M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Christine Lagarde, ministre. J'en ai terminé, monsieur le président, mais je n'ai cité que quelques-unes des multiples actions que tous les membres du Gouvernement ont engagées, sous l'autorité de François Fillon, dans l'intérêt des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
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souhaits de bienvenue à deux délégations étrangères
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation du Haut Conseil des collectivités du Mali, conduite par son président M. Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara. (M. le Premier ministre, Mmes, MM. les ministres, Mmes, MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
L'objet de cette mission est notamment de renforcer les compétences des conseillers nationaux et des cadres du Haut Conseil des collectivités du Mali en vue de sa transformation en Sénat, en s'inspirant du Sénat français. (Bravo ! et applaudissements.)
Je me réjouis de cette perspective, et je les encourage vivement dans cette voie.
Je formule enfin des voeux pour que cette visite contribue également à renforcer, d'une façon plus générale, les relations entre nos deux pays.
Je salue également la présence d'une délégation de parlementaires membres du groupe d'amitié du Sénat du Burundi (Applaudissements), pays avec lequel nous entretenons des relations de coopération soutenues et particulièrement amicales. Mes chers amis, soyez les bienvenus ici au Sénat de la République française. (Nouveaux applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Loi de finances pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous allons commencer l'examen des missions.
Aide publique au développement
Compte spécial : « Prêts à des États étrangers »
Compte spécial : « Accords monétaires internationaux »
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission : « Aide publique au développement », du compte spécial : « Prêts à des États étrangers » et du compte spécial : « Accords monétaires internationaux ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec une part du revenu national brut de 0,42 % en 2007, la France ne respectera pas l'objectif fixé par le précédent président de la République d'un seuil de 0,5 % du RNB pour notre aide publique au développement, APD.
Toutefois, mes chers collègues, cette inflexion n'est pas propre à la France, puisque l'APD des membres de l'OCDE a diminué de 5 % en 2006 pour la première fois depuis dix ans. Les prévisions pour 2008 tablent sur une augmentation de près de 1 milliard d'euros de l'aide française, mais rien n'est moins sûr.
Baisse de l'aide, préoccupation moins marquée lors des sommets du G8, report de l'objectif de 0,7 % à une date lointaine, c'est-à-dire au moins 2015, essoufflement des initiatives d'annulations de dettes... Le contexte a bel et bien les apparences d'une fin de cycle. Pourtant, alors que nous sommes à mi-parcours de la trajectoire vers les Objectifs du millénaire pour le développement, OMD, nous savons déjà qu'il sera très difficile, voire impossible, de les remplir tous.
(Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, fait son entrée dans l'hémicycle.)
Madame le ministre, bonjour !
Les facilités internationales pour la vaccination et l'achat de médicaments et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, FMLSTP, auxquels la France contribue largement, donnent toutefois des raisons d'espérer sur les objectifs 4, 5 et 6, qui concernent la santé.
Comme vous le savez, la mission interministérielle que nous examinons aujourd'hui ne constitue qu'une fraction minoritaire de l'effort global d'APD notifié à l'OCDE. Elle en représenterait ainsi un peu plus du tiers en 2008. Une douzaine d'autres programmes budgétaires contribuent pour environ un tiers de l'APD, et le solde se répartit entre les prêts qui ne sont pas budgétairement comptabilisés, l'aide des collectivités territoriales, la quote-part du prélèvement sur recettes au profit du budget européen, et surtout, mes chers collègues, les annulations de dette, qui devraient encore s'élever à plus de 2 milliards d'euros, après 1,3 milliard d'euros en 2007.
L'aléa sur ces prévisions d'annulation demeure cependant élevé, j'ajouterai comme tous les ans, car elles concernent en priorité la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo. Or la situation politique instable a conduit à reporter les accords avec le FMI et les annulations de dette bilatérale, notamment dans le cadre des contrats de désendettement-développement, que l'on appelle aussi C2D. Messieurs les ministres, madame le ministre, le Gouvernement a-t-il à présent une vision plus claire de ces perspectives d'annulation ? Mais je ne lui en voudrai pas s'il me répond qu'il n'en sait rien, puisque cela ne dépend pas que de nous.
