M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour la première fois, le Parlement français va être associé au suivi des activités des services de renseignement.
La création d'une délégation parlementaire au renseignement est d'autant plus importante qu'elle était vivement attendue. En témoignent les nombreuses propositions de loi allant dans ce sens, dont celle de mon collègue Nicolas About qui, en 1999, visait déjà à la « création d'une délégation parlementaire du renseignement ».
Cette délégation est très attendue d'abord parce que la France est l'un des rares pays démocratiques à ne pas disposer d'une telle structure. Les États-Unis, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas, l'Australie et bien d'autres encore disposent de leur propre organe parlementaire dédié au renseignement. Certes, ces organes disposent d'une plus ou moins grande latitude dans leurs activités, mais celles-ci ont le mérite de favoriser le développement d'une vraie culture du renseignement.
Car il faut reconnaître que notre pays cultive, pour sa part, en ce qui concerne ses services de renseignement, un certain goût pour le mystère, ce qui a parfois conduit à entretenir une vision quelque peu négative de ces services, voire une forme d'hostilité à leur égard, alors que leur mission est essentielle.
La faute en revient très certainement à cette idée, longtemps véhiculée, selon laquelle le renseignement était une affaire d'État qui ne pouvait concerner les citoyens ou leurs représentants.
La mise à l'écart du Parlement a certainement renforcé cette tendance. Or, tout en reconnaissant le caractère exceptionnel et exorbitant du droit commun des missions de renseignement, le Parlement ne pouvait rester plus longtemps tenu à l'écart de cet aspect de notre dispositif de protection.
Ainsi, en permettant au Parlement, représentant de la nation, d'avoir un droit de regard sur le renseignement, nous créons ce lien indispensable qui fait défaut entre les citoyens et les services de l'État. Nous permettons à la France de réaliser une avancée démocratique significative en ne laissant pas le Parlement dans l'ignorance d'enjeux importants.
Au-delà de cette exigence démocratique, la création d'une telle délégation répond également à une exigence géopolitique.
L'action des services de renseignement constitue en effet un volet essentiel de nos politiques de sécurité.
Or, à l'heure actuelle, depuis la fin de la guerre froide, le contexte géopolitique est beaucoup plus compliqué : conflits régionaux, menaces terroristes, prolifération d'armes de destruction massive, autant de phénomènes qui obligent nos services de renseignement à évoluer, et ce d'autant que les menaces sont nettement moins prévisibles.
À cet égard, je voudrais vous dire, monsieur le secrétaire d'État, tout l'intérêt que m'inspire la réorganisation des services de renseignement, chantier qui a été lancé il y a quelques jours. Cette réforme permettra aux services de renseignement de réaliser la nécessaire « révolution » que j'évoquais à l'instant.
Bien entendu, l'instauration d'une telle délégation doit se faire en respectant un équilibre entre l'exigence démocratique et l'impératif du secret attaché à la fonction du renseignement. Cet impératif a justifié que, dans un premier temps, les missions dévolues à la délégation soient relativement restreintes.
Je voudrais, à ce propos, saluer le travail de notre rapporteur, qui a permis, sans toutefois trahir cette exigence de secret, d'ouvrir un peu le champ de compétences de la délégation. Car, comme beaucoup l'ont dit, il ne peut y avoir de délégation parlementaire sans relation de confiance.
Or, à la première lecture du texte, l'étendue de la mission de la délégation pouvait laisser supposer que cette confiance n'était pas effective. Élargir les compétences lève le doute sur l'existence de quelques réticences à voir le Parlement se mêler des affaires de renseignement. Ainsi s'instaure une relation de confiance entre la représentation nationale et les services de renseignement.
Aujourd'hui, après la première lecture dans chaque assemblée, nous arrivons à un texte équilibré qui a été salué par beaucoup, y compris par les directions des services concernés par ce texte. Ces dernières, d'après leur témoignage, y retirent d'ailleurs un certain avantage.
