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Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart, pour une mise au point.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, samedi dernier, je n'ai pu être présent en séance pour des raisons familiales. Je n'ai donc pu soutenir l'amendement déposé par le président Jean Arthuis et visant à supprimer, à compter du 1er janvier 2007, les bonus de retraite versés aux fonctionnaires installés outre-mer. Je tiens à dire que j'avais l'intention de le voter.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
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Loi de finances pour 2007
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Justice (suite)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 49, 49 bis et 49 ter, ainsi que les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Justice ».
Article 49
I. - Le montant hors taxe sur la valeur ajoutée de l'unité de valeur de référence mentionnée au troisième alinéa de l'article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est fixé, pour les missions achevées à compter du 1er janvier 2007, à 22,09 €.
II. - En 2007, par dérogation au troisième alinéa de l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée, l'augmentation des plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle est limitée à 1,8 %.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° II-47 est présenté par M. Darniche.
L'amendement n° II-128 rectifié est présenté par MM. Lardeux et Doublet.
L'amendement n° II-173 est présenté par Mmes Mathon - Poinat, Borvo Cohen - Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° II-185 est présenté par MM. Sueur, Dreyfus - Schmidt, Mermaz, Bel, Frimat, Badinter, Mahéas, Peyronnet, Collombat et Yung, Mmes M. André, Tasca, Bricq, Hurel, Cerisier - ben Guiga, Printz, Campion, Alquier, Demontès, Bergé - Lavigne et San Vicente - Baudrin, MM. Courteau, Carrère, Demerliat, Cazeau, Besson, C. Gautier, Dussaut, Godefroy, Assouline, Miquel, Guérini, Todeschini, Madrelle, Madec, Lagauche, Vézinhet, Krattinger, Signé, Lejeune, Josselin, Repentin, Bodin, Vantomme, Michel, Auban, Ries, Moreigne, Masseret, Journet, Raoul, Bockel, Picheral, Tropeano, Rouvière, Sutour, Haut, Siffre, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. - À la fin du I de cet article, remplacer la somme :
22,09 €
par la somme :
23,96 €
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les charges résultant pour l'État de l'augmentation de l'unité de valeur de référence mentionnée au troisième alinéa de l'article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
Les amendements nos II-47 et II-128 rectifié ne sont pas soutenus.
Les amendements nos II-173 et II-185 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° II-164 rectifié, présenté par M. Béteille et Mme Keller, est ainsi libellé :
À la fin du I de cet article, remplacer la somme :
22,09 €
par la somme :
22,75 €
Cet amendement n'a plus d'objet.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° II-23 est présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-85 est présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
À la fin du I de cet article, remplacer la somme :
22,09 €
par la somme :
22,50 €
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n° II-23.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° II-22 sur l'article 34, qui a été adopté ce matin.
La majoration de l'enveloppe de l'aide juridictionnelle à hauteur de 5,7 millions d'euros aboutit à une revalorisation de l'unité de valeur de référence utilisée pour le calcul de la dotation à l'aide juridictionnelle.
Cette unité de valeur passerait à 22,50 euros.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-85.
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-23 et II-85.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 49, modifié.
(L'article 49 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 49
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° II-46 est présenté par M. Darniche.
L'amendement n° II-129 est présenté par M. Lardeux.
L'amendement n° II-174 est présenté par Mmes Mathon - Poinat, Borvo Cohen - Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° II-186 est présenté par MM. Sueur, Dreyfus - Schmidt, Mermaz, Bel, Frimat, Badinter, Mahéas, Peyronnet, Collombat et Yung, Mmes M. André, Tasca, Bricq, Hurel, Cerisier - ben Guiga, Printz, Campion, Alquier, Demontès, Bergé - Lavigne et San Vicente - Baudrin, MM. Courteau, Carrère, Demerliat, Cazeau, C. Gautier, Besson, Dussaut, Godefroy, Assouline, Guérini, Miquel, Todeschini, Madrelle, Madec, Lagauche, Vézinhet, Krattinger, Signé, Lejeune, Josselin, Repentin, Bodin, Vantomme, Michel, Auban, Ries, Moreigne, Masseret, Journet, Raoul, Bockel, Picheral, Tropeano, Haut, Rouvière, Sutour, Siffre, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« L'unité de valeur mentionnée au troisième alinéa du présent article est revalorisée, au 1er janvier de chaque année, comme la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu. »
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Les amendements identiques nos II-46 et II-129 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° II-174.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° II-186.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Actuellement, le plafond de l'aide juridictionnelle est revalorisé tous les ans. Nous demandons que l'unité de valeur retenue pour calculer non plus l'aide juridique accordée, mais la rétribution de l'avocat soit également revalorisée tous les ans.
M. le président. L'amendement n° II-187, présenté par MM. Sueur, Dreyfus - Schmidt, Mermaz, Bel, Frimat, Badinter, Mahéas, Peyronnet, Collombat et Yung, Mmes M. André, Tasca, Bricq, Hurel, Cerisier - ben Guiga, Printz, Campion, Alquier, Demontès, Bergé - Lavigne et San Vicente - Baudrin, MM. Courteau, Carrère, Demerliat, Cazeau, C. Gautier, Besson, Dussaut, Godefroy, Assouline, Guérini, Miquel, Todeschini, Madrelle, Madec, Lagauche, Vézinhet, Krattinger, Signé, Lejeune, Josselin, Repentin, Bodin, Vantomme, Michel, Auban, Ries, Moreigne, Masseret, Journet, Raoul, Bockel, Picheral, Tropeano, Haut, Rouvière, Sutour, Siffre, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« L'unité de valeur mentionnée au troisième alinéa du présent article est revalorisée, au 1er janvier de chaque année, comme les plafonds d'éligibilité à l'aide juridictionnelle. »
II. - Les charges résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est déjà défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Les amendements identiques nos II-174 et II-186 visent à instaurer un lien entre l'unité de valeur de référence pour le calcul de l'aide juridictionnelle et la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu.
Si ces amendements tendent à répondre au problème de la revalorisation insuffisante de l'aide juridictionnelle, la logique du lien avec l'impôt sur le revenu nous semble plus difficilement compréhensible.
En effet, un tel dispositif introduirait dans le système de l'aide juridictionnelle une rigidité supplémentaire et ne répondrait que de manière très aléatoire aux besoins.
Ainsi, la loi de finances de 2006 a augmenté de 25 % toutes les tranches du barème applicable aux revenus de 2006. Pour autant, faut-il en conclure que l'unité de valeur de référence pour le calcul de l'aide juridictionnelle doive, elle aussi, être revalorisée de 25 % ?
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission demande le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mon argumentation vaut aussi pour l'amendement n° II-187, qui vise à instaurer un lien entre l'unité de valeur de référence pour le calcul de l'aide juridictionnelle et les plafonds d'éligibilité à l'aide juridictionnelle.
Aussi, la commission demande également le retrait de cet amendement. Sinon, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les amendements identiques nos II-174 et II-186 prévoient d'indexer automatiquement et annuellement le montant de l'unité de valeur de référence sur la base de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu.
Une telle indexation ne manquerait pas de créer une différence de traitement dans la rétribution des auxiliaires de justice désignés au titre de l'aide juridictionnelle.
Prenons l'exemple des huissiers de justice, des avoués, des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, des notaires ou encore des commissaires-priseurs : tous ces auxiliaires de justice sont rétribués au moyen d'un forfait fixé par le décret d'application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et dont le montant peut être révisé par décret.
Cette différence de traitement constituerait immanquablement un avantage injustifié pour ces auxiliaires de justice qui assurent, dans les mêmes conditions, leurs missions au titre de l'aide juridictionnelle.
Il est donc préférable, comme le prévoient les dispositions actuelles, que la revalorisation de la rétribution des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle, comme celle des autres auxiliaires de justice, soit débattue par le Parlement à l'occasion du vote annuel du budget de l'État.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le ministre n'a pas donné son avis sur l'amendement n° II-187, qui est différent des amendements identiques dans la mesure où la revalorisation serait calquée sur celle qui est applicable aux plafonds d'éligibilité à l'aide juridictionnelle.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est la même chose ! Il s'agit de la première tranche d'imposition !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si cette disposition est adoptée, au moins, on est sûr que ce sera fait ! Car on sait, par expérience, que des crédits peuvent être gelés. Voilà au moins une raison qui plaide en faveur de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je serai bref, car M. le rapporteur spécial a dit l'essentiel.
Mon cher collègue, si, demain, on procède à une réforme de l'impôt sur le revenu et que l'on abaisse la tranche la plus basse, cette disposition sera contraire à l'objectif que vous recherchez.
Par ailleurs, compte tenu des votes qui sont intervenus, votre amendement est irrecevable.
M. Yves Fréville. Eh oui !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-174 et II-186.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° II-188, présenté par M. Dreyfus - Schmidt et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - 1° Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 5 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les mots : « ainsi que celles des personnes vivant habituellement à son foyer, » sont supprimés.
2° Dans la même phrase, après le mot : « conjoints » est supprimée la fin de l'alinéa.
II. - Les charges résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit de prévoir que les revenus des personnes vivant habituellement avec le mineur ne soient pas pris en compte pour l'octroi de l'aide juridictionnelle. Il est en effet tout à fait injuste que ces revenus soient comptabilisés, alors que ceux des parents ayant les moyens de payer un logement à leur enfant ne seront pas intégrés pour le calcul de l'aide.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. L'amendement de Michel Dreyfus-Schmidt est fort intéressant, puisqu'il vise à permettre à un mineur d'avoir accès à l'aide juridictionnelle, qu'il habite chez ses parents ou qu'il vive en dehors de leur foyer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Toutefois, dans les faits, cet objectif est d'ores et déjà satisfait. L'ordonnance du 9 décembre 2005 modifiant l'article 5 de la loi de 1991 a en effet prévu la déconnexion du droit des mineurs à l'aide juridictionnelle des ressources des parents dans deux hypothèses : en cas de conflits d'intérêts et en cas de désintérêt pour l'enfant. Ainsi, par exemple, un mineur vivant chez ses parents et victime d'inceste peut bénéficier de cette aide. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Voilà pourquoi, mon cher collègue, compte tenu de ces explications, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas une réponse !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Si : c'est possible dans certains cas !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, l'amendement n° II-188 est-il maintenu ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est évidemment pas une réponse de me dire que, dans un cas précis, j'ai satisfaction. Cela signifie que, dans tous les autres cas, je n'ai pas satisfaction. Alors, pourquoi trouvez-vous mon amendement intéressant ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Par courtoisie, cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans ces conditions, par courtoisie, je demande un scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-188.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 69 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 49 bis
L'article L. 741-2 du code de commerce est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le conseil national fixe son budget.
« Il peut assurer le financement de services d'intérêt collectif dans les domaines fixés par décret.
« À cette fin, le conseil national appelle une cotisation versée annuellement par chaque titulaire d'un office de greffier de tribunal de commerce. Le montant de cette cotisation résulte d'un barème progressif fixé par décret après avis du conseil national, en fonction de l'activité de l'office et, le cas échéant, du nombre d'associés.
« Le produit de cette cotisation ne peut excéder une quotité déterminée par le conseil national, dans la limite de 2 % du total des produits hors taxes comptabilisés par l'ensemble des offices au titre de l'année précédente.
« À défaut de paiement de cette cotisation dans un délai d'un mois à compter d'une mise en demeure, le conseil national délivre, à l'encontre du redevable, un acte assimilé à une décision au sens du 6° de l'article 3 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. » - (Adopté.)
Article 49 ter
Le code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction antérieure au 9 juin 2006, est ainsi modifié :
1° Les quatre derniers alinéas de l'article L. 121-1 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Des premiers avocats généraux ;
« Des avocats généraux ;
« Du greffier en chef ;
« Des greffiers de chambre.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. » ;
2° Après les mots : « fonctions par », la fin de l'article L. 432-2 est ainsi rédigée : « un premier avocat général désigné par le procureur général ou, à défaut, par le plus ancien des premiers avocats généraux. » ;
3° Au début du premier alinéa de l'article L. 432-3, sont insérés les mots : « Les premiers avocats généraux et ». - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 49 ter
M. le président. L'amendement n° II-183, présenté par M. Détraigne, est ainsi libellé :
Après l'article 49 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une nouvelle bonification indiciaire peut être attribuée aux greffiers en chef des services judiciaires, pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005, dans les conditions fixées par le tableau suivant :
DESIGNATION DE L'EMPLOI |
Nombre d'emplois |
Nombre de points |
Greffier en chef, responsable de la gestion des ressources humaines au service administratif régional de la cour d'appel de Paris (emploi fonctionnel).............. |
1
|
40
|
Greffier en chef, chef de greffe : - Cour de cassation.........................................................................
- cour d'appel de : Aix-en-Provence, Bordeaux, Colmar, Douai, Lyon, Montpellier, Paris, Rennes, Versailles....................................................
- tribunal de grande instance de : Aix-en-Provence, Marseille, Nice, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Grenoble, Lyon, Montpellier, Bobigny, Créteil, Evry, Paris, Nantes, Toulouse, Nanterre, Pontoise, Versailles, Draguignan, Grasse, Toulon, Amiens, Le Mans, Caen, Mulhouse, Dijon, Béthune, Valence, Metz, Perpignan, Nancy, Nîmes, Orléans, Tours, Meaux, Melun, Rennes, Clermont-Ferrand, Rouen......................................................................................... |
1
9
39
|
40
40
40
|
- tribunal de Police de Paris................................................................ - tribunal d'instance de : Marseille, Bordeaux, Mulhouse, Strasbourg, Lille, Lyon, Villeurbanne, Metz, Nantes, Toulouse...........................................
- conseil de prud'hommes de : Paris, Marseille, Bordeaux, Lyon, Bobigny, Créteil, Nanterre............................................................................ |
1
10
7
|
40
40
40
|
Greffier en chef, secrétaire en chef de parquet : - Cour de cassation......................................................................... - tribunal de grande instance de Paris...................................................
|
1 1
|
40 40
|
Greffier en chef, affecté à l'École nationale des greffes en qualité de : - Secrétaire général......................................................................... - Directeur de la formation permanente et informatique..............................
|
1 1
|
40 40
|
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement a pour objet d'améliorer la gestion de la carrière des greffiers en chef occupant des emplois fonctionnels comportant des responsabilités particulièrement lourdes.
En 2003, il a été décidé en loi de finances de permettre à ces emplois fonctionnels de bénéficier d'une bonification indiciaire de 4080 points.
Cette mesure concerne essentiellement des greffiers en chef expérimentés ayant au moins cinq ans de services effectifs dans le grade sommital, et soumis à une obligation de mobilité géographique ou fonctionnelle entre la septième et la dixième année de fonction.
Deux décrets du 30 octobre 2006 et deux arrêtés du même jour ont été publiés pour mettre en oeuvre cette réforme, mais avec trois ans de retard.
Le présent amendement permettrait de régulariser la rémunération des soixante-douze greffiers en chef affectés au 1er janvier 2003 sur des emplois fonctionnels.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Mieux vaut tard que jamais ! Je voudrais féliciter notre collègue Yves Détraigne, parce que, grâce à son amendement, la rémunération des greffiers en chefs affectés depuis le 1er janvier 2003 sur de tels postes sera régularisée. Cette mesure concerne soixante-douze greffiers en chef, et son coût peut être estimé à 425 000 euros.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je souhaite remercier à mon tour Yves Détraigne d'avoir pensé à cet amendement. En effet, le principe d'une bonification indiciaire en faveur des greffiers en chef et les crédits correspondants avaient été actés en 2003 dans la loi de finances.
Or les échanges entre les représentants des greffiers en chef et les trois ministères concernés - ceci explique sans doute cela -, à savoir la fonction publique, les finances et la justice, pour répartir ces points entre les soixante-douze postes de greffiers en chef n'ont pu aboutir qu'en 2005, pour ensuite achopper sur l'impossibilité de verser rétroactivement les sommes correspondantes à compter du 1er janvier 2003, date à laquelle la décision a été prise.
J'ai pris avec mes collègues un décret en 2006, afin que cette nouvelle bonification soit attribuée à compter du 1er janvier 2006 et que les greffiers en chef concernés ne soient plus lésés à l'avenir par cette absence de support réglementaire.
Pour permettre la mise en oeuvre de la décision prise en 2003 et verser à titre rétroactif cette nouvelle bonification indiciaire aux soixante-douze greffiers en chef concernés, le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président. Les greffiers en chef vous en seront reconnaissants, monsieur Détraigne !
Je mets aux voix l'amendement n° II-183.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 49 ter.
L'amendement n° II-191, présenté par M. Goujon, est ainsi libellé :
Après l'article 49 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du II de l'article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation aux dispositions du 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la liquidation de la pension civile intervient pour les fonctionnaires de ces corps qui sont admis à la retraite sur leur demande, s'ils justifient de vingt-cinq années de services effectifs en position d'activité dans ces corps ou de services militaires obligatoires et s'ils se trouvent à moins de cinq ans de la limite d'âge de leur corps prévue au I du présent article.
« La liquidation de la pension de retraite intervient dans les conditions définies par le VI de l'article 5 et par les II, III et V de l'article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. »
La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. J'évoquais ce matin la nécessité de l'évolution statutaire et indemnitaire des surveillants de prison qui font, chacun le sait, un travail extrêmement difficile.
De quoi s'agit-il ? Aujourd'hui, un surveillant justifiant d'au moins vingt-cinq ans de services qui atteint l'âge de cinquante ans, par exemple le 2 janvier d'une année, doit, malgré son ancienneté, attendre le 1er janvier de l'année suivante pour que sa demande de pension de l'État soit admise.
Cette condition restrictive fait, depuis plusieurs années, l'objet de vives critiques de la part des organisations représentatives du personnel comme des administrations, qui souhaitent voir avancée au jour même du cinquantième anniversaire de l'agent la date d'ouverture des droits à un départ anticipé à la retraite.
Cette revendication est d'autant plus juste que les personnels de la police nationale bénéficient de cette mesure depuis 2004. Il me paraît donc légitime de l'étendre aux personnels de surveillance.
Par ailleurs, l'article 136 de la loi de finances rectificative pour 2004 a étendu à tous les fonctionnaires civils parents de trois enfants et plus qui auront, pour élever chacun d'eux, interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret, la possibilité d'un départ anticipé à la retraite, que les dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite réservaient jusqu'alors aux seules femmes fonctionnaires.
C'est en application du principe d'égalité entre les deux sexes déterminé à la fois par la Cour de justice des Communautés européennes et par le Conseil d'État, et conformément aux valeurs que nous défendons, que ce dispositif doit être étendu aux hommes.
L'actualisation des dispositions du paragraphe II de l'article 24 de la loi du 28 mai 1996 s'impose donc sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Je suis personnellement très heureux de voir que deux éminents collègues de la commission des lois font des propositions d'ordre financier tout à fait intéressantes et acceptables pour les personnels concernés.
Les caractéristiques des tâches des surveillants pénitentiaires et des personnels actifs de la police nationale ne paraissent pas de nature à justifier un décalage au regard du droit à pension. C'est pourquoi je considère qu'il est de bonne mesure que les personnels pénitentiaires bénéficient des mêmes conditions que les personnels actifs de la police nationale s'agissant du bénéfice immédiat de leur pension de retraite.
J'émets donc un avis favorable à la proposition de notre collègue Philippe Goujon.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. du Luart ne sera pas surpris que la proximité intellectuelle entre la commission des lois et le garde des sceaux permette une fois de plus, je le dis en toute modestie, de deviner nos intentions respectives. (Sourires.)
Il fut toujours convenu que l'âge de la retraite des surveillants pénitentiaires, compte tenu de leur mérite et de la difficulté de leur mission, serait aligné sur celui des personnels de la police nationale. Or il s'avère que, dans un cas, c'est la date anniversaire qui est retenue et, dans l'autre, le 1er janvier de l'année suivante.
Cet amendement prévoit que la date anniversaire s'applique également aux surveillants pénitentiaires ; le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 49 ter.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Justice ».
Mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des crédits de la mission « Défense », nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Défense
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, avec 36,5 milliards d'euros, le budget de la mission « Défense » représente plus de 13 % de notre budget national ; il absorbe 1,7 % des revenus des Français. Cet effort nous place au deuxième rang en Europe, derrière le Royaume-Uni, mais très loin devant l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie.
C'est le prix de notre sécurité extérieure dans un environnement incertain où les pays émergents se militarisent très rapidement. Nos forces, auxquelles je veux rendre hommage, sont engagées aussi bien en Afrique subsaharienne qu'au Proche-Orient, au Moyen-Orient et dans l'océan Indien. Et je n'oublie pas, bien entendu, leur mission permanente de sécurisation de notre espace aérien et de sauvegarde maritime.
Cet effort s'accroît cette année de 2,5 %, soit plus que la norme de dépense nationale. La défense fait donc partie des missions prioritaires de l'État.
Je laisserai à mon collège François Trucy le soin d'évoquer le présent, tant les hommes que le matériel, et je me réserverai d'aborder la préparation du futur au travers des équipements prévus dans ce projet de budget.
Tout d'abord, le projet de budget du programme « Équipement des forces » est solide parce qu'il est conforme à la loi de programmation militaire. Ce constat est exceptionnel : c'est la première fois depuis trente ans - et vous l'avez très justement rappelé, madame le ministre, dans le rapport d'exécution de la loi de programmation militaire que vous présentez au Parlement - qu'une programmation militaire est respectée pendant toute une législature.
Ce respect de la loi de programmation militaire, qui est approuvée par le Parlement, a une dimension politique. Il montre que la majorité - et au-delà, je l'espère, l'ensemble des parlementaires - a refusé de faire des dépenses militaires la variable d'ajustement de l'équilibre budgétaire.
Cette constance dans l'effort était nécessaire. En effet, après la chute du mur de Berlin, nos dépenses d'équipement avaient décru d'un tiers en euros constants, si bien que le retard pris dans l'exécution de la précédente loi de programmation militaire a atteint l'équivalent d'une année de programmation.
La loi de programmation militaire se trouve donc réhabilitée. C'était nécessaire, parce que son respect donne une visibilité à long terme à notre industrie de défense, à l'action de l'État et à nos partenaires européens. C'était nécessaire, également, parce que la recherche de gains de productivité et l'abaissement des coûts doivent être une priorité.
Une programmation, en particulier une programmation européenne, peut assurer à l'industrie d'importantes baisses de coûts grâce aux effets de série et aux économies d'échelle ; elle permet à l'État de bénéficier de prix plus avantageux. Or, madame le ministre, le développement de programmes européens semble bien avoir été votre priorité.
À l'heure actuelle, vous avez soutenu la montée en puissance de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, et la mise en place de l'Agence européenne de défense, l'AED. Sont désormais gérés par l'OCCAR des programmes aussi importants que celui de l'A-400 M, qui s'élève à 25 milliards d'euros à l'échelon européen, celui de l'hélicoptère de combat Tigre, pour 16 milliards d'euros, ou celui des frégates multimissions, les FREMM, d'un montant de 12 milliards d'euros.
Cependant, l'articulation entre la loi de programmation militaire et sa traduction budgétaire, dans le respect de la LOLF, est perfectible. Au moment où se prépare la future loi de programmation - au moins techniquement ; les options politiques seront discutées ailleurs -, il faudrait améliorer les différentes étapes que sont la planification, la programmation et la budgétisation.
Alors que nous sommes à mi-parcours du modèle « armées 2015 », il me paraîtrait tout à fait opportun qu'à l'occasion de la révision de la loi on fasse savoir au Parlement les inflexions que connaît la planification. Celle-ci est certes régulièrement vue par le Conseil de défense, car notre modèle n'est pas statique, mais le Parlement n'en a pas connaissance. Il serait utile d'améliorer son information sur ce point.
Il me semble qu'il faudrait également améliorer la visibilité de la programmation en fin de loi. Nous sommes à un an de l'échéance, prévue pour 2008, et, au fur et à mesure que l'on s'en rapproche, on constate que la visibilité, pourtant qualité première de la programmation, diminue. Ne pourrait-on pas aller vers une programmation glissante, comme le font les Anglais, comme vous le faites d'ailleurs en interne avec la version actualisée du référentiel, la VAR, de manière qu'une discussion s'engage aussi sur ce point ?
Enfin, pour ce qui est de la budgétisation, des progrès restent à réaliser dans l'application de la LOLF. Celle-ci a en effet diminué notre vision, elle a créé une véritable myopie pour le parlementaire - et vous n'en êtes pas responsable, madame le ministre -, puisque, à l'heure actuelle, l'échéancier des paiements au-delà de l'année en cours n'existe plus, alors qu'il était le principe même des autorisations de programme sous le régime de l'ancienne ordonnance.
J'aborderai maintenant le contenu du programme « Equipement des forces » et, plus largement, des dépenses d'investissement.
Les crédits de paiement consacrés aux investissements de la mission « Défense » atteignent plus de 15 milliards d'euros, en progression de 1,8 %. Cette enveloppe est répartie entre les différents programmes.
Quelles ont été les priorités choisies par le Gouvernement, et que j'approuve ?
La première priorité est l'entretien programmé du matériel, en progression de 16,5 %. Il représente une nécessité, car il faut entretenir de vieux matériels dans l'attente des nouveaux équipements : les AMX 10 dans l'attente des véhicules blindés de combat d'infanterie, les VBCI, ou les Puma dans l'attente des NH-90. S'ajoutent cette année des événements spécifiques puisque l'indisponibilité de trois bâtiments nucléarisés - le porte-avions Charles-de-Gaulle, le sous-marin lance-engins Le Téméraire et le sous-marin d'attaque Saphir - conduit à une progression de 19 % des crédits de la marine.
La deuxième priorité, ce sont les études amont, et je pense tout à fait opportun que cette progression annuelle de 7 %, qui porte les crédits à 680 millions d'euros, soit actée. En effet, lorsque nous examinons nos capacités technologiques, nous nous rendons compte que, si nous sommes de plain-pied avec les États-Unis pour environ 24 % des jalons, il existe de très nombreux domaines dans lesquels notre retard peut atteindre jusqu'à cinq ans.
Bien sûr, nous ne pouvons pas tout faire et, en ce domaine, une coordination européenne me semble nécessaire ; or nous en sommes encore aux balbutiements. En attendant, j'approuve cette augmentation des crédits de recherche amont.
J'ajoute que le Commissariat à l'énergie atomique bénéficie de 1,26 milliard d'euros de transfert de crédits, très largement apportés à la recherche, en particulier au Laser Mégajoule et aux calculateurs 10 téraflops. Ces derniers permettent d'ailleurs de mettre une capacité de calcul extraordinaire à la disposition non seulement des militaires, mais également des civils.
En contrepartie, il est vrai, les crédits de développement diminuent, alors que les crédits de fabrication restent stables, à un peu plus de 5 milliards d'euros.
J'aborderai maintenant le problème de l'exécution de ce budget, avec les priorités que je viens de définir.