En outre, le financement des C2D est désormais intégralement débudgétisé, en particulier par prélèvement sur le résultat de l'Agence française de développement, AFD. Je ne suis pas certain que cette procédure, qui s'apparente un peu, et même beaucoup, à une contraction de recettes et de dépenses, soit bien conforme aux principes du droit budgétaire français, notamment de la loi organique relative aux lois de finances.
La complexité de la comptabilisation est une donnée structurelle de l'APD, mais je m'interroge sur plusieurs points.
Sur le plan de la « nomenclature LOLF », je pense que certaines actions devraient sortir de la mission APD, telles la promotion de la culture française, la francophonie multilatérale et les dotations à trois fonds de dépollution et sécurité nucléaires. Inversement, d'autres pourraient y figurer, comme la quote-part de subvention aux organismes de recherche. Où en sont les réflexions des ministères concernés ? J'écouterai avec attention ce que nous dira le Gouvernement à ce sujet.
Il subsiste de réelles zones d'ombre sur les critères de notification à l'OCDE de dépenses qui comptent pour une part substantielle dans l'APD : écolage et aide aux réfugiés, qui représentent 15 % de notre aide en 2008, prise en compte des dépenses de recherche, forte hausse de l'aide à Mayotte et Wallis-et-Futuna.
Les explications très sommaires ou inexistantes, tant dans le document de politique transversale que dans les réponses aux questionnaires budgétaires, créent un malaise. Ces instruments ne sont-ils pas un moyen commode de « gonfler » notre aide dans une logique d'affichage ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Tout à fait !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Les chiffres sont-ils fiables et conformes aux directives du Comité d'aide au développement, CAD, en particulier sur l'écolage ? Mes chers collègues, le Parlement doit en tout cas être mieux informé.
En termes d'organisation administrative et de mesure de l'impact de la politique d'APD, je relève les tendances suivantes.
Premièrement, la réduction et la clarification des intervenants de l'aide relevant pour l'instant de la gageure, les outils de pilotage et de coordination ont au moins été étoffés, ce qui était indispensable compte tenu du caractère fondamentalement interministériel de l'aide. Les documents-cadres de partenariat deviennent des instruments de référence, mais je m'interroge sur leur portée juridique et sur le respect de réelles priorités dans certains pays, par exemple à Madagascar.
Deuxièmement, l'externalisation auprès d'opérateurs publics est croissante et leurs relations avec le Quai d'Orsay sont de plus en plus structurées : regroupements d'organismes, par exemple au sein de CulturesFrance et de CampusFrance, conventions d'objectifs et de moyens, recours aux partenariats public-privé.
J'en tire au moins trois conclusions : l'AFD doit être juridiquement considérée comme un « opérateur LOLF » car elle l'est au moins dans les faits ; les subventions pour charges de service public aux opérateurs doivent être cohérentes avec l'augmentation du volume d'activités ; enfin, la Direction générale de la coopération internationale et du développement, DGCID, doit traduire dans son organisation et ses effectifs son recentrage sur des fonctions de stratégie, de pilotage et de coordination. C'est le sens d'ailleurs de deux des trois amendements que la commission des finances vous proposera tout à l'heure et qui sont relatifs à l'ADETEF, Assistance au développement des échanges en technologies économiques et financières, et au plafond d'emplois de la DGCID.
Troisièmement, la mesure de la performance s'est améliorée au niveau des administrations centrales, et les grands axes de la DGCID sont désormais beaucoup mieux restitués dans la présentation du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Il subsiste cependant des imperfections et incohérences, que je relève dans mon rapport.
De même, l'appropriation par le réseau culturel et de coopération est encore trop lente, même si le futur logiciel unique de gestion devrait contribuer à l'accélérer. Quand l'expérimentation actuelle pourra-t-elle être généralisée à l'ensemble des services de coopération et d'action culturelle, SCAC, afin que ceux-ci participent pleinement à la recherche, à la mesure et à la restitution de la performance ? C'est la question qui se pose.
Les canaux multilatéraux représentent une part importante de notre aide globale, plus d'un tiers en 2007. Cette fraction est de surcroît sous-évaluée en 2008, puisque la contribution au profit du FED me paraît sous-budgétisée à hauteur d'au moins 60 millions d'euros, chiffre qui a été vérifié avec le rapporteur général du budget puisque nous avions une petite différence d'appréciation à ce sujet. Les décaissements du Fonds européen de développement, FED, s'accélèrent de manière très sensible, et j'ai suffisamment critiqué son inertie dans le passé pour m'en réjouir aujourd'hui. Mais le FED n'agit trop souvent que comme un « sas » pour de nouveaux versements à des initiatives et fonds multilatéraux plutôt aveugles.
