sommaire
présidence de Mme Michèle André
2. Candidatures à une commission mixte paritaire
3. Immigration et intégration. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Articles additionnels avant l'article 33
Amendement no 199 rectifié de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. - Rejet par scrutin public.
Amendements nos 198 rectifié bis de M. Bernard Frimat et 48 (priorité) de la commission. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Catherine Tasca, Alima Boumediene-Thiery, M. Hugues Portelli, Mme Isabelle Debré. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 48 insérant un article additionnel ; rejet, par scrutin public, de l'amendement no 198 rectifié bis.
Amendements nos 47 et 46 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption des amendements insérant deux articles additionnels.
Amendement no 393 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements identiques nos 196 de M. Bernard Frimat et 394 de Mme Eliane Assassi. - M. Richard Yung, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel avant l'article 34
Amendement no 268 de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements identiques nos 197 de M. Bernard Frimat et 395 de Mme Eliane Assassi. - M. Bernard Frimat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 200 de M. Bernard Frimat et 396 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 201 de M. Bernard Frimat et 397 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 49 (priorité) de la commission. - M. Richard Yung, Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Bariza Khiari. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 49, les amendements nos 201 et 397 devenant sans objet.
Mme Éliane Assassi.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Amendements identiques nos 202 de M. Bernard Frimat et 399 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 203 de M. Bernard Frimat et 400 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements nos 401 de Mme Eliane Assassi, 204 de M. Bernard Frimat ; amendements identiques nos 402 de Mme Eliane Assassi et 498 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 403 à 405 de Mme Eliane Assassi. - Mmes Josiane Mathon-Poinat, Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des sept amendements.
Adoption de l'article.
M. Philippe Goujon, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Bernard Frimat.
Amendements identiques nos 205 de M. Bernard Frimat et 406 de Mme Eliane Assassi ; amendements identiques nos 206 de M. Bernard Frimat et 407 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 408 de Mme Eliane Assassi ; amendements identiques nos 207 de M. Bernard Frimat et 411 de Mme Eliane Assassi. ; amendements nos 410, 409 de Mme Eliane Assassi, 208 de M. Bernard Frimat et 50 de la commission. - Mmes Bariza Khiari, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Hugues Portelli, Bernard Frimat, le président de la commission. - Rejet des amendements nos 205, 406, 206, 407, 408, 207, 411, 410, 409 et, par scrutin public, de l'amendement no 208; adoption de l'amendement no 50.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
4. Demande d'autorisation d'une mission d'information
5. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
6. Dépôt d'un rapport en application d'une loi
7. Immigration et intégration. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Amendements identiques nos 209 de M. Bernard Frimat et 412 de Mme Eliane Assassi. - M. Bernard Frimat, Mme Éliane Assassi, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. - Rejet des deux amendements.
Mme Éliane Assassi.
Adoption de l'article.
Amendements nos 210 de M. Bernard Frimat et 51 (priorité) de la commission. - MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Adoption, après une demande de priorité de l'amendement no 51, l'amendement no 210 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 211 de M. Bernard Frimat et 413 rectifié de Mme Eliane Assassi. - M. Bernard Frimat, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 212 de M. Bernard Frimat et 414 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 213 de M. Bernard Frimat et 415 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 214 de M. Bernard Frimat et 416 de Mme Eliane Assassi ; amendements identiques (priorité) nos 52 de la commission, 79 rectifié de M. Hugues Portelli et 102 rectifié ter de M. Jacques Pelletier. - M. Bernard Frimat, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le président de la commission, le ministre délégué, Hugues Portelli, Georges Othily. - Adoption, après une demande de priorité, des amendements identiques nos 52, 79 rectifié et 102 rectifié ter ; rejet des amendements nos 214 et 416.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 215 de M. Bernard Frimat et 417 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 216 de M. Bernard Frimat et 418 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 217 de M. Bernard Frimat et 419 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
M. Bernard Frimat.
Amendements nos 420, 421 rectifié de Mme Eliane Assassi, 218 et 219 de M. Bernard Frimat. - Mmes Éliane Assassi, Catherine Tasca, MM. le président de la commission, le ministre délégué, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Monique Cerisier-ben Guiga, Bariza Khiari, Bernard Frimat. - Rejet des amendements nos 420, 218, 421 rectifié et, par scrutin public, de l'amendement 219.
Adoption de l'article.
Amendements nos 220 de M. Bernard Frimat et 422 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 423 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 424 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 221 de M. Bernard Frimat et 425 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Mme Bariza Khiari.
Amendements identiques nos 222 de M. Bernard Frimat et 426 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 223 de M. Bernard Frimat et 427 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Mme Bariza Khiari.
Amendements nos 428 de Mme Eliane Assassi, 224 de M. Bernard Frimat et 53 (priorité) de la commission. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 53 rédigeant l'article, les amendements nos 428 et 224 devenant sans objet.
Amendements identiques nos 225 de M. Bernard Frimat et 429 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 430 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 226 de M. Bernard Frimat et 431 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 432 de Mme Eliane Assassi. - Mmes Alima Boumediene-Thiery, Éliane Assassi, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 511 rectifié bis de M. Hugues Portelli. - MM. Hugues Portelli, le président de la commission, le ministre délégué, Bernard Frimat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 59
Amendement no 433 de Mme Eliane Assassi. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Amendement no 227 de M. Bernard Frimat, 434, 435 de Mme Eliane Assassi, 134 rectifié bis de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et 242 rectifié ter de M. Christian Cointat. - Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Nicole Borvo Cohen-Seat, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Christian Cointat, le président de la commission, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 134 rectifié bis ; rejet des amendements nos 227, 434 et 435 ; adoption de l'amendement no 242 rectifié ter.
Adoption de l'article modifié.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Amendements identiques nos 54 de la commission et 436 de Mme Eliane Assassi. - M. le président de la commission, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le ministre délégué, Bernard Frimat. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Mme Bariza Khiari.
Amendements nos 437 de Mme Eliane Assassi et 228 de M. Bernard Frimat. - Mmes Éliane Assassi, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 55 de la commission et 438 de Mme Eliane Assassi. - M. le président de la commission, Mme Éliane Assassi, MM. le ministre délégué, Bernard Frimat, Robert Del Picchia. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Articles additionnels avant l'article 60 ter
Amendement no 439 rectifié de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements identiques nos 56 de la commission et 441 de Mme Eliane Assassi. - M. le président de la commission, Mme Éliane Assassi, M. le ministre délégué. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Amendements nos 442 de Mme Eliane Assassi et 57 (priorité) de la commission. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 57 rédigeant l'article, l'amendement no 442 devenant sans objet.
Amendements identiques nos 229 de M. Bernard Frimat et 443 de Mme Eliane Assassi. - Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 230 de M. Bernard Frimat et 444 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 58 (priorité) de la commission. - Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Éliane Assassi, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 58 rédigeant l'article, les amendements nos 230 et 444 devenant sans objet
Amendement no 59 de la commission. - MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement no 445 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 446 de Mme Eliane Assassi et 60 rectifié bis (priorité) de la commission. - Mme Éliane Assassi, MM. le président de la commission, le ministre délégué, Bernard Frimat, Christian Cointat. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 60 rectifié bis rédigeant l'article, l'amendement no 446 devenant sans objet.
Amendements nos 447 de Mme Eliane Assassi et 61 de la commission. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet de l'amendement no 447 ; adoption de l'amendement no 61 rédigeant l'article.
Amendements identiques nos 231 de M. Bernard Frimat et 448 de Mme Eliane Assassi. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 63
Amendement no 126 rectifié de Mme Françoise Férat. - Mme Françoise Férat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Retrait.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 449 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 450 de Mme Eliane Assassi et 62 de la commission. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Rejet de l'amendement no 450 ; adoption de l'amendement no 62.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 63 ter
Amendement no 63 de la commission. - MM. le président de la commission, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Éliane Assassi, Mme le ministre délégué.
Amendements identiques nos 239 de M. Bernard Frimat et 451 de Mme Eliane Assassi ; amendement n° 452 de Mme Eliane Assassi. - M. Bernard Frimat, Mme Éliane Assassi, MM. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; le ministre délégué, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 64 ou avant l'article 65 ou après l'article 66
Amendements nos 64 rectifié bis de la commission, 260 de M. Bernard Frimat et 454 de Mme Eliane Assassi. - MM. le rapporteur, Bernard Frimat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le ministre délégué. - Adoption de l'amendement no 64 rectifié bis insérant un article additionnel après l'article 64, les amendements nos 260 et 454 devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 64 ou après l'article 66
Amendements nos 65 de la commission et 265 de M. Bernard Frimat. - M. le rapporteur, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le ministre délégué, Bernard Frimat. - Adoption de l'amendement no 65 insérant un article additionnel après l'article 64, l'amendement no 265 devenant sans objet.
Article additionnel avant l'article 65 ou après l'article 66
Amendement no 262 de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Mme Éliane Assassi.
Amendements nos 455 à 457 de Mme Eliane Assassi, 257, 258 de M. Bernard Frimat, 66 et 67 de la commission. - Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des amendements nos 455, 257, 456, 258 et 457 ; adoption des amendements nos 66 et 67.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 453 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Division additionnelle après l'article 66
Amendement no 259 de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Articles additionnels après l'article 66
Amendement no 68 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 261 de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 267 de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Amendement no 263 de M. Bernard Frimat. - Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 264 de M. Bernard Frimat. - Devenu sans objet.
Articles 67 à 79 (précédemment examinés par priorité)
Amendement no 73 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article additionnel après l'article 80
Amendement no 74 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 75 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Mmes Éliane Assassi, Muguette Dini, MM. Roger Karoutchi, Georges Othily, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Bernard Frimat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Del Picchia, le président de la commission.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
M. le ministre délégué.
8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
9. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mme la présidente. J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
3
Immigration et intégration
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre III.
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX MESURES D'ÉLOIGNEMENT
Articles additionnels avant l'article 33
Mme la présidente. L'amendement n° 199 rectifié, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire ne peut donner lieu, pour les mineurs, à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration d'un délai d'un jour franc. »
La parole est à M. Bernard Frimat
M. Bernard Frimat. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, malgré le caractère intime de notre discussion ce matin, je veux attirer votre attention sur cet amendement très simple.
En aucun cas, le refus d'entrée sur le territoire opposé à un mineur étranger ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre son gré avant l'expiration du délai d'un jour franc. Ce délai lui permet de s'organiser, de faire valoir ses droits, de déposer une demande d'asile ou encore d'avertir les autorités consulaires dont il relève afin de faire régulariser sa situation auprès de celles-ci. C'est une période au cours de laquelle l'intéressé ne peut être renvoyé.
La loi du 26 novembre 2003 a modifié les règles qui existaient antérieurement. Actuellement, le bénéfice du jour franc n'est accordé qu'aux personnes qui en font explicitement la demande sur la feuille de notification de droits qui leur est présentée.
On sait les problèmes que l'application de cette loi pose pour l'étranger dans la compréhension de ses droits. Je citerai, à cet égard, le défaut de présence physique d'un interprète, qui entraîne souvent une méconnaissance par l'étranger de ses droits, le défaut de compréhension de ce que recouvre réellement juridiquement la notification susvisée. De ce fait, l'étranger recourt peu fréquemment au bénéfice du jour franc.
Lors de son audition par la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, la présidente de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'ANAFÉ, maître Hélène Gacon indiquait : « Dans la pratique que nous enregistrons du fait de nos contacts directs avec les étrangers que nous recevons à notre bureau en ZAPI 3, nous avons la tristesse de constater que, dans la quasi-totalité des cas, cette faculté n'est pas utilisée. »
Cette situation a été dénoncée par Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe.
L'application de cette réforme touche encore plus durement les mineurs. Or, l'amendement que nous vous proposons, mes chers collègues, tend à améliorer leur situation. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'une procédure spécifique de protection, en plus de l'intervention des administrateurs ad hoc, dont la présence constitue, pour nous, un progrès certain, mais insuffisant.
On sait d'ailleurs que les interventions de ces administrateurs, qui disposent de très peu de temps pour appréhender la situation du mineur, ont fait l'objet d'un bilan mitigé.
Toujours dans le cadre de la commission d'enquête, le président du tribunal de grande instance de Bobigny citait des chiffres explicites : Pour 2004, sur 604 cas recensés, « il semble qu'environ 220 à 250 aient pu faire pleinement l'objet d'une prise en charge par un administrateur ad hoc. [...] Cela veut dire que, dans certains cas, l'intervention de l'administrateur ad hoc va être extrêmement légère : il aura à peine le temps d'avoir un contact avec le mineur pour prendre le pouls de sa situation. »
Parfois, cet administrateur ne dispose même pas du temps nécessaire pour voir le mineur. J'en veux pour preuve l'évocation par la présidente de l'ANAFÉ du cas de mineurs chinois. Selon ses propos, « quand le mineur chinois arrive, on lui notifie une procédure de maintien en zone d'attente, manifestement sans respecter son droit à demander de disposer du jour franc, l'administrateur ad hoc n'a même pas le temps d'être désigné et le mineur est refoulé ».
L'amendement n° 199 rectifié a pour objet de rétablir l'automaticité de l'application du jour franc pour les mineurs. Monsieur le ministre, accepter cette mesure ne me paraît pas être un sacrifice hors de votre portée. L'adoption de cette disposition améliorerait incontestablement la prise en charge juridique d'une catégorie d'étrangers à laquelle il ne peut être fait application du droit commun.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez avoir oublié que l'une des propositions de la commission d'enquête concernait ce jour franc. Depuis, la réflexion ayant pu être poursuivie, cet amendement devrait recevoir de la part de la commission un accueil enthousiaste.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mon cher collègue, soyez rassuré ; dès potron-minet, je poursuivais ma réflexion sur l'amendement n° 199 rectifié et surtout sur l'amendement n° 48 de la commission !
Plus sérieusement, chacun a bien compris la nature du problème. Un mineur qui arrive sur le territoire national peut bénéficier, s'il est en zone d'attente, de l'intervention d'un administrateur ad hoc.
La commission d'enquête a effectivement eu à connaître de cette difficulté. M. Philippe Jeannin, président du tribunal de grande instance de Bobigny, auquel M. Frimat vient de faire référence, lors de son audition, a analysé la situation de façon équilibrée. Il a ainsi estimé qu'il fallait certes accorder plus de droits aux mineurs, mais qu'il fallait, dans le même temps, être prudent parce que ces jeunes enfants risquaient de faire l'objet de manipulations, de tomber aux mains de filières, notamment d'immigration clandestine, qui profitent du système. Il convient donc de faire la part des choses entre ces deux impératifs.
Il est vrai que le rapport de la commission d'enquête recommandait de faire bénéficier les mineurs du jour franc.
Depuis, la situation a été réexaminée peut-être plus en fonction des véritables enjeux. De ce fait, la position retenue a évolué et consiste dorénavant à trouver un équilibre de façon à se prémunir contre les filières mafieuses tout en permettant aux jeunes mineurs d'avoir une assistance le plus rapidement possible.
C'est la raison pour laquelle la commission a déposé l'amendement n° 48, que nous examinerons dans quelques instants, tendant à ce que l'administrateur ad hoc puisse intervenir dès l'arrivée du mineur pour l'informer clairement de ses droits et pour appréhender sa situation dans les meilleurs délais.
En conclusion, je rappellerai qu'en 2005, à l'aéroport de Roissy, 601 personnes non admises se sont déclarées mineures, alors que 124 d'entre elles ont été reconnues majeures à l'issue d'un examen médical. Le nombre n'est certes pas très élevé, mais, s'agissant de mineurs, il faut rester très prudent.
L'intervention de l'administrateur ad hoc à partir de l'arrivée du mineur constitue une avancée par rapport à la situation actuelle. Elle lui permettra de disposer de plus de temps pour mener à bien sa mission.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 199 rectifié.
Madame la présidente, cette intervention vaudra présentation de l'amendement n° 48.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur Frimat, vous avez laissé entendre que je pourrais faire un sacrifice qui ne serait pas hors de ma portée. Mais il n'est pas question de sacrifice lorsqu'il s'agit d'assurer toute la prévention nécessaire à l'égard de mineurs confrontés à des difficultés, quelles que soient leur origine et leur situation.
Je mesure la portée de votre intéressante proposition, qui ne doit pas être négligée, loin s'en faut.
Contrairement à ce que vous soutenez, le bénéfice du jour franc préalablement au réacheminement d'un étranger maintenu en zone d'attente n'a pas été supprimé. Alors que, jusqu'à l'adoption de la loi de 2003, cette procédure présentait un caractère d'automaticité, ladite loi s'est limitée à organiser les règles procédurales selon lesquelles est recueillie la volonté de l'étranger.
L'intéressé, qui, désormais, sera informé par écrit de ce droit, dans une langue qu'il comprend, sera appelé à indiquer s'il souhaite en bénéficier.
Cela étant dit, vous avez raison d'insister, monsieur le sénateur, sur le fait que, même si cela représente une avancée, l'administrateur ad hoc n'est pas présent aux côtés du mineur pendant une période suffisante pour lui permettre de bénéficier des informations et de l'assistance nécessaires.
Nous nous posons tous la question de savoir si un mineur isolé non accompagné d'un représentant légal est apte à indiquer s'il souhaite bénéficier de ses droits. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis très favorable sur l'amendement n° 48 de la commission, tendant à ce qu'un mineur isolé non accompagné d'un représentant légal soit assisté par un administrateur ad hoc dès le commencement de la procédure de non-admission. Il appartiendra, dès lors, à l'administrateur ad hoc de solliciter, le cas échéant, le jour franc.
Dans ces conditions, je vous demande, monsieur Frimat, de bien vouloir retirer l'amendement n° 199 rectifié, au profit de l'amendement n° 48 de la commission. À défaut, le Gouvernement ne pourrait qu'émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement est-il maintenu, monsieur Frimat ?
M. Bernard Frimat. Je tiens d'emblée à remercier M. le rapporteur et M. le ministre d'avoir répondu sur le fond. Nous remplissons entièrement notre fonction, qui consiste à débattre.
Monsieur le ministre, je ne retirerai pas cet amendement, parce que l'effort qui vous est demandé est minime. Il est vrai que je ne souscris pas à la philosophie répressive du présent projet de loi.
Nous voulons tout simplement garantir un jour franc à des mineurs non admis sur le territoire. Il s'agit non pas des textes - nous nous sommes prononcés contre en 2003, dont acte ! - mais de la pratique.
Lors des auditions de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, la présidente de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, l'ANAFE, ainsi que le président du tribunal de grande instance de Bobigny n'ont pas commenté les textes ; ils ont simplement dit la réalité, à savoir que, de fait, l'accès au jour franc n'est pas garanti, contrairement à que prévoit l'amendement n° 199 rectifié, que je présente en cet instant.
Certes, l'amendement n° 48 de la commission précise que le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, désignera un administrateur ad hoc. Quelles garanties aurons-nous que ce sera le cas dans la pratique ? Quels seront les moyens alloués à cet administrateur ad hoc ? Seront-ils en nombre suffisant ? Pourront-ils intervenir tout de suite ? Aura-t-on l'assurance que la procédure sera effective ?
Si, aujourd'hui, les textes de loi étaient appliqués, nous n'aurions pas besoin de défendre un tel amendement ; nous le faisons simplement parce que nous savons que, dans la pratique, les choses ne se passent pas ainsi. C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement.
J'ai eu l'occasion, lors de la discussion générale, de faire remarquer à M. le ministre que naîtraient peut-être, chemin faisant, des soupçons d'ouverture. Or, ce matin, je constate, monsieur le ministre, qu'il est encore trop tôt pour que vous puissiez donner une garantie à des mineurs et que vous préférez vous en remettre à l'intervention du procureur. Telle n'est pas notre conception. Ce que nous vous demandons ne représentait pourtant pas un très gros effort !
Je ne puis que regretter votre décision et je demande un scrutin public sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 199 rectifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 208 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 194 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 198, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 221- 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 221- 5 - Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement pose le principe de l'interdiction de placer un mineur en centre de rétention. Il se situe dans la continuité du précédent amendement tout en abordant un autre aspect du traitement réservé aux mineurs étrangers dans notre pays.
Il ne nous paraît pas tolérable de laisser perdurer la situation existante. D'ailleurs, lequel d'entre nous, dans cet hémicycle, peut se satisfaire de la présence de jeunes mineurs, voire de bébés, en centre de rétention ? Ils n'y ont pas leur place et les justifications avancées nous semblent très légères.
Nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse consistant à dire que du matériel spécifique est prévu ou qu'un espace spécifique est réservé aux familles avec enfants. La réalité, nous le savons, est tout autre.
Quant aux fonctionnaires qui accomplissent un travail difficile dans ces centres de rétention, ils gèrent la présence des enfants comme ils le peuvent et, souvent, sans moyens spécifiques.
Dans son rapport annuel de 2005, la commission nationale de déontologie de la sécurité mentionnait le cas d'un nourrisson d'un mois né en France en août 2005 et placé au centre de rétention d'Oissel en Seine-Maritime avec sa mère d'origine somalienne. Or le centre n'était pas équipé pour recevoir des enfants en bas âge. Il a ainsi été constaté « une absence de présentation au service médical et une éviction des professionnels des services sociaux qui désiraient intervenir. Ni la mère ni l'enfant n'ont reçu de nourriture adaptée. Ils ont été retenus dans un véhicule de la police aux frontières, la PAF, pendant près de huit heures sans eau ni nourriture. »
Lors de nos différents déplacements dans le cadre de la commission d'enquête, nous avons pu constater de visu la présence de très jeunes enfants dans des situations de précarité.
Ces situations constituent pour nous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, une violence intolérable qui vient s'ajouter au choc déjà incontournable lié au voyage pour parvenir jusqu'à nos frontières.
Ces enfants ne méritent pas cela, au seul motif que leurs parents ne possèdent pas les papiers nécessaires pour être admis en France. Cette situation est, selon nous, en contradiction totale avec notre tradition d'accueil et les valeurs de notre République. Je ne sais s'il s'agit là d'un outrage, mais, pour nous, cela est insupportable.
Les valeurs de la République ne sont pas à géométrie variable.
Le placement des mineurs en centre de rétention met notre pays en contradiction avec les engagements internationaux, notamment la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, ratifiée par de nombreux pays, mais pas par les États-Unis.
En conclusion, je dirai que le fait de maintenir un enfant dans un milieu privatif de liberté du seul fait de ses liens familiaux, alors qu'il n'a commis aucun délit - son âge le mettant à l'abri de tout cela - est en contradiction avec les dispositions de cette convention, notamment les articles 2 et 3, dont je vous épargnerai la lecture, mes chers collègues.
Vous nous parlez souvent du message que la France doit ou ne doit pas envoyer. En ce qui me concerne, je demande à chacun, s'agissant d'un tel sujet et au-delà de ce qui peut nous diviser, de se poser simplement en conscience la question : le message que la France doit envoyer est-il celui de la présence de bébés et de jeunes mineurs en centre de rétention ?
Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter notre amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 48, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée :
« Lorsqu'un étranger mineur non accompagné d'un représentant légal n'est pas autorisé à entrer en France, le procureur de la République, avisé immédiatement par l'autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 198 ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme l'a souligné notre collègue Bernard Frimat, cet amendement vise à empêcher que des enfants mineurs ne soient placés en centre de rétention. Or une telle disposition aurait pour effet de rendre impossible l'éloignement des familles en situation irrégulière.
D'une part, le placement en centre de rétention ne s'applique pas aux mineurs isolés ; d'autre part, il n'est prononcé qu'après la mise en oeuvre d'autres mesures, comme l'assignation à résidence, qui sera, on peut l'imaginer, privilégiée par les services de l'État si elle est possible.
Ainsi, les personnes concernées pourront mener autant que faire se peut une vie de famille normale, et le placement en centre de rétention administrative ne constituera qu'une exception, que la commission estime nécessaire de conserver, au principe de l'assignation en résidence.
Pour autant, comme l'a souligné le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, il est nécessaire que les conditions matérielles d'accueil des clandestins soient améliorées ou du moins que les centres de rétention administrative soient organisés pour les recevoir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Or, madame Borvo Cohen-Seat, il est incontestable que des efforts significatifs ont été entrepris depuis 2003 pour rénover les centres de rétention.
Je ne prétends pas que tout a été fait et que tout va très bien dans ces centres ; je soutiens simplement qu'a été engagé un véritable effort, qui doit être poursuivi, car nous avons le devoir de faire en sorte que les conditions matérielles d'accueil des clandestins soient les meilleures possible.
Sous le bénéfice de ces explications, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 198.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Tout d'abord, je n'ajouterai rien aux propos de M. le rapporteur, qui a donné des précisions très utiles.
Toutefois, monsieur Frimat, je m'étonne de votre intérêt subit pour la situation des mineurs qui seraient placés en centre de rétention. En effet, vous avez été aux affaires pendant des années et ce problème ne vous préoccupait pas beaucoup !
Les centres de rétention administrative peuvent accueillir les mineurs accompagnant leurs parents sous réserve de l'accord de ces derniers et de la conformité du centre à des normes réglementaires.
Mme Catherine Tasca. Ces centres ne sont pas aux normes !
Mme Catherine Tasca. Mais vous êtes au pouvoir depuis quatre ans !
M. Bernard Frimat. Avec quelques interruptions tout de même !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pendant vingt ans, je n'ai pas observé que vous les mettiez aux normes !
Ce n'est tout de même pas nous qui sommes à l'origine de la honte du centre de Sangatte ! Nous, nous avons réglé le problème en quelques semaines ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez rien réglé du tout !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous êtes mal placés pour donner des leçons ! Vous êtes restés suffisamment longtemps aux affaires au cours des vingt dernières années pour savoir que quatre ans constituent une durée très courte pour engager des procédures, organiser des appels d'offre, ouvrir des enquêtes d'utilité publique et lancer des chantiers !
Nous avons eu le mérite de programmer les crédits et d'entamer les procédures nécessaires. Étape par étape, nous accomplissons aujourd'hui ce que vous n'avez pas fait hier, en rénovant les centres de rétention. Ainsi, aux termes de l'article 14 du décret du 30 mai 2005, les centres susceptibles d'accueillir les familles d'immigrés devront disposer de chambres spécialement équipées et, notamment, de matériels de puéricultrices adaptés. Certaines de ces chambres ont déjà été réalisées !
Le respect de l'unité des familles et du droit de l'enfant constitue pour nous une exigence, alors qu'il ne vous a jamais préoccupé par le passé ! Bien entendu, nous veillons à ce que soit pleinement respectée la convention internationale des droits de l'enfant, qui stipule que l'enfant ne peut être séparé de ses parents.
À l'occasion de l'examen d'un précédent article, j'ai rappelé, au nom du ministre de l'intérieur, que nous avions lancé un grand programme visant la fermeture, la réhabilitation ou la construction de nombreux centres de rétention, conformément à toutes les normes en vigueur, ce qui n'avait jamais été la priorité des gouvernements précédents.
D'ailleurs, s'agissant de ce programme, j'apporte aujourd'hui une information supplémentaire à la Haute Assemblée : mardi dernier, sur décision du ministre d'Etat, le centre de rétention administrative pour hommes du dépôt du palais de justice de Paris a été fermé. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, C'est nous qui avons fermé ce dépôt, dont les conditions matérielles étaient très insuffisantes, et non pas la majorité qui était au pouvoir entre 1997 et 2002, alors que le centre de rétention était déjà dans un état déplorable à l'époque !
Mme Catherine Tasca. Et qu'avez-vous fait entre 1993 et 1997 ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous n'avons aucune leçon à recevoir dans ce domaine !
Le Gouvernement émet un avis totalement défavorable sur cet amendement. Il est par ailleurs favorable à l'amendement n° 48.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, auriez-vous oublié la période 1993-1997 ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 198.
M. Bernard Frimat. Je traiterai du fond et répondrai donc d'abord à M. le rapporteur.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu'une simple assignation à résidence pourrait être prononcée et que la mise en rétention resterait exceptionnelle. Je vous en donne acte. Toutefois, même l'exception nous semble insupportable !
Monsieur le ministre, vous venez de donner un exemple parfait de votre façon d'appréhender les problèmes : quand vous ne disposez pas d'arguments sur le fond, quand vous n'avez rien à dire, vous faites de la polémique !
Je vous rappelle, car vous semblez l'avoir oublié, que pendant les vingt dernières années votre majorité a été au pouvoir pendant quelque temps - malheureusement, je vous l'accorde !
Selon vous, l'action menée par votre majorité serait parfaite. Ne faites-vous jamais retour sur vous-même ? Cela vous conduirait à penser que vous auriez pu agir autrement !
Ce 16 juin 2006, nous ne défendons pas une position de circonstance, nous exprimons une opposition de fond, nourrie par la réalité que nous observons et dont, me semble-t-il, aucun d'entre nous ne peut se satisfaire.
Monsieur le ministre, comme vous n'avez rien à répondre sur le fond, tant la situation est scandaleuse, vous faites de la polémique. Vous renvoyez les responsabilités sur tel ou tel et vous nous annoncez le dernier exploit du ministre d'État, à savoir la fermeture du dépôt du palais de justice de Paris. J'imagine que dans la suite de la discussion nous vous entendrons égrener d'autres exploits de ce type.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le centre de Sangatte. Ces derniers temps, êtes-vous allé dans les environs de Sangatte et dans la ville de Calais ?
M. Bernard Frimat. Avez-vous observé que ces immigrés clandestins, à la recherche non pas d'un séjour en France mais d'un passage vers l'Angleterre, vivent toujours là, et dans les pires conditions ?
Mon ami député Bernard Roman a évoqué à l'Assemblée nationale un article paru dans La Voix du Nord, un grand quotidien d'information qui n'est pas particulièrement connu pour ses opinions gauchistes. Selon cet article, des employés de la ville de Calais, qui étaient allés nettoyer un bois près d'une usine désaffectée, avaient trouvé, au milieu de monceaux de détritus, des abris de fortune où survivaient les gens qui avaient quitté Sangatte !
Je conçois que vous vous adressiez des éloges et publiez vos propres bulletins de victoire, car on n'est jamais si bien servi que par soi-même. Toutefois, il faut faire preuve de décence.
Revenons au sujet ! Que vous demandons-nous ? Pour ma part, je ne vous parle pas de Sangatte.
M. Bernard Frimat. Je ne vous parle pas du dépôt du palais de justice de Paris, ni de l'action menée par les gouvernements Chirac, Balladur, Juppé ou, depuis quatre ans, par le gouvernement auquel vous appartenez.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Moi, je vous parle de ce que vous n'avez pas fait !
Vous n'avez rien fait, alors que nous agissons !
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, je comprends que mes propos vous ennuient.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce qui vous ennuie, c'est de ne plus arriver à cacher la vérité !
M. Bernard Frimat. Il n'y a rien qui m'ennuie, monsieur le ministre !
Mme Bernadette Dupont. On ne dirait pas !
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, seule la polémique vous permet d'occulter votre bilan, qui a déjà été sanctionné lors de plusieurs consultations électorales et qui le sera de nouveau en dépit de vos effets de manche.
Pour que chacun soit placé devant ses responsabilités, nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement. Ainsi, les positions des uns et des autres seront claires. On connaîtra ceux qui, dans cette assemblée, font des effets de manche et promettent monts et merveilles sur le co-développement et l'humanitaire, entre autres, mais trouvent normal que des bébés soient placés en centre de rétention, ce que, pour notre part, nous n'accepterons jamais !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la priorité pour l'amendement n° 48 de la commission.
M. Bernard Frimat. Cela évitera le scrutin public !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout, monsieur Frimat !
Vous proposez de rédiger entièrement l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que nous souhaitons simplement modifier. Si votre amendement était adopté, notre amendement n° 48 disparaîtrait, ce qui serait dommage, car tout le monde sur ces travées souhaite, me semble-t-il, qu'un administrateur ad hoc soit désigné.
Je souhaite donc que nous votions d'abord sur l'amendement de la commission.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Frimat, je vous répondrai très sereinement. Vous parlez d'effets de manche. Or, vous le savez, dans l'action politique, il y a ceux qui parlent et ceux qui font.
M. Bernard Frimat. C'est bien ce que nous pensons ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Christian Estrosi, ministre délégué. De plus, vos propos sont dépourvus d'humanité ! Vous parlez de clandestins et d'immigrés, moi j'évoque des malheureux que vous avez entassés comme du bétail à Sangatte !
Comparez ce qui se passe aujourd'hui et la situation que vous nous avez laissée. Les chiffres sont là. En 2002, trois mille immigrés étaient accueillis à Sangatte. Aujourd'hui, 150 repas sont distribués chaque jour. Nous avons divisé par vingt le nombre des immigrés et nous les accueillons d'une façon beaucoup plus humaine, solidaire et généreuse.
M. Bernard Frimat. Quel mépris !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Frimat, nos approches sont fondamentalement différentes.
Notre programme de modernisation des centres de rétention administrative, ce n'est pas un effet de manche ! Il s'agit de 110 millions d'euros engagés entre 2005 et 2007, alors que vous n'aviez programmé absolument aucun financement entre 1997 et 2002 !
J'ajoute que nous avons introduit la transparence là où régnait l'opacité. Nous avons créé une commission de contrôle des CRA, les centres de rétention administrative, dans laquelle la Croix Rouge et la CIMADE siègent à titre d'observateurs. Nous disons ce que nous faisons et faisons ce que nous disons !
Monsieur Frimat, nos démarches sont fondamentalement opposées et les effets de manche, ce matin, sont dans votre camp.
M. Bernard Frimat. Quel mépris ! C'est nul !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En la matière, la polémique n'est pas de mise, et cette remarque vaut pour tout le monde !
Monsieur le ministre, en ce qui me concerne, j'ai usé très rapidement du droit accordé aux parlementaires par la gauche, en 2000, de visiter ces lieux où les gens sont privés de liberté, qu'il s'agisse des prisons et autres centres de détention ou de rétention. Tous ceux qui, comme moi, s'intéressent de près à ce sujet ont ainsi pu prendre la réelle mesure des problèmes que posent un certain nombre de ces lieux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n'ai donc pas attendu 2002 pour agir. Cela fait six ans que je me bats pour dénoncer la réalité du centre de rétention du palais de justice de Paris et pour exiger sa fermeture. Les personnes y étaient détenues dans les sous-sols dans des conditions indignes, enfermées comme des rats !
Vous nous annoncez ce matin qu'il a été fermé. Nous n'avons pas été prévenus officiellement. Je m'apprêtais d'ailleurs à m'y rendre la semaine prochaine ; j'irai de toute manière, pour vérifier qu'il est réellement fermé !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Me permettez-vous de vous interrompre, madame la sénatrice ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous en prie, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame la sénatrice, sur la période 2000-2006 que vous évoquez, chacun doit prendre sa part de responsabilité, en toute humilité. Je souscris d'ailleurs totalement à ce que vous dites : le droit offert par la gauche aux parlementaires de pouvoir visiter les prisons et, plus généralement, les centres de rétention et de détention sous toutes leurs formes s'est avéré très utile, car il a permis aux élus de prendre connaissance de la réalité de la situation.
Je le reconnais volontiers, le mérite en revient au gouvernement que vous souteniez à l'époque. Pour avoir moi-même usé de ce droit à plusieurs reprises, je partage totalement votre avis sur la situation indigne de certains centres de détention et de rétention.
Or c'est bien pour ces raisons que, sur la période 2002-2007, grâce aux deux lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et pour la justice, grâce à la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, nous avons engagé les moyens nécessaires en termes de programmation. Je le dis sans esprit de polémique, jamais, dans le passé, de tels moyens n'avaient été prévus !
Madame la sénatrice, s'agissant de la fermeture du dépôt du palais de justice de Paris, le ministre de l'intérieur a souhaité, par respect pour eux, que les membres de la Haute Assemblée en soient les premiers informés à l'occasion de ce débat.
En l'espèce, je n'irai pas jusqu'à dire : « Vous en avez rêvé : nous l'avons fait ! » Puisque nous partageons les mêmes convictions sur cet état des lieux, nous devrions tous nous réjouir d'une telle décision. Dans ce domaine, il y a encore tant d'autres défis difficiles à relever, qui nécessitent des moyens importants. Je vous propose de les relever ensemble, pour donner à la France le visage humain qu'elle se doit de présenter à l'ensemble des grandes nations du monde.
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, madame Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, puisque vous m'avez donné votre interprétation sur le centre de rétention du palais de justice de Paris, je vais vous exposer la mienne !
Cela fait des années que les militants associatifs ne cessent de dénoncer cette situation. Certains parlementaires qui sont allés sur place s'en sont rendu compte par eux-mêmes. C'est bien grâce à toutes ces actions, relayées par la presse, que le ministère de l'intérieur a considéré qu'une telle situation ne pouvait plus perdurer et qu'il convenait de fermer cet endroit honteux pour la République !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d'accord !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En définitive, voilà trois ans que sa fermeture aurait dû être prononcée. Mais, tous les six mois, elle était reportée.
Vous annoncez que ce centre est désormais fermé : tant mieux ! Cela dit, puisque vous n'avez pas l'intention de diminuer le nombre de personnes placées en rétention, les problèmes ne seront pas résolus pour autant. Elles seront simplement transférées au centre de rétention de Vincennes, qui accueillera encore plus de monde !
J'en viens maintenant à la situation des mineurs isolés qui séjournent en centre de rétention.
À l'époque où la gauche a institué l'intervention d'un administrateur ad hoc, j'avais essayé, mais en vain, de faire adopter une disposition pour que mineurs isolés soient en tout état de cause confiés à l'ASE, l'aide sociale à l'enfance.
Malgré toute leur bonne volonté, que je suppose réelle, les administrateurs ad hoc sont trop peu nombreux et ne disposent pas du temps et des moyens nécessaires pour examiner concrètement la situation des mineurs isolés. J'aimerais donc avoir des précisions sur ce point, car les décisions sont souvent prises à la va-vite. Pour ma part, je considère toujours qu'il eût été préférable que les mineurs isolés soient confiés à l'ASE.
D'ailleurs, puisque vous en appelez à un consensus sur la question, puisque vous souhaitez une réponse humaine, nous nous honorerions à déclarer unanimement qu'il est absolument inadmissible que des enfants en bas âge séjournent en centres de rétention. Je vous invite tous à vous y rendre, car il faut voir de près comment cela se passe.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous vous en apercevez aujourd'hui ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais pas du tout ! Justement, cela fait six ans, depuis 2000, que je dénonce cette réalité !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En 2000, c'était vos amis qui étaient au pouvoir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il nous faut créer les conditions nécessaires pour éviter que des familles comptant des enfants en bas âge ne soient placées en centre de rétention.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, dans votre réponse à notre collègue Bernard Frimat, vous avez utilisé des arguments qui relèvent plus du débat médiatique que du débat parlementaire.
Vous nous accusez de n'avoir rien fait pendant vingt ans. Permettez-moi tout de même de vous le rappeler en toute équité, depuis 1986, la gauche et la droite ont chacune gouverné pendant dix ans. Cessez donc cette partie de ping-pong, car vos joutes oratoires fatiguent les Français !
Notre préoccupation rejoint celle que notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat vient d'exprimer : il est absolument intolérable d'autoriser la présence de jeunes enfants dans les centres de rétention.
En l'occurrence, il ne s'agit pas de nous appesantir sur ce que chacun a fait ou n'a pas fait.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est dommage de ne pas expliquer ce que vous avez fait. Vous auriez d'ailleurs du mal, puisque vous n'avez rien fait !
Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, vous vous prétendez d'une grande sensibilité sur le plan humain. Alors, saisissez l'occasion qui vous est donnée par la discussion de ce projet de loi pour accepter cette mesure pleine d'humanité, qui vise à empêcher la présence de jeunes enfants dans les centres de rétention.
Aujourd'hui, notre responsabilité, c'est de légiférer et non de compter les points et de recenser les manques des vingt dernières années, qui, je le rappelle, sont fort équitablement partagés.
Mme Catherine Tasca. Vous ne faites que cela !
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas ici pour compter les points de chaque camp.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous sommes ici pour essayer de trouver une solution à la situation inhumaine vécue malheureusement par tant d'hommes, de femmes et d'enfants. Il faut d'ailleurs aborder le problème sous plusieurs angles, notamment pour identifier ceux qui sont responsables de toutes ces misères.
En ce qui concerne les mineurs isolés, dois-je vous rappeler que la France a signé la convention internationale des droits de l'enfant, qui protège tous les enfants jusqu'à l'âge de dix-huit ans ? Avec ce projet de loi, vous faites donc un pas supplémentaire dans la mauvaise direction, en institutionnalisant, une fois de plus, la violation de nos engagements internationaux.
Lorsqu'il est venu nous présenter ce projet de loi, M. Sarkozy nous a donné certains exemples sur le plan européen. Pour ma part, je citerai l'Italie, car le gouvernement de M. Prodi est en train d'y fermer les centres de rétention, indignes de notre époque.
De toute manière, nous ne pouvons pas rendre humain ce qui est inhumain. Aujourd'hui, nous avons la preuve que ces centres sont devenus, qu'on le veuille ou non, de véritables prisons administratives, même s'ils n'en portent pas le nom.
Il est inacceptable d'y placer des personnes sans papiers qui essayent de survivre et de sortir de leur misère. Ce ne sont pas des délinquants ni des voleurs, encore moins des violeurs ou des meurtriers. Ils n'ont commis aucun autre délit que celui d'essayer de s'en sortir. Alors pourquoi les mettre en prison ?
Nous, les Verts, nous nous sommes toujours battus pour la fermeture de ces centres de rétention. Aujourd'hui, notre proposition est claire : nous souhaitons privilégier les assignations à résidence, qui constituent une manière beaucoup plus humaine pour essayer de régler la question.
En outre, nous préférons que les mineurs isolés soient confiés à l'ASE, qui dispose des moyens pour les sortir de leur situation et pour leur préparer un meilleur avenir.
Mme la présidente. J'ai été saisie d'un amendement n° 198 rectifié, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 551-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 551-4.- Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. J'ai bien entendu les propos de M. Hyest sur la rédaction initiale de notre amendement, qui ne prévoit pas la désignation d'un administrateur ad hoc. Je le remercie de ses conseils avisés, qui sont bien arrivés jusqu'à moi ! Je viens donc de déposer un amendement n° 198 rectifié, qui n'enlève rien au fond de notre proposition. Nous sommes ouverts à la discussion pour faire avancer nos idées.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, il ne faudrait tout de même pas ignorer la réalité du problème !
Madame Boumediene-Thiery, vous êtes contre les centres de rétention. C'est votre point de vue, soit ! Mais, si nous vous suivons, tous ceux qui sont en situation irrégulière pourront faire ce qu'ils veulent et circuler comme ils l'entendent !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Mais non, je propose une assignation à résidence. Vous êtes toujours dans la suspicion totale !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut bien surveiller tous ceux qui fraudent et ont des faux papiers ! Quelles autres solutions avons-nous ? Vous nous dites que M. Prodi ferme les centres de rétention en Italie. C'est vrai, mais nous en avons aussi fermés en France, parce qu'ils étaient indignes.
Je vous l'accorde, les centres de rétention administrative ne doivent pas être des prisons. Il s'agit de disposer d'endroits suffisamment adaptés pour que des familles puissent normalement y séjourner, le moins longtemps possible, bien entendu.
Mes chers collègues, vous avez avancé des arguments inouïs pour dénoncer la faiblesse de notre pays en la matière.
Mme Alima Boumediene-Thiery. En Belgique, il n'y a pas de centres de rétention !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si, cela existe sous une forme ou sous une autre ! Au demeurant, nous devons pouvoir « garder sous la main » ces personnes pour vérifier leur situation. C'est la moindre des choses, du moment que tout se passe dans le respect de leur dignité !
Quand je vous écoute, je me demande vraiment où nous sommes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au Parlement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vos propos sont parfois totalement irréalistes ! Aucun pays ne peut se priver des moyens de pouvoir retenir, à n'importe quel moment, les étrangers en situation irrégulière. C'est notre seule garantie en la matière.
En revanche, beaucoup d'efforts doivent être faits sur la qualité et l'adaptation des centres de rétention. Bien entendu, il ne faut pas placer une personne en centre de rétention si elle donne toutes les garanties nécessaires.
Madame Tasca, j'ai présidé la commission d'enquête du Sénat sur les prisons. Nous avons constaté un désintérêt, quasi séculaire, de la République pour ces questions. Pour autant, le plan prévu dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice commence à porter ses fruits et améliorera la situation sur beaucoup de points.
À ce sujet, je souhaiterais d'ailleurs rappeler que, si la construction d'établissements pénitentiaires a été parfois impossible - je pense notamment à Lyon, où une prison est indigne -, c'est parce que certains élus locaux, qui se réclament pourtant hautement de la justice et des droits de l'homme, n'ont rien fait pour la favoriser. (M. Philippe Goujon. applaudit.)
