M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n'est pas réellement favorable à cet amendement, pour un certain nombre de raisons.
En l'espèce, on est en train de construire une niche sur des niches existantes que sont les GFA. On ouvre, en quelque sorte, des poupées russes de niches fiscales ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut voir la pureté des intentions !
M. Éric Woerth, ministre. Je ne mets pas en doute cette pureté, monsieur le rapporteur général ! Cela étant, je ne cherche ni la pureté fiscale absolue, ni la manière de construire le plus magnifique édifice fiscal qui soit !
D'abord, le dispositif proposé serait peut-être une façon de créer encore un peu plus de spéculation autour des terres agricoles, à travers l'investissement.
Ensuite, je voudrais rappeler tout de même les avantages dont bénéficient déjà de nombreux groupements agricoles. Ils profitent de dispositions avantageuses qui concernent, en particulier, la détention à long terme des terres agricoles ; d'exonérations - totales ou partielles - portant sur l'impôt de solidarité sur la fortune, à quoi il faut ajouter les exonérations de taxe de publicité foncière, prévues en faveur des biens ruraux loués par bail à long terme, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'un GFA.
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet !
M. Éric Woerth, ministre. Les GFA bénéficient également d'une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit et de modalités de taxation réduite pour les droits d'enregistrement, lorsqu'il y a cession ou partage des parts de ces groupements par les associés.
Par conséquent, il existe déjà un environnement fiscal extrêmement favorable aux GFA, ce qui est d'ailleurs bien naturel et ce que nous ne contestons absolument pas. Pour autant, il ne paraît pas utile d'ajouter un nouvel avantage fiscal, d'autant qu'il produirait peut-être des effets directs exactement inverses de ceux qui étaient souhaités.
Je vous demanderai donc, monsieur Gautier de bien vouloir retirer l'amendement n° I-30, faute de quoi je devrais en demander le rejet.
En revanche, je prends devant vous un engagement : si vous le souhaitez, nous pouvons travailler ensemble sur la problématique très spécifique évoquée à travers votre amendement, afin que regardions si elle peut s'inscrire d'une manière quelconque dans les dispositifs globaux qui existent déjà pour les GFA.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais saluer la réponse que vient d'apporter M. le ministre. Elle sonne très agréablement à mes oreilles ! En effet, je crois vraiment que nous avons fait le plein en matière de spécificité fiscale !
Si l'on veut permettre à de jeunes agriculteurs de s'installer dans de bonnes conditions, il faut éviter tout risque de renchérissement des terres. Or, on connaît déjà, aujourd'hui, une spéculation sur la valeur des biens immobiliers entraînant une inflation des actifs, ce qui peut être très préjudiciable.
Ma conviction est que tout avantage fiscal supplémentaire sera un facteur de renchérissement du prix. Par conséquent, ce n'est pas ainsi que l'on atteindra l'objectif qui est le nôtre.
Je voudrais profiter de cette occasion pour lancer un appel à tous les professionnels de l'imagination fiscale : les temps ont changé ! Nous devons mieux équilibrer les finances publiques et combattre les niches fiscales. Je crois donc qu'ils vont devoir prendre en compte ces données nouvelles.
J'invite tous ceux qui travaillent auprès des organisations professionnelles à réorienter leur travail et à se montrer moins imaginatifs en ce qui concerne la conception de nouvelles niches. Nous sommes à présent engagés dans un « rétropédalage », qui ne permet plus ce type d'inventions.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes tout de même bien sévère !
M. le président. Monsieur Gautier, l'amendement n° I-30 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jacques Gautier. Face à cette montée au créneau du ministre, du rapporteur général et du président de la commission, il est bien évident que je retire mon amendement.
Je rappellerai tout de même que l'installation des jeunes agriculteurs reste un problème auquel il nous faut répondre.
M. le président. L'amendement n° I-30 rectifié bis est retiré.
Article 5
I. - Après l'article 1691 du code général des impôts, il est inséré un article 1691 bis ainsi rédigé :
« Art. 1691 bis. - 1. Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement :
« 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ;
« 2° De la taxe d'habitation lorsqu'ils vivent sous le même toit.
« 2. 1° Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au 1 ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B lorsque, à la date de la demande :
« a) Le jugement de divorce ou de séparation de corps a été prononcé ;
« b) La déclaration conjointe de dissolution du pacte civil de solidarité établie par les partenaires ou la signification de la décision unilatérale de dissolution du pacte civil de solidarité de l'un des partenaires a été enregistrée au greffe du tribunal d'instance ;
« c) Les intéressés ont été autorisés à avoir des résidences séparées ;
« d) L'un ou l'autre des époux ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité a abandonné le domicile conjugal ou la résidence commune.