Je ferai d'abord une constatation - ce n'est pas un jugement -, celle de la formidable inertie des budgets d'équipement. Si l'on additionne toutes les données des soixante-douze sous-actions du programme « Équipement des forces » - ce n'est pas fait dans le « bleu » -, un écart de 35 milliards d'euros apparaît entre les autorisations d'engagement que nous aurons votées à la fin de l'année 2007 et les paiements qui auront été réalisés. Ce n'est pas une impasse : simplement, compte tenu de la durée de vie très longue des équipements militaires, ces 35 milliards d'euros, qui sont tout de même, grosso modo, l'équivalent de trois ans et demi de programmation militaire au rythme actuel, représentent ce qu'il manque pour achever des programmes en cours. Bien entendu, mais ce serait vrai pour n'importe quel gouvernement, cela hypothèque l'avenir.
Ma deuxième observation est en réalité une question qui concerne le financement des FREMM. Un accord a été passé lorsque le système des financements innovants prévu dans la loi de programmation militaire a été abandonné. Il visait à ce que les 6/19e de la dépense soient pris en charge dans la loi de finances initiale et les 13/19e restants, au vu de factures, dans la loi de finances rectificative. Nous retrouverons ce problème dans quelques jours, lorsque nous examinerons le collectif ; je vous interroge néanmoins, madame le ministre : ce système de financement est-il perpétué en 2007, comme je le crois ? J'aimerais en avoir confirmation.
Ma troisième remarque porte essentiellement sur l'apurement des reports de crédits que vous menez à bien, madame le ministre. Ils seront ramenés de 2,8 milliards d'euros à la fin de 2004 à la norme des 3 % à la fin de cette année. Vous y êtes parvenue en annulant des autorisations d'engagement de l'ancienne loi de programmation militaire, mais aussi en obtenant le dépassement de la norme des dépenses pour le ministère de la défense. Cependant, bien entendu, le dépassement par un ministère signifie pour d'autres ministères, et c'est là la limite de l'épure, des dépenses plus faibles que la norme puisqu'il faut bien que, globalement, celle-ci soit respectée.
Je terminerai en donnant deux coups de projecteur sur des problèmes spécifiques de ce budget d'équipement.
Celui-ci consacre le démarrage du deuxième porte-avions, assurant par conséquent la permanence à la mer du groupe aéronaval ; je pense pour ma part que c'est une très bonne mesure. Ce programme, d'un montant compris entre 2 milliards et 2,5 milliards d'euros, est de moindre ampleur que celui des FREMM, qui s'élève à 8 milliards d'euros, ou que celui des Barracuda, qui représente 8 milliards d'euros.
Surtout, me semble-t-il, nous devons, avec le groupe aéronaval, justifier les énormes investissements déjà réalisés. À quoi servirait-il de commander 60 Rafale Marine, à quoi servirait-il d'avoir financé les frégates d'accompagnement, les chasseurs de mines, etc., si nous ne construisons pas le porte-avions qui va avec ? Notre politique doit être cohérente : ou bien nous réalisons le porte-avions, et cela justifie les investissements, ou bien nous le supprimons, et nous n'avons plus de raison de conserver une marine dans les dimensions que je viens de présenter.
Enfin, je soulignerai la nécessité de remodeler le programme « Équipement des forces », qui est encore partagé entre interarmées, équipements terre, mer et air. Il serait tout à fait souhaitable - mais je pense, madame le ministre, que vous y réfléchissez - de parvenir à une répartition qui soit plus cohérente avec la planification que j'évoquais tout à l'heure : dissuasion, projection des forces, commandement, etc.
En effet, dans la situation actuelle, la dissuasion, pour prendre cet exemple, représente 2,8 milliards d'euros de crédits : malgré toute sa bonne volonté, le parlementaire que je suis ne peut pas retrouver les crédits dans le maquis des actions et sous-actions telles qu'elles sont présentées. Une clarification serait utile.
J'ai la conviction qu'au regard de l'instabilité de la situation internationale l'effort de redressement qui nous est demandé était nécessaire.
J'ai également la conviction qu'il devra être poursuivi, voire amplifié au cours des prochaines années. Mais cet effort n'est acceptable et ne sera accepté que si nous avons la conviction qu'il est mené de façon efficace. Je pense que la stratégie de réforme que vous avez menée, madame le ministre, y concourt puissamment.
C'est la raison pour laquelle je me rallierai à l'avis que donnera mon collègue François Trucy. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le ministre, comme vient de le souligner M. Fréville, ne convient-il pas, avant d'étudier les crédits, de dire un mot de la loi de programmation militaire ? Pour celle dont nous allons vivre l'avant-dernière année d'exécution, vous avez déployé, chacun le sait, une énergie considérable et obtenu au prix d'un travail acharné qu'elle soit respectée, ce qui, nous en sommes tous conscients au Sénat, est sans précédent.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Cette loi de programmation militaire concernait une conception « Armées 2015 » pour des forces d'un format déterminé achevant, en outre, leur professionnalisation.
Sur ces bases, le chef des armées et son ministre de la défense ont pu nous engager dans des opérations extérieures permettant à la France de conserver son rang international et justifiant pleinement des efforts financiers qui eussent été difficiles à défendre s'ils n'avaient concerné que la sécurité du territoire national.
Nous tenons à le dire : nous approuvons totalement ces orientations initiales, les choix de format des armées et d'investissements que vous avez effectués.
Madame le ministre, est-il trop tôt pour que vous portiez un jugement sur la pertinence de cette loi de programmation militaire et que vous nous disiez si les enseignements que vous tirez de son exécution vous permettent déjà d'évaluer les périmètres de la prochaine loi ? Votre réponse nous permettrait de mieux comprendre l'évolution des effectifs actuels.
Le budget de la défense s'élève à 36,285 milliards d'euros en crédits de paiement. Il augmente de 2,55 %, mais nous savons que les évolutions du périmètre de la mission « Défense » conditionnent pour l'essentiel, au niveau des programmes, cette augmentation. Cela ne nous permet pas d'apprécier l'évolution réelle de votre budget. Vous est-il possible, madame le ministre, de nous apporter cette précision ?
S'agissant des effectifs, le projet de loi de finances pour 2007 prévoit 436 994 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, soit une diminution de 3 335 postes par rapport à 2006, c'est-à-dire 0,76 % du total des effectifs. Et si l'on rapproche ce chiffre des 445 748 ETPT prévus par la loi de programmation militaire pour 2007, on obtient une différence de 8 754.
Madame le ministre, aidez-nous à distinguer dans cette diminution entre ce qui provient d'économies de personnels rendues possibles par des réformes, des mutualisations de services ou des externalisations réussies et ce qui relève de suppression de postes jamais pourvus depuis les débuts de la loi de programmation militaire ?
Nul n'ignore le rôle essentiel du service de santé des armées dans la condition physique et morale des personnels. Depuis la professionnalisation, ce service a été en sous-effectifs permanents. Malgré vos efforts importants, un déficit de 233 médecins persiste - contre 246 l'an dernier - soit 17,9 % des effectifs.
Le plan stratégique du service de santé des armées, tout à fait édifiant, constitue une excellente ligne de force. Il dispose d'un budget stable : plus 0,65 % et 821 millions d'euros.
Le service de santé des armées mérite d'être soutenu quand on songe à quel point il contribue, outre ses missions traditionnelles, à la réussite des OPEX, pour lesquelles il mobilise 1 500 personnels par an, ce qui correspond à un hôpital militaire entier.
Madame le ministre, comment se mesurera, dans ce budget, votre soutien au service de santé des armées ?
Je dirai un mot des pensions, puisque la LOLF nous amène à en parler davantage. Leur montant, pour la seule défense, s'élève à 6,429 milliards d'euros pour 513 000 pensionnés militaires. Celles des 94 700 pensionnés ouvriers de l'État représentent 1,5 milliard d'euros.
Force est de constater, sans qu'il y ait ni jugement à porter ni correction à espérer, que le rapport entre actifs et pensionnés, dont on parle beaucoup dans le civil, s'établit en 2007, dans le cas particulier, à 0,8 actif pour un pensionné militaire et à 1,6 pour un pensionné civil.
Les crédits de paiement du programme « Préparation et emploi des forces » progressent de 1,03 %. On notera que, selon la règle habituelle, ceux des forces terrestres représentent 42,9 % du programme.
La réduction de 2,31 % des crédits relatifs au personnel et aux pensions permettra-t-elle le maintien des effectifs annoncés ?
Pendant ce temps, les dépenses de fonctionnement atteignent 5,507 milliards d'euros. L'augmentation du poste « Carburants », louable effort - plus 14,5 % - avec 364,77 millions d'euros, ne suffira pas à nous rassurer pour autant devant l'augmentation du prix du pétrole.
Enfin, l'entretien programmé du matériel, priorité du présent programme, bénéficie d'une hausse très importante de 15,20 % de ses crédits, soit 2,948 milliards d'euros, avec une évolution plus accentuée pour la marine, confrontée aux très grosses dépenses de plusieurs indisponibilités périodiques pour entretien et réparation, les IPER : le porte-avions, le SNLE Téméraire et le SNA Saphir.
Contrairement au programme 146, dans le programme 178, la répartition des crédits entre actions et BOP coïncide largement.
Faut-il rappeler que l'action relative au renseignement militaire, mais aussi pratiquement toutes les autres, dispose d'un BOP spécifique ? Comme tous les majors généraux sont responsables des BOP spécifiques de leur armée, cette gestion des crédits doit permettre à chaque chef d'état-major d'assurer la cohérence organique des forces dont il a la charge.
Les externalisations dans les armées ont maintenant, pour l'essentiel, passé le cap difficile de l'initiation. Fondées sur le principe louable de voir les militaires déchargés d'un grand nombre de taches civiles pour se consacrer à leur propre métier, elles peuvent aussi générer des améliorations de gestion et des économies.
De grands chantiers dans ce domaine restent à réussir, comme celui de l'externalisation des véhicules de la gamme commerciale de la défense, qui pourrait représenter entre 19,4 et 34,3 millions d'euros d'économies par an et, surtout, 911 agents redéployables.
L'externalisation du parc d'hélicoptères de Dax a peut- être connu, elle, une anticipation un peu trop enthousiaste, puisque l'économie escomptée est déjà prise en compte, alors que l'opération est loin d'être achevée.
Madame le ministre, envisagez-vous d'autres pistes d'externalisation et pensez-vous dresser bientôt un bilan des premières opérations ?
Mais sur ces opérations, le poids de la TVA peut parfois annuler complètement l'économie.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Sur ce point, M. Fréville défendra tout à l'heure un amendement destiné à corriger ce phénomène.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un amendement très à propos !
M. François Trucy, rapporteur spécial. Si la budgétisation des OPEX progresse, celle des OPINT est au point mort.
Depuis plusieurs années, tous les rapporteurs au Sénat ont réclamé, avec vous, une amélioration de la budgétisation des OPEX, parce que la dépense était inéluctable et que la non-budgétisation en loi de finances initiale de ces crédits a provoqué d'importants désordres, à commencer par la « bosse » des reports de crédits ; en 2004, celle-ci atteignait un montant impressionnant.
Là encore, vous avez mené, madame le ministre, une action déterminante au fil des ans, et la situation s'est largement améliorée.
Raison de plus pour ne pas laisser se développer un autre phénomène de ce genre avec le financement des OPINT. Ces opérations intérieures se multiplient, s'alourdissent et se diversifient : moustiques à la Réunion, inondations, Vigipirate, incendies de forêt...
Or si le programme 178 comprend bien une action « Surcoûts liés aux opérations intérieures », celle-ci n'est dotée d'aucuns crédits. Ce n'est pas concevable ; je défendrai tout à l'heure un amendement destiné à pourvoir à ces surcoûts et à vous aider à faire admettre au Gouvernement cette nécessité.
Vous poursuivez la rationalisation des systèmes d'information répartis en trois domaines : les systèmes d'information opérationnels et de commandement, l'informatique scientifique et technique, les systèmes d'information, d'administration et de gestion. Ces structures devraient être rationalisées et mutualisées grâce à la Direction générale des systèmes d'information et de communication et la Direction interarmées des réseaux.
Qu'attendez-vous, madame le ministre, de ces réformes ?
Enfin, au sein du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », la politique immobilière du ministère de la défense est une lourde tâche, financée par 1,33 milliard d'euros, soit 5,45 % de plus qu'en 2006.
Outre le financement des logements familiaux et des dépenses d'infrastructures, le secrétariat général pour l'administration a en charge des programmes de travaux considérables : pôle stratégique de Paris, infrastructures destinées au Tigre, au char Leclerc, au Véhicule blindé de combat d'infanterie, finition de l'HIA Sainte-Anne, cher à mon coeur, construction de l'école d'hélicoptères franco-allemande du Luc, rénovation du bassin 10 de Brest.
N'avez-vous pas dû aussi réviser à la baisse le programme de cession de bâtiments désaffectés, 118 millions d'euros en 2005, pour satisfaire les nouveaux besoins créés par cette importante action de votre ministère à laquelle nous attachons beaucoup d'importance ; je veux parler du plan « Défense deuxième chance » ? Pouvez-vous, madame le ministre, nous apporter des précisions à cet égard ?
En conclusion, quand un budget est bien conçu, bien pourvu, qu'il marque un si grand nombre d'avancées dans tous les domaines et qu'il vient, une fois encore, consacrer le rétablissement indispensable de la fonction militaire qui s'imposait dès 2002, il faut l'approuver et saluer comme elle le mérite l'action du ministre, de son ministère et de tous les responsables militaires. C'est ce à quoi, mes chers collègues, avec la commission des finances et mon collègue Yves Fréville, je vous invite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Capacité interarmées). Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le renforcement de la dimension interarmées est un axe majeur de la modernisation de notre organisation militaire. Le budget pour 2007 conforte cette orientation, notamment dans le domaine des systèmes d'information et de communication, où la nouvelle direction interarmées poursuit sa montée en puissance, mais aussi dans celui des capacités de commandement, avec la mise à niveau de nos états-majors pour conduire des opérations multinationales.
Il faut également se féliciter de la poursuite des efforts au profit des personnels de santé des armées.
Madame le ministre, lorsque l'on met bout à bout l'ensemble des décisions que vous avez prises depuis quatre ans en matière d'effectifs, d'amélioration des statuts, de revalorisation des carrières et de régime indemnitaire, on mesure véritablement l'ampleur du chemin parcouru.
Dans un contexte difficile pour l'ensemble du secteur de la santé dans notre pays, le service de santé des armées et ses personnels, médecins, infirmiers civils et militaires, agents hospitaliers, ont bénéficié d'une attention soutenue, qui était nécessaire pour remédier au déficit en personnels, et d'un effort significatif.
S'agissant maintenant des équipements interarmées, je voudrais tout d'abord signaler le renforcement de nos capacités spatiales militaires au cours de l'actuelle loi de programmation, avec l'entrée en service des satellites Syracuse III pour les télécommunications et Hélios II pour l'observation.
Grâce à des accords de coopération et d'échanges d'images, nous pourrons aussi, à partir de l'an prochain, enrichir la gamme de nos ressources, avec l'accès aux produits des satellites radar allemands et italiens.
Je voudrais vous poser, madame le ministre, trois questions ayant trait à l'espace.
Premièrement, allez-vous bientôt choisir entre les différentes options possibles pour compléter nos capacités de télécommunications ? On évoque une solution duale, civile et militaire. On évoque une coopération avec l'Italie, voire avec la Grande-Bretagne. On évoque aussi la possibilité de recourir à des locations de capacités. Où en est-on exactement sur ce point ?
Deuxièmement, on doit se réjouir de voir que cinq pays, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et la Grèce commencent à préparer avec nous la prochaine génération de systèmes d'observation spatiale. Les premières étapes du programme vont-elles être rapidement lancées, de manière à être au rendez-vous lorsque Hélios II arrivera à la fin de sa durée de vie ?
Enfin, troisièmement, dans le domaine du renseignement d'origine électromagnétique, c'est-à-dire de l'écoute, le spatial jouera de plus en plus un rôle stratégique. La France est présente sur ce créneau avec des programmes expérimentaux. Pensez-vous qu'un véritable programme opérationnel sera bientôt envisageable ? Dans ce domaine sensible, la coopération européenne doit-elle être exclue ?
Je terminerai par la dissuasion nucléaire, dont le rôle dans notre politique de défense a été rappelé et précisé le 19 janvier dernier à l'Île Longue par le Président de la République.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur l'initiative de notre président, Serge Vinçon, qu'il faut féliciter, a consacré deux importantes réunions, notamment avec vous, madame le ministre, pour débattre de notre doctrine au regard du nouveau contexte stratégique, de la vocation de nos forces nucléaires et de l'adaptation de leurs moyens.
En cette matière, où, parfois, certains suggèrent que nos choix ne seraient pas judicieux, qu'ils seraient « figés » et ne répondraient pas tout à fait aux nécessités de l'heure, il était en effet important de mettre tous les éléments du débat sur la table, et je crois que c'est ce qu'a voulu faire le président de notre commission.
Nous en sortons confortés dans notre conviction que, dans un monde marqué par le fait nucléaire et par la prolifération, la dissuasion, dans ses différents modes d'exercice et face à un large type de scénarios auxquels nous pouvons être confrontés, demeure une pièce maîtresse de notre capacité de défense et de notre autonomie stratégique.
Il faut également souligner la totale cohérence entre notre doctrine et les programmes de renouvellement de chacune des deux composantes, par exemple et très concrètement, les capacités de nos futurs missiles.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se félicite donc de la poursuite selon les calendriers prévus de nos différents programmes. Pour cette raison, mais aussi au vu des avancées positives dans le domaine spatial et dans l'ensemble des actions interarmées, elle a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense » pour 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (forces terrestres). Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pour les forces terrestres, le budget pour 2007 comporte trois principaux motifs de satisfaction.
En matière de personnels, les effectifs seront globalement maintenus à leur niveau actuel, ce qui nous paraît particulièrement nécessaire au moment où, malheureusement, notre présence militaire reste fortement sollicitée sur les zones de crise, en Afrique, dans les Balkans, en Afghanistan et au Liban.
Il y a en effet une relation directe entre le format des forces terrestres et notre capacité concrète à nous engager, dans la durée, pour des opérations internationales de plus en plus difficiles et exigeantes. Il faut donc veiller à ce format tout en optimisant la répartition des personnels pour améliorer encore notre capacité de déploiement.
En matière d'entretien des matériels, l'effort financier considérable entrepris depuis quatre ans est maintenu. Les crédits de paiement sont même supérieurs de 20 millions d'euros au niveau prévu en application de la programmation, l'augmentation des dotations étant de près de 60 % depuis 2002.
Enfin, les crédits d'équipement, conformes à la loi de programmation, permettent l'arrivée de matériels neufs ou rénovés. Après le Tigre et les Cougar des forces spéciales en 2006, 2007 verra la livraison de plus de 100 engins blindés moyens et 300 véhicules blindés légers rénovés, du nouveau « petit véhicule protégé », des premiers systèmes « Félin », ou encore du missile Aster 30 doté de la capacité anti-balistique.
Le maintien en condition opérationnelle reste une préoccupation majeure, car nous savons que les besoins financiers en la matière vont croissant, notamment pour soutenir les matériels utilisés dans les opérations extérieures.
Je souhaiterais vous interroger, madame le ministre, sur la nouvelle politique de gestion et d'emploi des parcs de matériels terrestres, dont les responsables militaires ont esquissé les grands contours devant notre commission.
L'idée générale est qu'il n'est peut-être pas indispensable d'assurer la disponibilité immédiate de tous les matériels et qu'une différenciation pourrait être opérée pour privilégier l'entraînement et, bien sûr, les opérations, l'objectif étant de maîtriser, sinon de diminuer, le coût de la maintenance.
Jusqu'où peut-on aller, madame le ministre, dans cette gestion différenciée tout en garantissant le maintien de la capacité opérationnelle des unités ? Allez-vous privilégier cette piste ? Étudiez-vous également d'autres moyens de réformer le MCO terrestre, après les mesures prises dans l'aéronautique et le naval ?
Je terminerai par une interrogation plus générale sur l'équipement des forces terrestres. Dans ce domaine, les besoins sont tout d'abord dictés par nos engagements permanents dans des opérations. Ils portent sur la protection des combattants, et aussi sur leur mobilité. Je pense aux hélicoptères, et vous savez, madame le ministre, que depuis plusieurs années notre commission s'inquiète du vieillissement de nos capacités aéromobiles.
C'est pourquoi nous insistons fermement pour que le calendrier de livraison du NH 90 ne soit pas affecté par le réaménagement des commandes décidé pour 2007. Il faudra aussi nous doter d'un parc moderne de blindés à roues, très utilisés en opérations. Le VBCI, véhicule blindé de combat d'infanterie, a connu des retards et commencera à arriver dans deux ans, mais il sera également nécessaire de préparer le renouvellement des blindés moyens actuellement en service, car les programmes de rénovation en cours ne constituent que des palliatifs temporaires.
Nous voyons bien que les échéances de renouvellement de matériels vieillissants ne peuvent plus être retardées sans affecter notre capacité opérationnelle, mais, par ailleurs, la convergence des principaux grands programmes génère une forte augmentation des besoins financiers.
Je souhaite que, dans les arbitrages globaux sur l'équipement militaire, le besoin constaté quotidiennement en opérations soit un critère majeur de choix, et donc que les programmes terrestres ne soient pas victimes de nouveaux décalages préjudiciables à nos possibilités d'action sur les terrains où nous sommes présents.
C'est en gardant à l'esprit ces préoccupations à moyen terme que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s'est félicitée de l'effort soutenu en faveur des forces terrestres dans ce budget pour 2007, en cohérence avec ceux qui ont déjà été effectués depuis le début de la loi de programmation.
À ce propos, madame le ministre, permettez-moi de vous renouveler les compliments qui vous ont été faits par mes prédécesseurs à cette tribune : c'est en effet la première fois depuis bien longtemps qu'un gouvernement arrive au terme d'une loi de programmation. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense », pour les forces terrestres, tenait à vous en féliciter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (forces aériennes). Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la constitution du premier escadron de vingt Rafale sur la base de Saint-Dizier au début de l'été représente un grand motif de satisfaction pour tous ceux qui s'intéressent à l'armée de l'air. Cet aboutissement correspond au calendrier prévu par la loi de programmation militaire 2003-2008.
Depuis la participation du Rafale à un premier exercice multinational, organisé par l'OTAN en Espagne en septembre dernier, les grandes capacités de cet avion multirôle ont été démontrées concrètement : tous les participants ont reconnu publiquement la supériorité de notre Rafale.
C'est un grand succès pour notre image, c'est un réconfort et une ouverture pour Dassault Aviation. Souhaitons que les marchés en attente soient confortés par cette première démonstration réussie.
Il s'agit là d'une première étape, qui sera bientôt suivie par la constitution d'un deuxième escadron et par l'éventuelle participation du Rafale à des opérations sur des théâtres extérieurs, dont le nombre, hélas ! ne cesse de croître, illustrant ainsi l'instabilité de la situation géopolitique qui caractérise notre époque.
C'est justement cette instabilité qui me conduit à m'interroger sur l'évolution de trois programmes clés pour le maintien de nos capacités de projection.
Mes questions portent tout d'abord sur le calendrier de l'avion de transport européen A-400 M.
Cinquante appareils de ce type devraient être progressivement livrés à la France à compter de 2009. L'armée de l'air attend avec impatience ces livraisons, de nature à combler une importante et inquiétante lacune capacitaire en matière de transports de troupes. En effet, notre flotte de C-160 et de C-130 accuse un fort vieillissement, certains de ces appareils affichant une trentaine d'années de services.
Tout récemment, nous avons appris avec inquiétude que le programme A-400 M venait de faire l'objet d'un audit, dont les conclusions ont été remises le 30 novembre dernier à l'organisation conjointe de coopération en matière d'armements, l'OCCAR, qui est chargée de la gestion de ce programme.
Pouvez-vous, madame le ministre, nous préciser les principales conclusions de cet audit et l'impact à en attendre sur le calendrier de livraison de l'A-400 M ? Ces informations sont primordiales pour prendre en connaissance de cause les décisions à venir, d'autant qu'en commission le président Louis Gallois ne nous a pas paru certain des dates de mise à disposition.
J'évoquerai ensuite les avions de ravitaillement en vol.
Agés de cinquante ans, les quatorze Boeing, dont onze C-135 et trois KC - 135, volent depuis 1955 et doivent faire l'objet de coûteuses adaptations aux règles évolutives de l'aviation civile. Hélas ! ces adaptations conduiront peut-être à leur fin de vie, ce qui nous mettrait en situation de rupture et nous interdirait d'intervenir efficacement sur des terrains d'engagement.
Il faut, dès maintenant, réfléchir au nouvel appareil modulable mis au point par EADS à partir d'une plateforme d'A-330. Cet avion permet en effet d'assurer des missions de transports de troupes et de ravitaillement en vol, d'où la dénomination « MRTT », multirôle transport tanker.
L'Australie vient d'en acheter cinq exemplaires et la Grande-Bretagne étudie sa mise à disposition au sein de sa flotte militaire par le biais d'un contrat de location de services. Est-il prévu de nous doter de ce nouveau type d'avion de transport et, dans l'affirmative, à quelle échéance ? Une absence de décision serait certainement à tout jamais préjudiciable à notre crédibilité et à nos capacités de projection selon nos engagements.
Enfin, ma dernière interrogation touche les capacités de reconnaissance par le biais de drones, qui nous font cruellement défaut depuis le retrait du service en 2004 des Hunter achetés à Israël. Tout d'abord, quel sort a été réservé à ces appareils jugés obsolètes, et donc trop coûteux en frais de maintenance ? Serait-il possible d'y avoir de nouveau ponctuellement recours en cas d'absolue nécessité ?
Nous avons par ailleurs appris avec une certaine surprise que la Délégation générale pour l'armement prévoyait de consacrer 70 millions d'euros à une étude dite de « réduction de risques » consacrée à un nouveau programme de drones d'observations associant la France, l'Espagne et l'Allemagne. Est-ce une décision bien réfléchie ou de la précipitation ? Cela correspond-il à une nécessité ?
Sachant les sommes importantes que cette même délégation a déjà consacrées au projet Euro-MALE, je souhaite instamment obtenir trois précisions.
Y a-t-il une réelle approche commune des besoins entre les trois pays sur les performances attendues de cette nouvelle plateforme modulaire déjà baptisée Advanced UAV, nom très français ?
Sur le plan financier, combien la DGA a-t-elle effectivement dépensé en faveur d'Euro-MALE et que sont devenues les sommes engagées dans ce programme ?
L'Advanced UAV se substitue-t-il au programme Euro-MALE ? Si oui, le Parlement aimerait en avoir une confirmation publique. Si non, que devient le programme Euro-MALE ?
Les parlementaires à vos côtés, madame le ministre, veulent participer au choix qui sera fait entre les solutions possibles, mais nous voulons aussi vous faire part de nos inquiétudes, car le renseignement et la connaissance du terrain sont aujourd'hui indispensables avant tout engagement pour la protection de nos troupes. À cet égard, les derniers événements d'Égypte ne peuvent que nous inquiéter.
Je vous remercie par avance des nécessaires précisions que vous apporterez à la représentation nationale.
En conclusion, je rappelle que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense », pour les forces aériennes. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (forces navales). Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, un magazine anglais spécialisé dans les questions de défense titrait il y a peu sur la « renaissance » de la marine française. Venant de nos voisins britanniques, il s'agit d'un bel hommage et, au vu des différents programmes engagés ou en voie d'être lancés - frégates multimissions, sous-marins nucléaires d'attaque, missile de croisière naval, second porte-avions -, je le crois justifié.