Je ne vais pas citer toutes les directions qui sont concernées. Y ont été ajoutées, à l'initiative de l'Assemblée nationale, la délégation aux services de renseignement placés sous l'autorité des ministères chargés de l'économie et du budget, c'est-à-dire la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et la cellule TRACFIN.
Je voudrais également revenir sur la modification opérée en première lecture portant sur la composition de cette délégation. Désormais, chaque chambre aura deux représentants, au lieu d'un seul, en plus des membres de droit, permettant ainsi d'assurer, pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur, une « représentation pluraliste au sein de la délégation ». Vous le comprendrez aisément, je ne peux que souscrire à cette initiative.
Le groupe UC-UDF approuve donc entièrement la création d'une telle délégation, qui assurera une meilleure connaissance de l'organisation des services de renseignement, de leurs orientations stratégiques et de l'utilisation des moyens qui leur sont alloués.
Le texte proposé aujourd'hui garantit l'équilibre nécessaire entre l'exigence du secret et celle d'informer le Parlement.
En outre, il permet à la France de s'aligner sur ce qui se fait dans les autres grandes démocraties occidentales.
Pour conclure, je rapprocherai cette initiative de la réflexion qui est menée actuellement sur la réforme des institutions par la commission Balladur.
En effet, à l'heure où je m'exprime, cette commission s'interroge sur la pertinence qu'il y a à conserver des domaines réservés, sur la nécessité de conférer davantage de pouvoirs au Parlement et plus généralement sur la place du Parlement dans l'équilibre de nos institutions. Dans ce contexte, la création de la délégation ici proposée permet incontestablement de renforcer le poids du Parlement. Elle permettra aussi de tirer quelques enseignements sur les avancées qui pourraient encore être proposées. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte créant une délégation parlementaire au renseignement nous revient en deuxième lecture après avoir été légèrement modifié par l'Assemblée nationale, les modifications portant cependant sur des points non négligeables.
Pour autant, aucun progrès ne peut être enregistré quant aux deux aspects fondamentaux sur lesquels nous avions insisté en première lecture.
Bien au contraire, on peut même dire que la majorité et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez confirmé le verrouillage et le caractère tout à fait formel de cette nouvelle instance parlementaire.
En effet, nous en sommes toujours au même point concernant, d'une part, la représentativité des membres de la délégation et, d'autre part, la réalité du contrôle démocratique que celle-ci pourra exercer sur les services de renseignement.
Si vous souhaitiez vraiment, monsieur le secrétaire d'État, un contrôle démocratique du Parlement, l'une des conditions serait de garantir par la loi la présence au sein de la délégation de toutes les sensibilités politiques qui sont représentées dans nos deux assemblées. Il y va de la légitimité et de la crédibilité mêmes de la future délégation.
Or, bien que le nombre de membres de cet organisme ait été augmenté par le Sénat, qui l'a porté de six à huit, la structure de cette délégation, qui comprend des membres de droit en la personne des présidents des commissions concernées, ne permettra pas une représentation pluraliste. De fait, certains groupes en seront exclus.
Au nom de quoi certains parlementaires, qui sont élus, je me permets de vous le rappeler, seraient-ils moins dignes de confiance que leurs collègues ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non, cela n'a rien à voir !
Mme Michelle Demessine. Car c'est comme cela que l'opinion publique interprétera cette exclusion.
Je ne peux me satisfaire de l'affirmation selon laquelle l'opposition dans sa globalité sera, de toute façon, représentée.
Je comprends bien que, pour des raisons de confidentialité, l'effectif de ce type d'organisme ne puisse être pléthorique. Mais, si le Gouvernement en avait vraiment eu la volonté, il aurait eu la possibilité de trouver une solution. En tout état de cause, les travaux de la délégation seront couverts par le secret de la défense nationale et les parlementaires, comme les fonctionnaires qui travailleront pour la délégation, seront habilités au secret-défense.
Les exemples de certains de nos voisins et amis européens - je pense à l'Italie, à l'Allemagne, voire au Royaume-Uni - sont là pour nous montrer qu'il est possible, même si les compétences de leurs organismes ne sont pas tout à fait les mêmes, de trouver une formule satisfaisante et plus démocratique.