« 2° La décharge de l'obligation de paiement est accordée en cas de disproportion marquée entre le montant de la dette fiscale et, à la date de la demande, la situation financière et patrimoniale, nette de charges, du demandeur. Elle est alors prononcée selon les modalités suivantes :
« a) Pour l'impôt sur le revenu, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt sur le revenu établie pour la période d'imposition commune et la fraction de cette cotisation correspondant aux revenus personnels du demandeur et à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité.
« Pour l'application du présent a, les revenus des enfants mineurs du demandeur non issus de son mariage avec le conjoint ou de son union avec le partenaire de pacte civil de solidarité sont ajoutés aux revenus personnels du demandeur ; la moitié des revenus des enfants mineurs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité est ajoutée à la moitié des revenus communs.
« Les revenus des enfants majeurs qui ont demandé leur rattachement au foyer fiscal des époux ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité, ainsi que ceux des enfants infirmes, sont pris en compte dans les conditions définies à l'alinéa précédent.
« La moitié des revenus des personnes mentionnées au 2° de l'article 196 ainsi qu'à l'article 196 A bis est ajoutée à la moitié des revenus communs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité ;
« b) Pour la taxe d'habitation, la décharge est égale à la moitié de la cotisation de taxe d'habitation mise à la charge des personnes mentionnées au 1 ;
« c) Pour l'impôt de solidarité sur la fortune, la décharge est égale à la différence entre le montant de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune dû par les personnes mentionnées à l'article 1723 ter-00 B et la fraction de cette cotisation correspondant à l'actif net du patrimoine propre du demandeur et à la moitié de l'actif net du patrimoine commun du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité.
« Pour l'application du présent c, le patrimoine des enfants mineurs du demandeur non issus de son mariage avec le conjoint ou de son union avec le partenaire de pacte civil de solidarité est ajouté au patrimoine propre du demandeur ; la moitié du patrimoine des enfants mineurs du demandeur et de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité est ajoutée à la moitié du patrimoine commun ;
« d) Pour les intérêts de retard et les pénalités mentionnées aux articles 1727, 1728, 1729, 1732 et 1758 A consécutifs à la rectification d'un bénéfice ou revenu propre au conjoint ou au partenaire de pacte civil de solidarité du demandeur, la décharge de l'obligation de paiement est prononcée en totalité. Elle est prononcée, dans les autres situations, dans les proportions définies respectivement au a pour l'impôt sur le revenu, au b pour la taxe d'habitation et au c pour l'impôt de solidarité sur la fortune.
« 3° Le bénéfice de la décharge de l'obligation de paiement est subordonné au respect des obligations déclaratives du demandeur prévues par les articles 170 et 855 W à compter de la date de la fin de la période d'imposition commune.
« 3. L'application des dispositions du 2 ne peut donner lieu à restitution. »
II. - Le 2 de l'article 1691 bis du code général des impôts est applicable aux demandes en décharge de l'obligation de paiement déposées à compter du 1er janvier 2008.
Les articles 1685 et 1685 bis du même code sont abrogés à compter de la même date.
M. le président. L'amendement n° I-5, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Remplacer le dernier alinéa (3) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 1691 bis du code général des impôts par trois alinéas ainsi rédigés :
« 3. Les personnes en situation de gêne et d'indigence qui ont été déchargées de l'obligation de paiement d'une fraction des impôts, conformément au 2, peuvent demander à l'administration de leur accorder une remise totale ou partielle de la fraction des impositions mentionnées aux 1° et 2° du 1 restant à leur charge.
« Pour l'application de ces dispositions, la situation de gêne et d'indigence s'apprécie au regard de la seule situation de la personne divorcée ou séparée à la date de demande de remise.
« 4. L'application des 2 et 3 ne peut donner lieu à restitution. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État de la possibilité d'accorder des remises gracieuses aux personnes en situation de gêne et d'indigence est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article dont nous abordons l'examen vise à instituer un véritable droit de décharge de responsabilité solidaire entre époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, en cas de divorce ou de séparation.
L'amendement que j'ai le plaisir de vous présenter prévoit que, outre la décharge de responsabilité solidaire, les personnes en situation de gêne ou d'indigence puissent bénéficier d'une remise gracieuse pour le paiement des dettes fiscales issues de la communauté de vie avec l'ancien conjoint ou partenaire.