Cependant, si certaines capacités seront bientôt renouvelées, comme les bâtiments de projection et de commandement, les avions de l'aéronautique navale et, prochainement, les frégates antiaériennes, je rappelle que, pour certains programmes structurants, comme les frégates multimissions et les sous-marins nucléaires d'attaque - sans parler du second porte-avions -, la « renaissance » n'est qu'à peine engagée.
C'est le financement de ces programmes, qui, pour l'essentiel, relèvera de la prochaine loi de programmation militaire, qui déterminera la nature même de notre marine, son caractère océanique et sa capacité d'intervention sur toutes les mers du monde, comme instrument de la souveraineté de notre pays.
À cet égard, madame le ministre, je souhaiterais réitérer la demande déjà formulée l'an dernier de disposer d'échéanciers au-delà de l'année à venir sur les différents programmes, afin de mieux apprécier la portée des engagements pris, ainsi que la soutenabilité dans la durée des programmes lancés. La commission des affaires étrangères rejoint ainsi, me semble-t-il, les préoccupations de la commission des finances, lesquelles, pour ce qui concerne la marine dont les programmes sont lourds, coûteux et longs, sont particulièrement pertinentes.
Ma deuxième observation portera sur le parc de frégates.
Les frégates sont la colonne vertébrale de notre marine ; elles sont l'outil central de la maîtrise du milieu maritime. Avec la limitation à deux unités du programme Horizon et l'accomplissement de missions antiaériennes par les FREMM, notre parc global de frégates enregistre une réduction programmée.
Dès lors, envisagez-vous, ainsi que j'ai pu le lire, madame le ministre, l'acquisition d'un tonnage moins important en complément des FREMM, selon quel calendrier et pour quel montant ?
Enfin, s'agissant des FREMM, ne serait-il pas préférable d'inscrire leur financement dès la loi de finances initiale ? L'inscription de ce financement dans le collectif n'entraîne-t-il pas, en effet, le gonflement des reports et n'est-il pas source d'incertitudes pour l'OCCAR ?
J'en viens maintenant au groupe aéronaval et au second porte-avions.
Pouvez-vous nous dire, madame le ministre, où en sont exactement nos partenaires britanniques ? Pensez-vous que leur organisation industrielle permettra de conduire le programme CVF dans de bonnes conditions ? Ces interrogations demeurent pour nous préoccupantes.
Le dernier point que je souhaite aborder concerne le maintien en condition opérationnelle.
Un effort budgétaire tout à fait considérable a commencé de porter ses fruits et la disponibilité des bâtiments progresse. Toutefois, c'est dans ce domaine que devront être recherchées des marges de manoeuvre budgétaires, inexistantes sur les programmes déjà difficiles à financer ou sur l'activité, elle aussi placée sous de fortes contraintes.
Il est indispensable d'associer la DCN à cette démarche de réduction des coûts, dans l'intérêt même de la réalisation des programmes de constructions neuves. L'alliance avec Thales est-elle de nature à permettre de progresser dans cette voie ?
Par ailleurs, l'application de la TVA, même partiellement compensée, pèse sur les constructions et le maintien en condition opérationnelle ; une forme de neutralisation plus pérenne peut-elle être envisagée ?
Enfin, l'effort de gestion engagé par le service de soutien de la flotte sera-t-il poursuivi et les masses salariales des personnels militaires et des personnels civils seront-elles décloisonnées afin que les militaires soient employés aux seules tâches véritablement opérationnelles ?
Telles sont, madame le ministre, les observations que je souhaitais formuler sur les crédits des forces navales de la mission « Défense », après vous avoir rappelé que la commission des affaires étrangères s'est prononcée favorablement sur l'adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. (Environnement et soutien de la politique de défense. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le programme « Soutien de la politique de défense » est marqué par la mise en place d'une importante réforme de la politique immobilière du ministère de la défense.
Cette réforme combine l'unification des structures avec le nouveau service d'infrastructure de la défense, l'instauration d'une programmation d'ensemble, ainsi qu'une gestion plus active du patrimoine immobilier, avec, notamment, la cession de certains immeubles et la rationalisation des implantations.
La commission des affaires étrangères se félicite également que les dotations du plan d'amélioration des logements des militaires engagés, dont elle avait constaté la chute l'an passé, ont été redressées, même si le retard pris pour la réalisation complète de ce plan, qui est de l'ordre de quatre ans, ne pourra être rattrapé.
S'agissant maintenant du programme « Environnement et prospective de la politique de défense », le redressement des crédits d'études amont engagé en 2005 se poursuit. En effet, alors que nous étions en dessous de 450 millions d'euros en 2003 et 2004, nous passons en trois ans à 640 millions d'euros.
Il s'agit là, incontestablement, d'un effort financier très significatif, dans un contexte tendu pour les crédits d'équipement, même si, malgré ce rattrapage, nous pourrons difficilement, sur l'ensemble de la période de programmation, réaliser en totalité l'objectif qui avait été initialement fixé, et qui consistait, je le rappelle, en une annuité moyenne de 630 millions d'euros.
Ces crédits en progression permettent non seulement de continuer à financer d'indispensables études de base sur les technologies, mais aussi d'amplifier le lancement de nouveaux démonstrateurs dont le mérite est de mieux préparer des développements futurs. Nous constatons avec satisfaction que le nombre de projets réalisés en coopération augmente et que les regroupements industriels de ces dernières années facilitent cette coopération, en particulier dans le domaine des radars, de l'électronique, des missiles ou des hélicoptères.
Bien sûr, il faudrait aller plus loin dans cette voie, et nous touchons là l'un des enjeux de la définition, par l'État actionnaire, d'une politique industrielle claire et cohérente.
Le lancement par l'Agence européenne de défense de son premier programme de recherche, regroupant dix-huit pays sur le thème de la protection des forces en opérations, s'il constitue, certes, un événement important, représente aussi un défi, en ce sens qu'il faudra désormais faire la preuve qu'une instance européenne peut gérer avec efficacité et à la satisfaction des pays membres de tels programmes de recherche.
De ce point de vue, madame la ministre, la France a-t-elle obtenu des garanties quant aux modalités de gestion, de façon que la règle de l'unanimité ne paralyse pas l'avancement de ce programme ?
Par ailleurs, la Grande-Bretagne semble camper sur des positions très réservées quant au rôle de l'Agence en la matière. Cette attitude de nos voisins britanniques ne risque-t-elle pas de constituer un lourd handicap pour l'européanisation de la recherche de défense, la Grande-Bretagne représentant tout de même plus de 30 % des dépenses européennes en la matière ?
Je terminerai par le renseignement de sécurité, qui voit ses moyens consolidés en 2007.
Il faut tout d'abord se féliciter de la création d'une direction des ressources humaines à la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE. Je profite d'ailleurs de cette occasion pour rendre hommage, au nom du Parlement, au membre de la DGSE récemment décédé en mission en Irak.
Il est en effet indispensable de décloisonner et de dynamiser la gestion des personnels du service, à la fois pour assurer un bon recrutement et pour rendre les carrières plus valorisantes.
Je dois également souligner les besoins croissants en équipements techniques, notamment pour l'interception et le déchiffrement. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que l'on pourrait accentuer l'effort en ce domaine en privilégiant systématiquement la mutualisation des équipements, et donc des financements, au bénéfice de l'ensemble de la communauté du renseignement ?
Enfin, madame la ministre, je dois vous faire part de la satisfaction éprouvée par la commission, au mois de mars dernier, à la suite du dépôt du projet de loi portant création d'une délégation parlementaire pour le renseignement ; nous trouvons là une réponse adaptée à une demande récurrente émanant de l'ensemble des travées.
Toutefois, cette satisfaction risque de se muer de plus en plus en déception, au fur et à mesure que la législature approche de son terme et alors que nous ne voyons toujours pas poindre l'inscription du texte à l'ordre du jour de nos travaux.
Jusqu'à présent - mais peut-être est-ce propre à tout ce qui touche au renseignement -, le Gouvernement s'est montré d'une discrétion absolue sur ses intentions en la matière. Pouvez-vous nous donner quelques éclaircissements à ce sujet, madame la ministre ? Ne nous dirigeons-nous pas, dans ce domaine, vers une nouvelle occasion manquée ?
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable sur le projet de budget de la mission « Défense ». (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer le travail accompli par le Gouvernement, et singulièrement par vous-même, madame le ministre, pendant cette législature, pour améliorer notre outil de défense.
Je m'abstiendrai de développer les données chiffrées de votre budget dont tous les rapporteurs viennent excellemment d'analyser la portée ; je voudrais seulement, pour ma part, souligner quatre points qui me paraissent essentiels.
En premier lieu, la preuve est faite qu'une loi de programmation militaire respectée, c'est possible ! Il reste, certes, deux annuités à courir, mais si les engagements du présent projet de loi pour 2007 sont tenus et à condition, bien sûr, que la première annuité de la prochaine législature suive l'exemple de ces quatre dernières années, nous aurons réussi, pour la première fois, à mettre en oeuvre un travail considérable de modernisation militaire, telle que l'avait voulue le Parlement.
En deuxième lieu, cette modernisation est allée de pair avec la rationalisation de la dépense de défense, symbolisée par la réforme ministérielle que vous avez conduite, madame le ministre, afin de réduire la dépense quand c'était possible ou, en tout cas, de mieux dépenser les crédits considérables confiés à votre ministère.
Par ailleurs, le renforcement, dans de nombreux domaines, de la dimension interarmées ainsi que les pouvoirs d'arbitrages essentiels confiés au chef d'état-major des armées, parallèlement à la logique induite par la loi organique relative aux lois de finances, ne peuvent qu'avoir un impact positif sur le plan budgétaire, mais aussi, et surtout, sur le plan opérationnel.
En troisième lieu, parmi les nombreux postes de dépenses de la mission « Défense », j'en retiendrai deux qui me paraissent emblématiques des contraintes et des impératifs d'une politique de défense moderne.
Le premier poste concerne le maintien en condition opérationnelle, sur lequel nous cumulons deux difficultés : l'entretien très pointu des équipements de haute technologie, tout en devant prolonger la durée de vie d'équipements vieillissants, par définition de plus en plus coûteux à soutenir.
Il semble que, sur ce point, les dépenses réalisées aient substantiellement dépassé les prévisions. Il faut espérer qu'elles n'auront pas grevé les dotations nécessaires aux programmes d'équipements nouveaux.
Le second poste concerne les crédits d'études amont qui ont, depuis trois ans, atteint un niveau considérable, conformément à l'impérieuse nécessité de préparer l'avenir de notre défense et de donner à notre outil industriel, de plus en plus européen, les moyens d'affronter une concurrence toujours plus aiguë.
En quatrième lieu, enfin, je voudrais évoquer ce qui concourt à la légitimité de cette importante masse de crédits sur laquelle nous débattons aujourd'hui, à ce qui en est la traduction quotidienne, pour les hommes et les femmes qui servent dans nos armées : je veux parler de leur engagement dans les opérations extérieures. C'est, à mon avis, à cette aune-là qu'il convient d'appréhender les éléments comptables qui concernent, en particulier, le niveau des effectifs, les capacités d'entraînement, les structures de commandement ou encore la qualité des équipements.
Or nous savons que notre possibilité d'implication dans des engagements extérieurs, parfaitement justifiés par le rôle de la France dans la gestion des crises internationales, n'est pas sans limites.
Mais nous savons aussi que si l'on porte notre regard sur ce que font, concrètement, pour la défense, la plupart de nos partenaires européens, nous nous retrouvons bien seuls à consentir un effort cohérent avec notre engagement diplomatique et avec notre souhait de voir l'Europe jouer pleinement son rôle dans les affaires du monde, rôle qui comporte aussi, par définition, un volet militaire.
Madame le ministre, je voudrais aujourd'hui aborder devant vous notre engagement militaire en Afghanistan, mis en lumière par la dégradation sécuritaire qui règne dans ce pays et par le récent sommet de l'OTAN à Riga, qui y a consacré une large part de ses travaux.
Depuis plus de cinq ans, la France est militairement présente en Afghanistan, et ce à un double titre : d'une part dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, sous commandement de l'OTAN, où elle assure la sécurisation de Kaboul et, d'autre part, pour quelques semaines encore, dans le cadre de l'opération « Liberté immuable », sous commandement américain, dont la mission est de contrer les attaques des talibans et de leurs alliés contre le nouveau régime afghan.
La situation sécuritaire dans le pays est préoccupante et l'OTAN, on le sait, peine à trouver les ressources nécessaires, tant en hommes qu'en équipements, pour réagir comme elle le voudrait aux actions de plus en plus organisées des talibans.
Les responsables de l'OTAN ont, à plusieurs reprises, sollicité de ses membres un engagement accru dans une mission qui, de facto, rassemble les opérations de stabilisation et de reconstruction de la FIAS et les actions de combat de l'opération « Liberté immuable ».
Dans un contexte qui, désormais, va se situer au-delà de la simple « synergie », longtemps souhaitée par la France, entre ces deux opérations, pourriez-vous, madame le ministre, nous dire quels sont les engagements pris par le Président de la République, au nom de la France, sur la participation éventuelle du contingent français, en dehors de sa zone de stationnement, à des opérations contre les talibans, qui sont particulièrement actifs dans le sud et l'est du pays ?
Face à cette dégradation, la réponse militaire, si elle est certes nécessaire, n'est cependant pas suffisante. En effet, l'État afghan reste à reconstruire pour que son autorité s'étende à tout le territoire. Il faut aussi combattre, par des mesures économiques, politiques, législatives, le trafic de stupéfiants qui enrichit la criminalité, multiplie les milices, nourrit la corruption, et qui ne peut que prospérer compte tenu de l'absence d'autorité étatique que je viens de souligner.
Par ailleurs, l'aide internationale n'a pas su, ou n'a pas pu, résoudre le problème prioritaire de la pauvreté, ni remédier à l'inexistence des infrastructures élémentaires.
Que dire, enfin, du rôle ambigu de certains des voisins de l'Afghanistan, en particulier du Pakistan, qui nécessitera, un jour ou l'autre, une clarification diplomatique ?
C'est tout l'intérêt de la proposition formulée par le Président de la République à Riga, qui tend à créer un groupe de contact réunissant les principaux contributeurs à l'aide militaire et financière à l'Afghanistan, mais aussi ses voisins, afin de réorganiser et de rendre plus cohérente l'action de la communauté internationale dans un pays dont le sort, ne nous y trompons pas, mes chers collègues, conditionne aussi notre sécurité.
Madame le ministre, au-delà de l'Afghanistan, je souhaite vous interroger sur l'avenir de l'OTAN et les liens entre cette organisation et la politique européenne de défense.
N'existe-t-il pas un risque de décalage croissant entre des ambitions toujours plus vastes pour l'OTAN et des capacités réelles qui plafonnent, en raison, notamment, de la réduction de l'effort de défense chez plusieurs de nos alliés européens ?
Par ailleurs, dans la tribune publiée à la veille du sommet de Riga, le Président de la République a souhaité un renforcement des relations entre l'OTAN et l'Union européenne. Il a demandé que la voix de l'Union soit entendue au sein de l'Alliance et que les Européens puissent y établir une concertation spécifique. Madame le ministre, quelle forme pourrait prendre cette concertation, et comment nos partenaires ont-ils reçu cette proposition ?
Enfin, s'agissant de la Politique européenne de sécurité et de défense, la PESD, le chef de l'État a souhaité donner une dimension permanente au centre d'opérations de l'Union européenne. Pouvez-vous nous détailler les attentes de la France en ce domaine, madame le ministre ?
Monsieur le Président, madame le ministre, mes chers collègues, dans les semaines et les mois à venir, en raison d'échéances électorales cruciales, les Français auront l'occasion de réfléchir à la place et au rôle de la défense dans notre pays, entre autres enjeux.
Pour ma part, je souhaite que, sur un tel sujet, le débat aille au-delà du seul volet budgétaire, comme c'est trop souvent le cas en période préélectorale, afin que chacun ait à l'esprit l'état du monde d'aujourd'hui, un monde de conflits multiples, d'instabilité croissante et de nouvelles menaces sans frontières, un monde que la diplomatie peine à apaiser.
Telle est la véritable raison d'être d'une politique de défense lucide et ambitieuse, comme celle que vous avez conduite depuis cinq ans, madame le ministre.
C'est pour cela, mes chers collègues, et comme la commission des affaires étrangères et de la défense vous le recommande, que je voterai les crédits qui nous sont proposés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 53 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinquante minutes pour intervenir.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Robert Del Picchia. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne rappellerai pas les chiffres et les données que vous avez déjà tous entendus. Toutefois, je souhaite à mon tour vous féliciter, madame le ministre, de respecter, pour la cinquième année consécutive, la loi de programmation militaire. Vous avez ainsi rendu à la France les moyens de ses ambitions,...
M. Jean-Louis Carrère. Mais ils vont finir par s'en persuader !
M. Robert Del Picchia.... qui doivent être grandes, car les difficultés auxquelles sont confrontés les pays et leurs populations qui nous sont chers sont aujourd'hui plus graves que jamais.
J'abonderai donc dans le sens de Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en évoquant le rôle de la France en Afrique.
Permettez-moi, mes chers collègues, de m'appesantir quelque peu sur ce sujet, car je rentre d'un déplacement réalisé aux côtés du Premier ministre, et qui nous a conduits, Mme Paulette Brisepierre et moi-même, au Tchad, puis en Afrique du Sud.
J'aimerais partager avec vous les enseignements que j'en ai tirés, ainsi que les conclusions qui me semblent s'imposer, d'une part, pour notre doctrine de défense dans la sous-région, sur le continent, et, d'autre part, pour la politique d'engagement de nos troupes sur les théâtres d'opérations extérieurs.
Bien sûr, nous pouvons nous poser des questions : pourquoi l'Afrique ? Pourquoi notre présence sur ce continent ?
De fait, au-delà de nos obligations historiques et humanitaires, nous ne pouvons rester les bras croisés face aux crises qui se propagent rapidement et à la violence qui menace la stabilité du continent, sans parler du fondamentalisme islamique, qui sévit dans certaines régions, ou du terrorisme ; certains groupes semblent s'installer, en particulier dans la corne de l'Afrique.
Notre présence en Afrique est également nécessaire parce que ce continent a besoin de stabilité et de sécurité, pour relever les défis particuliers auxquels il est confronté et trouver sa place dans la mondialisation, mais aussi pour ne pas subir de brutales évolutions sans en tirer des bénéfices.
L'Afrique ne peut pas être seulement la « mine du monde ». L'exploitation illégale de ses ressources par des réseaux mafieux constitue un danger majeur, qui empêche le continent de développer ses entreprises et son industrie. Or une Afrique non développée, c'est l'immigration assurée, avec les conséquences que nous connaissons.
Il peut être bon de rappeler que, d'ici à 2050, la population de l'Afrique aura doublé, quand celle de l'Europe aura diminué. La seule possibilité qui s'offre à nous est donc la conclusion d'un véritable partenariat avec ce continent.
L'Afrique dans la mondialisation contribue à l'équilibre de la planète en matière d'économie, d'environnement, de développement durable et de lutte contre les grandes épidémies, à commencer par celle du sida. Tout cela est lié à notre propre sécurité, et il est important d'y participer, mes chers collègues. C'est ce que font nos quelque 10 000 militaires présents sur ce continent, et nous devons les en remercier.
Il convient de préciser que cet engagement en Afrique s'accomplit en accord avec la communauté internationale et les pays concernés, mais aussi, de plus en plus, dans un cadre européen.
Au lendemain de sa visite au Tchad, un État dont le régime se trouve affaibli par plusieurs rébellions et déstabilisé par la crise régionale du Darfour, le Premier ministre a indiqué que, « face aux crises, la France ne choisit pas un camp, elle choisit la paix. Elle ne défend pas des régimes, elle défend des valeurs ».
Madame le ministre, s'il était besoin de démontrer l'importance de notre présence dans la sous-région, la déclaration du président Idriss Déby y suffirait. En effet, le chef d'État du Tchad a consenti au déploiement d'une troupe mixte composée de soldats de l'ONU et de l'Union africaine, ce qui est heureux, car les troupes françaises se trouvent en première ligne au Tchad, au titre des accords de défense. Ces accords nous avaient déjà permis d'apporter un soutien au gouvernement de ce pays, en matière de logistique et de renseignement, lors d'une tentative de coup d'État, en mai dernier.
À l'occasion d'une question d'actualité, j'avais évoqué l'équilibre précaire qui règne dans ce pays, dont la déstabilisation aurait des conséquences dramatiques pour toute la sous-région.
Le Tchad jouxte le Darfour et abrite 400 000 réfugiés chassés par des combats de cette province de l'ouest du Soudan. Ce conflit, nous le savons, a fait des dizaines de milliers de morts depuis 2003, et les convois d'aide humanitaire à destination des camps installés au Darfour transitent par le territoire tchadien.
Bref, si le Tchad implosait, ou s'il devait sombrer dans une guerre civile généralisée, aucune solution durable ne pourrait être trouvée pour le Darfour et la situation dans toute la zone serait difficilement contrôlable.
C'est pourquoi, madame le ministre, les forces françaises sont totalement impliquées pour préserver cet équilibre fragile, mais primordial, et ce dans toute la région. La communauté internationale nous reconnaît ce rôle clef.
Nous avons rendu visite aux forces françaises au Tchad et nous avons pu apprécier la qualité des hommes et du matériel. Ce constat est rassurant pour nos compatriotes présents sur place, au nom desquels, comme je le leur ai promis, madame le ministre, je vous remercie de la présence de nos troupes, de leur efficacité, de leur compétence et de leur disponibilité. Enfin, j'aimerais adresser une pensée toute particulière au personnel de l'hôpital militaire de N'Djamena, qui accomplit un travail remarquable.
Mes chers collègues, voilà une semaine, l'armée française a renforcé son dispositif au Tchad, qui compte désormais 1 200 hommes bien armés, dans le cadre du dispositif Épervier. Notre objectif est d'apporter un soutien logistique et de maintenir l'ordre intérieur, car des colonnes de rebelles sont régulièrement signalées à l'est du pays.
Nos troupes sont intervenues récemment en Centrafrique, pour reprendre l'aéroport de Birao. En état de légitime défense, elles ont même été amenées à tirer. Elles ont soutenu l'effort du gouvernement pour stabiliser la région.
En ce qui concerne le Soudan, les relations entre le nord et le sud semblent s'enflammer de nouveau, puisque 150 personnes ont été tuées et 400 autres blessées lors de combats dans le sud du pays. La mission de l'ONU a d'ailleurs lancé un appel pour venir en aide aux blessés.
Les affrontements qui se sont produits depuis plusieurs semaines entre soldats soudanais et anciens rebelles du mouvement populaire de libération du Soudan semblent être l'une des plus graves violations de l'accord de paix signé en 2005.
Madame le ministre, comme vient de le rappeler le secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires, M. Jan Egeland, les violences au Soudan, au Tchad et en République centrafricaine sont en passe de devenir un seul et même conflit régional de grande ampleur.
Dans les trois pays, il y a des combattants venus de l'un ou l'autre pays, qui franchissent la frontière pour chercher un refuge. Tous appliquent le principe selon lequel « l'ennemi de mon ennemi est mon ami », ce qui crée des complications.
Face à cette montée des tensions dans la région, nous ne pouvons qu'espérer très fermement que se mettent en place des dispositifs hybrides ONU - Union africaine, et ce le plus rapidement possible. Le président du Tchad en a déjà accepté le principe. Reste le Soudan, mais il s'agit là d'un grand point d'interrogation.
Madame le ministre, vous conviendrez que cette situation ne fait que souligner, une nouvelle fois, le rôle et la place de la France dans la résolution des crises africaines.
Cette question fondamentale a fait l'objet d'un rapport de mes éminents collègues ici présents, André Dulait, Robert Hue, Yves Pozzo Di Borgo et Didier Boulaud. Un débat a été organisé sur ce sujet au Sénat, auquel vous avez participé, madame le ministre : vous avez indiqué, notamment, que la gestion des crises africaines ne pouvait être seulement militaire, mais qu'elle était aussi militaire.
Dès lors, pourriez-vous nous rappeler brièvement la position de la France, aujourd'hui, dans cette sous-région en crise ?
L'excellent rapport de nos collègues rappelait qu'actuellement la France s'efforce de faire évoluer le programme RECAMP, renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, et ce dans deux directions : au niveau africain, afin de l'articuler avec les Forces africaines en attente de l'Union africaine, et à l'échelon européen, pour y associer d'autres partenaires et impliquer davantage l'Union européenne. Madame le ministre, quelle place peut tenir le programme RECAMP dans cette sous-région ?
Consciente de ses limites, l'ONU cherche des partenariats pour poursuivre son action de maintien de la paix.
Les organisations régionales de sécurité, prévues par la charte des Nations unies, constituent une déclinaison logique de l'action de l'ONU. Elles offrent certainement une piste de réflexion primordiale pour la redéfinition des objectifs dans l'avenir. Nous pouvons toutefois nous demander s'il existe une place pour un partenariat avec la France, et dans quelles régions.
Pour terminer, je voudrais associer aux félicitations et remerciements adressés aux soldats de la mission Épervier au Tchad tous les militaires français présents en Afrique et dans le monde, en Côte d'Ivoire, bien sûr, mais aussi dans les différents pays où la présence de ces troupes est bien acceptée et très appréciée par nos compatriotes qui résident dans ces pays.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. C'est vrai !
M. Robert Del Picchia. Madame le ministre, permettez-moi de citer cette compatriote rencontrée au Tchad qui m'a demandé de vous féliciter - c'est donc fait ! -, et qui a ajouté : « Et surtout, vous, les parlementaires, votez bien le budget de la défense. Au moins, celui-là, on sait à quoi il sert ! »
Je n'avais pas besoin de cet encouragement, madame le ministre, mais c'est avec d'autant plus de conviction que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à voter, avec ce projet de loi de finances pour 2007, la cinquième annuité de la loi de programmation militaire, je tenterai de dresser un premier bilan de celle-ci, certes modeste, mais qui se veut lucide, et d'esquisser quelques perspectives.
Les systèmes de force prévus par la loi de programmation restent pertinents. Les différents théâtres extérieurs où se trouvent engagées des troupes françaises illustrent l'ampleur et la diversité des besoins de notre outil de défense en matière de projection, au service de notre action diplomatique.
Dans un monde dangereux et incertain, la dissuasion nucléaire reste une garantie dont notre pays ne saurait se priver et un instrument de notre autonomie stratégique.
Dans le même temps, le développement du terrorisme et la diversité des menaces ont renouvelé le besoin de protection du territoire national.
Les annuités prévues par la loi ont bien été programmées avec constance et prévisibilité. Un effort a été engagé sur tous les fronts ; il commence à porter ses fruits dans certains domaines. Le renouvellement des capacités se poursuit et la mission « Défense » concentre même l'essentiel des investissements de l'État.
L'effort consenti est donc plus que substantiel et il est raisonnable de penser qu'un nouvel accroissement ne serait pas supportable pour le budget de l'État.
Au vu des seuls engagements déjà pris, le renouvellement des capacités est-il soutenable dans les années à venir ? À structure constante, la réponse est vraisemblablement négative.
