Article 37
Dans le premier alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la référence : « 1° », sont insérés le mot et la référence : « du II ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 202 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 399 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery pour défendre l'amendement n° 202.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 399.
Mme Éliane Assassi. C'est un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 202 et 399.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 37.
(L'article 37 est adopté.)
Article 38
Dans l'article L. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la référence : « 8° », sont insérés le mot et la référence : « du II ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 203 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 400 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery pour défendre l'amendement n° 203.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 400.
Mme Éliane Assassi. Amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 203 et 400.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 38.
(L'article 38 est adopté.)
Article 39
L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « Ne peuvent faire l'objet », sont insérés les mots : « d'une obligation de quitter le territoire français ou » ;
2° Le 3° est abrogé ;
2° bis À la fin du 6°, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
3° Dans le 7°, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois », et, après les mots : « n'ait pas cessé », sont insérés les mots : « depuis le mariage » ;
4° Le 8° est complété par les mots : « depuis le mariage » ;
5° Il est ajouté un 11° ainsi rédigé :
« 11° Le ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1. » ;
6° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière pour l'un des motifs prévus aux 1° à 4° du II de l'article L. 511-1 l'étranger ressortissant d'un pays tiers qui est membre, tel que défini à l'article L. 121-3, de la famille d'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 401, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat
Mme Josiane Mathon-Poinat. En vertu de la loi de novembre 2003, les catégories d'étrangers qui étaient protégés contre une mesure d'expulsion acquièrent ainsi une protection contre les mesures de reconduite à la frontière.
À peine trois ans après l'adoption de cette loi, la protection de certains étrangers est déjà remise en cause.
Ainsi, la disposition de l'article L. 511-4 qui protégeait les étrangers résidant habituellement sur le territoire depuis plus de quinze ans est abrogée. Cette abrogation se situe dans la même logique que celle qui est relative à la délivrance d'un titre de séjour après dix années de résidence habituelle en France.
Une fois encore, maintenir une protection contre un arrêté de reconduite à la frontière en faveur de ces étrangers serait également une prime à l'irrégularité. Reconnaître qu'un étranger a pu, malgré l'irrégularité de son séjour, établir des liens stables et durables en France, voire y fonder une famille, ce qui rend nécessaire de le protéger contre un éloignement, est inconcevable pour ce gouvernement.
De même, la précarisation du séjour des conjoints étrangers de Français est, elle aussi, confirmée avec cet article. En effet, actuellement, les conjoints de Français sont protégés s'ils sont mariés depuis au moins deux ans, délai déjà rallongé par la loi de 2003, puisque, auparavant, il était d'un an.
Manifestement, le délai exigé n'était pas assez long : la protection pour ces conjoints ne sera effective qu'après trois ans de mariage si cet article devait être adopté.
Toutes ces mesures visent à sanctionner les attaches familiales, sociales, affectives et culturelles qu'ont pu nouer les étrangers en France. Telles sont les raisons qui nous conduisent à présenter cet amendement de suppression de l'article 39.
Mme la présidente. L'amendement n° 204, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les 2° à 4° de cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article définit les catégories d'étrangers qui ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, et qui sont donc protégés.
Le problème, c'est que cet article réduit la liste des personnes protégées contre cette reconduite et, donc, contre cette OQTF. Il supprime le 3°, c'est-à-dire la catégorie d'étrangers qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'ils ont été, pendant cette période, titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ».
Il s'agit d'une véritable précarisation, j'allais dire d'une fabrication de nouveaux sans-papiers, puisqu'on va retirer de la liste les personnes qui résident habituellement en France. Non seulement elles n'auront plus accès au renouvellement de droits, mais, en plus, elles ne seront même plus protégées contre l'expulsion.
L'Assemblée nationale, par coordination, a porté de un an à deux ans la contribution du parent à l'entretien et à l'éducation de l'enfant mineur résidant en France. Ce parent, qui était lui-même protégé, se retrouve, une fois de plus, soumis à l'arbitraire. En effet, qui va décider de l'éducation de l'enfant ? Selon quels critères va-t-on évaluer l'existence d'une contribution effective à l'éducation de l'enfant ? Cela relèvera du pouvoir discrétionnaire du préfet.
Au 7°, s'agissant de l'étranger marié avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française, le texte actuel prévoit qu'ils doivent être mariés depuis au moins deux ans.
Le projet de loi porte ce délai à trois ans, ce qui, une nouvelle fois, révèle la suspicion à l'égard de ces fameux faux mariages. Là encore, nous sommes dans une inacceptable et éternelle suspicion.
En revanche, il est créé une nouvelle catégorie de bénéficiaires d'une protection contre l'éloignement. Si on ne peut que s'en féliciter, il s'agit en fait de l'application d'une norme européenne. En effet, aux termes d'une directive de 2004, les ressortissants de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen, qui fait donc l'objet d'une convention avec l'Union européenne, comme la Norvège et l'Islande, ou de Suisse pourront être protégés. Par ailleurs, les membres des familles de ces personnes qui sont ressortissants d'un pays tiers ne pourront pas faire l'objet d'un éloignement. C'est l'application de la directive, et rien d'autre.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 402 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 498 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l'amendement n° 402.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit bien évidemment d'un amendement de repli.
Petit à petit, nous le voyons bien, au fur et à mesure de l'examen de ce texte, la reconnaissance de droits découlant de la résidence habituelle en France est anéantie. En effet, au nom de ce qu'on pourrait appeler un certain parallélisme des formes, la résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans ne protège plus l'étranger contre une mesure d'éloignement, au même titre qu'elle ne permet plus la délivrance d'une carte de séjour temporaire.
Cela traduit bien la volonté du Gouvernement de mettre fin, dans les deux cas, à une prétendue prime à l'irrégularité. Il est à rappeler que c'est notamment sur l'initiative de M. Jean-Louis Debré que la régularisation des sans-papiers après quinze ans passés en France fut possible.