Parmi les impositions pouvant faire l'objet d'une décharge de responsabilité solidaire, l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation peuvent donner lieu à des remises gracieuses. Le dispositif de remise gracieuse qui est ici proposé porte ainsi sur l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui a le mérite de clarifier la situation. Il s'agit d'un complément utile à la décharge de responsabilité solidaire.
Je donne donc mon accord et je lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-5 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-4, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter le 2 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 1691 bis du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« La décharge de l'obligation de paiement ne peut pas être accordée lorsque le demandeur et son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité se sont frauduleusement soustraits, ou ont tenté de se soustraire frauduleusement, au paiement des impositions mentionnées aux 1° et 2° du 1 ainsi qu'à l'article 1723 ter-00 B, soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant obstacle, par d'autres manoeuvres, au paiement de l'impôt. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement tend à exclure du champ des bénéficiaires de cet article les personnes qui se sont frauduleusement soustraites au paiement de l'impôt, ou qui ont tenté de le faire, soit en organisant leur insolvabilité, soit en faisant plus généralement obstacle au paiement des impositions qui leur incombent.
Vous reconnaîtrez là, monsieur le ministre, le civisme fiscal de la commission des finances du Sénat ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je ne vous étonnerai certainement pas en vous disant que je trouve cette clause « anti-abus » bien rédigée et tout à fait nécessaire.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels avant l'article 6
M. le président. L'amendement n° I-188, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts, le pourcentage : « 60 % » est remplacé par le pourcentage : « 70 % ».
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur la question du traitement des revenus de dividendes dans le cadre de l'impôt sur le revenu.
Comme vous le savez, la disparition de l'avoir fiscal et son remplacement par un crédit d'impôt de 40 % du montant des revenus concernés ont occasionné une modification de l'assiette de l'impôt sur le revenu et, en même temps, favorisé, pour partie, le dynamisme relatif de son rendement ces dernières années.
Mais le système dont bénéficient les dividendes, et qui fait l'objet de l'article 6 que nous allons examiner ensuite, est encore d'un coût fiscal important. On estime, en effet, ce coût à 1,79 milliard d'euros en 2008, ce qui représente plus, par exemple, que ce que le Trésor public collecte au titre de l'impôt sur le revenu pour l'ensemble des contribuables du département du Val-de-Marne.
Nous estimons donc qu'il convient de procéder à une réduction de l'avantage fiscal procuré aux détenteurs d'actions par l'article 158 du code général des impôts. Une prise en compte plus importante de ces revenus dans le revenu global est une des clés de l'équité fiscale qu'il nous semble utile, aujourd'hui, de mettre en oeuvre.
C'est dans le souci d'améliorer la collecte de l'impôt et la justice sociale, et de déterminer de nouvelles ressources pour l'action publique que nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, comment faire ?... (Sourires.)
Vous souhaitez taxer différemment les dividendes d'une entreprise selon que son siège se trouve ou non en France. On peut comprendre votre raisonnement, mais ce que vous proposez est totalement contraire aux règles communautaires ainsi qu'à la réalité internationale.
Une telle discrimination fiscale n'est même pas pensable. Je ne peux malheureusement rien vous répondre d'autre ! Par conséquent, comme vous vous en doutez, l'avis de la commission ne peut être que défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Défavorable, bien évidemment.
Cet amendement porte sur la fiscalité des petits épargnants. Le niveau actuel de l'abattement a été calculé et précisé pour répondre à une situation simple. Sa justification l'est tout autant : il est proportionnel parce qu'il permet d'atténuer la double imposition économique des dividendes.
Nous ne sommes donc pas favorables à ce que le taux d'abattement soit revu comme vous le proposez.
M. le président. L'amendement n° I-130, présenté par MM. Marc, Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 209 quinquies du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cet agrément est délivré après information des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et des autres commissions concernées ».
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Il s'agit, par cet amendement, d'évoquer le régime du bénéfice mondial consolidé.
Chacun sait que, en ce qui concerne la consolidation, il existe ce que j'appellerais des procédures de consolidation « passive », qui reposent sur une dynamique comptable raisonnable, et des consolidations « actives », reposant sur une stratégie d'optimisation fiscale.
Ce dernier type de stratégie peut, certes, reposer sur des opérations parfaitement vertueuses, mais ce n'est pas toujours le cas. C'est la raison pour laquelle il est important que le Parlement puisse avoir un droit de regard sur ces opérations. Tel est l'objet de cet amendement.