M. Hugues Portelli. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. J'abonderai dans le sens de M. Hyest car il existe deux problèmes complètement différents. Il y a, d'une part, le problème des conditions d'accueil, qui sont en effet absolument inadmissibles, quel que soit l'âge des personnes concernées. Il y a; d'autre part, le problème de l'ordre public et de la sécurité. En la matière, lorsqu'il est nécessaire d'opérer des contrôles d'identité, l'âge de la personne, quelle qu'elle soit, y compris si elle est mineure, doit être vérifié. D'autant plus que, comme j'ai pu le constater à de nombreuses reprises, bien souvent les parents des mineurs en question non seulement se moquent éperdument du traitement réservé à leurs enfants, mais se servent même parfois d'eux pour manipuler l'administration. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame Boumediene-Thiery, nous ne sommes effectivement pas là pour compter les points. Des femmes et des hommes qui siègent à gauche dans cet hémicycle ne peuvent pas dire qu'eux seuls aiment les enfants. Nous aimons autant que vous les enfants qui arrivent sur le sol de la République !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment le mesurez-vous ? Vous avez un appareil ? Arrêtez le pathos !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cela étant, comme l'a dit le président Hyest, ce qui est important, c'est l'accueil des familles et des mineurs. C'est la raison pour laquelle la problématique de l'administrateur ad hoc est essentielle, de même que la façon dont un certain nombre de renseignements sont dispensés.
À cet égard, monsieur le ministre, je souhaiterais soulever un problème majeur : vous savez qu'actuellement, pour déterminer l'âge de nos enfants, il existe une méthodologie osseuse qu'un certain nombre de médecins jugent inadaptée. Il convient d'entendre ces experts médicaux car, si l'on progressait en la matière, cela permettrait de savoir qui est vraiment mineur, ce qui réglerait un certain nombre de problèmes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Selon vous, il n'y a que des faux ! Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour, chère madame !
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Il est assez rare que je prenne la parole dans cet hémicycle, mais je voudrais vous faire part de mon expérience personnelle.
Depuis des années, bien avant mon entrée dans la vie politique, je m'occupe des droits de l'enfant au sein d'une association qui lutte contre la maltraitance des enfants dans notre pays.
Madame Boumediene-Thiery, quand je vous entends parler d'enfants de dix-huit ans...
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sont des enfants !
Mme Isabelle Debré. Non, madame !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ils sont mineurs !
Mme Isabelle Debré. Je ne vous interromps jamais ! Si vous me laissiez parler, ce serait très aimable de votre part.
Aujourd'hui, il y a un mot que l'on oublie, c'est le mot « respect » : respect des enfants, respect des individus.
Aujourd'hui, il est inadmissible que l'on enferme des personnes dans des conditions absolument indignes de notre pays. Actuellement, le problème est non pas la mise en rétention des familles, des enfants, des mineurs, des petits-enfants, mais les conditions dans lesquelles on les détient.
Dans mon association, nous préférons un enfant en rétention avec sa famille, dans de bonnes conditions, plutôt que dans un état épouvantable parce que sa famille s'en désintéresse.
Je parle par expérience et si je m'énerve c'est parce que je vois, aujourd'hui, les conditions inadmissibles dans lesquelles vivent certains enfants, sans parler du traitement que leur réserve leur famille : un animal, madame, ne le ferait pas subir à son petit !
Croyez-moi, il est préférable que ces personnes soient en rétention dans de bonnes conditions plutôt qu'abandonnées sur notre territoire, sans aucune surveillance, dans un total dénuement, et dans des conditions épouvantables.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mon propos ira dans le sens de celui de Mmes Hermange et Debré, que je remercie pour leurs interventions particulièrement pertinentes.
Dans chacun de nos textes relatifs à la sécurité intérieure ou à l'immigration, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure au présent texte, le Gouvernement s'est toujours préoccupé du sort des enfants afin de régler un certain nombre de situations qui étaient inacceptables dans notre pays
Vous faites référence aux enfants. Or, nous savons que les enfants étrangers, comme vous le dites si bien, sont malheureusement très souvent l'objet d'exploitation...
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...de la part d'un certain nombre de gens que je qualifierai de « criminels », d'organisateurs de filières de traite d'êtres humains.
On connaît, par exemple, les filières roumaines et la manière dont on organise, en Roumanie, l'infirmité d'un certain nombre d'enfants pour les exploiter ensuite dans un certain nombre d'autres pays. La France a été, en la matière, l'un des principaux pays cibles et il a fallu une grande négociation entre le gouvernement français et le gouvernement roumain pour que nous puissions démanteler, les unes après les autres, ces filières.
Grâce à un certain nombre de dispositions, notamment de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, puis de la loi relative à la sécurité intérieure, nous avons pu non seulement y mettre un terme, mais en plus apporter, chez nous, un traitement social à l'ensemble de ces mineurs.
Votre proposition, madame Hermange, mérite d'être prise en compte : nous avons déjà engagé des procédures en termes d'analyses génétiques et autres pour préciser l'âge des intéressés, sachant qu'un certain nombre de filières se sont livrées à de nombreuses manipulations.
Pour aller dans le sens de Mme Isabelle Debré, j'ajouterai que nos centres de rétention - et j'en ai visité, madame Borvo - sont organisés de manière qu'en accueillant un mineur ils accueillent un enfant.
En effet, je tiens à le rappeler, un centre de rétention n'est pas centre de détention, ni une prison.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ça y ressemble beaucoup
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est un lieu où, comme vous l'avez dit, monsieur Portelli, on accueille un étranger pour vérifier sa situation au regard de la législation nationale.
Ou bien l'étranger concerné est en situation régulière et il y passe peu de temps, ou bien il est en situation irrégulière auquel cas, souvent avec le concours d'un certain nombre d'associations, on étudie leur éventuelle régularisation ou leur rapatriement.
En aucun cas, les mineurs isolés ne peuvent être renvoyés dans leur pays d'origine. Ils font donc l'objet d'un traitement social très précis et les conditions d'accueil qui leur sont réservées sont alors souvent nettement supérieures à celles qu'ils connaissent lorsque l'administration les prend en charge. Ils bénéficient d'un cadre nettement plus humain, qui nous permet bien souvent de les mettre à l'abri d'un certain nombre de situations indignes.
Vous donnez le sentiment que nous placerions des mineurs en centre de rétention dans des conditions indignes. Or il n'en est rien. En effet, nous essayons, au contraire, de les protéger en les mettant à l'abri d'un certain nombre de menaces, en les faisant bénéficier d'un traitement social qui fait de la France un pays exemplaire en la matière.
Le débat que vous avez ouvert nous a permis de démontrer que notre pays est exemplaire par rapport à un grand nombre d'autres nations. Je remercie les orateurs de la majorité qui, par leurs interventions, ont largement remis à plat les choses, relativisé les critiques et tout simplement démontré que la démarche dans notre pays était à l'opposé de ce que d'aucuns laissent entendre.
Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 198 rectifié bis, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 551-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 551-4.- Le mineur de moins de 13 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Madame Debré, je vous ai écoutée sans vous interrompre et je vous ai entendu dire qu'à dix-huit ans on n'est plus un enfant. À cet age, et nous serons d'accord sur ce point, on est mineur. Cela m'a conduit à rectifier mon amendement de façon qu'il vise les mineurs « de moins de treize ans » et que la notion d'enfant ne donne plus lieu à débat.
Ce que nous demandons, d'autres le demandent. J'ai déjà cité Álvaro Gil-Robles et son rapport : je pense que c'est suffisant. La priorité va jouer pour l'amendement n °48.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n °198 rectifié bis ?
M. François-Noël Buffet. La commission reste défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a plus d'enfants !
Mme Isabelle Debré. La rectification ne change rien !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable. Laissez-moi, monsieur Frimat, vous livrer un exemple : si un enfant de moins de treize ans, en situation irrégulière, est exploité par une filière... (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Bernard Frimat. Ne caricaturez pas ! Il va à l'Aide sociale à l'enfance !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il n'est pas isolé, il est avec sa famille.
Monsieur Frimat, vous avez proposé la discussion et vous savez combien j'y suis attaché, notamment sur ce point qui est important.
Votre intention est généreuse, mais je vois les rapports qui nous parviennent et les situations dramatiques auxquelles nous sommes confrontés.
Ne pensez surtout pas que je mette un seul instant en cause les bonnes intentions qui ont présidé à l'élaboration de votre amendement, mais mesurez aussi les drames qu'il pourrait générer chez un certain nombre d'enfants de moins de treize ans, qui subissent, eux, totalement l'exploitation de leur propre famille.
Mme Isabelle Debré. Bien sûr !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous ne pourrions plus les mettre à l'abri si, par votre amendement, vous remettez en cause l'organisation administrative actuelle.
Mme Isabelle Debré. Effectivement !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est précisément parce que nous voulons protéger ces enfants que nous ne pouvons qu'être défavorables à votre amendement.
Mme Isabelle Debré. Absolument !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.
Je mets aux voix l'amendement n° 198 rectifié bis.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 209 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 194 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 47, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début du troisième alinéa de l'article L. 222-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Par décision du juge, l'audience peut également se dérouler... (le reste sans changement) ».
L'amendement n° 46, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début de l'article L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Par décision du juge, les audiences prévues au présent chapitre... (le reste sans changement) ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces deux amendements.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit de donner la possibilité de recourir au dispositif de visioconférence au moment des audiences de prolongation de la rétention administrative. Le consentement de l'étranger serait supprimé et l'entière liberté de recourir ou non à la visioconférence serait laissée au juge.
Nous estimons, depuis 2003 et la loi Perben II, que ce dispositif doit continuer à être encouragé, à une condition qui est essentielle et que nous avons eu l'occasion de vérifier, à savoir que les droits accordés aux parties au procès soient évidemment parfaitement respectés et qu'elles aient toute latitude pour les exercer.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'agissant de ces deux amendements, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, car il a un doute sur la possibilité de supprimer le consentement de l'étranger, eu égard à la décision du Conseil constitutionnel en date du 20 novembre 2003.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.
Je mets aux voix l'amendement n° 46.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 33.
L'amendement n° 393, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 131-30, 213-2, 221-11, 222-48, 225-21, 311-15, 312-14, 321-11, 322-16, 324-8, 414-6, 422-4, 431-8, 431-12, 431-19, 434-46, 435-5, 441-11, 442-12, 443-7, 444-8, du code pénal sont abrogés.
Les articles L. 362-5 et L. 364-9 du code du travail sont abrogés.
L'article 8-1 de la loi n° 73-548 du 27 juin 1973 relative à l'hébergement collectif, tel que modifié par la loi n° 93-1027 du 24 août 1993 est abrogé.
Le dernier alinéa de l'article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est abrogé.
Le II de l'article 18 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est abrogé.
L'article 476-16 du code de la justice militaire est abrogé.
Le 2° du II de l'article 78 de la loi n° 98-467 du 17 juin 1998 relative à l'application de la Convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction est abrogé.
L'article 729-2 du code de procédure pénale est abrogé.
Le 5° de l'article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est abrogé.
L'article 6 de la loi du 18 août 1936 portant abrogation de la loi du 12 février 1924 et réprimant les atteintes au crédit de la nation est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le ministre de l'intérieur avait promis d'abolir la double peine ; il dit l'avoir fait dans sa loi du 26 novembre 2003. Or il n'en est rien : elle demeure toujours une réalité quotidienne.
Je recommande, sur ce point, la lecture du Livre noir de la double peine, qui a été récemment édité par la CIMADE, le GISTI, la LDH et le MRAP.
Aux termes de la loi de 2003 ont seulement été créées quelques catégories protégées. Le résultat est qu'aucun étranger n'est totalement à l'abri d'une expulsion, quand bien même il est en mesure de prouver de fortes attaches familiales et de longues années de vie en France, puisque la notion de « liens privés et familiaux », qui permet cette protection, est entendue restrictivement.
En matière de vie familiale, la protection ne concerne que les conjoints de Français et les parents d'enfants français. Même pour eux, s'ajoute la condition d'un séjour régulier en France d'au moins dix ans.
Quant à la vie privée, la protection n'est accordée que si la personne concernée réside en France depuis qu'elle a atteint au plus l'âge de treize ans ou si elle y a résidé régulièrement pendant vingt ans au moins.
On est bien loin de l'abolition de cette « double peine », qui contrevient pourtant à plus d'un titre aux principes directeurs de notre droit pénal.
C'est une règle discriminatoire, qui aboutit à punir une personne deux fois pour un même délit, au motif exclusif qu'elle n'est pas de nationalité française. Elle heurte le principe d'égalité devant la loi pénale en créant une peine sans lien direct avec l'infraction elle-même mais fondée sur la qualité d'étranger de la personne concernée.
Cette discrimination créée par la peine d'interdiction du territoire apparaît encore aggravée quand on s'attache à ses conséquences, qui vont jusqu'à contredire le principe de la personnalisation des peines. Elle rend, par exemple, impossible de fait les mesures d'aménagement de la peine.
Elle contrevient donc aux droits fondamentaux au travail ou à la formation de la personne concernée, au motif de sa situation irrégulière au regard du droit au séjour.
Dès lors, parce que l'objectif de réinsertion sociale disparaît, c'est le sens même de la peine qui se trouve dilué avec l'interdiction du territoire français.
De plus, elle a des conséquences extrêmement lourdes pour les personnes condamnées, qui, vivant en France depuis de nombreuses années, y ont toutes leurs attaches. Le retour dans un pays avec lequel elles n'ont d'autres liens que celui d'une « nationalité de papier » apparaît alors, à bien des égards, dramatique, lorsqu'il les sépare de leur famille, de leurs amis, de leurs voisins, de leur école ou de leur travail.
Pour toutes ces raisons, nous pensons qu'il est urgent d'en finir avec la double peine. Tel est l'objet de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette disposition est de la même veine que l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 22, que nous avons examiné hier, et qui portait sur la suppression éventuelle des délits d'aide à l'entrée illégale ou d'entrée illégale sur le territoire. Le présent amendement visant à supprimer une peine complémentaire relative à l'interdiction du territoire français, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 393.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 33
L'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par les mots : «, soit d'un arrêté de reconduite à la frontière pris, moins d'un an auparavant, sur le fondement du 8° du II de l'article L. 511-1 et notifié à son destinataire après la publication de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 196 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 394 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 196.
M. Richard Yung. En l'occurrence, il s'agit d'un amendement de suppression, ce qui ne surprendra personne.
La proposition qui nous est faite, en effet, fait partie, à nos yeux, de cette politique du « tout-répressif » - nous avons déjà amplement développé notre point de vue sur ce sujet - mais aussi du « tout-inutile ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
En effet, il existe déjà des procédures grâce auxquelles l'interdiction d'accès au territoire dans les conditions prévues dans la nouvelle rédaction de l'article 33 peut être prononcée : l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet d'interdire l'accès au territoire pour la préservation de l'ordre public, par exemple en cas d'interdiction d'accès au territoire ou d'arrêté d'expulsion ; la loi du 18 mars 2003, qui permet la reconduite à la frontière si la personne concernée, qu'elle soit ou non en possession d'un visa, trouble l'ordre public ; la loi du 26 novembre 2003, qui a étendu le dispositif à ceux qui travaillent de façon clandestine alors qu'ils n'ont qu'un visa touristique.
La rédaction qui nous est proposée est inutile et, en fait, dangereuse, puisqu'elle tend surtout à ce que l'accès du territoire puisse être refusé sans que cette interdiction soit motivée. Il y a là une atteinte aux droits fondamentaux. C'est une disposition très grave au regard des droits de l'homme. Il est possible que cette mesure soit déférée au Conseil constitutionnel et que celui-ci soit donc amené à se prononcer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 394.
Mme Josiane Mathon-Poinat. La loi du 26 novembre 2003 a prévu la possibilité de prononcer contre une personne étrangère une mesure de reconduite à la frontière sur le fondement de la menace à l'ordre public édictée au 8°de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
L'article 33 du présent projet de loi prévoit la possibilité de lui refuser l'accès au territoire français pendant un an : est ainsi réintroduite dans la législation l'interdiction administrative du territoire. Si l'on y accole la disposition de l'article L. 624-1, qui fait du retour un délit punissable de trois ans de prison, tous les éléments sont réunis pour que la mesure de reconduite à la frontière emporte de plein droit l'interdiction du territoire.
Il y a là un glissement très dangereux, une nouvelle double peine, en quelque sorte.
De plus, est confié au préfet le contrôle de l'accès au territoire.
La possibilité de prendre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ne visait jusqu'alors qu'à mettre fin à une situation irrégulière. La menace à l'ordre public devait être établie pour interdire l'accès au territoire lors de l'examen de la demande de visa. Demain, si cet article était adopté, et comme le souligne très justement la commission, « la menace à l'ordre public n'aurait pas à être spécialement établie ». Une menace « simple » pourra donc entraîner un refus de visa.
La disposition insérée dans l'article 33 a pourtant été censurée par le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 13 août 1993 prise sur le fondement de l'article VIII de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a considéré qu'une punition, à savoir l'interdiction du territoire, était prononcée sans égard quant à la gravité du comportement ayant motivé l'arrêté de reconduite à la frontière et sans possibilité d'en dispenser l'intéressé, ni d'en faire varier la durée.
L'automaticité de la mesure prévue par l'article 33 ignore ce critère de gravité et interdit tout aménagement de la peine.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet article 33 vise à ce que soit refusée l'entrée sur le territoire français aux étrangers qui, moins d'un an auparavant, ont été frappés d'un arrêté de reconduite à la frontière édicté au cours d'un séjour de moins de trois mois. Il tend, notamment, à lutter contre le travail clandestin et les filières liées à cette situation.
Aussi, la commission est défavorable à ces deux amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'aimerais que chacun sache exactement de quoi nous parlons.
À qui s'applique la double peine ? Je n'ai pas envie de faire de polémique...
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...mais je rappelle que, sur ce sujet, nous avons partagé les mêmes convictions. Vous avez proposé la suppression de la double peine. M. Nicolas Sarkozy a inscrit dans notre législation la suppression de cette double peine.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Mais pas encore dans la réalité !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Si ! La double peine concerne un étranger installé en France de manière durable, ayant des intérêts personnels, une famille, et qui commet un délit : le fait de le sanctionner pour ce délit et de l'expulser constitue une double peine.
Dans le cas présent, il ne s'agit absolument pas de cette situation, il s'agit des visas Schengen, c'est-à-dire des visas touristiques d'une durée maximale de trois mois.
Ne me dites pas, madame le sénateur, que la mesure prévue à l'article 33 - le fait d'interdire le territoire national à un étranger venu pour trois mois en France et qui y commet un délit - s'assimile à une double peine !
J'attire votre attention sur le fait qu'au cours de l'année écoulée cent trente personnes, dans notre pays, ont été frappées par un tel arrêté. Qui étaient-elles ? Il s'agissait d'individus extrêmement dangereux, à savoir des proxénètes, des trafiquants d'armes, de drogue, d'enfants, des individus qui sont à la tête de filières criminelles particulièrement dangereuses.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne sont pas en prison ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Grâce à l'expulsion de ces cent trente personnes particulièrement dangereuses qui organisaient des filières pouvant, à tout instant, menacer la sécurité personnelle des citoyens français ou étrangers vivant en France, des centaines d'autres qui étaient exploitées et des milliers d'autres qui en subissaient les conséquences se sont trouvées mises à l'abri.
Comprenez bien une chose : de telles expulsions ne s'assimilent pas du tout à une double peine ; grâce à elles, nous mettons hors d'état de nuire sur le territoire national un certain nombre d'individus dangereux.
Par cet article 33, il ne s'agit de rien d'autre que de renforcer les moyens dont dispose l'État français pour lutter contre ces filières et contre ces individus. Je ne comprends donc pas vos arguments. Mais sans doute n'aviez-vous pas compris que ces mesures visaient ce genre d'individus ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S'ils sont aussi dangereux, pourquoi ne sont-ils pas en prison ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 196 et 394.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 33.
(L'article 33 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 34
Mme la présidente. L'amendement n° 268, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Lorsque l'étranger sollicite son admission au titre de l'asile, la décision de refus d'admission ne peut être prononcée qu'en raison du caractère manifestement infondé de la demande d'asile.
« Une demande d'asile a un tel caractère lorsqu'elle est manifestement insusceptible de se rattacher à des motifs de reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'article L. 711-1 du présent code ou d'octroi de la protection subsidiaire au sens de l'article L. 712-1 du présent code. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Par cet amendement, il s'agit de tenter de préciser la notion de demande manifestement infondée.
Nous sommes tous conscient des conséquences graves qu'une décision erronée, et il peut s'en produire, peut avoir pour le demandeur d'asile. Il convient donc de préciser juridiquement ce que signifient les mots « manifestement infondée ». Je reconnais que ce n'est pas chose aisée, car le terme « infondé » vient d'un barbarisme anglais mal traduit et on se trouve donc souvent dans une situation juridique incertaine.
Nous proposons de retenir la définition fondée sur les conclusions du comité exécutif du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, auquel on peut reconnaître une certaine expertise en ce domaine. Cette définition renvoie aux articles L. 711-1 et L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprennent ces éléments.
En effet, selon l'article L. 711-1 du présent code, « la qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu'à toute personne sur laquelle le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ». L'objectif de notre amendement est donc de nous permettre de disposer d'une référence plus précise.
Ensuite, selon l'article L. 712-1, « sous réserve des dispositions de l'article L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l'article L. 711-1 et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :
« a) la peine de mort ;
« b) la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
« c) s'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ».
Il s'agit donc d'une tentative de précision juridique afin que l'on sache exactement de quoi on parle.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Actuellement, c'est l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui se prononce sur les demandes d'asile à la frontière. Compte tenu de sa compétence particulière en la matière, il est tout à fait susceptible d'appréhender ces situations de la meilleure façon possible. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 268.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 34
L'intitulé du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « L'obligation de quitter le territoire français et la reconduite à la frontière ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 197 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 395 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 197.
M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 395.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je n'ai pas demandé à intervenir tout à l'heure afin de ne pas allonger le débat, mais je profite d'avoir la parole pour vous faire part de mon étonnement. Comment se fait-il que les 130 personnes - proxénètes, trafiquants et autres dangereux individus - dont vous nous avez parlé ne soient pas en prison et continuent à se balader en Europe ? Je ne comprends pas ! (Exclamations sur le banc des commissions.) On entend beaucoup de choses dans cet hémicycle. Vous me permettrez donc de formuler quelques remarques sur la façon dont vous nous présentez les choses.
J'en viens à l'amendement n° 395. Si l'article 34 paraît de pure forme, il s'agit en fait d'une disposition qui anticipe la décision de notre assemblée concernant l'article 36, qui crée cette mesure. Notre demande de suppression de cet article, ou en quelque sorte de coordination préventive, est ainsi conforme à notre refus de voir adoptée cette nouvelle mesure administrative d'éloignement qu'est l'obligation de quitter le territoire français, l'OQTF - sigle formidable ! -, qui serait associée à une décision préfectorale statuant sur un titre de séjour.
Dans l'état actuel de la législation, un étranger qui fait l'objet d'un refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait de titre de séjour se voit notifier par l'administration une décision correspondant à une de ces trois situations et invitant en général l'étranger à quitter le territoire. Celui-ci peut alors engager, dans le délai de deux mois, les recours administratifs habituels, s'il conteste la décision prise à son encontre.
Si l'article 36 était adopté, ce dispositif serait bouleversé. Sous couvert de simplification et de réduction du contentieux - ce qui reste à prouver -, cette nouvelle mesure constitue une atteinte de plus aux droits fondamentaux des personnes et un affichage de la façon dont vous entendez traiter les étrangers.
Il s'agit d'une mesure de contrainte - « l'invitation » devenant « obligation », car vous jouez en plus sur les mots - réglant en une seule fois la situation de l'étranger concerné. Quant au nouveau dispositif de recours, il constitue une régression par rapport à la situation actuelle.
Ainsi que le dénoncent de nombreuses organisations, cette disposition rendrait très difficile toute possibilité d'examen de la situation des personnes, dans un premier temps quant à leur droit au séjour, dans un second temps quant à leur souhait de repartir volontairement, et enfin quant aux conséquences d'un retour forcé au regard de leurs droits fondamentaux.
Nous reviendrons bien entendu au cours du débat sur tous ces éléments et sur leurs conséquences. Mais, d'ores et déjà, nous demandons la suppression de l'article 34.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
S'agissant du fond, nous nous expliquerons au moment de l'examen de l'article 36.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 197 et 395.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 34.
(L'article 34 est adopté.)
Article 35
L'intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 200 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 396 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 200.
M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 396.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est également un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 200 et 396.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 35.
(L'article 35 est adopté.)
Article 36
L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Les dispositions actuelles constituent un II ;
2° Au début de l'article, il est inséré un I ainsi rédigé :
« I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa.
« La même autorité peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1.
« L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Durant ce délai, l'étranger a la possibilité de solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration.
« Les dispositions du titre V du présent livre peuvent être appliquées à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent. » ;
3° Les 3° et 6° sont abrogés.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 201 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 397 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 201.
M. Richard Yung. Cet article réforme de façon importante le contentieux administratif en matière de droit des étrangers.
Actuellement, dans trois hypothèses - le refus de délivrance, le refus de renouvellement et le retrait d'un titre de séjour -, l'administration procède de la façon suivante : la décision de refus ou de retrait est assortie d'une invitation à quitter le territoire dans un délai d'un mois. Ce délai coïncide avec la possibilité de solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, qui a remplacé l'OMI, l'Office des migrations internationales.
Cette décision est alors susceptible d'un recours gracieux ou d'un recours contentieux auprès du tribunal administratif. Mais aucun de ces recours n'est suspensif de la décision de refus ou de retrait. Passé le délai d'un mois à compter de l'invitation à quitter le territoire, l'administration a la possibilité de prendre un arrêté de reconduite à la frontière, mesure d'éloignement contraignante qui peut, à son tour, faire l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal administratif dans un délai de 48 heures.
Dans les trois mêmes hypothèses, le projet de loi prévoit que l'administration peut assortir sa décision de refus ou de retrait d'un titre de séjour ou du récépissé de demande de carte de séjour d'une OQTF. L'étranger dispose alors d'un délai d'un mois pour quitter le territoire volontairement.
En revanche, passé ce délai, l'OQTF vaut mesure d'éloignement contraignante : l'administration n'a pas besoin de prendre une nouvelle décision. Ainsi, le refus de délivrance, de renouvellement ou de retrait d'un titre de séjour, et l'OQTF qui peut l'accompagner constituent les deux volets d'une décision unique, qui ne peut faire l'objet que d'un seul recours devant le tribunal administratif. Celui-ci doit être introduit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de refus ou de retrait, assortie d'une OQTF. Ce recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative.
Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.
Si l'obligation de quitter le territoire est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance et l'étranger est muni d'un titre de séjour provisoire jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.
Présentée abusivement comme une simplification administrative, la radicalisation apparente de l'éloignement repose sur une logique d'affichage. Elle peut s'avérer le cas échéant, et dans l'hypothèse de la mise en place de quotas nationaux ou ethniques, être une arme d'autant plus redoutable que l'appel reste non suspensif.
Sous prétexte de désengorger les tribunaux et de fusionner les décisions de refus ou de retrait du titre de séjour avec la décision de reconduite à la frontière, cet article prive les étrangers du droit de se défendre, ce qui représente, à nos yeux, une régression inacceptable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 397.
Mme Éliane Assassi. L'article 36 crée l'OQTF, mesure directement inspirée du projet de directive européenne sur les normes et procédures communes en matière d'éloignement du territoire.
Il s'agit d'associer à une décision de l'administration préfectorale statuant sur un titre de séjour non plus une mesure d'invitation à quitter le territoire français, comme c'est le cas actuellement, mais une décision distincte, l'obligation de quitter le territoire français. Cette mesure de contrainte, car il s'agit d'une obligation et non plus d'une invitation, présente l'avantage, pour les préfectures, de ne plus avoir à prendre, après une décision rendue sur un titre de séjour, une mesure de reconduite à la frontière quelques semaines après.
Le cas de l'étranger serait ainsi réglé en une seule fois, le refus de séjour étant associé automatiquement à l'obligation de quitter le territoire. L'étranger aurait donc un mois après la notification conjointe pour quitter le territoire français. Une fois passé ce délai, l'OQTF deviendrait elle-même une décision permettant la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement, à l'instar de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
Le Gouvernement justifie ce nouveau régime en arguant du fait que l'OQTF va simplifier les procédures et désengorger les tribunaux administratifs, grâce à la mise en place d'un contentieux unique pour le refus de séjour et la reconduite à la frontière.
Or, ces objectifs ne seront pas atteints, bien au contraire !
Tout d'abord, le recours unique ne désengorgera pas les tribunaux : il conduira à systématiser les recours contentieux contre les décisions de refus de séjour, car cette réforme empêchera tout recours administratif, hiérarchique ou gracieux.
Ensuite, l'OQTF introduit confusion et complexité dans la mesure où le nouveau régime va coexister avec le recours en référé contre les refus de séjour et avec le recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, les APRF, notifiés par voie administrative.
Par ailleurs, le fait que l'audiencement des recours contre le refus de séjour et contre l'OQTF soit dissocié en cas de placement en rétention administrative laisse persister le système actuel.
Enfin, contrairement aux recours contre les APRF, la nouvelle procédure durera trois mois et fera appel à un commissaire au Gouvernement, même si le rôle de ce dernier est remis en cause par l'article 41 du projet de loi.
Cette garantie disparaît si l'étranger est en centre de rétention. Dans ce cas, le préfet informe le tribunal, qui statue en soixante-douze heures. Il paraît difficile d'organiser en trois jours une audience collégiale, ou même devant un juge unique, avec conclusions du commissaire au Gouvernement, d'autant que ce contentieux comporte une dimension humaine et subjective très forte qui devrait empêcher une justice trop expéditive.
Nous sommes foncièrement opposés à cette fusion des décisions de refus de séjour, d'invitation à quitter le territoire et de reconduite à la frontière qui ne vise qu'à rejeter les étrangers le plus facilement possible et le plus rapidement possible du territoire français.
Voilà donc la philosophie de votre texte, et tant pis pour les garanties procédurales et les droits fondamentaux des étrangers !
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement de suppression de l'article 36.
Mme la présidente. L'amendement n° 49, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Supprimer la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
II. Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, sauf s'il a été placé en rétention. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'article 36 prévoit que l'aide au retour peut être sollicitée par l'étranger au cours du délai d'un mois qui suit la notification de l'obligation de quitter le territoire français, c'est-à-dire pendant la période où cette décision n'est pas exécutoire.
Dans la droite ligne de la recommandation n° 39 de la commission d'enquête, la commission des lois propose d'étendre la possibilité de solliciter l'aide au retour à l'étranger sous le coup d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
Naturellement, cette mesure ne s'appliquerait pas aux personnes placées en centre de rétention en vue de leur éloignement.
Je demande, madame la présidente, la priorité pour le vote de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est de droit.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 201 et 397 ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le projet de loi regroupe les deux procédures distinctes, l'une relative au titre de séjour, l'autre à l'éloignement, qui coexistent aujourd'hui et qui sont assez lourdes pour les juridictions administratives.
À ce jour, les voies de recours prévues pour chacune de ces deux procédures obéissent à des délais très différents. Au-delà de la simplification administrative, l'unification de la procédure s'accompagnera d'une unification du délai à un mois, ce qui constituera d'ailleurs un avantage par rapport à la situation actuelle. En effet, pour les APRF, les recours doivent être exécutés dans un délai de quarante-huit heures ou de sept jours, alors que l'étranger aura désormais un mois pour effectuer un recours.
Faut-il également rappeler qu'à l'occasion des auditions menées par la commission d'enquête le président du tribunal administratif de Paris avait jugé cette réforme utile ? Elle l'est d'autant plus que le projet de loi supprime la notification postale des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, qui se sont révélés peu efficaces.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 201 et 397.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'ai bien compris que Mme Assassi comme M. Yung, en présentant de manière générale leur amendement, exprimaient en fait leur position d'ensemble sur les articles 36 à 58 du projet de loi. Ils me permettront d'en profiter pour exprimer la position du Gouvernement à la fois sur ces deux amendements en particulier et, en général, sur ces articles relatifs à la réforme des mesures d'éloignement et du contentieux qui s'y rapporte.
Je commencerai par préciser que c'est le Conseil d'État qui, en tant que gestionnaire des tribunaux administratifs, a expressément demandé au Gouvernement d'engager cette réforme.
Pour repositionner le problème, je rappellerai aussi que le contentieux du séjour des étrangers devant les tribunaux administratifs a littéralement explosé : on est passé de 20 000 affaires en 2000, soit 16 % du total des requêtes, à 40 000 affaires en 2005, soit 24 % du total des requêtes.
Ces contentieux sont d'autant plus nombreux qu'il y a des décisions « doublons » : d'abord, la décision n° 1 du refus du séjour, puis, décision n° 2, l'arrêté de reconduite à la frontière éventuellement pris un mois après la décision n° 1. Préfectures et tribunaux administratifs font donc deux fois le même travail.
À la demande expresse du Conseil d'État, le Gouvernement a travaillé depuis près d'un an à la définition d'un nouveau système qui respecte l'équilibre entre deux exigences, la simplification administrative et le respect des droits des étrangers.
Le dispositif a reçu l'avis favorable du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et a été approuvé par l'assemblée générale du Conseil d'État.
Mme Assassi, vous avez abordé la question de la collégialité, qui a plus particulièrement trait à l'article 41 qu'à l'article 36 lui-même.
M. Bernard Frimat. On y reviendra !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mon propos est général : tout ce que j'ai à dire aura été dit, mais vous aurez, bien sûr, tout loisir de revenir sur ces questions si vous le souhaitez.
D'abord, il est exact que le recours formé par l'étranger placé en centre de rétention administrative contre la décision d'obligation de quitter le territoire français sera jugé par un juge administratif. Selon la procédure de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris dans l'article L. 776-1 du code de justice administrative, le jugement doit se faire dans un délai très bref, soit soixante-douze heures. C'est, ni plus ni moins, la procédure actuellement prévue - juge unique donc - pour les arrêtés de reconduite à la frontière qui s'appliquera.
Ensuite, la loi ne se prononce pas sur la question de la formation de jugement retenue par le tribunal administratif pour juger des recours contre la décision de refus de titre de séjour assortie d'obligation de quitter le territoire français lorsque l'étranger n'est pas placé en centre de rétention administrative.
Sur ce point, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs, qui a approuvé, je le rappelle, le texte qui vous est soumis, estime que cette question relève non pas de la loi mais de la partie réglementaire du code de justice administrative, préparée par le ministère de la justice.
Il est donc totalement exclu d'accepter un amendement qui se prononcerait sur la composition de la formation de jugement, formation collégiale ou juge unique, en cette matière réglementaire.
Enfin, j'entends bien que des organisations syndicales des magistrats des tribunaux administratifs ne sont pas de cet avis. Ces organisations sont cependant représentées au sein du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et il leur appartient dans cette enceinte, et dans cette enceinte seulement, de faire valoir leurs arguments.
Telle est donc la position du Gouvernement s'agissant des articles 36 à 58 ; bien évidemment, il émet un avis défavorable sur les amendements nos 201 et 397, et un avis favorable sur l'amendement n° 49.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est suffisamment rare que des juges administratifs se mettent en grève pour que leurs propos méritent que l'on y prête attention.
En l'occurrence, monsieur le ministre, vous arguez de la simplification des procédures, mais nous arguons, nous, des droits fondamentaux, et nous considérons que, quel que soit l'engorgement des tribunaux, qui constitue en lui-même une question dont on pourrait longtemps discuter, il est inacceptable que l'on puisse admettre, parce qu'il s'agirait de personnes étrangères, un recul de ces droits.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements, sur cet article et sur les suivants.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. L'article 36 nous éloigne des procédures actuelles, qui offraient aux étrangers un minimum de garanties en leur permettant de présenter deux recours distincts et de voir leur situation personnelle réellement étudiée.
Il est indubitable que les tribunaux administratifs sont débordés par l'explosion des contentieux liés aux refus de séjour et aux reconduites à la frontière. Le contentieux du droit des étrangers représentait 10 % des requêtes présentées aux tribunaux administratifs voilà dix ans, contre 25 % aujourd'hui. Une forte pression s'exerce donc sur les juges du fait du poids de ce contentieux.
Pour autant, la solution à cet engorgement des tribunaux ne doit absolument pas être la remise en cause des recours telle que vous la proposez.
Monsieur le ministre, vous subordonnez l'équité du procès et les droits de la défense à l'efficacité administrative.
Les tribunaux administratifs ont besoin d'une augmentation substantielle de leurs moyens et de leurs effectifs pour mener à bien leurs missions et pour que la qualité du jugement soit préservée. Vous ne pouvez prétendre réformer la justice et la rendre plus efficace en supprimant les contentieux et en ne permettant pas aux personnes de se défendre contre des décisions administratives trop souvent arbitraires.
Alors que vous prétendez apporter de la clarté et de la cohérence aux procédures de recours juridictionnel, vous ne faites que les obscurcir et les rendre encore plus difficilement applicables dans les faits.
Cette réforme des procédures de recours vise en fait à détourner ces procédures de leur objectif initial, qui est de permettre aux étrangers de contester lors d'un procès équitable les décisions qui ont été prises à leur détriment.
Cette réforme des procédures de recours, destinée en fait à priver les étrangers de leurs droits, n'est pas sans rappeler les méthodes prescrites par votre circulaire de février 2006.
Cette circulaire, adressée aux préfets et procureurs, organise en effet une véritable « traque » des étrangers irréguliers, avec, une nouvelle fois, l'efficacité administrative comme objectif affiché. Elle précise par exemple, avec un cynisme certain, la procédure à suivre pour piéger les requérants au droit d'asile ou à un titre de séjour dans les préfectures : il suffit de les y faire venir grâce à une convocation qui doit exclure, bien entendu, « toutes indications relatives à l'éventualité d'un placement en rétention, tout descriptif [étant] à proscrire ».
Ces méthodes montrent que l'on aurait bien tort de manquer de vigilance quant aux droits fondamentaux et aux libertés publiques.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter la suppression de l'article 36.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 201 et 397 n'ont plus d'objet.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'article 36.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, j'ai été attentive à vos arguments mais sur le fond, ils ne m'incitent pas à modifier le vote contre du groupe communiste républicain et citoyen sur l'article 36. C'est terrible ! (Sourires.)
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, sous prétexte notamment d'aménagements techniques ou de simplification des procédures, votre réforme revient, en réalité, à réserver aux étrangers un traitement expéditif - et c'est sur ce point que nous ne sommes pas d'accord, monsieur le ministre -, au mépris de leurs garanties et de leurs droits les plus élémentaires.
Faut-il rappeler qu'il s'agit ici de la liberté d'aller et venir de personnes de droit ?
J'insiste sur le fait que, loin de désengorger les tribunaux administratifs, loin de simplifier les procédures, cette réforme produira exactement l'effet inverse.
N'est-ce pas d'ailleurs le constat qu'a fait la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine. Elle notait en effet, à propos de cette simplification des procédures, que « l'impact sur l'activité des juridictions ne serait peut-être pas aussi important qu'espéré ».
Notre collègue M. Buffet lui-même doute de l'efficacité de ce dispositif puisqu'il écrit dans son rapport : « Toutefois, pour que la réforme du contentieux de l'éloignement soit réellement efficace, il semble à votre rapporteur que les services de police et de gendarmerie devront se donner les moyens d'exécuter rapidement les OQTF. À défaut, ils risquent d'être exécutés aussi rarement que les APRF notifiés par voie postale. »
Je pense sincèrement qu'il s'agit là d'un mauvais dispositif, inefficace, dangereux au regard des droits de la personne et des garanties procédurales, inutile... et que nous devons le retirer du présent projet de loi.
Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas voter l'article 36 tel qu'il est rédigé. Nous demandons un scrutin public, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 36, modifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 210 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Article 37
Dans le premier alinéa de l'article L. 511-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la référence : « 1° », sont insérés le mot et la référence : « du II ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 202 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 399 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery pour défendre l'amendement n° 202.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 399.
Mme Éliane Assassi. C'est un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 202 et 399.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 37.
(L'article 37 est adopté.)
Article 38
Dans l'article L. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après la référence : « 8° », sont insérés le mot et la référence : « du II ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 203 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 400 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery pour défendre l'amendement n° 203.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 400.
Mme Éliane Assassi. Amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 203 et 400.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 38.
(L'article 38 est adopté.)
Article 39
L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « Ne peuvent faire l'objet », sont insérés les mots : « d'une obligation de quitter le territoire français ou » ;
2° Le 3° est abrogé ;
2° bis À la fin du 6°, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;
3° Dans le 7°, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois », et, après les mots : « n'ait pas cessé », sont insérés les mots : « depuis le mariage » ;
4° Le 8° est complété par les mots : « depuis le mariage » ;
5° Il est ajouté un 11° ainsi rédigé :
« 11° Le ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1. » ;
6° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière pour l'un des motifs prévus aux 1° à 4° du II de l'article L. 511-1 l'étranger ressortissant d'un pays tiers qui est membre, tel que défini à l'article L. 121-3, de la famille d'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 401, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat
Mme Josiane Mathon-Poinat. En vertu de la loi de novembre 2003, les catégories d'étrangers qui étaient protégés contre une mesure d'expulsion acquièrent ainsi une protection contre les mesures de reconduite à la frontière.
À peine trois ans après l'adoption de cette loi, la protection de certains étrangers est déjà remise en cause.
Ainsi, la disposition de l'article L. 511-4 qui protégeait les étrangers résidant habituellement sur le territoire depuis plus de quinze ans est abrogée. Cette abrogation se situe dans la même logique que celle qui est relative à la délivrance d'un titre de séjour après dix années de résidence habituelle en France.
Une fois encore, maintenir une protection contre un arrêté de reconduite à la frontière en faveur de ces étrangers serait également une prime à l'irrégularité. Reconnaître qu'un étranger a pu, malgré l'irrégularité de son séjour, établir des liens stables et durables en France, voire y fonder une famille, ce qui rend nécessaire de le protéger contre un éloignement, est inconcevable pour ce gouvernement.
De même, la précarisation du séjour des conjoints étrangers de Français est, elle aussi, confirmée avec cet article. En effet, actuellement, les conjoints de Français sont protégés s'ils sont mariés depuis au moins deux ans, délai déjà rallongé par la loi de 2003, puisque, auparavant, il était d'un an.
Manifestement, le délai exigé n'était pas assez long : la protection pour ces conjoints ne sera effective qu'après trois ans de mariage si cet article devait être adopté.
Toutes ces mesures visent à sanctionner les attaches familiales, sociales, affectives et culturelles qu'ont pu nouer les étrangers en France. Telles sont les raisons qui nous conduisent à présenter cet amendement de suppression de l'article 39.
Mme la présidente. L'amendement n° 204, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les 2° à 4° de cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article définit les catégories d'étrangers qui ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, et qui sont donc protégés.
Le problème, c'est que cet article réduit la liste des personnes protégées contre cette reconduite et, donc, contre cette OQTF. Il supprime le 3°, c'est-à-dire la catégorie d'étrangers qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'ils ont été, pendant cette période, titulaires d'une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ».
Il s'agit d'une véritable précarisation, j'allais dire d'une fabrication de nouveaux sans-papiers, puisqu'on va retirer de la liste les personnes qui résident habituellement en France. Non seulement elles n'auront plus accès au renouvellement de droits, mais, en plus, elles ne seront même plus protégées contre l'expulsion.
L'Assemblée nationale, par coordination, a porté de un an à deux ans la contribution du parent à l'entretien et à l'éducation de l'enfant mineur résidant en France. Ce parent, qui était lui-même protégé, se retrouve, une fois de plus, soumis à l'arbitraire. En effet, qui va décider de l'éducation de l'enfant ? Selon quels critères va-t-on évaluer l'existence d'une contribution effective à l'éducation de l'enfant ? Cela relèvera du pouvoir discrétionnaire du préfet.
Au 7°, s'agissant de l'étranger marié avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française, le texte actuel prévoit qu'ils doivent être mariés depuis au moins deux ans.
Le projet de loi porte ce délai à trois ans, ce qui, une nouvelle fois, révèle la suspicion à l'égard de ces fameux faux mariages. Là encore, nous sommes dans une inacceptable et éternelle suspicion.
En revanche, il est créé une nouvelle catégorie de bénéficiaires d'une protection contre l'éloignement. Si on ne peut que s'en féliciter, il s'agit en fait de l'application d'une norme européenne. En effet, aux termes d'une directive de 2004, les ressortissants de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen, qui fait donc l'objet d'une convention avec l'Union européenne, comme la Norvège et l'Islande, ou de Suisse pourront être protégés. Par ailleurs, les membres des familles de ces personnes qui sont ressortissants d'un pays tiers ne pourront pas faire l'objet d'un éloignement. C'est l'application de la directive, et rien d'autre.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 402 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 498 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l'amendement n° 402.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit bien évidemment d'un amendement de repli.
Petit à petit, nous le voyons bien, au fur et à mesure de l'examen de ce texte, la reconnaissance de droits découlant de la résidence habituelle en France est anéantie. En effet, au nom de ce qu'on pourrait appeler un certain parallélisme des formes, la résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans ne protège plus l'étranger contre une mesure d'éloignement, au même titre qu'elle ne permet plus la délivrance d'une carte de séjour temporaire.
Cela traduit bien la volonté du Gouvernement de mettre fin, dans les deux cas, à une prétendue prime à l'irrégularité. Il est à rappeler que c'est notamment sur l'initiative de M. Jean-Louis Debré que la régularisation des sans-papiers après quinze ans passés en France fut possible.
Pour réveiller les mémoires, je le cite : « Il faut être raisonnable. Quinze ans, c'est une période qui marque la vie d'une femme ou d'un homme, une période au cours de laquelle des liens personnels se sont tissés et d'autres défaits. En fait, après quinze ans, l'intéressé n'a plus guère de liens avec son pays d'origine et il a fait sa vie en France. »
Le Gouvernement prend bien la responsabilité de reconduire à la frontière une personne qui aura séjourné quinze ans sur notre territoire, qui aura construit sa vie, fondé sa famille et n'aura peut-être plus aucune attache avec son pays d'origine.