De même, le recours croissant à l'aide budgétaire est croissant. Certes, cette aide facilite l'harmonisation entre bailleurs et l'appropriation par le pays bénéficiaire, mais il y a deux écueils à éviter : les détournements faute d'une administration financière solide, et l'anonymat généralisé de l'aide, la dilution des apports de la France alors qu'on ne peut nier que l'APD est aussi un vecteur d'influence. En préalable de l'aide budgétaire, il y a donc la fiabilisation du contrôle financier et de la justice des pays aidés.
Je constate néanmoins que ce projet de budget ne sacrifie pas l'aide-projet, à laquelle, dans cette assemblée, nous demeurons très attachés, puisque c'est celle qui est visible sur le terrain et palpable par les bénéficiaires. L'AFD en est le principal attributaire, puisqu'elle bénéficie d'une hausse de ses subventions de près de 40 %, dans le cadre de ses nouveaux secteurs d'intervention et de son plan stratégique pour 2007-2011. Les administrateurs de l'Agence, à savoir le président Adrien Gouteyron et moi-même, s'en réjouissent !
Si j'approuve les principales orientations de ce plan, je maintiens que l'exposition croissante sur les pays émergents, tels que la Chine, l'Inde, le Brésil ou la Thaïlande, ne doit pas distraire l'Agence de son coeur de métier ni doublonner les instruments d'aide au commerce extérieur. Je serai donc, et la commission avec moi, particulièrement vigilant sur l'indépendance et les conclusions de l'évaluation qui sera conduite en 2008.
Pour terminer, je formulerai quelques observations sur le nouveau programme relatif au codéveloppement.
(Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, fait son entrée dans l'hémicycle.)
Je salue l'apparition dans ce débat de mon compatriote auvergnat M. le ministre Hortefeux.
J'avais souhaité la création du programme relatif au codéveloppement voilà quelques mois, au moment de la mise en place de son ministère.
À mon sens, cette approche du développement présente de nombreux avantages. Elle permet notamment de capitaliser sur les compétences des migrants, de les faire participer financièrement au développement de leur pays, de faire converger des intérêts des pays d'origine et d'accueil.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est du paternalisme auvergnat !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Pas du tout ! De grands Auvergnats ont contribué au développement de l'Afrique, madame !
Le programme budgétaire reçoit une dotation modeste, mais ses axes sont clairs et ses indicateurs peuvent encore être améliorés. Ce sera un succès ou un échec selon que le ministère chargé du codéveloppement saura travailler en étroite liaison avec le ministère de M. Bockel. Il serait en effet dramatique que, sur ces sujets-là, les deux ministères cherchent à se concurrencer ou à se lancer dans une compétition qui serait tout à fait fâcheuse. Nous verrons dans un an ce qu'il en est. Pour l'instant, il nous paraissait bon que chaque ministre dispose quand même de sa dotation propre en crédits.
En tant que membre de la commission des finances, je m'interroge également - le président Arthuis en a été témoin lorsque la commission de finances s'est penchée sur ce sujet - sur les perspectives du compte et du livret épargne codéveloppement.
Ces dispositifs sont techniquement bien calibrés, leur impact est certes positif en termes de communication, mais peut-on garantir que l'épargne ainsi constituée servira bien le développement ? En outre, la dépense fiscale correspondante devrait à mon sens être comptabilisée en aide publique au développement, car les niches fiscales ne sont pas indolores,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. ...elles constituent en réalité de véritables dépenses ! J'espère, madame, messieurs les ministres, que vous saurez faire les démarches nécessaires auprès du CAD pour que l'on parvienne à inclure cette niche fiscale dans nos dépenses d'APD.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quelle sagesse !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Sous le bénéfice de ces observations - que je ne compléterai pas en ce qui concerne les deux comptes spéciaux, puisqu'ils n'appellent pas d'autres observations particulières que celles qui figurent dans mon rapport et auxquelles je vous renvoie -, la commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, de voter les crédits de cette mission et ceux des deux comptes spéciaux qui lui sont liés, sous réserve des amendements que la commission a approuvés et que j'aurai l'honneur de vous présenter tout à l'heure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen de la mission « Aide publique au développement » recouvre aussi, bien que cela soit loin d'être évident, des crédits consacrés à la francophonie, qui sont inscrits en partie au sein du programme « Solidarité à l'égard des pays en développement », et en partie dans les missions « Action extérieure de l'État », « Culture » et « Médias ». C'est une première difficulté, sur laquelle je reviendrai.