Des programmes très importants prévus par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ne démarrent qu'en toute fin de période de programmation - je songe naturellement aux programmes de la marine -, provoquant une « bosse » qu'il sera bien difficile de surmonter. Ces programmes ne sont pas restés dans l'enveloppe prévue au moment de l'élaboration de la loi de programmation : ils ont été recalibrés de façon significative, parfois à hauteur de plusieurs milliards d'euros.
Les crédits d'activité sont déjà placés sous tension. Hors opérations extérieures, l'activité et l'entraînement souffrent de dotations calculées au plus juste.
Le maintien en condition opérationnelle représente plus de trois milliards d'euros en 2007 pour une disponibilité des matériels qui ne progresse que lentement. C'est, de mon point de vue, dans les fonctions de soutien que des marges de manoeuvre peuvent être recherchées, en poursuivant l'effort de rationalisation entrepris au sein tant du ministère que des industries du secteur. Pouvez-vous nous dire, madame le ministre, quelles perspectives d'évolution se dessinent dans ce domaine ?
Je crains que, sans ces évolutions, notre défense ne soit, à brève échéance, confrontée à un dilemme : baisse des coûts ou révision des ambitions. Ne nous y trompons pas : ce n'est pas d'une éventuelle réduction du budget de la défense que nous aurons à discuter après les échéances présidentielles, mais bien des moyens de faire aboutir les programmes actuels sans augmenter démesurément ce budget.
Le partage du fardeau avec nos partenaires européens, dont les budgets de défense se réduisent, n'est pas à l'ordre du jour. Les coopérations européennes restent encore trop souvent des juxtapositions de programmes nationaux au stade du développement ou même de la réalisation : elles ont donc lieu trop tard. Je le regrette, mais nous ne devons pas renoncer : si la France ne joue pas un rôle d'entraînement pour la constitution d'une défense européenne, peu de nos partenaires seront prêts à l'assumer.
En matière de recherche, l'Agence européenne de défense, qui est encore embryonnaire, devrait contribuer à identifier des besoins communs en amont des programmes et à créer des habitudes de travail collectif. Avec l'Agence, nous investissons pour l'avenir. Toute occasion de travailler ensemble sur des programmes - ou même sur le soutien, comme nous envisageons de le faire avec l'Italie - doit être saisie pour renforcer l'intégration industrielle encore insuffisante à l'échelon européen. Dans l'intérêt même de nos capacités nationales, nous tirerons bénéfice à raisonner à l'échelle européenne. À court terme, elle ne résout pas notre dilemme budgétaire, mais, à plus long terme, elle est la seule issue possible.
En conclusion, madame le ministre, je tiens à souligner combien l'effort de redressement de notre outil de défense, s'il est effectivement engagé, est loin d'avoir atteint son rythme de croisière. Il appellera sans doute encore une mobilisation soutenue des crédits budgétaires dans les années qui viennent. (Applaudissements les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Avec 47,7 milliards d'euros, soit 12 % du budget, dont plus de 35 milliards d'euros au seul titre de la mission « Défense », et une augmentation de 2,2 % par rapport à l'an dernier, votre budget, madame la ministre, est l'un des tout premiers. Cela traduit l'importance de la place et du rôle que tient notre défense nationale dans la vie du pays, y compris pendant la campagne présidentielle.
Cela étant, nous souhaitons que les crédits soient différemment répartis. Votre budget est-il adapté au monde incertain, et parfois dangereux, dans lequel nous vivons, aux nouvelles menaces qui pèsent sur notre pays et sur l'Europe, aux enjeux auxquels nous sommes confrontés ? Il faut tirer toutes les conséquences du nouveau paysage stratégique dans lequel nous nous trouvons.
Nous nous dispersons et nous voulons continuer à assurer toutes nos missions traditionnelles, au risque de ne plus pouvoir les assumer financièrement.
Avec ce budget, madame le ministre, vous ne répondez ni aux besoins réels de notre défense ni à notre volonté de voir la France jouer pleinement son rôle dans la résolution des crises internationales.
Ainsi, le modèle d'armée 2015 est dépassé et ne correspond plus au contexte stratégique international. Il faudrait, en effet, quelque 70 milliards d'euros supplémentaires pour atteindre les objectifs fixés, ce qui n'est pas envisageable.
Par exemple, notre armée de terre ne sera pas en mesure de déployer 50 000 hommes dans des conflits - elle n'aura d'ailleurs pas besoin de le faire - ; disposer de 770 chars et de 180 hélicoptères est un objectif assurément trop ambitieux. Ces remarques sur le format de l'armée de terre et sur ses équipements peuvent également s'appliquer à la marine et à l'aviation.
À cet égard, avec vingt-six opérations qui mobilisent actuellement 14 500 hommes et femmes, soit près de 50 000 militaires déployés chaque année du fait de la rotation tous les quatre mois, le chef d'état-major des armées a reconnu que nous étions à la limite de nos possibilités pour la capacité de projection de nos forces à l'étranger. Je veux saluer tout particulièrement les soldats de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, la FINUL, qui assurent une mission de paix difficile. Ils ont tout récemment fait preuve de beaucoup de sang-froid et il leur en faudra encore.
Il conviendrait donc de revoir les orientations de notre politique de défense, en particulier le format des effectifs et le choix de certains équipements, car il me semble que nous ne pourrons pas continuer à tenir notre rang de grande puissance militaire en lançant de trop nombreux programmes emblématiques, dont l'utilité peut être discutable et sur lesquels les avis divergent au sein même de l'institution militaire.
En effet, la priorité accordée aux équipements se fait au détriment de la préparation et de l'emploi des forces, puisque les dépenses de fonctionnement liées à ce programme sont en baisse de 6,3 %. Paradoxalement, nous n'avons jamais été aussi présents sur des théâtres d'opération extérieurs.
Certes, les minima requis sont atteints, les heures de vol, les jours en mer et les manoeuvres permettent le maintien en condition opérationnelle. Mais nous n'avons plus de marge de manoeuvre, et je crains que cela n'incite, à l'avenir, à utiliser l'activité des forces comme une variable d'ajustement budgétaire.
C'est donc au prix de certaines révisions que nous pourrons garder des forces armées suffisamment bien équipées et entraînées pour intervenir à l'étranger, interopérables et donc capables de s'intégrer dans des coalitions sous l'égide de l'ONU, de l'OTAN ou de l'Union européenne.
La provision pour les OPEX a été doublée et portée à 375 millions d'euros, ce qui permet de les financer sans surprise et sans préjudice pour les autres programmes.
J'approuve la projection de nos forces à l'extérieur pour des opérations de maintien ou de consolidation de la paix, quand elles se font dans le cadre de l'ONU, comme au Liban, ou sous l'égide de l'Union européenne, comme en Bosnie ou en République démocratique du Congo.
Notre présence en Afghanistan, dans le cadre de l'OTAN, est plus problématique. Cette dernière s'embourbe en voulant imposer la paix par la force des armes au détriment du volet « reconstruction » de sa mission initiale, que nous avions d'ailleurs approuvée. Nous avons eu raison non seulement de refuser que nos troupes sortent de la sécurisation de la région de Kaboul pour participer à des opérations offensives dans le Sud, mais aussi de retirer nos forces spéciales au mois de janvier. En revanche, nous avons tort, me semble-t-il, d'accepter des opérations ponctuelles dans le Sud, fussent-elles sous commandement français.
D'ailleurs, les militaires au plus haut niveau le disent : la solution au problème ne peut pas être que militaire. Le groupe de contact souhaité par le Président de la République doit définir une stratégie d'ensemble et être plus exigeant avec le gouvernement afghan pour qu'il mène une lutte active contre les talibans et s'attache à éradiquer la culture du pavot et le trafic de drogue.
Lors du récent sommet de l'OTAN à Riga, nous aurions dû refuser plus nettement le projet d'alliance politique globale proposé par les États-Unis, et marquer plus fermement notre opposition à une modification du rôle de gendarme du monde que joue l'Alliance atlantique pour pallier les insuffisances de l'ONU.
J'ai évoqué la nécessité de procéder à certaines révisions pour continuer à maintenir à un haut niveau nos forces de projection. Je pense, en particulier, à la place trop importante que tiennent les crédits consacrés aux armes nucléaires. Bien qu'il règne une certaine opacité dans leur répartition, on sait pourtant que, avec 3,269 milliards d'euros, les crédits de paiement affectés à la dissuasion nucléaire représentent 10 % des crédits totaux, et près d'un cinquième des crédits d'équipement.
Détenir une force de dissuasion pour préserver la sécurité de notre pays et protéger ses intérêts vitaux est nécessaire dans le monde surarmé où nous vivons. Toutefois, l'effort financier considérable qui est consacré à sa modernisation n'est pas nécessaire pour lui conserver toute sa crédibilité.
Après le Vigilant, mis à l'eau en 2004, avions-nous forcément besoin, avec le Terrible, d'un quatrième sous-marin nucléaire lance-engins de nouvelle génération, qui ne sera d'ailleurs en service qu'en 2010, pour tirer les nouveaux missiles M 51 ? Si nous dégageons tous les enseignements des progrès technologiques qu'apportera le M 51, aurons-nous forcément besoin de moderniser aussi de façon très importante la composante aérienne de notre armement nucléaire ?
Face à l'évolution du contexte international, moderniser de cette façon notre force de frappe nucléaire, en particulier nos forces océaniques stratégiques, ne me paraît pas pertinent pour répondre aux nouvelles menaces, notamment terroristes.
Depuis la fin de la guerre froide, notre force de frappe nucléaire est surdimensionnée par rapport à la réalité des conflits, qui sont essentiellement des conflits terrestres conventionnels, il est vrai parfois de haute intensité. Elle est en contradiction avec le désarmement généralisé et simultané auquel nous sommes nombreux à aspirer.
L'évolution des matériels traduit, par ailleurs, une orientation vers une doctrine d'« emploi », comme l'a laissé entendre le Président de la République dans son discours de l'Île Longue le 19 janvier dernier, en évoquant une éventuelle menace de chantage terroriste contre notre pays et l'élargissement de la conception de nos intérêts vitaux.
Nous devons, au contraire, en rester à la doctrine de frappe en second qui était la nôtre. Pour cela, le maintien de l'outil stratégique en l'état, à quelques ajustements près, est suffisant.
En revanche, nous devrions être beaucoup plus offensifs et prendre des initiatives fortes à l'échelon international en faveur du respect du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, à l'exemple de la campagne que mène en France Le Mouvement de la paix.
Je sais bien que ce n'est pas aux militaires et à leur ministre de se préoccuper de cela : leur vocation est évidemment de se préparer le mieux possible pour assurer la sécurité de la France. À travers vous, madame la ministre, c'est au Gouvernement que je m'adresse.
Aussi, pour sauver le régime de non-prolifération, qui repose sur le traité signé en 1968 et qui est remis en cause par le développement de l'arme nucléaire en Corée du Nord et en Iran, faudrait-il agir pour compléter ce texte par un traité de désarmement complet, multilatéral et progressif. Cela signifie qu'il conviendrait d'être plus ferme et d'exiger l'application intégrale des dispositions prévues à l'article 6 du traité de non-prolifération.
Il serait nécessaire, de même, de poursuivre les efforts entrepris pour rendre effectivement applicable le traité d'interdiction complète des essais nucléaires, que nous avons signé en 1996.
Pour oeuvrer en faveur de la paix et du désarmement, il conviendrait également d'interdire les bombes à sous-munitions, qui ont à nouveau été utilisées pendant le conflit entre Israël et le Hezbollah. La délégation de députés libanais, que nous avons reçue vendredi dernier, a confirmé que, tous les jours, des enfants, des agriculteurs sont tués.
Notre pays s'honorerait d'adopter, comme le préconisent le Parlement européen et dix-huit États, la proposition de loi déposée par les membres du groupe communiste républicain et citoyen au mois de mars 2006, visant à interdire la fabrication, le stockage et l'utilisation de ces armes.
Je déplore que, lors de la conférence d'examen de la Convention sur les armes classiques à Genève, que nous présidions, nous ayons refusé toute négociation internationale sur cette question.
Si la politique de défense était réorientée dans le sens que nous proposons, les crédits dégagés sur la modernisation et le développement de nos armes nucléaires pourraient être utilement reportés sur d'autres programmes.
La construction d'un second porte-avions est justifiée non seulement par l'existence d'un premier, mais aussi pour assurer la permanence de notre capacité de puissance et pour nous projeter sur les théâtres d'opérations extérieures, qui constituent maintenant la plus grande partie des missions de nos armées.
Les économies réalisées dans le domaine du nucléaire pourraient également être utilisées pour maintenir les efforts importants réalisés dans le secteur de la recherche. L'enjeu dépasse d'ailleurs le seul aspect militaire, puisqu'il est bien sûr scientifique, mais aussi industriel et social. En effet, la recherche militaire est ô combien duale, c'est-à-dire qu'elle a des implications civiles, et contribue, par la suite, à la passation de commandes à l'industrie nationale.
Les crédits qui sont consacrés à la recherche militaire s'élèvent aujourd'hui à 1,4 milliard d'euros, dont 700 millions d'euros seront consacrés à des contrats de recherche passés directement avec nos entreprises de défense. C'est absolument nécessaire si nous voulons garantir à nos armées une avance technologique constante.
Il faudrait, de même, consacrer plus de moyens à l'espace. En 2007, les autorisations d'engagement affectées à ce secteur augmenteront d'à peine 0,9 % et les crédits de paiement baisseront, pour leur part, de 4,1 %. Bien qu'avec les lancements successifs du système Hélios et des satellites Syracuse 3A et 3B nous ayons franchi des étapes importantes, ces crédits sont insuffisants par rapport au rôle décisif joué par ces moyens d'observation et de renseignement, sans lesquels aucune évaluation indépendante des situations n'est possible.
Je regrette d'ailleurs les réticences de certains de nos partenaires européens, qui ont bloqué l'adoption d'un budget trisannuel de l'Agence européenne de défense et qui ont refusé de s'associer à deux programmes de recherche. Cette façon de procéder ne favorise pas la mutualisation des moyens dans ce domaine et fait reposer sur deux ou trois contributeurs, dont la France, le plus gros de l'effort de recherche.
En dernier lieu, je suis en profond désaccord, comme vous le savez, madame la ministre, sur vos orientations à l'égard des industries de l'armement, sur le désengagement de l'État envers ces dernières et sur la situation qui est faite aux personnels civils de la défense.
Les organisations syndicales ont combattu depuis plusieurs années les mesures d'externalisation et de restructuration qui sont à l'origine d'importantes réductions d'effectifs, de pertes de compétences et de savoir-faire, comme l'a malheureusement montré l'exemple de GIAT. Ces mesures ont, de fait, accru la dépendance de l'État vis-à-vis de sociétés privées dans l'exécution de ses missions régaliennes.
La filialisation du groupe GIAT, qui est officiellement intervenue vendredi dernier, symbolise malheureusement la disparition d'une partie de la souveraineté nationale dans ce domaine si sensible qu'est l'industrie de la défense. Le syndicat CGT de ce groupe a évoqué, au premier jour de cette filialisation, un « vendredi noir », qui fera disparaître « l'outil national incontournable qui a permis de répondre aux besoins de nos armées ».
Je suis consciente de l'obligation qu'ont nos industries d'armement de travailler en synergie, en partenariat ou en coopération avec le secteur privé, qu'il soit français ou européen. Mais la réalité est tout autre, puisque l'on assiste, en fait, à des fusions et à des acquisitions qui sont réalisées sur une base essentiellement financière.
C'est l'exemple même de ce que vous appelez le « rapprochement » entre DCN et THALES, avec l'entrée de THALES au capital de DCN, qui conduira non pas à une consolidation industrielle, comme vous le prétendez, madame la ministre, mais à la rationalisation et à la fermeture de sites, à des pertes d'emplois, au seul profit de la rentabilité pour les actionnaires. Au total, DCN sera bel et bien privatisée et absorbée par THALES.
Je partage en cela l'avis formulé par le président de EADS, M. Gallois, qui a estimé, devant la commission des affaires étrangères, que l'industrie de la défense n'avait pas à peser sur les choix relatifs à la politique de défense. Il a également souligné que toute politique autonome devait s'appuyer sur des capacités industrielles.
Je conteste donc la façon dont vous restructurez notre industrie de la défense. Je pense, au contraire, que les restructurations nécessaires devraient être menées autour d'un grand pôle public de l'armement, qui permettrait ainsi à la puissance publique d'en conserver la maîtrise.
Mais que l'on y prenne garde : l'ouverture de missions stratégiques au domaine concurrentiel risque également de conduire à de sérieuses mises en cause de l'indépendance nationale.
Préserver la place des personnels, en enrayant votre politique de déflation des effectifs, nécessiterait d'importants correctifs à votre budget. En effet, l'argument selon lequel la réduction du nombre des personnels serait rendu nécessaire par la modification du format de nos armées n'est pas recevable. Les missions restant les mêmes, la diminution des effectifs est, en fait, la piètre justification de l'externalisation du travail ou des partenariats avec les entreprises privées.
Enfin, l'appel d'offres concernant le marché public du désamiantage du Clemenceau a été publié samedi. Comment va se dérouler maintenant cette opération ?
Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les appréciations que les membres du groupe communiste, républicain et citoyen souhaitaient porter sur le budget de la défense, contre lequel ils se prononceront.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits militaires s'élèvent, pour 2007, à 47,7 milliards d'euros. Certes, ce budget est important. Toutefois, une seule question doit guider notre débat : est-ce un budget efficace ? J'en doute fortement et une analyse précise le confirme
Je suis dans l'obligation de mettre en lumière que, cette année encore, il s'agit d'un budget à crédit ; les commandes d'aujourd'hui ne sont pas financées ; on amorce seulement le financement, mais « l'ardoise » est pour plus tard.
Madame la ministre, au-delà des effets d'annonces, selon nous, la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 ne peut pas être respectée.
Vous le savez - nous l'avons répété au cours des examens budgétaires 2005 et 2006 et nous le répèterons sans cesse, car telle est notre conviction -, les calculs étaient faussés dès le départ. Ainsi, les coûts réels des programmes engagés ont été sous-évalués, minorés. L'évolution du coût global de notre défense n'a pas été prévue au bon niveau.
Nous nous trouvons face à un budget sans réelle sincérité : lorsque l'on prend en compte non pas les lois de finances initiales mais leur exécution réelle, le bilan est loin d'être aussi glorieux que l'on essaie de nous le faire croire depuis maintenant cinq ans.
La question des reports reste centrale dans la problématique de l'exécution du budget de la défense. L'année 2007 devrait être celle de la résorption de tous les reports ; on peut en douter. Par ailleurs, la gestion des crédits se fait toujours en flux tendus et le passage de commandes de certains matériels est souvent décalé par rapport aux prévisions initiales.
Je souhaite aborder maintenant un dossier sur lequel le ministère indique avoir beaucoup investi : le maintien en condition opérationnelle de nos matériels. Or, là aussi, les résultats ne sont pas à la hauteur des investissements. Pourquoi ? Les améliorations sont beaucoup moins importantes que prévu et, dans certains secteurs, presque marginales, sachant, de surcroît, que, avec les OPEX, l'usure des matériels ne fait que s'accroître.
Quant à l'équipement, le modèle 2015 prôné est, aujourd'hui, unanimement considéré comme financièrement inaccessible et en fort décalage avec les besoins stratégiques de la période à venir. Il devra donc être totalement revu, d'autant plus qu'il s'agira, dans les mois, les années à venir, de lancer les programmes d'armement du futur, à l'horizon 2025-2030, tout en payant les programmes majeurs actuellement en cours, notamment les programmes VBCI, les véhicules blindés de combat d'infanterie, Tigre, NH-90, Rafale, Airbus A400M, frégates, sous-marins, missile M51, etc. Même avec une annuité supplémentaire, il n'est pas sûr de faire « tenir » la programmation en cours.
Pour conclure sur ce premier point essentiellement budgétaire, je crains que les dépenses nécessaires à la réalisation du modèle 2015 ne soient hors de notre portée financière, quel que soit le futur Président de la République.
Tant pour les investissements de grands programmes et les ajustements de la trésorerie que pour les grandes définitions stratégiques, le travail reste à faire. Mais, auparavant, il faudra gérer les « ardoises » de l'actuelle loi de programmation. Une révision en profondeur est nécessaire et un nouveau dessin stratégique devient obligatoire. Le faire sans baisser la garde ne sera pas chose facile, et les choix évités hier lesteront lourdement demain la capacité de décision du pouvoir exécutif.
Je tiens à aborder maintenant la stratégie et la méthode qui semblent se dégager de vos choix politiques en matière de défense, madame la ministre.
Je me permets de remettre en question votre méthode, et pour cela j'évoquerai de nouveau un exemple récent et concret, dont nous avons déjà traité dans cet hémicycle : le dernier sommet de l'OTAN, qui vient d'avoir lieu à Riga. Le Parlement français n'a pas été saisi de cette question, alors qu'il s'agissait d'un sujet éminemment national et européen. Vous êtes allée à Riga, sans que la représentation nationale et ses commissions compétentes aient été consultées.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, madame la ministre, sous des formes différentes et selon leurs procédures propres, trois parlements européens ont été saisis de la question relative à la position de leur gouvernement avant le sommet de Riga : la Chambre des représentants de Belgique, le Sénat espagnol et le Bundestag allemand.
Doit-on considérer cette mise à l'écart du Parlement français comme une marque de mépris, et, au-delà, un détachement à l'égard de nos concitoyens ?
Mais revenons à la stratégie pure.
Sur la scène européenne et internationale actuelle, une nouvelle politique de défense est nécessaire. Il faut redéfinir notre place dans un contexte qui a considérablement évolué depuis le début du siècle, analyser et préciser nos priorités de sécurité et de défense, affirmer notre rôle moteur au sein de l'Europe de la défense et approfondir le travail pour une Europe alliée, mais non alignée.
Face aux menaces émergentes - trafic de matières fissiles ou autres -, nous devons accroître la coopération avec nos partenaires et les réponses seront d'abord européennes. Mais la démarche commune doit comprendre, avant tout, une action de prévention dans le domaine de la prolifération nucléaire, par exemple. En effet, comment faire respecter par certaines nations un traité de non-prolifération que les grandes puissances nucléaires elles-mêmes semblent parfois oublier ? Y aurait-il une bonne prolifération, menée par les grandes puissances, et une mauvaise prolifération ? Nous devrons répondre à cette question dans un futur proche.
En matière stratégique, j'affirme encore, en cet instant, la nécessité de donner la priorité au renseignement en développant des capacités propres insérées dans un cadre européen d'observation et d'analyse.
Par ailleurs, dans la situation financière actuelle très contrainte, le poids budgétaire des programmes sera étudié à la loupe et il faudra éviter les analyses purement financières face à des programmes stratégiquement lourds : la dissuasion mobilise environ 20 % des crédits d'équipement, et la part des systèmes liés au C3R - commandement, communication, contrôle et renseignement - représente environ 10 % de ces mêmes crédits.
Or, le spatial militaire et la dissuasion constituent des conditions essentielles de l'autonomie stratégique de notre pays, au service d'une défense européenne qu'il s'agit de préserver et de développer. Oui, l'espace constitue une priorité majeure face aux menaces et aux défis futurs.
Il faut souligner à quel point les conflits récents ont montré le rôle essentiel que jouent désormais les moyens spatiaux : ils permettent d'évaluer de façon indépendante les situations et de remplir le rôle de nation-cadre dans des interventions extérieures. Or, le dispositif spatial français continue de présenter des lacunes dans trois domaines : le renseignement d'origine électromagnétique, l'imagerie radar tout temps et l'alerte avancée.
La préparation de l'avenir en matière spatiale passe par une recherche tenace de coopérations. Madame la ministre, se posent ici de nouvelles questions, auxquelles je vous demande, si possible, d'apporter des réponses.
La nouvelle Agence européenne de défense peut-elle être le vecteur de ces coopérations ?
Madame la ministre, de nouvelles questions se posent, auxquelles je vous demande d'apporter des réponses, si vous le pouvez.
La nouvelle Agence européenne de défense peut-elle être le vecteur de ces coopérations ? Est-il possible d'imaginer que, dorénavant, tout programme spatial soit envisagé et conçu en coopération ?
Enfin, il faut relancer une grande politique européenne de rapprochement industriel, de coordination d'investissements, de protection commune des secteurs stratégiques, d'aide à la recherche et au développement : il faut promouvoir de vastes coopérations en Europe.
Entre 1997 et 2002, nous avions entamé le processus de restructuration européenne des industries de défense ; ce mouvement semble marquer le pas.
Pis encore, dans certains cas, le bilan du gouvernement actuel peut se résumer d'un mot : immobilisme. Bercy, Matignon et même l'Élysée ont joué un « trouble jeu » en matière de politique industrielle de défense.
Le groupe EADS, impliqué dans un mauvais feuilleton judiciaire, de basse politique, a fait l'objet de fautes de gestion qui n'ont jamais été sanctionnées et qui mettaient en cause un État actionnaire négligent et irresponsable. Dans le cas de SAFRAN, un désordre managérial nuit à son image et met en danger l'équilibre de l'entreprise, donc l'emploi. Quant à la fusion entre Thales et DCN, elle est encalminée.
En bref, même si votre volonté a été réelle, madame la ministre, ce dont je vous donne acte, la politique du Gouvernement en matière de défense se solde par un bilan négatif.
Notre pays et sa défense doivent être en adéquation et en cohérence avec un contexte international en mutation constante, sur lequel je souhaite dire quelques mots.
Depuis plusieurs mois déjà, la situation internationale présente des zones de crise et de conflit qui vont en s'aggravant.
Le système de sécurité internationale, la « communauté internationale », est en panne. Le meilleur exemple en est la poursuite meurtrière du conflit israélo-palestinien.
D'autres foyers de crise se sont aggravés.
En Irak, après une déclaration selon laquelle « la guerre est finie », les États-Unis semblent se résigner à une durable situation de guerre civile. Ils n'ont pas de politique de rechange, et la poudrière irakienne s'étend au Moyen-Orient tout entier. Les États-Unis sont bel et bien embourbés dans une situation désastreuse aux plans militaire, politique et humanitaire, au point d'être obligés d'appeler l'Iran à la rescousse. Comment gérer les conséquences régionales et mondiales de ce désastre ?
En Afghanistan, des troupes internationales nombreuses opèrent, mais on assiste à une forte dégradation de la situation militaire. Le pouvoir du gouvernement civil et des autorités militaires afghanes est loin d'être stabilisé. Leur prépondérance sur l'ensemble du territoire n'est pas assurée. Le résultat immédiat et visible est que l'Afghanistan est redevenu un « narco-État », qui fournit 90 % de la production mondiale d'opium.
Dans ce pays, des troupes françaises sont engagées dans des opérations dangereuses. L'OTAN est de plus en plus présente sur place. Or, pendant que la guerre s'étend, les trafics prospèrent et la violence s'enracine. Cela peut-il perdurer ?
En Afrique, la Côte d'Ivoire, le Tchad ou le Darfour sont des théâtres de violence, des lieux d'impunité.
Au Liban, la dégradation de la situation semble s'accélérer. Nos troupes y sont également engagées.
Ce sont donc des alternatives politiques qu'il nous faut proposer, et non des impasses militaires.