Le ministre de l'intérieur nous a présenté la commission d'admission exceptionnelle au séjour comme une avancée permettant de ne plus attendre dix ans avant de régulariser les sans-papiers. Aujourd'hui, ces quelques progrès s'évanouissent. Il est même à craindre que nous soyons confrontés à des situations humaines plus que dramatiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour défendre l'amendement n° 498.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit également d'un amendement de repli. Nous voulons démontrer toute l'atrocité de ce projet de loi, qui n'est en rien humanitaire, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire.
D'un simple trait de plume, vous ôtez à des personnes qui résident en France depuis dix ou quinze ans, qui y ont des attaches familiales et sociales, non seulement tout espoir de régularisation, mais aussi toutes garanties et protection en matière d'éloignement.
Vous supprimez la protection issue de la « présence habituelle » sur le territoire français. Vous refusez de reconnaître cette résidence habituelle comme ouvrant au migrant le droit de pouvoir rester sur notre sol et de conserver ses liens puisque, au bout de dix ans, l'intégration est en cours, des liens familiaux, professionnels et sociaux se sont créés.
Ce n'est rien d'autre qu'une négation du droit au respect de la vie privée et familiale, consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Nous avons là un nouvel exemple de votre persévérance à bafouer les engagements et accords internationaux signés par la France.
La conséquence directe de la précarisation du droit des étrangers sera non pas une simplification des procédures, comme vous l'avez annoncé, mais un nouvel engorgement des tribunaux administratifs pour toutes sortes de recours contentieux : refus d'accorder un visa de long séjour, refus d'une demande de carte, obligations à quitter le territoire.
Ce que les migrants étrangers n'obtiendront pas par la préfecture, ils tenteront, et c'est normal, de l'obtenir par les tribunaux, qui, heureusement, demeurent liés par le respect de la Convention européenne des droits de l'homme. Nous verrons alors quels noeuds se créeront.
Mme la présidente. L'amendement n° 403, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° bis de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination.
En effet, pour les mêmes raisons qu'à l'article 24, nous considérons que l'obsession du Gouvernement de lutter contre les paternités de complaisance va un peu loin. Elle constitue une atteinte au droit de mener une vie familiale et normale, garanti par la Commission européenne des droits de l'homme mais aussi, au regard de l'intérêt supérieur des droits de l'enfant, garanti par la Convention internationale des droits de l'enfant, que la France a signée.
Mme la présidente. L'amendement n° 404, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 3° de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous contestons, par cet amendement, la précarisation croissante des couples franco-étrangers.
Les conjoints de Français sont, eux aussi, depuis le début de cet examen, systématiquement suspectés de fraude. C'est la protection du conjoint étranger contre un arrêté de reconduite à la frontière qui est remis en cause. Pour être effectivement protégé, il faudra attendre trois ans après le mariage, à la condition que la communauté de vie n'ait pas cessé.
Ce délai est bien trop long. Deux ans suffisent amplement pour ne pas suspecter un mariage de complaisance, d'autant que les procédures de divorce sont régulièrement engagées dans les trois premières années de mariage.
Mme la présidente. L'amendement n° 405, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le 5° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels ou familiaux en France sont tels qu'une mesure de reconduite à la frontière porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à garantir les droits fondamentaux des étrangers. Nous souhaitons accorder une protection contre une mesure d'éloignement à l'étranger qui, comme dans le cadre de la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire vie privée et familiale, justifie de liens personnels et familiaux en France tels qu'une mesure de reconduite à la frontière porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Cette rédaction, dont la portée a été considérablement réduite par le Gouvernement à travers l'article 24 du présent projet de loi, n'est autre qu'une référence directe à la Convention européenne des droits de l'homme. Elle nous semblait appropriée pour accorder à ces étrangers une protection contre une mesure d'éloignement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 401.
En effet, l'article 39 du projet de loi a pour objet d'adapter la définition des catégories d'étrangers protégés contre les mesures de reconduite à la frontière afin de tenir compte des modifications des règles de délivrance des titres de séjour qui sont prévues aux articles 24 et 27 du présent projet de loi.
Si cette coordination n'était pas faite, le risque serait de voir réapparaître des étrangers ni régularisables ni « éloignables ».
Pour les mêmes raisons, la commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 204.
La commission est défavorable aux amendements identiques nos 402 et 498.
Le deuxième paragraphe de l'article 39 a pour objet de ne plus protéger contre les mesures d'éloignement les étrangers justifiant de quinze ans de résidence habituelle en France. Cette adaptation est cohérente avec la suppression, à l'article 24 du projet de loi, de la délivrance de plein droit de la carte vie privée et familiale aux étrangers justifiant de dix ans de résidence habituelle en France.
Pour les mêmes raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 403 et 404.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 405. Tout d'abord, les catégories protégées couvrent déjà en grande partie le cas de figure visé par l'amendement. Ensuite, si l'article L. 313-11 prévoit la délivrance d'une carte de séjour temporaire à cette catégorie d'étrangers, c'est toujours au regard des caractères disproportionnés de l'atteinte à la vie privée et familiale par rapport au motif du refus. Si les motifs sont insuffisants, le préfet peut refuser de délivrer ce titre et il doit, le cas échéant, pouvoir prendre une mesure de reconduite à la frontière.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 402 et 498.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 39.
(L'article 39 est adopté.)
Article 40
L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devient l'article L. 512-1-1. - (Adopté.)
Article 41
L'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rétabli :
« Art. L. 512-1. - L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif. Son recours suspend l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français sans pour autant faire obstacle au placement en rétention administrative dans les conditions prévues au titre V du présent livre.
« Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, en cas de placement en rétention de l'étranger avant qu'il ait rendu sa décision, il statue, selon la procédure prévue à l'article L. 512-2, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi, au plus tard soixante-douze heures à compter de la notification par l'administration au tribunal de ce placement. La clôture de l'instruction est prononcée à l'audience ou au terme des débats.
« Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, sur l'article.
M. Philippe Goujon. Les procédures d'éloignement des étrangers seront simplifiées et rendues plus efficaces avec la création d'une seule décision portant refus d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Cela se traduira par la suppression des arrêtés de reconduite à la frontière signifiés par voie postale, dont le taux d'exécution est extrêmement faible, il faut malheureusement le constater.
Monsieur le ministre, je souhaite donc appeler votre attention sur le contentieux que suscitent ces procédures d'éloignement et, partant, sur la nécessité qui se fait jour de mieux organiser la défense même de l'administration devant les juridictions administratives et judiciaires.
Au tribunal administratif de Paris, par exemple, dont je connais bien l'activité, le taux d'annulation des arrêtés de reconduite à la frontière est de l'ordre de 15 %. Or l'administration n'est pas systématiquement défendue ni même représentée aux audiences. C'est pourquoi je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous envisagez de généraliser l'expérience conduite à la préfecture du Rhône, que connaît bien M. Buffet et qu'a pu apprécier la commission d'enquête du Sénat lors de son déplacement à Lyon, expérience qui consiste à confier la représentation juridique à un réserviste civil de la police nationale ? Cela a permis, je le souligne, de faire chuter le taux d'annulation de 18 % à 6 %, soit de plus de moitié.
La réponse que vous nous apporterez éclairera notre débat sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, l'article 41 nous semble fondamental. En effet, les dispositions que nous abordons maintenant démontrent de manière radicale le peu de respect que votre gouvernement a pour les droits fondamentaux, y compris pour le droit international.
Tout d'abord, ce texte prévoit de réformer très profondément la procédure administrative contentieuse applicable au séjour des étrangers et aux mesures d'éloignement du territoire français.
Il est créé un nouveau dispositif permettant de fusionner en une seule décision le refus de délivrer une carte de séjour et la mesure d'éloignement. Cela aura un impact considérable sur les conditions de traitement des requêtes présentées par les étrangers et par leurs avocats devant les juridictions administratives.
Pire encore, dans notre droit, le principe législatif de la collégialité, énoncé dans l'article 3 du code de justice administrative, constitue la garantie fondamentale de l'effectivité réelle du contrôle juridictionnel exercé par les tribunaux envers les autorités administratives et politiques.
Or, sans l'avouer, votre projet de loi vise à instaurer la pratique du juge unique en matière de recours contentieux par des étrangers.
Votre projet de loi comporte en lui-même une sérieuse menace sur le principe du fonctionnement collégial des tribunaux administratifs. Mais ce n'est que l'un des points saillants des réformes en cours et susceptibles d'affecter les juridictions.
En effet, votre gouvernement a officiellement transmis au Conseil d'État un projet de décret visant à instituer une procédure dérogatoire de jugement non collégial pour l'examen des recours introduits devant les tribunaux administratifs pour les personnes en situation de handicap, les chômeurs, les élèves de l'enseignement, les bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement, l'APL, en fait, pour les exclus.
L'adoption de ce décret, qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er septembre 2006, serait de nature à porter à près de 90 % le volume des décisions rendues par des juges uniques au niveau des tribunaux administratifs, ce qui aura des conséquences dramatiques directes sur l'autorité de ces juridictions, sur l'indépendance des magistrats et sur l'organisation interne des tribunaux. Bref, en un seul mouvement, vous dessinez une justice à deux vitesses en matière de juridiction administrative, ce que l'on ne peut accepter dans un État de droit.
D'un côté, les litiges qui auront une caractéristique de noblesse, les justiciables qui présenteront une certaine richesse, une certaine notabilité seront jugés par une formation collégiale, avec la présence d'un commissaire du Gouvernement ; de l'autre, les litiges qui auront une caractéristique vile, les pauvres, les élèves de l'enseignement secondaire, les automobilistes ou bien les handicapés, les personnes ayant fait l'objet de retraits d'allocations par exemple, bref, tous ceux qui seront en situation d'exclusion, de discrimination, donc bien sûr les étrangers, seront présentés à un juge unique.
Vous êtes, par ailleurs, à l'origine d'un processus de remise en cause de l'organisation des chambres collégiales, qui porte atteinte à l'image même de l'ensemble des juridictions administratives. Affaire après affaire, la collégialité s'impose comme l'une des conditions d'une vraie justice et l'expérience nous l'a encore montré récemment avec l'affaire d'Outreau.
En décidant d'intervenir par la voie d'un simple décret, le Gouvernement s'expose au risque juridique d'une censure pour incompétence négative de la loi sur l'immigration par le Conseil constitutionnel, puis de cette mesure réglementaire d'application par le Conseil d'État.
Vos projets de loi et de décret ne sont ni plus ni moins qu'une atteinte supplémentaire aux libertés publiques et, surtout, un affaiblissement de l'autorité judiciaire. Les Verts, comme l'ensemble des organisations judiciaires, ne peuvent que dénoncer ce comportement et les combattre.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, au-delà des considérations d'ordre général que vous avez évoquées, l'article 41 du présent projet de loi, comme vient de l'indiquer Mme Alima Boumediene-Thiery, remet en cause le principe de la collégialité des tribunaux administratifs.
Il ne s'agit pas de nier les difficultés auxquelles sont confrontés les tribunaux administratifs. Il ne s'agit pas davantage de nier l'explosion du nombre de recours contentieux effectués par des étrangers ni le fait que l'exécution de la loi de programme de 2002 n'a pas permis de résorber l'engorgement des tribunaux.
Néanmoins, cet engorgement ne peut constituer un argument pour mettre en cause la qualité des jugements qui sont rendus et, par voie de conséquence, la qualité des droits de la défense.
Pour présenter le nouveau dispositif relatif à l'obligation de quitter le territoire, M. le rapporteur écrit, à la page 29 de son rapport : « le nouveau mécanisme ne retirerait aucun droit à l'étranger. En effet, son droit au recours est entièrement préservé tout en simplifiant les procédures pour les préfectures et les tribunaux administratifs. » Après avoir étudié ces éléments, nous nous permettons de douter de cette affirmation.
Nous sommes en effet dans un cercle vicieux : plus on créera, et ce projet de loi est exemplaire à cet égard, de nouvelles dispositions visant à durcir les conditions d'accueil et de séjour et à accélérer les procédures, plus les autorités administratives verront leurs décisions remises en cause devant les tribunaux administratifs, plus les tribunaux seront sollicités, plus le contentieux sera important.
En réalité, monsieur le ministre, sur la question de la collégialité, votre gouvernement avance masqué. Nous savons en effet qu'un projet de décret est en train d'être examiné par le Conseil d'État. Celui-ci, comme Mme Boumediene-Thiery vient de le dire, aura pour conséquence de revenir sur le principe de la collégialité, principe pourtant fondamental, qui figure dans ce que les juges administratifs appellent le « décalogue des juridictions administratives », à savoir l'article L. 3 du code de justice administrative, qui affirme le principe de la collégialité.
Nous savons également que le Gouvernement souhaite s'appuyer sur l'article L. 222-1 de ce code, qui pose le fondement du principe du juge unique, pour imposer une telle évolution, qui sera présentée comme une réforme fondamentale des juridictions administratives. Je ne reviens pas sur l'immense champ des contentieux concernés par une telle décision, celui des étrangers n'en représentant qu'une partie.
Cette réforme est très fortement contestée dans les milieux judicaires. La grève des magistrats administratifs du 7 juin dernier n'est pas un événement anecdotique. Le mouvement a reçu le soutien d'un grand nombre d'organisations d'avocats, ainsi que de nombreuses associations, notamment l'Association des paralysés de France.
C'est la première fois qu'une grève est organisée pour défendre un principe élémentaire de justice, celui de la collégialité. Comme le rappelait un syndicaliste, les décisions collégiales constituent une « garantie essentielle » de l'indépendance et de l'autorité des tribunaux administratifs, notamment face au pouvoir d'État.
J'en reviens au contentieux plus précis qui surgira avec cette nouvelle procédure relative à l'obligation de quitter le territoire. Parce que vous réunissez, monsieur le ministre, dans une décision unique trois aspects différents, le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire et le pays de destination, les recours pourront être dépecés en plusieurs morceaux et plusieurs juridictions seront susceptibles d'intervenir.
De plus, ce texte s'est enrichi d'une disposition nouvelle, qui prévoit que l'instruction est close à l'audience ou au terme des débats. Normalement, l'instruction est close avant l'audience. Cette mesure rendra plus difficile - il s'agit d'une conséquence évidente - l'intervention du commissaire du Gouvernement quand la clôture sera prononcée à l'audience. C'est donc, là encore, une manière insidieuse de remettre en cause le principe de la collégialité.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait judicieux de préserver la qualité, l'indépendance et la sérénité des débats, en affirmant ce principe de collégialité que vous vous apprêtez à démanteler par voie de décret dès l'adoption de ce projet de loi ?
Mme la présidente. Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 205 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 406 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 205.
Mme Bariza Khiari. La décision de refus de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, sera régie par un nouveau régime contentieux.
Dans tous les cas, le délai de recours juridictionnel contre cette décision sera de quinze jours. Rappelons que le délai pour contester un refus de titre de séjour est de deux mois et le délai pour contester un arrêté de reconduite à la frontière de sept jours lorsqu'il est notifié par voie postale, et de quarante-huit heures quand il est notifié par voie administrative.
Devant le tribunal administratif, la procédure variera en fonction du placement en rétention, ou non, de l'étranger.
Si celui-ci n'est pas placé en rétention, le tribunal statue selon les modalités classiques : le recours est jugé par une formation collégiale éclairée par les conclusions d'un commissaire du Gouvernement, dans un délai de trois mois. Le tribunal statue alors, dans la même décision, sur le refus du séjour, la décision d'éloignement et la fixation du pays de renvoi.
Si l'étranger est placé en rétention, la procédure est celle qui est aujourd'hui applicable en matière de recours contre les APRF, les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière. L'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit un jugement par un juge unique, sans commissaire du Gouvernement, intervenant dans les soixante-douze heures, s'applique alors. Toutefois, ce jugement ne portera que sur la mesure qui motive l'urgence, à savoir l'obligation de quitter le territoire et la désignation du pays de renvoi, et non plus sur le refus d'un titre de séjour, point qui sera jugé postérieurement.
Nous nous opposons aux modifications introduites par cet article relatives à la diminution des délais et au jugement par un juge unique. Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous avons déposé cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 406.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit sur le nouveau régime contentieux, auquel nous nous opposons totalement. Plusieurs points de l'article 41 sont fortement contestables, même si certains estiment, comme vous l'affirmez, monsieur le ministre, que ces dispositions réussiront à désengorger les tribunaux. Je pense notamment au délai de recours accordé à l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français.
Le projet de loi initial fixait un délai de recours de quinze jours, ce qui ne pouvait être que de la provocation. Comment est-il possible, dans un tel délai, lorsque l'on est étranger, de former un recours ? Était-ce une manoeuvre gouvernementale pour faire croire que le délai d'un mois constituait une avancée formidable, une sorte de « cadeau » accordé aux étrangers ? Ce ne serait pas étonnant, puisque nous savons que les annonces se succèdent, mais qu'elles sont suivies de démentis, qui sont eux-mêmes suivis de nouvelles annonces ! Toujours est-il que, même fixé à un mois, ce délai demeure bien trop court.
Par ailleurs, continuer à faire coexister plusieurs délais de recours sera, à l'évidence, source de contentieux, ce qui est évidemment contraire à ce qui est annoncé par le Gouvernement, à savoir la réduction du nombre de contentieux, au détriment, parfois, des droits de la défense.
Enfin, l'article 41 remet en cause la collégialité des formations de jugement, ce qui suscite des craintes quant à l'avenir de la justice administrative. Alors que, au même moment la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire dite d'Outreau ne cesse de préconiser la collégialité, en s'insurgeant contre la solitude du juge d'instruction, vous décidez, plutôt que de conserver une justice collégiale, de la supprimer. Cette disposition est la préfiguration de l'instauration du juge unique en matière administrative.
Il n'est quand même pas banal que les juges administratifs se mettent en grève pour défendre leur indépendance, ce en quoi ils ont bien raison. Honnêtement, monsieur le ministre, vous seriez bien avisé de revenir sur la nouvelle procédure que vous essayez d'instituer.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 206 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 407 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots : d'un mois
par les mots :
de deux mois.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 206.
Mme Bariza Khiari. L'article 41 du projet de loi prévoit que la décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français sera régie par un régime contentieux.
Dans tous les cas, le délai de recours avait été initialement fixé à quinze jours. L'Assemblée nationale, dans sa grande bonté, l'a porté à un mois. Par cet amendement, nous proposons de le fixer à deux mois. C'est le délai actuel pour contester un refus de titre de séjour. Ce délai permettra à l'étranger d'organiser, à tout le moins, sa défense dans des conditions réputées normales.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 407.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un amendement de repli. Nous souhaitons en effet que vous renonciez, monsieur le ministre, à créer des procédures d'exception - car il s'agit bien de cela - en ce qui concerne le contentieux des étrangers, pour revenir à des délais de droit commun, nettement plus raisonnables.
Je pense notamment au respect des droits de la défense, défense qui ne peut être préparée dans des délais aussi courts que ceux qui sont prévus par le projet de loi.
Même si le Gouvernement est revenu sur son idée de départ, à savoir un délai de recours de quinze jours, nous considérons que le délai d'un mois reste insuffisant. Je prendrai l'exemple des refus de séjour qui, actuellement, peuvent être contestés dans les deux mois. Avec la nouvelle procédure, ce délai sera ramené à un mois, au détriment bien sûr des droits des étrangers.
En effet, l'étranger devra prendre connaissance de la nature de la décision, en comprendre les conséquences et, surtout, trouver un avocat, contacter une association, dans le but de monter son dossier, et rassembler les pièces nécessaires pour former son recours. Le délai prévu, même ramené à un mois, reste insuffisant au regard de la réalité des procédures, de la situation des étrangers et des difficultés qu'ils rencontrent pour constituer un dossier.
C'est pourquoi nous proposons de rallonger le délai de recours en le fixant à deux mois.
Mme la présidente. L'amendement n° 408, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
territoire français
supprimer la fin de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je défendrai en même temps l'amendement n° 410, car la logique est identique.
Ces deux amendements visent à supprimer une partie de la réforme relative à la procédure contentieuse du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français. Celle-ci prévoit en effet que, même lorsqu'un recours a été formé contre une OQTF, il est possible de placer l'étranger en rétention.
En effet, deux procédures vont désormais coexister, dont l'une sera accélérée lorsque l'étranger sera placé en rétention. Cette disposition permet à l'administration, en cours d'instance, de changer de procédure et, ainsi, de l'accélérer brutalement. En vertu du droit à bénéficier d'un procès équitable, dont devraient également jouir les étrangers, l'État ne peut se donner les moyens de changer de la sorte les règles du jeu en cours de procédure, et ce, bien évidemment, au détriment des étrangers.
C'est pourquoi nous demandons la suppression des dispositions relatives aux différentes règles de placement en rétention et de recours.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 207 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 411 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
trois mois,
par les mots :
six mois
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 207.
Mme Bariza Khiari. L'article 41 prévoit que le tribunal administratif disposera de trois mois pour statuer sur trois décisions en même temps : le refus de séjour ou assimilé, l'obligation de quitter le territoire et le choix du pays de renvoi.
Compte tenu de l'importance de ces décisions pour l'étranger et des conditions de travail des tribunaux, il nous paraît raisonnable, pour toutes les raisons qui ont été invoquées précédemment, de porter ce délai à six mois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 411.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre amendement vise également à rallonger le délai imparti au juge administratif pour délibérer. Le délai de trois mois nous paraissant insuffisant, nous proposons de le porter à six mois.
Nous connaissons la position du Gouvernement sur ce point, puisque M. le garde des sceaux a eu l'occasion de s'exprimer sur la question du juge unique. Nous savons que nous nous dirigeons vers l'abandon de la collégialité concernant la justice administrative. Je le répète, nous déplorons cette orientation. Nous aurions, en tant que parlementaires, intérêt à réfléchir davantage sur cette question, en particulier sur les conséquences de l'instauration d'un juge unique.
Encore une fois, j'insiste sur ce point, vous savez très bien tenir des discours quand, pressé par l'actualité ou par des affaires dramatiques, vous donnez le change à l'opinion publique. Mais, lorsqu'il s'agit de répondre efficacement à ces situations par des projets gouvernementaux, vous faites l'inverse de ce qu'il faudrait faire.
Je le répète une fois encore : nous déplorons l'abandon de la collégialité.
Mme la présidente. L'amendement n° 410, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Cet amendement a été défendu par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
L'amendement n° 208, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :
il statue,
insérer les mots :
en formation collégiale,
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement étant particulièrement important, je prendrai la peine de développer l'argumentaire.
L'article 41 prévoit que, lorsque l'étranger est placé en rétention, le tribunal administratif statuera à juge unique, sans commissaire du Gouvernement, sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
Nous sommes clairement opposés au jugement à juge unique.
En effet, la collégialité est un principe fondamental de la procédure administrative contentieuse. Il est posé à l'article L. 3 du code de justice administrative : « Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi ». Pourquoi ? Parce que cela permet, surtout lorsque les dossiers donnent lieu à une importante appréciation de faits qui touchent à l'humain, un échange, parfois une confrontation des opinions de chacun ; cela permet de mûrir une décision. Cette méthode de travail donne plus de garanties aux justiciables.
Elle renforce l'indépendance des juridictions. Il ne faut jamais oublier que, devant nos juridictions, une des parties, le plus souvent le défendeur, est toujours un ministre, un maire, un préfet, bref, un représentant d'une administration investie de pouvoirs exorbitants du droit commun. Le tribunal ou la cour sont là pour rétablir l'égalité des armes. Ils auront d'autant plus de poids face à ces institutions que leurs jugements seront rendus par des formations collégiales.
Pour ces raisons, les exceptions à la règle doivent être arrêtées par le législateur. En effet, les exceptions risquent de porter atteinte à l'indépendance de la justice administrative, qui est un principe de nature constitutionnelle.
C'est bien ce que précise l'article L. 3, que ne contredit pas l'article L. 222-1 du code de justice administrative, qui précise : « Les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger.
« Les juges délibèrent en nombre impair. ».
Cet article n'indique pas que les exceptions sont fixées par voie réglementaire. C'est pourtant le cas. Subrepticement, à l'occasion de la transformation, par ordonnance, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en code de justice administrative, l'ancien article L. 4-1 a été transformé en article réglementaire, l'article R. 222-13. Le législateur, par ordonnance, s'est contenté de fixer deux critères très vagues : la nature et l'objet du litige.
Il est clair que ces deux critères n'épuisent pas la compétence du législateur. Comment exercer un contrôle sérieux de la légalité du décret avec ces deux termes ? Qui pourrait dire, sur cette base, que le fait de confier à un juge unique le contentieux des titres de séjour serait illégal ? La nature ou l'objet du litige n'y conduisent pas immédiatement.
Le législateur doit en dire beaucoup plus et, compte tenu de la difficulté de l'énumération, sans doute doit-il l'exprimer en totalité.
Pourquoi la nouvelle liste proposée par le pouvoir réglementaire pose-t-elle problème ? Parce qu'elle va au-delà des contentieux juridiquement simples dont les enjeux sont faibles. Il en va ainsi du contentieux des étrangers qui n'est ni simple, ni de faible incidence sur les intéressés.
Ce sont ces extensions qui posent problème pour les raisons exprimées ci-dessus tenant à l'indépendance du juge administratif.
Il faut savoir par ailleurs que cette réforme n'est pas dictée par un souci de l'amélioration de la qualité des décisions rendues. Elle l'est seulement par la contrainte budgétaire et l'insuffisance des moyens qui nous sont alloués. Comment faire pour juger dans des délais raisonnables, ce qui est une autre exigence d'une bonne justice, sans augmenter les effectifs ? On modifie les méthodes de travail.
Dans ces conditions, et parce qu'il n'est pas question, pour le moment, de modifier l'article L. 222-1 du code de justice administrative ni de transformer en article législatif l'article R. 222-13 du code de justice administrative, nous demandons qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration le Parlement exerce à nouveau pleinement ses compétences et inscrive dans la loi que les refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français sont jugés en formation collégiale.
Il s'agit de faire barrage aux dispositions les plus contestables de ce projet de décret. C'est ce qui motive notre amendement pour la formation collégiale au tribunal administratif.
Mme la présidente. L'amendement n° 409, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
selon la procédure prévue à l'article L. 512-2
par les mots :
collégialement
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage tout à fait les propos de ma collègue.
J'ajoute que si l'étranger est placé en rétention avant que le tribunal ait rendu sa décision, le tribunal statue en soixante-douze heures sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi.
La procédure applicable en l'espèce serait celle qui prévoit une formation de jugement à juge unique sans commissaire du Gouvernement, comme vient de le dire Mme Khiari. Comment, dans ces conditions, organiser une telle audience, laquelle sera nécessairement précipitée ?
Encore une fois, le fait d'utiliser la situation des étrangers pour instaurer le juge unique et une procédure simplifiée me paraît tout à fait malvenu.
Mme la présidente. L'amendement n° 50, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La disposition que nous souhaitons supprimer est de nature réglementaire.
J'en viens à l'avis de la commission sur les différents amendements.
La commission est défavorable aux amendements identiques nos 205 et 406.
D'abord, nous ramenons à un délai unique d'un mois la possibilité de recours contre à la fois le titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire. Comme cela a été dit tout à l'heure, ce fameux délai d'un mois constitue une amélioration. D'une part, il est beaucoup plus lisible non seulement pour ceux qui exercent les voies de recours, mais aussi pour les praticiens, ce qui, ne l'oublions pas, est loin d'être négligeable. D'autre part, il permet d'améliorer les choses, car les délais actuels sont extrêmement courts : quarante-huit heures ou sept jours.
Ensuite, - faut-il le rappeler ? - le juge unique est déjà la règle pour les recours contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière.
La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 206 et 407, qui appellent des explications similaires.
Pour les mêmes motivations, la commission est défavorable à l'amendement n° 408.
La commission est également défavorable aux amendements identiques nos 207 et 411. Il lui apparaît en effet que le délai de trois mois qui est institué est tout à fait suffisant. À l'occasion des auditions qui ont eu lieu sur ce texte, personne ne l'a d'ailleurs remis en cause ou jugé comme étant de nature à priver les uns ou les autres de quelque moyen que ce soit d'exercer leurs droits.
La commission est défavorable à l'amendement n° 410. Il faut préciser d'abord que les deux formations de jugement auraient à connaître des décisions différentes bien que portant sur la même personne : d'une part, le refus de séjour et, d'autre part, l'obligation de quitter le territoire.
Ensuite, - faut-il le rappeler ? - la procédure actuelle prévoit déjà deux contentieux distincts, mais qui sont liés.
Enfin, il faut le dire clairement, le juge qui aura à connaître de l'obligation de quitter le territoire français, en cas de placement en centre de rétention, dans le délai de soixante-douze heures, peut, par voie d'exception, connaître de l'ensemble des titres et donc du refus de séjour.
La commission est défavorable à l'amendement n° 208. Le contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière relève déjà, je viens de le dire, du juge unique. Le projet de loi ne change rien au droit positif pour ce seul contentieux.
Je rappelle également que l'instauration du juge unique en la matière date du 10 janvier 1990. Il a montré qu'il pouvait être aussi efficace et respectueux des droits des plaignants.
Quant à l'amendement n° 409, la commission y est défavorable, puisque c'est déjà le cas : le juge unique statue sur ce point et le projet de loi ne change rien.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'ai déjà répondu tout à l'heure à Mme Assassi sur la collégialité lorsque nous avons examiné l'article 36. Mais je veux rappeler que l'article 41, ligne à ligne, vous est proposé par le Gouvernement en plein accord avec le Conseil d'État. Certes, il déplaît à certains syndicats, mais cela n'est pas un argument suffisant pour penser que le Conseil d'État proposerait un dispositif portant atteinte aux libertés publiques. Ce n'est pas, me semble-t-il, dans sa tradition.
Je répète que la question de la collégialité sera tranchée par un décret préparé le garde des sceaux, après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Je reconnais un certain talent à l'ensemble des parlementaires dans cette assemblée et sur toutes ces travées. Mais, dans quelques interventions, je n'ai pas toujours reconnu des propos correspondant à une articulation parlementaire. J'ai même eu le sentiment que certains d'entre vous lisaient des fiches préparées à l'extérieur et comportant un argumentaire que je crois avoir déjà lu par ailleurs...
Madame Khiari, vous auriez pu légèrement modifier l'articulation de votre long argumentaire sur l'amendement n° 208, car la phrase : « nous demandons que le Parlement se saisisse de la question de la collégialité » ne ressemble pas à une demande d'origine parlementaire ! D'où émane-t-elle ? Peut-être des syndicats dont vous vous faites le porte-voix en lisant attentivement les fiches qu'ils vous ont préparées. Moi qui suis attentif à ces détails, je n'ai reconnu dans ce que vous avez lu ni la grande personnalité ni le talent qui sont les vôtres !
Les termes de l'intervention de M. Goujon, que bien évidemment j'approuve, me permettent de répondre à un aspect de la demande dont Mme Khiari se faisait l'interprète. Un effort budgétaire en faveur de la juridiction administrative a été engagé avec une grande détermination : création de 130 postes de magistrats de tribunaux et de cours administratives entre 2002 et 2006 ; création de 132 postes d'agents de greffe, création de 90 postes d'assistants de justice. Voilà bien longtemps que des gouvernements n'avaient pas engagé de tels efforts en matière de renforcement de postes dans les juridictions administratives.
Monsieur Goujon, vous avez raison, il est tout aussi nécessaire d'améliorer les conditions dans lesquelles l'administration défend les intérêts de l'État devant les tribunaux administratifs et, à la suite de nombre de vos interventions, le ministre d'État a donné des instructions très fermes aux préfets de police pour qu'une organisation nouvelle à cet égard permette d'améliorer les performances.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 205 et 406, 206 et 407, à l'amendement n° 408, aux amendements identiques n os 207 et 411, ainsi qu'aux amendements nos 410, 208 et 409.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 50 de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 205 et 406.
M. Hugues Portelli. Je veux seulement rappeler à nos collègues que nous discutons de dispositions de nature purement réglementaires. En effet, tout ce qui concerne l'organisation des tribunaux administratifs et la procédure devant ces tribunaux a toujours été considéré comme faisant partie du règlement autonome de l'article 37 de la Constitution.
Par conséquent, cela ne relève pas du domaine de la loi et nous perdons notre temps !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 205 et 406.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 206 et 407.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 207 et 411.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 208.
M. Bernard Frimat. Ma collègue Bariza Khiari vous répondra tout à l'heure, monsieur le ministre, quant à l'authenticité de son intervention. Il est vrai que la lecture est un art difficile ; vous nous en donnez constamment l'exemple.
Nous avons procédé, comme M. le rapporteur, à des auditions. Au cours de celles-ci, nous avons effectivement entendu ensemble - M. le rapporteur a, je crois, et je parle sous son contrôle, procédé de la même manière - les représentants des deux organisations syndicales des magistrats administratifs, lesquelles sont représentatives. Or nous avons été frappés de constater que leurs analyses concordaient, ce qui n'est pas systématique dans le domaine de la magistrature. Par ailleurs, nous avons pu mesurer l'écho qu'a eu la manifestation qu'ils ont organisée et avons été surpris de la manière dont ils ont médiatisé cette question dans toute la France.
Nous ne remettons pas systématiquement en cause le juge unique. Il est la règle pour ce qui concerne les arrêtés de reconduite à la frontière, mais pas pour les titres de séjour. S'agissant de ces derniers, il importe, pour traiter les contentieux sur le refus de délivrer ces titres, d'avoir une collégialité, garantie d'indépendance du magistrat. Le magistrat, juge unique, qui décidera du refus des titres de séjour, il faudra, monsieur le ministre, songer à le protéger de la hiérarchie de l'État, car il a droit à l'indépendance.
En effet, on n'a pas à observer ses faits et gestes pour savoir ensuite combien de titres de séjour il a refusé de délivrer, combien de procédures d'appel il a accepté ou refusé, pour mesurer en quelque sorte son coefficient d'activité. Il ne faut pas essayer de faire entrer son action dans une norme, l'un de vos objectifs étant, comme nous l'avons régulièrement entendu, de faire du chiffre. C'est cette garantie-là que nous voulons obtenir !
Mon cher collègue Portelli, je suis toujours amateur de leçons de droit lorsqu'elles sont données avec le talent qui est le vôtre. Toutefois, nous savons parfaitement de quoi nous parlons. Nous estimons que ce qui se prépare est inquiétant, alors même que nos collègues de l'Assemblée nationale - mais je sais bien que le ministre ne les écoute que d'une oreille discrète - ne parlent, après l'affaire d'Outreau, que de collégialité et affirment que ce qui s'est passé à cette occasion - et ce n'est pas le problème des syndicats de magistrats - justifie le recours à la collégialité afin de pouvoir se prononcer sur des points délicats.
Pour garantir l'indépendance de la justice, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il importe de retenir le principe de la collégialité pour juger les contentieux sur les titres de séjour ? C'est un principe essentiel auquel nous tenons. C'est pour cette raison que nous avons déposé l'amendement n° 208.
La forme est une chose, le fond en est une autre. En la circonstance, il y a un principe, sur lequel nous souhaitons que le Parlement se prononce.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous avez été parlementaire ; vous savez bien que nous ne sommes pas spécialistes dans tous les domaines, même si nous sommes très doués. Nous avons également besoin de former notre jugement à la lumière d'auditions, et mon collègue Bernard Frimat a évoqué ce point. Monsieur le ministre, il n'est pas interdit de penser - dans le passé, au cours de votre carrière parlementaire, cela a aussi dû vous arriver - que les personnes auditionnées ont des choses sensées à nous dire.
L'article 41 du projet de loi révèle surtout une vision de la justice que nous ne pouvons accepter. Vous soumettez en effet les droits et les procédures judiciaires à des considérations de rentabilité qui sont intolérables.
Je le répète, les syndicats de magistrats administratifs se sont émus de cette décision et s'inquiètent de la perspective de voir le contentieux des étrangers confié à un juge unique, sans l'assistance d'un commissaire du Gouvernement. Nous savons déjà que le Gouvernement a tendance à favoriser la procédure à juge unique au détriment de la collégialité pour les contentieux les plus importants. Pourtant, vous savez comme moi que la légitimité de la chose jugée repose, pour une bonne partie, sur la décision collégiale.
Monsieur le ministre, dans l'affaire d'Outreau, tout le monde a dénoncé la solitude dangereuse du magistrat instructeur. Or, en l'occurrence, vous ne nous proposez finalement que de généraliser la procédure du juge unique. Je pense que l'on met le doigt dans un engrenage que les citoyens nous reprocheront. On va vers une multiplication d'« Outreau administratifs ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nous le reconnaissons, vous ne résistez jamais au plaisir d'un bon mot. Mais tout le monde procède à des auditions, et le Gouvernement en premier lieu. Vous êtes d'ailleurs le premier à dire que vous avez auditionné je ne sais combien de personnes ! Je ne sais d'ailleurs si c'est vrai ! De leur côté, les parlementaires procèdent également à des auditions, et ils n'en tirent pas forcément les mêmes conclusions. On peut donc se dispenser de dire qu'il y a, d'un côté, des bons parlementaires et, de l'autre, des mauvais, au prétexte que ces derniers n'ont pas entendu la même chose. En fonction des dires de chacun, nous essayons de voir là où le bât blesse, en fonction de la philosophie qui est la nôtre s'agissant des droits des étrangers.
Monsieur Portelli, nous apprécions beaucoup vos qualités de juriste et de professeur de droit mais, s'agissant du principe de la collégialité - car c'est de cela qu'il s'agit ici -, le Parlement a son mot à dire ! La collégialité existe dans le domaine des contentieux, il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas le cas en matière de droit des étrangers.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'ai entendu dire qu'un juge unique serait moins indépendant qu'une formation collégiale ! C'est absolument extraordinaire ! Pourtant, on le sait très bien, au cours de l'histoire, des formations collégiales ont été sous influence, bien plus que des juges uniques.
Il est vrai, la complexité de certains problèmes peut exiger que l'on fasse appel à une formation collégiale pour prendre des décisions importantes. C'est d'ailleurs souvent le rapporteur qui joue le rôle majeur dans les tribunaux administratifs, en portant un autre regard sur la situation. Mais n'exagérons rien tout de même !
Par ailleurs, il est totalement outrancier de comparer les décisions qui ont été rendues par un tribunal administratif avec celles qui ont été rendues dans l'affaire d'Outreau. C'est une telle déformation de la réalité que je suis étonné que l'on puisse aller jusqu'à avancer ces arguments !
L'indépendance du juge ne tient pas au fait qu'ils doivent être plusieurs. En effet, mes chers collègues, de nombreux juges uniques prennent tous les jours des décisions, et ils sont parfaitement indépendants. J'espère que tous les magistrats de France sont indépendants, quelle que soit la formation à laquelle ils appartiennent. Franchement, je l'espère.
Mme Bariza Khiari. Je n'ai pas mis en cause leur indépendance !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 208.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 211 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 409.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 50.
M. Bernard Frimat. Nous allons voter en faveur de cet amendement de la commission, dans la mesure où il est en parfaite conformité avec l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure concernant le moment où l'instruction doit être close.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
DEMANDE D'AUTORISATION D'UNE MISSION D'INFORMATION
Mme la présidente. M. le président du Sénat a été saisi par M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information portant sur la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
5
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport pour 2005 du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, en application de l'article 20 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des finances.
6
DÉPÔT D'UN RAPPORT en application d'une loi
Mme la présidente. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. Louis Schweitzer, président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, le premier rapport de la Haute autorité, rendant compte de l'exécution de ses missions et énumérant les discriminations portées à sa connaissance, conformément à l'article 16 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des lois.
7
Immigration et intégration
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 42.
Article 42
L'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1°A Dans le premier alinéa, les mots : «, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou dans les sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale », sont remplacés par les mots : « par voie administrative » ;
1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « son délégué » sont remplacés par les mots : « le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative » ;
2° Dans les troisième et quatrième alinéas, les mots : « à son délégué » sont remplacés par les mots : « au magistrat désigné à cette fin ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 209 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene - Thiery et Cerisier - ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus - Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 412 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 1° de cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 209.
M. Bernard Frimat. Notre amendement s'inscrit dans la suite du débat que nous avons eu avant la suspension de séance.
L'article 42 dispose que le président du tribunal administratif, saisi d'une demande en annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, peut demander à des magistrats honoraires de statuer.
Nous sommes bien conscients de l'explosion du contentieux lié au séjour des étrangers. En outre, nous vous savons gré des efforts que votre gouvernement a faits s'agissant du recrutement de magistrats, monsieur le ministre délégué. Néanmoins, il ne nous semble pas normal que le contentieux des étrangers puisse être confié à des magistrats honoraires.
Il faut s'élever contre la tendance actuelle à recourir à des magistrats autres que ceux qui sont en fonction. Je ne ferai pas de parallèle entre les juges de proximité et les magistrats honoraires, ces deux catégories étant de nature différente. S'il n'est pas question pour moi de remettre en cause leur qualité, je n'en considère pas moins qu'il est anormal que la justice administrative soit exercée, même partiellement, par des magistrats honoraires, de surcroît dans des affaires où ils statueraient à juge unique.
Pour ces raisons, et pour toutes celles que nous avons développées avant la suspension, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 412.
Mme Éliane Assassi. L'article 42, d'une part, tend à supprimer les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière notifiés par voie postale ; d'autre part, il prévoit le recours à des magistrats honoraires pour statuer sur la légalité des APRF notifiés par voie administrative et sur les obligations de quitter le territoire français, ou OQTF.
Vous souhaitez ainsi répondre à l'encombrement des tribunaux administratifs par le recours à des magistrats honoraires.
Nous estimons, quant à nous, que la désignation par le président du tribunal administratif de magistrats honoraires, pour une durée de trois mois renouvelable, statuant sur les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière est une mauvaise solution au vrai problème de l'engorgement des tribunaux.
Cela revient de surcroît à réserver dans notre législation un traitement vraiment à part pour les étrangers, qui se verront ainsi privés du droit à un procès équitable.
C'est inadmissible !
Nous pensons que l'honorariat ne garantit pas la meilleure connaissance du sujet. Il ne s'agit pas en la matière uniquement d'éléments de droit : les dossiers en question font aussi l'objet d'une appréciation en subjectivité qui représente une part importante et qui est à prendre en compte dans la décision rendue.
Par ailleurs, je m'interroge sur le dispositif que vous proposez.
Des juges n'ayant pas exercé depuis longtemps ne risquent-ils pas d'être insuffisamment compétents dans un domaine en constante évolution ?
Malgré ce que vous nous avez indiqué à propos de la collégialité, j'insiste pour dire notre crainte qu'un « monsieur contentieux des étrangers » ne statue seul sur tous les litiges afférents et que le principe de collégialité, principe directeur de notre organisation juridictionnelle, ne soit ainsi bafoué.
Or la formation à juge unique est particulièrement inadaptée à un contentieux où la part de subjectivité conditionne le jugement rendu.
Si l'on couple cette disposition avec la mise en place de délais trop brefs pour statuer à la fois sur la légalité du refus de séjour et sur celle de l'obligation de quitter le territoire, la justice rendue en matière de droit des étrangers risque alors de devenir plus qu'expéditive.
Enfin, il est utile de rappeler que, si cette mesure est aujourd'hui proposée, c'est parce ce que le Gouvernement n'a pas, une fois n'est pas coutume, n'est-ce pas ? tenu les engagements qu'il avait pris en matière de recrutement de magistrats dans le cadre de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.
Il est inadmissible que les étrangers fassent les frais de votre incurie, monsieur le ministre délégué.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'adopter notre amendement tendant à supprimer la possibilité de recourir à des magistrats honoraires et de revenir ainsi sur une disposition dangereuse pour les droits des étrangers.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mes chers collègues, on peut espérer que les juges statuent en toute objectivité et non pas subjectivement ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il faut faire une différence entre l'appréciation concrète des éléments du dossier et l'appréciation purement subjective et arbitraire !
Je rappelle que de nombreuses juridictions font appel à des magistrats honoraires. Ainsi, des conseillers d'État honoraires siègent souvent au sein de la Commission des recours des réfugiés.
Désignés par le président du tribunal administratif sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d'État, ces magistrats honoraires offrent toutes garanties quant à leur compétence professionnelle.
Aussi, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Pour alléger la tâche des tribunaux administratifs sans porter atteinte au droit des étrangers, il peut être utile de faire juger des affaires par des magistrats honoraires expérimentés et ayant du temps à donner à la justice administrative.
La réforme, approuvée par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs, procède à un ajustement limité. Il n'est aucunement prévu que la mesure d'éloignement qui sera la plus courante - le refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire - soit jugée par un magistrat honoraire.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 209 et 412.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Nous voterons contre l'article 42 de ce projet de loi, qui constitue une fausse bonne solution au problème de l'engorgement des tribunaux administratifs.
Les magistrats honoraires n'étant plus en activité, ils ne pratiquent plus guère le droit positif dans une matière qui évolue chaque jour et qui intègre très régulièrement des normes européennes et internationales dont seuls des praticiens sont à mêmes de suivre les mises à jour.