Pour réveiller les mémoires, je le cite : « Il faut être raisonnable. Quinze ans, c'est une période qui marque la vie d'une femme ou d'un homme, une période au cours de laquelle des liens personnels se sont tissés et d'autres défaits. En fait, après quinze ans, l'intéressé n'a plus guère de liens avec son pays d'origine et il a fait sa vie en France. »
Le Gouvernement prend bien la responsabilité de reconduire à la frontière une personne qui aura séjourné quinze ans sur notre territoire, qui aura construit sa vie, fondé sa famille et n'aura peut-être plus aucune attache avec son pays d'origine.
Le ministre de l'intérieur nous a présenté la commission d'admission exceptionnelle au séjour comme une avancée permettant de ne plus attendre dix ans avant de régulariser les sans-papiers. Aujourd'hui, ces quelques progrès s'évanouissent. Il est même à craindre que nous soyons confrontés à des situations humaines plus que dramatiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour défendre l'amendement n° 498.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit également d'un amendement de repli. Nous voulons démontrer toute l'atrocité de ce projet de loi, qui n'est en rien humanitaire, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire.
D'un simple trait de plume, vous ôtez à des personnes qui résident en France depuis dix ou quinze ans, qui y ont des attaches familiales et sociales, non seulement tout espoir de régularisation, mais aussi toutes garanties et protection en matière d'éloignement.
Vous supprimez la protection issue de la « présence habituelle » sur le territoire français. Vous refusez de reconnaître cette résidence habituelle comme ouvrant au migrant le droit de pouvoir rester sur notre sol et de conserver ses liens puisque, au bout de dix ans, l'intégration est en cours, des liens familiaux, professionnels et sociaux se sont créés.
Ce n'est rien d'autre qu'une négation du droit au respect de la vie privée et familiale, consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Nous avons là un nouvel exemple de votre persévérance à bafouer les engagements et accords internationaux signés par la France.
La conséquence directe de la précarisation du droit des étrangers sera non pas une simplification des procédures, comme vous l'avez annoncé, mais un nouvel engorgement des tribunaux administratifs pour toutes sortes de recours contentieux : refus d'accorder un visa de long séjour, refus d'une demande de carte, obligations à quitter le territoire.
Ce que les migrants étrangers n'obtiendront pas par la préfecture, ils tenteront, et c'est normal, de l'obtenir par les tribunaux, qui, heureusement, demeurent liés par le respect de la Convention européenne des droits de l'homme. Nous verrons alors quels noeuds se créeront.
Mme la présidente. L'amendement n° 403, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° bis de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination.
En effet, pour les mêmes raisons qu'à l'article 24, nous considérons que l'obsession du Gouvernement de lutter contre les paternités de complaisance va un peu loin. Elle constitue une atteinte au droit de mener une vie familiale et normale, garanti par la Commission européenne des droits de l'homme mais aussi, au regard de l'intérêt supérieur des droits de l'enfant, garanti par la Convention internationale des droits de l'enfant, que la France a signée.
Mme la présidente. L'amendement n° 404, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 3° de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous contestons, par cet amendement, la précarisation croissante des couples franco-étrangers.
Les conjoints de Français sont, eux aussi, depuis le début de cet examen, systématiquement suspectés de fraude. C'est la protection du conjoint étranger contre un arrêté de reconduite à la frontière qui est remis en cause. Pour être effectivement protégé, il faudra attendre trois ans après le mariage, à la condition que la communauté de vie n'ait pas cessé.
Ce délai est bien trop long. Deux ans suffisent amplement pour ne pas suspecter un mariage de complaisance, d'autant que les procédures de divorce sont régulièrement engagées dans les trois premières années de mariage.
Mme la présidente. L'amendement n° 405, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le 5° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels ou familiaux en France sont tels qu'une mesure de reconduite à la frontière porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à garantir les droits fondamentaux des étrangers. Nous souhaitons accorder une protection contre une mesure d'éloignement à l'étranger qui, comme dans le cadre de la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire vie privée et familiale, justifie de liens personnels et familiaux en France tels qu'une mesure de reconduite à la frontière porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Cette rédaction, dont la portée a été considérablement réduite par le Gouvernement à travers l'article 24 du présent projet de loi, n'est autre qu'une référence directe à la Convention européenne des droits de l'homme. Elle nous semblait appropriée pour accorder à ces étrangers une protection contre une mesure d'éloignement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 401.
En effet, l'article 39 du projet de loi a pour objet d'adapter la définition des catégories d'étrangers protégés contre les mesures de reconduite à la frontière afin de tenir compte des modifications des règles de délivrance des titres de séjour qui sont prévues aux articles 24 et 27 du présent projet de loi.
Si cette coordination n'était pas faite, le risque serait de voir réapparaître des étrangers ni régularisables ni « éloignables ».
Pour les mêmes raisons, la commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 204.
La commission est défavorable aux amendements identiques nos 402 et 498.
Le deuxième paragraphe de l'article 39 a pour objet de ne plus protéger contre les mesures d'éloignement les étrangers justifiant de quinze ans de résidence habituelle en France. Cette adaptation est cohérente avec la suppression, à l'article 24 du projet de loi, de la délivrance de plein droit de la carte vie privée et familiale aux étrangers justifiant de dix ans de résidence habituelle en France.
Pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 403 et 404.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 405. Tout d'abord, les catégories protégées couvrent déjà en grande partie le cas de figure visé par l'amendement. Ensuite, si l'article L. 313-11 prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à cette catégorie d'étrangers, c'est toujours au regard des caractères disproportionnés de l'atteinte à la vie privée et familiale par rapport au motif du refus. Si les motifs sont insuffisants, le préfet peut refuser de délivrer ce titre et il doit, le cas échéant, pouvoir prendre une mesure de reconduite à la frontière.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 402 et 498.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 39.