De nouveaux acteurs, en Asie, en Amérique latine, viennent contester les hégémonies actuelles. L'enseignement principal que nous devons tirer de cette mondialisation de la violence est la faillite sécuritaire d'un monde géré par une seule puissance. La recherche de la paix et de la stabilité internationale exigent une coopération accrue et un multilatéralisme rénové dans le cadre de l'ONU.
Enfin, madame la ministre, quel avenir proposez vous à la défense française?
Nous l'avons vu précédemment, vos résultats comptables sont plus qu'approximatifs. Or, la France devra promouvoir une politique de défense clairement assumée, au service de la démocratie et de la paix ; cela a un coût.
La politique de défense de la France passe par son inscription résolue dans une politique européenne de sécurité et de défense, où s'instaureront de fortes coopérations quant aux équipements, au développement technologique et aux industries d'armement. Cette perspective doit être envisagée avec nos partenaires européens et elle doit pouvoir apparaître comme plus cohérente et plus porteuse d'avenir que celle que propose l'OTAN.
Nous plaidons aujourd'hui pour un nouveau modèle d'armée, intégrant notamment une reconfiguration de l'armée de terre, une rationalisation des programmes d'investissement et un nouvel équilibre entre prévention, projection, protection et dissuasion
Nous plaidons aussi pour une rénovation du système international, une amélioration de la gouvernance mondiale et pour un élargissement des régimes de désarmement et de non-prolifération.
J'insisterai, enfin, sur le fait que la France est partie prenante dans de très nombreuses opérations extérieures. Faute de solutions de sortie de crise, on peut redouter un enlisement, comme en Afghanistan ou en Côte d'Ivoire. Une clarification de notre doctrine d'intervention est donc nécessaire.
Les choix budgétaires que vous proposez, madame la ministre, ne permettront en aucun cas d'atteindre de tels objectifs. C'est pourquoi nous ne voterons pas en faveur du projet de budget de la mission « Défense » pour 2007. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la structuration de la mission « Défense » en quatre programmes permet de mieux rendre compte du caractère multifonctionnel de nombreuses forces, ce que n'aurait sans doute pas permis une répartition organique par armée.
Comme l'ont excellemment souligné MM. les rapporteurs, avec un peu plus de 36 milliards d'euros de crédits de paiement, la mission « Défense » est le troisième poste de dépense de l'État. C'est aussi son principal budget d'investissement, puisque 30 % de ses crédits y sont consacrés, et le premier acheteur public, puisqu'elle passe 67 % des marchés publics de l'État et 28 % des marchés de l'ensemble des administrations publiques.
Toutefois, la défense doit aussi participer à l'effort de notre pays en matière de finances publiques, malgré les contraintes que nous impose la loi de programmation militaire. Au demeurant, madame la ministre, nous vous félicitons d'avoir respecté les principaux objectifs de cette loi au cours des quatre dernières années.
Nous ne pouvons plus considérer comme un élément positif une augmentation de 2,55 % de ce budget qui ne soit pas accompagnée de réductions de dépenses équivalentes. Nous souhaiterions même un budget en euros constants.
J'ai bien conscience des enjeux qui sont en cause. Je sais quels efforts ont déjà été consentis afin d'adapter le budget de la défense aux grands principes de la LOLF. Je suis sensible à ce qui est fait en matière de modernisation ainsi qu'à la réflexion menée sur la stratégie ministérielle de réforme : rationalisation des réseaux interarmées des systèmes d'information, réorganisation de la fonction achats ou déconcentration de la gestion du personnel civil.
La diminution de 3 335 emplois en équivalent temps plein et la politique d'externalisation des dépenses de la mission « Défense » devraient dégager un certain nombre d'économies.
Bref, en cette matière, je ne remets absolument pas en cause les efforts déjà entrepris. Je pense simplement que la réforme ne peut s'arrêter là.
Dans le délicat contexte budgétaire que nous connaissons, et compte tenu des enjeux stratégiques et techniques, il est nécessaire de mener à bien une réflexion en profondeur sur les missions de la France en matière de défense.
Il est également évident qu'il ne peut et ne doit pas s'agir d'un désengagement financier sec : il convient de repenser les missions de la défense, de faire mieux en dépensant moins. La réflexion doit être beaucoup plus large.
MM. les rapporteurs nous ont fait remarquer l'énorme disparité qui existe entre l'effort que font les États-Unis et celui qui est entrepris par l'ensemble consolidé des pays de l'Union européenne, pourtant une fois et demi plus peuplé.
N'oublions pas non plus qu'un nombre important de pays émergents, comme l'Inde et la Chine, font un effort qui est supérieur à celui de l'Union européenne, en matière de défense.
Le Japon, lui, a désormais une flotte d'un tonnage équivalent à celui de la France et, selon mes informations, la Chine aura, en 2010, le même nombre d'avions de combat que les États-Unis.
Pour la famille politique centriste, qui est tant attachée à l'Europe et à sa construction, poursuivre les efforts de coordination et de rationalisation des moyens au niveau européen aurait le double avantage d'alléger le budget de la défense, notamment en matière d'équipement et d'investissement dans la recherche et le développement, ainsi que de relancer une Europe en panne, bloquée, qui est dans l'incapacité de prendre quelque décision que ce soit depuis l'échec du referendum.
En ce qui concerne les acquisitions de matériel de défense, par exemple, on sait que d'importantes économies d'échelle ont été réalisées aux États-Unis, qui se caractérisent par un marché très vaste, unifié et protégé. Il est temps de procéder à un inventaire des duplications éventuelles, afin d'optimiser nos moyens au niveau européen.
De même, il nous faut mener une réflexion de fond quant à notre politique en matière d'équipements. Il est nécessaire de concevoir une adaptation plus rapide, en fonction des nouveaux équipements disponibles sur le marché, de leurs coûts et de leurs performances.
Qu'en est-il du Rafale, par rapport à l'avancée technologique du programme F 35, notamment dans le domaine de la furtivité ? Même si ce programme n'est pas encore au point, il représente en quelque sorte une blessure pour la défense européenne.
De la même façon, compte tenu du caractère hautement stratégique des dépenses du ministère de la défense en matière de recherche, il conviendrait d'affecter des fonds importants à ce secteur et de coordonner nos efforts en la matière.
On constatera cependant la faiblesse de la stratégie nationale à ce sujet. En effet, les crédits de recherche et de développement de la DGA ont systématiquement été amputés dans la loi de programmation militaire pour la période 1997-2002, hypothéquant ainsi les développements technologiques à venir. Bien sûr, vous n'en êtes pas responsable, madame le ministre !
De même, au sein des investissements réalisés au cours de la loi de programmation militaire suivante, l'augmentation des dépenses de recherche et de développement est nettement moindre que celle des investissements en matériel ou pour le maintien en conditions opérationnelles.
Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit même une baisse de ces crédits, afin de financer l'achat de matériel. Depuis un certain nombre d'années, ces dotations constituaient la variable d'ajustement des crédits d'investissement. Ce n'est plus le cas depuis 2005.
Cette logique n'est plus compatible avec celle qui identifie la maîtrise technologique comme un élément de souveraineté. Elle posera le problème des relations budgétaires entre les états-majors et la DGA, et amènera à arbitrer entre les moyens opérationnels et les technologies de l'avenir.
Nous ne pouvons nous permettre de prendre du retard dans le domaine technologique. L'industrie européenne de défense doit être consolidée, à l'instar de ce qui est pratiqué aux États-Unis, afin de relever les défis futurs et de ne pas prendre de retard dans un domaine très hautement stratégique pour notre sécurité et pour l'efficacité de notre politique.
La position de la France en ce domaine sera, sans doute, liée à sa capacité à financer des structures privées permettant la participation d'autres États, de taille moyenne, au développement des technologies nécessaires à la souveraineté opérationnelle de la France et de l'Europe.
Il serait peut-être opportun d'étudier une solution consistant à créer un fonds de financement des technologies militaires, récupérant tout ou partie des gains de « l'amendement TVA ». Ce fonds, géré par la Caisse des dépôts et consignation, par exemple, prendrait des participations dans de petites et moyennes structures développant, entre autres, des technologies pour la défense. Ce fonds pourrait même être élargi à l'échelon européen.
Tous ces objectifs doivent être, aujourd'hui, en partie ceux de l'Agence européenne de défense, notamment en ce qui concerne la régulation du marché européen de la défense, les partenariats entre industries européennes et la mutualisation des efforts de recherche. Cependant, la multiplication des coopérations décentralisées doit être étudiée, et la réflexion en commun au sujet des budgets de défense de chaque pays européen doit être approfondie.
Avec 2 % du PIB, la France n'a pas à rougir de son investissement dans la défense européenne ; elle se situe derrière les Britanniques. Mais le problème de l'Europe est l'investissement des autres pays européens. Votre mission, madame la ministre, c'est de faire comprendre à l'Europe qu'elle ne pourra exister que si elle a le courage d'investir dans une défense européenne. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je donnerai à mes observations six directions, dont l'une paraîtra peut-être respectueusement iconoclaste.
Le projet de budget de la défense pour 2007 que vous nous présentez s'inscrit dans la continuité de ceux qui ont été adoptés depuis 2003, et il est en parfaite cohérence avec la loi de programmation militaire.
C'est un bon budget, qui poursuit dans tous les domaines la modernisation de nos armées, de leurs équipements et de leurs capacités, dans le cadre d'une saine professionnalisation.
J'évoquerai tout d'abord nos forces nucléaires, dont le rôle de dissuasion vient d'être réaffirmé et précisé par le chef de l'État.
Je me réjouis que le renouvellement de leurs deux composantes se poursuive selon l'échéancier prévu et je me félicite de la réussite du nouveau missile M 51, qui est destiné à équiper les SNLE.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Jacques Peyrat. Dans le contexte international que nous connaissons, il est bien évident que les efforts en matière de dissuasion, qui est l'un des aspects cruciaux de notre politique de défense, doivent être salués.
L'entrée en service des satellites de deuxième génération renforce nos capacités. Il faut le souligner, la coopération européenne dans le domaine de l'observation mérite d'être amplifiée, afin de développer des systèmes spatiaux performants.
De plus, madame le ministre, je constate avec satisfaction que vous consentez des efforts budgétaires importants pour accroître le maintien en condition opérationnelle des matériels de nos armées. Dans ce domaine, la disponibilité doit être effectivement optimale, car il s'agit d'un élément critique et déterminant pour leur action.
En outre, s'agissant des moyens humains, la réforme de la condition militaire et la consolidation de la professionnalisation se poursuivent, conformément à la volonté de réorganisation que vous avez exprimée. J'attire cependant votre attention sur la nécessité d'avoir, en particulier pour les forces terrestres, des personnels opérationnels en nombre suffisant, pour assurer un niveau optimal de performance quant au service et à l'entretien des matériels, mais surtout pour maintenir les capacités opérationnelles et de déploiement de ces forces.
Les OPEX, dont le nombre et la durée s'accroissent, doivent retenir toute notre attention. À ce sujet, monsieur le président Vinçon, vous avez insisté avec raison, en commission, sur le lien étroit entre le volume des effectifs des forces terrestres et la capacité d'intervention de la France dans les opérations extérieures. Vous avez également souligné qu'une diminution du format de l'armée de terre pourrait représenter un risque quant à nos possibilités de déploiement.
Madame le ministre, toujours en ce qui concerne le poste budgétaire des forces terrestres, je me permettrai, tout en restant respectueux, de me montrer quelque peu iconoclaste. J'observe en effet que notre capacité aéromobile, déjà affaiblie, sera encore un petit peu plus restreinte. M. Dulait l'a souligné, le ralentissement des livraisons des hélicoptères NH 90 me semble devoir être corrigé, car ils sont attendus avec impatience.
Au demeurant, à l'occasion d'une visite du porte-avions Charles-de-Gaulle, vendredi dernier, j'ai moi-même pu constater à quel point la marine souhaitait le remplacement des Lynx et des Super Frelon. D'ailleurs, monsieur Trucy, l'École d'application de l'aviation légère de l'armée de terre, située au Luc-en-Provence, attend elle aussi le remplacement rapide des Puma, qui sont à « bout de souffle », par de nouveaux hélicoptères de combat.
Certes, je ne fais partie ni de votre cabinet ni des différents états-majors ; vous-même et vos collaborateurs êtes donc infiniment plus compétents que moi. Cependant, je garde en moi le souvenir d'un vieux biffin qui a traîné ses guêtres en Indochine ou en Algérie. À l'époque, l'hélicoptère ne servait pas encore réellement au combat ; c'était un moyen de transport, de reconnaissance et, parfois, d'appui, ce qui nous évitait de brancarder les blessés dans la jungle. Pour moi et mes camarades, il représentait vraiment un outil extraordinaire.
Aujourd'hui, qu'il s'agisse du Tigre, du NH 90 ou du EC 725, plus spécifiquement destiné aux forces spéciales, l'hélicoptère apparaît comme l'instrument indispensable du combat moderne. Or les conditions du développement actuel des OPEX, qui est d'ailleurs souhaitable puisque notre soutien est requis, me rappelle ce que j'ai connu : les hélicoptères peuvent constituer un appui extraordinaire pour les militaires au sol, leur multiplicité et leur modernité étant un gage de bonne adaptation au combat moderne.
Madame le ministre, je me suis efforcé d'être quelque peu iconoclaste. Mais je souhaitais vous alerter sur la nécessité de renforcer les forces terrestres, auxquelles je sais que vous êtes très attachée. Celles-ci doivent, en effet, pouvoir relever efficacement les défis qui se présentent et s'adapter, notamment, aux nouvelles formes de combat. C'est précisément dans cette optique que les hélicoptères ont un rôle essentiel à jouer.
Par ailleurs, nous vivons dans un contexte où le renseignement, qu'il soit économique ou stratégique, constitue un pôle crucial non seulement pour toute armée, mais aussi pour toute diplomatie moderne et efficace. L'effort budgétaire sur les effectifs et le renouvellement des matériels, que vous avez entrepris, est significatif. Il doit s'inscrire dans la durée et même être renforcé à l'avenir, afin que nous soyons performants dans ce domaine, qui est, je le répète, éminemment sensible.
Ce projet de budget pour 2007 a été placé, me semble-t-il, sous le signe de notre marine nationale. Vous soutenez, en effet, le vaste processus de modernisation pour la maintenir au premier rang. Dans le domaine, notamment, des sous-marins nucléaires d'attaque et des frégates multimissions, l'effort doit être soutenu et durable.
Enfin, je me réjouis de la perspective de disposer dans un avenir relativement proche d'un second porte-avions, même si je regrette qu'il ne soit pas à propulsion nucléaire. Cela dit, je ne suis pas le Président de la République ! Il s'agit naturellement d'une avancée judicieuse : si le coût de cette opération très importante risque d'être élevé, vous avez eu raison de l'engager, car il faut la mener à son terme.
En conclusion, madame le ministre, si je ne l'ai suggéré que par petites touches, je ne peux que vous féliciter pour ce projet de budget de la défense pour 2007. Il marque votre détermination et votre opiniâtreté, auxquelles nous nous associons, pour garantir à notre pays le maintien de sa position stratégique dans le concert international et pour lui permettre, ce qui est parfois un peu oublié, d'assurer la protection du territoire national, y compris outre-mer, ainsi que celle de son immense domaine maritime.
Certains collègues qui se sont exprimés avant moi n'ont pas reconnu cet effort à sa juste valeur. Ils n'ont pas cru à vos capacités de mener à bien la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire. C'est pourtant ce que vous réussissez par le biais de l'ensemble des budgets annexes. Je vous en félicite, car il était souhaitable de ruiner leurs mauvaises espérances ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- M. Philippe Nogrix applaudit également.)
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Vous allez nous faire pleurer !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le récent conflit qui a opposé Israël au Hezbollah libanais a mis en lumière, une fois de plus, la difficulté de conduire une guerre où les affrontements sont inégaux, où les enjeux ont pris de nouvelles formes et où les fins et les moyens sont différents.
Dans l'histoire contemporaine, la chute du mur de Berlin a marqué la fin d'une époque, celle de la logique d'affrontement des blocs, et a fait naître l'idée selon laquelle nous pourrions peut-être parvenir à organiser une forme de paix équilibrée par la réduction de la course aux armements, par le refus de s'engager dans des conflits de très haute intensité et par la maîtrise de la non-prolifération des armes, notamment nucléaires, à telle enseigne, d'ailleurs, que d'aucuns ont pu évoquer ou même voulu croire à « la fin de l'histoire » et à celle des guerres telles que nous les avions vécues jusque-là.
Depuis, malheureusement, bien d'autres conflits ont éclaté, en particulier en Tchétchénie et au Liberia. Mais c'est l'attaque contre les tours du World Trade Center à New York qui a provoqué un véritable choc : le monde entier a réalisé que les conflits ne seraient plus tout à fait comme avant ; par voie de conséquence, les pays démocratiques se sont vus contraints de relever ce nouveau défi.
Nous sommes alors entrés dans une ère nouvelle. Les formes de guerres et la façon de les mener ont été largement modifiées. Par rapport aux menaces actuelles, nos armées ont dû s'adapter, pour les définir, les identifier, les répertorier, les localiser et réfléchir aux moyens d'y faire face.
Le constat n'est pas sans intérêt, mais fait ressortir une dualité terrifiante. D'un côté, les armes sont de plus en plus sophistiquées et de plus en plus précises : l'idée majeure est que, en touchant le centre et le coeur, les armées font un minimum de dégâts, obtiennent un maximum d'efficacité, mais aussi, ce qui est ô combien honorable, préservent la vie, même dans la guerre. De l'autre côté, ou plutôt face à cela, c'est la barbarie humaine qui perdure et, même, qui se développe : je citerai, entre autres ignominies, les kamikazes, les enfants soldats et les machettes rwandaises.
Bref, à l'arsenal technologique dont disposent les démocraties occidentales, s'opposent des femmes, des enfants, des hommes, qui ne sont pas ou plus tout à fait des militaires, mais qui s'appellent eux-mêmes « combattants ».
Prenons l'exemple de ce qui se passe en Irak : chaque jour, des dizaines de civils sont tués par ces combattants ; tant l'armée américaine suréquipée que les forces britanniques ou irakiennes ne parviennent pas à maîtriser la situation, car la confusion entre civils et militaires est devenue la stratégie militaire des combattants. C'est d'ailleurs la même stratégie qui est utilisée par Al-Qaida en Irak et en Afghanistan, par le Hamas en Palestine ou, encore, par le Hezbollah au Liban. Ce dernier est allé encore plus loin dans cette stratégie de la confusion : il n'a pas hésité pas à prendre en otage la population civile libanaise et à la transformer en bouclier humain : par ce biais, une armée régulière, quelle qu'elle soit, ne peut pas ne pas faire de victimes civiles.
Le dernier conflit libanais appelle un autre constat, qui fait ressortir une triple « asymétrie ».
Tout d'abord, l'« asymétrie » technique et matérielle tend maintenant à se réduire, le Hezbollah disposant d'un arsenal important, avec parfois des armes de dernière génération.
Ensuite, les nouvelles règles d'engagement ont créé une nouvelle asymétrie, que je qualifierai de « morale ». Aujourd'hui, les armées régulières sont tenues par le respect des conventions de Genève, notamment sur le droit international humanitaire. Chaque « dérapage » est donc immédiatement souligné et sanctionné par les médias, au point que la perception d'un conflit en est parfois complètement inversée. Le fait qu'une démocratie comme Israël, par exemple, utilise des bombes à sous-munitions et prenne le risque de toucher des populations civiles est évidemment inacceptable. Mais cela ne doit pas faire oublier le comportement du Hezbollah et, plus généralement, de tous ces « combattants », qui, depuis des années, ont pour unique cible des civils. Ne plus voir que les dérapages d'une armée régulière et oublier les horreurs des groupes terroristes, c'est là une dérive intellectuelle et, même, un retournement moral.
Enfin, c'est dans la motivation des belligérants que se situe la troisième asymétrie. Il y a probablement chez les militaires une perte de sens : alors qu'ils viennent construire la paix et aider à la reconstruction d'un État, ils se retrouvent face à des combattants animés par une idéologie mêlant politique et religion, et ne respectant pas les mêmes règles en termes d'intervention.
Après ces quelques remarques, je voudrais souligner l'origine particulière des conflits contemporains par rapport à ceux d'hier : alors que ces derniers naissaient de la puissance d'États concurrents, les conflits d'aujourd'hui et de demain sont et seront plutôt le fruit de la faiblesse des États. Ce constat appelle deux conséquences : d'une part, le terrorisme du troisième millénaire se nourrit de la faiblesse et de l'effondrement des structures étatiques ; d'autre part, ce qui est plus grave encore, le terrorisme précipite et aggrave encore davantage ce « recul » de l'État.
Aujourd'hui, à mon sens, un seuil a été franchi : le terrorisme n'est plus un phénomène sporadique de lutte armée politique, mais bien, comme l'a décrit le Conseil de sécurité de l'ONU dans sa résolution 1566, « l'une des plus graves menaces contre la paix et la sécurité internationales ». Autrement dit, le terrorisme est désormais une forme contemporaine de la guerre.
De plus, les guerres limitées touchent à leur fin. On sait quand un conflit commence, mais on ne sait plus ni où, ni quand, ni comment il se terminera. Les confrontations ne se font plus entre grandes puissances étatiques ; dès lors que l'État recule, la limite entre l'intérêt vital et l'intérêt secondaire est de moins en moins apparente.
Or, si je pousse le raisonnement jusqu'au bout, les guerres de demain n'ont aucune raison de ne pas être nucléaires. Le risque est grand que les nouvelles puissances nucléaires privilégient une « rationalité d'emploi » plutôt qu'une « rationalité de dissuasion ». Jusqu'à présent, malgré les crises, l'accession à l'arme atomique était sous-tendue par la garantie de non-emploi de cette même arme. Si cette logique semble déjà fragilisée dans le cas de l'Inde et du Pakistan, tout laisse croire que la Corée du Nord et l'Iran choisiront véritablement de s'inscrire dans une logique d'emploi.
Dès lors, la question de la modernité et de la fiabilité de la dissuasion doit être posée, car les principes sur lesquels celle-ci avait été fondée sont, de fait, remis en cause.
Tout d'abord, les déclarations de la Corée du Nord et de l'Iran laissent présager le pire.
Ensuite, avec l'élargissement du nombre d'États nucléaires, « la paix d'impuissance », chère à Raymond Aron, c'est-à-dire celle du nucléaire - du moins tant qu'il n'y a pas de prolifération -, est en passe de disparaître. À mon sens, il y a là un point de non-retour que nous sommes sur le point de franchir.
Malheureusement, il faut s'attendre à voir augmenter le nombre d'États souhaitant développer l'arme atomique. Le Japon et la Corée du Sud n'accepteront pas de rester démunis face à une Corée du Nord nucléarisée. De même, l'Égypte, l'Arabie saoudite et la Turquie se sentiront obligées de réagir face à la puissance de leur voisin iranien.
Enfin, si on ajoute à ce tableau la technologie des « bombes sales », le trafic de matières fissiles ou la filière d'informations sur les programmes nucléaires mise à jour à partir du Pakistan vers la Libye, en passant par l'Indonésie, on est obligé de constater que les conditions d'une accélération de la prolifération sont réunies et que la donne est en train de changer très rapidement.
C'est pourquoi, aujourd'hui, il me paraît important de faire également porter nos efforts sur la lutte contre la prolifération. En ce sens, la coopération internationale, et d'abord européenne, est plus que jamais essentielle. Mais, là aussi, nous sommes inquiets, surtout et peut-être davantage pour nos partenaires européens.
Madame la ministre, au vu de ces observations, ma question sera simple : le modèle d'armée 2015 répond-il à ces nouveaux enjeux ? Les orientations stratégiques et les choix d'investissement effectués depuis plusieurs années font-ils de notre outil militaire un instrument à la hauteur de notre politique et, surtout, de l'évolution des dangers de notre monde ? Je crains que ce ne soit pas le cas.
Les déclarations du chef d'état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin, vont d'ailleurs dans ce sens. Celui-ci a déclaré récemment à l'Assemblée nationale que, si le modèle d'armée 2015 avait été bâti en 2006, les choix opérés auraient sans doute été différents.
C'est une raison supplémentaire, pour le groupe socialiste, de ne pas voter le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame le ministre, prenant la parole parmi les derniers orateurs, et en tant que dernière intervenante de mon groupe, je ne reviendrai pas sur tous les sujets évoqués en détail par mes collègues. Cependant, je voudrais, moi aussi, vous féliciter très chaleureusement, car la loi de programmation militaire 2003-2008 est respectée pour la cinquième année consécutive.
Le budget de la défense pour 2007 progresse de 2 points, passant à 47,7 milliards d'euros, alors que la hausse du budget de l'État est limitée à 0,8 point, avec un financement adéquat pour des engagements d'une très grande importance stratégique. Nous ne pouvons que nous en réjouir et vous en remercier.
Je souhaite également vous féliciter pour les réformes et les initiatives qui visent à préparer notre défense aux enjeux stratégiques de demain : l'augmentation des crédits pour la recherche, le développement et l'innovation, auxquels sont consacrés 3,5 milliards d'euros, l'externalisation, la modernisation et le maintien en conditions opérationnelles des matériels, la mutualisation des actions, l'indispensable développement de la réserve et l'affectation de nouveaux emplois à la DGSE, afin d'augmenter son efficacité ainsi que son expertise face aux risques terroristes et aux menaces de prolifération nucléaire.
J'aimerais cependant, s'agissant de ces réformes, que vous nous disiez quelques mots sur votre politique en matière de commandes directes aux PME françaises. En effet, comme cela a été rappelé ce matin, au cours d'un colloque au Sénat, nos PME sont souvent marginalisées dans les procédures d'appel d'offres. Il me semble donc impératif que le ministère de la défense s'organise afin de passer directement et davantage de commandes à ces petites entreprises, qui sont des acteurs majeurs de notre tissu économique.
Je veux également vous remercier, comme je l'ai fait pour M. le ministre délégué aux anciens combattants lors de la présentation, jeudi dernier, de son budget, pour cette décristallisation, c'est-à-dire la mise à niveau des pensions des anciens combattants ressortissants des territoires anciennement sous souveraineté française, pour un coût de 110 milliards d'euros, et pour la revalorisation de la retraite du combattant. Nous nous en réjouissons, car il s'agissait de revendications constantes et anciennes de l'Assemblée des Français de l'étranger.
La provision pour les opérations extérieures, les OPEX, a été doublée et s'élèvera à 375 millions d'euros, ce qui devrait permettre de prendre en charge une grande partie des surcoûts liés à ces opérations. En 2007, cette provision concernera également la gendarmerie, qui intervient de plus en plus en OPEX, à hauteur de 15 millions d'euros.
La provision pour les OPEX, qui se répartissent entre missions militaires et missions de police, s'avère en effet être toujours plus indispensable. Ainsi, s'agissant du Liban, 46 millions d'euros sont consacrés à l'opération Baliste et au renforcement des moyens de la FINUL. L'abondement de la ligne budgétaire dédiée aux OPEX permet de sanctuariser les crédits d'équipement, trop souvent ponctionnés jusqu'ici.
Nos armées sont désormais engagées de façon continue sur des théâtres extérieurs d'opérations et, par leur professionnalisme, leur ouverture et leur coopération avec les populations civiles locales, elles contribuent très largement au rayonnement de notre pays.