Le contentieux de la reconduite à la frontière est une matière complexe où la contrainte des délais est particulièrement forte. C'est une matière mouvante qui évolue très vite : la preuve, on nous présente aujourd'hui la énième réforme de l'ordonnance de 1945 aujourd'hui codifiée.
À chaque changement de gouvernement, ou lorsque des échéances électorales se profilent à l'horizon, nous avons droit à une réforme portant sur l'immigration. C'est vous dire s'il faut être à la page !
J'ajoute que les réformes elles-mêmes génèrent une augmentation du contentieux. Je pense singulièrement à celle du 26 novembre 2003.
M. Mariani a d'ailleurs reconnu à l'Assemblée nationale que le contentieux portant sur les arrêtés de reconduite à la frontière « est passé de 7 250 en 2000 à 18 000 en 2005, c'est-à-dire qu'il a plus que doublé. »
C'est à la fois le résultat de vos lois et de votre volonté de faire du chiffre à tout prix, d'expulser à tour de bras des étrangers qui, et oui !, font appel et engagent des recours contre des décisions qui les concernent au plus haut point. Il ne faut pas oublier qu'ils sont des sujets de droit et que l'on touche ici à l'humain.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à l'article 42.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 42.
(L'article 42 est adopté.)
Article 43
L'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « de l'arrêté » sont remplacés par les mots : « de la mesure » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « Cet arrêté » sont remplacés par les mots : « L'arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 », les mots : « , lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou de sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale » sont remplacés par les mots : « par voie administrative », et les mots : « son délégué » sont remplacés par les mots : « le magistrat désigné à cette fin ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 210, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene - Thiery et Cerisier - ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus - Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de coordination, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 51, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Dans le 2° de cet article, supprimer les mots :
, les mots : «, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou de sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale » sont remplacés par les mots : « par voie administrative »,
II. Compléter cet article par un 3° ainsi rédigé :
3° Dans ce même alinéa, les mots : «, lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, ou de sept jours, lorsqu'il est notifié par voie postale » sont remplacés par les mots : « par voie administrative ».
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, dont je demande qu'il soit mis aux voix par priorité.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion commune ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avis défavorable sur l'amendement n° 210 et avis favorable sur l'amendement n° 51.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 210 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 43, modifié.
(L'article 43 est adopté.)
Article 44
I. - L'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.
II. - Dans l'article L. 513-1 du même code, les mots : « ou à l'article L. 512-5 » sont supprimés.
III. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 514-1 du même code, la référence : « L. 512-5 » est remplacée par la référence : « L. 512-4 ».
IV. - Dans l'article L. 531-1 du même code, la référence : « L. 512-5 » est remplacée par la référence : « L. 512-4 ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 211, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene - Thiery et Cerisier - ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus - Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet article concerne l'appel des jugements prononcés en cas de recours contre des arrêtés de reconduite à la frontière.
Jusqu'au 1er janvier 2005 l'appel était jugé par le président de la section du contentieux du Conseil d'État ou par un conseiller d'État délégué. Depuis lors, cette compétence a été transférée aux cours administratives d'appel, qui peuvent confier cette tâche à l'un de leurs membres. Cet appel n'est pas suspensif.
L'article 44 supprime ce dispositif et laisse au pouvoir réglementaire le soin de définir les normes en matière d'appel des jugements rendus en matière d'obligation de quitter le territoire. Hugues Portelli a employé cet argument, expliquant que la procédure administrative contentieuse ne fait pas partie du domaine de la loi.
Pour notre part, nous nous opposons à ce déclassement et pensons qu'il faut maintenir la situation actuelle, qui permet de rendre une justice plus lisible et dont l'autorité, de ce fait, est renforcée. Les règles doivent continuer à être, dans ce domaine, définies par la loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 413 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen - Seat, Mathon - Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le jugement rendu par le tribunal administratif statuant collégialement sur les décisions de refus de titre de séjour est susceptible d'appel dans un délai de deux mois devant la cour administrative d'appel territorialement compétente. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 44 procède à l'abrogation de l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou CESEDA, au motif, nous dit-on, que les mesures que prévoit cet article seraient de nature réglementaire.
Cette disposition d'apparence anodine revient en réalité à supprimer purement et simplement cet article, qui fixe le régime applicable en matière d'appel des jugements des APRF.
La volonté est clairement et manifestement de déclasser cette mesure, en prévoyant que l'appel est formé devant un juge statuant seul, et de transférer au pouvoir réglementaire le soin de prévoir la composition de la formation de jugement d'appel.
Or, si la procédure contentieuse relève en principe de la compétence réglementaire, il ne peut en être de même de la composition de la formation de jugement, qui relève de la compétence du législateur.
Ce déclassement ne peut être admis : la collégialité constitue en effet le premier principe de la justice administrative, qui se trouve affirmé par l'article L. 3 du code de la justice administrative : « Les jugements sont rendus en formation collégiale, sauf s'il en est autrement disposé par la loi ».
M. Hugues Portelli. Oui, précisément !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous proposons par conséquent, avec cet amendement, de conserver l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de le compléter par un alinéa ainsi rédigé :
« Le jugement rendu par le tribunal administratif statuant collégialement sur les décisions de refus de titre de séjour est susceptible d'appel dans un délai de deux mois devant la cour administrative d'appel territorialement compétente. »
Nous estimons en effet qu'il convient de prévoir expressément dans la loi les modalités d'appel des jugements rendus sur les recours dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière, contre les refus de titre de séjour assortis d'une « obligation de quitter le territoire français » et d'une décision fixant le pays de destination et contre les refus de titre de séjour.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission émet un avis défavorable puisque, en matière de contentieux administratif, les règles de l'appel relèvent du domaine réglementaire.
Je rappelle qu'un juge unique est actuellement compétent en appel, qu'il s'agisse du vice-président du Conseil d'État ou du président de la cour administrative d'appel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 44.
(L'article 44 est adopté.)
Article 45
L'intitulé du chapitre III du titre Ier du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « Exécution des obligations de quitter le territoire français et des mesures de reconduite à la frontière ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 212 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 414 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 212.
M. Bernard Frimat. Coordination !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 414.
Mme Éliane Assassi. Coordination également !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission émet un avis défavorable, par coordination !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 212 et 414.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 45.
(L'article 45 est adopté.)
Article 46
Dans l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « son délégué » sont remplacés par les mots : « le magistrat désigné à cette fin ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 213 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 415 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat et Mathon-Poinat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 213.
M. Bernard Frimat. Coordination !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 415.
Mme Éliane Assassi. Coordination !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 213 et 415.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 46.
(L'article 46 est adopté.)
Article 47
I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « L'étranger », sont insérés les mots : « qui est obligé de quitter le territoire français ou ».
II. - Le même article L. 513-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est irrecevable à contester la légalité de la décision fixant le pays dont il a la nationalité s'il a été débouté de sa demande de reconnaissance de réfugié politique prévue à l'article L. 711-1 ou du bénéfice de la protection subsidiaire prévu à l'article L. 712-1 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par la Commission des recours des réfugiés sauf si les éléments qu'il invoque sont postérieurs aux décisions de l'office ou de la commission. »
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 214 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 416 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 214.
M. Bernard Frimat. Cet amendement concerne un problème qui nous semble beaucoup plus délicat, celui de la détermination du pays dans lequel on renvoie l'étranger objet de la mesure d'éloignement.
Sur l'initiative de M. Rivière, nos collègues de l'Assemblée nationale ont ajouté au texte proposé par l'article 47 pour l'article L. 513-2 du CESEDA un alinéa ainsi rédigé :
« Il est irrecevable à contester la légalité de la décision fixant le pays dont il a la nationalité s'il a été débouté de sa demande de reconnaissance de réfugié politique prévue à l'article L. 711-1 ou du bénéfice de la protection subsidiaire prévu à l'article L. 712-1 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par la Commission des recours des réfugiés sauf si les éléments qu'il invoque sont postérieurs aux décisions de l'office ou de la commission ».
Voilà qui est grave, et même très grave.
L'amendement adopté par l'Assemblée nationale relève, à notre sens, d'une justice d'abattage. Tout est regroupé et, dans le « papier cadeau », si vous me permettez cette expression, il y a aussi le pays de destination.
Cette disposition nous semble inacceptable, notamment parce qu'elle empêche l'étranger de se prévaloir de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour ce qui est de la protection contre la torture et contre les peines ou traitements inhumains ou dégradants et de contester le pays dans lequel on l'envoie.
Ce droit de recours doit absolument être maintenu. Or l'ajout de l'Assemblée nationale constitue un véritable déni de ce droit, que nous pouvons difficilement accepter et sur lequel il nous faut revenir.
Un étranger débouté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, ou par la Commission des recours des réfugiés, la CRR, peut se prévaloir de nombreuses raisons pour ne pas retourner dans son pays d'origine. D'ailleurs, la commission partage cet avis.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument, monsieur Frimat !
M. Bernard Frimat. Sur ce point, il n'y a pas de divergence entre nous.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 416.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Le paragraphe I de l'article 47 prend en compte la création de l'« obligation de quitter le territoire français » à laquelle nous sommes opposés. Nous avons déjà eu l'occasion de nous en expliquer.
En revanche, comme l'a judicieusement fait remarquer M. Frimat, le paragraphe II introduit par l'Assemblée nationale mérite que l'on s'y attarde un instant.
Il retire toute possibilité à l'étranger débouté de sa demande d'asile ou de la protection subsidiaire de contester la décision fixant le pays de renvoi sauf si les éléments qu'il invoque sont postérieurs aux décisions de l'OFPRA ou de la CRR.
Cette disposition, dont nous demandons purement et simplement la suppression, non seulement paraît inconstitutionnelle, mais de surcroît remet en cause certaines conventions auxquelles la France est partie. Elle empêche notamment l'étranger de se prévaloir de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
De plus, l'appréciation des risques par le juge administratif peut différer de celle des organes de détermination du statut de réfugié.
Enfin, la notion d'« éléments postérieurs » empêche de tenir compte de nouvelles preuves justifiant des éléments déjà présentés à l'appui de la demande d'asile ou de la protection subsidiaire.
Parce que nous estimons qu'il convient, en l'espèce, de préserver le droit à un recours effectif, nous vous proposons d'adopter notre amendement de suppression de l'article 47.
Je note que la commission, ainsi que des membres de l'UMP et du RDSE, proposent la suppression du paragraphe II de cet article.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
L'amendement n° 79 rectifié est présenté par MM. Portelli et Lardeux, Mme B. Dupont et M. Béteille.
L'amendement n 102 rectifié ter est présenté par MM. Pelletier, Barbier, A. Boyer, Delfau, Laffitte, Marsin, de Montesquiou, Mouly, Othily, Seillier et Thiollière.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. le président de la commission des lois, pour présenter l'amendement n° 52.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le paragraphe II, qui résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, prévoit que l'étranger est irrecevable à contester la légalité de la décision fixant le pays de renvoi s'il a été débouté de sa demande de reconnaissance de réfugié politique prévue à l'article L. 711-1 ou du bénéfice de la protection subsidiaire prévu à l'article L. 712-1 par l'Office de protection des réfugiés et apatrides ou par la Commission des recours des réfugiés, sauf si les éléments qu'il invoque sont postérieurs aux décisions de l'office ou de la commission .
Cet amendement procède en effet d'une confusion sur l'objet du recours contre une décision fixant le pays de renvoi. La reconnaissance de la qualité de réfugié n'est pas en jeu, c'est la protection prévue par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme qui est en cause. Or, de jurisprudence constante, le Conseil d'État considère que la décision de rejet définitif de l'OFPRA ou de la CRR n'exonère pas l'administration de l'obligation qui lui incombe de vérifier, lorsqu'elle désigne le pays de renvoi, si le choix de ce pays n'expose pas l'intéressé à un risque au titre de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.
C'est pourquoi nous proposons, comme d'autres de nos collègues, la suppression du paragraphe II de l'article 47.
Madame la présidente, je demande le vote par priorité de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l'amendement n° 79 rectifié.
M. Hugues Portelli. Je fais miens les arguments de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily, pour présenter l'amendement n° 102 rectifié ter.
M. Georges Othily. Nous demandons également la suppression du paragraphe II de l'article 47, afin que soit rétablie la possibilité de contester la décision fixant le pays de renvoi.
Cette faculté était prévue dans le projet de loi initial, puisque l'irrecevabilité de la contestation a été introduite à l'Assemblée nationale par voie d'amendement.
Dans un souci de justice et d'une meilleure prise en compte des droits de l'étranger, il est important de rétablir cette possibilité de contestation.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 214 et 416, qui tendent à supprimer totalement l'article, puisque le I est un paragraphe de coordination.
En revanche, la commission est évidemment favorable aux amendements nos 79 rectifié et 102 rectifié ter, qui sont identiques au sien.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le I de l'article n'est qu'un paragraphe de coordination avec les dispositions précédentes. Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression totale de l'article défendus par M. Frimat et par Mme Mathon-Poinat.
En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 52, 79 rectifié et 102 rectifié ter, qui tendent à revenir à la rédaction initiale du projet de loi.
Je tiens à rappeler que, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'avait pas été favorable à l'amendement présenté par M. Rivière, s'en remettant seulement à la sagesse des députés.
Depuis lors, comme vous, le Gouvernement a été sensibilisé à cette question de la recevabilité du recours contre la décision fixant le pays de renvoi et a entendu les arguments de plusieurs associations de défense des droits des étrangers. Je pense notamment à Amnesty International et à Forum réfugiés, qui nous ont convaincus de la nécessité de revenir à la rédaction initiale du projet.
Je remercie les auteurs des amendements nos 52, 79 rectifié et 102 rectifié ter. Quant à vous, monsieur Frimat, et vous aussi, madame Mathon-Poinat, je ne doute pas un seul instant que vous vous rallierez à leur position.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos52, 79 rectifié et 102 rectifié ter.
M. Bernard Frimat. Nous allons soutenir les amendements identiques, qui nous donnent en partie satisfaction. Nous aurions préféré la suppression complète de l'article, mais le retrait de l'adjonction de l'Assemblée nationale nous semble tout à fait positif.
Mme la présidente. Je mets aux voix par priorité les amendements identiques nos 52, 79 rectifié et 102 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 214 et 416.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 47, modifié.
(L'article 47 est adopté.)
Article 48
Le dernier alinéa de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Lorsque la décision fixant le pays de renvoi vise à exécuter une mesure de reconduite à la frontière, le recours contentieux contre cette décision n'est suspensif d'exécution, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 512-3, que s'il est présenté au président du tribunal administratif en même temps que le recours contre la mesure de reconduite à la frontière qu'elle vise à exécuter. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 215 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 417 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 215.
M. Bernard Frimat. Cohérence !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 417.
Mme Éliane Assassi. Cohérence !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 215 et 417.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 48.
(L'article 48 est adopté.)
Article 49
Dans l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « L'étranger », sont insérés les mots : « qui est obligé de quitter le territoire français ou ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 216 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 418 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 216.
M. Bernard Frimat. C'est un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 418.
Mme Éliane Assassi. Amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 216 et 418.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 49.
(L'article 49 est adopté.)
Article 50
Dans le 2° de l'article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « qui a fait l'objet », sont insérés les mots : « d'une obligation de quitter le territoire français ou ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 217 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 419 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 217.
M. Bernard Frimat. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 419.
Mme Éliane Assassi. Amendement de coordination !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 217 et 419.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 50.
(L'article 50 est adopté.)
Article 51
L'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans le 2°, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois », et après les mots : « n'ait pas cessé », sont insérés les mots : « depuis le mariage » ;
2° Le 3° est abrogé ;
3° Après le 5°, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui séjourne régulièrement en France depuis dix ans. »
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.
M. Bernard Frimat. Sur cet article, nous avons déposé deux amendements, qui seront présentés par Catherine Tasca, dont l'un tend à revenir sur un débat que nous avons déjà eu - et que nous aurons encore, sauf à lui trouver une issue favorable - sur le problème des jeunes enfants scolarisés de parents sans-papiers.
Comme vous avez pu le constater, madame la présidente, nous n'hésitons pas à faire avancer le débat lorsque nous le pouvons, notamment quand nous présentons des amendements de coordination, préférant le centrer sur les points « durs » et ne pas l'allonger à plaisir.
En l'occurrence, je m'efforcerai de ne pas dépasser mon temps de parole, tout en me réservant la possibilité d'intervenir à nouveau ultérieurement.
Nous souhaitons que les positions soient très claires et je vous ferai parvenir en temps opportun, madame la présidente, une demande de scrutin public.
À l'occasion de la discussion générale, j'ai attiré l'attention du ministre sur notre préoccupation profonde et l'émotion que suscite ce dossier, transcendant très largement les clivages politiques.
Tant qu'il en restait aux questions de flux ou de filières, le discours passait ; mais, dès lors qu'il s'est incarné en un enfant, que ses camarades de classe, les parents d'élèves, les professeurs ont vu subitement menacé d'expulsion, la réaction est devenue plus « charnelle », si vous me permettez l'expression, s'accompagnant d'un sentiment général de déchirement, et il n'était plus question alors d'appartenance à telle ou telle formation politique ou à telle ou telle fédération de parents d'élèves.
M. le ministre d'État nous a apporté une première réponse, à la tribune de cette assemblée, en annonçant une circulaire. Je vis toujours dans l'espoir qu'il reviendra nous dire qu'il fera mieux, car cette circulaire paraissait un peu restrictive au premier abord.
Aujourd'hui, nous en sommes non plus aux intentions, mais aux actes, puisque la circulaire a été publiée, le 13 juin dernier, et qu'elle contient déjà en elle-même sa propre disparition sachant que sa validité expirera le 13 août prochain.
Si je devais caricaturer ma pensée, je dirais que je préfère être irresponsable plutôt qu'inhumain, monsieur le ministre délégué. Quoi qu'il en soit, notre amendement n'est en rien irresponsable.
Je veux dire à quel point j'ai été frappé, comme ont dû l'être Jean-Noël Buffet, ainsi que Georges Othily, lors de notre visite au centre d'accueil de demandeurs d'asile de Miramas, où une mère de famille nous a dit avec bonheur que ses deux enfants scolarisés, arrivés depuis six mois, parlaient désormais parfaitement le français, se situaient en tête de leur classe et, surtout, avaient retrouvé la paix. Les éducateurs nous ont montré les dessins réalisés par ces enfants au moment de leur arrivée dans le centre, et toute l'horreur qu'ils exprimaient : combien elle tranchait avec le bonheur de la paix retrouvée ! Nous avons eu le sentiment d'un profond décalage.
Personnellement, je ne pourrai jamais comprendre pourquoi ces enfants constitueraient une menace pour la France.
Les deux médecins en poste dans la zone d'attente pour personnes en instance de Roissy sont tous deux d'origine étrangère, arrivés en France à l'âge de sept ou huit ans. Comme tous ces enfants, ils sont une chance pour la France.
Or la circulaire ne s'ouvre nullement sur un message d'accueil. Elle rappelle que la logique, c'est l'éloignement, et que le premier travail du préfet est de persuader les arrivants de repartir chez eux. Et on double la mise ! Quant aux possibilités de maintien sur le territoire, elles sont assorties de toute une série de conditions.
Monsieur le ministre délégué, pour éclairer la Haute Assemblée, pourriez-vous nous préciser si les critères sur lesquels se fonderont les préfets pour exercer leur pouvoir d'appréciation sont cumulatifs ou alternatifs, autrement dit si l'un d'entre eux suffit pour bénéficier d'un avantage qui, de toute manière, restera discrétionnaire et exceptionnel ?
Certes, on peut se réjouir de l'accélération du traitement des dossiers. Mais, si vous exigez, par exemple, la présence sur le territoire français depuis deux ans, ce critère venant s'ajouter aux autres, il jouera comme un couperet et aura des conséquences immédiates.
Après avoir entendu l'avis du ministre, nous aurons l'occasion de lui répondre en expliquant notre vote. Mais, comment vous dire, monsieur le ministre délégué ? Tous ici, nous avons notre histoire, nos références... Je ne puis en dire davantage.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 420, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Dans le 2° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « un ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'émotion de notre collègue Bernard Frimat nous touche, ainsi que les mots empreints de délicatesse qu'il a eus à l'endroit des enfants dont il a décrit la sérénité retrouvée.
Nous sommes tous très émus, et nous n'en avons que plus de force pour dénoncer l'article 51 qui prévoit, en coordination avec l'article 39, de remettre en cause les dispositions en vigueur tendant à protéger les étrangers contre une mesure d'expulsion.
Par cohérence avec nos amendements précédents, nous souhaitons en effet renforcer les dispositions du texte concernant la protection des conjoints étrangers de ressortissants français contre les mesures d'expulsion.
Le 1° de cet article porte de deux à trois ans la durée de mariage et de communauté de vie nécessaire pour qu'un étranger marié avec un ressortissant français soit protégé contre les mesures d'expulsion.
Faut-il le répéter, nous sommes opposés à cet allongement qui s'inscrit toujours dans la même logique, selon laquelle les étrangers se marient avec des Français par complaisance !
Cette disposition nous semble tout à fait disproportionnée eu égard au nombre de mariages blancs effectivement constatés. Permettez-moi d'illustrer à nouveau, par quelques chiffres, l'ampleur de l'amalgame que vous effectuez entre mariages mixtes et mariages blancs, nous le répéterons autant de fois qu'il le faudra.
Chaque année, environ 270 000 mariages sont célébrés en France, dont 45 000 mariages mixtes et 45 000 mariages célébrés à l'étranger. La quasi-totalité des mariages célébrés entre un ressortissant français et un ressortissant étranger sont transcrits sur les registres de l'état civil français.
L'ampleur de la fraude serait corroborée, selon vous, non seulement par l'augmentation du nombre de mariages mixtes célébrés à l'étranger, mais aussi par l'augmentation du nombre de signalements transmis au parquet par les services consulaires.
Or, sur environ 45 000 mariages célébrés à l'étranger en 2005, seulement 1 533 signalements de possibles mariages blancs ont été transmis. Je tiens à rappeler que ces signalements ne valent en aucun cas jugement d'annulation de mariage pour ce motif.
L'amalgame est donc total ! J'en veux pour preuve supplémentaire l'extrait suivant du rapport écrit de notre rapporteur : « S'il importe de ne pas jeter un doute systématique sur ces unions mixtes, celles-ci étant même une preuve forte d'intégration, la hausse très rapide du nombre de mariages mixtes célébrés à l'étranger doit nous alerter sur de possibles mariages de complaisance ou forcés. »
Il est vraiment temps de cesser de considérer que les étrangers se marient avec des ressortissants français uniquement pour obtenir des papiers, pour acquérir la nationalité française, et jouir ainsi d'une protection contre des mesures d'éloignement du territoire. À nos yeux, l'exigence d'une année de mariage suffit à la fois pour évacuer les soupçons de mariage blanc et pour protéger le conjoint contre une mesure d'expulsion.
Notre amendement vise donc à substituer à la durée actuelle de deux ans celle de un an, afin de supprimer celle de trois ans qui est prévue par le texte. Les conjoints étrangers de ressortissants français ont le droit de mener une vie familiale normale, au même titre que tous nos concitoyens.
Mme la présidente. L'amendement n° 218, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° et le 2° de cet article.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Les articles L. 521-2 et L.521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que certaines catégories d'étrangers bénéficient de protection contre l'expulsion.
Le premier de ces articles concerne les protections relatives et énumère cinq catégories d'étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'expulsion que pour des raisons liées à la sûreté de l'État et à la sécurité publique, ou s'ils ont été définitivement condamnés à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans.
L'article 51 du projet de loi introduit trois modifications.
Nous approuvons totalement la troisième d'entre elles, qui tend à créer une nouvelle catégorie de bénéficiaires d'une protection contre l'éloignement, en application de la directive 2004/38/CE, à savoir les ressortissants de l'Union européenne d'un autre État partie à l'Espace économique européen, la Norvège, l'Islande ou la Suisse.
En revanche, nous proposons, par cet amendement, de supprimer les deux premières modifications.
La première concerne les conjoints de Français qui devront désormais prouver trois ans, au lieu de deux ans, de vie commune en France depuis leur mariage.
Ma collègue Mme Assassi vient de réagir comme nous sur cette disposition. Tout au long de ce débat, nous avons tous insisté sur le critère « vie privée et familiale » et sur l'importance de la vie familiale pour créer les conditions d'un bon équilibre et d'une bonne intégration. Or, monsieur le ministre délégué, nous rendons toujours plus difficile l'accès à une vie familiale de qualité. Ne sommes-nous pas en pleine contradiction ?
En outre, en portant la durée de vie commune de trois à deux ans, vous ne tenez pas compte de l'évolution de la société, même si elle peut paraître regrettable. Aujourd'hui, en effet, bon nombre de couples, tant français qu'étrangers, se séparent malheureusement avant deux ans de vie commune ; nous en connaissons tous autour de nous. Ce n'est pas pour autant que nous condamnons le mariage et que nous considérons les époux concernés comme des « sous-citoyens ». Dès lors, que devient le conjoint étranger en cas de rupture de la vie commune avant que la condition des trois ans soit remplie ? C'est lui faire payer vraiment très cher un accident de la vie devenu courant.
Au surplus, cet allongement de la durée exigée sera inévitablement une source de chantage ou, en tout cas, de dépendance au sein des couples mixtes, ce que nous refusons.
Quant à la seconde modification dont nous proposons la suppression, elle vise les étrangers pouvant apporter la preuve qu'ils résident en France depuis plus de quinze ans : ils ne bénéficieront plus d'une protection contre la reconduite à la frontière.
Franchement, monsieur le ministre délégué, des personnes arrivées en France depuis plus de quinze ans sont, à l'évidence, intégrées et ont créé des liens dans le pays. Vous ne pouvez donc pas tout à la fois discourir sur le malheur des étrangers et supprimer leur protection relative contre l'expulsion.
Nous pouvons tous affirmer ici, sur l'ensemble des travées, notre attachement à l'intégration des étrangers dans notre pays. Et il n'y a pas trop d'étrangers dans notre pays : le problème n'est pas celui de leur nombre, mais bien plutôt celui des mauvaises conditions d'accueil et d'intégration que nous leur réservons.
Tout ce qui est de nature à favoriser l'intégration nous paraît positif pour ouvrir notre communauté nationale à l'apport des étrangers.
Si nous multiplions les obstacles, en particulier pour des personnes qui résident depuis longtemps déjà dans notre pays, nous sommes véritablement dans une contradiction fondamentale avec nous-mêmes.
Je le répète, il n'y a pas trop d'étrangers en France : il y a des étrangers qui y sont entrés irrégulièrement, et il y a des étrangers auxquels nous n'offrons pas les conditions d'une véritable intégration.
Dans les deux cas que vise l'article 51, celui des personnes résidant depuis plus de quinze ans dans notre pays et celui des conjoints de Français, nous ramons véritablement à contre-courant de notre propre objectif d'intégration, monsieur le ministre délégué. C'est un très mauvais signal qu'adresse la France à l'étranger.
Mme la présidente. L'amendement n° 219, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le 3° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Le mineur ou le jeune majeur inscrit dans un établissement scolaire, y compris pendant la période des vacances scolaires. »
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Nous abordons là, monsieur le ministre délégué, un sujet particulièrement actuel et douloureux auquel M. Frimat a consacré son propos.
Nous souhaitons que les mineurs ou les jeunes majeurs inscrits dans un établissement scolaire ne soient plus, y compris pendant la période des vacances scolaires, sous la menace d'une expulsion.
Vous avez constaté comme nous, car nous y sommes tous sensibles, que l'opinion dans notre pays est traversée par des tentations diverses sur cette question des étrangers. Néanmoins, ce qui s'est manifesté clairement ces derniers mois, c'est le net refus de nos concitoyens de voir des enfants saisis à la porte de l'école, à la veille des vacances, pour être expulsés de notre pays, où ils sont scolarisés parfois depuis de nombreuses années.
Il est si vrai que ce mouvement d'opinion est parvenu aux oreilles du Gouvernement que M. le ministre de l'intérieur a annoncé une mesure visant à adoucir le sort réservé à certains élèves enfants de sans-papiers. Toutefois, les conditions imposées pour bénéficier de cet assouplissement en atténuent considérablement la portée : la mesure ne vise en effet que les enfants les plus intégrés, n'ayant plus aucune attache avec leur pays d'origine, ayant fait toute leur scolarité en France et ne parlant que le français !
Je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre délégué, sur le fait que cette dernière condition a quelque chose non seulement de scandaleux, mais d'absurde.
Mme Catherine Tasca. Je le répète, monsieur le ministre délégué : c'est une condition absurde quand nous plaidons tous pour le plurilinguisme. Tout de même, conserver ses attaches avec sa famille d'origine, avec sa langue d'origine, cela ne devrait pas être un péché !
Nous devrions être fiers de constater l'effort que font des familles étrangères pour que leurs enfants accèdent à une instruction, à une éducation dans notre système éducatif. Au lieu de cela, nous les découragerions et, pis, nous les pousserions hors de nos frontières ?
Nous insistons beaucoup sur cet amendement n° 219, dont l'adoption donnerait à notre pays un visage plus ouvert que le texte qui nous est proposé.
Mme la présidente. L'amendement n° 421 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le 3° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels ou familiaux en France sont tels qu'une mesure d'expulsion porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit d'un amendement de coordination avec celui que nous avions présenté à l'article 39.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je rappelle que l'article 51 procède lui-même à une coordination et définit les catégories d'étrangers protégés contre les mesures d'expulsion. En effet, les articles 27, 28 et 24 du projet de loi modifiant les règles de séjour, il faut éviter de créer de nouveaux « ni-ni ».
En conséquence, nous sommes défavorables à l'amendement n° 420, puisque la question a déjà été traitée au cours de nos longs débats de cette semaine.
Nous avons également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 218.
Pour ce qui est de l'amendement n° 219, je rappelle que la circulaire est une nouveauté puisque, aux termes de la législation ancienne, les expulsions étaient possibles.
J'ai été extrêmement sensible, comme tous ici, aux propos de notre collègue M. Frimat. Il nous arrive à tous, en tant que parlementaires ou en tant qu'élus locaux, de nous adresser au préfet, voire au ministre. Certes, l'administration obéit à des règles, mais elle peut aussi être humaine, et elle l'est souvent. Poser des règles strictes est quelquefois plus dangereux, en fin de compte, que de laisser la possibilité de faire preuve d'humanité.
Nous rencontrerons toujours des situations qui n'entrent dans aucun des cadres prévus, du fait de leur complexité. La circulaire, qui a été longuement évoquée, et que le ministre rappellera peut-être, permet de résoudre les cas particuliers qui peuvent nous être soumis. L'avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement n° 219.
Il l'est également sur l'amendement n° 421 rectifié, qui, ainsi que l'a expliqué Mme Assassi, est un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'ai l'impression, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous confondons deux débats : l'article 51, qui ne concerne que les expulsions pour des raisons d'ordre public, n'a rien à voir avec la question que vous soulevez et que nous avons déjà largement abordée lors de l'examen des articles 24 et 24 bis. Il ne concerne en aucun cas les enfants.
Je voudrais vous répondre de manière dépassionnée.
D'abord, madame Tasca, je dois avouer qu'hier j'ai peut-être été sévère avec M. Sueur ; j'en étais même un peu malheureux, après.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'était même avant-hier !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Déjà ! Voilà bientôt deux semaines que nous sommes ensemble et, pour autant, nous restons tous passionnés par le sujet !
Quand on appartient à un gouvernement ou que l'on représente le peuple ou les élus de la France, comme vous le faites, mesdames, messieurs les sénateurs, on a au fond de soi-même un sens profond des responsabilités et de l'humain. Et voilà qu'un élu de la République, qu'un élu de la nation, se contente pour commenter une circulaire de reprendre la « une » d'un quotidien - peu importe lequel, et je n'en citerai pas le nom - sans se référer à la circulaire elle-même, alors que j'en avais donné une lecture détaillée ici même, puisque le ministre d'État m'avait demandé d'en faire l'annonce !
Cela explique que j'aie répliqué avec une certaine sévérité à M. Sueur, car j'avais le sentiment que son propos relevait quelque peu de la manipulation.
Certes, la manipulation était le fait plutôt du quotidien que de M. Sueur, et, s'il était là, je lui présenterais mes excuses. Mais votre collègue a préféré, manquant de rigueur, faire référence au journal, sans prendre la peine de vérifier le contenu de la circulaire dans le compte rendu des débats du Sénat, supposant que le journal disait vrai ; or il disait faux.
Vous-même, madame Tasca, reprenez la même référence. Je n'ai évidemment pas envie, quarante-huit heures après, de vous répondre de nouveau sur le même ton. Mais, je vous en conjure, ne vous faites pas le porteur d'un message qui est totalement faux ! À aucun moment la circulaire du ministre de l'intérieur ne prévoit que l'enfant étranger scolarisé en France ne devrait avoir aucun lien avec sa langue d'origine ou sa langue maternelle !
Mme Éliane Assassi. De quelle circulaire parlez-vous ? Il y en a eu trois versions !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Elle a été modifiée !
Mme Éliane Assassi. Elle a été transmise hier !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... le 14 juin au matin, signée le 13 juin par le ministre de l'intérieur. Je vous redonne lecture du passage concerné, ce qui me permettra par la même occasion de répondre à la question de M. Frimat :
« Dans le cadre de votre pouvoir d'appréciation, vous pourrez utilement prendre en compte les critères suivants :
« résidence habituelle en France depuis au moins deux ans à la date de la publication de la présente circulaire d'au moins l'un des parents ;
« scolarisation effective d'un de leurs enfants au moins, en France, y compris en classe maternelle, au moins depuis septembre 2005 ». Cela signifie que, même si tous les enfants ne sont pas scolarisés, il suffit qu'un seul le soit pour que tous soient pris en compte.
Je poursuis :
« naissance en France d'un enfant ou résidence habituelle en France d'un enfant depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans ;
« absence de lien de cet enfant avec le pays dont il a la nationalité ». Cela ne veut pas dire, madame Tasca, monsieur Frimat, qu'il ne doit avoir aucun lien avec sa langue, cela ne figure nulle part !
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, que signifie exactement cette phrase : « absence de lien de cet enfant avec le pays dont il a la nationalité » ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cela signifie que sa famille n'est pas là-bas, que son contexte social et familial ne crée pas un lien qui justifierait qu'il soit éduqué chez lui plutôt que dans notre pays, voilà ce que cela signifie ! En aucun cas il n'est fait référence à la langue, bien évidemment !
Mme Bariza Khiari. Dont acte !
Mme Catherine Tasca. Moi aussi !
Mme Catherine Tasca. Moi aussi !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'espère que grâce à cela - ou à cause de cela ! - je ne suis pas expulsable !
Mais j'achève la lecture des critères prévus par la circulaire :
« contribution effective du ou des parents à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis sa naissance ;
« réelle volonté d'intégration de ces familles, caractérisée notamment par, outre la scolarisation des enfants, leur maîtrise du français, le suivi éducatif des enfants, le sérieux de leurs études et l'absence de trouble à l'ordre public. »
J'insiste, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les mots : « dans le cadre de votre pouvoir d'appréciation ». Aussi, lorsque vous me demandez si ces critères sont cumulatifs ou si chacun peut être une condition suffisante, je vous répondrai que ce n'est ni l'un ni l'autre !
Mme Catherine Tasca. Ah !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous êtes suffisamment avisés et expérimentés pour me comprendre : la scolarisation effective depuis septembre 2005 doit de toute évidence s'accompagner de l'absence de trouble à l'ordre public, les deux vont bien sûr de pair. Il est cependant tout aussi évident que les conditions que je viens d'énumérer ne doivent pas être nécessairement toutes respectées pour que le préfet puisse prendre une décision positive : en ce sens, non, ces conditions ne sont pas cumulatives, et c'est bien pour cela qu'il est question de pouvoir d'appréciation.
Monsieur Frimat, j'essaie de vous parler avec mon coeur. Chacun de nous, dans l'exercice de ses responsabilités, que ce soit en tant que parlementaire, en tant qu'élu local ou comme membre d'un gouvernement, oui, chacun de nous a été confronté à des situations difficiles. Nous avons chacun notre histoire, comme vous l'avez rappelé avec beaucoup d'émotion tout à l'heure. Moi-même, j'ai quelques frissons en vous disant cela, parce que j'ai tant d'images en tête...
Chacun d'entre nous a pu être touché, à un moment ou à un autre de son parcours de responsable public, chacun a pu être confronté à une situation telle qu'il s'est dit que ce n'était pas possible, qu'il ne pouvait pas laisser faire, qu'il lui fallait trouver une solution. Et, sincèrement, ce n'est pas à cause de nos lois depuis 2002 ni de vos lois d'avant 2002 : c'était ainsi, la loi était ainsi !
Pour la première fois, sans doute grâce au débat, aux pressions, aux associations, à l'initiative d'un certain nombre d'élus ou de familles qui, dans des écoles, ont sensibilisé les responsables du gouvernement en place, pour la première fois, un ministre de l'intérieur adresse une circulaire aux préfets à ce sujet.
Il y a une quinzaine de jours, comme il le fait de manière régulière, le ministre de l'intérieur a réuni tous les préfets de France pour dresser un état des lieux de l'ensemble des problèmes et donner ses instructions. Le ministre d'État a annoncé à cette occasion qu'il adresserait aux préfets dans les prochains jours une circulaire, insistant sur la nécessité pour ces autorités, avant même la réception de ladite circulaire, d'étudier au cas par cas, de manière individualisée et dans un esprit de justice, les situations de ces familles de ressortissants étrangers en situation irrégulière dont les enfants sont scolarisés, ce qui pose des problèmes d'une nature particulière.
Le ministre d'État a également recommandé aux préfets de lui faire part de toutes les difficultés éventuelles qu'ils pourraient rencontrer avec les rectorats, les inspections académiques, les instances judiciaires administratives ou pénales. Il concluait en ces termes : « Nous ne laisserons personne sur le bord du chemin, chaque situation doit être étudiée ».
J'ai sous les yeux cette circulaire, longue de trois pages, qui précise les critères d'appréciation sur lesquels les autorités administratives doivent se fonder, mais les instructions du ministre d'État vont au-delà, puisqu'il demande aux préfets d'étudier la situation de chaque enfant, au cas par cas, avec mesure.
Il a été fait référence à deux élèves de la Sarthe.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En effet, c'est arrivé chez moi !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dès le lendemain, on ne parlait plus de cette affaire, car cette famille avait fait sa demande en Norvège et tout le monde est convenu que la convention de Dublin s'appliquait.
À partir du moment où l'autorité française avait pu s'assurer qu'il n'y avait aucun problème sur le plan humanitaire, puisque cette famille était censée être accueillie en Norvège et que nous étions tenus de respecter la convention de Dublin, il n'y avait plus de problème.
Mais quand les choses ne se passent pas ainsi, on apprécie la situation et on prend les mesures nécessaires, dont un certain nombre sont en oeuvre depuis plusieurs semaines.
Monsieur Frimat, c'est la première fois depuis des années qu'une telle initiative est prise par un ministre de l'intérieur. Des instructions très claires ont été données aux préfets pour régler tous ces problèmes, pour que chaque situation soit étudiée au cas par cas, afin que nous évitions tous les drames qui pourraient résulter de ces situations de détresse.
Nous nous sommes éloignés de l'article 51, certes, mais ce débat sur l'immigration et l'intégration était une opportunité qu'il fallait saisir, et je ne verrais aucun inconvénient à ce que cela se produise de nouveau, car nous nous sentons tous concernés par ce problème.
Vous l'avez abordé un peu plus au fond, madame Tasca, car vous aviez sans doute besoin de précisions ; j'ai essayé de vous les apporter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez convaincus que personne au sein du Gouvernement, et surtout pas le ministre de l'intérieur, ne souhaite que la situation d'un enfant étranger scolarisé dans notre pays puisse donner lieu à un drame familial, et nous y serons particulièrement vigilants.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, avec l'autorisation de M. le ministre délégué.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre délégué, vous avez fait un effort de clarification des termes de la circulaire. Mais il demeure une condition qui me paraît périlleuse parce que difficile à apprécier, c'est l'absence de lien avec le pays d'origine.
Nous connaissons le parcours des familles d'étrangers. Fort heureusement, elles laissent souvent derrière elles de la famille : des grands-parents, des fratries, des oncles, des tantes.
Puisque vous dites vouloir faire toute la lumière sur les conditions qui sont posées, j'affirme de nouveau que les termes « absence de liens avec le pays d'origine » me paraissent lourds de possibilités d'interprétation qui joueraient contre l'intérêt des étrangers.
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Tasca, vous qui êtes conseiller d'État honoraire, vous n'ignorez pas que la notion de lien avec le pays d'origine n'est pas étrangère à la jurisprudence du Conseil d'État. L'expression n'a pas été choisie au hasard, et vous savez ce qu'elle signifie. Si nous avons choisi de faire figurer ces termes dans la circulaire, c'est parce que nous étions tenus de le faire en vertu de la jurisprudence du Conseil d'État.
Pour ma part, je m'engage, au nom du ministre d'État, à ce que les préfets appliquent cette circulaire avec le discernement et l'humanité nécessaires, et je vous invite à interpeller le Gouvernement s'il ne respectait pas ses engagements.
Pour en revenir précisément aux amendements nos 420, 218, 219 et 421 rectifié, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre délégué, c'est moi qui vous ai parlé des enfants kurdes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je connais parfaitement les engagements qui nous lient sur le plan européen, mais que sont-ils face à la situation de ces deux enfants de trois et six ans que l'on est venu chercher à l'école pour les expulser ? Ce sont des pratiques qui hélas ! nous rappellent d'autres temps. Que les choses soient claires, nous ne les admettons pas.
Monsieur le ministre délégué, nombre des enfants qui sont scolarisés et qui n'ont pas de papiers parlent le français comme vous et moi. Nous en parrainons quelques-uns symboliquement et certains d'entre eux passent le baccalauréat en ce moment même.
Par conséquent, ne serait-ce que dans l'intérêt de notre pays, je me demande comment on peut admettre qu'ils soient expulsés au motif qu'ils auraient un lien avec leur famille dans leur pays d'origine, sans même parler du devoir de protection que nous avons envers ces enfants et ces jeunes...
M. Bernard Frimat. Ils sont une chance pour la France !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...qui ont été accueillis dans l'école de la République pour y suivre leur parcours scolaire, et jusqu'au baccalauréat pour certains !
Chacun peut avoir des liens avec sa famille où que ce soit, et peut-être y a-t-il parmi nous des sénateurs qui ont des liens avec une famille qui n'est pas française.
Il faut que les choses soient claires : ce parti pris de rejet, de méfiance en particulier à l'égard de jeunes qui sont scolarisés dans notre beau pays, est inadmissible !
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour achever sur ce thème des enfants et aller un peu au-delà, je précise que c'est en effet Mme Borvo qui a signalé le cas qui s'est produit au Mans, ma région natale, et j'ai eu ensuite reçu des appels téléphoniques à ce sujet.
Ce qui a beaucoup choqué, c'est qu'au lieu d'envoyer la mère accompagnée éventuellement d'un policier en civil, si l'on avait peur qu'elle ne disparaisse, on a dépêché deux agents de police en uniforme pour aller chercher à l'école maternelle deux enfants de trois et six ans !
Cela rappelle de très mauvais souvenirs...
Quant à la fragilité des enfants, on n'en a pas tenu compte, pas plus que des traumatismes que cette situation pouvait engendrer. Il y aurait donc beaucoup à dire sur cette affaire.
S'agissant de l'amendement n° 218, présenté par Mme Tasca, la mobilisation des Français pour des cas particuliers d'étrangers menacés d'être éloignés du territoire prouve à quel point notre pays est, fort heureusement, très ambigu dans ses relations avec les étrangers.
Oui, en général, on dit qu'il y a trop d'étrangers en France. Oui, on trouve qu'il y a, ici, un peu trop de Noirs, là, un peu trop d'Arabes. Mais, quand il s'agit de cas particuliers, ce n'est plus du tout la même chose. Dans le village, dans le quartier, autour de l'école, sur le lieu de travail, on apprécie les étrangers, on noue avec eux des liens de solidarité. C'est ce qui fait la richesse de notre pays et c'est pourquoi l'on ne peut pas mener n'importe quelle politique hostile aux étrangers en croyant que l'on va plaire à tous les Français, monsieur le ministre délégué !
De surcroît, tout le monde en France s'inquiète beaucoup, à commencer par les Églises. Ces dernières ont un poids considérable dans l'opinion publique ; même si la majorité des Français ne pratiquent plus, ils sont sensibles à l'opinion des Églises.
Je tiens à vous lire le communiqué que viennent de publier les Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine. Elles ont manifesté vendredi leur profonde préoccupation au sujet des menaces d'expulsion d'enfants sans papiers.
« Face au sort qui pourrait être réservé à ces jeunes personnes ou à leurs familles, le Conseil de l'Union des églises protestantes d'Alsace et de Lorraine a rappelé vendredi dans un communiqué son attachement au respect des personnes, surtout lorsqu'elles sont vulnérables. Convaincues de la force d'intégration réalisée par la culture et l'éducation et attachées aux valeurs familiales, les Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine ont fait appel à la sagesse et au coeur des pouvoirs publics face à ces situations dramatiques. »
Nous sommes satisfaits qu'une circulaire ait été envoyée aux préfets. Nous souhaitons qu'elle soit appliquée avec le plus d'humanité, le plus de largeur de vue et de coeur possible, mais sachez, monsieur le ministre délégué, que les Français dans leur village, dans leur ville, dans leur quartier, resteront très mobilisés. Et surtout ne croyez pas que votre politique soit aussi populaire que vous le pensez !