(L'article 39 est adopté.)
Article 40
L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devient l'article L. 512-1-1. - (Adopté.)
Article 41
L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rétabli :
« Art. L. 512-1. - L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif. Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre.
« Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, en cas de placement en rétention de l'étranger avant qu'il ait rendu sa décision, il statue, selon la procédure prévue à l'article L. 512-2, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, au plus tard soixante-douze heures à compter de la notification par l'administration au tribunal de ce placement. La clôture de l'instruction est prononcée à l'audience ou au terme des débats.
« Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, sur l'article.
M. Philippe Goujon. Les procédures d'éloignement des étrangers seront simplifiées et rendues plus efficaces avec la création d'une seule décision portant refus d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Cela se traduira par la suppression des arrêtés de reconduite à la frontière signifiés par voie postale, dont le taux d'exécution est extrêmement faible, il faut malheureusement le constater.
Monsieur le ministre, je souhaite donc appeler votre attention sur le contentieux que suscitent ces procédures d'éloignement et, partant, sur la nécessité qui se fait jour de mieux organiser la défense même de l'administration devant les juridictions administratives et judiciaires.
Au tribunal administratif de Paris, par exemple, dont je connais bien l'activité, le taux d'annulation des arrêtés de reconduite à la frontière est de l'ordre de 15 %. Or l'administration n'est pas systématiquement défendue ni même représentée aux audiences. C'est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous envisagez de généraliser l'expérience conduite à la préfecture du Rhône, que connaît bien M. Buffet et qu'a pu apprécier la commission d'enquête du Sénat lors de son déplacement à Lyon, expérience qui consiste à confier la représentation juridique à un réserviste civil de la police nationale ? Cela a permis, je le souligne, de faire chuter le taux d'annulation de 18 % à 6 %, soit de plus de moitié.
La réponse que vous nous apporterez éclairera notre débat sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, l'article 41 nous semble fondamental. En effet, les dispositions que nous abordons maintenant démontrent de manière radicale le peu de respect que votre gouvernement a pour les droits fondamentaux, y compris pour le droit international.
Tout d'abord, ce texte prévoit de réformer très profondément la procédure administrative contentieuse applicable au séjour des étrangers et aux mesures d'éloignement du territoire français.
Il est créé un nouveau dispositif permettant de fusionner en une seule décision le refus de délivrer une carte de séjour et la mesure d'éloignement. Cela aura un impact considérable sur les conditions de traitement des requêtes présentées par les étrangers et par leurs avocats devant les juridictions administratives.
Pire encore, dans notre droit, le principe législatif de la collégialité, énoncé dans l'article 3 du code de justice administrative, constitue la garantie fondamentale de l'effectivité réelle du contrôle juridictionnel exercé par les tribunaux envers les autorités administratives et politiques.
Or, sans l'avouer, votre projet de loi vise à instaurer la pratique du juge unique en matière de recours contentieux par des étrangers.
Votre projet de loi comporte en lui-même une sérieuse menace sur le principe du fonctionnement collégial des tribunaux administratifs. Mais ce n'est que l'un des points saillants des réformes en cours et susceptibles d'affecter les juridictions.
En effet, votre gouvernement a officiellement transmis au Conseil d'État un projet de décret visant à instituer une procédure dérogatoire de jugement non collégial pour l'examen des recours introduits devant les tribunaux administratifs pour les personnes en situation de handicap, les chômeurs, les élèves de l'enseignement, les bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, l'APL, en fait, pour les exclus.
L'adoption de ce décret, qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er septembre 2006, serait de nature à porter à près de 90 % le volume des décisions rendues par des juges uniques au niveau des tribunaux administratifs, ce qui aura des conséquences dramatiques directes sur l'autorité de ces juridictions, sur l'indépendance des magistrats et sur l'organisation interne des tribunaux. Bref, en un seul mouvement, vous dessinez une justice à deux vitesses en matière de juridiction administrative, ce que l'on ne peut accepter dans un État de droit.
D'un côté, les litiges qui auront une caractéristique de noblesse, les justiciables qui présenteront une certaine richesse, une certaine notabilité seront jugés par une formation collégiale, avec la présence d'un commissaire du Gouvernement ; de l'autre, les litiges qui auront une caractéristique vile, les pauvres, les élèves de l'enseignement secondaire, les automobilistes ou bien les handicapés, les personnes ayant fait l'objet de retraits d'allocations par exemple, bref, tous ceux qui seront en situation d'exclusion, de discrimination, donc bien sûr les étrangers, seront présentés à un juge unique.
Vous êtes, par ailleurs, à l'origine d'un processus de remise en cause de l'organisation des chambres collégiales, qui porte atteinte à l'image même de l'ensemble des juridictions administratives. Affaire après affaire, la collégialité s'impose comme l'une des conditions d'une vraie justice et l'expérience nous l'a encore montré récemment avec l'affaire d'Outreau.
En décidant d'intervenir par la voie d'un simple décret, le Gouvernement s'expose au risque juridique d'une censure pour incompétence négative de la loi sur l'immigration par le Conseil constitutionnel, puis de cette mesure réglementaire d'application par le Conseil d'État.
Vos projets de loi et de décret ne sont ni plus ni moins qu'une atteinte supplémentaire aux libertés publiques et, surtout, un affaiblissement de l'autorité judiciaire. Les Verts, comme l'ensemble des organisations judiciaires, ne peuvent que dénoncer ce comportement et les combattre.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, au-delà des considérations d'ordre général que vous avez évoquées, l'article 41 du présent projet de loi, comme vient de l'indiquer Mme Alima Boumediene-Thiery, remet en cause le principe de la collégialité des tribunaux administratifs.