À l'Assemblée nationale, vous avez même refusé, monsieur le secrétaire d'État, les propositions qui vous étaient faites d'instaurer un système de fonctionnement paritaire entre la majorité et l'opposition, à défaut d'augmenter le nombre de membres de la délégation.
Pour respecter et garantir concrètement les droits de l'opposition, il serait par exemple tout à fait envisageable de mettre en place un système d'alternance pour les postes de président et de rapporteur, sous réserve bien entendu que la délégation prévoie la création de cette fonction dans son règlement intérieur.
A défaut de ce minimum, une partie de l'opposition - et une seule - risque d'être cantonnée dans un simple rôle de figuration au sein d'une délégation dans l'incapacité d'exercer un contrôle efficace.
Mais s'agit-il vraiment d'exercer un contrôle ?
C'est là le deuxième élément de notre désaccord sur ce texte.
On aurait été en droit d'attendre que cette délégation ne se borne pas à un simple suivi de l'activité générale et des moyens des services spécialisés.
C'est certes un premier pas, puisque nous étions en effet la dernière grande démocratie à ne pas posséder une telle institution. Mais il permet tout juste une information du Parlement sur ces questions. Celui-ci sera désormais associé au suivi de l'activité des services, en particulier par le biais du rapport annuel public qu'élaborera la délégation.
Toutefois, il n'est pas question de contrôle à proprement parler et, dans un champ de compétence déjà restreint, la délégation jouera un rôle purement passif.
Pourtant, le Président de la République, lorsqu'il n'était encore que ministre de l'intérieur, avait une conception moins limitée de ce rôle. Dans le débat sur le projet de loi sur la sécurité intérieure en novembre 2005, il avait en effet affirmé : « Il ne s'agit pas d'opposer législatif et exécutif, mais d'exercer un contrôle démocratique sur des services de renseignement qui, au demeurant, font très bien leur travail. [...] Dans une démocratie moderne, il est normal que le Parlement contrôle les activités de renseignement que le gouvernement met en oeuvre. [...] Je crois tellement à la notion de contrôle que je ne veux pas qu'elle soit caricaturée. ».
Certes, il faut concilier, d'une part, la préservation de l'efficacité et de la sécurité des services par le secret, et, d'autre part, la légitime nécessité d'informer le Parlement. À cet égard, je précise d'ailleurs que nous ne sommes pas non plus partisans de la conception anglo-saxonne d'une commission supervisant de manière tatillonne l'activité des services de renseignement.
Pour nous, le renseignement, élément très important et méconnu du processus de décision gouvernementale, doit rester de la responsabilité de l'exécutif ; c'est une prérogative régalienne de l'État. Cette situation particulière est aussi une raison supplémentaire pour que le Parlement puisse contrôler cette partie, par définition peu transparente, de l'activité gouvernementale. Sinon, cela entretient la suspicion et la méfiance de l'opinion publique.
Or il y a une grande différence de conception de la démocratie entre ce que vous voulez faire, c'est-à-dire informer le Parlement, l'associer de façon lointaine au suivi de l'activité des services, et ce que nous souhaitons, c'est-à-dire lui donner de réels moyens d'exercer des prérogatives nouvelles de contrôle et d'évaluation des activités desdits services.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez une conception trop restrictive de ce que doit être cette délégation parlementaire au renseignement.
À l'Assemblée nationale comme au Sénat, vous avez repoussé tous les amendements ceux qui élargissaient le champ de compétence de cet organisme, à l'exception toutefois des enquêtes douanières et de TRACFIN, comme ceux qui augmentaient le nombre et la qualité des personnes qu'il pourrait auditionner.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La qualité y est !
Mme Michelle Demessine. Au total, cette délégation risque fort de n'être qu'une coquille vide, un alibi démocratique. Elle jouera un rôle marginal car, j'y insiste, elle n'aura aucun réel pouvoir de contrôle.