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Mme Borvo Cohen-Seat vient de le dire, effectivement nous parrainons des enfants. Pour ma part, je parraine une jeune fille qui vient d'avoir dix-huit ans et qui est élève dans ma circonscription. C'est une enfant brillante qui a eu un prix d'excellence.
Bien sûr, comme beaucoup d'autres, je suis sensible à son sort, elle vient de Tananarive et elle est visiblement, elle aussi, une pépite pour la France.
Toutes proportions gardées, monsieur le ministre délégué, avec cette affaire d'enfants, vous allez faire de beaucoup de nos concitoyens des « justes » de cette cause !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Gardez le sens des proportions, madame !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. À défaut de pouvoir me réjouir de la conclusion que notre débat ne manquera pas d'avoir, je me réjouis de sa tonalité.
Nous sommes devant un problème difficile. Je reconnais que notre amendement n'a pas été déposé au bon endroit, mais, si nous l'avions déposé plus tôt dans le texte, votre circulaire n'aurait pas encore été publiée. C'est mus par une sorte de prescience que nous avons donc permis au débat sur ce délicat problème de se tenir après le 13 juin ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous pouviez rédiger un article additionnel !
M. Bernard Frimat. Après ces considérations de pure technique parlementaire, j'en viens au fond de mon propos.
Nous n'allons pas multiplier les exemples à l'infini, tout le monde en connaît et je ne veux mettre personne en cause dans ses convictions.
Je m'interroge cependant sur la démarche que vous avez adoptée. Tout d'abord, la loi est modifiée - ce sera le cas dans quelques heures - et elle favorise d'abord l'aide au retour, quelle que soit l'histoire du jeune scolarisé. Pourtant, quand un jeune obtient le baccalauréat en France, c'est une chance pour notre pays et on ne doit pas lui demander de partir, même si, pour rendre ce départ encore plus attractif, la circulaire double le montant des aides au retour.
Par ailleurs, la carte « vie privée et familiale », accordant l'autorisation de travailler, permettra de régler un certain nombre de situations, ce dont nous nous réjouirons à chaque fois.
Reste que les préfets devront rendre des comptes sur le nombre de personnes ayant regagné volontairement leur pays et ayant bénéficié de l'aide au retour, sur le nombre de celles qui auront fait l'objet d'une régulation, le 15 juillet, le 15 août et le 1er septembre prochains. Les préfets doivent traiter les dossiers sous un mois et, en tout état de cause, avant la prochaine rentrée scolaire.
J'ai le sentiment que nous allons devoir faire preuve d'une très grande vigilance à partir du 13 août et que nous allons devoir essayer de protéger particulièrement les familles qui auront tenté, mais sans succès, d'obtenir une carte « vie privée et familiale ». En effet, à partir de cette date, elles seront en très grand danger. Je pense que nous nous comprenons !
Nous ne nous sommes pas convaincus au cours de ce débat qui, cependant, a été utile. Les déclarations du ministre délégué formulées en séance ont la valeur que nous savons tous. Le critère, flou, de l'absence de lien de l'enfant avec le pays dont il a la nationalité a été un peu précisé.
Bien évidemment, nous maintenons l'amendement n° 219 et nous demandons qu'il soit mis aux voix par scrutin public.
Permettez-moi de constater, en guise de conclusion, que, lorsqu'il travaille dans des conditions qui font une large part au dialogue et à l'écoute, et une écoute de qualité, si j'en juge aux moments que nous venons de vivre ensemble, le Parlement est pleinement dans sa fonction. (Mme Cerisier-ben Guiga applaudit.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 219.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 212 :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 149 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 169 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 421 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 51.
(L'article 51 est adopté.)
Article 52
Le 3° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;
2° Sont ajoutés les mots : « depuis le mariage ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 220, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de coordination, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 422, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Dans le 3° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le mot : « trois » est remplacé par le mot « deux ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 52.
(L'article 52 est adopté.)
Article 53
L'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre État membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent alinéa. »
Mme la présidente. L'amendement n° 423, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 53 est relatif à la procédure de réadmission des résidents de longue durée. Il complète l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à l'encontre des demandeurs d'asile et des étrangers en provenance d'un État faisant partie de l'espace Schengen.
Cette procédure permet de remettre aux autorités d'un État membre de l'Union européenne un étranger le plus souvent en situation irrégulière.
Cependant, elle est quelque peu particulière. N'étant pas une mesure de reconduite à la frontière, elle n'en a pas les mêmes caractéristiques procédurales. Elle n'a notamment pas d'effet suspensif. Elle présente donc bien peu de garanties pour l'étranger qui en fait l'objet.
L'argument de la transposition de la directive ne nous satisfait pas. Si une directive prévoit des droits inférieurs à ceux qui prévalent en droit national, rien ne devrait empêcher un État membre d'instaurer des garanties supplémentaires assorties à ces droits. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement tendant à supprimer l'article 53.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'agit de la transposition d'une directive. De surcroît, la procédure de réadmission s'applique. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 53.
(L'article 53 est adopté.)
Article 53 bis
Après l'article L. 531-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 531-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 531-4. - Est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur l'escorte de l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 qui transite par un aéroport métropolitain en vue de son acheminement vers le pays de destination en exécution d'une mesure d'éloignement prise par un des États précités à l'exception du Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni.
« Dans ce cadre, les prérogatives des membres de l'escorte sont limitées à la légitime défense et, dans le but de porter assistance aux autorités françaises, à un usage raisonnable et proportionné de la force. Ils ne disposent en aucun cas du pouvoir d'interpellation. »
Mme la présidente. L'amendement n° 424, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 53 bis est relatif à l'assistance au transit en cas d'éloignement d'un étranger par voie aérienne.
Son examen me donne l'occasion de parler des poursuites qui furent engagées à l'encontre de personnes s'étant opposées à l'expulsion d'étrangers au moment de leur embarquement à bord de l'avion.
Des passagers furent interpellés, placés en garde à vue et poursuivis pour entrave volontaire à la circulation ou à la navigation d'un aéronef.
Ces faits se sont produits alors que le nombre de charters reconduisant des sans-papiers dans leur pays était multiplié. Cette pratique inacceptable, qui, je le rappelle, est interdite par le protocole n° 4 de la convention européenne des droits de l'homme, n'en est pourtant pas moins devenue la norme pour ce qui concerne les expulsions d'étrangers.
Les conditions dans lesquelles se déroulent ces expulsions sont pour le moins contestables. La politique du Gouvernement étant de faire du chiffre à tout prix, nos craintes sont fondées quant au traitement des étrangers qui feront l'objet d'une expulsion.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le propos de Mme Assassi ne concerne pas directement l'article 53 bis, puisque, en l'occurrence, est en question la transposition de la directive du 25 novembre 2003. La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 53 bis.
(L'article 53 bis est adopté.)
Article 54
L'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans le 3°, après le mot : « auparavant », sont insérés les mots : «, ou devant être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal » ;
2° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° Soit, faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise en application du I de l'article L. 511-1 moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai d'un mois pour quitter volontairement le territoire est expiré, ne peut quitter immédiatement ce territoire. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 221 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 425 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 221.
M. Bernard Frimat. C'est un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 425.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 221 et 425.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 54.
(L'article 54 est adopté.)
Article 55
La première phrase de l'article L. 552- 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« L'étranger est astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par le juge. À la demande du juge, l'étranger justifie que le lieu proposé pour l'assignation satisfait aux exigences de garanties de représentation effectives. L'étranger se présente quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents au regard du lieu d'assignation, en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre délégué, cet article étend la possibilité d'assignation à résidence à la procédure d'obligation de quitter le territoire que vous voulez créer.
Cette possibilité était déjà prévue pour les reconduites à la frontière par l'article L.513- 4 du CESEDA. Elle concerne les étrangers qu'il est impossible de reconduire vers leur pays d'origine, où ils risqueraient leur vie, et que l'on ne peut reconduire vers aucun autre pays. En résumé, l'assignation est imposée aux étrangers que la France ne peut pas, pour des raisons matérielles, éloigner de son territoire.
Sans doute me rétorquerez-vous que cet article ne fait qu'adapter à la nouvelle procédure une mesure déjà existante ; toutefois, je tiens, pour ma part, à m'élever contre cette logique d'assignation à résidence pour les étrangers.
Les étrangers visés par un arrêté de reconduite à la frontière ou une obligation de quitter le territoire ne sont pas des criminels. Ce sont des personnes auxquelles l'administration n'a pas jugé bon d'accorder un titre de séjour, ce qui fait une grande différence !
L'assignation à résidence est une mesure qui, selon moi, devrait être prise par l'autorité judiciaire pour de stricts motifs d'ordre public. Or, en quoi des étrangers visés par un arrêté de reconduite à la frontière troublent-ils l'ordre public ?
Cette disposition tend à réprimer des étrangers qui ne peuvent être reconduits à la frontière pour diverses raisons, notamment parce qu'ils ne peuvent être renvoyés vers leur pays d'origine. Dès lors, pourquoi imposer à ces immigrés une assignation à résidence ?
L'article L.513- 4 du CESEDA précise, en outre, que cette assignation oblige les étrangers à résider dans des lieux fixés par l'administration et à se présenter périodiquement aux forces de police ou de gendarmerie. Par ailleurs, la violation de ces assignations est punie de trois ans d'emprisonnement.
Cette logique est cruelle, puisque aucune solution n'est prévue pour les étrangers qui ne peuvent être reconduits à la frontière. Or, s'ils ne peuvent être éloignés, resteront-ils soumis éternellement à l'assignation à résidence ?
La France devrait donc régulariser ces personnes, ou tout au moins apporter une solution plus humaine à leur situation. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste propose de supprimer cet article.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 222 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 426 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 222.
M. Bernard Frimat. Cet amendement vient d'être brillamment défendu par ma collègue Bariza Khiari.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 426.
Mme Éliane Assassi. L'article 55 modifie profondément le régime de l'assignation à résidence. Il prévoit, en effet, que l'étranger devra se présenter quotidiennement aux services de police ou de gendarmerie.
Un tel dispositif est, nous semble-t-il, particulièrement contraignant, tant pour les étrangers que pour l'administration elle-même, étant entendu que l'enregistrement quotidien des personnes assignées à résidence risque fort de représenter une lourde charge de travail supplémentaire.
J'ajoute que l'argument que nous avons développé sur l'article 54 est, en l'espèce, toujours valable : l'assignation à résidence, qui était présentée comme étant la norme, est devenue aujourd'hui une mesure exceptionnelle au détriment des droits fondamentaux des étrangers placés quasi-systématiquement en rétention.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de l'article 55.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission est défavorable à ces deux amendements, car il lui semble utile de renforcer les obligations pesant sur les étrangers qui font l'objet d'une assignation à résidence.
En effet, en 2005, sur 5 819 échecs à l'éloignement après placement en rétention, 452 sont imputables à un non-respect de l'assignation à résidence, ce qui n'est tout de même pas négligeable.
Il convient donc de prévoir le renforcement de l'obligation vis-à-vis de ces étrangers qui sont assignés à résidence.
Je rappelle, en outre, que l'assignation à résidence n'est pas la prison. Tout à l'heure, certains de nos collègues ont dressé un réquisitoire contre les centres de rétention, disant que certains étaient indignes, ce en quoi ils avaient raison. Or l'assignation à résidence est tout autre chose que la prison, et je ne crois pas que l'on puisse tenir deux langages contradictoires à une heure d'intervalle !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 222 et 426.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 55.
(L'article 55 est adopté.)
Article 56
Le premier alinéa de l'article L. 624- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Les mots : « ou d'une mesure de reconduite à la frontière » sont remplacés par les mots : «, d'une mesure de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français » ;
2° Après les mots : « interdiction du territoire », sont insérés les mots : « ou d'un arrêté de reconduite à la frontière pris, moins d'un an auparavant, sur le fondement du 8° du II de l'article L. 511- 1 et notifié à son destinataire après la publication de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 223 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 427 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 223.
M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 427.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 223 et 427.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 56.
(L'article 56 est adopté.)
Article 56 bis
I. - Au début de l'article L. 821- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « À titre expérimental, » sont supprimés.
II. - L'article L. 821- 6 du même code est abrogé.
La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Cet article, inséré dans le projet de loi par le biais d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, a été résumé par son auteur, M. Thierry Mariani, de la façon suivante : « Cet amendement a pour objet de pérenniser l'expérimentation autorisée pour deux ans par la loi du 26 novembre 2003 concernant la passation de marchés publics pour le transport des personnes retenues en centre de rétention administrative et maintenues en zone d'attente ».
L'article 56 bis entérinerait donc le fait que des personnes privées, bénéficiant de l'agrément adéquat, peuvent être chargées de cette tâche.
Nous ne sommes pas favorables à cette disposition qui semble aller dans le sens d'une privatisation toujours accrue de la justice et, plus généralement, des missions régaliennes de l'État.
Or, c'est l'État, de par ses propres services, et non par délégation à des sociétés privées, qui doit remplir cette mission et garantir le respect des droits de ces personnes, voire de ces familles, qui arrivent la plupart du temps dans une situation de précarité extrême.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste souhaite l'abrogation des articles L. 821- 1 et L. 821- 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 428, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen- Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'amendement qu'a voté l'Assemblée nationale tendait à pérenniser le dispositif concernant la passation des marchés publics pour le transport des personnes retenues en centre de rétention administrative.
Si, en 2003, il avait été jugé opportun de mettre en place ce dispositif à titre expérimental, c'était précisément - conformément, d'ailleurs, à un discours que l'on entend souvent - pour pouvoir en mesurer l'application concrète dans le temps.
Or aucune évaluation de ce dispositif n'a été possible, ce dernier n'ayant jamais été mis en place dans les faits. M. le rapporteur admet d'ailleurs lui-même que le décret d'application de cette disposition n'est intervenu que tardivement et il souligne qu'il n'a pu obtenir aucune information sur un premier bilan de cette expérimentation - je ne crois pas ici dénaturer les termes du rapport de la commission.
La pérennisation de ce dispositif paraît donc totalement injustifiée au vu des éléments que je viens d'exposer.
Dès lors, monsieur le ministre délégué, sauf à nous dire que vous envisagez la mise en place d'une nouvelle procédure expérimentale, nous ne pouvons pérenniser un dispositif expérimental qui n'a pas été expérimenté !
Mme la présidente. L'amendement n° 224, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les articles L. 821- 1 et L. 821- 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement a été défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 53, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 821- 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 821- 6 - Les marchés prévus à l'article L. 821- 1 peuvent être passés à compter de la promulgation de la loi n° du relative à l'immigration et à l'intégration dans un délai de deux ans et pour une durée n'excédant pas deux ans. »
La parole est à M. le président de la commission des lois, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 428 et 224.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est avec plaisir que je fais observer à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat qu'elle a au moins été entendue par la commission des lois.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela arrive !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il arrive en effet que nous ayons les mêmes idées, ma chère collègue !
L'amendement n° 53 tend à prolonger l'expérimentation en matière de transfert à des entreprises privées des missions de transport des étrangers placés en rétention et maintenus en zone d'attente.
D'ailleurs, je rappelle qu'en 2003 le Sénat avait tenu à ce que cette faculté fasse l'objet d'une expérimentation.
L'article 56 bis du projet de loi tend à pérenniser celle-ci, alors qu'aucune évaluation n'est disponible. C'est la raison pour laquelle la commission propose de prolonger la durée de l'expérimentation avant d'en tirer les conclusions définitives.
S'agissant des amendements nos 428 et 224, la commission y est évidemment défavorable.
J'ajoute, madame la présidente, que je demande la priorité pour le vote de l'amendement de la commission.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 53 ainsi que sur les amendements nos 428 et 224 ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable au premier et défavorable aux deux autres.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 56 bis est ainsi rédigé et les amendements nos 428 et 224 n'ont plus d'objet.
Article 57
I. - Dans le 2° de l'article 131- 30- 1 du code pénal, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois », et après les mots : « n'ait pas cessé », sont insérés les mots : « depuis le mariage ».
II. - Dans le 3° de l'article 131- 30- 2 du même code, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre », et après les mots : « n'ait pas cessé », sont insérés les mots : « depuis le mariage ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 225 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 429 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 225.
M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 429.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. L'amendement n° 430, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I - Dans le 2° de l'article 131- 30- 1 du code pénal, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « un ».
II - Dans le 3° de l'article 131- 30- 2 du même code, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit d'un amendement de repli.
Nous souhaitons mettre l'accent sur la protection particulière contre la double peine qu'il convient d'accorder aux étrangers conjoints de Français.
La réforme de la double peine était présentée, à l'époque, par le ministre de l'intérieur comme un « acte de justice ». Il affirmait, à cet égard, que le fait d' « être arraché à ses enfants français, parce que nés en France, de son épouse française, est un acte cruel qui n'a rien à voir avec le droit pénal. Aucune autre sanction pénale n'est aussi grave. »
Or, aujourd'hui, nous assistons à l'enterrement pur et simple de cette réforme.
Je n'hésite donc pas à dire que les conjoints de Français ne sont plus protégés contre une peine d'interdiction du territoire.
Attendre trois ans, voire quatre ans, dans le cadre d'une protection relative du conjoint après le mariage et faire en sorte que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis celui-ci, compte tenu du parcours du combattant que devra faire le conjoint pour obtenir un titre de séjour, revient à rendre cette protection hypothétique.
C'est pourquoi nous entendons réduire ce délai à un an dans le cas de l'application de l'article 131- 30- 1 du code pénal et à deux ans dans le cas de l'application de l'article 131- 30- 2 du même code.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par coordination, la commission est défavorable à ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet, comme la commission, un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 225 et 429.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 57.
(L'article 57 est adopté.)
Article 58
I. - Il est inséré, dans la section 2 du chapitre II du titre II du livre II du code de justice administrative, un article L. 222- 2- 1 ainsi rédigé :
« Art. L. 222- 2- 1. - Le président du tribunal administratif peut désigner un magistrat administratif honoraire choisi parmi les magistrats inscrits, pour une durée de trois ans renouvelable, sur une liste arrêtée par le vice-président du Conseil d'État, pour statuer sur les litiges relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière. »
II. - L'intitulé du chapitre VI du titre VII du livre VII du même code est ainsi rédigé : « Le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière et des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français ».
III. - L'article L. 776- 1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 776- 1. - Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ainsi que contre les décisions relatives au séjour lorsqu'elles sont assorties d'une obligation de quitter le territoire français obéissent, sous réserve des dispositions des articles L. 514- 1, L. 514- 2 et L. 532- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux règles définies par les articles L. 512- 1 et L. 512- 2 à L. 512- 4 du même code. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 226 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 431 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 226.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 58 prévoit de confier à des magistrats honoraires le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière et des obligations de quitter le territoire français.
Il ne s'agit là encore, je tiens à le dire, que d'un pansement qui ne saurait en aucune manière soigner les maux que connaît aujourd'hui la justice ni remédier aux dysfonctionnements du système judicaire. Ce pansement est destiné à pallier la pénurie de magistrats tant de l'ordre judiciaire que de l'ordre administratif.
La justice a besoin de moyens financiers importants, monsieur le ministre délégué, et non de la généralisation de « sous-procédures », de « sous-magistrats », ou encore de « sous- système » qui ne font que contribuer à la mise en place d'une justice à double vitesse, ce qui est inacceptable.
Par ailleurs, cette mesure ne constitue pas une véritable garantie pour les droits des étrangers.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de l'article 58.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 431.
Mme Éliane Assassi. L'article 58 s'inscrit dans la suite logique de la réforme du contentieux des étrangers telle qu'elle est prévue dans le projet de loi.
Dans le but de désengorger les tribunaux, le Gouvernement envisage d'attribuer compétence aux magistrats honoraires pour statuer sur les arrêtés de reconduite à la frontière et les obligations de quitter le territoire français.
Selon nous, cet article entérine la mise en place du juge unique au mépris, une fois de plus, du principe de la collégialité ; c'est pourquoi nous en demandons la suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 432, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 222- 2- 1 du code de justice administrative, après les mots :
« Conseil d'État », insérer les mots :
« pris sur proposition du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission est défavorable à ces amendements pour les raisons que j'ai exprimées précédemment concernant les magistrats honoraires.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 226 et 431.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 58.
(L'article 58 est adopté.)
Article 58 bis
I. - Le septième alinéa de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par les mots : « ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale ».
II. - Le septième alinéa de l'article 131- 30- 2 du code pénal est complété par les mots : « ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale ». - (Adopté.)
Article 58 ter
Pour l'application des dispositions du II de l'article 86 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, lorsqu'un étranger établit qu'il a présenté, avant le 31 décembre 2004, une demande tendant à l'abrogation d'un arrêté d'expulsion dont il a fait l'objet et n'a pas quitté le territoire français pendant une période de plus de trois ans durant les dix années précédant le 30 avril 2003, la condition de résidence habituelle en France mentionnée au premier alinéa du même II est réputée satisfaite.
Dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, les étrangers qui, ayant présenté une demande en ce sens avant le 31 décembre 2004, ont vu leur demande d'abrogation rejetée, sont recevables à présenter une nouvelle demande auprès de l'autorité administrative compétente.
Mme la présidente. L'amendement n° 511 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Pelletier, Mercier, Béteille et Haenel, est ainsi libellé :
A. - Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
I. - Par dérogation aux dispositions du I de l'article 86 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, lorsqu'un étranger qui a présenté, avant le 31 décembre 2004, une demande tendant au relèvement de plein droit de la peine complémentaire d'interdiction du territoire à laquelle il a été condamné postérieurement au 1er mars 1994 et établit qu'il n'a pas quitté le territoire français pendant une période de plus de trois ans durant les dix années précédant le 30 avril 2003, la condition de résidence habituelle en France mentionnée au premier alinéa du même I est réputée satisfaite.
Dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi, les étrangers qui, ayant présenté une demande en ce sens avant le 31 décembre 2004, ont vu leur demande de relèvement rejetée, sont recevables à présenter une nouvelle demande auprès de l'autorité judiciaire compétente.
B. - En conséquence, faire précéder le texte de cet article de la mention :
II. -
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Cet amendement, important, se justifie par son texte même.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission émet un avis favorable.
Cet amendement tend à compléter judicieusement l'article 58 ter. En effet, il a pour objet de rouvrir la procédure de réexamen des mesures d'expulsion prises avant la loi de novembre 2003, qui auraient relevé de la législation sur la double peine si cette dernière avait existé alors.
Grâce à cet amendement, la double peine ne s'appliquera plus aux interdictions du territoire.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement, dont les auteurs, et je veux les en remercier, affirment leur volonté d'une meilleure justice et d'une plus grande clémence. D'ailleurs, je ne doute pas un seul instant que cet amendement sera adopté à l'unanimité par le Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je ne veux pas reconnaître à M. le ministre délégué des talents de devin, sauf à devoir désormais dissimuler nos positions pour pouvoir bénéficier d'un raisonnement a contrario ! (Sourires.)
En l'espèce, cet amendement vise à réparer une injustice, qui peut s'assimiler de près ou de loin à une double peine.
De surcroît, il y a, au fond de l'argumentation d'Hugues Portelli, comme un relent de régularisation des étrangers au bout de dix ans de présence en France qui nous semble particulièrement sympathique. Ne serait-ce que pour cette raison, inavouée, mais tout à fait perceptible, nous voterons cet amendement !
Toutefois, monsieur le ministre délégué, je n'engage que le groupe socialiste, pas l'ensemble des sénateurs, et je n'ai pas votre don de divination ! (Nouveaux sourires.) Pendant toute cette après-midi, l'indépendance de chaque groupe s'est appréciée à l'aune de sa liberté de vote. Je me garderai donc bien de faire un pronostic sur le sort qui sera réservé par la Haute Assemblée à l'amendement de M. Hugues Portelli.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 511 rectifié bis.
(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 58 ter, modifié.
(L'article 58 ter est adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES À LA NATIONALITÉ
Article additionnel avant l'article 59
Mme la présidente. L'amendement n° 433, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les 1° et 2° de l'article 21-12 du code civil sont ainsi rédigés :
« 1° L'enfant qui est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
« 2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État, soit par un étranger résidant en France depuis cinq ans au moins. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues, je sens que je vais vous agacer.
M. Christian Cointat. Mais non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement tend à reprendre une proposition de loi relative à la protection des jeunes étrangers scolarisés que mes amis et moi-même avons déposée sur le bureau du Sénat.
Naturellement, nous avions pris cette initiative avant les déclarations et la circulaire de M. le ministre de l'intérieur, qui permettront des régularisations au cas par cas. Toutefois, malgré cette circulaire, qui touchera d'ailleurs un nombre restreint d'enfants et de jeunes, cette proposition de loi nous semble toujours d'actualité.
Je précise, pour la bonne compréhension du débat, que je distingue les enfants, d'une part, et les jeunes ou les mineurs, d'autre part, même si, aux termes de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, un individu est un enfant jusqu'à l'âge de 18 ans.
Il nous semble que les enfants et les mineurs ne sont pas suffisamment protégés par la législation en vigueur. Certes, des circulaires ont été prises, mais elles n'ont pas force de loi.
Pourtant, je le rappelle, ce problème concerne des élèves ou des enfants que rien ne distingue de leurs camarades, sauf que leur vie est gâchée, et souvent depuis longtemps. Quand ceux qui ont été scolarisés jusqu'à 18 ans atteignent leur majorité, les autorités refusent de leur accorder le titre de séjour qui leur permettrait de vivre normalement avec leur famille.
J'évoquais tout à l'heure le cas d'un jeune garçon qui passe le bac en ce moment et qui avait conclu un engagement pour travailler pendant les vacances. En effet, comme il faut bien vivre, de nombreux jeunes dans ce pays cherchent un emploi pendant les vacances. Et n'allez pas me dire qu'ils prennent la place des chômeurs !
Un patron était donc d'accord pour embaucher ce jeune pendant les vacances, mais malheureusement, il lui a demandé une pièce d'identité. Faute de pouvoir en produire une, le jeune ne peut pas travailler et n'a plus qu'à se cacher. Tant pis pour lui !
Je ne vous raconte pas cette histoire pour vous faire pleurer car, de toute façon, je n'y arriverai pas, mais parce qu'il y a là, me semble-t-il, un terrible gâchis.
Oui, la différence entre les jeunes que j'évoque et leurs camarades de classe, c'est que leur vie n'est pas drôle, et qu'elle est même souvent gâchée, comme je le disais.
Certes, d'autres élèves et leurs parents se mobilisent souvent pour leur venir en aide. En effet, comme le soulignait notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga, beaucoup de gens qui ne se font pas une idée très nette de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, ou qui, à mon avis, n'en discernent pas toutes les implications, se mettent en quatre quand se trouve concerné leur voisin ou quelqu'un qui leur est proche, par exemple le copain de leur enfant, le fils de leur voisine, qu'ils rencontrent tous les jours à la porte de l'école, ou encore le petit ami de leur fille ou la petite amie de leur fils. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga acquiesce.)
On ne le dira jamais assez, la mobilisation de Réseau Éducation sans frontières est à l'honneur des enseignants qui ont créé cette association et des relais qu'ils ont su trouver.
Certes, la circulaire qui vient de paraître permettra peut-être de régler quelques cas particuliers. Toutefois, avec notre proposition de loi, le législateur affirmerait fortement que la République française accorde à ces jeunes un statut précis et protecteur.
En l'occurrence, il s'agirait d'offrir la nationalité française aux jeunes s'ils sont recueillis en France et élevés par une personne de nationalité française, s'ils ont été confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ou encore s'ils ont été recueillis en France et élevés dans des conditions leur ayant permis de recevoir en France une formation, soit par un organisme public, soit par un organisme privé, soit par un étranger résidant en France depuis cinq ans au moins.
Si notre amendement était adopté, nous ne constaterions plus ces situations inacceptables, préjudiciables à des enfants qui méritent de recevoir de la France considération, respect et amitié.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, nous ne débattons plus à présent de la résidence des étrangers, mais de l'acquisition de la nationalité française. C'est une modification du code de la nationalité qui nous est ici proposée.
Madame Borvo Cohen-Seat, s'agissant tout d'abord du cas que vous avez évoqué, je ne comprends pas que l'on fasse si peu dans notre pays la promotion de l'acquisition de la nationalité. En effet, je le rappelle, de nombreux jeunes peuvent devenir Français, dès l'âge de treize ans, par simple déclaration et sous la condition d'une résidence d'une durée de cinq années. Or, certains d'entre eux l'ignorent, ce qui me semble regrettable, car demander et obtenir la nationalité française constitue tout de même, à ma connaissance, la meilleure façon de s'intégrer.
Ce qui fait l'originalité du droit des étrangers de notre pays, c'est un mode d'acquisition de la nationalité, qui, je le rappelle, est l'un des plus généreux du monde.
M. Christian Cointat. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame Borvo Cohen-Seat, vous souhaitez supprimer les conditions de durée - trois ou cinq ans, selon les cas - qui s'appliquent aujourd'hui aux enfants recueillis en France. La commission n'a pas souhaité que l'on modifie sur ce point le code de la nationalité, et elle a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 433.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 59
Les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration, la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
« Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage.
« Le conjoint étranger doit en outre justifier d'une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il est étonnant, et même choquant, de devoir aujourd'hui débattre des modalités qui régissent l'acquisition de notre nationalité dans le cadre d'un texte qui est fondamentalement une loi de police. En effet, nous sommes nombreux à penser que le droit de la nationalité relève d'un ordre beaucoup plus élevé que la simple police.
Toutefois, il faut reconnaître que l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger d'un Français fluctue au gré de l'état moral de notre pays, de ses besoins démographiques et des conceptions relatives à la place des femmes et des hommes dans la société.
Je ferai un bref rappel historique, qui permettra de mettre en perspective notre débat d'aujourd'hui.
Aux termes de la loi des 30 avril et 2 mai 1790, la France optimiste des débuts de la Révolution fait de l'étranger de sexe masculin marié à une Française un « citoyen actif », doté à ce titre du droit de vote, après cinq ans de séjour continu en France. Cette disposition est reprise par les constitutions révolutionnaires successives.
Avec le code civil, le ton change. C'est désormais l'étrangère qui devient française automatiquement quand elle épouse un Français, qu'elle le veuille ou non, car le mariage dans le cadre du code civil l'assujettit totalement à son mari, pour la nationalité comme pour les autres aspects de sa vie. Ce principe de l'unicité de la nationalité dans le mariage prévaut de 1803 à 1927.
En 1927, une nouvelle loi est adoptée. Si le mariage ne modifie en rien la nationalité de l'époux étranger, en revanche l'épouse d'un Français doit demander la nationalité lors de la célébration de cette union.
L'interprétation de ce texte n'est pas facile, il faut le souligner. La faculté offerte à la femme de demander la nationalité française est-elle une première reconnaissance de l'autonomie civile des femmes, ou s'agit-il d'un aspect de cette méfiance envers les étrangers qui monte à la veille de la sombre décennie 1930-1940 ? La question reste posée.
En 1945, changement de cap ! Le temps est à l'assimilation : rien ne change pour l'époux étranger, mais l'épouse étrangère devient automatiquement française à la date de son mariage, même si on lui permet tout de même de refuser cette nationalité.
En 1973, la montée de l'exigence de l'égalité entre hommes et femmes permet de mettre en place les fondements du droit aujourd'hui en vigueur en matière d'acquisition de la nationalité française par les époux.
Après un an de mariage, l'époux ou l'épouse étranger bénéficie d'une procédure de naturalisation simplifiée, la déclaration, dont les modalités ont varié, puisqu'elles ont été modifiées en 1984, en 1993, en 1998 et en 2003. Et voilà que nous les modifions de nouveau en 2006 ! On ne peut pas dire que la loi soit particulièrement stable en ce domaine.
Quelle est la motivation affichée du législateur de 2006 ? Il s'agit bien entendu de lutter contre le détournement du mariage aux fins d'acquisition frauduleuse de la nationalité française, plus particulièrement par les couples qui résident à l'étranger.
Mes chers collègues, ce n'est pas moi qui affirmerai que ce phénomène n'existe pas. Les mariages détournés de leurs fins matrimoniales sont une réalité, nous le savons. Nous ne sommes pas aveugles et ne voulons pas jouer les autruches. Les mariages forcés existent également aussi dans certains pays.
Toutefois, rapporté au total des unions binationales célébrées en France et à l'étranger, le nombre des mariages blancs est faible.
Je viens de demander les chiffres du consulat de Tunis, qui est soumis à une forte pression migratoire, comme on dit. Je vous les livre : sur 3 000 mariages transcrits en 2005, seuls 205 ont été jugés suspects par le consulat, et moins de cent ont fait l'objet d'une réquisition en annulation par le parquet de Nantes.
Au total, au service central d'état civil de Nantes, dont j'ai également réclamé les chiffres, sur 1 500 signalements réalisés par les consulats, moins de la moitié ont donné lieu à des réquisitions.
En outre, le parquet estime que, parmi ces réquisitions, soit moins de 750 affaires, la moitié seulement donneront lieu à un refus de transcription des actes de mariage. En effet, ces dossiers contiennent beaucoup trop d'éléments subjectifs pour que les magistrats statuent contre la transcription.
Par conséquent, l'allongement à quatre ans de la période probatoire de vie commune et à cinq ans si le conjoint réside à l'étranger - nous aurons l'occasion de revenir sur ce point précis - est une mesure qui n'aura réellement aucune incidence sur les quelques acquisitions frauduleuses de nationalité française que nous pouvons déplorer. En effet, si feindre la vie commune pendant deux ans est déjà difficile, comment y parvenir pendant quatre ou cinq ans ? Il faudrait être particulièrement retors, menteur, tricheur et capable de fabriquer en permanence des faux papiers ! Je suis peut-être naïve, mais cela me paraît assez inimaginable.
En fin de compte, l'adoption d'une telle mesure reviendra à priver pour longtemps les 90 000 familles binationales qui se forment chaque année de l'unicité de nationalité, laquelle est de plus en plus nécessaire à leur sécurité juridique. Je reviendrai d'ailleurs également sur ce point.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 227 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 249 rectifié est présenté par MM. Delfau, Baylet, A. Boyer, Collin et Fortassin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 227.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous proposons la suppression de l'article 59, car il va à contre-courant de l'ouverture internationale de la France.
Cumulée à tous les autres obstacles dressés dans ce texte et dans le projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, la disposition prévue dans cet article 59 va en effet porter atteinte aux 90 000 familles binationales qui se constituent chaque année.
Je le rappelle, la loi du 29 novembre 2003 avait déjà introduit une première discrimination, en portant la durée probatoire de vie commune avant la déclaration de nationalité du conjoint étranger à deux ans pour les couples résidant en France et à trois ans pour les couples résidant à l'étranger. Avec ce texte, la durée de vie commune passerait à quatre ans pour les premiers et à cinq ans pour les seconds.
Depuis 2003, il n'est plus tenu compte de la présence d'enfants communs pour vérifier que le mariage a bien été contracté à des fins matrimoniales, alors qu'elle constitue en principe une preuve importante.
Si nous ajoutons à ces nouvelles durées de quatre et cinq ans l'allongement à deux ans du délai d'opposition ouvert au Gouvernement, qui est prévu par l'article 60, nous aboutissons, au minimum, à six ou sept années de privation d'unicité de nationalité pour une famille. J'insiste sur cette notion, car, en général, elle n'est pas comprise par les couples qui en bénéficient d'une façon naturelle. L'unicité de nationalité, c'est-à-dire le fait que parents et enfants ont tous une nationalité commune, est un élément essentiel de stabilisation et de consolidation pour une famille binationale.
En définitive, monsieur le ministre, les acquisitions de nationalité française par les conjoints étrangers vous font peur. Or, en 2005, sur 90 000 mariages binationaux célébrés, il y a eu 33 000 acquisitions par déclaration, soit à peine un tiers des conjoints étrangers qui auraient pu y prétendre. Il n'y a donc pas un déferlement de demandes de nationalité française ! Cela étant, la moitié des conjoints étrangers sont maghrébins : est-ce cela qui gène ? Les acquisitions de nationalité par le mariage ont concerné 2 900 Américains et 3 500 Asiatiques l'année dernière. Celles-ci sont-elles un danger pour la France ?
Par ailleurs, près de 80 % des « acquérants » ont moins de quarante ans, avec à peu près autant d'hommes que de femmes : est-il suspect de demander la nationalité à quarante ans, lorsque l'âge moyen des mariés est d'environ trente ans ? Je n'en ai pas l'impression ! Est-ce la répartition à peu près égale entre hommes et femmes qui pose problème ? N'est-ce pas, au contraire, une chance pour la France, dont les enquêtes nationales et internationales montrent le vieillissement, de voir ainsi sa population se rajeunir et se renouveler par l'arrivée de jeunes adultes ?
Par cette discrimination envers les familles qui résident à l'étranger, nous assistons à un véritable déni de la dignité de ces Français de plus en plus mobiles, qui participent grandement à accroître le rayonnement culturel de la France et à développer ses échanges économiques.
Une telle disposition est d'autant plus offensante envers les Français de l'étranger et leurs conjoints que l'acquisition de la nationalité par le mariage concerne un nombre infime de personnes : il y a eu, l'année dernière, 4 % seulement de déclarants, soit moins de 1 300 personnes. Objectivement, où est le danger ? S'il y a un fantasme, il n'y a en tout cas aucun danger !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous rejetons ce report excessif du droit à souscrire une déclaration de nationalité française après le mariage. Nous rejetons cette discrimination renforcée contre les Français établis à l'étranger et l'atteinte plus générale portée à la sécurité juridique - j'insiste sur ces termes - des familles binationales dans leurs relations avec l'État français.
M. Bernard Frimat. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 249 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 434, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil :
« L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint ait conservé sa nationalité.
« Le délai d'un an est supprimé lorsque naît, avant ou après le mariage, un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints, si les conditions relatives à la communauté de vie et à la nationalité du conjoint français sont satisfaites.
« La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a pour objet de revenir à la rédaction initiale de l'article 21-2 du code civil issue de la loi du 16 mars 1998 relative à la nationalité et à ramener à un an le délai au terme duquel le conjoint étranger ou apatride d'un ressortissant français peut demander la nationalité française.
Je partage ce qui vient d'être dit par Mme Cerisier-ben Guiga ; je n'entrerai donc pas dans le détail. L'extension à quatre ans de ce délai fait peser sur les couples concernés une suspicion tout à fait déplacée. De plus, une telle mesure est nuisible à la construction de nouvelles unions. Elle n'est donc pas de nature à encourager l'intégration de toutes ces personnes à la vie de la cité.
Encore une fois, vous vous empêtrez dans vos contradictions. Vous les assumer, bien évidemment, mais cela nous prouve que vous tenez un discours d'affichage. D'un côté, vous ne cessez de répéter que le droit de séjourner sur le territoire français se mérite, qu'il faut être très bien intégré et respecter les principes et les lois de la République. De l'autre, vous mettez une multitude d'obstacles devant les personnes désireuses de s'intégrer. En définitive, vous ne croyez pas vous-mêmes ce que vous dites !
Mme la présidente. L'amendement n° 134 rectifié bis, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Duvernois, Ferrand et Guerry, Mmes Kammermann et Brisepierre, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Les Français vivant à l'étranger sont victimes au quotidien de discriminations considérables, et ce dans tous les domaines. Je pourrais passer des heures à vous les énumérer, mais je vous en ferai grâce !
Or, s'il est un domaine dans lequel de telles discriminations pourraient être évitées, c'est bien l'accès à la nationalité française pour les conjoints étrangers, puisque celui-ci n'est pas régi par le principe de l'application territoriale de la loi, qui est à l'origine de tous ces problèmes.
Cet amendement a véritablement pour but de mettre un coup d'arrêt à cette discrimination : pourquoi, en effet, demander aux conjoints étrangers de Français vivant hors de notre pays d'attendre un an de plus pour accéder à la nationalité française ? En quoi le fait d'allonger le délai à quatre ou cinq ans est-il important ? Comme l'a dit tout à l'heure ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga, il est déjà bien assez difficile de feindre une unité de couple pendant deux ou trois ans !
Certes, monsieur le ministre, je connais et je partage les inquiétudes du Gouvernement quant au risque de dévoiement de l'accès à la nationalité française. Vous le savez, j'ai moi-même dénoncé le phénomène des mariages forcés et des mariages blancs ; j'ai d'ailleurs proposé des pistes pour essayer de restreindre ces pratiques qui n'ont pas d'autre but que de faciliter l'accès à la nationalité française.
Mais, en l'espèce, l'article 59 pose problème, car il introduit une réelle discrimination.
Bien évidemment, nous pourrions essayer de trouver des moyens pour colmater les lacunes du texte. Personnellement, ces aménagements me paraîtraient regrettables.
En tant que sénateur représentant les Français de l'étranger, il est de mon devoir de lutter contre toutes ces discriminations. C'est à cette fin que la représentation des Français de l'étranger au Sénat a été introduite dans la Constitution. Je suis donc fidèle à mon engagement et je vous demanderai, monsieur le ministre, de faire en sorte qu'il n'y ait plus de discrimination entre les Français, entre nos compatriotes de l'étranger et ceux qui vivent au sein de l'Hexagone. Je pourrais vous donner des dizaines de témoignages de personnes qui, ayant pris connaissance de ce texte, nous demandent de nous battre pour aboutir, au moins en ce domaine, à une égalité de traitement.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 242 rectifié ter, présenté par M. Cointat, Mme Kammermann, MM. Guerry, Ferrand, Duvernois et Del Picchia et Mme Brisepierre, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil :
« Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l'étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Monsieur le ministre, d'une manière générale, une loi fixe des objectifs et les moyens pour y parvenir. C'est donc dans cet esprit qu'il faut interpréter l'article 59 : l'objectif, c'est d'avoir une fiabilité de la sincérité des mariages ; les moyens pour y parvenir, ce sont, d'une part, des critères fondés sur un contrôle implicite et, d'autre part, le critère de la durée de vie commune.
Certes, vous n'avez pas l'intention de créer une discrimination à l'encontre des Français établis hors de France. Vous partez du principe que le contrôle des couples mixtes se fera plus aisément dans les communes de l'Hexagone qu'à l'étranger, ce qui expliquerait l'année supplémentaire que vous instaurez.
Malheureusement, monsieur le ministre, votre méthode n'est pas la bonne, et je vais vous expliquer pourquoi.
En effet, le critère de la durée ne permet pas de garantir la sincérité d'un mariage. L'allongement du délai à quatre ou cinq ans ne fera pas diminuer la fraude. Au contraire, les filières qui organisent des mariages blancs en vue d'une acquisition de la nationalité française par déclaration seront même incitées à augmenter leurs tarifs.
Si le critère du contrôle est beaucoup plus sérieux, il n'est pas normal de considérer qu'il suffit de porter le délai à cinq ans pour se prémunir contre les activités des passeurs et des fraudeurs. Dans votre logique, vous devriez plutôt fixer un délai beaucoup plus contraignant, par exemple dix ans.
En revanche, il existe une méthode beaucoup plus fiable, qui permet justement d'éviter tout ce qui peut apparaître comme une discrimination à l'encontre des Français établis hors de France : il faut assurer un contrôle implicite, à l'instar de ce qui se pratique dans nos communes, en prévoyant une obligation d'inscription au registre des Français établis hors de France. De cette manière, il y aura une déclaration officielle, un suivi et, donc, un contrôle.
Pour des situations équivalentes, les traitements doivent être identiques, faute de quoi il y a discrimination.
Sur ce point, je rejoins la position de mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Joëlle Garriaud-Maylam. En effet, tel qu'il est rédigé, le texte laisse supposer qu'il y a discrimination. Or je suis sûr, monsieur le ministre, que telle n'est pas votre intention.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cet amendement, qui a pour objet de répondre à votre attente, de corriger les effets néfastes de la rédaction proposée et d'éliminer tout risque de dérapage, que votre texte n'empêchera pas.
Mme la Présidente. L'amendement n °435, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour remplacer les deux premiers alinéas de l'article 21-2 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont dispensés de la condition de durée du mariage, les couples franco-étrangers ayant eu un ou des enfants issus de leur union. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'objet de l'article 59 étant de lutter contre les mariages frauduleux, l'exigence de durée de mariage conditionnant l'acquisition de nationalité est destinée à s'assurer de la bonne foi des époux. C'est pourquoi il semble inopportun de soumettre à cette exigence des couples ayant des enfants issus de leur union, dans la mesure où ces enfants suffisent à attester l'authenticité du couple.
Vous pouvez toujours me dire que l'on fait des enfants pour avoir la nationalité française... Des Français se marient pour des raisons qui, quelquefois, ne sont parfois pas très avouables.
De plus, il est dans l'intérêt des enfants de lever cette condition de durée et de leur permettre ainsi d'avoir leurs deux parents titulaires de la nationalité française.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je crois que nos collègues qui représentent les Français établis hors de France nous permettent d'avoir une approche différente des mariages entre citoyens français et ressortissants étrangers.
Ces unions appellent beaucoup de prudence de notre part, car si elles sont, j'en suis persuadé, un enrichissement, nous constatons, même si les chiffres sont aléatoires, une indéniable augmentation des fraudes.
Certains maires, y compris s'agissant de mariages célébrés en France, ont émis des doutes, sans être suivis par le parquet alors que la fraude était patente.