En effet, le régime du bénéfice mondial consolidé est actuellement accordé dans la plus grande opacité à certaines sociétés, auxquelles il permet de bénéficier d'un traitement fiscal favorable, puisqu'elles peuvent consolider les déficits et les bénéfices résultant de l'ensemble de leurs opérations dans le monde entier. Ainsi - et c'est bien l'effet qu'elles souhaitent - leurs bénéfices imposables en France se trouvent sensiblement réduits.
Il s'agit donc, par le présent amendement, d'une part, d'obtenir une plus grande transparence sur ces opérations et, d'autre part, de répondre par la même occasion au souhait - partagé par la plupart des instances politiques de notre pays -de voir revaloriser le rôle du Parlement.
Nous proposons, pour limiter l'opacité que j'ai évoquée, que les commissions des finances des deux assemblées, ainsi que les autres commissions éventuellement concernées, soient systématiquement informées avant la délivrance aux entreprises de l'agrément ministériel ouvrant droit à ce régime.
Il s'agit donc non pas de peser sur la décision conduisant à accorder l'agrément, mais, par ce droit de regard accordé au Parlement sur les modalités de consolidation du bénéfice mondial, d'encourager les entreprises à faire preuve, sur ce plan, de vertu dans leur gouvernance.
Je crois que cet amendement répond à une attente réelle et légitime. Bien entendu, le contrôle pourrait intervenir a posteriori, mais le seul fait de savoir qu'il peut s'exercer a priori nous semble être de nature à favoriser les pratiques vertueuses.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit là de la question des conditions d'exercice d'une compétence appartenant au Gouvernement. (M. François Marc acquiesce.)
L'agrément ouvrant droit au régime du bénéfice mondial consolidé est bien, en effet, une décision de caractère réglementaire, puisqu'il est délivré par le ministre de l'économie et des finances.
Nos collègues du groupe socialiste voudraient qu'en amont de cet agrément - donc d'une décision administrative - les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat jouent un rôle, ou, en tout cas, soient informées
.
Cette proposition ne saurait être acceptée, car elle introduit une confusion entre les pouvoirs. Les commissions des finances des assemblées sont avant tout des instances de préparation de la législation, mes chers collègues. Or nous sommes ici dans le domaine réglementaire et même, plus précisément, dans celui de la préparation des décisions de caractère individuel qui crée des droits pour tel ou tel agent économique bien identifié.
La commission considère que ce n'est pas le rôle d'une commission des finances que d'être saisie d'informations préalables dans le cadre d'une procédure d'agrément en cours.
Par ailleurs, nous continuons à penser que le régime du bénéfice mondial consolidé est utile et efficace pour les groupes français fortement nationalisés dont les centres de décision sont en France.
Ce régime du bénéfice consolidé peut très bien être considéré comme un atout pour la localisation du siège d'un groupe en France, dans la mesure où il permet de faire masse de l'ensemble des résultats fiscaux réalisés sur les différents territoires où le groupe est implanté dans le monde.
La vision que reflètent cet amendement et la présentation qui en a été faite renforcent la commission dans ce sentiment quelque peu critique, car ce régime joue et peut jouer encore un rôle tout à fait significatif en termes de compétitivité.
Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement ne peut qu'abonder dans le sens de la commission des finances. Je le dis devant Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, il s'agit d'un régime important qui permet d'accroître la compétitivité et l'attractivité de la France. Il faut évidemment qu'il continue d'en aller ainsi.
Par ailleurs, ne mélangeons pas les genres, au risque sinon de ne plus rien y comprendre : la délivrance d'un agrément fiscal relève clairement du pouvoir exécutif et, plus précisément, monsieur le rapporteur général, du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et non pas de celle la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, ici présente. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout cela est parfois difficile à suivre, et un peu contingent !
M. Éric Woerth, ministre. La procédure ici proposée, si elle était adoptée, allongerait les délais et ne serait pas très efficace.
Je rappelle que l'agrément est accordé non pas sur la bonne mine des dirigeants de la société, mais après que des conditions très précises ont été respectées.
M. Alain Lambert. C'est le parcours du combattant !
M. Éric Woerth, ministre. Exactement ! À la base, les sociétés bénéficiaires doivent tenir des engagements techniques précis, puis elles doivent recueillir l'avis du comité des investissements à caractère économique et social, le tout étant bien évidemment très encadré.