J'ai par exemple été très touchée, lors d'un récent déplacement au Liban, de lire, près d'un pont reconstruit par notre légion, au sud de Beyrouth, cette inscription manuscrite, émouvante dans sa maladresse même : « Le Liban remercie la France, avenir de l'Europe, remercie son Président, son Gouvernement et le peuple français ». Vous me permettrez, madame le ministre, de dire combien, nous aussi, nous sommes fiers et reconnaissants face au travail incessant et admirable accompli par nos forces en mission hors de notre territoire.
Dans cet esprit, je souhaite vous interroger sur l'avenir de la force Licorne en Côte d'Ivoire. Ce sujet préoccupe en effet nos compatriotes qui résident dans ce pays et qui y sont très attachés. Forte de 3 700 hommes, cette force est incontestablement très bien dimensionnée et contribue largement à la mise en place d'un processus de normalisation.
Mais que se passera-t-il si, au terme de la résolution 1721, nous n'obtenons pas d'avancées significatives ? J'aimerais connaître vos réflexions à ce sujet.
Au-delà de ces questionnements, je souhaite vous dire combien il me semble indispensable de poursuivre et de développer notre politique de dissuasion nucléaire, clef de voûte de notre défense, comme l'a rappelé le chef de l'État, qui est aussi chef des armées, lors de son récent discours de l'Île Longue.
J'ai entendu formuler ici ou là, et même, hélas ! sur les travées de cette assemblée, l'idée selon laquelle il nous faudrait réduire l'ampleur de cette politique.
Dans un monde fragilisé, éclaté, où les menaces sont de plus en plus nombreuses et multiformes, la meilleure stratégie en matière de lutte pour la paix et contre la prolifération est de poursuivre nos efforts en matière nucléaire, et d'amener notre politique de dissuasion nucléaire au plus haut niveau possible de sophistication technologique.
La dissuasion constitue en effet, je le répète, la clef de voûte de notre puissance et de notre rayonnement, dans un souci constant de maintien ou de rétablissement de la paix, de protection de nos intérêts vitaux, ou encore de sécurisation de nos approvisionnements énergétiques. Tous les efforts financiers en ce domaine sont légitimes et doivent être encouragés.
Parallèlement, nous devons nous engager de façon plus approfondie dans la lutte contre les armes non discriminantes, telles que les mines antipersonnel ou les bombes à sous-munitions, dont nous avons vu les dégâts considérables sur les populations civiles au Sud-Liban, en Afghanistan, au Rwanda et ailleurs, et qui sont une honte pour l'humanité.
La France a été un des tout premiers pays et le premier membre du Conseil de sécurité à ratifier la convention d'Ottawa sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transport des mines antipersonnel et sur leur destruction, entrée en vigueur voilà bientôt dix ans, ce qui a largement contribué au prestige dont jouit notre pays aux quatre coins de la planète.
La France a également créé une Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, la CNEMA, dont le budget relève à égalité des ministères des affaires étrangères et de la défense, et au sein de laquelle j'ai l'honneur, avec une autre de mes collègues, de représenter le Sénat.
Malheureusement, la contribution, pourtant modeste, de votre ministère au budget de cette commission pour l'année 2006 est arrivée il y a quelques jours seulement, le 30 novembre dernier, rendant ces crédits totalement inutilisables. J'espère, madame le ministre, qu'il ne s'agit là que d'un léger dysfonctionnement ou d'un oubli exceptionnel, qui ne traduit pas un désengagement éventuel de votre ministère par rapport à ces questions.
Il est, en effet, plus que jamais essentiel de donner un nouvel élan au déminage humanitaire, surtout dans l'optique du dixième anniversaire de la convention d'Ottawa.
À Ouidah, au Bénin, un centre de formation au déminage et à la dépollution humanitaire a été créé en 2003, avec le soutien de la France. Son action est reconnue sur tout le continent africain, mais il a besoin de s'agrandir pour contribuer pleinement à l'effort de déminage de ces pays, le seul autre centre de déminage étant celui, anglophone, de Nairobi.
Ce centre est donc actuellement à la recherche de financements innovants, et notamment de partenariats public-privé. Ne serait-il pas utile et pertinent, madame le ministre, de l'aider à se développer en lui attribuant quelques financements publics relevant de votre ministère, contribuant ainsi au renom et la crédibilité de notre pays en matière de déminage ?
Vous permettrez enfin à l'élue des Français de l'étranger que je suis de vous interroger sur un sujet qui me tient à coeur : la mise en oeuvre à l'étranger, avec un développement concomitant de la réserve citoyenne, des journées d'appel de préparation à la défense, les JAPD.
Dans un monde caractérisé par une mobilité croissante, où un Français de l'étranger sur deux possède une deuxième nationalité, voire une troisième, il est de plus en plus indispensable d'offrir à nos jeunes concitoyens une approche moderne et positive de notre défense et de ses enjeux. Malheureusement, depuis la disparition du service national, nous assistons à un désengagement croissant en ce domaine de l'autorité militaire à l'étranger, le recensement, la convocation et l'organisation des JAPD étant aujourd'hui confiés à l'autorité civile, en l'occurrence consulaire. Or celle-ci dispose de moins en moins de moyens pour appréhender une tâche aussi lourde que complexe, ce qui ne l'incite guère à organiser ces journées ou demi-journées.
Il faudrait procéder, me semble-t-il, à une véritable refondation de ces journées d'appel de préparation à la défense. Leur organisation matérielle ainsi que l'adaptation de leur contenu et de leur suivi pourraient être confiées aux attachés de défense, avec le soutien des réservistes du pays d'accueil.
Un effort important a été fait par le ministère des affaires étrangères pour inciter les jeunes de l'étranger à s'inscrire sur les listes électorales. Nous devons poursuivre cet effort de citoyenneté en proposant, dans tous les établissements français de l'étranger, des modules pédagogiques visant à une meilleure connaissance de ce que représentent notre citoyenneté ainsi que notre défense nationale et européenne, et en présentant, à l'occasion de ces JAPD, ce qui fait l'essence de notre nation et de nos efforts de maintien de la paix à l'échelle du monde.
C'est, en effet, à l'étranger que les JAPD prendraient tout leur sens et seraient les plus utiles, en donnant aux jeunes majeurs des instruments de réflexion et de compréhension de nos outils de défense et des enjeux du monde actuel, et en leur transmettant le sentiment de fierté d'appartenir à notre communauté nationale. C'est pourtant à l'étranger que nous faisons le moins, en accordant presque automatiquement, sans la moindre information civique préalable, le certificat « sésame » qui marque l'achèvement d'une JAPD.
Là encore, les sommes allouées à un tel programme de refondation seraient relativement modestes. Il me paraît essentiel pour les Français de l'étranger, mais aussi pour le rayonnement de nos valeurs citoyennes de tolérance, de paix et de prévention, de prévoir un tel engagement de votre ministère. Je sais que vous êtes très attachée, madame le ministre, au rayonnement de notre pays, et je vous remercie de ce que vous pourrez faire en ce sens.
C'est dans cet esprit que je voterai sans hésitation le budget de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget de la défense pour 2007 veut s'inscrire dans les objectifs fixés par la loi de programmation militaire 2003-2008, elle-même fondée sur le livre blanc de 1994.
Aujourd'hui, la France est engagée dans de nombreuses opérations extérieures, soit sous mandat international, soit seule, sur décision du Président de la République. Dans un cas comme dans l'autre, ces interventions sont dangereuses, longues et coûteuses. Demain, elles le seront davantage encore.
Avec ou sans nos alliés, nous rencontrons de grandes difficultés à trouver des solutions militaires aux principaux conflits actuels - Bosnie, Kosovo, Afghanistan, Tchad, Liban, et je ne peux m'empêcher de songer aux Etats-Unis et à l'Irak.
Quant au terrorisme, il résiste à nos actions pour le combattre.
Devant ce constat, on doit s'interroger sur la pertinence de notre loi de programmation militaire. Le livre blanc de 1994 semble largement dépassé ; un nouveau devient urgent. Il devrait se situer dans une vision européenne de la défense. Qu'en pensez-vous, madame le ministre ?
Le montant de nos dépenses et plus encore leur affectation exigeraient une réflexion et un débat parlementaire, qui ne semblent pas prévus.
Oui, nous devons nous demander si notre défense est adaptée aux missions qu'on lui confie, si nos armées ont le matériel et l'organisation nécessaires pour affronter des situations et des conflits qui connaissent, eux, des évolutions, des formes, des dimensions non traditionnelles et souvent non prévues.
Aujourd'hui, les armées les plus modernes, les plus puissantes ne parviennent pas à gagner la paix. Elles affrontent un adversaire qui invente de nouvelles formes de combat, de nouvelles formes de résistance, de nouvelles formes d'agressions, de nouvelles formes de solidarités aussi.
Le moment n'est-il pas venu de nous interroger sur les réponses militaires et autres que militaires qu'il faut apporter aux conflits qui nous mobilisent seuls ou dans le cadre de l'ONU, de l'OTAN, de l'Union européenne ?
Ces conflits révèlent aujourd'hui les limites de nos interventions. Peut-être devrions-nous montrer l'exemple dans la remise en cause de nos certitudes et de nos choix. Par exemple, la construction d'un deuxième porte-avions est-elle encore justifiée au regard de nos missions et, surtout, de nos possibilités d'investissements ? Car, madame le ministre, votre budget pour 2007 ne permettra ni de rattraper les retards en matière d'équipements ni d'atteindre le modèle d'armée 2015, qui était initialement prévu.
La faiblesse chronique des autorisations d'engagement de dépenses oblige à un coûteux étalement de programmes importants : l'hélicoptère NH 90, les frégates multimissions, le sous-marin Barracuda, les drones.
Il est vrai - on ne le dit pas suffisamment - que l'armée de métier coûte beaucoup plus cher que ce que vous aviez initialement prévu. De plus, la suppression du service militaire est certainement loin de représenter une économie, comme vous l'aviez annoncé. Ainsi, la répétition des décalages entre les crédits annoncés et les crédits réellement affectés met en cause le modèle d'armée 2015. Les retards ne pourront pas être rattrapés.
Ce budget présente, d'ailleurs, d'autres exemples d'insuffisance de crédits. Ainsi, nous savons tous que le coût des opérations extérieures, les OPEX, sera largement supérieur aux 375 millions d'euros prévus.
Madame le ministre, comment financerez-vous le complément de dépenses ? Pourquoi n'inscrivez-vous pas une somme plus proche de la réalité prévisible qui, je n'en doute pas - je le crains même - sera de plus du double de celle que vous avez prévue ?
Je pourrais faire une remarque semblable pour les crédits du service de santé des armées. Ils ne permettront pas de recruter et de conserver en nombre suffisant un personnel de qualité.
Toutes ces raisons - et d'autres que le temps ne me permet pas d'évoquer - m'autorisent à dire que notre défense a besoin d'un nouveau modèle d'armée et d'une redéfinition des programmes d'investissements. Nous voulons renouveler notre confiance et notre soutien à nos armées, mais les insuffisances de votre budget ne nous permettront pas de le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Madame le ministre, permettez-moi de parler du budget de la gendarmerie, qui, dans le projet de loi de finances, fait partie d'une mission interministérielle. Cette mission « Sécurité » fera l'objet d'un débat ad hoc le mercredi 6 décembre, mais vous êtes encore aujourd'hui, et malgré le caractère quelque peu « impérialiste » du ministre de l'intérieur, le « ministre intéressé » - c'est le terme employé dans le jargon de la LOLF - au premier chef par ce budget. Voilà pourquoi, sans polémique, je souhaite l'évoquer ici et maintenant.
Je ferai d'abord un rappel, puis je dresserai un constat.
Même si l'action de la gendarmerie recouvre des missions très diverses - la sécurité routière, la police judiciaire, voire la participation à des opérations militaires extérieures - il n'en demeure pas moins que son objet essentiel reste la sécurité publique. Elle assume seule cette responsabilité sur 95 % du territoire, au profit de 50 % de la population.
Le niveau de responsabilité de la gendarmerie est donc grand, très grand, et je veux ici rendre un hommage tout particulier au professionnalisme, au courage, au dévouement et à l'efficacité des gendarmes dans les difficiles et périlleuses missions qu'ils accomplissent souvent au péril de leur vie. J'ajoute qu'il est indispensable de leur donner tous les moyens nécessaires pour bien remplir ces missions.
Or, voici mon constat : la plupart des promesses lancées à partir de 2002, notamment celles qui figurent dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, n'ont pas été tenues. Comme souvent avec ce Gouvernement, les annonces et les effets d'annonces se suivent sans que les faits viennent toujours les corroborer.
Ce constat est à la source d'une inquiétude. À rebours du discours officiel, je peux vérifier, quand je parle aujourd'hui avec des gendarmes - et c'est fréquent -, que le malaise persiste s'agissant, notamment, de leurs conditions de travail, de l'organisation de ce dernier, et de leurs conditions de logement. Il ne sert à rien de cacher cette réalité et ces inquiétudes !
Plus que jamais, la réussite de la mission « Sécurité » en général, et de l'action de la gendarmerie en particulier, devrait se traduire préalablement en termes budgétaires. Or, les rapporteurs, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, l'ont signalé à mots plus ou moins découverts : l'année 2007 est la dernière annuité d'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, et force est de constater que ses objectifs ne seront pas atteints.
Un domaine est tout particulièrement édifiant : il s'agit de la création d'emplois annoncée - que dis-je ? claironnée ! - depuis 2002. En effet, le projet de loi de finances prévoit la création de 950 emplois supplémentaires au titre de la LOPSI. À la fin de l'année 2007, s'il n'y a pas de coupes ou de gels de crédits en cours d'exécution, ce sont 6 050 emplois sur les 7 000 emplois prévus par la loi qui auront été créés, soit un déficit de 950 postes au regard de l'objectif annoncé. Bref, seule une annuité supplémentaire permettrait de résorber ce volume. Ainsi, comme pour la loi de programmation militaire, la LOPSI devient une loi élastique : elle se tend ou se détend au gré des difficultés financières du Gouvernement !
Le directeur général de la gendarmerie nationale a reconnu, devant la commission des affaires étrangères, que les fortes contraintes budgétaires ont amené le Gouvernement à « lisser l'exécution » de la LOPSI jusqu'en 2008. Les effectifs affichés ne seront pas au rendez-vous, mais les missions restent les mêmes et elles ont tendance à s'accroître, d'où des conditions de travail et une organisation territoriale dégradées.
Par ailleurs, à la fin de 2007, manqueront au moins 329 millions d'euros sur le titre V ; nous savons aussi que le titre III connaît des insuffisances structurelles, qui rendent aléatoire l'équilibre des crédits de fonctionnement. À l'issue du dernier exercice, un transfert de 21 millions d'euros a été opéré à partir du titre V.
Le logement est aussi un point faible. Certes, des efforts considérables doivent être conduits tant les besoins restent importants, notamment dans le parc domanial, dont plus de 70 % a plus de vingt-cinq ans et qui a atteint un niveau de vétusté en décalage sensible avec le parc des collectivités locales ou le parc locatif hors caserne. Certaines situations d'insalubrité avérée sont incompatibles avec la dignité des personnels de la gendarmerie. Ces efforts ont été programmés, mais ont-ils été convenablement budgétés ?
M. Jean-Louis Carrère. Il semble que ce ne soit pas toujours le cas si l'on se réfère aux documents budgétaires en notre possession : on y relève que l'effort consenti en 2007, important certes, ne permettra pas de résorber le retard pris depuis le début de la mise en oeuvre de la LOPSI.
En ce qui concerne la gendarmerie, les lois de programmation militaire - la LPM, la LOPSI - sont « sorties de la route ». J'ai pu lire, dans les documents budgétaires pour l'année 2007, que les crédits d'investissements s'élèveraient à 970 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 570 millions d'euros de crédits de paiement ; 220 millions d'euros sont inscrits au titre de la LOPSI, soit une diminution des autorisations d'engagement de 17 %, malgré une progression des crédits de paiement de 10 % par rapport aux montants inscrits pour 2006. Toutefois, ces crédits ne permettent pas de combler le retard accumulé, et seule la prorogation de la loi pour une année supplémentaire en permettrait sa pleine exécution en termes d'équipements.
Les auditions au sein de la commission des affaires étrangères m'ont permis d'apprendre que, pour présenter une gestion soutenable pour 2007, il reste - si je puis dire - à trouver 30 millions d'euros, dont 15 millions pourraient être pris sur le titre V, les équipements, et 15 millions sur l'activité de la gendarmerie mobile, sur les dépenses de formation ou sur l'entretien des casernements !
Voilà, selon nous, où mènent des promesses inconsidérées...
M. Jean-Louis Carrère. ...mal soutenues par une mauvaise politique économique qui a mis - reconnaissons-le - la croissance en panne durable !
Bref, pour conclure, je reviendrai sur mon constat initial : les engagements qui n'ont pas été tenus sont à l'origine des difficiles conditions de travail et de logement des gendarmes. Les promesses de la LOPSI ont fait long feu. Ainsi, afin d'éviter de mauvaises surprises à vos successeurs, je considère qu'il faudrait procéder, dès le mois de janvier 2007, à un audit sincère des effets et des retards de la LOPSI et de la loi de programmation militaire, en particulier sur le programme « Gendarmerie nationale ».
Bien entendu, la commission des affaires étrangères s'honorerait, monsieur le président Vinçon, de mener à bien un tel travail, peut-être même sous la direction d'un sénateur appartenant à l'opposition, et l'on pourrait alors parler d'élégance démocratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Drôle d'idée !
M. Jean-Pierre Plancade. C'est un appel !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, nous examinons exclusivement - je le précise - les crédits de la mission « Défense » pour 2007.
Je voudrais, d'abord, remercier très chaleureusement MM. les rapporteurs et les féliciter du sérieux de leur travail. Je remercierai également les différents orateurs qui se sont exprimés.
Même s'il reste, bien entendu, plusieurs mois pour agir - je compte bien les rendre les plus utiles possible - je suis heureuse du travail qui a été accompli depuis 2002, avec votre soutien, pour la modernisation et le redressement de la défense de la France et de son armée.
Ce budget conforte le travail réalisé depuis un peu plus de quatre ans et demi, mais il nous rappelle aussi les enjeux futurs, car notre devoir est aussi de préparer dès aujourd'hui l'avenir de notre défense.
Toutefois, à l'heure d'un premier bilan, je suis fière de l'action menée. D'abord, parce que le budget que j'ai l'honneur de vous présenter respecte, mesdames, messieurs - ne vous en déplaise - la loi de programmation militaire que vous avez votée au début de la législature ; je regrette que l'opposition ne sache pas le reconnaître ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Guy Branger. Ce n'est pas la première fois !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La loi de programmation militaire est respectée parce que les crédits sont effectivement disponibles et consommés.
Monsieur Boulaud, je vous confirme que les reports de crédits devaient passer de 2 milliards d'euros à 1,2 milliard d'euros en fin d'année - ce sera fait - et qu'ils seront totalement résorbés en 2007. C'est un grand progrès par rapport aux pratiques antérieures.
La loi de programmation militaire est respectée aussi parce que l'on a cessé de demander à la défense de payer sur ses crédits des dépenses qui ne la concernait pas. Je rappelle que, avant mon arrivée au Gouvernement, de nombreux crédits étaient affectés à des missions qui ne relevaient pas de la défense.
M. Jean-Guy Branger. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Entre 1997 et 2002, il a manqué plus de 13 milliards d'euros, soit une année entière de programmation militaire.
Je vous remercie donc, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, d'avoir souligné les uns après les autres que le respect de la loi de programmation militaire constitue un fait exceptionnel qui, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial Yves Fréville, est inédit depuis trente ans. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. C'est vrai !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Fréville, j'accueille favorablement les suggestions que vous avez présentées notamment afin d'améliorer la visibilité du Parlement sur l'exécution de la loi de programmation militaire.
J'ai d'ailleurs proposé, devant les commissions de la défense et les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, d'instituer un suivi trimestriel de la consommation des crédits et, par là même, des réajustements qui sont parfois rendus nécessaires par les retours d'expérience émanant du terrain.
D'aucuns déclarent que la LOLF, dont je ne suis pas à l'origine, je le rappelle, entraîne une certaine myopie du Parlement. Je le regrette, d'autant qu'il s'agissait, à l'origine, de permettre aux parlementaires d'avoir une meilleur visibilité du budget de l'État et de la consommation des crédits.
En 2007, avec 16 milliards d'euros, le budget d'équipement permettra aux armées de passer les commandes prévues. Monsieur Dulait, les autorisations d'engagements correspondent, en effet, à ce qui était prévu pour respecter la loi de programmation militaire. Avec 15,6 milliards d'euros en loi de finances et 3,6 milliards d'euros de reports, nous disposerons donc de plus de 19 milliards d'euros à cette fin.
Nous pourrons ainsi démarrer le programme du deuxième porte-avions. Ce bâtiment nous est indispensable, madame Luc. En effet, si nous voulons assurer la permanence à la mer de notre groupe aéronaval tout en ayant la capacité de mettre en oeuvre notre dissuasion nucléaire, nous devons avoir en permanence la possibilité de nous projeter là où nous le voulons. Il s'agira d'un porte-avions à propulsion classique, qui pourra certes rester moins longtemps en mer que notre porte-avions nucléaire, mais qui sera capable d'embarquer un plus grand nombre d'aéronefs.
Aussi, en fonction des besoins et des théâtres d'opérations, nous pourrons utiliser l'un ou l'autre en ayant l'assurance de disposer en permanence de la capacité de mettre en oeuvre notre groupe aéronaval.
En réponse aux questions de M. Fréville et de M. Boyer, je vous indique que j'envisage d'approuver le dossier du lancement de la réalisation et de passer les commandes des approvisionnements de longue durée, tels que les catapultes, au début de l'année 2007.
La coopération avec nos partenaires britanniques conforte ce programme. Nous avons beaucoup progressé sur les éléments de masse du design. J'attends désormais que les actions que nous avons engagées sur le plan administratif soient relayées par les industriels dans le cadre de leur offre de fin d'année.
Le présent projet de budget nous permettra aussi de commander les 117 premiers VBCI, douze hélicoptères NH 90 dans leur version terrestre afin de remplacer les Puma qui, comme MM. Dulait et Peyrat l'ont souligné, ont près de quarante ans et sont effectivement « à bout de souffle ».
Les mesures d'étalement que nous avons été amenés à prendre dans un souci de bonne gestion n'empêcheront pas que les commandes seront passées en temps utiles et que les livraisons se feront dans les délais prévus. Il n'y a aucun retard à déplorer dans ce domaine, je tiens à le souligner.
Nous commanderons également les cinquante missiles de croisière navals et les cinq mille systèmes FELIN. Je vous confirme, par ailleurs, que le contrat pour les sous-marins Barracuda doit être notifié dans les tous prochains jours.
M. Nogrix et M. Fréville m'ont interrogé sur certains programmes spécifiques.
D'aucuns s'inquiétaient quant à un éventuel retard de l'avion de transport A 400M. Des audits ont été menés, à notre demande, car nous voulions savoir ce qu'il en était, notamment après les aléas qui ont affectés d'autres appareils. Ces audits montrent clairement que les marges calendaires, à l'origine assez importantes, ont été réduites et qu'aucun retard n'a été pris.
L'avion ravitailleur MRTT ne figure pas dans la loi de programmation militaire. On peut donc difficilement nous reprocher de ne pas avoir commandé cet appareil. !
Néanmoins, sa capacité de ravitaillement est importante et correspond à un réel besoin pour l'armée de l'air. Nous étudions donc toutes les possibilités, y compris l'hypothèse d'un contrat de partenariat public-privé. Ce choix relèvera de la prochaine loi de programmation militaire.
Les drones constituent, eux aussi, un vrai besoin pour les armées. Le système intérimaire de drones mâles, le SIDM, est pour moi une priorité. Ce programme a plusieurs mois de retard, je ne le cache pas, mais il est aujourd'hui lancé. Le premier vol a eu lieu avec succès à partir de la base d'Istres, au début du mois de septembre. La mise en service opérationnelle devrait intervenir au premier semestre 2007. Nous avons donc, là aussi, rattrapé notre retard.
Quant à l'Euro-MALE, ce projet passe d'abord par une définition commune des besoins. Monsieur Nogrix, après l'Espagne, avec laquelle nous avons maintenant un accord, nous travaillons avec l'Allemagne sur un contexte adapté. Néanmoins, je ne cache pas qu'il reste beaucoup à faire au niveau industriel - organisation, détermination des coûts et des délais - et opérationnel. Le projet n'étant pas à ce jour suffisamment avancé, la DGA n'a pas dépensé un euro à ce titre.
M. Fréville et M Boyer, ont évoqué les frégates multimissions. Notre objectif est bien que, désormais, l'intégralité du financement soit assurée dès la loi de finances initiale. Cela sera possible l'année prochaine, car nous connaissons enfin le calendrier de toutes les dépenses, ce qui n'était pas le cas auparavant.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Quant à la pérennité de la neutralisation de la TVA, monsieur Boyer, le choix de l'actuelle loi de programmation militaire est clair : il s'agit de continuer à compenser les conséquences du changement de statut de DCN intervenu en 2002.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam m'a interrogée sur l'ensemble des commandes aux PME et aux PMI
Les marchés de la défense ont une spécificité qui privilégie les très grands groupes, car ils ont les moyens, le poids financier et la visibilité qui leur permettent d'assumer les risques et la taille des programmes.
Néanmoins, depuis mon arrivée au ministère, j'ai souhaité qu'une place plus importante soit réservée aux PME et aux PMI. À cette fin, nous avons créé une mission.
Je rappelle que 10 % des crédits d'études en amont sont aujourd'hui réservés aux PME et aux PMI. En effet, les petites entreprises ont souvent la possibilité de développer des recherches dans des domaines nouveaux. Je leur ai également donné une place dans le Conseil défense-industries, ce qui leur permet de se faire entendre.
En outre, le renforcement des fonds de la Financière de Brienne permet d'investir davantage dans le capital des PMI. Ces fonds ont été multipliés par deux depuis mon arrivée au ministère.
Enfin, nous nous sommes efforcés d'épargner aux PME et aux PMI les contrecoups des lenteurs qui peuvent découler de la mise en place des crédits. Nous avons donc adopté un dispositif ad hoc pour les paiements qui leur sont adressés.
Vous pouvez donc constater que les petites et moyennes entreprises sont loin d'être oubliées par le ministère de la défense depuis mon arrivée même si, je le répète, les gros contrats vont par définition à des entreprises qui ont une taille suffisante pour relever les défis propres à ce type de marchés.
Voilà ce que je pouvais dire s'agissant du premier objet de ma fierté, celui d'avoir jusqu'à présent - et de continuer en 2007 - réalisé totalement la loi de programmation militaire.
Ma fierté vient aussi de l'action des armées depuis cinq ans.
Les armées, sans oublier la gendarmerie, sont engagées hors de France dans vingt-six opérations extérieures. M. Del Picchia a évoqué le Tchad et la République centrafricaine ; on pourrait citer également l'Afghanistan, le Kosovo, la Bosnie, la Côte d'Ivoire, le Liban et bien d'autres encore.