L'autorité judiciaire doit apporter un soin particulier à l'examen de ces cas qui sont très choquants dans la mesure où l'on sait qu'ils obéissent parfois, il ne faut pas le nier, à des mobiles financiers. Il nous faut donc faire preuve d'efficacité dans la lutte contre les mariages de complaisance.
Par conséquent, la commission des lois a émis un avis défavorable à l'amendement n °227, estimant que les mesures prévues sont utiles.
L'amendement n 434 tend à revenir à la rédaction proposée en 1998 pour l'acquisition de la nationalité par mariage. Le présent article s'inscrivant dans le nouveau dispositif institué en 2003, la commission émet un avis défavorable.
S'agissant des amendements n °s 134 rectifié bis et 242 rectifié ter, il convient de rappeler que l'article 59 concerne la différenciation déjà introduite en 2003, et qui reste effective en 2006. Toutefois, de deux à trois ans en 2003, le délai passe à quatre ou cinq ans, ce qui complique singulièrement les choses.
La majorité des fraudes à l'acquisition de la nationalité concerne les mariages célébrés à l'étranger avec un ressortissant n'ayant pas vécu en France auparavant. Il est donc nécessaire de prévoir un dispositif particulier. C'est ce que fait le Gouvernement et c'est la philosophie qui a présidé à l'élaboration du texte en 2003.
L'amendement n ° 242 rectifié ter de M. Cointat prévoit l'inscription au registre des Français établis hors de France, ce qui constitue un élément permettant de constater l'existence d'une communauté de vie, bien que cette inscription n'ait pas un caractère obligatoire. Dans la mesure où la loi de 2003 a voulu instituer un lien réel entre le demandeur de nationalité et la France par le biais d'une résidence durable sur son territoire, l'amendement s'écarterait un peu de sa philosophie.
Néanmoins, je comprends les motivations des auteurs de cet amendement, et c'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur l'amendement n °134 rectifié bis, jugé trop général, mais un avis favorable à l'amendement n ° 242 rectifié ter, qui a le même objet.
Je souhaiterais que l'on trouve une formule commune pour répondre à cette préoccupation.
Enfin, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n °435, tout en comprenant également les motivations de ses auteurs.
Mme la Présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n S 227, 434 et 435, car, en dépit de ce que certains affirment, il y a malheureusement des mariages frauduleux et des mariages blancs.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Personne ne dit le contraire !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Or l'un des moyens d'obtenir de meilleures garanties est de mettre en place les mesures que nous vous proposons.
Vous avez fait référence à quelques exemples, madame Borvo, mais chacun pourrait en citer d'autres. Pour ma part, j'en prendrai deux, tout récents, extraits de la pile des courriers qui sont adressés au ministre de l'intérieur.
Le premier, daté du 28 avril 2008, a été expédié de Besançon : « Monsieur le ministre, originaire de Côte-d'Ivoire, je suis régulièrement installé en France, en particulier à Besançon, depuis septembre 1979. En septembre 1997, j'ai épousé, en Côte-d'Ivoire, Melle..., qui m'a rejoint pour regroupement familial le 3 octobre 1999. C'est alors qu'elle me pousse à faire la demande de naturalisation et c'est ainsi que, le 23 mars 2004, notre demande fut déposée.
« Nous engageons ainsi la procédure de demande de la nationalité française. [ ...] Mon épouse a subitement changé du tout au tout. [...] Par son comportement, elle révélait qu'en fait elle ne s'était maintenue dans le lien conjugal que pour atteindre le but qu'elle s'était très secrètement fixé, à savoir l'acquisition de la nationalité matrimoniale.
« La suite des opérations ne fera malheureusement que conforter ce que je viens d'affirmer. En effet, mon épouse, avisée par le ministère de l'emploi et de la cohésion sociale par lettre du 24 février qu'elle avait acquis la nationalité française, a ensuite attendu le mois d'octobre, c'est-à-dire le jeudi 13 octobre 2005, pour la remise par la préfecture du... de son dossier d'accueil.
« Maintenant que, pour elle, cette nationalité est définitivement acquise, donc que son objectif est pleinement atteint, elle a décidé de franchir la dernière étape, à savoir rompre le lien matrimonial qui ne lui servait plus à rien. En effet, depuis le 1er décembre, elle a pris l'attache d'un avocat pour engager une procédure notifiée par le juge des affaires familiales du tribunal de grande instance ; voir document ci-joint. »
Le second exemple est daté de mars 2006 : « Monsieur le ministre de l'intérieur, j'ai épousé à Montréal, le 30 janvier 1999, un citoyen du Cameroun. Nous avons fait valider notre mariage n°... au consulat de France à Montréal.
« En juin 2002, il est devenu citoyen français. Depuis le 17 avril 2005, nous sommes séparés. Quand j'ai rappelé à Simon que la nationalité française n'était pas tombée du ciel, il m'a répondu sur un ton méprisant : " C'est un droit, la nationalité française, et tu ne peux rien contre moi. "
« Le divorce sera prononcé dans le courant de l'année 2006. J'estime que la nationalité française acquise par le mariage devrait être reconsidérée. »
Mme Josiane Mathon-Poinat. Des histoires d'amour finissent mal !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. De tels courriers, nous en recevons des tonnes !
Je vous rappelle que nous sommes bien en deçà des règles qui régissent un certain nombre de grandes démocraties : aux États-unis, le délai est de cinq ans ; au Danemark, de six à huit ans.
Voilà donc de bonnes raisons pour rejeter ces trois amendements n s 227, 434 et 435.
Je défendrai un argumentaire commun sur les amendements n °134 rectifié bis et 242 rectifié ter.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n °134 rectifié bis, madame Garriaud-Maylam.
Cela étant, je comprends votre objectif et, à l'égard des Français résidant à l'étranger, j'estime que la cause que vous défendez est juste et légitime. Pour autant, il me semble que cette cause est plus justement défendue par l'amendement n °242 rectifié ter proposé par M. Cointat.
Je pense d'ailleurs que vous pourriez vous y rallier. En effet, la seule différence entre les deux amendements, qui tendent à fixer un même délai pour les Français vivant en France que pour les Français résidant à l'étranger s'agissant de la communauté de vie, ce qui nous paraît juste, tient au signalement de celle-ci pour les Français résidant à l'étranger auprès des autorités françaises à l'étranger. C'est là une démarche comparable à l'identification d'un Français résidant en France auprès de l'autorité nationale, en l'occurrence, le plus souvent, la mairie. Une ambassade ou un consulat, c'est un peu la maison de la France à l'étranger, c'est la maison de la République, au même titre que la mairie peut l'être dans chaque commune de France.
Que le Français fasse cette démarche qui témoigne d'une véritable volonté de défendre la culture française à l'étranger me paraît une garantie non négligeable.
Je veux remercier très sincèrement M. Cointat, comme vous-même, madame Garriaud-Maylam, puisque vous abordez le problème du traitement équitable entre Français résidant en France et Français résidant à l'étranger. Nous avons besoin de cette garantie.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement de M. Cointat, et il vous propose, madame Garriaud-Maylam, de vous rallier à cet amendement.
Mme la présidente. Acceptez-vous la suggestion de M. le ministre, madame Garriaud-Maylam ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je savais parfaitement, monsieur le ministre, que vous repousseriez un amendement de suppression.
Encore une fois, c'est une question de principe : j'ai déposé cet amendement parce qu'il me semble qu'il y va de l'intérêt de la France et de l'intérêt des Français de l'étranger.
Je ne serais pas défavorable à l'inscription au registre des Français établis hors de France si les Français de l'étranger le connaissaient : la plupart des Français ne sont pas inscrits à ce registre et en ignorent encore l'existence. Faites un sondage et vous le pourrez le vérifier !
Si nous suivions cette logique, il faudrait rendre l'inscription au registre des Français établis hors de France obligatoire. Nous aurions alors véritablement des garanties. Je peux vous assurer que, dans beaucoup de pays, de nombreux Français, très éloignés des consulats, ne sont pas inscrits à ce registre.
J'y insiste : c'est une question de principe. Je comprends votre position, monsieur le ministre. Je comprends aussi celle de mon collègue, qui m'a bien évidemment tenue informée de son amendement, qu'il a déposé après le mien. Mais je ne peux pas m'y rallier.
Je m'abstiendrai donc sur ce texte, afin de ne pas voter contre le Gouvernement.
Mme la Présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 227.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Dans le meilleur des mondes possibles, un monde sans discrimination, sans xénophobie, un monde où des familles n'auraient pas à craindre d'être séparées par des frontières, dans des pays où les étrangers établis durablement bénéficieraient d'un droit au séjour et à l'emploi, d'un droit de circuler semblable à celui des nationaux, l'unicité de nationalité d'une famille binationale ou plurinationale ne serait pas nécessaire.
On peut très bien vivre en couple et en famille en ayant des nationalités différentes. Après tout, le mariage est si instable de nos jours qu'il n'est pas un fondement plus solide à l'acquisition de la nationalité française que d'autres éléments de l'état des personnes.
Mais nous ne vivons pas du tout dans le meilleur des mondes possibles et plus le monde se ferme et se durcit, plus les familles plurinationales ou binationales cherchent à se protéger.
Les époux de Français n'ont réellement utilisé la possibilité de souscrire une déclaration de nationalité pour ceux qui vivaient à l'étranger qu'après la généralisation des visas de court séjour en France, en 1986, et à cause des contraintes accrues qui en découlaient pour les familles binationales.
Je peux vous dire qu'à Tunis des pères ne pouvaient pas aller s'occuper d'un enfant étudiant en difficulté, laissant cette charge à la mère française, parce qu'ils n'avaient évidemment pas le visa le jour J ; d'autres ne pouvaient pas assister à l'enterrement de leur belle-mère, faute d'avoir le visa le jour J ; d'autres encore ne pouvaient pas assister à la soutenance de thèse d'un enfant français parce que l'on ne délivrait qu'un visa de trois jours...
Dans ces conditions, on finit par se dire que l'on n'a plus qu'une chose à faire : demander la nationalité française !
Ce sont les tracasseries et la xénophobie administratives qui sont à l'origine de l'augmentation des demandes de nationalité française. Sans cela, elle ne serait pas sollicitée : je puis témoigner que bien des familles de mon entourage, à commencer par la mienne, ne l'ont pas demandée, n'ayant jamais été intéressées. Aujourd'hui, les choses ont changé !
Je tiens à vous raconter une histoire qui me hante encore. En 1995, à Cotonou, une femme m'a exposé le déni d'humanité dont elle venait d'être l'objet.
De son mari, un Français, elle avait trois enfants âgés de quinze à huit ans. Le couple vivait à Cotonou. Son époux, atteint d'un cancer, avait dû se rendre plusieurs fois en France pour se faire soigner. Elle avait obtenu de temps en temps un visa pour l'accompagner. Mais, quand il est mort, le consulat a jugé qu'elle avait déjà obtenu assez de visas et ne lui en a pas accordé pour qu'elle se rende à l'enterrement. Elle a envoyé les enfants seuls aux obsèques de leur père.
Après avoir entendu plusieurs récits de ce genre, on change d'avis sur l'acquisition de la nationalité par le mariage.
M. Christian Cointat. Il faut « virer » les consuls !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Certains consuls sont des gens très bien, d'autres sont des brutes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ceux-là, il faut les « virer » !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J'estime que, dans une société qui devient de plus en plus xénophobe, un conjoint étranger a tout intérêt à demander la nationalité française et à l'obtenir rapidement, tant le risque de se voir séparé de son conjoint et de ses enfants à des moments cruciaux de la vie est élevé.
C'est la fermeture des frontières et la xénophobie qui gonflent le nombre de conjoints étrangers demandeurs de la nationalité française.
Mme la présidente. Madame Garriaud-Maylam, l'amendement n° 134 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 134 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 242 rectifié ter.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Notre groupe ne pouvait absolument pas déposer un amendement de ce type, estimant que la longueur des délais exigés avant toute demande d'acquisition de nationalité par le mariage - il faut compter en réalité au minimum six ans - s'assimilait à une motion de défiance généralisée à l'égard de tous les mariages mixtes. Il ne pouvait donc pas déposer un amendement améliorant un texte qu'il jugeait mauvais.
Nous sommes en 2006 ! Qui nous dit, monsieur le ministre, que si le Gouvernement auquel vous appartenez est encore au pouvoir en 2009, il ne doublera pas les délais en les portant de quatre ans à huit ans ? Et pourquoi ne pas attendre la fin de la vie ? Méfiez-vous : certains retraités n'hésitent pas à divorcer à soixante-dix ans, car ils ne peuvent plus se supporter !
Alors, que faire à propos de cet amendement ? Nous abstenir ne serait pas une attitude responsable. Nous préférons donc voter pour, ce qui est un moyen de ne pas accepter une discrimination, même si l'objet de cet amendement nous inspire de grandes réticences. Mais c'est un moindre mal !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 59, modifié.
(L'article 59 est adopté.)
Article 59 bis
Après l'article 21-2 du code civil, il est inséré un article 21-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 21-2-1. - À l'issue du délai prévu à l'article 26-3, le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communiquent au maire en sa qualité d'officier d'état civil et aux parlementaires nationaux en leur qualité de représentants de la Nation, l'adresse des ressortissants étrangers ayant acquis la nationalité française à raison du mariage.
« Une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française est organisée dans les conditions prévues au paragraphe 7 de la présente section. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pas moins de quatre amendements portent sur la cérémonie d'accueil, laquelle, de mon point de vue, ne contrebalancera pas les mesures suspicieuses, les obstacles de plus en plus nombreux, les délais devenus interminables qu'aura dû affronter un étranger pour obtenir la nationalité française.
Quand vous avez trop salé un plat, vous pouvez rajouter tout le sucre que vous voulez : il reste trop salé ! Eh bien ! là, la potion est très amère pour tous les étrangers concernés, et vous aurez beau offrir des petits fours à la préfecture, à la mairie et, pourquoi pas ? à l'ambassade, cela ne changera rien à la réalité : la France se recroqueville, se ferme, et n'a plus la confiance en sa nationalité qu'elle avait en 1789 et en 1790. Il est vrai qu'à cette époque elle était pleine de vie, de jeunesse et d'espoir.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 54 est présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
L'amendement n° 436 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le président de la commission des lois, pour présenter l'amendement n° 54.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne suis absolument pas d'accord avec vous, madame Cerisier-ben Guiga, concernant l'état de la France : elle est toujours aussi jeune et dynamique ! C'est tout de même l'un des pays d'Europe qui a le plus confiance dans l'avenir, puisque la démographie y est meilleure qu'ailleurs. L'on peut reprocher à certains responsables politiques d'être des conservateurs ou d'avoir toujours les yeux tournés vers le passé, mais l'on ne peut pas prétendre que la France est telle que vous la décrivez !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La France que vous faites !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, vous avez dit qu'elle était ainsi ! Je ne partage pas du tout votre opinion.
Nous proposons de supprimer l'article 59 bis pour des raisons de coordination ; les dispositions en question seront regroupées ultérieurement à un autre endroit du texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 436.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cet amendement, nous proposons, nous aussi, la suppression de l'article 59 bis, mais pas pour les mêmes raisons que la commission, bien évidemment.
Nous reviendrons plus amplement sur les motivations de notre demande de suppression lors de l'examen de prochains amendements.
Je tiens cependant à faire une petite parenthèse à propos de la discussion de tout à l'heure.
À notre demande, maintes et maintes fois réitérée, de participation aux élections locales des étrangers non communautaires, a toujours été opposée l'exigence d'obtention préalable de la nationalité française. Or acquérir la nationalité française sera désormais de plus en plus difficile. Vous nous renvoyez sans cesse la balle, monsieur le président de la commission, mais l'on n'avance guère !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas à moi qu'il faut dire cela !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je suis dans l'obligation de faire une explication de vote, car j'ai le sentiment que ces amendements vont être adoptés à l'unanimité. Mais l'unanimité est quelquefois factice !
Je me réjouis de l'unanimité du Sénat à propos d'un amendement de suppression, même si les motivations sont diverses,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y en a une en commun !
M. Bernard Frimat. ... car il s'agit tout de même d'un grand moment. Mais, pour notre part, si nous votons cet amendement de suppression, c'est parce que nous partageons les raisons avancées par Mme Mathon-Poinat.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54 et 436.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 59 bis est supprimé.
Article 60
L'article 21-4 du code civil est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La situation effective de polygamie du conjoint étranger ou la condamnation prononcée à son encontre au titre de l'infraction définie à l'article 222-9 du code pénal, lorsque celle-ci a été commise sur un mineur de quinze ans, sont constitutives du défaut d'assimilation. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. M. le président de la commission évoquait tout à l'heure la nécessité de promouvoir la nationalité française. Pourtant, cet article démontre une fois de plus, s'il en était besoin, qu'il existe une suspicion sans bornes envers les étrangers, plus généralement envers tous les couples mixtes.
Nous y voyons aussi votre volonté de stigmatiser ces étrangers qui désirent s'installer dans notre pays et acquérir la nationalité française. Vous étendez d'un an à deux ans le délai d'opposition laissé au Gouvernement pour s'opposer par décret en Conseil d'État à l'acquisition de la nationalité française par un conjoint étranger. Cette opposition peut être motivée par « l'indignité ou un défaut d'assimilation, autre que linguistique ».
Encore une fois, vous allongez un délai, et ce au détriment des étrangers, mais vous placez aussi au même niveau un défaut d'assimilation et l'indignité, c'est-à-dire d'éventuelles condamnations pour des actes graves, de terrorisme ou de proxénétisme, par exemple.
Mais qu'est-ce qu'un défaut d'assimilation ? Peut-être allez-vous prendre un décret pour définir le corpus de valeurs et d'attitudes constitutif d'une prétendue identité française ? Qui jugera de cette assimilation ?
Cette mesure traduit votre volonté évidente non seulement de durcir les règles d'acquisition de la nationalité française, mais aussi de « normer » notre société, de la rendre conforme à un certain nombre de valeurs que vous avez arbitrairement décidées.
Je trouve tous ces durcissements dommageables, car notre République est fondée sur la primauté de la citoyenneté sur l'identité En repoussant toujours plus les limites, finalement, vous maintenez les étrangers dans une identité réelle ou supposée, plutôt que de leur faciliter l'accès à la nationalité et, par là même, à la citoyenneté, donc au droit de vote.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 437, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à supprimer le présent article, dans la mesure où ce qui justifie de porter à deux ans le délai dont dispose le Gouvernement pour s'opposer à l'accès de la nationalité française d'un citoyen étranger ne nous paraît pas convaincant.
M. le rapporteur écrit ceci : « La révélation des causes d'indignité ou d'un défaut d'assimilation peut en effet souvent intervenir au-delà d'un an à compter de la déclaration de nationalité. » Pourquoi pas cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans, voire soixante-dix ans ?
De plus, cibler les causes expresses constitutives d'un défaut d'assimilation sur la polygamie et la pratique de l'excision est tendancieux et déplacé. M. le rapporteur constate que les « faits d'excision et de polygamie » sont interdits en France par la loi en vigueur et « sont d'ores et déjà considérés par le juge administratif comme témoignant d'un défaut d'assimilation et autorisant, en conséquence, l'administration à pratiquer une opposition à l'acquisition de la nationalité française par le mariage. »
Selon nous, le présent article n'a donc aucun fondement.
Mme la présidente. L'amendement n° 228, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° de cet article.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement de suppression est cohérent avec l'ensemble de nos prises de position.
À l'origine, en 1973, le délai dont le Gouvernement disposait pour faire opposition à une déclaration de nationalité française était de six mois.
À l'appui d'une demande d'acquisition de la nationalité française dans les consulats - c'est le cas que je connais le mieux - la personne doit constituer un dossier rassemblant des pièces justifiant de son honorabilité : extrait de casier judiciaire, éléments relatifs à son insertion professionnelle, notamment.
Est également prévu un entretien avec le consul ou l'un de ses adjoints, afin de juger des motivations de cette personne et de sa maîtrise de la langue française, selon sa condition.
Il n'était pas du tout question d'un récépissé justifiant d'une souscription de déclaration de nationalité, sans qu'aucune précaution préliminaire ait été prise. Le délai total nécessaire pour une acquisition définitive de nationalité était de dix-huit mois après le dépôt de la souscription et les vérifications prévues, c'est-à-dire l'enquête sur l'honorabilité des demandeurs et demandeuses, le contrôle de la sincérité de leurs démarches, la qualité de leurs relations avec la nation et leurs aptitudes en langue française.
Le délai de vie conjugale préalable à la déclaration de nationalité était passé en 2003 à deux ans, trois ans si la famille résidait à l'étranger, ce qui portait le délai total pour l'acquisition de la nationalité française à trois ans. Le délai de vie conjugale est désormais de quatre ans, et de cinq ans en cas de résidence à l'étranger, sauf si le conjoint français est inscrit sur le registre des Français établis hors de France, plus deux ans pour le Gouvernement, ce qui reporte l'acquisition de notre nationalité à six ans ou sept ans après le mariage.
Vous me pardonnerez de faire un peu d'humour, mais je me demande si un tel délai est bien raisonnable : six ou sept ans, c'est peu ! (Sourires.) On peut encore divorcer après six ou sept ans de mariage. Sept ans, c'est d'ailleurs un chiffre fatidique pour les couples. Ne devrait-on pas porter à douze ans après le mariage le délai total nécessaire à l'acquisition de la nationalité ? Ce serait plus sûr ! Et pourquoi pas quinze ou vingt ans ?
Plus sérieusement, j'estime qu'un délai de vie conjugale de deux ans avant la souscription est suffisant pour dissuader les mariages de complaisance : il est difficile de feindre la communauté de vie aussi longtemps. Par ailleurs, les services de la gendarmerie connaissent leur travail.
En revanche, le fait de porter le délai cumulé à six ou sept ans, dans un pays qui va simultanément empêcher les premiers mois, voire les premières années de vie commune, revient à envoyer un message de méfiance à ces familles et à porter atteinte à leur sécurité juridique, et nous le refusons.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne s'agit pas d'un délai imposé, car il ne s'applique que dans le cas où le Gouvernement l'estimerait nécessaire. De telles mesures sont prises dans des cas très rares, sous le contrôle du Conseil d'État. En effet, il faut un décret en Conseil d'État pour défaut d'assimilation ou pour indignité.
Ces dispositions nous ont semblé nécessaires pour les raisons exposées dans le projet de loi, celui-ci précisant par ailleurs les cas de non-assimilation ou d'indignité - polygamie, excision, etc -, sur lesquels tout le monde peut se mettre d'accord. Ce n'est donc pas ce que vous disiez, madame Cerisier-ben Guiga.
Il s'agit en fait de permettre au Gouvernement de faire opposition au-delà d'un an, c'est-à-dire dans un délai de deux ans. Cela signifie non pas que la personne n'a pas acquis la nationalité française, mais qu'elle est réputée ne jamais l'avoir acquise. Ce n'est pas tout à fait pareil !
Pour ma part, il me paraît prudent, compte tenu des difficultés rencontrées, de prendre une telle disposition. En effet, il arrive quelquefois que la nationalité soit acquise dans des situations anormales, car le Gouvernement n'a pas pu faire opposition. Tel est le contexte dans lequel se situe l'article 60.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. S'il faut deux ans au ministère des affaires sociales pour réunir les éléments nécessaires, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas toujours !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... en plus du travail effectué en amont de la souscription de déclaration, cela signifie que la sous-direction des naturalisations ne dispose pas du personnel et des moyens nécessaires pour mener à bien son travail et ses investigations.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est possible !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est l'un des grands problèmes de la France d'aujourd'hui : le manque d'adéquation entre les lois que nous votons et les moyens dont l'exécutif dispose pour les faire appliquer.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 60.
(L'article 60 est adopté.)
Article 60 bis
Après l'article 21-11 du code civil, il est inséré un article 21-11-1 ainsi rédigé :
« Art. 21-11-1. - À l'issue du délai prévu à l'article 26-3, le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique au maire en sa qualité d'officier d'état civil l'adresse des ressortissants étrangers visés à l'article 21-11.
« Une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française est organisée dans les conditions prévues au paragraphe 7 de la présente section. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
L'amendement n° 438 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le président de la commission, pour présenter l'amendement n° 55.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'agit d'un amendement de coordination regroupant des dispositions relatives à la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française prévue aux articles 62 quater et 62 quinquies.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 438.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, je présenterai en même temps l'amendement n° 441.
Qu'il me soit d'abord permis de faire une remarque de méthode et de droit. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont tellement voulu en rajouter qu'ils ont finalement oublié de relire le code civil avant de proposer de le modifier de nouveau.
Déjà, en 2003, avec la loi du 26 novembre, et en 2004, avec celle du 13 août, la majorité gouvernementale avait modifié de façon substantielle l'ensemble du titre Ier bis de ce code, s'agissant de l'obtention de la nationalité française, et en particulier son chapitre III portant sur les différentes possibilités de l'acquérir.
Pourtant, la complexité de notre législation actuelle n'est pas suffisante à vos yeux puisque vous la renforcez en ajoutant un paragraphe 7 à la section 1 de ce chapitre III. Ainsi, dès 2003, vous aviez créé dans le code civil un article 21-14-2 qui dispose : « le représentant de l'État dans le département [...] communique au maire en sa qualité d'officier de l'état civil l'adresse des ressortissants étrangers naturalisés par décret résidant dans la commune ».
La volonté du législateur était alors claire : il s'agissait d'une mesure de portée générale. Mais comme ce nouvel article n'était pas placé au bon endroit, certains naturalisés pouvaient échapper à la réalisation de ces listes. Les députés ont alors étendu, par voie d'amendement, cette même obligation à d'autres voies d'acquisition de la nationalité française. Pourquoi faire simple lorsque l'on peut faire compliqué ?
C'est sans doute pour cette raison que la commission propose d'annuler ces articles 60 bis et 60 ter. Dans le même élan, elle nous propose de supprimer l'article 21-14-2 du code civil. Cependant, par un nouvel amendement, elle veut réintroduire ces règles à un autre endroit.
Pour notre part, nous sommes favorables à la suppression des articles 60 bis et 60 ter et opposés à la communication au maire des noms et adresses des ressortissants étrangers naturalisés, car il s'agit là d'une mesure discriminatoire. En effet, notre droit ne fait obligation à personne de déclarer son adresse à l'autorité municipale de sa commune de résidence. Le législateur a toujours considéré qu'il s'agissait d'un principe de liberté permettant à chacun de se déplacer librement ou bon lui semble et à tout moment.
Chacun d'entre nous n'a l'obligation de divulguer ces informations qu'à l'administration centrale, à des fins d'identification de son état civil et envers l'administration fiscale. Pourquoi, dans ces conditions, prévoir une mesure spécifique pour les naturalisés ? Quelle est la motivation du traitement particulier appliqué à cette catégorie de citoyens ? Que feront les maires de ces listes ?
Faut-il rappeler ici qu'une fois naturalisé le ressortissant étranger devient immédiatement un citoyen français comme les autres ? La loi s'applique-t-elle à lui comme à tout autre ? Pour notre part, nous ne voyons dans cette disposition qu'une mesure de contrôle de simple police, discriminatoire par essence, et qui ne vise qu'à satisfaire l'ego politique de quelques potentats locaux. C'est pourquoi nous refusons que l'administration centrale communique au maire les listes de ressortissants étrangers naturalisés.
Nous vous demandons donc, par nos amendements, de supprimer les articles 60 bis et 60 ter du projet de loi. Mais sur la base de ces motivations, vous comprendrez que nous nous exprimions d'ores et déjà contre les amendements de la commission tendant à réintroduire, à un autre endroit de ce projet de loi, cette communication au maire.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable sur l'amendement n° 438 et favorable sur l'amendement n° 55 de la commission.
Mme la présidente. Il s'agit d'amendements de suppression dans les deux cas, monsieur le ministre !
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je précise au Sénat que le Gouvernement est favorable à la demande de suppression de l'article 60 bis formulée dans l'amendement de la commission. Certes, l'amendement du groupe CRC a le même objet, mais c'est celui de la commission que nous souhaitons voir retenu. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On s'en serait douté ! Toute suppression n'est pas bonne à prendre !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Lorsque nous nous prononçons sur deux amendements identiques tendant à la suppression d'un article, leur mise aux voix se fait de manière conjointe : nous ne votons pas sur l'un, puis sur l'autre. J'aimerais que le président de la commission des lois, dont la connaissance du règlement du Sénat est infinie, m'explique comment, dans ce cas, on peut dire lequel de ces deux amendements doit être adopté.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la présidente, tout d'abord, considérant qu'il s'agissait de deux amendements identiques, sans doute n'avez-vous pas jugé nécessaire de demander l'avis de la commission sur l'amendement de Mme Assassi.
Mme la présidente. C'est exact !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons déposé un amendement de suppression pour des raisons de coordination. Nous sommes favorables à la suppression de cet article, également proposée par votre amendement, madame Assassi, bien que ses motivations soient différentes. Vous ne voterez sans doute pas les amendements présentés par la commission à l'article 62 quater et à l'article 62 quinquies.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'idéal aurait été d'appeler d'abord nos amendements aux articles 62 quater et 62 quinquies. Ainsi, les amendements de suppression auraient été de simples amendements de conséquence.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Respectons le règlement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous aurions pu fonder cette demande sur l'application du règlement. Mais à l'heure où nous sommes, tout est clair : nous sommes favorables à tous les amendements de suppression, mais nous remplaçons les articles supprimés par d'autres dispositions.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. À partir du moment où nous avons adopté l'amendement de la commission, il n'y a plus rien à voter puisque l'article n'existe plus ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Nous n'avons même pas à discuter du second amendement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas la procédure !
Mme la présidente. Mes chers collègues, il s'agit de deux amendements identiques de suppression ; ils doivent donc être mis aux voix ensemble. Je comprends votre fatigue, car nous discutons de ce texte depuis des jours.
Je mets donc aux voix les amendements identiques nos 55 et 438.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 60 bis est supprimé.
Article additionnel avant l'article 60 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 439 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 60 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article 21-12 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° L'enfant régulièrement recueilli en France sous le régime de la kafala et élevé par une personne de nationalité française ou confié au service de l'aide sociale à l'enfance. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous avons déjà eu l'occasion de défendre des amendements similaires concernant les enfants soumis à un régime de kafala.
Notre objectif est toujours le même : permettre l'adoption de ces enfants. En effet, les enfants nés dans les pays de droit coranique ne peuvent être adoptés par des candidats à l'adoption de nationalité française. Or ces enfants sont d'ores et déjà accueillis par des couples français dans le cadre d'une kafala judiciaire, qui est le recueil légal des enfants abandonnés ou dont les parents s'avèrent incapables d'assurer l'éducation.
Il s'agit, en l'espèce, de garantir le droit à l'enfant régulièrement recueilli en France sous ce régime et élevé par une personne de nationalité française ou confié au service de l'aide sociale à l'enfance d'acquérir la nationalité française, sans qu'il soit soumis à la condition de résidence en France depuis cinq ans ou trois ans, selon le mode d'accueil.
J'espère, mes chers collègues, que vous voterez à l'unanimité cet amendement, car tous, dans nos communes, nous pouvons être confrontés à ces situations très difficiles que connaissent les couples souhaitant adopter des enfants d'origine maghrébine.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je rappelle que le dispositif actuel de l'article 21-12 du code civil ne s'applique qu'aux adoptions simples.
La problématique des effets juridiques de l'institution du droit musulman que constitue la kafala a déjà été abordée précédemment au cours de nos travaux et il a été annoncé qu'un groupe de travail allait être mis en place pour tenter de trouver des solutions.
Je demande donc le retrait de l'amendement, d'autant qu'il me gênerait que l'on introduise dans le code civil le mot « kafala » : il faut bien admettre que la reconnaissance, dans le droit civil français, d'une institution de droit musulman constituerait une innovation juridique intéressante.
M. Robert Del Picchia. Tout à fait !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le débat sur cette question a eu lieu lors de l'examen des amendements nos 136 rectifié et 137 rectifié tendant à introduire des articles additionnels avant l'article 23. Je me suis alors engagé, au nom du Gouvernement, à ce qu'un groupe de travail soit mis en place, car il y a un vrai problème. Je n'entends donc pas reprendre ce débat et j'émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 439 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 439 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 60 ter
Après l'article 21-12 du code civil, il est inséré un article 21-12-1 ainsi rédigé :
« Art. 21-12-1. - À l'issue du délai prévu à l'article 26-3, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, communiquent au maire en sa qualité d'officier d'état civil et aux parlementaires nationaux en leur qualité de représentants de la Nation, l'adresse des ressortissants étrangers ayant acquis la nationalité française par déclaration de nationalité.
« Une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française est organisée dans les conditions prévues au paragraphe 7 de la présente section. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 56 est présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
L'amendement n° 441 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le président de la commission, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est encore un amendement de conséquence, lié au regroupement des dispositions relatives à la cérémonie d'accueil aux articles 62 quater et 62 quinquies.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 441.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est déjà défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, votre amendement étant identique à celui de la commission des lois, pour me rattraper, j'émets cette fois un avis favorable. (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 441.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l'unanimité des présents.
L'article 60 ter est supprimé.
Article 60 quater
Le dernier alinéa de l'article 21-14-2 du code civil est ainsi rédigé :
« Une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française est organisée dans les conditions prévues au paragraphe 7 de la présente section. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 442, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Puisqu'il s'agit toujours du même sujet, je me contenterai de faire observer que cet article 60 quater dont nous demandons la suppression renvoie à deux autres articles du projet de loi précisant qui décide de la cérémonie d'accueil et selon quelles modalités.
Qu'il soit permis à une malheureuse parlementaire qui s'y perd de s'interroger de nouveau sur le soin avec lequel sont rédigés ces projets de loi dont les articles renvoient les uns aux autres, alors qu'il serait si simple de réunir l'ensemble des dispositions relatives à un même sujet dans un même article !
En tout état de cause, nous ne souhaitons pas que des cérémonies d'accueil soient organisées par les maires.
Mme la présidente. L'amendement n° 57, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 21-14-2 du code civil est abrogé.
La parole est à M. le président de la commission, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 442.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'amendement n° 57 est un amendement de coordination.
Je l'ai déjà indiqué, madame Borvo Cohen-Seat, nous procédons au regroupement des dispositions relatives à la cérémonie d'accueil. Vous pouvez être pour ou contre ces mesures, mais au moins allons-nous dans le sens de la simplification pour rendre le texte lisible pour tous, en particulier pour les officiers d'état civil.
L'amendement n° 57 visant à abroger l'article 21-14-2 du code civil, dont les dispositions, issues d'une loi ancienne, doivent bien être abrogées puisque nous les déplaçons, la commission ne peut qu'être défavorable à la suppression de l'article 60 quater.
D'ailleurs, madame la présidente, je demande le vote par priorité de l'amendement n° 57 de la commission.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 57 et défavorable à l'amendement n° 442.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 60 quater est ainsi rédigé et l'amendement n° 442 n'a plus d'objet.
Article 61
Les 1°, 2° et 5° de l'article 21-19 du code civil sont abrogés.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 229 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 250 rectifié est présenté par MM. Delfau, Baylet, A. Boyer, Collin et Fortassin.
L'amendement n° 443 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 229.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'article 61 doit, lui aussi, être supprimé, car il restreint les catégories d'étrangers dispensés de condition de stage préalable à la demande de naturalisation.
D'une part, cet article porte atteinte, comme l'article 59, à l'unicité de nationalité dans la famille. D'autre part, il abroge des dispositions qui témoignent de la relation privilégiée de la France avec les pays issus de son ancien empire colonial.
Il ne pourra vraiment pas être dit que ce projet de loi manque de cohérence ! Il est parfaitement cohérent dans sa méfiance envers les familles binationales et dans le rejet des ressortissants de l'ancien empire colonial, puisque c'est parmi eux que se recrute la majorité de ceux qui font partie de cette immigration que vous avez qualifiée de « subie ».
Méfiance envers les familles binationales...Je commence à avoir l'impression de radoter !
Ces nouvelles dispositions prévoient d'abord que l'enfant mineur qui n'a pas bénéficié d'un effet collectif au moment de la naturalisation de son parent français sera soumis à un stage de cinq. Or, en général, ce cas se produit quand il y a eu une erreur de procédure et que les enfants du requérant n'ont pas tous été cités dans le décret de naturalisation du parent.
Le cas frauduleux que semblent viser ces mesures est celui d'un enfant reconnu postérieurement à l'acquisition de la nationalité par son parent. C'est vrai, il s'agit d'un cas dont on connaît beaucoup d'exemples dans les pays d'Afrique subsaharienne, aux Comores, etc.
Cependant, l'article 61 est redondant par rapport à l'article 63 ter du projet de loi, lequel prévoit une sanction de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende dans le cas de la reconnaissance d'un enfant en vue de lui faire acquérir la nationalité française.
On instaure donc une double précaution à l'égard des enfants qui pourraient obtenir la nationalité française par ce biais. Il nous semble qu'une mesure de précaution suffit !
Par ailleurs, nous constatons que les enfants concernés resteront étrangers pendant cinq ans de plus, auxquels s'ajouteront les trois ou quatre ans nécessaires à la naturalisation définitive.
La même disposition vaut pour le conjoint qui n'a pas acquis la nationalité française par effet collectif d'une naturalisation et pour celui qui ne peut bénéficier d'une déclaration parce qu'il n'y a pas eu continuité de vie commune ou parce que le conjoint français n'a pas été français de façon continue depuis la date du mariage.
Ces cas, j'en connais un certain nombre : ils sont souvent dus à des erreurs commises dans les consulats. Ainsi, une personne déclarée à tort comme n'étant pas française, qui a été contrainte de faire une déclaration de possession d'état, se verra ensuite opposer le fait qu'elle n'a pas eu la nationalité française de façon continue. Malheureusement, il n'y a alors pratiquement pas de remèdes, si ce n'est une longue procédure devant un tribunal administratif.
Je vois bien que l'objectif de la loi est d'aller très au-delà de la prévention des cas répertoriés d'abus, dont, je le répète, je ne nie pas l'existence : le but est de dresser le plus d'obstacles possible à l'acquisition de la nationalité française au titre des liens familiaux.
Ce gouvernement a une étrange conception de la défense de la famille ! Il s'en fait le chantre dans certains domaines, mais il semble qu'il s'agisse là d'un type de famille qui ne lui convient pas.
Il conduit un combat d'arrière-garde, car les familles dans ces situations ne vont cesser de se multiplier avec la mondialisation et le mouvement généralisé des populations.
Nous sommes aussi hostiles à cette disposition en raison de l'abrogation d'une des seules manifestations de la relation privilégiée entre le peuple de notre pays et le peuple de nos anciennes colonies.
La solidarité née des liens du passé, le tribut du sang payé par les soldats indigènes, la francophonie, tout cela est rayé d'un trait de plume. Un petit-fils de travailleur sénégalais ou un petit-fils d'instituteur d'un département d'Algérie n'aura pas plus de droits à la nationalité française que tout autre étranger.
Quand on voyage beaucoup dans ces pays, quand on y a vécu, on connaît l'intensité de la relation affective avec la France, relation qui transcende les souvenirs parfois amers laissés par la période coloniale. Quand on a écouté une classe burkinabée ou malgache réciter en coeur Le Corbeau et le Renard ou entendu une personne âgée raconter ses souvenirs de l'école française, ou même de l'armée, on ne peut pas admettre que les ressortissants des pays avec lesquels nous avons eu une si longue histoire commune soient rejetés dans une extranéité absolue.
Moi, quand je suis avec eux, j'ai l'impression d'être avec des cousins issus de germains, des cousins que l'on ne fréquente pas souvent, mais avec lesquels on a quand même quelque chose en commun et que l'on est heureux de retrouver.
Au nom du droit au respect de la vie privée et familiale, au nom du maintien de nos liens avec les pays dont nous avons, de notre propre fait, partagé l'histoire, je demande donc la suppression de l'article 61.
Mme la présidente. L'amendement n° 250 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 443.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous demandons, nous aussi, la suppression de cet article particulièrement choquant.
Sont en effet concernées trois catégories de personnes : l'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française ; le conjoint ou l'enfant majeur d'une personne acquérant ou ayant acquis la nationalité française ; le ressortissant ou ancien ressortissant des territoires et des États sur lesquels la France a exercé soit la souveraineté, soit un protectorat, un mandat ou une tutelle.
Ces étrangers devraient donc dorénavant effectuer une période de stage de cinq ans avant de pouvoir bénéficier d'une mesure de naturalisation. Pourquoi un tel changement aujourd'hui ? Soupçonnerait-on, là encore, des fraudes massives ?
Vous justifiez cette mesure par la nécessité de s'assurer de la bonne intégration de l'étranger dans la société française. Soit, mais c'est en quelque sorte de l'intégration contrainte et forcée !
L'intégration est, une fois encore, un prétexte pour durcir les règles en matière de droits des étrangers. Après l'allongement des délais requis pour obtenir un titre de séjour par mariage ou pour le regroupement familial, vous vous attaquez à la dispense de stage dans le cadre de la naturalisation. C'est inadmissible !
Le représentant du Gouvernement a donné des chiffres à l'Assemblée nationale : en 2004, 16 000 Marocains, 6 000 Algériens et 4 500 Tunisiens sont devenus français en étant dispensés de stage, comme la loi l'autorisait. En quoi cela a-t-il posé problème ? Il n'y avait là rien de scandaleux, bien au contraire.
Cet attachement à la France trouve d'ailleurs ses racines dans l'histoire de notre pays, singulièrement dans la longue période coloniale qu'il a connue, et je partage tout à fait ce qui a été dit par notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga.
Je voudrais attirer l'attention sur le fait que, à force de stigmatiser légalement des personnes issues de pays avec lesquels nous avons ces liens dus à la période coloniale, nous en arrivons à ce qu'un élu de la République, maire de vos amis, se permette de tenir ce type de propos : « Quand la France renie sa propre histoire et passe son temps à s'excuser de l'esclavage, de ses conquêtes et du colonialisme, faut-il s'étonner que les immigrés relèvent la tête - chacun appréciera le choix du vocabulaire -, qu'ils s'en prennent à la France et qu'ils ne la respectent pas ? Malheureusement, la France ne leur a pas demandé de changer. Elle les a autorisés à parler arabe et à cultiver leur héritage aux dépens de la culture française. »
C'est vraiment scandaleux et j'espère que cet élu sera condamné pour ses propos ! Mais interrogez-vous ! À encourager ce genre de discours, vous jouez avec le feu, et vous savez quelles en sont les conséquences.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission est défavorable aux amendements de suppression.
Il nous paraît d'ailleurs qu'au moins dans un cas les cas de dispense jusqu'alors prévus ne sont plus justifiés. Je ne développerai pas, tout en précisant que si des élus ont tenu les propos cités par Mme Borvo Cohen-Seat, je pense qu'ils ne sont pas dignes d'être élus de la République.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 229 et 443.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 61.
(L'article 61 est adopté.)
Article 62
Dans l'article 21-22 du code civil, les mots : « À l'exception du mineur pouvant invoquer le bénéfice du deuxième alinéa (1) de l'article 21-19, » sont supprimés.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 230 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 251 rectifié est présenté par MM. Delfau, Baylet, A. Boyer, Collin et Fortassin.
L'amendement n° 444 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 230.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est un amendement de coordination.
Mais puisqu'il s'agit de la possibilité pour le jeune de moins de dix-huit ans d'obtenir la nationalité française, je voudrais faire un rappel historique.
Si toutes les vagues migratoires que la France a connues à la fin du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle se sont si vite intégrées dans notre pays, c'est parce que la très belle loi du 26 juin 1889 sur la nationalité, qu'on avait mis deux ou trois ans à élaborer - on prenait alors le temps de préparer des textes, n'enchaînant pas à toute allure, les uns après les autres, des textes de loi plus ou moins appliqués - disposait, dans son article 9, que le jeune âgé de moins de vingt ans peut devenir Français. La déclaration sera faite en son nom par son père, en cas de décès par sa mère et, en cas de décès du père et de la mère ou de leur exclusion de la tutelle, par délibération du conseil de famille.
Quand on a intégré, et cela s'est beaucoup fait entre 1889 et 1973, tant d'enfants de moins de vingt et un ans, on a intégré des étrangers de toutes nationalités, et nous leur devons beaucoup. Maintenant, nous sommes en train de perdre beaucoup.
Mme la présidente. L'amendement n° 251 rectifié n'est pas défendu.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 444.
Mme Éliane Assassi. Par coordination avec notre amendement de suppression de l'article 61, nous demandons la suppression de l'article 62.
L'amendement n° 58 de la commission améliore quelque peu l'article 62. Cependant, parce qu'il conserve la condition de stage de cinq ans, qui n'était pas exigée auparavant, nous ne pourrons pas l'adopter.
Mme la présidente. L'amendement n° 58, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article:
L'article 21-22 du code civil est ainsi rédigé:
« Art. 21-22.- Nul ne peut être naturalisé s'il n'a atteint l'âge de dix-huit ans.
« Toutefois, la naturalisation peut être accordée à l'enfant mineur resté étranger bien que l'un de ses parents ait acquis la nationalité française, s'il justifie avoir résidé avec ce parent durant les cinq années précédant le dépôt de la demande. »
La parole est à M. le président de la commission, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les deux autres amendements.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'amendement n° 58 tend à permettre aux enfants mineurs de personnes ayant acquis la nationalité française, qui n'auraient pas été saisies par l'effet collectif de la naturalisation, d'être naturalisées avant l'âge de dix-huit ans. Il faut en effet éviter de pénaliser les enfants qui auraient rejoint l'un de leurs parents devenus français avant l'arrivée en France de ces enfants. C'est un correctif important apporté par la commission des lois.