Il ne s'agit pas de nier les difficultés auxquelles sont confrontés les tribunaux administratifs. Il ne s'agit pas davantage de nier l'explosion du nombre de recours contentieux effectués par des étrangers ni le fait que l'exécution de la loi de programme de 2002 n'a pas permis de résorber l'engorgement des tribunaux.
Néanmoins, cet engorgement ne peut constituer un argument pour mettre en cause la qualité des jugements qui sont rendus et, par voie de conséquence, la qualité des droits de la défense.
Pour présenter le nouveau dispositif relatif à l'obligation de quitter le territoire, M. le rapporteur écrit, à la page 29 de son rapport : « le nouveau mécanisme ne retirerait aucun droit à l'étranger. En effet, son droit au recours est entièrement préservé tout en simplifiant les procédures pour les préfectures et les tribunaux administratifs. » Après avoir étudié ces éléments, nous nous permettons de douter de cette affirmation.
Nous sommes en effet dans un cercle vicieux : plus on créera, et ce projet de loi est exemplaire à cet égard, de nouvelles dispositions visant à durcir les conditions d'accueil et de séjour et à accélérer les procédures, plus les autorités administratives verront leurs décisions remises en cause devant les tribunaux administratifs, plus les tribunaux seront sollicités, plus le contentieux sera important.
En réalité, monsieur le ministre, sur la question de la collégialité, votre gouvernement avance masqué. Nous savons en effet qu'un projet de décret est en train d'être examiné par le Conseil d'État. Celui-ci, comme Mme Boumediene-Thiery vient de le dire, aura pour conséquence de revenir sur le principe de la collégialité, principe pourtant fondamental, qui figure dans ce que les juges administratifs appellent le « décalogue des juridictions administratives », à savoir l'article L. 3 du code de justice administrative, qui affirme le principe de la collégialité.
Nous savons également que le Gouvernement souhaite s'appuyer sur l'article L. 222-1 de ce code, qui pose le fondement du principe du juge unique, pour imposer une telle évolution, qui sera présentée comme une réforme fondamentale des juridictions administratives. Je ne reviens pas sur l'immense champ des contentieux concernés par une telle décision, celui des étrangers n'en représentant qu'une partie.
Cette réforme est très fortement contestée dans les milieux judicaires. La grève des magistrats administratifs du 7 juin dernier n'est pas un événement anecdotique. Le mouvement a reçu le soutien d'un grand nombre d'organisations d'avocats, ainsi que de nombreuses associations, notamment l'Association des paralysés de France.
C'est la première fois qu'une grève est organisée pour défendre un principe élémentaire de justice, celui de la collégialité. Comme le rappelait un syndicaliste, les décisions collégiales constituent une « garantie essentielle » de l'indépendance et de l'autorité des tribunaux administratifs, notamment face au pouvoir d'État.
J'en reviens au contentieux plus précis qui surgira avec cette nouvelle procédure relative à l'obligation de quitter le territoire. Parce que vous réunissez, monsieur le ministre, dans une décision unique trois aspects différents, le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire et le pays de destination, les recours pourront être dépecés en plusieurs morceaux et plusieurs juridictions seront susceptibles d'intervenir.
De plus, ce texte s'est enrichi d'une disposition nouvelle, qui prévoit que l'instruction est close à l'audience ou au terme des débats. Normalement, l'instruction est close avant l'audience. Cette mesure rendra plus difficile - il s'agit d'une conséquence évidente - l'intervention du commissaire du Gouvernement quand la clôture sera prononcée à l'audience. C'est donc, là encore, une manière insidieuse de remettre en cause le principe de la collégialité.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait judicieux de préserver la qualité, l'indépendance et la sérénité des débats, en affirmant ce principe de collégialité que vous vous apprêtez à démanteler par voie de décret dès l'adoption de ce projet de loi ?
Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 205 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 406 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 205.
Mme Bariza Khiari. La décision de refus de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, sera régie par un nouveau régime contentieux.
Dans tous les cas, le délai de recours juridictionnel contre cette décision sera de quinze jours. Rappelons que le délai pour contester un refus de titre de séjour est de deux mois et le délai pour contester un arrêté de reconduite à la frontière de sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale, et de quarante-huit heures quand il est notifié par voie administrative.
Devant le tribunal administratif, la procédure variera en fonction du placement en rétention, ou non, de l'étranger.
Si celui-ci n'est pas placé en rétention, le tribunal statue selon les modalités classiques : le recours est jugé par une formation collégiale éclairée par les conclusions d'un commissaire du Gouvernement, dans un délai de trois mois. Le tribunal statue alors, dans la même décision, sur le refus du séjour, la décision d'éloignement et la fixation du pays de renvoi.
Si l'étranger est placé en rétention, la procédure est celle qui est aujourd'hui applicable en matière de recours contre les APRF, les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière. L'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit un jugement par un juge unique, sans commissaire du Gouvernement, intervenant dans les soixante-douze heures, s'applique alors. Toutefois, ce jugement ne portera que sur la mesure qui motive l'urgence, à savoir l'obligation de quitter le territoire et la désignation du pays de renvoi, et non plus sur le refus d'un titre de séjour, point qui sera jugé postérieurement.
Nous nous opposons aux modifications introduites par cet article relatives à la diminution des délais et au jugement par un juge unique. Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous avons déposé cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 406.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit sur le nouveau régime contentieux, auquel nous nous opposons totalement. Plusieurs points de l'article 41 sont fortement contestables, même si certains estiment, comme vous l'affirmez, monsieur le ministre, que ces dispositions réussiront à désengorger les tribunaux. Je pense notamment au délai de recours accordé à l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français.
