif, à un moment où chacun s'accorde à dire que les moyens de renseignement, de connaissance et d'anticipation doivent jouer un rôle fondamental dans notre politique de défense, tant pour la protection de notre territoire et de notre population que pour la garantie de notre autonomie de décision et l'efficacité de nos opérations.
En conclusion, la grande stabilité qui caractérise, dans ce projet de budget, les dotations destinées à la recherche et au renseignement extérieur, deux domaines où les besoins sont loin d'être satisfaits, ne peut manquer de susciter une certaine déception.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a cependant émis un avis favorable sur les crédits des programmes « Environnement et soutien de la politique de défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.