Bien entendu, je demande le vote par priorité de cet amendement, madame la présidente.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 230 et 444.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression n° 230 et 444.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 62 est ainsi rédigé et les amendements nos 230 et 444 n'ont plus d'objet.
Article 62 bis
L'article 21-25-1 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai visé au premier alinéa est réduit à douze mois lorsque l'étranger en instance de naturalisation justifie d'une résidence habituelle en France depuis dix années au moins, à compter de la remise de toutes les pièces nécessaires à la constitution d'un dossier complet contre lequel un récépissé lui est délivré immédiatement. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les délais précités peuvent être prolongés une seule fois de trois mois par décision motivée. »
Mme la présidente. L'amendement n° 59, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 21-25-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 21-25-1. - La réponse de l'autorité publique à une demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation doit intervenir au plus tard dix-huit mois à compter de la remise de toutes les pièces nécessaires à la constitution d'un dossier complet contre lequel un récépissé est délivré immédiatement.
« Le délai visé au premier alinéa est réduit à douze mois lorsque l'étranger en instance de naturalisation justifie avoir en France sa résidence habituelle depuis une période d'au moins dix ans au jour de cette remise.
« Les délais précités peuvent être prolongés une fois, par décision motivée, pour une période de trois mois. »
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement rédactionnel vise à améliorer la clarté du dispositif adopté par l'Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 62 bis est ainsi rédigé.
Article 62 ter
La section 1 du chapitre III du titre Ier bis du livre Ier du code civil est complétée par un paragraphe 7 intitulé : « De la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française » et comprenant les articles 21-28 et 21-29.
Mme la présidente. L'amendement n° 445, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 62 ter tend à créer un paragraphe 7 qui rassemblera les articles 21-28 et 21-29 du code civil. Ces articles seront modifiés puisque y seront inclus les articles 62 quater et 62 quinquies du présent projet de loi, ce sur l'initiative de la commission des lois.
Nous ne pouvons donc que demander la suppression de l'article 60 ter.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission étant favorable à la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française, elle est défavorable à l'amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 62 ter.
(L'article 62 ter est adopté.)
Article 62 quater
L'article 21-28 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-28. - Dans un délai d'un an à compter de l'acquisition de la nationalité française, une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française est organisée par le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, à l'attention des personnes visées aux articles 21-2-1, 21-11-1, 21-12-1 et 21-14-2. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 446, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. La commission des lois propose une réécriture totale de cet article pour y intégrer les dispositions qu'elle a précédemment supprimées. Nous prenons acte de la cohérence qu'elle apporte aux mesures prises dans un véritable cafouillage par l'Assemblée nationale. Pour autant, nous n'approuvons pas ces propositions sur le fond.
Nous tenons à insister sur notre opposition à la transmission aux parlementaires de l'identité et de l'adresse des ressortissants étrangers ayant acquis la nationalité française. Nous aimerions bien savoir quelle utilité peut revêtir une telle disposition. Que les parlementaires disposent d'éléments statistiques et généraux concernant les naturalisations, cela fait partie des données dont ils doivent avoir connaissance pour légiférer utilement. Mais, ici, la situation est tout à fait différente puisqu'il s'agit de données nominatives.
De plus, comme nous l'avons déjà souligné, nulle disposition ne fait obligation à une personne de déclarer son adresse. Je le répète : pourquoi exiger cela d'une Française ou d'un Français d'origine étrangère et non d'une Française ou d'un Français de naissance ? Cette disposition nous semble discriminatoire.
Pour cette raison, nous ne voyons pas l'utilité pratique ou juridique de transmettre des données nominatives aux parlementaires ; nous en mesurons les risques politiques. Il nous semble y avoir assez de fichiers en circulation. Ne nous donnons pas l'occasion d'en créer avec l'aide des services de l'Etat ! Nous demandons donc la suppression de cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 60, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 21-28 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-28.- Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, organise, dans un délai de six mois à compter de l'acquisition de la nationalité française, une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française à l'intention des personnes, résidant dans le département, visées aux articles 21-2, 21-11, 21-12, 21-14, 21-14-1, 21-15, 24-1, 24-2 et 32-4 du présent code ainsi qu'à l'article 2 de la loi n° 64-1328 du 26 décembre 1964 autorisant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la réduction des cas de pluralité de nationalité et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalité.
« Il en tient informés les parlementaires nationaux et communique à ceux-ci l'identité et l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité française invitées à participer à cette cérémonie.
« Les personnes ayant acquis de plein droit la nationalité française en application de l'article 21-7 sont invitées à cette cérémonie dans un délai de six mois à compter de la délivrance du certificat de nationalité française mentionné à l'article 31. »
La parole est à M. le président de la commission, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 446.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'amendement n° 60 a pour objet de regrouper dans un article unique du code civil l'obligation d'organiser dans les six mois de l'acquisition de la nationalité française une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté. Les parlementaires nationaux en sont informés et leur sont communiqués l'identité et l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité française invitées à participer à cette cérémonie.
Cette cérémonie serait étendue à l'ensemble des étrangers acquérant la nationalité française soit par déclaration, soit par décision administrative, soit sans formalité. Seules les personnes devenues françaises par suite d'une possession d'état de Français ne seraient pas visées par le dispositif.
Madame la présidente, je demande le vote par priorité sur cet amendement.
Par ailleurs, la commission est défavorable à l'amendement n° 446.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission ?
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 446 ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'indiquerai, avant toute chose, que je suis favorable à la réécriture de l'article 21-28 du code civil qui permet la généralisation de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté.
Cependant, une interrogation subsiste. Comme les débats à l'Assemblée nationale l'ont montré, il n'est pas certain que l'on puisse raisonnablement prévoir que le préfet communique systématiquement aux parlementaires nationaux l'identité et l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité française invitées à participer à cette cérémonie.
Sincèrement, cette obligation paraît difficile à mettre en pratique. Peut-être une rédaction plus simple pourrait-elle être retenue afin d'associer pleinement les représentants de la nation à cette cérémonie.
Je propose donc la rédaction suivante pour le troisième alinéa de l'article 21-28 du code civil: « Les parlementaires nationaux sont invités à la cérémonie d'accueil. »
Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 446.
Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, acceptez-vous la rectification proposée par M. le ministre ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je l'accepte d'autant plus volontiers qu'à la relecture du dispositif proposé celui-ci me paraissait compliqué à appliquer. Mais les parlementaires doivent pouvoir être invités à la cérémonie d'accueil.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 60 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 21-28 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-28.- Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, organise, dans un délai de six mois à compter de l'acquisition de la nationalité française, une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française à l'intention des personnes, résidant dans le département, visées aux articles 21-2, 21-11, 21-12, 21-14, 21-14-1, 21-15, 24-1, 24-2 et 32-4 du présent code ainsi qu'à l'article 2 de la loi n° 64-1328 du 26 décembre 1964 autorisant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la réduction des cas de pluralité de nationalité et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalité.
Les parlementaires nationaux sont invités à la cérémonie d'accueil.
Les personnes ayant acquis de plein droit la nationalité française en application de l'article 21-7 sont invitées à cette cérémonie dans un délai de six mois à compter de la délivrance du certificat de nationalité française mentionné à l'article 31. »
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Madame la présidente, afin de voter en toute connaissance de cause, je souhaite disposer du texte écrit de l'amendement, ce qui n'a pas été le cas la semaine dernière lorsque j'ai accepté la rectification d'une mesure que j'avais proposée ; mais je ne le regrette pas.
Je souhaite par ailleurs avoir une précision : un parlementaire européen est-il un parlementaire national ? Autrement dit, les parlementaires français, qui sont des parlementaires européens, seront-ils informés ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Bernard Frimat. Quelle est la notion qui prévaut ? S'agit-il des parlementaires de nationalité française, quelle que soit l'assemblée dans laquelle ils siègent ? Ou bien s'agit-il des parlementaires nationaux ? Il serait utile d'avoir cette précision. (Il est procédé à la distribution de l'amendement.) Je remercie Mme la présidente et le service de la séance de leur diligence A la lecture de l'amendement, je voterai contre.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Afin d'apporter la précision souhaitée par M. Frimat, je rectifie l'amendement en rédigeant le texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article 21-28 du code civil de la manière suivante : « Les députés et les sénateurs élus dans le département sont invités à la cérémonie d'accueil ». Ainsi, c'est parfaitement clair ! En effet, on ne savait pas très bien si l'expression « parlementaires nationaux » englobait tous les parlementaires.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 60 rectifié bis, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 21-28 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-28.- Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, organise, dans un délai de six mois à compter de l'acquisition de la nationalité française, une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française à l'intention des personnes, résidant dans le département, visées aux articles 21-2, 21-11, 21-12, 21-14, 21-14-1, 21-15, 24-1, 24-2 et 32-4 du présent code ainsi qu'à l'article 2 de la loi n° 64-1328 du 26 décembre 1964 autorisant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe sur la réduction des cas de pluralité de nationalité et sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalité.
« Les élus et les sénateurs élus dans le département sont invités à la cérémonie d'accueil.
« Les personnes ayant acquis de plein droit la nationalité française en application de l'article 21-7 sont invitées à cette cérémonie dans un délai de six mois à compter de la délivrance du certificat de nationalité française mentionné à l'article 31. »
La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je voterai bien entendu cet amendement, mais je tiens à préciser que, lors de l'examen du dispositif par la commission, je m'étais demandé s'il ne conviendrait pas de le sous-amender afin d'y intégrer les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France.
En effet, certains de nos nouveaux compatriotes peuvent acquérir la nationalité française à l'étranger. J'ai déjà eu l'honneur d'assister à des cérémonies de remise de papiers de nationalité française. Je ne sais pas comment cela se passe en France, mais je puis vous affirmer qu'à l'étranger la cérémonie est d'une grande qualité, particulièrement émouvante, et vous donne la « chair de poule de la République », si vous me permettez l'expression.
Monsieur le ministre, je sais bien qu'il était difficile de décider que les sénateurs représentant les Français établis hors de France devaient être invités aux cérémonies organisées partout dans le monde, car il s'agirait d'une très vaste circonscription. Il serait néanmoins souhaitable que le poste diplomatique ou consulaire invite les sénateurs présents dans le pays aux cérémonies d'accueil des nouveaux entrants dans la grande famille de la République, car celles-ci n'en seraient que plus solennelles.
Mme la présidente. La commission mixte paritaire étudiera sans doute cette question, monsieur le président de la commission.
Je mets aux voix l'amendement n° 60 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 62 quater est ainsi rédigé et l'amendement n° 446 n'a plus d'objet.
Article 62 quinquies
L'article 21-29 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-29. - Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, autorise les maires qui en font la demande à organiser la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française dans les conditions prévues à l'article 21-28. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 447, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, loi après loi, projet après projet, vous modifiez profondément le rôle des élus locaux, notamment celui des maires.
Vous en faites des supplétifs de l'État en matière sociale, des intervenants directs dans la répression de la délinquance, avec des quasi-pouvoirs de procureur. Vous en faites des acteurs de la politique d'immigration, alors que cela n'entre pas dans leur champ de compétences. Vous en faites des agents de délation, que ce soit en matière délinquance ou, comme dans le texte que nous examinons, en matière d'immigration.
Ils ne sont pas élus pour cela ! Vous entretenez sciemment la confusion entre les rôles institutionnels des élus et ceux de l'État.
On pourrait s'attendre à autre chose de cette assemblée dans laquelle siègent de nombreux maires. C'est consternant et je leur souhaite bien du plaisir pour appliquer ces dispositions dans leur commune.
Un nombre croissant de maires réagissent, à juste titre, à cette situation. Et je crois qu'ils seront de plus en plus nombreux à le faire au fur et à mesure qu'ils s'apercevront du rôle qu'on veut leur faire jouer.
En ce qui concerne les cérémonies d'accueil, nous avons précédemment souligné que les maires n'avaient pas de compétences particulières en matière de naturalisation, que leur confier le soin d'organiser ces cérémonies risquait de créer des différences entre les personnes concernées. Il en est de même s'agissant de la communication des données personnelles.
Pendant des années, le temps que leur dossier de naturalisation aboutisse, on a demandé aux étrangers d'être de bons étrangers. Aujourd'hui, on durcit les conditions de leur naturalisation et il faudrait encore qu'ils prouvent qu'ils seront de bons Français, que l'on peut avoir à disposition, bien notés, etc.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 61, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article:
L'article 21-29 du code civil est ainsi rédigé:
« Art. 21-29 : - Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, communique au maire, en sa qualité d'officier d'état civil, l'identité et l'adresse des personnes résidant dans la commune susceptibles de bénéficier de la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française.
« Lorsque le maire en fait la demande, il peut l'autoriser à organiser, en sa qualité d'officier d'état civil, la cérémonie d'accueil dans la citoyenneté. »
La parole est à M. le président de la commission, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 447.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'amendement n° 61 vise à regrouper dans un article unique l'obligation pour le représentant de l'État de communiquer au maire l'identité et l'adresse des personnes ayant acquis la nationalité française et la possibilité de déléguer au maire, sur sa demande, l'organisation de cette cérémonie.
Un pouvoir d'appréciation serait reconnu au représentant de l'État pour autoriser le maire à procéder à cette célébration, qu'il ne pourra accomplir qu'en sa qualité d'officier d'État-civil, je le rappelle.
Je me souviens des travaux de la commission « Marceau Long », du nom de son président : à une très large majorité, elle avait recommandé que l'acquisition de la nationalité française fasse l'objet d'une cérémonie d'accueil. J'ai présenté cette proposition à plusieurs reprises, mais on m'a toujours répondu que cela n'intéressait personne.
Recevoir sa carte de nationalité française, ce n'est pas la même chose que recevoir sa carte vitale ! Et organiser une cérémonie pour marquer l'accueil dans la communauté française ne me paraît pas méprisable ; c'est au contraire extrêmement honorable.
Je suis donc défavorable à tous les amendements qui visent à supprimer ces cérémonies.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 447 et favorable à l'amendement n° 61.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 62 quinquies, est ainsi rédigé.
Article 63
Dans le deuxième alinéa de l'article 26-4 du code civil, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 231 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 448 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 231.
M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 448.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 231 et 448.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 63.
(L'article 63 est adopté.)
Article additionnel après l'article 63
Mme la présidente. L'amendement n° 126 rectifié, présenté par Mmes Férat et Dini, M. Badré, Mmes Payet et Morin-Desailly, MM. Détraigne, Zocchetto, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 21-19 du code civil est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« ...° L'étranger, entré en France de manière isolée avant l'âge de 18 ans et ayant fait l'objet d'une mesure judiciaire de placement en structure d'accueil. Une commission départementale présidée par le représentant de l'État dans le département et à Paris, par le préfet de police, et composée des services déconcentrés de l'État concernés et des services de l'aide sociale à l'enfance, est chargée d'étudier le bien-fondé de cette demande et transmet son avis à l'autorité publique chargée d'accorder la naturalisation.
« La commission départementale sera informée par le président du conseil général des conditions d'admission dans son service de l'aide sociale à l'enfance de tout mineur étranger dont il assure la garde au titre de la protection des mineurs. Une fois par un an un état individuel détaillé de l'évolution sociale, scolaire et/ou professionnelle sera présenté à la commission qui validera le parcours d'intégration du jeune sur la base d'un cahier des charges national contractualisé avec lui dès son accueil dans l'un des services de l'aide sociale à l'enfance.
« Les conditions de mise en oeuvre des deux alinéas précédents sont fixées par décret. »
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, en qualité de président de conseil général, vous devez avoir connaissance de situations comparables à celles que je vise dans mon amendement. Je ne veux pas croire - ce serait un miracle ! - que l'on ne trouve de tels cas que dans le département de la Marne.
Les services de l'aide sociale à l'enfance sont confrontés à des problèmes récurrents liés à l'accueil de mineurs d'origine étrangère dans les foyers départementaux de l'enfance.
En l'état actuel de la législation, ces jeunes sont suivis jusqu'à leur majorité par ces structures, puis invités à regagner leur pays natal. Ce système les incite donc, dans un premier temps, à s'inscrire dans une démarche d'intégration pour les contraindre, dans un second temps, à quitter le territoire français.
Fort utiles pour dissuader les éventuels candidats à l'immigration clandestine, ces reconduites à la frontière constituent une véritable entrave au travail de médiation sociale et déstabilisent des adolescents angoissés par cet exode forcé et inéluctable.
Monsieur le ministre, il vous est donc proposé, par cet amendement, de créer une procédure d'acquisition de la nationalité française au profit des jeunes qui justifient, auprès d'une commission créée à cet effet, de leur parfaite intégration sociale ou professionnelle et de leur volonté manifeste de devenir citoyen français.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout d'abord, la commission s'est interrogée sur la cohérence de cette proposition avec l'ensemble des modes d'acquisition de la nationalité française.
J'ai une petite expérience en matière d'aide sociale à l'enfance, puisque j'ai présidé un conseil général pendant vingt-trois ans. Au demeurant, la suppression de la condition de stage pour l'acquisition de la nationalité française ne paraît pas justifiée dans un tel cas. En tout état de cause, la durée de prise en charge de l'étranger par l'aide sociale à l'enfance sera prise en compte dans le calcul de la durée de ce stage.
La commission est prête à réexaminer votre amendement, madame Férat, mais je vous demande de bien vouloir le retirer, car, je vous le dis sincèrement, je ne vois pas du tout où peut mener un tel dispositif. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Férat, le Gouvernement comprend parfaitement la préoccupation que vous venez d'exprimer au nom du groupe de l'UC-UDF, d'autant qu'il la partage.
Il faut, dans toute la mesure du possible, favoriser l'accès à la nationalité française des jeunes étrangers qui se sont pleinement assimilés à la communauté nationale quelques années après avoir été accueillis par le service de l'aide sociale à l'enfance.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, à l'article 24 du projet de loi, une première étape : les jeunes étrangers confiés au service de l'aide sociale à l'enfance qui ont fait des efforts d'intégration bénéficient de plein droit, à leur majorité, d'une carte de séjour.
La seconde étape est celle de l'accès à la nationalité, qui est rendu possible grâce à l'article 24. Deux voies d'accès existent désormais.
Le premier paragraphe de l'article 21-12 du code civil permet, je vous le rappelle, au jeune étranger qui a été confié depuis au moins trois années au service de l'aide sociale à l'enfance d'acquérir la nationalité française par simple déclaration. Ainsi, les jeunes qui sont confiés au service de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de quinze au plus ont vocation à devenir français par déclaration, dès leur majorité, sans avoir à effectuer d'autre démarche.
Mme Françoise Férat. Cela ne se passe pas comme cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avec l'article 24 tel qu'il a été modifié par le Sénat, cela se passera ainsi ! Nous prendrons les décrets d'application dès que le texte sera adopté et, forts de l'article 24, nous pourrons régler le problème que vous avez soulevé et auquel le Gouvernement est également sensible.
Avec la naturalisation dans les conditions de droit commun définies par l'article 21-17 du code civil, avec une condition de stage de cinq ans, le jeune étranger entré en France à l'âge de seize ans et confié au service de l'aide sociale à l'enfance pendant deux ans devra attendre l'âge de vingt et un ans pour présenter sa demande de naturalisation.
Ces deux voies d'accès à la nationalité nous paraissent répondre pleinement à votre inquiétude, madame Férat, et à celle de l'ensemble du groupe UC-UDF, puisque les jeunes concernés pourront désormais bénéficier d'un titre de séjour à l'âge de dix-huit ans, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Vous avez eu raison, madame Férat, de présenter cet amendement. Mais depuis que le Sénat a amendé l'article 24, avec l'accord du Gouvernement, le problème auquel vous faites référence est totalement réglé.
Je vous demande donc, madame Férat, de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Madame Férat, l'amendement n° 126 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. Retirer cet amendement me gênait quelque peu, car je n'étais pas vraiment convaincue que la carte de séjour n'était pas une étape supplémentaire inutile dans le cas qui nous occupe ce soir.
Mais l'engagement de M. le ministre concernant la publication des décrets me rassure pleinement. Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 126 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 63 bis.
Article 63 bis
Dans l'article 68 du code civil, le montant : « 4,5 € » est remplacé par le montant : « 3 000 € ».
Mme la présidente. L'amendement n° 449, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Mode de constatation des principaux faits relatifs à l'état des personnes et de la famille -naissance, mariage, divorce, filiation, nom, nationalité, etc -, l'état civil joue un rôle capital au niveau tant individuel que collectif. La vie politique, économique et sociale dépend en grande partie du fonctionnement de ce service.
Les officiers d'état civil exercent leurs fonctions sous la responsabilité et le contrôle du ministère de la justice. Des négligences ou des irrégularités dans la tenue de l'état civil peuvent donner suite à des amendes civiles, des sanctions pénales ou disciplinaires déjà prévues par la loi. Mais placer ces officiers sous le couperet des sanctions financières définies par cet article nous paraît inacceptable !
La sérénité exigée par leur mission ne doit pas être perturbée par de pareilles menaces. C'est pourquoi nous vous proposons la suppression du présent article.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est défavorable, madame la présidente, car il convient de donner à la sanction existante un aspect réellement dissuasif.
De plus, le montant de l'amende n'avait pas été revalorisé.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 63 bis.
(L'article 63 bis est adopté.)
Article 63 ter
I. - Au début de l'intitulé du chapitre III du titre II du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont insérés les mots : « Reconnaissance d'enfant et ».
II. - L'article L. 623-1 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « un mariage », sont insérés les mots : « ou de reconnaître un enfant » ;
2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « d'un mariage », sont insérés les mots : « ou de reconnaissance d'enfant ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 450, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes toujours dans la même problématique.
La Convention européenne des droits de l'homme reconnaît le droit au respect de la vie privée, familiale, du domicile et de la correspondance, la liberté de se marier et de fonder une famille - article 12 - et interdit toute discrimination - article 14.
Nous sommes étonnés de constater que le présent texte, comme d'autres d'ailleurs, non seulement ne s'inspire pas d'une convention que notre pays a ratifiée, mais met a priori la suspicion au centre de tous nos débats.
L'application de ce texte en métropole et, a fortiori, dans les territoires d'outre-mer trahit l'esprit de cette Convention européenne en réveillant des peurs archaïques, en alimentant des scénarii malsains et sordides d'enfants et de loups.
Ne nous obligez pas, ici, à disserter comme au café du commerce sur les faits divers et les actions des voyous, de malades, en se répétant : « C'est vrai ! », « Ça arrive ! », « C'est possible ! », « Je l'ai vu à la télévision », etc.
La logique qui renvoie à la pénalisation des paternités, que vous définissez comme de complaisance, nous est profondément étrangère.
Mme la présidente. L'amendement n° 62, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II de cet article :
II.- L'article L. 623-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour » sont remplacés par les mots : « ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement » ;
2° Au second alinéa, après les mots : « d'un mariage » sont insérés les mots : « ou d'une reconnaissance d'enfant ».
La parole est à M. le président de la commission, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 450.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par cohérence avec l'article 76 du présent projet de loi, cet amendement n° 62 tend à sanctionner pénalement les reconnaissances d'enfants qui n'auraient d'autres fins que d'offrir au père le bénéfice d'une protection contre l'éloignement.
Dès lors, la commission ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 450, car les manoeuvres existent et il convient de les sanctionner. C'est ce que nous proposons.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 450 et favorable à l'amendement n° 62.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 63 ter, modifié.
(L'article 63 ter est adopté.)
Article additionnel après l'article 63 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 63, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 63 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article 20 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les dispositions de la présente ordonnance n'ont pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur. »
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement tend à lever une ambiguïté liée à la réforme du droit de la filiation opérée par l'ordonnance du 4 juillet 2005.
Supprimant les différences entre filiation naturelle et filiation légitime, l'ordonnance prévoit notamment que la simple mention de la mère dans l'acte de naissance de l'enfant permet d'établir la filiation maternelle.
Ce texte étant applicable aux personnes nées avant comme après son entrée en vigueur, il convient de préciser qu'il n'a aucun effet sur la nationalité des personnes majeures au jour de son entrée en vigueur, c'est-à-dire le 1er juillet prochain. Cette précision s'inscrit dans le principe visé à l'article 20-1 du code civil, selon lequel la filiation d'un enfant n'a d'effet sur sa nationalité que si cette filiation est établie durant sa minorité.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63 ter.
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ASILE
CHAPITRE IER
Dispositions relatives aux pays d'origine sûrs
Article 64
Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 et l'adoption de dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, mentionnés au 2° de l'article L. 741-4 » sont remplacés par les mots : « dans les conditions prévues par les dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d'origine sûrs, mentionnés au 2° de l'article L. 741-4 ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, en abordant ce nouveau titre consacré au droit d'asile, nous tenons à récuser la logique qui inspire votre texte et qui tend à confondre demandeur d'asile et étranger en situation irrégulière.
Dans la contribution des sénateurs socialistes aux conclusions de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, nous affirmions : « la suspicion généralisée frappant les demandeurs d'asile doit être dénoncée fermement. Notre pays s'honore d'être une terre de refuge depuis de nombreuses décennies. Des crédits supplémentaires doivent être consacrés pour accompagner les demandeurs d'asile dans leurs démarches (constitution du dossier, accès à un interprète, logement) et les préserver d'une précarité de vie indigne de notre République. » Cela correspond très exactement à ce que demande l'association Emmaüs, qui gère des centres d'accueil des demandeurs d'asile, CADA.
« De même, la réflexion doit aussi se porter sur la remise en cause du droit d'asile telle qu'opérée par le gouvernement actuel. Porter le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés à 15 jours n'est pas acceptable. »
Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que nous n'avons malheureusement pas été entendus. Le Comité interministériel de contrôle de l'immigration a évoqué l'idée de ramener d'un mois à quinze jours le délai de recours devant la Commission des recours des réfugiés. Dans sa sagesse, le rapporteur de la commission des lois de notre Haute Assemblée propose de réinscrire ce délai dans la loi en le portant à un mois. Ce serait déjà mieux.
Pour notre part, nous proposons de le fixer à deux mois, ce qui est le délai administratif normal. Cela ne nous semble pas de trop lorsque l'on connaît les difficultés matérielles - langue, logement, méconnaissance de leurs droits, etc. - dans lesquelles se débattent beaucoup de demandeurs d'asile sur notre territoire et dont les associations qui les aident font état. Nous y reviendrons sans doute lors de la discussion des articles additionnels après l'article 64.
Pour le reste, sous prétexte d'assurer un meilleur accueil des demandeurs d'asile, les principales dispositions de votre texte conduiraient, si elles étaient adoptées, à durcir les conditions du droit d'asile en France.
Ainsi, à l'article 64, il en est une qui nous paraît inacceptable, à savoir la confirmation d'une liste nationale des pays d'origine sûrs. Lors de l'examen au Sénat de la précédente loi sur l'immigration, en 2003, le groupe socialiste avait rejeté le principe de la définition de pays d'origine sûrs et donc d'une liste, nationale ou communautaire.
Nous estimons que, pour respecter le droit de chaque réfugié, et compte tenu de la diversité des situations, il faut examiner les dossiers au cas par cas, et prévoir un entretien personnalisé. C'est le fondement même du principe de non-refoulement, qui a été établi par la Convention de Genève, principe selon lequel les gouvernements ne peuvent refouler un demandeur si celui-ci n'a pas pu défendre son cas.
Le fait que vous vous abritiez, monsieur le ministre, derrière la directive européenne 2005/85/CE du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales - seulement - concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ne nous surprend pas. En effet, c'est votre gouvernement qui a demandé l'élaboration d'une telle directive et a largement participé à sa rédaction. Vous portez donc une responsabilité directe sur son contenu. Cette directive n'est pas tombée du ciel par hasard ; elle est le fruit de la volonté d'une majorité de gouvernements de droite en Europe.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle a été approuvée par tout le monde !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais cette directive, dans son article 29, ne fait que prévoir une « liste commune minimale de pays tiers considérés comme pays d'origine sûrs ». En outre, elle permet à chaque État membre d'inscrire sur cette liste, par le biais de dispositions législatives internes, des pays d'origine sûrs autres que ceux qui figurent sur cette « liste commune minimale » européenne. Rien n'interdit donc au Gouvernement français de faire preuve d'une certaine magnanimité.
Or, l'adoption de cette liste minimale européenne de pays d'origine sûrs n'a toujours pas abouti, car elle se heurte à plusieurs obstacles. La Commission européenne attend toujours, notamment, que les États membres lui fournissent leurs listes nationales, afin de trouver un dénominateur commun. Par ailleurs, elle veut être certaine que la liste qu'elle proposera ne contient pas de pays où existe la pratique des mutilations génitales. C'est notamment pour cette raison que le Niger, par exemple, n'y figure pas.
Dans ces conditions, il serait raisonnable de transmettre à la Commission européenne une liste indicative, avant de figer celle-ci dans notre législation interne. Or l'article 64 de votre projet de loi vise, monsieur le ministre, à protéger la liste nationale qui a été adoptée de toute évolution communautaire, puisque le texte parle « des pays considérés au niveau national comme des pays d'origine sûrs ».
Une certaine souplesse dans la définition serait pourtant nécessaire, car les pays d'origine concernés peuvent connaître des évolutions très rapides dans un sens ou dans l'autre. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a indiqué que, depuis l'adoption de la première liste, les personnes en provenance des pays sûrs ainsi désignés ne représentaient plus que 2,2 % des demandes, contre 11,4 % auparavant ! Nous proposerons donc de supprimer cet article par voie d'amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. À l'occasion du début de l'examen des dispositions du titre V relatives à l'asile, je veux insister sur le fait que nous condamnons la confusion que le Gouvernement opère avec ce texte entre le droit d'asile et les questions d'immigration.
Je rappelle que le droit d'asile est un droit de l'homme fondamental, prévu à la fois par la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la Convention de Genève et les textes fondateurs qui régissent le fonctionnement de notre République. À ce titre, il ne saurait être question de parler de gestion ou encore de maîtrise des flux.
La France, fidèle à sa tradition d'accueil, doit continuer à offrir une protection à toute personne qui, exposée à des persécutions dans son pays, s'enfuit vers des terres plus sûres.
Or, la situation actuelle est loin de répondre aux exigences élémentaires en matière de respect des droits de l'homme qui s'imposent à notre pays.
Le droit d'asile est, en effet, sans cesse rogné. La loi du 10 décembre 2003 que vous avez fait voter par votre majorité parlementaire, monsieur le ministre, a considérablement affaibli la protection des personnes persécutées, en introduisant notamment des notions aussi restrictives que celles de « protection subsidiaire », d' « acteurs de protection », d' « asile interne », de « pays d'origine sûrs », allant même jusqu'à remettre en cause ce droit fondamental qu'est le droit d'asile.
La notion de « pays d'origine sûrs », abordée dans l'article 64, n'est pas sans poser problème.
Cette notion implique une discrimination entre les réfugiés en raison de leur nationalité, discrimination qui est interdite, je le rappelle, par l'article 3 de la Convention de Genève.
De plus, le dossier des demandeurs venant de pays considérés comme sûrs est systématiquement instruit dans le cadre d'une « procédure prioritaire ». Or, en l'espèce, les garanties sont insuffisantes : la demande d'asile est traitée en quinze jours, le recours contre une mesure d'éloignement est non suspensif, les étrangers ne bénéficient pas d'une aide sociale, ni de l'allocation temporaire d'attente, et n'ont pas accès au dispositif d'accueil destiné aux demandeurs d'asile.
On le voit, votre texte constitue, une fois de plus, une remise en cause du droit d'asile. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements sur les articles qui forment le titre V, sur lesquels nous reviendrons le moment venu.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avant d'en venir à l'examen des amendements, je voudrais porter quelques éléments à la connaissance de la Haute Assemblée.
S'agissant de la notion de « pays d'origine sûrs » en matière d'asile, la réforme majeure introduite en 2003 a permis d'accélérer l'examen des demandes d'asile en provenance de ressortissants de pays qui respectent a priori les droits de l'homme et les libertés publiques. Madame Cerisier-ben Guiga, si vous êtes en mesure de démontrer que l'on ne respecte pas les droits de l'homme dans certains de ces pays, alors dites-le à la Haute Assemblée !
En juin 2005, nous avons défini une liste de douze pays sûrs, à savoir le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, la Géorgie, le Ghana, l'Inde, le Mali, l'île Maurice, la Mongolie, le Sénégal et l'Ukraine. M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, s'est lui-même rendu au Bénin voilà quelques semaines ; il y a d'ailleurs été accueilli par un certain nombre de manifestants. Si ce pays n'avait pas été sûr, les personnes n'auraient sans doute pas pu exercer leur droit de manifester aussi librement ! C'est donc bien la preuve que nous avons affaire à une liste de pays sûrs.
Cette réforme est efficace. En effet, en juin 2005, ces douze pays représentaient 10 % environ du total des demandes d'asile ; sept mois plus tard, en janvier 2006, le nombre des demandeurs d'asile de ces pays est passé de 476 à 83, soit une baisse spectaculaire de 82 %.
Cette pratique est également conforme aux principes constitutionnels. En effet, le Conseil constitutionnel a approuvé la loi du 10 décembre 2003 tendant à définir cette notion. Par ailleurs, le Conseil d'État statuant au contentieux, dans un arrêt Gisti du 5 avril 2006, a approuvé la liste définie en 2005.
Nous avons donc étendu la liste des pays d'origine sûrs. Le conseil d'administration de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a étendu, au début du mois dernier, la liste à cinq pays. Madame Cerisier-ben Guiga, vous en conviendrez, l'OFPRA n'est pas le ministère de l'intérieur !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Absolument !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quelquefois, on pourrait presque le regretter... (Sourires.)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous ne le regrettons pas du tout ! (Nouveaux sourires.)
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces cinq pays sont l'Albanie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, le Niger, Madagascar et la Tanzanie.
Parallèlement, au niveau européen, nous essayons d'avancer plus vite dans l'élaboration d'une liste commune. Comme nous sommes tous des États démocratiques, nous devrions pouvoir nous accorder pour évaluer si un État tiers respecte ou non les droits de l'homme. On sait bien que les négociations sont longues au sein de l'Europe des Vingt-Cinq.
Lors des trois dernières réunions des ministres de l'intérieur de l'Union européenne, M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, m'avait demandé de le représenter et de défendre les positions de la France, avec d'autres partenaires tels que l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne.
Contrairement à ce que vous avez affirmé, madame Borvo Cohen-Seat, ce ne sont pas tous des pays de droite...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n'ai rien dit du tout !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous prie de m'excuser. Vous, vous respectez les États démocratiques pour ce qu'ils sont, alors que Mme Cerisier-ben Guiga les identifie par rapport à leur exécutif ; c'est toute la différence. Vous reconnaissez à chacun des vingt-cinq membres de l'Union européenne le droit d'avoir une démocratie libre qui fonctionne normalement, dans le respect du choix des électeurs. De son côté, Mme Cerisier-ben Guiga les catalogue, conteste leurs choix, prétendant que l'Europe n'est pas démocratique, au motif que la majorité qui la gouverne n'appartient pas à son courant de pensée politique. Tel est le résumé de son intervention.
Permettez-moi de vous dire, madame Cerisier-ben Guiga, que tel n'a pas toujours été le cas. Aujourd'hui, bon nombre de pays de l'Union européenne - si ce n'est la quasi-totalité d'entre eux, notamment les dix nouveaux pays entrants - sont en train de reconnaître les positions qui ont été défendues par la France et par certains de ses partenaires, quel que soit l'origine politique de leur gouvernement, et estiment que la liste des pays d'origine sûrs doit devenir commune à l'ensemble des vingt-cinq membres de l'Union européenne. Nous ne sommes pas donc loin de parvenir à un accord, nous en sommes même très proches. Celui-ci devrait intervenir dans les semaines ou les mois qui viennent, tout au plus.
Je rappelle d'ailleurs que, lors du G 6 qui s'est tenu en Allemagne à Heiligendamm, le ministre d'État a obtenu de nos partenaires que nous avancions à six sur l'élaboration d'une liste commune de pays d'origine sûrs. Depuis, on a fait du chemin, puisque les Vingt-Cinq sont en train d'y souscrire.
Vous exprimez ce soir, madame Cerisier-ben Guiga, le souhait que la France soit le seul pays de l'Union européenne, le seul des Vingt-Cinq, à ne pas accepter de s'aligner sur cette liste tout en défendant une politique commune dans ce domaine. Ce serait, à mon sens, très regrettable pour l'image de notre pays. En tout état de cause, en ce qui nous concerne, telle n'est pas la ligne de conduite que nous entendons défendre, et ce texte nous permettra de gérer les flux migratoires.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 239 est présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 451 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 239.
M. Bernard Frimat. Je ne répéterai pas ce qu'a dit Mme Cerisier-ben Guiga. Nous avons été, dès le départ, opposés au principe d'une liste de pays d'origine sûrs, car cela nous semblait arbitraire et contraire à l'esprit et à la lettre de la Convention de Genève au sens où cette liste peut introduire une inégalité de traitement au regard de la nationalité. Voilà pour ce qui concerne le principe général.
Par ailleurs, je salue la clarté de votre discours, monsieur le ministre. Pour conclure votre propos, vous avez affirmé que cette liste permet de diminuer les flux migratoires et de faire baisser le nombre des demandes d'asile. À cet égard, je dispose des mêmes chiffres que vous : le nombre des demandeurs d'asile appartenant à la liste des pays d'origine sûrs est passé de 11,5 % à 2,2 %. Poussons ce raisonnement jusqu'à ses limites : si la totalité des pays sont déclarés sûrs, les textes que nous élaborons en matière de droit d'asile auront un intérêt beaucoup plus limité, puisque le problème ne se posera plus.
Eu égard à la Convention de Genève, nous émettons, je le répète, des réserves sur la notion de pays d'origine sûrs. Qui plus est, je n'ai pas la conviction - mais vous pourrez me contredire, monsieur le ministre, si je me trompe -, que la définition telle qu'elle existe dans ce projet de loi soit strictement équivalente à celle qui figure dans la directive, qui me semble plus exigeante et plus précise.
Vous nous annoncez un accord prochain des pays européens sur la liste commune. Toutefois, celui-ci est long à réaliser : depuis 2003, il ne s'est rien passé, et le dernier G 6 n'a pas réussi à régler l'affaire. La tentative de M. le ministre d'État de faire adopter la liste initiale établie par la France en y ajoutant la Tanzanie n'a pas abouti.
Le problème réside dans la coexistence d'une liste européenne - qu'on nous annonce, mais qui n'existe pas encore - avec une liste nationale qui s'allonge. Quel que soit le respect qu'on puisse avoir pour l'OFPRA, il ne lui appartient pas de fixer la composition de cette liste nationale.
C'est une raison supplémentaire de souhaiter la suppression de l'article 64. La France a signé des accords internationaux qui doivent être respectés, quel que soit le gouvernement signataire. Aussi, c'est la liste européenne qui doit s'imposer, à l'exclusion de tout autre.
Nous demandons au Gouvernement de refuser de céder à la facilité, même par délégation, en allongeant la liste nationale uniquement pour faciliter la gestion des flux migratoires et réduire les demandes d'asile.
J'ai le souvenir d'une phrase qu'a prononcée le ministre de l'intérieur devant la commission d'enquête, lors de son audition. Il déclarait en substance - je parle sous le contrôle de M. le rapporteur - que c'est vers la France que se dirigent le plus grand nombre de demandeurs d'asile,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Bernard Frimat. ...réclamant que cesse cette situation.
Probablement exprime-t-il la philosophie de sa politique en matière d'asile.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Bernard Frimat. Probablement présuppose-t-il une fois de plus que les fraudeurs sont partout, que les demandeurs d'asile, qui sont en situation régulière, sont en réalité des migrants clandestins !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l'amendement n° 451.
Mme Éliane Assassi. Je confirme notre opposition à la notion de pays d'origine sûrs, introduite dans notre droit par la loi du 10 décembre 2003, laquelle a été votée sans les voix des parlementaires communistes.
M. Bernard Frimat. Et sans les voix des parlementaires socialistes !
Mme Éliane Assassi. En effet !
Cette notion constitue non seulement une restriction supplémentaire au droit d'asile, mais encore une entorse au principe de non-discrimination énoncé à l'article 3 de la Convention de Genève de 1951.
En vertu de la loi de 2003, le conseil d'administration de l'OFPRA a adopté, le 30 juin 2005, une liste nationale de douze pays d'origine sûrs, liste qui devait être transitoire dans l'attente de l'établissement d'une liste européenne.
En janvier 2006, le ministre des affaires étrangères a annoncé l'ajout prochain de cinq nouveaux pays à la liste nationale actuelle.
Quant à la directive européenne « procédures », adoptée en décembre 2005, elle a prévu l'établissement d'une liste commune de pays d'origine sûrs qui devrait donc mettre fin à la liste nationale.
Cependant, monsieur le ministre, vous vous êtes rendu compte que cette liste commune européenne risquait d'être moins étendue que la liste établie par l'OFPRA. Aussi, vous vous êtes empressé de modifier une fois de plus notre législation afin de prévoir la coexistence de ces deux listes.
Or l'existence de deux listes cumulatives va allonger d'autant le nombre de pays considérés comme sûrs par la France et, par voie de conséquence, va augmenter le nombre de demandes d'asile refusées au motif que les demandeurs viennent d'un pays sûr.
Nous ne pouvons vous suivre sur cette voie, qui remet profondément en cause un droit fondamental : le droit d'asile.
Pour ces raisons, nous vous demandons de revenir sur cette disposition injuste, injustifiée et inhumaine.
Mme la présidente. L'amendement n° 452, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ne sont considérés comme sûrs que les pays figurant à la fois sur la liste communautaire et sur la liste nationale.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Vous aurez compris qu'il s'agit d'un amendement de repli, puisque je suppose que notre amendement de suppression de l'article 64 sera rejeté.
Nous tentons d'atténuer un tant soit peu les effets néfastes de l'article 64, auquel nous restons fermement opposés. Avec cet amendement, nous proposons de restreindre le nombre de pays d'origine sûrs en exigeant que ne soient considérés comme tels que les pays figurant à la fois sur la liste européenne et sur la liste nationale, qui pourront désormais coexister.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je tiens à rappeler quatre points.
Premièrement, la liste des pays d'origine sûrs, prévue par la loi de 2003, est établie par le conseil d'administration de l'OFPRA.
Deuxièmement, la directive européenne dispose expressément que si un État a dressé avant l'année 2005 une liste de pays d'origine sûrs, celle-ci reste naturellement valable.
Troisièmement, il faut désormais attendre que les États européens se mettent d'accord sur la liste pour en connaître le contenu et juger de sa compatibilité avec notre propre liste.
Quatrièmement, je veux rappeler les conditions dans lesquelles travaille l'OFPRA.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans des conditions difficiles !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Non, madame ! J'ai assisté il y a quelques mois, à l'OFPRA, à un entretien individuel. J'ai vu comment cela se passait. Je crois pouvoir dire qu'il travaille dans des conditions excellentes. Ses moyens matériels et humains ont été renforcés depuis 2003. Les entretiens individuels qui y sont conduits sont d'une très grande qualité, menés par des gens qui connaissent parfaitement et précisément la situation des pays d'origine des demandeurs. En outre, l'OFPRA dispose d'un fonds documentaire extrêmement important, qui lui permet de rendre des décisions de qualité, éclairées, argumentées et ne souffrant aucune critique.
Tous ceux qui font une demande d'asile passent un entretien individuel. Je puis vous garantir que le dispositif fonctionne très bien. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n°s 239, 451 et 452
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, l'actualité de la Haute Assemblée me permet de faire référence au rapport sur l'OFPRA qu'a adopté hier votre commission des finances, sur l'initiative du président Gouteyron.
Il y est écrit ceci : « la diminution des délais de traitement des demandes d'asile - 59 000 en 2005 - constitue un impératif : elle permet de faire en sorte que les personnes ayant réellement besoin de protection puissent bénéficier rapidement de leur statut de réfugié, tout en réduisant les manoeuvres dilatoires des autres migrants. (...) La forte diminution des délais de l'OFPRA - 258 jours en 2003, 108 jours en 2005 - n'a pas empêché l'octroi du statut de réfugié à 13 000 personnes en 2005, dont 4 184 en première instance par l'Office - taux d'accord : 8,2 % en 2005. La France compte aujourd'hui 120 000 réfugiés sous sa protection. »
Moralité : ce rapport démontre que, sincèrement, nous restons très accueillants à l'égard des réfugiés. Il n'en est pas moins vrai que nous décourageons ceux qui demandent l'asile à des fins dilatoires. Ceux-là ne sont pas des réfugiés et n'ont pas à être accueillis en France.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 239 et 451.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, bien que je ne dispose pas présentement du rapport dont vous venez de citer un extrait, je crois pouvoir dire qu'il précise aussi que les fonctionnaires de l'OFPRA, dont je loue la conscience professionnelle et qui n'encourent aucune suspicion, traitent en moyenne 2,2 dossiers par jour et qu'il serait illusoire de penser que l'on puisse abaisser ce seuil avec les moyens actuels.