Le projet de loi initial fixait un délai de recours de quinze jours, ce qui ne pouvait être que de la provocation. Comment est-il possible, dans un tel délai, lorsque l'on est étranger, de former un recours ? Était-ce une manoeuvre gouvernementale pour faire croire que le délai d'un mois constituait une avancée formidable, une sorte de « cadeau » accordé aux étrangers ? Ce ne serait pas étonnant, puisque nous savons que les annonces se succèdent, mais qu'elles sont suivies de démentis, qui sont eux-mêmes suivis de nouvelles annonces ! Toujours est-il que, même fixé à un mois, ce délai demeure bien trop court.
Par ailleurs, continuer à faire coexister plusieurs délais de recours sera, à l'évidence, source de contentieux, ce qui est évidemment contraire à ce qui est annoncé par le Gouvernement, à savoir la réduction du nombre de contentieux, au détriment, parfois, des droits de la défense.
Enfin, l'article 41 remet en cause la collégialité des formations de jugement, ce qui suscite des craintes quant à l'avenir de la justice administrative. Alors que, au même moment la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire dite d'Outreau ne cesse de préconiser la collégialité, en s'insurgeant contre la solitude du juge d'instruction, vous décidez, plutôt que de conserver une justice collégiale, de la supprimer. Cette disposition est la préfiguration de l'instauration du juge unique en matière administrative.
Il n'est quand même pas banal que les juges administratifs se mettent en grève pour défendre leur indépendance, ce en quoi ils ont bien raison. Honnêtement, monsieur le ministre, vous seriez bien avisé de revenir sur la nouvelle procédure que vous essayez d'instituer.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 206 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 407 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots : d'un mois
par les mots :
de deux mois.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 206.
Mme Bariza Khiari. L'article 41 du projet de loi prévoit que la décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français sera régie par un régime contentieux.
Dans tous les cas, le délai de recours avait été initialement fixé à quinze jours. L'Assemblée nationale, dans sa grande bonté, l'a porté à un mois. Par cet amendement, nous proposons de le fixer à deux mois. C'est le délai actuel pour contester un refus de titre de séjour. Ce délai permettra à l'étranger d'organiser, à tout le moins, sa défense dans des conditions réputées normales.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 407.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un amendement de repli. Nous souhaitons en effet que vous renonciez, monsieur le ministre, à créer des procédures d'exception - car il s'agit bien de cela - en ce qui concerne le contentieux des étrangers, pour revenir à des délais de droit commun, nettement plus raisonnables.
Je pense notamment au respect des droits de la défense, défense qui ne peut être préparée dans des délais aussi courts que ceux qui sont prévus par le projet de loi.
Même si le Gouvernement est revenu sur son idée de départ, à savoir un délai de recours de quinze jours, nous considérons que le délai d'un mois reste insuffisant. Je prendrai l'exemple des refus de séjour qui, actuellement, peuvent être contestés dans les deux mois. Avec la nouvelle procédure, ce délai sera ramené à un mois, au détriment bien sûr des droits des étrangers.
En effet, l'étranger devra prendre connaissance de la nature de la décision, en comprendre les conséquences et, surtout, trouver un avocat, contacter une association, dans le but de monter son dossier, et rassembler les pièces nécessaires pour former son recours. Le délai prévu, même ramené à un mois, reste insuffisant au regard de la réalité des procédures, de la situation des étrangers et des difficultés qu'ils rencontrent pour constituer un dossier.
C'est pourquoi nous proposons de rallonger le délai de recours en le fixant à deux mois.
Mme la présidente. L'amendement n° 408, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
territoire français
supprimer la fin de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je défendrai en même temps l'amendement n° 410, car la logique est identique.
Ces deux amendements visent à supprimer une partie de la réforme relative à la procédure contentieuse du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français. Celle-ci prévoit en effet que, même lorsqu'un recours a été formé contre une OQTF, il est possible de placer l'étranger en rétention.
En effet, deux procédures vont désormais coexister, dont l'une sera accélérée lorsque l'étranger sera placé en rétention. Cette disposition permet à l'administration, en cours d'instance, de changer de procédure et, ainsi, de l'accélérer brutalement. En vertu du droit à bénéficier d'un procès équitable, dont devraient également jouir les étrangers, l'État ne peut se donner les moyens de changer de la sorte les règles du jeu en cours de procédure, et ce, bien évidemment, au détriment des étrangers.
C'est pourquoi nous demandons la suppression des dispositions relatives aux différentes règles de placement en rétention et de recours.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 207 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 411 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
trois mois,
par les mots :
six mois
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 207.
Mme Bariza Khiari. L'article 41 prévoit que le tribunal administratif disposera de trois mois pour statuer sur trois décisions en même temps : le refus de séjour ou assimilé, l'obligation de quitter le territoire et le choix du pays de renvoi.
Compte tenu de l'importance de ces décisions pour l'étranger et des conditions de travail des tribunaux, il nous paraît raisonnable, pour toutes les raisons qui ont été invoquées précédemment, de porter ce délai à six mois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 411.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre amendement vise également à rallonger le délai imparti au juge administratif pour délibérer. Le délai de trois mois nous paraissant insuffisant, nous proposons de le porter à six mois.
Nous connaissons la position du Gouvernement sur ce point, puisque M. le garde des sceaux a eu l'occasion de s'exprimer sur la question du juge unique. Nous savons que nous nous dirigeons vers l'abandon de la collégialité concernant la justice administrative. Je le répète, nous déplorons cette orientation. Nous aurions, en tant que parlementaires, intérêt à réfléchir davantage sur cette question, en particulier sur les conséquences de l'instauration d'un juge unique.
Encore une fois, j'insiste sur ce point, vous savez très bien tenir des discours quand, pressé par l'actualité ou par des affaires dramatiques, vous donnez le change à l'opinion publique. Mais, lorsqu'il s'agit de répondre efficacement à ces situations par des projets gouvernementaux, vous faites l'inverse de ce qu'il faudrait faire.
Je le répète une fois encore : nous déplorons l'abandon de la collégialité.