Globalement, l'effort financier de la France en faveur de la francophonie demeure important en 2008. Il est proche du niveau des années précédentes, et je m'en réjouis.
Ainsi, 58,4 millions d'euros sont consacrés à l'organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs, ce qui démontre la constance de l'engagement français.
Plus de 15 millions d'euros sont inscrits dans la sous-action « Langue française et diversité linguistique » du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État ». Ils seront en particulier utilisés pour mettre en oeuvre le plan de relance du français, notamment en Europe, qui est, selon moi, un axe essentiel de notre politique francophone.
TV5 Monde bénéficie d'une légère hausse de ses crédits, qui sont portés à 65,7 millions d'euros sur le budget de l'État, un dégel récent étant en outre intervenu pour pallier les difficultés. C'est la chaîne de la francophonie, et il faut la soutenir !
Les crédits de la délégation générale à la langue française et aux langues de France sont, quant à eux, maintenus autour de 4 millions d'euros.
En dépit de ces enveloppes satisfaisantes, l'examen des crédits de la francophonie pour 2008 provoque chez moi une certaine impression de déjà vu. En effet, la France, année après année, consacre des sommes importantes à une politique qu'elle pilote mal et dont elle ne semble pas toujours convaincue.
Les majorités changent ; les gouvernements changent ; mais la responsabilité du domaine de la francophonie continue à être confiée à un secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération et de la francophonie.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. C'est vrai !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Est-ce bien pertinent ? Comme les années précédentes, je répéterai que je ne le crois pas. La coopération et la francophonie ne concernent pas les mêmes pays. D'une part, ce n'est pas la même géographie et, d'autre part, l'histoire et la force des choses condamnent le secrétaire d'État à s'occuper, pour l'essentiel, de la coopération. Je ne vous en fais pas grief, monsieur le secrétaire d'État, je ne vous intente pas non plus un procès d'intention, mais vous ne disposez pas d'une autorité directe et totale sur la direction générale de la coopération internationale et du développement,...
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. ...qui dispose de l'essentiel des moyens. Il est par ailleurs difficile de mener une action concertée avec le ministère de la culture, qui a la responsabilité de la langue française en France. Par conséquent, les secrétaires d'État qui se succèdent, y compris ceux qui sont connus pour leur engagement en faveur de la francophonie, ont du mal à piloter des projets dans une telle situation.
Je répète donc, une fois de plus, qu'un vrai changement nécessiterait de réunir dans une même main les relations culturelles extérieures, la francophonie et l'audiovisuel extérieur de la France, au sein du ministère chargé des affaires étrangères.
Rien n'a bougé non plus quant à l'idée que l'on se fait de la francophonie. Elle attire chaque année des pays supplémentaires. Mais jusqu'où irons-nous dans cette expansion ?
Je considère que la vision de la francophonie à travers le prisme étatique est insuffisante : la francophonie a vocation à concerner le monde entier, parce qu'il y a partout sur la planète des hommes et des femmes qui aiment la langue française, qui la pratiquent, qui souhaitent échanger en français, lire des journaux ou des livres français. La francophonie est ainsi, avant tout, une notion linguistique. Privilégions donc la notion de réseau mondial, plutôt que ce rassemblement d'États plus ou moins francophones.
Ce fut par ailleurs un beau combat que celui auquel a contribué le monde francophone en faisant adopter par l'UNESCO une convention en faveur de la diversité culturelle, et donc linguistique. Mais nous n'en tirons pas toutes les conséquences. Pour défendre la diversité culturelle et linguistique, il faut veiller à ce que les langues gardent la capacité à exprimer les réalités du xxie siècle. Sommes-nous, sur ce point, suffisamment vigilants ?
Nous nous résignons à ce que le français soit de moins en moins utilisé dans le domaine des sciences. Croit-on vraiment - c'est à mon avis un point essentiel - qu'une langue qui n'est plus employée pour exprimer la création nouvelle, la découverte, la modernité, peut rester une langue dont le rayonnement est mondial ? Le débat sur le protocole de Londres a montré que cette évidence est loin d'être toujours comprise.