Au total, 14 500 hommes sont mobilisés en permanence. Avec les rotations tous les quatre mois, ce sont donc, en fait, 50 000 militaires français qui sont engagés chaque année au service de la paix, au service de la France.
N'oublions pas non plus que, sur le territoire national, les militaires français sont également appelés pour assurer notre protection dans le cadre du plan Vigipirate et que, lorsque de grandes catastrophes se produisent, c'est toujours vers eux que l'on se tourne, qu'il s'agisse des incendies de forêts ou de la lutte contre le chikungunya.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble que vous pouvez aujourd'hui, sur quelque travée que vous siégiez, rendre hommage à leur action, à leur dévouement et à leur disponibilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je tiens également à ce que nous rendions hommage à leurs familles et à leurs proches, qui acceptent les longs éloignements, les contraintes, l'inquiétude, parfois même le chagrin et le deuil. N'oublions jamais les familles !
Nous devons aussi rendre hommage à ceux qui sont morts ou qui ont été blessés en opération au cours de cette année. Depuis douze mois, nous avons eu à déplorer quatorze militaires morts en service, cent deux blessés dans des opérations auxquels s'ajoutent douze morts et 1 645 blessés chez les gendarmes. La France n'oubliera jamais tous ceux qui ont perdu la vie au service de leur pays et de la paix.
L'engagement sur les théâtres d'opérations extérieures est un élément fort, un élément clé de l'image de la France dans le monde et de l'influence de notre diplomatie.
C'est pourquoi il était infiniment regrettable que, jusqu'en 2002, on ait ponctionné le budget des programmes pour financer les OPEX.
Madame Garriaud-Maylam, avec votre soutien personnel, avec celui de l'ensemble des membres de la majorité du Sénat, et même au-delà, j'ai obtenu en quatre ans la création d'une provision pour les OPEX. En 2007, cette provision s'élèvera à 375 millions d'euros, soit plus du double de l'année dernière. Cela libère les programmes d'investissement, donne de la visibilité et de la trésorerie aux armées et permet une plus grande transparence de la loi de finances initiale.
Les crédits consacrés aux OPEX permettront de financer environ les deux tiers des surcoûts, soit l'objectif que nous nous étions fixés.
Bien entendu, monsieur Trucy, cette provision pour les OPEX concerne également le service de santé, qui bénéficie exactement du même traitement que l'ensemble des armées. Je voudrais, à cette occasion, souligner la qualité de ce service, qui fait l'admiration des forces de tous nos partenaires sur le théâtre des opérations extérieures.
Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons fait un grand pas vers plus de sincérité dans les lois de finances initiales.
J'en viens à un troisième motif de satisfaction. En effet, année après année, les armées reçoivent les moyens d'accomplir leurs missions. En 2007, avec 36 milliards d'euros, les crédits de la mission « Défense » augmenteront d'un peu plus de 2 %, ce qui représente un effort important, dont nous sommes tous conscients, puisque nous savons que le budget de l'État diminue en volume de 1 %.
Monsieur Trucy, je voudrais vous rassurer sur un point : il n'y aucun changement significatif du périmètre de la mission « Défense » en 2007. La comparaison avec 2006 est donc parfaitement pertinente, puisque l'augmentation des crédits est réelle et ne résulte pas d'un changement de méthode comptable. Je ne reviendrai pas sur les programmes d'armement, que j'ai évoqués tout à l'heure, mais je rappelle que, en matière de recherche, les commandes d'études en amont représenteront 700 millions d'euros en 2007.
Monsieur Boulaud, les objectifs que j'avais annoncés en 2003 sont effectivement tenus, cette fois-ci avec un an d'avance. Je ne sais pas comment vous faites vos calculs, mais, quant à moi, je considère les chiffres concrets et les additions exactes !
En ce qui concerne l'Agence européenne de défense, elle a déjà fait la preuve de sa capacité à fédérer les projets. Lors de son dernier comité directeur, elle a décidé de mettre en oeuvre des programmes de recherche à hauteur de 152 millions d'euros : 52 millions seront consacrés à la protection des forces dans des projets qui associent dix-sept pays et 100 millions d'euros dans la radio logicielle, avec cinq pays participants, la France, l'Italie, l'Espagne, la Suède et la Finlande.
Pour ces deux programmes de recherche dont je viens de parler, les décisions sont prises à la majorité qualifiée, avec une procédure dite de « coup de frein ». Celle-ci permet à un pays de saisir en appel le comité directeur de l'agence, si ses intérêts vitaux sont en cause. Bien sûr, une telle procédure ne peut qu'être exceptionnelle, puisqu'elle suppose que l'État justifie sa position en la matière.
Certes, je l'ai dit publiquement, la France et le Royaume-Uni ont eu un différend concernant le montant du dernier budget de fonctionnement accordé à l'agence. Il ne s'agit pas, pour le Royaume-Uni, de contester le rôle de coordinateur que joue l'agence ; je crois que les Britanniques reconnaissent que les progrès réalisés en quelques années sont tout à fait considérables. Au demeurant, je ne doute pas que nous réussissions à régler ce problème dans les prochaines semaines.
En ce qui concerne le MCO, le maintien en condition opérationnelle, qui constitue l'un des moyens importants accordés aux armées, j'ai décidé d'augmenter ses crédits de 10 % ; ils passent donc à 3,4 milliards d'euros, au total.
Je remercie M. Peyrat d'avoir souligné l'effort budgétaire important qui a ainsi été réalisé depuis quatre ans, pour redresser la disponibilité de nos parcs. Je rappelle en effet que, si plus de 50 % de nos matériels ne fonctionnaient pas lors de mon arrivée au ministère en 2002, c'est non seulement parce que les commandes des programmes avaient pris du retard - nous ne faisons que le rattraper aujourd'hui - et que les matériels vieillissaient, mais aussi parce que les crédits du MCO étaient totalement insuffisants, à la suite de décisions prises, durant cinq ans, par le gouvernement précédant. Ce sont aussi des choses qu'il faut rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. C'est vrai !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Aujourd'hui, cet effort budgétaire s'accompagne d'un réel travail de modernisation de nos programmes et de la gestion du MCO.
Monsieur Boyer, vous avez souligné ce qui avait été fait dans le MCO naval.
Monsieur Boulaud, le partenariat avec Thalès ne vise pas prioritairement des synergies de coût pour le MCO. Il s'agit plutôt de régler des problèmes de soutien international et, surtout, de mettre fin à une concurrence stérile entre deux entreprises qui représentent les intérêts de la France.
Après les secteurs naval et aéronautique, j'ai lancé un audit sur le MCO terrestre. Effectivement, comme cela a été dit par MM. Dulait et Trucy, il reste fragile, comme le montrent les indicateurs de performance. Autant nous avons enregistré une augmentation très sensible de la disponibilité des matériels aéronautiques et navals, et tout particulièrement des premiers, autant nous avons encore des problèmes avec les matériels terrestres. Les propositions de l'audit me seront soumises avant la fin de l'année et je prendrai alors les dispositions nécessaires.
Monsieur Dulait, vous m'avez interrogée sur la nouvelle politique d'emploi et de gestion des parcs terrestres. Ce projet prévoit de répartir tout ou partie des équipements terrestres en quatre parcs : un parc de service permanent dans chaque formation, pour l'entraînement des unités élémentaires ; un parc d'entraînement en camp, pour l'entraînement des régiments ; un parc d'alerte opérationnelle, qui est un parc complémentaire, dont la possibilité de projection est immédiate ; un parc de gestion concernant le reste du matériel, qui peut être mis, notamment, en réserve ou en remisage adapté, sous vide, et qui est contrôlé.
Des études et des expérimentations en ce sens ont débuté à l'automne de cette année et les résultats seront présentés par le chef d'état-major de l'armée de terre à l'été 2007.
Venons-en maintenant aux effectifs, puisque les moyens des armées, ce sont aussi, vous l'avez dit, madame Luc, les hommes. Cependant, une armée avec beaucoup d'hommes, mais sans matériel, est une armée inemployable, comme on peut le voir dans un certain nombre de pays. Gardons un peu de bon sens en la matière !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Vous caricaturez !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Luc, messieurs Vinçon, Dulait et Peyrat, mon objectif est d'avoir des effectifs adaptés aux missions ; cela vaut pour l'armée de terre comme pour les autres armées. Actuellement, l'armée de terre ne connaît pas de situation de surchauffe et est en mesure de relever l'ensemble des effectifs déployés sur les théâtres d'opération, tout en honorant ses engagements de présence et au sein des forces de souveraineté. Aucun problème ne se pose en la matière.
Par ailleurs, elle maintient une réserve d'une puissance importante, constituant une force complémentaire d'environ 11 000 militaires, qui peut être mise sur pied dans un délai d'un mois : 25 à 35 unités PROTERRE sont disponibles, soit 1 500 à 2 200 militaires pouvant être engagés sur le territoire national ou hors de métropole ; 5 245 militaires sont en alerte « Guépard » et peuvent intervenir de manière échelonnée dans des délais allant de douze heures à neuf jours.
Certes, nous savons que certains secteurs sont particulièrement sollicités et demandent une vigilance accrue, notamment les systèmes de commandement ou certaines spécialités logistiques, comme le NEDEX, la neutralisation, l'enlèvement et la destruction d'engins explosifs, ou la pyrotechnie, mais, aujourd'hui, nous pouvons parfaitement faire face aux besoins, y compris dans l'armée de terre.
En 2007, des emplois seront créés, conformément à la LPM, la loi de programmation militaire, au service de santé et à la DGSE, la direction générale de la sécurité extérieure.
S'agissant du service de santé, j'ai relevé des propos assez ahurissants. Je rappelle tout de même que, à mon arrivée, je l'ai trouvé dans un état déplorable, avec des insuffisances criantes en termes de personnel !
Aujourd'hui, grâce à notre effort pour créer, chaque année, des postes supplémentaires, le service de santé des armées se porte bien, est à même de répondre aux besoins et satisfait ses dirigeants. Je ne veux pas entendre des assertions totalement fausses ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
S'agissant des gendarmes, monsieur Carrère, 950 emplois seront effectivement créés, ce qui porte à 6 050 le nombre d'emplois créés depuis 2003.
Si des besoins subsistent dans la gendarmerie, c'est peut-être parce que rien n'avait été fait les années précédentes, qu'il s'agisse des effectifs ou des logements ! J'ai constaté, en effet, que certaines casernes n'ont pas été entretenues depuis très longtemps, que des gendarmeries n'ont pas été construites. C'est bien beau de dire que nous ne faisons pas assez, mais, quand on n'a quasiment rien fait, il faut se montrer un peu plus modeste à l'égard de ceux qui, eux, agissent !
M. Jean-Louis Carrère. Applaudissez !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il ne s'agit pas d'applaudir, il s'agit de dire la vérité, monsieur Carrère !
M. Jean-Louis Carrère. Je parle à vos amis !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je ne suis pas contre la polémique, mais nous sommes en train de parler de choses sérieuses. Encore une fois, les chiffres sont là ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Monsieur Trucy, je comprends que vous ne retrouviez pas, dans ce projet de budget, tous les chiffres prévus dans la LPM. Grâce à la politique de réforme que j'ai menée, j'ai réussi à y mettre de l'ordre, d'une part, en supprimant plus de 6 000 emplois vacants, d'autre part, en économisant 5 366 emplois - parallèlement, les missions des armées ont été assurées - tout simplement en mutualisant certains éléments et en en informatisant d'autres.
Ce faisant, nous avons réussi à rationaliser les effectifs et à recentrer les gens sur leurs qualifications et leurs métiers, notamment dans les missions de soutien.
Quant aux crédits de personnel, qui atteignent plus de 24 milliards d'euros, pensions comprises, ils permettront de financer effectivement les 430 000 personnels du ministère de la défense en 2007. La globalisation de la LOLF nous donne la possibilité de disposer de la souplesse nécessaire pour nous adapter.
La réserve, dont nous avons peu parlé ce soir, fait l'objet de ma part d'une attention particulière. Vous le savez, les armées professionnelles en ont besoin, sur les plans à la fois quantitatif et qualitatif.
C'est la raison pour laquelle ses crédits augmentent de 14 % en 2007, avec 19 millions d'euros supplémentaires. Les engagements dans la réserve atteindront ainsi le nombre de 62 000. C'est, je le rappelle, deux fois plus qu'en 2002.
Le dispositif prévu par la loi sur les réserves en matière de soutien des forces par les entreprises a été - je vous le signale, puisque vous avez voté ce texte à l'unanimité - mise en oeuvre pour la première fois au Liban. Il s'agit donc d'une application très rapide d'un texte que la Haute Assemblée a bien voulu voter.
Les problèmes de personnel se posent en termes non seulement de quantité, mais aussi de qualité de vie des militaires. Les plans d'amélioration de la condition du personnel militaire, qui représentent 66 millions d'euros, sont mis en oeuvre. Ils sont complétés également par 15 millions d'euros destinés aux civils. En effet, la défense, ce sont des militaires et des civils !
En ce qui concerne le logement, sur lequel M. Boulaud m'a interrogée, j'ai effectivement mené une réorganisation de la conduite de la politique immobilière. Celle-ci se traduit notamment par le regroupement des crédits immobiliers, sous l'égide du secrétaire général pour l'administration, par la création d'un service d'infrastructures, par la réforme de la fonction dépollution, laquelle est extrêmement importante pour nous, par l'externalisation de la gestion de logements, notamment de la gendarmerie, et par des cessions immobilières, pour lesquelles nous sommes en tête des ministères. Dans le même temps, ces choix nous permettent de conduire de grands projets immobiliers, à Paris et dans la région parisienne, notamment, pour le logement des militaires, qui rencontrent de grosses difficultés dans ce domaine.
Nous avons donc un plan de logement des militaires, dont les crédits sont garantis. Nous appliquons celui qui avait été prévu en 1997, en adaptant les normes, qui n'étaient pas au même niveau à l'époque.
Une telle réponse est adaptée. Nous allons y ajouter de nouvelles possibilités, notamment avec l'utilisation des fonds de prévoyance des militaires, qui pourront être consacrés à la création de logements nouveaux.
Enfin, au-delà des aspects budgétaires, je suis également fière d'avoir, depuis 2002, placé la défense à la pointe de la réforme de l'État.
Vous connaissez les principes des réformes de fond que j'ai menées ; on en a souvent parlé ici. Ce sont la clarification des responsabilités, la mutualisation des moyens et la diversification des modes de gestion. Derrière tout cela, se profile une idée : quand on entre au ministère de la défense, on a envie de servir la France dans certaines activités et il faut permettre à ceux qui nous rejoignent de pouvoir le faire.
Monsieur Dulait, tout cela correspond à une gestion moderne des effectifs, en parfaite cohérence avec une armée professionnelle. Comme l'a dit M. Pozzo di Borgo, il faut faire mieux en dépensant moins, mais il faut surtout faire en sorte que ceux qui travaillent au service de la défense soient toujours heureux d'avoir choisi cette voie.
En 2006, j'ai créé la direction générale des systèmes d'information et de communication, DGSIC, et j'ai également choisi, dans un certain nombre de domaines, sans aucune idéologie, de recourir plus souvent à l'externalisation et aux contrats publics-privés.
Sur ce dernier point, même si nous ne sommes pas toujours aidés par les règles en matière de TVA, comme l'ont souligné les rapporteurs spéciaux MM. Fréville et Trucy - à ce propos, je remercie le Sénat de s'être impliqué -, l'actualité est chargée.
Le marché d'externalisation des véhicules de la gamme commerciale va être notifié dans les prochains jours.
L'externalisation de la gestion immobilière de la gendarmerie sera mise en oeuvre en Île-de-France et dans les régions PACA et Nord - Pas-de-Calais à la fin du premier trimestre de 2007. Cela nous permettra de répondre à certains des besoins de mise aux normes et de rénovation rapide.
S'agissant de l'externalisation de la formation de base sur les hélicoptères, vous avez tout à fait raison, monsieur Trucy ; je ne vais pas nier que les économies ont effectivement été inscrites dans le budget pour 2006, alors que, en réalité, la signature du contrat interviendra en 2007. Il y a là un petit décalage, car nous avions été trop optimistes sur les procédures.
Le nombre des contrats de partenariat engagés par la défense place aujourd'hui le ministère en première ligne, au sein de l'État, pour ce nouveau mode de financement des projets.
Au total, en cinq ans, la politique de modernisation du ministère de la défense a permis d'économiser 568 millions d'euros, soit 2 % de gains de productivité, monsieur le président de la commission des finances.
La modernisation du ministère et le renforcement de son efficacité ont été menés en préservant la capacité des armées à remplir leurs missions. La qualité de soutien s'est améliorée et les militaires peuvent aujourd'hui se concentrer sur leur « coeur de métier ».
Voilà pour aujourd'hui ; mais il est aussi de notre responsabilité de nous projeter dans l'avenir. Demain, une politique de défense ambitieuse demeure une nécessité pour la France, j'aurais même tendance à dire pour le monde.
Même si nous avons réduit l'écart, l'effort de défense français reste inférieur à celui de la Grande-Bretagne. Il n'y a aucune raison que nous apportions à la sécurité de nos concitoyens, à la défense de nos intérêts, à la paix, moins de moyens que ne le fait le gouvernement de Londres ! Nous devons d'autant moins agir ainsi que la France est, et sera - ne nous faisons aucune illusion -, confrontée à des risques stratégiques majeurs : le terrorisme ; la prolifération, dont nous avons surtout parlé à propos du nucléaire, mais je vous rappelle qu'elle concerne aussi les autres armes de destruction massive ; les conflits régionaux, qui n'ont pas cessé et qui sont même en train de se développer - regardez ce qui se passe en Afrique, en Asie centrale, au Moyen-orient.
Bref, l'actualité nous montre que le danger est extrême et qu'il va croissant. Nous sommes loin de la paix que certains avaient, quelque peu innocemment, envisagé à la fin de la guerre froide.
N'oublions pas non plus que nous avons des devoirs liés à notre statut particulier. La crise libanaise l'a confirmé : la défense est un élément-clé de notre capacité d'influence et de notre rayonnement.
Notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU nous oblige à maintenir en permanence notre outil de défense pour qu'il soit en mesure d'intervenir rapidement, n'importe où et avec des moyens importants lorsqu'il s'agit d'empêcher le développement d'un conflit ou d'essayer de le faire cesser.
La France doit et devra conserver ses capacités dans les domaines à caractère vital.
Le premier est la force de dissuasion. Ne l'oublions pas, c'est l'ultime garantie contre les menaces extérieures. Elle doit donc être préservée et, pour cela, madame Luc, elle doit être modernisée. En effet, il n'y a pas de dissuasion si l'on n'est pas crédible et, pour être crédible, il faut effectivement moderniser. Comme l'ont souligné MM. Pintat et Peyrat, la poursuite de la modernisation de nos capacités est une nécessité vitale. Si l'on ne modernise pas, il vaut mieux tout arrêter.
Madame Luc, il n'y a pas de changement de posture de la France en matière de dissuasion, le Président de la République l'a bien dit. Il est important de prendre cela au sérieux, car nous ne pouvons pas être naïfs en la matière. Nous devons être réellement dissuasifs, ce qui suppose que nous modernisions ce qu'il est nécessaire de moderniser, y compris notre façon d'analyser les risques. Mais, pour autant, je le répète, notre posture est bien la même.
En dehors de la dissuasion, il y a l'espace. Il doit être aussi l'objet de notre ambition pour la défense, dans l'avenir. Il devra figurer dans les priorités de la prochaine loi de programmation militaire, car c'est là que se jouera, demain, la compétition pour la suprématie militaire et pour la reconnaissance de la puissance diplomatique internationale, tout simplement.
J'en viens aux trois questions que vous m'avez posées, monsieur Pintat
La première porte sur les satellites de télécommunications.
Plusieurs scénarios sont à l'étude : l'acquisition patrimoniale d'un troisième satellite Syracuse - ce qui était initialement envisagé -, l'acquisition de ce troisième satellite en partenariat public-privé, la location de services satellitaires, à l'instar de ce que font les Britanniques, enfin, la recherche d'une solution duale en coopération avec l'Italie, c'est le projet Athena.
J'ai fait mener des analyses comparatives : nous serons en mesure de choisir un scénario de référence au cours du premier trimestre 2007.
Votre deuxième question, monsieur le sénateur, concerne les satellites d'observation.
En la matière, le temps est venu de penser à la nouvelle génération de satellites. C'est ce que nous appelons le projet « post Helios II ».
Un besoin opérationnel commun a été défini et approuvé par la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et la Grèce. Un accord a été préparé entre ces pays pour permettre la réalisation et le financement en commun de la phase de préparation. Nous devrions le signer dans les tout prochains jours.
Par ailleurs, dans le cadre du partenariat entre le CNES et la défense, plusieurs études d'architecture sur la composante optique ont été lancées par le CNES au mois de septembre dernier.
Votre troisième question porte sur les possibilités de coopération en matière de renseignement d'origine électromagnétique.
Ces possibilités restent ouvertes : une coopération sur un tel système spatial peut reposer sur un recueil partagé des données brutes de renseignement, chaque pays restant autonome sur l'exploitation de ces données.
Aux orateurs qui ont évoqué l'Europe, je répondrai qu'une défense française forte est une impérieuse nécessité.
Depuis 2002, nous avons avancé. Je vous rappelle que, à l'époque, l'Europe de la défense était un beau projet, mais rien de plus. Depuis, l'Agence européenne de l'armement a été créée ; les groupements tactiques 1500, c'est-à-dire la force d'intervention très rapide européenne terrestre, sont en place et nous prévoyons la même chose pour les secteurs naval et aérien ; enfin, la force de gendarmerie européenne que j'avais proposée est désormais une réalité.
En Bosnie et en République démocratique du Congo, plus de 8 000 hommes, dont 1 600 Français, sont engagés sous commandement de l'Union européenne.
Certains répètent « Europe, Europe ! », pensant qu'elle va permettre de tout régler. Mais il ne suffit pas de vouloir des programmes en coopération pour les obtenir et, ensuite, baisser notre budget national. Ne nous faisons aucune illusion en la matière !
Dois-je rappeler que les frégates européennes multimissions, FREMM, le porte-avions, la plupart de nos missiles, notre nouvel avion de transport, l'A 400M, l'hélicoptère Tigre, l'hélicoptère NH 90, le programme Hélios sont réalisés en coopération ?
Dois-je rappeler aussi que je ne sais pas comment faire en sorte que nos partenaires prévoient et votent le budget pour avancer ? Nous ne pouvons pas les obliger ; nous ne pouvons que les convaincre.
Dois-je rappeler, en ce sens, les efforts accomplis par le Président de la République ?
Dois-je rappeler mon combat permanent pour concrétiser un certain nombre de projets qui étaient encore virtuels en 2002 et pour en engager de nouveaux ?
Dois-je rappeler que la France est le seul pays européen à participer à la quasi-totalité des programmes qui ont été confiés à l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR ?
Oui, la France est exemplaire en la matière et l'on doit nous encourager, plutôt que de critiquer notre action, puisque nous faisons mieux que les autres ! Aujourd'hui, c'est en effet la France qui entraîne les autres pays ; je le constate depuis bientôt cinq ans.
La France n'y parvient - et j'ai vu les choses changer du jour au lendemain - que parce que nous arrivons avec une loi de programmation militaire, la garantie que cette loi sera réalisée et que des efforts financiers importants seront consentis, certifiant tout simplement, de façon quelque peu pragmatique, que de l'argent sera mis sur la table !
Je vous affirme qu'il n'y aura pas d'Europe politique sans Europe de la défense et qu'il n'y aura pas d'Europe de la défense sans un effort militaire français prolongé dans la durée et accompagné d'une volonté française de la faire avancer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
De plus - et je le dis à tous, quels que soient les travées sur lesquelles vous siégez - l'effort devra être poursuivi après 2007, en raison des risques, de nos engagements, pour faire avancer l'Europe, bien sûr, mais aussi parce que la politique de défense est un formidable levier pour notre croissance !
La défense est le premier recruteur de jeunes et le deuxième employeur en France. Elle est aussi le premier investisseur sur un plan économique. Au travers de ses investissements et de ses commandes, elle donne, sur tout le territoire national, du travail à plus 10 000 entreprises, grandes et petites, représentant près de deux millions de salariés.
Les dépenses de recherche, sur lesquelles j'ai fait un effort particulièrement important qui a été souligné tout à l'heure, ont des retombées majeures dans le domaine civil.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes des responsables politiques, je m'adresse collectivement à vous : ne nous privons pas de ces atouts, le pays en a besoin !
Cette législature a montré que la maîtrise des finances publiques et l'effort de défense sont des objectifs ambitieux, mais tout à fait compatibles. C'est un résultat sans précédent à l'actif de l'actuelle majorité, que je remercie. Nous avons mis fin ensemble à la théorie des « dividendes de la paix » qui, trop souvent, servaient de prétexte - soyons lucides ! - à de petits calculs.
L'intérêt supérieur de la nation, la sécurité des Français, la construction de l'Europe, rendent nécessaire la poursuite de notre action dans la durée. Soyez assurés d'une chose : les forces armées savent rendre la confiance qu'on leur accorde. Soyez persuadés qu'aujourd'hui les Français ne s'y trompent pas : depuis que les statistiques existent, c'est-à-dire depuis 1978, jamais l'image de l'armée n'a été aussi bonne qu'en 2006.
Dans leur grande majorité, les Français souhaitent que nous poursuivions notre effort en matière de défense. Un quart d'entre eux souhaitent même que l'effort financier soit amplifié.
Ne les décevons pas, ne les fragilisons pas, ne trompons pas les jeunes sur la France que nous leur préparons. Il en va de leur sécurité comme il en va de la place de la France dans le monde. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)
Restent quelques questions auxquelles je n'ai pas répondu, parce qu'elles n'entraient pas nécessairement dans le cadre des propos que je viens de tenir.
Monsieur le président Vinçon, vous m'avez interrogée sur la situation en Afghanistan, et notamment sur ce qui s'est dit au cours du sommet de Riga.
M'y rendant tous les six mois, je constate que la situation a certes progressé en Afghanistan, mais qu'elle demeure très fragile. Nous assistons en effet à la jonction des talibans, des seigneurs de la guerre et des trafiquants de drogue pour déstabiliser le gouvernement en place.
Notre but est d'aider à la stabilisation de ce pays, non seulement pour notre propre sécurité, mais encore parce qu'il joue un rôle majeur dans la stabilité de l'Asie centrale.
Des engagements ont été pris au sommet de Riga afin que la FIAS dispose des forces, des ressources et de la souplesse nécessaires à l'accomplissement de ses missions de stabilisation. Ces missions, qui ne sont pas seulement militaires, ont pour but de mettre les forces afghanes en situation de prendre notre relève et d'assurer elles-mêmes, au fur et à mesure, le travail que nous y faisons.
Le Président de la République a précisé quel sera l'effort de solidarité supplémentaire de la France vis-à-vis de ses alliés. Nous enverrons deux hélicoptères de transport, nous prolongerons la présence de notre détachement aérien à Douchanbé, qui intervient de plus en plus souvent lors d'accrochages sévères qui ont lieu dans le sud de l'Afghanistan, et nous renforcerons également - c'est très important - notre assistance en formation à l'armée afghane pour que celle-ci soit mieux à même de remplir ses missions.