Mme la présidente. L'amendement n° 410, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Cet amendement a été défendu par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
L'amendement n° 208, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :
il statue,
insérer les mots :
en formation collégiale,
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement étant particulièrement important, je prendrai la peine de développer l'argumentaire.
L'article 41 prévoit que, lorsque l'étranger est placé en rétention, le tribunal administratif statuera à juge unique, sans commissaire du Gouvernement, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
Nous sommes clairement opposés au jugement à juge unique.
En effet, la collégialité est un principe fondamental de la procédure administrative contentieuse. Il est posé à l'article L. 3 du code de justice administrative : « Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi ». Pourquoi ? Parce que cela permet, surtout lorsque les dossiers donnent lieu à une importante appréciation de faits qui touchent à l'humain, un échange, parfois une confrontation des opinions de chacun ; cela permet de mûrir une décision. Cette méthode de travail donne plus de garanties aux justiciables.
Elle renforce l'indépendance des juridictions. Il ne faut jamais oublier que, devant nos juridictions, une des parties, le plus souvent le défendeur, est toujours un ministre, un maire, un préfet, bref, un représentant d'une administration investie de pouvoirs exorbitants du droit commun. Le tribunal ou la cour sont là pour rétablir l'égalité des armes. Ils auront d'autant plus de poids face à ces institutions que leurs jugements seront rendus par des formations collégiales.
Pour ces raisons, les exceptions à la règle doivent être arrêtées par le législateur. En effet, les exceptions risquent de porter atteinte à l'indépendance de la justice administrative, qui est un principe de nature constitutionnelle.
C'est bien ce que précise l'article L. 3, que ne contredit pas l'article L. 222-1 du code de justice administrative, qui précise : « Les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger.
« Les juges délibèrent en nombre impair. ».
Cet article n'indique pas que les exceptions sont fixées par voie réglementaire. C'est pourtant le cas. Subrepticement, à l'occasion de la transformation, par ordonnance, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en code de justice administrative, l'ancien article L. 4-1 a été transformé en article réglementaire, l'article R. 222-13. Le législateur, par ordonnance, s'est contenté de fixer deux critères très vagues : la nature et l'objet du litige.
Il est clair que ces deux critères n'épuisent pas la compétence du législateur. Comment exercer un contrôle sérieux de la légalité du décret avec ces deux termes ? Qui pourrait dire, sur cette base, que le fait de confier à un juge unique le contentieux des titres de séjour serait illégal ? La nature ou l'objet du litige n'y conduisent pas immédiatement.
Le législateur doit en dire beaucoup plus et, compte tenu de la difficulté de l'énumération, sans doute doit-il l'exprimer en totalité.
Pourquoi la nouvelle liste proposée par le pouvoir réglementaire pose-t-elle problème ? Parce qu'elle va au-delà des contentieux juridiquement simples dont les enjeux sont faibles. Il en va ainsi du contentieux des étrangers qui n'est ni simple, ni de faible incidence sur les intéressés.
Ce sont ces extensions qui posent problème pour les raisons exprimées ci-dessus tenant à l'indépendance du juge administratif.
Il faut savoir par ailleurs que cette réforme n'est pas dictée par un souci de l'amélioration de la qualité des décisions rendues. Elle l'est seulement par la contrainte budgétaire et l'insuffisance des moyens qui nous sont alloués. Comment faire pour juger dans des délais raisonnables, ce qui est une autre exigence d'une bonne justice, sans augmenter les effectifs ? On modifie les méthodes de travail.
Dans ces conditions, et parce qu'il n'est pas question, pour le moment, de modifier l'article L. 222-1 du code de justice administrative ni de transformer en article législatif l'article R. 222-13 du code de justice administrative, nous demandons qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration le Parlement exerce à nouveau pleinement ses compétences et inscrive dans la loi que les refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français sont jugés en formation collégiale.
Il s'agit de faire barrage aux dispositions les plus contestables de ce projet de décret. C'est ce qui motive notre amendement pour la formation collégiale au tribunal administratif.
Mme la présidente. L'amendement n° 409, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
selon la procédure prévue à l'article L. 512-2
par les mots :
collégialement
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage tout à fait les propos de ma collègue.
J'ajoute que si l'étranger est placé en rétention avant que le tribunal ait rendu sa décision, le tribunal statue en soixante-douze heures sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
La procédure applicable en l'espèce serait celle qui prévoit une formation de jugement à juge unique sans commissaire du Gouvernement, comme vient de le dire Mme Khiari. Comment, dans ces conditions, organiser une telle audience, laquelle sera nécessairement précipitée ?
Encore une fois, le fait d'utiliser la situation des étrangers pour instaurer le juge unique et une procédure simplifiée me paraît tout à fait malvenu.
Mme la présidente. L'amendement n° 50, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La disposition que nous souhaitons supprimer est de nature réglementaire.
J'en viens à l'avis de la commission sur les différents amendements.
La commission est défavorable aux amendements identiques nos 205 et 406.
D'abord, nous ramenons à un délai unique d'un mois la possibilité de recours contre à la fois le titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire. Comme cela a été dit tout à l'heure, ce fameux délai d'un mois constitue une amélioration. D'une part, il est beaucoup plus lisible non seulement pour ceux qui exercent les voies de recours, mais aussi pour les praticiens, ce qui, ne l'oublions pas, est loin d'être négligeable. D'autre part, il permet d'améliorer les choses, car les délais actuels sont extrêmement courts : quarante-huit heures ou sept jours.
Ensuite, - faut-il le rappeler ? - le juge unique est déjà la règle pour les recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.
La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 206 et 407, qui appellent des explications similaires.
Pour les mêmes motivations, la commission est défavorable à l'amendement n° 408.