J'ajoute que, dans le tome relatif à l'évaluation des voies et moyens, figure une liste très complète et précise de la dépense fiscale correspondante. Ces données sont donc communiquées au Parlement.
Si le président de la commission des finances du Sénat et son homologue de l'Assemblée nationale souhaitent savoir a posteriori, en fin d'année, quels sont les agréments qui ont été accordés et quels sont ceux qui ont été renouvelés, je n'y vois pas d'inconvénient particulier,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une bonne idée !
M. Éric Woerth, ministre. ... à condition que cela se fasse dans le respect du secret fiscal, bien entendu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur l'amendement n° I-130.
M. François Marc. L'objet de cet amendement ne doit pas être détourné. Sa formulation est précise et sans ambiguïté : il s'agit bien de fournir des informations sur un dispositif qu'il n'est pas question de remettre en question. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous aurez certainement bien compris que, dans notre esprit, il s'agit de faire en sorte que le Parlement dispose de la meilleure information possible.
M. François Marc. Si M. le ministre s'engage à ce que le Parlement soit informé, en fin d'année, sur les demandes qui ont été examinées et sur les agréments qui ont été délivrés, une bonne partie de nos exigences seront satisfaites et, dans ces conditions, cet amendement peut être retiré.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. L'amendement n° I-130 est retiré.
Article 6
I. - Après l'article 117 ter du code général des impôts, il est inséré un article 117 quater ainsi rédigé :
« Art. 117 quater. - I. - 1. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui bénéficient de revenus éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 peuvent opter pour leur assujettissement à un prélèvement au taux de 18 %, qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu.
« Pour le calcul de ce prélèvement, les revenus mentionnés au premier alinéa sont retenus pour leur montant brut. L'impôt retenu à la source est imputé sur le prélèvement, dans la limite du crédit d'impôt auquel il ouvre droit et tel qu'il est prévu par les conventions fiscales internationales.
« 2. L'option prévue au 1 ne s'applique pas :
« a) Aux revenus qui sont pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, ou d'une profession non commerciale ;
« b) Aux revenus payés à des personnes détenant, directement ou indirectement, avec leurs conjoints, leurs ascendants et descendants, plus de 25 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société distributrice, à un moment quelconque au cours des cinq années précédant le paiement des revenus ;
« c) Aux revenus afférents à des titres détenus dans un plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D.
« II. - Lorsque la personne qui assure le paiement des revenus pour lesquels le contribuable opte pour le prélèvement prévu au I est établie en France, les revenus sont déclarés et le prélèvement correspondant est opéré et acquitté par ladite personne dans les délais prévus à l'article 1671 C.
« L'option pour le prélèvement est exercée par le contribuable au plus tard lors de l'encaissement des revenus ; elle est irrévocable pour cet encaissement.
« III. - 1. Lorsque la personne qui assure le paiement des revenus pour lesquels le contribuable opte pour le prélèvement prévu au I est établie hors de France, les revenus sont déclarés et le prélèvement correspondant est acquitté dans les délais prévus à l'article 1671 C :
« a) Soit par le contribuable lui-même ;
« b) Soit par la personne qui assure le paiement des revenus, lorsqu'elle est établie dans un État membre de la Communauté européenne, ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, et qu'elle a été mandatée à cet effet par le contribuable.
« L'option pour le prélèvement s'exerce par le dépôt de la déclaration des revenus concernés et le paiement du prélèvement correspondant ; elle est irrévocable pour cette déclaration.
« 2. Lorsque la déclaration prévue au 1 et le paiement du prélèvement correspondant sont effectués par la personne qui assure le paiement des revenus, elle est établie au nom et pour le compte du contribuable.
« 3. L'administration fiscale peut conclure, avec chaque personne mentionnée au b du 1 et mandatée par des contribuables pour le paiement du prélèvement, une convention établie conformément au modèle délivré par l'administration, qui organise les modalités du paiement de ce prélèvement pour l'ensemble de ces contribuables.
« 4. À défaut de réception de la déclaration et du paiement du prélèvement dans les conditions prévues au 1, les revenus sont imposables à l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun.
« 5. Le contribuable produit à l'administration fiscale, sur sa demande, les renseignements nécessaires à l'établissement du prélèvement.
« IV. - Le prélèvement prévu au I est contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A. »
I bis. - Dans les 1°, 1° bis, 6°, 7°, 8° et 9° du III bis de l'article 125 A et le premier alinéa du I de l'article 125 C du même code, le taux : « 16 % » est remplacé par le taux : « 18 % ».