Concrètement, la majorité sera seule à présider la délégation, elle auditionnera exclusivement les ministres et les directeurs de services. Il est évident que, dans ces conditions, l'information du Parlement sera filtrée et distillée au compte-gouttes ; il n'aura aucune possibilité de se faire une opinion et d'apprécier des situations en toute connaissance de cause.
En première lecture, nous nous étions abstenus en espérant, sans nourrir trop d'illusions, que quelques modifications positives seraient apportées à votre texte.
Puisque rien ne change, le groupe communiste et républicain, ne voulant pas cautionner ce faux-semblant, votera contre.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je souhaiterais remercier le rapporteur, M René Garrec, ainsi que tous les intervenants, plus particulièrement bien sûr, ceux qui ont apporté leur soutien à la création de cette délégation.
Madame Demessine, je vous ai bien entendue : nous n'allons pas assez loin, nous n'allons pas assez vite, nous ne contrôlons pas assez. Mais, jusqu'à présent, il n'y avait rien ! Lorsqu'on crée une structure et que l'on prend l'initiative d'apporter une solution permettant de donner au Parlement davantage de pouvoirs, il me paraît excessif de tout demander tout de suite, sans attendre de voir comment travailler ensemble.
À ce propos, MM. de Montesquiou et Peyronnet ont fait référence aux services de renseignement étrangers. Or, vous avez pu le constater, durant ces dernières semaines ou les derniers mois, les modalités de suivi de l'activité des services de renseignement par les commissions parlementaires en Allemagne et au Royaume-Uni - je n'évoque même pas les États-Unis, où le cas de figure s'est présenté à de multiples reprises - ont fait l'objet de remises en cause.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Par conséquent, nous avons véritablement besoin de retenir la solution qui vous est proposée et d'instituer une telle délégation parlementaire.
Comme je l'avais souligné à l'occasion de l'examen du présent projet de loi en première lecture, le Gouvernement n'est pas opposé à d'éventuelles évolutions futures. Mais, dans un premier temps, il faut mettre en place la structure, afin d'établir un véritable lien entre nos services de renseignement et le Parlement. Puis, dans les années à venir, en fonction de l'expérience que nous aurons acquise, nous pourrons analyser les évolutions du dispositif et, le cas échéant, décider d'aller plus loin si cela se révèle nécessaire.
Très sincèrement, compte tenu de ce qui se passe dans certains pays voisins ou amis, où les relations entre le Parlement et les services de renseignement sont très compliquées, quand elles ne sont pas totalement remises en cause par les médias, mieux vaut, me semble-t-il, procéder avec prudence pour avancer.
Monsieur Peyronnet, comme l'a souligné M. le rapporteur - je suis presque confus de devoir répéter ses propos -, le Gouvernement a accepté nombre d'amendements du Sénat, ainsi que quelques amendements de l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi en première lecture. Ainsi, nous avons décidé d'augmenter le nombre de membres de la délégation, d'élargir l'éventail des services qui seront soumis à son contrôle et d'en assouplir le fonctionnement.
À cet égard, madame Demessine, je regrette que votre groupe bascule de l'abstention au vote contre. En effet, c'est seulement à l'usage que nous pourrons voir si le dispositif sera aussi fermé que vous l'affirmez.
Monsieur Peyronnet, nous avons souvent débattu dans cette noble maison et je connais votre sens des responsabilités. Selon moi, - Mme Gourault et M. de Montesquiou l'ont souligné à plusieurs reprises - nous devons trouver un équilibre entre la transparence et la nécessité de ne pas mettre nos services de renseignement en difficulté. Certes, ce n'est pas évident. Comme le rappelait notre ami Jean-Patrick Courtois, nous sommes en présence non pas de matière brute, mais bien d'hommes sur le terrain. Il s'agit d'agents qui effectuent des missions dangereuses, parfois au péril de leur vie. Nous devons donc trouver un équilibre entre transparence et discrétion, entre information et secret. De mon point de vue, le projet de loi constitue un premier pas et la délégation parlementaire permet de parvenir à un tel équilibre.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Peyronnet, s'agissant des amendements que vous avez déposés - nous les examinerons tout à l'heure -, nous ne pourrons malheureusement pas aller au-delà de l'équilibre actuel, qui pose sans doute des difficultés, mais qui est tout de même bien un équilibre.