La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 207 et 411. Il lui apparaît en effet que le délai de trois mois qui est institué est tout à fait suffisant. À l'occasion des auditions qui ont eu lieu sur ce texte, personne ne l'a d'ailleurs remis en cause ou jugé comme étant de nature à priver les uns ou les autres de quelque moyen que ce soit d'exercer leurs droits.
La commission est défavorable à l'amendement n° 410. Il faut préciser d'abord que les deux formations de jugement auraient à connaître des décisions différentes bien que portant sur la même personne : d'une part, le refus de séjour et, d'autre part, l'obligation de quitter le territoire.
Ensuite, - faut-il le rappeler ? - la procédure actuelle prévoit déjà deux contentieux distincts, mais qui sont liés.
Enfin, il faut le dire clairement, le juge qui aura à connaître de l'obligation de quitter le territoire français, en cas de placement en centre de rétention, dans le délai de soixante-douze heures, peut, par voie d'exception, connaître de l'ensemble des titres et donc du refus de séjour.
La commission est défavorable à l'amendement n° 208. Le contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière relève déjà, je viens de le dire, du juge unique. Le projet de loi ne change rien au droit positif pour ce seul contentieux.
Je rappelle également que l'instauration du juge unique en la matière date du 10 janvier 1990. Il a montré qu'il pouvait être aussi efficace et respectueux des droits des plaignants.
Quant à l'amendement n° 409, la commission y est défavorable, puisque c'est déjà le cas : le juge unique statue sur ce point et le projet de loi ne change rien.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'ai déjà répondu tout à l'heure à Mme Assassi sur la collégialité lorsque nous avons examiné l'article 36. Mais je veux rappeler que l'article 41, ligne à ligne, vous est proposé par le Gouvernement en plein accord avec le Conseil d'État. Certes, il déplaît à certains syndicats, mais cela n'est pas un argument suffisant pour penser que le Conseil d'État proposerait un dispositif portant atteinte aux libertés publiques. Ce n'est pas, me semble-t-il, dans sa tradition.
Je répète que la question de la collégialité sera tranchée par un décret préparé le garde des sceaux, après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Je reconnais un certain talent à l'ensemble des parlementaires dans cette assemblée et sur toutes ces travées. Mais, dans quelques interventions, je n'ai pas toujours reconnu des propos correspondant à une articulation parlementaire. J'ai même eu le sentiment que certains d'entre vous lisaient des fiches préparées à l'extérieur et comportant un argumentaire que je crois avoir déjà lu par ailleurs...
Madame Khiari, vous auriez pu légèrement modifier l'articulation de votre long argumentaire sur l'amendement n° 208, car la phrase : « nous demandons que le Parlement se saisisse de la question de la collégialité » ne ressemble pas à une demande d'origine parlementaire ! D'où émane-t-elle ? Peut-être des syndicats dont vous vous faites le porte-voix en lisant attentivement les fiches qu'ils vous ont préparées. Moi qui suis attentif à ces détails, je n'ai reconnu dans ce que vous avez lu ni la grande personnalité ni le talent qui sont les vôtres !
Les termes de l'intervention de M. Goujon, que bien évidemment j'approuve, me permettent de répondre à un aspect de la demande dont Mme Khiari se faisait l'interprète. Un effort budgétaire en faveur de la juridiction administrative a été engagé avec une grande détermination : création de 130 postes de magistrats de tribunaux et de cours administratives entre 2002 et 2006 ; création de 132 postes d'agents de greffe, création de 90 postes d'assistants de justice. Voilà bien longtemps que des gouvernements n'avaient pas engagé de tels efforts en matière de renforcement de postes dans les juridictions administratives.
Monsieur Goujon, vous avez raison, il est tout aussi nécessaire d'améliorer les conditions dans lesquelles l'administration défend les intérêts de l'État devant les tribunaux administratifs et, à la suite de nombre de vos interventions, le ministre d'État a donné des instructions très fermes aux préfets de police pour qu'une organisation nouvelle à cet égard permette d'améliorer les performances.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 205 et 406, 206 et 407, à l'amendement n° 408, aux amendements identiques n os 207 et 411, ainsi qu'aux amendements nos 410, 208 et 409.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 50 de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 205 et 406.
M. Hugues Portelli. Je veux seulement rappeler à nos collègues que nous discutons de dispositions de nature purement réglementaires. En effet, tout ce qui concerne l'organisation des tribunaux administratifs et la procédure devant ces tribunaux a toujours été considéré comme faisant partie du règlement autonome de l'article 37 de la Constitution.
Par conséquent, cela ne relève pas du domaine de la loi et nous perdons notre temps !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 205 et 406.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 206 et 407.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 207 et 411.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 208.
M. Bernard Frimat. Ma collègue Bariza Khiari vous répondra tout à l'heure, monsieur le ministre, quant à l'authenticité de son intervention. Il est vrai que la lecture est un art difficile ; vous nous en donnez constamment l'exemple.
Nous avons procédé, comme M. le rapporteur, à des auditions. Au cours de celles-ci, nous avons effectivement entendu ensemble - M. le rapporteur a, je crois, et je parle sous son contrôle, procédé de la même manière - les représentants des deux organisations syndicales des magistrats administratifs, lesquelles sont représentatives. Or nous avons été frappés de constater que leurs analyses concordaient, ce qui n'est pas systématique dans le domaine de la magistrature. Par ailleurs, nous avons pu mesurer l'écho qu'a eu la manifestation qu'ils ont organisée et avons été surpris de la manière dont ils ont médiatisé cette question dans toute la France.
Nous ne remettons pas systématiquement en cause le juge unique. Il est la règle pour ce qui concerne les arrêtés de reconduite à la frontière, mais pas pour les titres de séjour. S'agissant de ces derniers, il importe, pour traiter les contentieux sur le refus de délivrer ces titres, d'avoir une collégialité, garantie d'indépendance du magistrat. Le magistrat, juge unique, qui décidera du refus des titres de séjour, il faudra, monsieur le ministre, songer à le protéger de la hiérarchie de l'État, car il a droit à l'indépendance.