II. - Dans le II de l'article 154 quinquies du même code, les mots : « du I de l'article L. 136-7 du même code n'ayant pas fait l'objet du prélèvement prévu à l'article 125 A » sont remplacés par les mots : « et au 1° du I de l'article L. 136-7 du même code n'ayant pas fait l'objet des prélèvements prévus aux articles 117 quater et 125 A ».
III. - Le 3 de l'article 158 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le 1°, les mots : « le prélèvement visé à l'article 125 A » sont remplacés par les mots : « les prélèvements visés aux articles 117 quater et 125 A » ;
2° Dans le 2°, les mots : « retenus, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, pour 60 % de leur montant » sont remplacés par les mots : « réduits, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, d'un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu » ;
3° Le 3° est complété par un f ainsi rédigé :
« f) Aux revenus, autres que ceux mentionnés au b du 2 du I de l'article 117 quater, lorsque, au cours de la même année, le contribuable a perçu des revenus sur lesquels a été opéré le prélèvement prévu à ce même article 117 quater. »
IV. - Dans le troisième alinéa du 1 de l'article 170 du même code, les mots : « à compter du 1er janvier 1999 » sont supprimés et les mots : « à l'article 125 A » sont remplacés par les mots : « aux articles 117 quater et 125 A ».
V. - Après le deuxième alinéa du 1 de l'article 187 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 18 % pour les revenus de la nature de ceux éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 lorsqu'ils bénéficient à des personnes physiques qui ont leur domicile fiscal hors de France dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale ; ».
VI. - Après le premier alinéa du 1 de l'article 200 septies du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce crédit d'impôt n'est pas applicable aux revenus sur lesquels a été opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater. »
VII. - Dans le c du 1° du IV de l'article 1417 du même code, la référence : « à l'article 125 A » est remplacée par les références : « aux articles 117 quater et 125 A ».
VIII. - Le quatrième alinéa du I de l'article 1600-0 G du même code est complété par les mots : «, ainsi que, pour les revenus de capitaux mobiliers, des dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu ».
IX. - Après l'article 1671 B du même code, il est inséré un article 1671 C ainsi rédigé :
« Art. 1671 C. - Le prélèvement visé à l'article 117 quater est versé au Trésor dans les quinze premiers jours du mois qui suit celui du paiement des revenus et sous les mêmes sanctions que la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis. Toutefois, ces sanctions ne sont pas applicables au prélèvement dû dans les conditions du III du même article 117 quater.
« Le prélèvement ne peut être pris en charge par le débiteur. »
X. - Le 1 de l'article 1681 quinquies du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, les mots : « Le prélèvement prévu à l'article 125 A » sont remplacés par les mots : « Les prélèvements prévus aux articles 117 quater et 125 A », et les mots : «, à l'exception de ceux dus à raison des revenus, produits et gains mentionnés aux I et II de l'article 125 D » sont supprimés ;
2° La deuxième phrase est complétée par les mots : «, ainsi qu'aux prélèvements dus dans les conditions du III de l'article 117 quater et de l'article 125 D ».
XI. - Le 2° de l'article L. 169 A du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« 2° Aux prélèvements prévus aux articles 117 quater et 125 A ; ».
XII. - Le dernier alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : «, ainsi que, pour les revenus de capitaux mobiliers, des dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu ».
XIII. - L'article L. 136-7 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa du I est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Sont également assujettis à cette contribution :
« 1° Lorsqu'ils sont payés à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, les revenus sur lesquels est opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater du même code, ainsi que les revenus de même nature dont le paiement est assuré par une personne établie en France et retenus pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. Le présent 1° ne s'applique pas aux revenus perçus dans un plan d'épargne en actions défini au 5° du II du présent article ;
« 2° Les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du code général des impôts. » ;
2° Dans le premier alinéa du 1 du IV, après les mots : « revenus de placement mentionnés au présent article », sont insérés les mots : «, à l'exception de celle due sur les revenus et plus-values mentionnés aux 1° et 2° du I, ».
3° Le V est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La contribution visée au 1° du I est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 117 quater du code général des impôts. » ;
4° Dans le VI, la référence : « second alinéa » est remplacée par la référence : « 2° ».
XIV. - Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives relatives aux revenus sur lesquels est opéré le prélèvement prévu à l'article 117 quater du code général des impôts.
XV. - Le présent article est applicable aux revenus perçus et aux gains et profits réalisés à compter du 1er janvier 2008.