Beaucoup de Français, surtout ceux qui ont des responsabilités, semblent se résigner au repli de l'usage du français sur la sphère privée. Le prétexte du coût des traductions est souvent mis en avant. Oui, la traduction a un coût, mais il n'est pas aussi élevé qu'on veut bien le dire. Et le recours à la traduction, avec l'apprentissage des langues étrangères, est la seule façon de permettre aux langues de s'exprimer sur tout et de favoriser un véritable dialogue entre les différentes aires linguistiques.
Parce que j'aime et respecte le français, j'aime et respecte toutes les langues : je fais donc le choix d'un monde qui traduit, et c'est dans ce monde-là que la francophonie peut trouver sa raison d'être.
En conclusion, en dépit des réserves que j'ai émises quant à l'absence de vision stratégique de l'action francophone, notamment, la commission des affaires culturelles est favorable à l'adoption de ces crédits, dont le montant, je le répète, est globalement satisfaisant.
Je vous poserai enfin trois questions, monsieur le secrétaire d'État.
Où en est le projet de la Maison de la francophonie, dont les problèmes ne doivent pas être imputés aux services chargés de la francophonie ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bon sujet !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Où en est le chantier de la réforme de l'audiovisuel extérieur et quelle est votre ambition pour TV5 Monde ?
Enfin, le Gouvernement va-t-il inciter l'Assemblée nationale à examiner enfin la proposition de loi de notre excellent collègue Philippe Marini, par ailleurs rapporteur général, adoptée à l'unanimité par le Sénat, qui compléterait heureusement la loi Toubon ? Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de nous apporter des éclaircissements sur ces points. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Devant notre commission, monsieur le secrétaire d'État, vous avez utilisé l'expression « pause dynamique » pour qualifier l'évolution de l'aide française au développement. Après cinq années de progression, cette aide se stabilise en effet cette année, pour la première fois depuis longtemps.
L'objectif d'y consacrer 0,7 % de notre richesse nationale reste cependant notre horizon, le Président de la République s'y est engagé, et cet engagement sera tenu. Mais, dans l'immédiat, cette « pause dynamique » nous oblige à faire des choix pour respecter notre impératif d'efficacité.
Nous devons d'abord faire un choix d'organisation : depuis 1998, notre dispositif d'aide est sans cesse revu, toujours dans l'attente d'une réforme ultérieure. Nous devons le stabiliser, conforter les personnels qui le servent et donner une vision claire à tous.
Nous devons ensuite faire un choix géographique : la France ne peut pas tout faire partout. L'urgence est en Afrique et les attentes à l'égard de notre pays sont en Afrique francophone. Concentrons donc nos moyens ; choisissons les secteurs où nous sommes les plus efficaces et les plus demandés.
Il faut enfin effectuer des choix stratégiques, s'agissant des instruments à mettre en oeuvre pour obtenir les résultats attendus.
Ne l'oublions pas, nos contributions multilatérales ne doivent pas répondre à une simple logique de dépense. Ne cédons pas à la facilité de faire des chèques, mais demandons-nous ce que nous attendons exactement de telle ou telle institution. Quelle est celle qui sera la plus positive, la plus réaliste, la plus performante ?
À cet égard, il n'est pas certain que notre contribution au FED, le Fonds européen de développement, soit suffisante : elle pourrait atteindre plus de 860 millions d'euros si la Commission européenne n'accède pas à la demande de lissage sur plusieurs années que les gouvernements allemand et français ont formulée devant la véritable envolée des contributions. Je souhaiterais que vous nous indiquiez, monsieur le secrétaire d'État, quel accueil a été réservé par la Commission européenne à cette demande.
Dans le même esprit, il serait à tout le moins paradoxal d'augmenter nos contributions volontaires avant l'aboutissement des réformes du système de développement des Nations unies et d'affranchir, dans cette période de difficultés budgétaires pour la France, les organisations multilatérales de la rigueur à laquelle nous soumettons nos propres instruments.
Tout effort supplémentaire devrait s'effectuer au sein même de l'enveloppe multilatérale actuelle, sous peine de mettre en péril nos instruments bilatéraux.