Nous avons également autorisé, au cas par cas, l'emploi de nos forces en dehors de Kaboul pour porter secours à nos alliés en tant que de besoin.
Madame Luc, comme vous l'avez souligné, la réponse militaire n'est pas suffisante. Je l'ai toujours dit. C'est bien pour cette raison que non seulement nous agissons en faveur de la sécurité dans ce pays, mais encore que nous l'aidons également à se développer économiquement, socialement et sur le plan de l'éducation. C'est aussi la raison pour laquelle le Président de la République a pris l'initiative de créer un groupe de contact international sur l'Afghanistan.
Qu'il s'agisse de l'Europe, des associations internationales ou des ONG, nous faisons beaucoup pour l'Afghanistan. Mais, certains oeuvrant séparément, ces actions sont souvent totalement dispersées. Le groupe de contact aura donc pour mission de mieux les coordonner et d'agir davantage en faveur du développement, en lui donnant plus de visibilité, pour ainsi favoriser la consolidation des institutions en tirant bénéfice de la stabilité créée par les forces militaires.
M. Del Picchia a évoqué la question de la politique de la France en Afrique ; Mme Garriaud-Maylam a plus précisément cité le cas de la Côte-d'Ivoire.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très préoccupée par ce qui se passe en Afrique. Aujourd'hui, ressurgissent des affrontements interethniques qui bousculent les frontières et qui, en même temps, sont souvent à l'origine de massacres. Empêchant les populations de vivre sur place, ils les contraignent à de très importants déplacements.
Le développement économique et la sécurité sont liés : il n'y aura pas de développement économique sans sécurité, et il n'y aura pas de sécurité sans développement économique.
Il faut donc que nous essayions d'agir en étant aussi respectueux que possible des sensibilités locales et en sachant que notre action seule n'est pas suffisante.
Là encore, l'Europe a un rôle important à jouer. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à mes collègues européens, qui l'ont accepté, que nous soutenions ensemble l'initiative ReCAMP, c'est-à-dire le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, dans le domaine de la formation, de l'entraînement et de l'équipement des forces.
Dans le même temps, il convient que soit engagée une action de développement importante. À cet égard, les instances internationales doivent sans doute mieux jouer leur rôle.
En Côte-d'Ivoire, c'est peu ou prou ce schéma de lutte interethnique pour le pouvoir qui prévaut, avec toutes les conséquences dramatiques qui s'ensuivent pour les écoles, les dispensaires ou, tout simplement, les capacités de production du pays.
Madame Garriaud-Maylam, notre présence sur place était justifiée par notre volonté de protéger nos concitoyens et d'éviter les massacres interethniques. Mais il faut aussi savoir que l'ONU n'accepte le maintien de ses forces destinées à faire respecter, non sans mal, les résolutions qu'elle a votées qu'à la condition que nous-mêmes soyons également présents.
Mon souhait est non pas que nous restions, mais que nous puissions partir le plus rapidement possible, tout en garantissant aux Ivoiriens qu'ils auront droit à un gouvernement issu d'élections démocratiques, libres et transparentes. C'est l'unique but de cette mission.
Monsieur le président Vinçon, vous m'avez également interrogée sur l'évolution de l'OTAN et sur la place de l'Europe de la défense.
À Riga, a été répété avec beaucoup de force ce que je dis depuis longtemps : l'OTAN est une alliance militaire entre Européens et Nord-Américains, et elle doit le rester.
Cela signifie qu'elle n'a pas à consacrer ses moyens qui sont déjà insuffisants - on le voit en Afghanistan - à des missions qui n'entrent pas dans son champ de compétence.
L'ONU est la seule instance politique à vocation universelle et l'OTAN n'a pas pour rôle d'être une petite ONU bis.
En outre, nous sommes toujours très heureux que certains pays mettent leurs forces à la disposition de l'OTAN et nous fassent profiter de leur connaissance du terrain. Pour autant, ils ne sont ni Européens ni Nord-Américains. Ce sont donc des partenaires, avec lesquels les relations doivent être privilégiées et développées. Mais, encore une fois, il convient de respecter les accords passés.
De plus, pour rendre l'outil militaire plus efficace, il est indispensable que tous les États membres fassent un important effort de défense. Il n'est pas possible que cette tâche incombe à seulement quelques États, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Il faut que les autres pays, qui souvent sont très demandeurs de notre intervention, montrent eux aussi qu'ils sont décidés à prendre leur part du fardeau et envoient plus qu'un, dix ou vingt hommes sur le terrain.
Une Europe de la défense plus forte - la problématique est un peu la même - renforcera la capacité de l'Alliance dans son ensemble quand la première participera à des actions de le seconde. La France a, d'ailleurs, pris le commandement de telles opérations à plusieurs reprises.
L'Europe doit, bien entendu, être capable également d'intervenir par elle-même, comme elle le fait aujourd'hui en République démocratique du Congo ou en Bosnie et comme elle l'a fait en Macédoine. Mais il faut qu'elle en ait les moyens, qu'il s'agisse de moyens communs - le centre d'opérations de l'Union européenne sera mis en oeuvre dès 2007 - ou des moyens individuels de chaque État.
Mme Luc m'a interrogée sur les armes à sous-munitions.
D'un point de vue opérationnel, ces armes remplissent des fonctions qu'aucune autre arme n'est en mesure de remplir à ce jour. Pour autant, nous sommes extrêmement rétifs à leur utilisation, pour des raisons humanitaires, parce qu'elles restent sur le terrain après les conflits.
J'ai assisté, en septembre, à des opérations de déminage au Liban. Je puis attester que, lorsqu'elles se trouvent dans un buisson épineux ou dans un arbre, ces sous-munitions demeurent invisibles et sont source d'accidents.
L'armée française possède des armes à sous-munitions. Elles ont été fabriquées entre 1989 et 2002, date à laquelle leur production a été arrêtée. En tout état de cause, les armées françaises ne les ont plus utilisées depuis 1991.
Nous appuyons toutes les conventions internationales tendant à limiter les utilisations de ces armes à sous-munitions. Ainsi, l'une d'entre elles, que nous avons signée, est entrée en vigueur en novembre 2006. Elle oblige ses signataires à dépolluer les zones touchées. C'est un grand progrès. Il est malheureusement regrettable que tous les pays n'aient pas fait de même.
La plupart des États qui sont détenteurs ou utilisateurs de ces armes sont opposées à une interdiction totale de leur utilisation. La situation est donc bloquée parce nous ne pouvons agir seuls. Néanmoins soucieuse, au-delà de son action pour la signature des conventions internationales en la matière, de garantir une protection maximale pour les populations en cas de conflit, la France veille à améliorer la fiabilité des sous-munitions, en essayant, par exemple, qu'elles puissent être détruites très rapidement après usage, de façon à éviter ces drames auxquels nous assistons trop souvent.
Madame Garriaud-Maylam, je rappelle que la France participe aux opérations de déminage. Nous avons, d'ailleurs, eu à déplorer la mort d'un de ces militaires qui travaillent pour permettre aux populations de vivre sans ce risque permanent.
Dans le cadre du « cinq plus cinq » avec les pays du Maghreb, nous envisageons la création d'une école de déminage en Libye. Il convient d'examiner attentivement ce projet qui, s'il se concrétisait, permettrait à l'Europe de disposer d'une nouvelle école de déminage.
M. Boulaud a évoqué la création d'une délégation parlementaire au renseignement. Vous savez que j'y suis favorable. Le Gouvernement examine la possibilité d'inscrire à l'ordre du jour des premiers mois de l'année 2007 un projet de loi visant à sa création. C'est que nous avons souhaité ensemble.
Monsieur Trucy, vous m'interrogez sur l'opération « Défense deuxième chance ».
Créé par ordonnance en août 2005, l'établissement public d'insertion de la défense a ouvert son premier centre à la fin de septembre 2005 - cela montre notre réactivité. Les ouvertures de centres se sont succédé ; ils seront une vingtaine à la fin de l'année 2006. À cette date, près de 3 000 jeunes en difficulté auront pu bénéficier de ce dispositif, qui connaît aujourd'hui un développement accéléré.
Les résultats obtenus sont prometteurs. Le taux de réussite au certificat de formation générale est de 95 %. Je rappelle qu'un tiers des jeunes volontaires étaient illettrés en entrant dans ces centres. On peut mesure le travail qui y est fait. Le taux de réussite aux différents certificats de qualification professionnelle est aussi de 95 %. Ces résultats sont tout à fait remarquables.
À ce jour, la quasi-totalité des volontaires qui ont achevé le cursus ont soit trouvé un emploi, soit poursuivi leur formation professionnelle pour bénéficier d'une meilleure qualification.
Enfin, madame Garriaud-Maylam, vous m'avez interrogée sur la JAPD hors nos frontières.
Les attachés de défense et les réservistes sont très sensibilisés à cette question. Ils peuvent être d'une grande aide en l'espèce. Il est vrai, néanmoins, que la dispersion géographique ne facilite pas la mise en oeuvre à l'étranger de la JAPD. Mais son programme, et notamment les différents modules relatifs à l'histoire de notre pays ou à sa place dans le monde, répond à votre souci de montrer ce qu'a été, dans l'histoire, l'action de la France en faveur de la paix et ce qu'elle peut et doit être actuellement.
Il est, en effet, extrêmement important que nous sachions non seulement transmettre notre conviction et notre ambition, mais encore montrer une voie pour les jeunes.
Aujourd'hui, les jeunes Français sont trop souvent inquiets pour leur avenir, mais ils sont également à la recherche de repères, voire d'un idéal. Alors, ensemble, quel plus bel idéal pouvons-nous leur offrir que celui de se mettre au service de la paix et au service de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des amendements portant sur les crédits de la mission « Défense » figurant à l'état B.
État b
(en euros)
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Défense |
35 835 802 251 |
36 251 297 582 |
Environnement et prospective de la politique de défense |
1 696 448 464 |
1 661 417 814 |
dont Titre 2 |
536 827 234 |
536 827 234 |
Préparation et emploi des forces |
20 851 914 937 |
21 020 640 770 |
dont Titre 2 |
14 930 307 524 |
14 930 307 524 |
Soutien de la politique de la défense |
3 113 236 932 |
3 164 042 843 |
dont Titre 2 |
1 726 279 504 |
1 726 279 504 |
Équipement des forces |
10 174 201 918 |
10 405 196 155 |
dont Titre 2 |
877 100 225 |
877 100 225 |
M. le président. L'amendement n° II-189, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2 |
||||
Préparation et emploi des forces Dont Titre 2 |
||||
Soutien de la politique de la défense Dont Titre 2 |
6 000 000 |
6 000 000 |
||
Équipement des forces Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
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6 000 000 |
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6 000 000 |
SOLDE |
- 6 000 000 |
- 6 000 000 |
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Avant de présenter mon amendement, je vous précise que le groupe UC-UDF votera les crédits de la mission « Défense ».
Le présent amendement a pour objet de réduire les crédits de paiement de l'action n° 4 du programme 212, sous-action 42-Infrastructures, qui englobe les crédits relatifs à l'implantation de l'état-major de l'armée de terre à l'École militaire de Paris.
Le ministre de la défense, sur proposition de la haute hiérarchie militaire, a décidé de transférer l'état-major de l'armée de terre de la rue Saint-Dominique à l'École militaire. Cette structure sera accueillie dans un bâtiment neuf, en lieu et place d'une partie de cette école, pour un coût total de 75 millions d'euros sur plusieurs années.
Si mes informations sont exactes, ce transfert n'est pas la résultante des besoins propres à l'armée de terre. C'est le fruit de décisions sur la localisation d'autres structures.
L'îlot Saint-Germain, site historique du ministère de la défense, regroupe l'état-major des armées, l'état-major de l'armée de terre, la direction du renseignement militaire, mais aussi et surtout le centre de planification et de conduite des opérations, le CPCO, communément appelé, semble-t-il, « la cuve ». Cette activité, qui est maintenue pour le suivi des opérations, est exercée vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
L'élément central de la redistribution des cartes dans ce dossier, si j'ai bien compris, est la refonte des installations de ce CPCO, dont le cahier des charges prévoit l'obtention de tous les systèmes d'information et de communication nécessaires pour commander 60 000 hommes, pour un usage multinational.
Madame le ministre, d'après les informations dont je dispose, la nouvelle implantation a été longuement discutée. L'achat d'un immeuble rue de Grenelle a même été envisagé, alors que vous avez vendu récemment un immeuble rue Saint-Dominique.
Faute d'une autre solution crédible, les locaux du boulevard Saint-Germain ont été rénovés. Mais il semblerait que, si une mission européenne était lancée, le quartier général des opérations serait installé au Mont Valérien, où des locaux complémentaires ont été aménagés.
Il semblerait que le jeu des chaises musicales permette d'assouvir certains souhaits, en particulier ceux de l'état-major des armées, qui se renforce. L'état-major de l'armée de terre, qui devait quitter le boulevard Saint-Germain, va s'installer, parce que vous l'avez décidé ou parce que les militaires l'ont demandé, sur le site de l'École militaire.
Je vais maintenant m'exprimer en tant qu'élu d'arrondissement et sénateur. Le VIIe arrondissement de Paris est un lieu de pouvoir qui accueille depuis de très nombreuses années aussi bien Matignon que nombre de grands ministères.
Au fur et à mesure de l'augmentation des missions, de l'accroissement du personnel et de l'apparition de besoins de lieux plus vastes, ces grands ministères, qui étaient au centre de Paris, ont été obligés d'envisager une implantation différente.
Le ministère des finances n'était pas dans le VIIe arrondissement, mais il a quitté le Louvre pour Bercy, où une grande structure a été créée. S'agissant du ministère de l'équipement, seul le cabinet du ministre est resté dans le VIIe arrondissement, le reste de l'administration s'installant à La Défense, dans un grand immeuble. Le ministère de la santé a eu beaucoup plus de chance, puisqu'une partie entière du VIIe arrondissement a été détruite à son intention, laissant la place à une énorme « verrue » : c'est le ministère actuel de la santé !
Il reste deux grands ministères qui, eux, continuent à procéder au jour le jour : chaque fois qu'un besoin supplémentaire se fait sentir, ils grignotent des lieux, ce qui multiple les sites. Il s'agit du ministère de l'éducation nationale et du vôtre, madame le ministre !
Je sais que ce n'est pas simple et qu'il faut répondre à ces besoins. Mais l'élu de Paris que je suis voudrait attirer votre attention sur le caractère historique de l'axe Breteuil-Trocadéro, passant par la place de Fontenoy, l'École militaire et le Champs-de-Mars.
Souvenons-nous que, à son époque, André Malraux, alors ministre de la culture - nous venons de fêter le trentième anniversaire de sa mort -, avait souhaité transformer l'hôtel des Invalides en un lieu de culture et de mémoire militaire. Pour obtenir le départ de l'armée de ce lieu, aujourd'hui magnifique, il avait été obligé de demander son aide au général de Gaulle.
C'est un peu la même chose à l'heure actuelle. Je ne comprends pas que l'état-major de l'armée de terre s'installe dans une école historique, qui pourrait accueillir un projet plus important. Madame le ministre, vous avez beaucoup d'idées à l'échelon européen, et je vous soutiens dans vos actions. Pourquoi ne pas créer une grande école européenne de défense qui accueillerait tous les cadres européens ?
Que va-t-on faire à la place d'une telle réalisation ? On va installer l'état-major des armées ! Je ne veux pas être mauvaise langue, mais j'ai bien l'impression que les militaires ont fait ce choix, parce qu'ils n'ont pas envie de prendre le métro pour se rendre ailleurs... (Sourires.)
Madame le ministre, je souhaiterais que cet amendement soit adopté. Ne m'en veuillez pas de cette conclusion un peu sévère : élu du VIIe arrondissement, je suis forcément passionné !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Trucy, rapporteur spécial. Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, mon cher collègue, sans être certain - en toute humilité -, n'étant pas du quartier, d'avoir saisi la totalité de l'argumentation que vous avez développée avec grand talent.
Cela étant, je suis un peu étonné par l'un des arguments que vous développez dans l'objet de votre amendement. Vous soupçonnez que l'implantation de l'état-major de l'armée de terre à cet endroit ne soit pas conforme à la vocation de recherche et d'étude de ce quartier.
Je vous trouve un peu sévère, parce que nous connaissons des exemples du contraire, y compris dans les armées. Pour vous rassurer, je citerai la parfaite réussite de l'ouverture au monde extérieur, à l'entreprise et au monde universitaire, de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr Coëtquidan.
Ne connaissant pas, en revanche, toute l'articulation des chaises musicales de ce secteur, j'attends l'avis du Gouvernement pour me prononcer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Pozzo di Borgo, il ne s'agit pas du tout d'un jeu de chaises musicales ! C'est au contraire un sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années pour parvenir à une certaine rationalisation. À cet égard, nous réfléchissons à la constitution, à l'École militaire, d'un véritable pôle qui soit intéressant sur le plan européen, avec notamment la création d'un centre de recherche et un regroupement des bibliothèques.
Je ne vais pas vous dire que nous allons créer une école européenne, puisque chacun des pays membres veut conserver sa propre école. Mais ce que nous souhaitons mettre en place ira bien au-delà : il s'agira d'un système comparable au programme ERASMUS, qui permettra à de jeunes officiers venant d'autres pays de l'Union européenne de travailler en France quelques mois. C'est ainsi, et non en imaginant quelque chose ne correspondant à rien, que nous pourrons répondre aux besoins.
En réalité, ce projet, qui existe depuis très longtemps, vise à rassembler les futurs officiers et ceux qui sont à la place qu'ils occuperont par la suite, c'est-à-dire ceux qui travaillent déjà à l'état-major.
Cela correspond à une vraie rationalisation, que j'essaie d'introduire également pour la gendarmerie - le problème est exactement le même - et pour la direction générale de l'armement. Mon souhait est que nous obtenions des ensembles totalement cohérents. Cela ne correspond donc pas du tout à un jeu de chaises musicales.
Ce sujet a fait l'objet d'une très large concertation depuis cinq ans. Tout le monde a été consulté, autant en interne qu'en externe, qu'il s'agisse du ministère de la culture, de la Ville de Paris et des associations riveraines. Celles-ci ont participé à deux ou trois réunions, dont je peux vous donner la date précise, si vous le désirez, et un comité de pilotage a été mis en place.
Par ailleurs, sur le plan architectural - je comprends que, en votre qualité d'élu local, vous soyez particulièrement intéressé par cette question -, un seul bâtiment sera détruit ; il est actuellement recouvert de tôles ondulées - je ne connais pas vos goûts, mais, pour ma part, je trouve cela plutôt laid - et n'abrite que les véhicules du Premier ministre. On ne peut donc pas parler de chaises musicales pour des véhicules ! En outre, le futur bâtiment qui remplacera la construction existante a reçu l'aval des Monuments historiques et de l'ensemble des services spécialisés. Cela signifie que, a priori, et à ma connaissance, ce projet offre une cohérence plus grande avec l'ensemble architectural en place.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Pozzo di Borgo, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Je suis sensible à l'esthétique du quartier, et il est de notre intérêt que des bâtiments un peu délabrés - je me rends suffisamment souvent à Matignon pour m'en être rendu compte -, disparaissent et soient remplacés par un édifice plus respectueux du site et du patrimoine historique particulièrement remarquable.
M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° II-189 est-il maintenu ?
M. Yves Pozzo di Borgo. La concertation a eu lieu quand la décision a déjà été prise !
M. Yves Pozzo di Borgo. Je comprends très bien vos arguments, madame le ministre, et je vais retirer mon amendement, pour ne pas allonger les débats. Mais je regrette profondément que l'état-major de l'armée de terre ne soit pas installé ailleurs. Il faudra bien réfléchir, un jour ou l'autre, à la création d'un Pentagone à la française.
M. Yves Pozzo di Borgo. Le problème est que nous progressons au jour le jour. On fait une chose un jour, une autre chose, ensuite. Et dans cinq ans, on se rendra compte que l'état-major militaire de l'armée de terre est encore trop à l'étroit et qu'il faut agrandir ses installations ! Cela étant, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement II-189 est retiré.
L'amendement n° II-12, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2 |
30.000 30.000 |
30.000 30.000 |
||
Préparation et emploi des forces Dont Titre 2 |
90.000 90.000 |
90.000 90.000 |
||
Soutien de la politique de la défense Dont Titre 2 |
30.000 30.000 |
30.000 30.000 |
||
Équipement des forces Dont Titre 2 |
30.000 30.000 |
30.000 30.000 |
||
TOTAL |
90.000 |
90.000 |
90.000 |
90.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Nous avons évoqué ce qui s'est passé pour le financement des opérations extérieures, les OPEX, et je n'y reviens donc pas.
Mais ne recommençons pas avec les opérations intérieures, les OPINT, ce que nous avons connu pour les opérations extérieures ! Mme le ministre a donné de nombreux détails à ce sujet. Ces opérations s'accroissent, se diversifient et sont coûteuses.
Un début d'utilisation est nécessaire. Or, la ligne est inscrite dans le programme, aucun crédit n'est prévu.
Par conséquent, madame le ministre, la commission des finances pense jouer sur ce plan un rôle positif en proposant une inscription budgétaire, afin que le problème du financement des OPINT soit posé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je ne vois aucun inconvénient à cette mesure puisqu'une ligne budgétaire est inscrite cette année. Nous procédions un peu comme pour les OPEX en inscrivant une mesure symbolique la première année. Votre amendement, monsieur Trucy, permet de donner à cette mesure un contenu un peu plus dense. Je m'y rallie donc avec plaisir.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense » figurant à l'état B.
Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense », modifiés.
Mme Hélène Luc. Le groupe CRC vote contre !
M. le président. J'appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 43 ter qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Défense ».
Articles additionnels après l'article 43 ter
M. le président. L'amendement n° II-13, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Après l'article 43 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque la première tranche d'autorisations d'engagement d'un programme d'armement dont le coût global, unitaire ou non, évalué à au moins un milliard d'euros, est inscrite en loi de finances initiale, le ministère de la défense informe le Parlement de la fourchette d'évaluation du coût global du programme d'armement et de l'échéancier prévisionnel de sa réalisation dès qu'ils sont arrêtés.
II. En conséquence, faire précéder cet article par la mention :
Défense
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. J'ai expliqué tout à l'heure que la LOLF ne donnait pas une grande visibilité sur les opérations d'équipement à long et à très long terme. Nous votons en effet des crédits par tranche et sans échéancier de paiement.
Il ne s'agit pas de réduire cette « myopie » organique de la LOLF. Il s'agit simplement, dans le cas de la construction d'un porte-avions ou du lancement d'un programme extrêmement important comme le Barracuda, et lorsque cela est possible, c'est-à-dire lorsque les négociations entre les ministères et les industriels sont achevées, de donner au Parlement l'information sur le coût total des programmes et sur l'échéancier prévisible, à titre d'information et non à titre décisionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. J'ai toujours essayé de jouer le plus possible la transparence. Il faut simplement, sur certaines choses, le faire d'une façon un peu confidentielle pour une raison très simple : des ventes à l'extérieur ont lieu. Un porte-avions ne se vend pas comme cela, et, sur un certain nombre de programmes, les prix doivent demeurer discrets. Nous devrons trouver - mon cabinet pourra s'en charger avec vous - les modalités pour que l'information puisse être donnée sans pour autant devenir gênante.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Tout à fait !
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 43 ter.
L'amendement n° II-14, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 43 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé
À compter du 1er janvier 2008, en cas d'externalisation d'activités du ministère de la défense générant des économies sur le titre 2, le supplément de taxe sur la valeur ajoutée à la charge du programme concerné donne lieu à un rétablissement de crédits de 100 % les première et seconde années, de 75 % la troisième année, de 50 % la quatrième année et de 25 % la cinquième année, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Mme le ministre a expliqué tout à l'heure l'intérêt que présentaient les opérations d'externalisation pour des activités non militaires. Le choix entre une activité en régie et une activité externalisée doit se fonder sur des considérations économiques, mais il ne faut pas que le calcul soit faussé par notre système fiscal.
Or, malheureusement, le cas de la TVA payée par les institutions militaires n'a pas été résolu en France comme dans les autres pays avec l'adoption de la sixième directive sur la TVA.
De quoi s'agit-il ? Si une opération est réalisée par des personnels du ministère, la TVA ne s'applique pas sur les salaires. Si la même opération est externalisée et effectuée par le personnel d'une entreprise privée, les salaires font partie de la valeur ajoutée, et le ministère de la défense doit acquitter la TVA. Bien entendu, le coût d'une opération externalisée est augmenté d'autant par rapport à celui d'une opération en régie. Toutefois, l'opération est nulle pour l'État puisque le paiement effectué par le ministère de la défense alimente le budget général.
Il s'agit tout simplement d'annuler ce mouvement d'ordre. Lorsque le ministère de la défense réalise une opération d'externalisation, les crédits correspondants à la TVA seraient ainsi rétablis pour ce ministère.
C'est déjà plus ou moins le cas par la négociation, mais il me paraît souhaitable qu'un amendement « aiguillon » permette de résoudre définitivement ce problème. Je suis d'ailleurs persuadé qu'un accord sera trouvé en commission mixte paritaire.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission des finances vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Sur le plan juridique, je déplore qu'il faille passer par le niveau législatif. On nous annonce depuis quelque temps une circulaire afin de régler cette question, mais je ne suis pas en mesure de vous la présenter aujourd'hui. C'est donc en quelque sorte à mon corps défendant que je ne puis me prononcer ni pour ni contre cet amendement. Dans ces conditions, m'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée me paraît être la meilleure solution. (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-14.
Mme Hélène Luc. Le groupe CRC s'abstient !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 43 ter.
L'amendement n° II-102, présenté par MM. Faure, Vinçon, de Rohan et Dulait, est ainsi libellé :
A - Après l'article 43 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le second alinéa de l'article 4 de la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 relative aux mesures en faveur du personnel militaire dans le cadre de la professionnalisation des armées, est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s'applique pas aux anciens militaires admis dans un emploi au sein de l'Établissement Public d'insertion de la défense. »
II. La perte de recette pour l'État résultant de la dispense de remboursement de pécule d'incitation au départ prévue par le second alinéa de l'article 4 de la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996 précitée est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B - En conséquence, faire précéder cet article d'une division intitulée :
Défense
La parole est à M. André Dulait.
M. André Dulait. Nous nous sommes tous félicités des résultats de l'opération « Défense deuxième chance ».
Cet amendement vise à rendre cette opération plus attractive pour les anciens militaires qui, aux termes de l'article 4 de la loi du 19 décembre 1996, doivent impérativement rembourser le pécule qu'ils ont reçu lorsqu'ils ont quitté l'armée s'ils trouvent un emploi dans le cadre de la défense. En dispensant les militaires de l'obligation de rembourser ledit pécule, il devrait faciliter le recrutement par l'Établissement public d'insertion de la défense, qui gère les centres de « Défense deuxième chance », d'anciens militaires, qui forment des cadres tout à fait autorisés et expérimentés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Trucy, rapporteur spécial. C'est un excellent amendement sur lequel la commission des finances émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je ne peux que me réjouir de cette incitation pour les militaires à rejoindre l'expérience « Défense deuxième chance », dont j'ai évoqué les bons résultats.
Dans ces conditions, monsieur le président, je lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-102 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 43 ter.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Défense ».