En effet, on n'a pas à observer ses faits et gestes pour savoir ensuite combien de titres de séjour il a refusé de délivrer, combien de procédures d'appel il a accepté ou refusé, pour mesurer en quelque sorte son coefficient d'activité. Il ne faut pas essayer de faire entrer son action dans une norme, l'un de vos objectifs étant, comme nous l'avons régulièrement entendu, de faire du chiffre. C'est cette garantie-là que nous voulons obtenir !
Mon cher collègue Portelli, je suis toujours amateur de leçons de droit lorsqu'elles sont données avec le talent qui est le vôtre. Toutefois, nous savons parfaitement de quoi nous parlons. Nous estimons que ce qui se prépare est inquiétant, alors même que nos collègues de l'Assemblée nationale - mais je sais bien que le ministre ne les écoute que d'une oreille discrète - ne parlent, après l'affaire d'Outreau, que de collégialité et affirment que ce qui s'est passé à cette occasion - et ce n'est pas le problème des syndicats de magistrats - justifie le recours à la collégialité afin de pouvoir se prononcer sur des points délicats.
Pour garantir l'indépendance de la justice, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il importe de retenir le principe de la collégialité pour juger les contentieux sur les titres de séjour ? C'est un principe essentiel auquel nous tenons. C'est pour cette raison que nous avons déposé l'amendement n° 208.
La forme est une chose, le fond en est une autre. En la circonstance, il y a un principe, sur lequel nous souhaitons que le Parlement se prononce.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous avez été parlementaire ; vous savez bien que nous ne sommes pas spécialistes dans tous les domaines, même si nous sommes très doués. Nous avons également besoin de former notre jugement à la lumière d'auditions, et mon collègue Bernard Frimat a évoqué ce point. Monsieur le ministre, il n'est pas interdit de penser - dans le passé, au cours de votre carrière parlementaire, cela a aussi dû vous arriver - que les personnes auditionnées ont des choses sensées à nous dire.
L'article 41 du projet de loi révèle surtout une vision de la justice que nous ne pouvons accepter. Vous soumettez en effet les droits et les procédures judiciaires à des considérations de rentabilité qui sont intolérables.
Je le répète, les syndicats de magistrats administratifs se sont émus de cette décision et s'inquiètent de la perspective de voir le contentieux des étrangers confié à un juge unique, sans l'assistance d'un commissaire du Gouvernement. Nous savons déjà que le Gouvernement a tendance à favoriser la procédure à juge unique au détriment de la collégialité pour les contentieux les plus importants. Pourtant, vous savez comme moi que la légitimité de la chose jugée repose, pour une bonne partie, sur la décision collégiale.
Monsieur le ministre, dans l'affaire d'Outreau, tout le monde a dénoncé la solitude dangereuse du magistrat instructeur. Or, en l'occurrence, vous ne nous proposez finalement que de généraliser la procédure du juge unique. Je pense que l'on met le doigt dans un engrenage que les citoyens nous reprocheront. On va vers une multiplication d'« Outreau administratifs ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nous le reconnaissons, vous ne résistez jamais au plaisir d'un bon mot. Mais tout le monde procède à des auditions, et le Gouvernement en premier lieu. Vous êtes d'ailleurs le premier à dire que vous avez auditionné je ne sais combien de personnes ! Je ne sais d'ailleurs si c'est vrai ! De leur côté, les parlementaires procèdent également à des auditions, et ils n'en tirent pas forcément les mêmes conclusions. On peut donc se dispenser de dire qu'il y a, d'un côté, des bons parlementaires et, de l'autre, des mauvais, au prétexte que ces derniers n'ont pas entendu la même chose. En fonction des dires de chacun, nous essayons de voir là où le bât blesse, en fonction de la philosophie qui est la nôtre s'agissant des droits des étrangers.
Monsieur Portelli, nous apprécions beaucoup vos qualités de juriste et de professeur de droit mais, s'agissant du principe de la collégialité - car c'est de cela qu'il s'agit ici -, le Parlement a son mot à dire ! La collégialité existe dans le domaine des contentieux, il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas le cas en matière de droit des étrangers.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'ai entendu dire qu'un juge unique serait moins indépendant qu'une formation collégiale ! C'est absolument extraordinaire ! Pourtant, on le sait très bien, au cours de l'histoire, des formations collégiales ont été sous influence, bien plus que des juges uniques.
Il est vrai, la complexité de certains problèmes peut exiger que l'on fasse appel à une formation collégiale pour prendre des décisions importantes. C'est d'ailleurs souvent le rapporteur qui joue le rôle majeur dans les tribunaux administratifs, en portant un autre regard sur la situation. Mais n'exagérons rien tout de même !
Par ailleurs, il est totalement outrancier de comparer les décisions qui ont été rendues par un tribunal administratif avec celles qui ont été rendues dans l'affaire d'Outreau. C'est une telle déformation de la réalité que je suis étonné que l'on puisse aller jusqu'à avancer ces arguments !
L'indépendance du juge ne tient pas au fait qu'ils doivent être plusieurs. En effet, mes chers collègues, de nombreux juges uniques prennent tous les jours des décisions, et ils sont parfaitement indépendants. J'espère que tous les magistrats de France sont indépendants, quelle que soit la formation à laquelle ils appartiennent. Franchement, je l'espère.
Mme Bariza Khiari. Je n'ai pas mis en cause leur indépendance !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 208.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 211 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 409.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 50.
M. Bernard Frimat. Nous allons voter en faveur de cet amendement de la commission, dans la mesure où il est en parfaite conformité avec l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure concernant le moment où l'instruction doit être close.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.