Encore une fois, cela ne signifie pas que le dispositif doive demeurer figé. Dans les années à venir, il sera toujours possible de procéder à des modifications à la lumière de l'expérience acquise. Une fois la confiance entre le Parlement et les services de renseignement établie, une fois un lien réel, permanent et régulier mis en place, il sera plus facile d'avancer qu'aujourd'hui, où il n'existe rien.
Je remercie donc M. Courtois, Mme Gourault et M. de Montesquiou du soutien de leur groupe respectif, mais je souhaiterais vivement, madame Demessine, qu'aucun parlementaire ne s'oppose à ce projet de loi. En effet, je suis certain que l'institution de la délégation constitue une véritable avancée.
Que le dispositif soit perfectible, nous en sommes tous conscients. Mais, puisqu'il représente un premier pas positif pour le Parlement, il mérite, me semble-t-il, que nous lui donnions sa chance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Après l'article 6 octies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 nonies ainsi rédigé :
« Art. 6 nonies. - I. - Il est constitué une délégation parlementaire au renseignement, commune à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elle est composée de quatre députés et de quatre sénateurs.
« II. - Les présidents des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure et de défense sont membres de droit de la délégation parlementaire au renseignement. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur, membres de droit.
« Les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée de manière à assurer une représentation pluraliste. Les deux députés qui ne sont pas membres de droit sont désignés au début de chaque législature et pour la durée de celle-ci. Les deux sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.
« III. - Supprimé.
« IV. - Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, la délégation parlementaire au renseignement a pour mission de suivre l'activité générale et les moyens des services spécialisés à cet effet placés sous l'autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l'économie et du budget.
« Les ministres mentionnés au premier alinéa du présent IV adressent à la délégation des informations et des éléments d'appréciation relatifs au budget, à l'activité générale et à l'organisation des services de renseignement placés sous leur autorité. Ces informations et ces éléments d'appréciation ne peuvent porter ni sur les activités opérationnelles de ces services, les instructions données par les pouvoirs publics à cet égard et le financement de ces activités, ni sur les échanges avec des services étrangers ou avec des organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement.
« La délégation peut entendre le Premier ministre, les ministres et le secrétaire général de la défense nationale. S'agissant des agents exerçant ou ayant exercé des fonctions au sein des services mentionnés au premier alinéa, seuls les directeurs en fonction de ces services peuvent être entendus.
« V. - Les membres de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d'appréciation définis au IV et protégés au titre de l'article 413-9 du code pénal, à l'exclusion des données dont la communication pourrait mettre en péril l'anonymat, la sécurité ou la vie d'une personne relevant ou non des services intéressés, ainsi que les modes opératoires propres à l'acquisition du renseignement.
« Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation doivent être habilités, dans les conditions définies pour l'application de l'article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d'appréciation.
« VI. - Les travaux de la délégation parlementaire au renseignement sont couverts par le secret de la défense nationale.
« Les membres de la délégation et les agents des assemblées mentionnés au V sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.
« VII. - Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité, qui ne peut faire état d'aucune information ni d'aucun élément d'appréciation protégés par le secret de la défense nationale.
« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les transmet au Président de chaque assemblée.
« VIII. - La délégation parlementaire au renseignement établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l'approbation du Bureau de chaque assemblée.
« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l'article 7. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Peyronnet, Boulaud, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le I du texte proposé par cet article pour l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, remplacer le chiffre :
quatre
par le chiffre :
cinq
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement, qui avait été défendu en première lecture par mon ami Didier Boulaud, vise à remplacer le chiffre quatre par le chiffre cinq, c'est-à-dire à porter de huit à dix le nombre de parlementaires qui composent la délégation.