En effet, la préservation des instruments de l'aide-projet ne s'effectue, comme dans le budget de 2007, qu'au prix d'une sollicitation de la totalité du résultat de l'Agence française de développement, l'AFD. Notre budget peine à dégager de l'argent « frais » pour l'aide bilatérale, et ce sont les intérêts des prêts de l'Agence qui financent les subventions.
Je ne suis pas hostile à cette forme de recyclage de l'argent du développement, au contraire, et je ne peux qu'apprécier une fois de plus la parfaite gestion de l'AFD et la qualité de cette direction. Mais justement, pour cette raison, je vous invite à la vigilance pour tout ce que nous demandons actuellement à l'Agence, en nous fondant sur son bilan et en ayant l'impression que ses possibilités sont inépuisables.
L'Agence doit pouvoir prendre des risques, ce qu'elle s'apprête à faire en intervenant de nouveau sur prêts dans le cadre d'une ambitieuse stratégie pour l'Afrique. Mais n'oublions pas que le rôle de l'AFD sera non seulement précieux, mais également indispensable dans le développement de l'union des pays riverains de la Méditerranée, union que la France s'efforce de promouvoir. Nous devons conserver ce point en mémoire et ne pas hypothéquer l'avenir.
Cela étant dit, le déclin de nos instruments bilatéraux, qui semblait inexorable, est enrayé : les crédits progressent de 9,4 %, et il importe donc désormais de renouer avec une stratégie offensive en matière d'assistance technique. Les coopérants ne font pas obstacle, bien au contraire, à une démarche de partenariat : ils sont désormais recrutés et payés par les pays bénéficiaires. Il y a un grand besoin de renforcement des capacités en Afrique, et le nombre d'assistants techniques devrait être augmenté ; c'est la condition même d'une absorption utile de l'aide et ce serait une faute d'en priver nos partenaires.
Telles sont, madame le ministre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, les principales observations de la commission des affaires étrangères. Certes, les crédits n'augmentent pas, mais les orientations sont positives. Elles devront être confortées, au service d'une vision claire des besoins et d'une vraie stratégie.
La tâche est gigantesque, mais passionnante, car il faut souligner que nous sommes désormais sortis de la phase d'ajustement structurel en Afrique. Il y a actuellement place pour un nouvel élan, une nouvelle ambition. Il convient maintenant d'optimiser la « pause dynamique » que vous avez évoquée, monsieur le secrétaire d'État, afin de la rendre réellement dynamique. C'est dans cet esprit que la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable sur l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Georges Othily applaudit également.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, la mondialisation, c'est plus d'échanges de toutes sortes dans le monde. Cela ne signifie pas pour autant, loin s'en faut, moins de conflits et moins d'inégalités. Organiser les solidarités à l'échelle de la planète, en particulier en direction des pays du Sud, c'est une responsabilité qui nous incombe, avec d'autres, mais sans doute aussi plus qu'à d'autres, en raison de notre histoire, du poids de la France et de l'Europe.
La politique française en faveur du développement devrait traduire en actes cette priorité. Or le budget de la mission « Aide Publique au développement », que le Gouvernement nous présente aujourd'hui, constitue à mes yeux une révision à la baisse de cette ambition.
Je souhaite évoquer plusieurs points qui posent particulièrement problème : l'abandon d'objectifs chiffrés qui engageaient la France, le gonflement artificiel de l'aide multilatérale au détriment de l'aide bilatérale, l'insuffisant soutien aux ONG, les organisations non gouvernementales, et le nouveau programme « Codéveloppement », qui risque fort de ressembler à un faux nez.
Je commencerai par les objectifs abandonnés ou différés.
La France s'était engagée à atteindre l'objectif de consacrer au moins 0,7 % de sa richesse nationale à l'Aide publique au développement d'ici à 2012. Depuis 2005, cet objectif a déjà été revu à la baisse, puisque, avec nos partenaires européens, il a été repoussé à 2015. Le Président Sarkozy a confirmé cet engagement à l'occasion du dernier sommet du G8. Cette annonce repousse encore de trois ans, donc au prochain quinquennat, l'atteinte d'un objectif pourtant adopté par la communauté internationale voilà déjà plus de trente ans. Au rythme actuel, je ne vois pas comment nous parviendrons à tenir effectivement cette échéance.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. On n'y arrive pas !