Compte tenu de la présence de membres de droit, l'accroissement du nombre des membres de la délégation permettrait d'assurer une représentation réellement pluraliste des différentes sensibilités politiques.
En effet, en raison du nombre de membres de droit et de personnalités nommées sur titres, le choix du Parlement ne portera en réalité que sur deux personnes par assemblée. Même s'il s'agit d'un progrès - je ne le nie pas - par rapport à la version initiale du projet de loi, cela nous semble demeurer insuffisant. Il serait souhaitable que la délégation parlementaire au renseignement soit plus étoffée, ce qui la rendrait plus représentative et permettrait de mieux asseoir sa crédibilité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez entendu M. le secrétaire d'État comme moi. Pendant un moment, compte tenu des propos que vous avez tenus et de ce que j'ai moi-même exprimé en commission, je me suis dit que, comme vous aviez eu une magnifique occasion de défendre vos idées, vous alliez peut-être accepter de retirer vos amendements. Mais je constate que tel n'est pas le cas. Aussi, la courtoisie républicaine exige que nous examinions tous vos amendements.
S'agissant de l'amendement n° 1, je ne vois pas l'intérêt pour la délégation de compter un membre de plus par assemblée. En effet, lorsque j'avais proposé à M. le secrétaire d'État, qui avait finalement accepté après une longue réflexion, d'intégrer deux parlementaires supplémentaires au sein de cette instance, c'était pour qu'il y ait un représentant de la majorité et un représentant de l'opposition par assemblée. Je ne vois donc pas ce qu'un membre de plus par assemblée apporterait.
Mme Michelle Demessine. Le pluralisme !
M. René Garrec, rapporteur. Madame Demessine, dès lors que la majorité et l'opposition seront représentées au sein de la délégation, celle-ci sera bien pluraliste.
Mme Michelle Demessine. Vous réduisez le pluralisme au bipartisme !
M. René Garrec, rapporteur. M. le secrétaire d'État l'a souligné - cela vous aura peut-être échappé -, la marche se prouve en marchant. Ce qui est aujourd'hui ne sera peut-être plus demain. Il y aura éventuellement des améliorations. Nous examinerons le dispositif et nous verrons si des modifications s'imposent. Acceptons-en donc l'augure.
Certes, je comprends que vous défendiez fermement vos positions, mais je ne les approuve pas pour autant. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Comme je l'ai déjà évoqué, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur Peyronnet, je partage l'opinion de M. le rapporteur. Même avec un parlementaire de plus par assemblée au sein de la délégation, tous les groupes ne seraient pas représentés. Il n'y aurait donc pas de grands changements et je ne vois pas ce que cela apporterait.
Comme vous le savez, à l'Assemblée nationale - certes, c'est moins le cas au Sénat -, l'alternance se produit régulièrement. Ainsi, si les deux membres de droit de la délégation parlementaire peuvent être de droite, ils peuvent également très bien être de gauche. Il ne faut pas considérer uniquement la situation actuelle. Nous instituons un dispositif qui peut devenir dans les prochaines années une force d'équilibre et de débats. Nous verrons ensuite si des modifications s'imposent.
Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, nous avions accepté l'amendement de M. le rapporteur, ce qui constitue une ouverture. Par la suite, si une relation de confiance s'est établie entre le Parlement et les services de renseignement et si nous avons le sentiment que l'augmentation du nombre de membres de la délégation ne risque pas de compromettre le secret-défense, nous aviserons.
Mais, pour le moment, je préfère que nous en restions à l'équilibre actuel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le rapporteur, vous me demandez ce que changerait la présence d'un membre de plus par assemblée au sein de la délégation parlementaire. Je vous rappelle simplement que si la majorité est homogène, l'opposition ne l'est pas. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n'avez qu'à l'homogénéiser !
M. Charles Pasqua. On pourrait même avoir recours à la représentation proportionnelle ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Peyronnet. N'allons pas jusque-là !
Monsieur le secrétaire d'État, je comprends vos propos et, d'un certain point de vue, je les approuve.
Mais convenez avec moi que certains des arguments qui ont été avancés en première lecture - je pense notamment à l'affirmation selon laquelle le fait de porter de huit à dix le nombre de membres de la délégation parlementaire risquerait de mettre en cause le principe de confidentialité - ne sont pas sérieux. Les parlementaires, y compris les deux qui viendraient éventuellement en complément, sont des élus responsables. Et si l'on veut une confidentialité totale, il ne faut pas instituer de délégation. Dès lors que l'on distille un certain nombre d'informations, le risque est pratiquement aussi grand avec deux parlementaires qu'avec dix. On ne peut donc retenir un tel raisonnement.
Par conséquent, si je comprends vos arguments, comprenez également les nôtres. Peut-être sommes-nous un peu maximalistes, mais, même si nous ne nions pas les avancées qui ont eu lieu, nous estimons qu'il était possible d'aller un peu plus loin. Porter de huit à dix le nombre de membres de la délégation parlementaire ne constituait tout de même pas une révolution !
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Peyronnet, Boulaud, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 par une phrase ainsi rédigée :
Elle recueille les informations utiles à l'accomplissement de sa mission.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement a pour objet de préciser que la délégation parlementaire au renseignement « recueille les informations utiles à l'accomplissement de sa mission ».
Cela renvoie à la préoccupation que j'ai toujours exprimée, c'est-à-dire attribuer à la future délégation les moyens d'action lui permettant d'assurer le respect de ses missions.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit que seuls les ministres de l'intérieur, de la défense et des finances adressent à la délégation des informations et éléments d'appréciation. Ainsi, le cadre d'intervention de la délégation se trouve très corseté, puisque cette future instance ne disposera pas de la faculté de recueillir elle-même des informations.
Je rappelle que, en première lecture, M. le rapporteur et M. Vinçon, qui était alors rapporteur pour avis, défendaient un dispositif similaire à celui que l'amendement n° 2 tend à instituer.
Comme nous avions soutenu leur position, qui rejoignait nos propres préoccupations, et malgré les explications que M. le secrétaire d'État nous avait apportées sur le verbe « recueillir », nous présentons cet amendement, lequel vise à rendre la délégation parlementaire plus dynamique dans sa recherche d'informations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Mon cher collègue, je reconnais la rédaction de cet amendement, qui est celle de la commission et, par conséquent, qui est également un petit peu la mienne. (Sourires.)
Toutefois, dans une ancienne profession, j'ai appris que la compréhension d'un texte juridique nécessite l'éclairage des travaux préparatoires. Or, durant les travaux qui ont précédé l'examen du présent projet de loi, M. le secrétaire d'État nous a bien précisé que la délégation parlementaire pourrait s'informer. Dans ces conditions, affirmer que celle-ci « recueille les informations utiles à l'accomplissement de sa mission » est une tautologie. En effet, si elle ne le faisait pas, une telle structure ne servirait à rien. C'est la raison pour laquelle je n'étais pas très satisfait de mon amendement et j'avais retiré cette phrase sans trop de douleur.
De fait, les travaux préparatoires, ainsi que les explications de M. le secrétaire d'État sur la possibilité pour la délégation de se rendre à l'étranger et de rencontrer ses homologues, font qu'il n'y a plus de raisons de s'inquiéter à ce sujet. C'est pourquoi la commission avait décidé de retirer cette précision en première lecture.
Aujourd'hui, du fait de l'éclairage des déclarations gouvernementales, et en attendant une éventuelle nouvelle étape, nous pouvons, me semble-t-il, nous satisfaire de la solution qui a été retenue dans le projet de loi. Pour ma part, il ne me semble pas utile d'insérer une telle phrase dans le dispositif.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Je remercie M. Peyronnet de se souvenir des explications que j'avais fournies sur le verbe « recueillir » en première lecture. (Sourires.)
Pour autant, la délégation parlementaire pourrait, me semble-t-il, travailler en évitant de donner le sentiment d'être une sorte de commission d'enquête permanente. À cet égard, les propos de M. le rapporteur sur la définition des travaux de la délégation me conviennent parfaitement.