Pour que l'information soit complète, il fallait signaler ce point.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Bernard Frimat. Je vous en prie, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, laissez-moi vous lire cet autre passage du rapport de M. Gouteyron : « Il convient de conforter la productivité du travail de l'OFPRA et de sa juridiction, sans négliger la qualité de la décision. Les indicateurs de délai pourraient d'ailleurs être affinés, modulés en fonction de la difficulté des dossiers, les divisions géographiques devant veiller à l'équité de la répartition des demandes d'asile entre agents. »
Je suis heureux de vous livrer ces propos de M. Gouteyron.
Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Frimat.
M. Bernard Frimat. Je vous remercie de cette assistance technique. Il est appréciable, au cours d'une intervention, d'avoir le concours d'un ministre de votre qualité. (Sourires.)
Ce ne sont que des extraits. Attendons de lire l'intégralité de ce rapport, qui est certainement de qualité.
On y trouve le terme « productivité », qui est un terme financier. N'oublions pas la dimension humaine. À cet égard, je crois que le rapport signale aussi que la « productivité » trouve ses limites et que, comme vous l'avez rappelé, elle ne doit pas prévaloir sur la qualité. Ainsi, le rapport adopte une perspective moins productiviste que ne laissait penser votre première analyse.
Sur le fond nous maintenons, bien évidemment, notre demande de suppression de l'article. Nous sommes contre la notion de pays d'origine sûrs parce qu'elle ne nous semble pas assez précise et parce qu'elle ne nous paraît pas offrir suffisamment de garanties à chaque individu, dont le cas doit être étudié de manière spécifique. Dans ce domaine, il n'est pas possible - et vous venez de le confirmer, monsieur le ministre - de faire du traitement de masse.
Attendons de connaître la liste européenne des pays d'origine sûrs. Il n'est pas bon que coexistent une liste nationale et une liste européenne ni, surtout, qu'on allonge la liste nationale, dès lors qu'on pourra la conserver telle quelle après qu'aura été établie la liste européenne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je donnerai juste une précision pour justifier notre opposition totale à cet article.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous avez interprété ma pensée, puisque je n'avais encore rien dit dans ce débat sur le droit d'asile. Je profite donc de cette occasion pour m'exprimer sur ce point.
À l'évidence, les pays européens sont des démocraties. Mais, quelle que soit la couleur politique de leur gouvernement, y compris dans les démocraties, il arrive que quelques manquements aux droits fondamentaux des personnes soient à déplorer.
Nous sommes absolument opposés au principe même d'une liste de pays sûrs. En l'espèce, la France, qui ne fait pourtant pas toujours partie des premiers pays à transposer les directives européennes, a devancé l'Europe en s'empressant d'adhérer au principe particulièrement mauvais, partagé par les différents pays européens, consistant à se doter d'une telle liste.
Pour nous, le droit d'asile est un droit individuel. Tout individu peut, pour une raison ou une autre, se sentir menacé et s'estimer en insécurité dans quelque pays que ce soit. J'ai coutume de demander si Henry Miller, à l'époque du Maccarthysme, aurait pu bénéficier de l'asile en France ? En se posant ce genre de question, on réfléchit à ce que doit être le droit d'asile.
Par ailleurs, il est normal que le pays sollicité pour accueillir le demandeur d'asile examine son dossier et puisse lui refuser ce droit si les raisons de sa demande ne sont pas justifiées eu égard à son pays d'origine et à sa situation.
Mais, je le répète, chaque individu, où qu'il se trouve, doit pouvoir demander asile dans un autre pays s'il s'estime menacé dans son pays d'origine. C'est un droit que je considère comme sacré, fondamental, auquel s'oppose le principe de la liste de pays sûrs.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 239 et 451.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 64.
(L'article 64 est adopté.)
Article additionnel après l'article 64 ou avant l'article 65 ou après l'article 66
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 64, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 64, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Au dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les mots: « et sont entrés régulièrement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée au moins égale à un an », sont remplacés par les mots: « en France ».
II. Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er décembre 2007.
III.- Les dépenses résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux étrangers exerçant un recours devant la Commission des recours des réfugiés, même quand ils sont entrés de manière irrégulière sur le territoire. Les modalités d'entrée en France sont, en effet, indifférentes à la qualité de réfugié. Il faut donc permettre au demandeur d'asile d'assurer au mieux sa défense devant la Commission des recours.
En outre, cette modification tend à prendre en compte les exigences de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié, qui impose aux États membres de prévoir une assistance juridique gratuite lors des recours contre les décisions concernant l'admission ou la non-admission au statut de réfugié.
Ce nouveau dispositif devait être applicable à compter du 1er décembre 2007. Mais les choses n'étant pas tout à fait parfaites, le Conseil de l'Union européenne a indiqué qu'il existait, en réalité, une erreur dans la version française du Journal officiel de l'Union européenne sur la date d'entrée en vigueur de ce dispositif et qu'il fallait lire « 2008 ».
Soucieux de respecter ce point, je propose donc de rectifier l'amendement et de rédiger le deuxième paragraphe de la façon suivante : « Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er décembre 2008 ». Ainsi, le bénéfice de l'aide juridictionnelle sera étendu à ceux qui saisissent la Commission des recours.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Après l'article 64, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Au dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les mots: « et sont entrés régulièrement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée au moins égale à un an », sont remplacés par les mots: « en France ».
II. Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er décembre 2008.
III. Les dépenses résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 260, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle est ainsi rédigé :
« Devant la commission des recours des réfugiés, elle est accordée, dans les conditions prévues à l'article 15-2 de la directive du Conseil n° 2005/85 du 1er décembre 2005, aux étrangers qui résident habituellement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée de validité au moins égal à un an. »
II. Les dépenses résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement est tout à fait dans le même esprit que celui que vient de présenter François-Noël Buffet. Cela étant, est-il vraiment indispensable de remplacer 2007 par 2008 ? S'il est possible d'agir plus tôt, qui s'en plaindra ?
L'amendement que présentera Mme Borvo tout à l'heure va encore plus loin. L'amendement du groupe CRC vise, en effet à étendre le champ d'intervention de la Commission des recours des réfugiés, qui est limité dans notre amendement.
Compte tenu de la centralisation de tous les recours devant la CRR ainsi que de la domiciliation de nombreux demandeurs d'asile en province, un problème se pose à la fois pour que les frais de déplacement du conseil soient remboursés, pour que le libre choix de l'avocat soit garanti et, sur le plan pratique, pour que le demandeur d'asile puisse consulter personnellement son dossier avec son conseil avant le jour de l'audience.
Ces trois amendements, à des degrés divers, vont dans le même sens. L'objet qu'ils visent honorera notre assemblée si elle les vote : il s'agit de renforcer les garanties dont bénéficient les demandeurs d'asile.
Je ne pense pas qu'il soit ici nécessaire d'insister trop longuement sur l'importance que peut représenter l'assistance d'un avocat dans la procédure. Comme l'a excellemment rappelé François-Noël Buffet, actuellement, aux termes de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'aide juridictionnelle devant la CRR ne peut être accordée qu'aux étrangers entrés régulièrement sur le territoire français.
Nous devons respecter nos engagements européens. La directive du 1er décembre 2005 prévoit le droit, pour les réfugiés - c'est une bonne chose -, d'entrer sans autorisation sur le territoire des pays d'accueil. Effectivement, quand on est réfugié, on se sauve ! Cette vérité est peut-être d'une banalité effrayante, mais encore faut-il la rappeler.
L'Europe impose une réforme de l'aide juridictionnelle avant une certaine date. Pourquoi ne pas faire mieux si l'on peut prendre des garanties par anticipation ?
Tel est l'esprit de notre amendement, qui n'est d'ailleurs que la traduction de la recommandation n° 27 émise par la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine.
Monsieur le rapporteur, est-il vraiment nécessaire de dégrader votre amendement en le rectifiant ? Pourquoi ne pas faire plus que ce qui est prévu ? Cela ne pose aucun problème de fond.
Mme la présidente. L'amendement n° 454, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« Sont admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle tous les demandeurs d'asile, tant devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qu'en cas de recours devant la commission des recours des réfugiés. L'aide juridictionnelle pour les demandeurs d'asile inclut, pour ceux qui résident hors de l'Île-de-France, une indemnité destinée à rembourser les frais de déplacement du demandeur et de son avocat lorsqu'ils doivent se rendre soit à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit à la commission des recours. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le nombre des recours, qui s'avèrent tout à fait utiles, a augmenté et leur centralisation s'est généralisée. La Commission des recours des réfugiés est à l'origine de deux ou trois fois plus de décisions d'admission que l'OFPRA. Cela pose, d'ailleurs, un problème d'équilibre entre les deux institutions et de confiance à l'égard de l'Office, que la réforme de 2003 a un peu plus conforté.
Nous souhaitons que les demandeurs d'asile puissent bénéficier de l'aide juridique tant devant l'OFPRA que devant la Commission des recours des réfugiés.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 260, la commission estime qu'il faut respecter les dispositions de la directive et prendre le temps nécessaire à l'organisation de la réforme. Celle-ci ne peut se faire simplement, y compris, d'ailleurs, en termes de moyens matériels et financiers.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 454 vise à étendre le dispositif à tous les demandeurs d'asile, en incluant une compensation financière pour les dépassements occasionnés lors de la venue à l'OFPRA ou à la Commission des recours des réfugiés.
Il faut s'en tenir au dispositif de droit commun prévu par la loi de 1991 et ne pas chercher à aller au-delà. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'émets un avis très favorable sur l'amendement n° 64 rectifié et je lève le gage.
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 64 rectifié bis.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En revanche, j'émets un avis défavorable sur les amendements nos 260 et 454, dont les dispositions vont au-delà de nos engagements européens.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 64 rectifié bis.
M. Bernard Frimat. Il n'y a pas de désaccord de fond entre nous. Au départ, nous souhaitons tous apporter des garanties, même si leur intensité est plus ou moins importante. La commission des lois - je parle sous le contrôle de son président - vise le même objectif que nous.
Nous avons suffisamment l'occasion de nous opposer pour éviter de le faire quand rien ne le justifie ! Cependant, j'avoue que le recul de la date me gêne. Je serais même tenté de sous-amender la proposition personnelle de M. le rapporteur, qui se conforme aux dispositions de la directive, pour revenir à la suggestion de la commission des lois. Cela dit, je suis très partagé, d'autant que l'on est sur le budget pour 2007. Donc, la capacité d'opposer l'aspect financier me semble tout de même, en juin 2006, relativement modeste...
Je souhaite vraiment exprimer des regrets. Il est dommage que cet effort commun soit ainsi amoindri. Cela ne nous conduira pas à voter contre cet amendement, parce qu'il représente néanmoins un progrès, mais il aurait fallu accorder au demandeur d'asile cette garantie une année plus tôt. Ce n'était pas un effort extraordinaire !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64, et les amendements nos 260 et 454 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 64 ou après l'article 66
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 64, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à appliquer l'une des recommandations faites par la commission d'enquête sénatoriale concernant le délai pour saisir la Commission des recours des réfugiés. La commission a souhaité que ce délai soit fixé à un mois.
Mme la présidente. L'amendement n° 265, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'office. »
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous pensons, comme M. le rapporteur, qu'il faut allonger les délais de recours devant la Commission des recours des réfugiés. La raison essentielle, comme l'a dit ma collègue Mme Borvo, est que, sur les 13 000 personnes qui se sont vu octroyer la qualité de réfugié en 2005, moins d'un tiers d'entre elles, soit 4 184 personnes, l'ont obtenue en première instance. Cela signifie que les deux autres tiers ont dû recourir à la Commission des recours des réfugiés.
La question des délais est donc essentielle dans l'effectivité du recours. Je rappelle que l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile détermine les décisions de l'OFPRA qui peuvent faire l'objet d'un recours devant la CRR, sans préciser la durée du délai dans lequel ces recours doivent être introduits.
Depuis 2003, cette durée ne figure plus dans la loi, mais relève de l'article 19 du décret du 14 août 2004, qui fixe le délai de un mois pour l'exercice des recours devant la CRR. C'est le délai auquel la commission entend revenir.
Or le comité interministériel de contrôle de l'immigration a annoncé, pour sa part, la réduction de ce délai d'un mois à quinze jours.
Il importe d'envisager les conséquences pratiques d'une telle réduction.
Si le délai de recours est réduit à quinze jours, le délai effectif pour la rédaction et l'envoi du recours sera plus court dans la mesure où, aux termes de la jurisprudence du Conseil d'État, le recours doit être enregistré au greffe de la CRR avant l'expiration du dernier jour du délai de recours. En fonction du délai d'acheminement postal, le demandeur doit donc envoyer son recours plusieurs jours avant cette expiration.
La réduction du délai interdira donc tout recours effectif aux demandeurs d'asile qui n'ont pas eu connaissance à temps de la décision de rejet de l'OFPRA.
Comme vous le savez, la plupart des demandeurs d'asile sont contraints d'avoir recours à une domiciliation associative, ou chez un tiers, et n'ont donc pas un accès quotidien à leur courrier. Or la décision de l'OFPRA est envoyée par lettre recommandée, lettre qui est retournée à l'Office si le demandeur n'a pu la retirer à la poste sous quinze jours. Le délai de recours, fixé à quinze jours, sera alors expiré.
Vous le voyez, tout simplement pour des raisons de délai d'acheminement postal, le recours effectif disparaîtra.
Cette situation risque d'aboutir au rejet des recours hors délai, pour saisine tardive de la commission. En effet, les recours doivent être rédigés en français : or, nombre de demandeurs d'asile ne sont pas francophones et aucune aide pour la traduction des dossiers n'est prévue. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement prévoyant l'assistance gratuite d'un interprète pour la rédaction de la demande. Actuellement, ce sont les associations qui assurent cette tâche, dans la majeure partie des cas.
Enfin, pour des raisons de bon sens, la réduction du délai de recours favorisera le rejet « par ordonnance », par le président de la commission, des recours considérés comme dépourvus « d'élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'OFPRA », conformément à la réforme de 2003 sur l'asile. Le demandeur n'est alors ni convoqué à une audience, ni entendu par la formation collégiale.
Si le délai est trop réduit, les demandeurs n'auront pas le temps de construire une argumentation suffisante à l'appui des recours, car ils ne peuvent se contenter de reprendre leur demande telle qu'ils l'avaient présentée devant l'OFPRA ; ils doivent la reprendre à la lumière de la décision de l'Office, afin d'en contester les objections. La commission étant une juridiction de plein contentieux, elle examine l'ensemble de la demande : le recours doit donc, à la fois, reprendre la demande initiale et développer un argumentaire remettant en cause le bien-fondé de la décision de rejet de l'OFPRA.
On le voit, raccourcir ce délai crée inévitablement des obstacles en chaîne pour les demandeurs d'asile, dont beaucoup ne parviennent déjà pas à se défendre convenablement dans le cadre du droit existant.
A l'appui de sa recommandation n° 28, la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine qui, malheureusement, ne va pas au bout de la logique de son constat, estime qu'il serait « souhaitable de renoncer à faire peser sur les demandeurs d'asile la charge de la réduction des délais de procédure, sauf à prendre le risque de paraître leur marchander les moyens de faire valoir leurs droits dans un système juridique complexe et qui leur est, somme toute, sans doute moins favorable que ceux qui font une plus large place à l'oralité ».
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons nous satisfaire de l'amendement n° 65 de la commission, même s'il va dans le bon sens, car il ne prend pas la mesure réelle de la situation.
Compte tenu de l'importance de ce délai, nous proposons, d'une part, de lui donner un caractère législatif en l'inscrivant à nouveau dans la loi - comme le fait la commission des lois - et, d'autre part, de le fixer à deux mois, délai correspondant à la durée de droit commun en matière administrative.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En matière pénale, il est d'usage de dire : « On a la vie pour maudire son juge et dix jours pour faire appel. » (Sourires.)
En l'occurrence, le délai de un mois me paraît tout à fait raisonnable. N'oublions pas qu'une décision, que l'on pourrait qualifier de première instance, a déjà été rendue par l'OFPRA et que ce délai permet d'ouvrir la voie du recours devant la commission, sachant que l'on a d'ores et déjà connaissance des décisions de première instance.
Ce délai laisse donc le temps de former cet appel. De surcroît, rien n'empêche le requérant de compléter ensuite son dossier, avant que la commission elle-même n'appréhende l'affaire.
C'est donc un délai équilibré et adapté. En règle générale, tous les recours en appel devant les juridictions, qu'elles soient civiles, commerciales ou pénales, s'effectuent dans un délai assez court. Ainsi, il est de dix jours en matière pénale.
S'agissant du problème des interprètes, je rappelle que le dossier de saisine de l'OFPRA par le requérant se résume, concrètement, à trois ou quatre lignes d'explications. L'entretien individuel a lieu ensuite, dans les conditions que j'évoquais tout à l'heure, avec des experts et, le cas échéant, un interprète, si la présence de ce dernier est nécessaire pour bien comprendre l'objet de la demande.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 265.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Sur l'amendement n° 65, je rappelle que le délai de recours devant la commission des recours des réfugiés est actuellement fixé à un mois par décret en Conseil d'État.
Le Gouvernement n'entend pas modifier ce décret et il s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement, pour ce qui concerne l'inscription de ce délai dans la loi.
En revanche, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 265.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 65.
M. Bernard Frimat. Cet amendement va dans le bon sens, nous ne le contestons pas. Si l'intention du Gouvernement est aujourd'hui de maintenir la durée du délai mentionnée dans le décret, puisque publicité en a été faite, il est souhaitable de la confirmer en l'inscrivant dans la loi, laquelle constitue une garantie.
En effet, d'autres solutions avaient été envisagées, notamment une réduction de ce délai à quinze jours. Or, lors des visites que nous avons effectuées dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile, les travailleurs sociaux nous ont déclaré qu'un tel délai était trop court pour monter un dossier qui permette de défendre valablement les chances du demandeur.
Il nous paraît donc important de voter cet amendement pour nous prémunir contre le raccourcissement du délai. Certes, nous aurions pu dire, avec M. de La Palice, que « deux mois, c'est mieux qu'un », mais étant désireux de nous montrer positifs, nous sommes preneurs de cette durée de un mois !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64, et l'amendement n° 265 n'a plus d'objet.
Chapitre ii
Dispositions relatives à l'accueil des demandeurs d'asile
Article additionnel avant l'article 65 ou après l'article 66
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Delfau, Baylet, A. Boyer, Collin, Fortassin et Mouly, est ainsi libellé :
Avant l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après la première phrase de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« L'autorité compétente est tenue de l'informer de ce droit, dans une langue qu'il comprend, selon les modalités prévues à l'article L. 111-8 et de lui délivrer un document attestant de cette saisine et précisant ses droits prévus à l'article L. 742-6. »
II. Le début de la seconde phrase du même article est ainsi rédigé : « La demande est examinée ... (le reste sans changement) ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 262, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« L'autorité compétente est tenue de l'informer de ce droit, dans une langue qu'il comprend, selon les modalités prévues à l'article L. 111-8 et de lui délivrer un document attestant de cette saisine et précisant ses droits prévus à l'article L. 742-6. La demande d'asile est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement a pour objet de s'assurer que l'information d'une personne non admise au séjour sera effectuée quant au droit dont elle dispose de déposer une demande d'asile et qu'un document attestant de cette saisine lui sera délivré.
Sauf s'il est fondé sur l'incompétence d'un autre État, en application du règlement Dublin II, le refus d'admission au séjour n'empêche pas l'étranger de saisir l'OFPRA.
Cela étant, la réalité est compliquée et difficile. Des impératifs de productivité et de rendement finissent par mettre en cause les droits des demandeurs d'asile. La commission d'enquête sénatoriale s'était d'ailleurs inquiétée, à juste titre, de la tendance systématique à réduire les délais des différentes procédures.
Cet amendement me fournit l'occasion de dépeindre, dans la pratique, la situation des étrangers qui ont réussi à poser le pied sur le territoire et qui ont quitté la ZAPI, leur demande ayant été jugée manifestement infondée.
Lors des témoignages que nous avons recueillis au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, la préfecture de Créteil a été citée. Il n'est pas dans mon intention de la dénigrer, car ses agents y accomplissent correctement leur travail, compte tenu des moyens dont ils disposent. Je veux simplement vous décrire la situation telle qu'elle nous a été rapportée.
Tout d'abord, il faut se présenter de bonne heure à la préfecture ; les files d'attente commencent au petit matin, le nombre de demandeurs reçus par jour étant limité. Muni d'un numéro, le demandeur d'asile attend, longtemps !
Puis, sur présentation de son passeport et d'un justificatif de domicile, il se voit remettre un formulaire à remplir, en français - sans l'aide du personnel, qui n'est pas là pour cela -, une liste de pièces à fournir, une convocation, sur papier bleu, pour un deuxième rendez-vous.
Le jour fixé, il revient à la préfecture et attend, cette fois dans la file d'attente des demandeurs munis d'un papier bleu.
Après avoir rendu le formulaire dûment rempli, il reçoit un nouveau numéro. Il fait ensuite l'objet d'une prise d'empreintes digitales numérisées, pour vérifier s'il n'a pas déposé une autre demande d'asile et s'il n'est pas inscrit au système d'information Schengen aux fins de non-admission sur le territoire.
Il retourne dans la salle d'attente, avec sa famille, ses enfants.
Après vérification de son passeport, de son absence sur la liste des refusés, s'il a fourni deux photos, si son formulaire a été rempli sans faute, si son justificatif de domicile est accepté, il reçoit un dossier de demandeur d'asile. Dès lors, muni d'un récépissé valable un mois, il est en situation régulière.
Mais il n'a que trois semaines pour déposer son dossier, dûment complété en français, à l'OFPRA. Au-delà de ce délai, le dossier ne sera pas examiné, ce qui signifie que tout sera fini pour le demandeur, que l'asile lui sera fermé.
Pourquoi ai-je attiré votre attention sur ce véritable parcours du combattant que doivent suivre les demandeurs d'asile, sans compter la difficulté de l'accès à la langue, même si les associations s'honorent de les accompagner dans leurs démarches ?
Par cet amendement, nous avons le souci de nous assurer que les pratiques exercées dans les préfectures sont en conformité avec la directive du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d'accueil des demandeurs d'asile, en matière d'information - article 5 - et de délivrance de documents attestant la saisine de l'OFPRA jusqu'à la décision de l'Office - article 6.
Il me sera peut-être objecté que mon propos relève du domaine réglementaire et non pas de la loi. Je veux bien l'entendre.
De toute façon, vous avez les moyens de faire subir à cet amendement le sort que vous voulez, et ce n'est pas cela qui provoquera chez moi un quelconque trouble.
Ce que nous voulons, c'est que vous affichiez la garantie que le demandeur d'asile est informé du droit qu'a celui à qui l'admission au séjour a été refusée de demander l'asile et que récépissé lui en est donné attestant cette saisine.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, considérant que, à l'occasion de la première décision qui a été rendue, l'étranger a eu accès aux informations suffisantes. De surcroît, ce dispositif serait de nature à entraîner un nombre important de contentieux.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Frimat, j'apprécie que, au-delà de la simple question des domaines de la loi et du règlement - puisque vous-même soulignez que vous sortez sans doute du champ législatif pour entrer dans le champ réglementaire -, vous évoquiez les difficultés humaines rencontrées par les demandeurs d'asile dans les préfectures.
J'en conviens, une préfecture n'est pas une petite maison au milieu d'une clairière reculée où l'on ne rencontre en général que des ramasseurs de truffes... Je sais les difficultés humaines auxquelles on peut être confronté quand on ne parle pas la langue, que l'on arrive, que l'on doit faire ces démarches.
Pour autant, je ne pense pas que l'on puisse régler par la loi le problème que vous soulevez, car il s'agit de questions d'organisation. Leur importance est néanmoins incontestable, et nous y reviendrons notamment lors de l'examen de l'article 65, qui porte sur l'augmentation du nombre de places d'accueil et sur l'amélioration des conditions d'accueil des étrangers, ce qui peut inclure leur information sur tous leurs droits.
Ces dispositions ont déjà été introduites en droit français, par la voie réglementaire, en 2005. Ainsi, les préfectures remettent aux demandeurs d'asile le Guide du demandeur d'asile : information et orientation, rédigé en français, en anglais et en russe, et réalisé conjointement par le Haut Commissariat pour les réfugiés, le ministère de l'intérieur et l'association Forum réfugiés. Sur ces questions, toutes les associations ont été sollicitées, car elles sont très proches des réfugiés, les accompagnent au mieux et sont pour nous des interlocuteurs essentiels.
Ce guide est également consultable et téléchargeable sur le site Internet public du ministère de l'intérieur. Il est vrai que, s'agissant de réfugiés ne sachant pas forcément se servir d'un ordinateur ni accéder à Internet, ma réponse risque de ne pas totalement vous satisfaire, j'en conviens.
Nous avons fait de grands progrès ces dernières années pour garantir une meilleure information aux réfugiés ; je reconnais cependant que nous devons encore progresser.
Quoi qu'il en soit, je ne peux qu'être défavorable à votre amendement, vous le comprendrez, qui aborde beaucoup plus les aspects réglementaires que les aspects législatifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, je vous entends bien et, après vous, je salue l'action de Forum réfugiés. Les associations font un travail extraordinaire dans le domaine de l'accueil des étrangers ; elles ont droit à toute notre admiration et ne méritent pas - mais vous ne l'avez pas fait ! - d'être qualifiées de « droits-de-l'hommistes ». Ce sont des associations de grande qualité.
Qu'un guide ait été élaboré en commun avec elles et soit mis à disposition dans les préfectures, c'est très bien, tant mieux ! Qu'il ne puisse pas être rédigé dans la totalité des langues de la planète, je le comprends : ce sont là des faits qui peuvent arriver jusqu'à nos esprits limités. Mais nous sommes là aussi pour faire état des situations que nous rencontrons lorsque nous recevons des gens, pour faire remonter les informations. Comme j'essayais d'en convaincre Hugues Portelli tout à l'heure, si nous ne nous servons pas du débat parlementaire pour dire un certain nombre de choses sous prétexte que ceci ou cela est réglementaire, que faisons-nous ici ?
Il faut que les demandeurs d'asile arrivent jusqu'à la préfecture : cela suppose que soit clairement confirmé - peut-être cela peut-il faire l'objet d'une circulaire, puisque c'est la saison ! (Sourires.) - qu'une personne qui n'est pas admise au séjour sera informée qu'elle a le droit de déposer une demande d'asile. Est-ce possible, dans la pratique ?
M. Bernard Frimat. Je reconnais néanmoins que cela risque de dégrader momentanément le caractère dynamique des statistiques que recherche le ministre d'État.
Je maintiens mon amendement. Il va être rejeté, mais nous aurons eu l'occasion de nous expliquer.
Je vous entends bien, monsieur le ministre, mais tout ce qui sera fait pour améliorer la qualité de l'accueil dans les préfectures sera une bonne chose. Nous connaissons tous ces problèmes. À Lille, les personnes qui sont en situation régulière et qui doivent faire renouveler leur titre de séjour - je ne parle pas là des migrants demandeurs d'asile - forment de très longues files d'attente et l'hiver, dès quatre heures du matin, des associations leur offrent de la soupe, des boissons chaudes... Les préfets ont essayé de régler ce problème fort compliqué, par exemple en distribuant des numéros. Mais vous savez comme moi que la rareté crée tout de suite le trafic, et un marché parallèle des numéros était immédiatement apparu. Les situations sont donc très difficiles.
Monsieur le ministre, rien de ce que vous pourrez entreprendre pour améliorer dans les préfectures l'accueil réservé aux étrangers, qu'il s'agisse des travailleurs réguliers ou des demandeurs d'asile, rien de ce que vous pourrez faire pour que les agents en fonctions dans les services concernés soient de la plus grande qualité, rien, j'en suis convaincu, ne suscitera un quelconque désaccord sur aucune de nos travées.
Donc, je maintiens mon amendement, étant maintenant persuadé du sort funeste qu'il va connaître.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 262.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 65
I. - Dans le 2° de l'article L. 111-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « centre d'hébergement et de réinsertion sociale », sont insérés les mots : « ou dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile ».
II. - Dans l'article L. 111-3-1 du même code :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « centres d'hébergement et de réinsertion sociale », sont insérés les mots : « et les centres d'accueil pour demandeurs d'asile » ;
2° Les troisième et quatrième alinéas sont abrogés.
III. - L'article L. 121-7 du même code est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Les frais d'accueil et d'hébergement des étrangers dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés à l'article L. 348-1. »
IV. - Après le cinquième alinéa de l'article L. 131-2 du même code, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° De l'admission dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile mentionné à l'article L. 348-1. »
V. - Dans le premier alinéa de l'article L. 311-9 du même code, les références : « 1° et 8° » sont remplacées par les références : « 1°, 8° et 13° du I ».
VI. - L'article L. 312-1 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 12° du I, il est inséré un 13° ainsi rédigé :
« 13° Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés à l'article L. 348-1. » ;
2° Dans le troisième alinéa du II, la référence : « 12° » est remplacée par la référence : « 13° ».
VII. - Après le douzième alinéa de l'article L. 312-5 du même code, il est inséré un c ainsi rédigé :
« c) Aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés au 13° du I de l'article L. 312-1, après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale. »
VIII. - Dans le b de l'article L. 313-3 du même code, les références : « 11° et 12° » sont remplacées par les références : « 11° à 13° ».
IX. - L'article L. 313-9 du même code est ainsi modifié :
1° Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Pour les centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés au 13° du I de l'article L. 312-1, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 348-1 et du I de l'article L. 348-2 relatives aux personnes pouvant être accueillies dans ces centres. » ;
2° Dans le sixième alinéa, les références : « 2°, 3° et 4° » sont remplacées par les références : « 2° à 5° » ;
3° Dans la première phrase du septième alinéa, les mots : « pour tout ou partie de la capacité dont l'aménagement était demandé » sont remplacés par les mots : « en tout ou partie ».
X. - L'article L. 313-19 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « une association privée » sont remplacés par les mots : « une personne morale de droit public ou de droit privé » ;
2° Dans le a les mots : « l'association » sont remplacés par le mot : « le » et, dans le b, les mots : « de l'association ou du » sont remplacés par le mot : « du gestionnaire ou de ».
XI. - Dans le premier alinéa de l'article L. 314-4 du même code, les références : « a des 5° et 8° » sont remplacées par les références : « a du 5° et aux 8° et 13° ».
XII. - Dans le premier alinéa de l'article L. 314-11 du même code, le mot et la référence : « et 11° » sont remplacés par les références «, 11° et 13° ».
XIII. - Dans le premier alinéa de l'article L. 315-7 du même code, le mot et la référence : « et 8° » sont remplacés par les références «, 8° et 13° ».
XIV. - Le premier alinéa de l'article L. 345-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les étrangers s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peuvent être accueillis dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale dénommés "centres provisoires d'hébergement". »
XV. - Le titre IV du livre III du même code est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII
« Centres d'accueil pour demandeurs d'asile
« Art. L. 348-1. - Bénéficient sur leur demande de l'aide sociale pour être accueillis dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile les étrangers en possession d'un des documents de séjour mentionnés à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
« Art. L. 348-2. - I. - Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile ont pour mission d'assurer l'accueil, l'hébergement ainsi que l'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile en possession de l'un des documents de séjour mentionnés à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile.
« Cette mission prend fin à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Commission des recours des réfugiés.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles les personnes s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l'objet d'une décision de rejet définitive peuvent être maintenues dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile à titre exceptionnel et temporaire.
« II. - Les conditions de fonctionnement et de financement des centres d'accueil pour demandeurs d'asile sont fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret précise notamment les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent à proportion de leurs ressources à leurs frais d'hébergement, de restauration et d'entretien.
« Art. L. 348-3. - I. - Les décisions d'admission dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile et de sortie de ce centre sont prises par le gestionnaire dudit centre avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'État.
« II. - Dans le cadre de sa mission d'accueil des demandeurs d'asile définie à l'article L. 341-9 du code du travail, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations coordonne la gestion de l'hébergement dans les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile. À cette fin, elle conçoit, met en oeuvre et gère un traitement automatisé de données relatives aux capacités d'hébergement des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, à l'utilisation de ces capacités et aux demandeurs d'asile qui y sont accueillis.
« III. - Les personnes morales chargées de la gestion des centres d'accueil pour demandeurs d'asile sont tenues de déclarer, dans le cadre du traitement automatisé de données mentionné au II, les places disponibles dans les centres d'accueil à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations et à l'autorité administrative compétente de l'État et de leur transmettre les informations, qu'elles tiennent à jour, concernant les personnes accueillies.
« Art. L. 348-4. - Le bénéfice de l'aide sociale ne peut être accordé ou maintenu aux personnes ou familles accueillies dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile que si une convention a été conclue à cette fin entre le centre et l'État.
« Cette convention doit être conforme à une convention type dont les stipulations sont déterminées par décret et qui prévoient notamment les objectifs, les moyens, les activités et les modalités de contrôle d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Je saisis l'occasion que me fournit l'examen de l'article 65 concernant l'accueil des demandeurs d'asile pour insister sur le fait que le dispositif national d'accueil se doit de proposer une protection systématique, comprise comme une offre d'hébergement et d'accompagnement, à tout demandeur d'asile qui le souhaite, et ce quel que soit le stade de la procédure auquel il se trouve.
Or, à l'évidence les mesures inscrites dans le projet de loi ne vont pas dans ce sens.
La France se doit de maintenir un degré de protection élevé, comme le commandent d'ailleurs les textes internationaux. À l'évidence, aucune modification législative ne s'imposait en la matière, qui plus est dans une telle urgence et en dehors de toute concertation avec les acteurs associatifs concernés par l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile. Cela est d'autant plus vrai que l'application de la précédente loi traitant de ce sujet a connu des désordres et a entraîné des situations plus qu'arbitraires dans l'offre de protection.
Je souhaite saluer ici le travail mené par le mouvement associatif, qui, cela a déjà été souligné, accueille et accompagne depuis de nombreuses années des centaines de milliers de réfugiés dans notre pays.
Cette gestion associative, dont la mission de protection, d'accompagnement et d'insertion n'a rien à voir avec une logique marchande, encore moins avec une logique policière, doit pouvoir disposer des moyens adéquats afin d'assurer un accompagnement de qualité des usagers et permettre à ceux-ci un exercice effectif de leurs droits.
Ce n'est visiblement pas la voie que dessinent, monsieur le ministre, les mesures que vous proposez en matière de droit d'asile ; mais nous y reviendrons en défendant les amendements que nous avons déposés sur l'article 65.
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 455, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec les mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre, les CADA devront avoir une gestion purement administrative de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants demandeurs d'asile, et tenir de moins en moins compte de leur situation personnelle et de leurs besoins spécifiques en termes d'insertion.
L'article 65 légalise, par ailleurs, la pratique qui consiste à n'accueillir que les personnes admises au séjour au titre de l'asile ou ayant une demande d'asile en cours d'examen auprès de l'OFPRA ou de la CRR, excluant ainsi tous les demandeurs placés en procédure prioritaire, soit plus de 20 % des demandes. Cette mesure permet de faire le « tri » - décidément ! - du public accueilli : pas de réfugiés ni de déboutés du droit d'asile.
L'article en question prévoit également de renforcer les sanctions - sanctions financières et possibilité de retrait de l'habilitation - à l'encontre des organismes gestionnaires qui ne répondraient pas correctement aux injonctions de n'accueillir que des demandeurs d'asile, c'est-à-dire de faire rapidement partir les réfugiés et, surtout, les déboutés.
Avec cette disposition, largement complétée par la note d'instruction du 20 janvier dernier adressée aux préfets et relative « aux procédures d'admission et aux délais de séjour dans le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile », monsieur le ministre, vous mettez en place une surveillance renforcée des CADA. Ainsi, sous prétexte d'assurer la fluidité du dispositif d'hébergement et une meilleure répartition régionale des demandeurs d'asile, vous permettez en réalité aux services de l'État l'identification du public accueilli en CADA, conformément à votre politique de lutte contre l'immigration clandestine et à vos objectifs chiffrés en termes de reconduite à la frontière.
Nous ne nions pas que la France connaît un véritable problème d'hébergement des demandeurs d'asile et que, faute d'un nombre suffisant de places dans les CADA, l'État est amené, situation ubuesque, à payer des loyers, souvent élevés au regard des prestations fournies, à des patrons d'hôtels peu scrupuleux.
Pour les demandeurs d'asile admis dans la procédure, les conditions de vie se sont dégradées ces dernières années : manque de places d'hébergement en CADA, droits sociaux très insuffisants, difficultés d'accès à la procédure.
Si une réforme est nécessaire en la matière, elle ne saurait en aucun cas, selon nous, prendre la forme que vous proposez aujourd'hui. Étant opposés à la gestion purement administrative des demandeurs d'asile, nous demandons la suppression de l'article 65.
Mme la présidente. L'amendement n° 257, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du texte proposé par le XV de cet article pour l'article L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
en possession d'un des documents de séjour mentionnés à l'article L. 742-1
par les mots :
visés au titre IV du livre VII
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement offre l'occasion de souligner l'importance du rôle des CADA pour les demandeurs d'asile.
La mission du CADA présente un double aspect que, à nos yeux, le projet de loi ne prend pas suffisamment en compte. En effet, le CADA a vocation, d'une part, à assurer aux demandeurs d'asile de bonnes conditions de vie au quotidien et, d'autre part, à leur apporter une aide administrative pour la constitution des dossiers et à les informer sur leurs droits et devoirs.
Souvent lieu de premier accueil pour les demandeurs d'asile, le CADA est une structure d'attente assurant l'hébergement, la subsistance ainsi que l'accès aux soins médicaux, la scolarisation des enfants et un apprentissage de la langue et des règles de vie en France.
Nous regrettons que cet objectif d'insertion ne soit pas repris en compte dans le texte du projet de loi ; nous y reviendrons lorsque nous défendrons l'amendement n° 258.
Les situations individuelles des réfugiés sont de plus en plus complexes. Elles sont souvent humainement douloureuses, et il arrive un moment où les demandeurs d'asile, désabusés par l'attente, par une situation d'échec ou par un manque d'espoir pour l'avenir, ont besoin d'être rassurés et dynamisés. Cette écoute et cette animation ont pour rôle d'aider à gérer cette attente déstructurante et d'apprendre à se connaître pour mieux vivre ensemble dans le centre.
L'action des CADA est précieuse, car, du fait de leur implantation souvent ancienne, ils ont pu établir de nombreux contacts avec les différents services, devenus des partenaires réguliers des centres. Un véritable réseau s'est constitué, ce qui permet aujourd'hui aux CADA d'être aussi efficaces que possible.
Des partenaires locaux apportent une collaboration plus ou moins directe, car les CADA ne sont pas du tout conçus comme une structure indépendante, mais, au contraire, ont réussi à s'intégrer à la vie de la cité, et de fructueux contacts ont pu s'établir. Les résidents participent régulièrement à diverses activités et manifestations, proposées par les associations culturelles ou sportives du lieu.
Dans ces conditions, il convient de réfléchir à l'inégalité de traitement des demandeurs d'asile que met en place le projet de loi. Réserver l'aide des CADA aux demandeurs d'asile et la refuser aux réfugiés ne paraît pas opportun.
Cet amendement a pour objet d'élargir les critères d'accès aux centres d'accueil des demandeurs d'asile, afin d'en faire bénéficier les demandeurs d'asile en procédure prioritaire et les demandeurs d'asile placés sous le régime du règlement Dublin II.
Il convient de respecter non seulement le principe d'égalité devant la loi, mais également celui de l'équité dans les conditions de dépôt des demandes d'asile. L'extension proposée par cet amendement est en cohérence avec la gestion du dispositif national d'accueil. Elle permet également de se mettre en conformité avec la directive européenne relative aux normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile.
Rappelons enfin que, parmi l'ensemble des recommandations qu'elle a émises, la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine a souhaité que soit assuré un égal accès des demandeurs d'asile aux CADA. Les membres de la commission d'enquête ont pu apprécier l'importance du soutien et de l'encadrement social assurés par ces centres. Ils ont notamment constaté que l'aide qu'y trouvent les demandeurs d'asile dans la préparation de leur dossier renforce considérablement leurs chances de succès.
Mme la présidente. L'amendement n° 456, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le XV de cet article pour l'article L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
ainsi que l'accompagnement social et administratif
par les mots :
, le cas échéant conformément au principe d'une vie familiale normale, l'accompagnement social, médical et administratif ainsi que des actions visant à l'insertion
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les amendements nos 456 et 457 sont des amendements de repli.
L'amendement n° 456 vise à compléter les missions des CADA, afin de leur permettre de continuer leurs actions tendant à l'autonomie et à l'insertion des demandeurs d'asile.
L'amendement n° 457 tend à supprimer l'obligation faite aux organismes gestionnaires des CADA de transmettre à l'autorité compétente de l'État des informations relatives aux personnes accueillies.
Mme la présidente. L'amendement n° 258, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le mot :
accompagnement
rédiger comme suit la fin de premier alinéa du I du texte proposé par le XV de cet article pour l'article L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles :
médical, social et administratif ainsi que des actions visant l'autonomie et l'insertion des demandeurs d'asile, pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile. Les dispositions des articles L. 311-3 à L. 311-9 du code de l'action sociale et des familles y sont applicables
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement tend à préciser et à compléter la mission des CADA afin que ces derniers poursuivent des actions visant à l'autonomie et à l'insertion des demandeurs d'asile.
Le projet de loi inscrit la fonction des centres d'hébergement dans la logique du renforcement des contrôles de l'immigration illégale en instituant un tri du public accueilli - pas de réfugiés et pas de déboutés - et des sanctions lourdes contre les organismes gestionnaires récalcitrants.
Ce choix gouvernemental explique que les missions des CADA se limitent dorénavant à l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement socio-administratif des personnes.
La mission d'insertion n'est pas évoquée. Or, pourtant, les associations y tiennent beaucoup. Nous avons déjà dénoncé cette lacune en défendant notre amendement n° 257 visant à élargir les critères d'accès aux CADA.
Certes, plus les délais de sortie des réfugiés sont courts, plus les demandeurs d'asile primo-arrivants peuvent rentrer en CADA et bénéficier d'un accompagnement spécifique.
Cependant, il ne suffit pas de légiférer pour effacer la réalité actuelle de l'accueil dans les centres. Elle se caractérise aujourd'hui par la présence constante de réfugiés statutaires du fait de la pénurie de logements, alors qu'au moment de la création des CADA l'insertion des réfugiés statutaires ne faisait pas partie de leur mission.
Afin de prendre en compte cette situation, de nombreux CADA ont été amenés à faire évoluer leurs objectifs. Il est apparu très vite aux équipes qui travaillent au sein des CADA que l'on ne pouvait pas seulement se contenter de gérer l'attente, mais qu'il convenait également de développer un réseau social des hébergés, mobilisable à la sortie du centre.
Quel que soit l'aboutissement de la procédure, le demandeur d'asile peut envisager son avenir plus sereinement. Surtout s'il est réfugié, ces actions visant à l'autonomie et à l'insertion lui permettront de s'intégrer plus rapidement. S'il est débouté, la problématique du retour pourra être envisagée dans de meilleures conditions.
Enfin, il convient de préciser que les droits des usagers inscrits dans les articles L. 311-3 à L. 311-9 sont applicables aux demandeurs d'asile.
Mme la présidente. L'amendement n° 66, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A la fin de la première phrase du II du texte proposé par le XV de cet article pour l'article L. 348-3 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots:
centres d'accueil pour les demandeurs d'asile
par les mots:
centres d'accueil pour demandeurs d'asile
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L'amendement n° 67, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du II du texte proposé par le XV de cet article pour l'article L. 348-3 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :
gère
insérer les mots :
, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés,
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision, qui vise à rappeler que les fichiers détenus par l'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, sont soumis à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Mme la présidente. L'amendement n° 457, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le mot :
État
supprimer la fin du III du texte proposé par le XV de cet article pour l'article L. 348-3 du code de l'action sociale et des familles.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 455, qui vise à supprimer l'article 65, la commission émet un avis d'autant plus défavorable que cet article prévoit de recentrer les CADA dans leur vocation première, qui est essentiellement l'accueil des demandeurs d'asile.
Il s'agit, en outre, de les rendre plus à même d'exercer leur rôle, qui les distingue clairement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 257, puisque l'article 65 vise les ressortissants des pays d'origine sûrs, ainsi que sur l'amendement n° 456.
S'agissant de l'amendement n° 258, l'objet du projet de loi est bien de différencier les CADA des CHRS. Or cet amendement, au contraire, vise à ne pas dissocier les missions de ces deux organismes, alors que nous recherchons une clarification du rôle de l'un et de l'autre.
De surcroît, puisqu'il s'agit d'un établissement médico-social, les droits reconnus aux usagers par les articles L. 311-3 à L. 311-9 du code de l'action sociale et des familles sont applicables en la matière. La commission émet donc un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 457, la transmission de l'information est essentielle à la bonne gestion des capacités d'accueil des demandeurs d'asile sur le plan national. La commission émet, là encore, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pourquoi voulons-nous réformer le statut des CADA ? Pour deux raisons principales.
Tout d'abord, le Gouvernement souhaite qu'un maximum de demandeurs d'asile soient accueillis et hébergés avec leurs familles dans les centres d'accueil de demandeurs d'asile.
Or, une part importante des places de CADA, plus de 40 % sur le plan national, sont occupées aujourd'hui soit par des réfugiés, c'est-à-dire des demandeurs d'asile qui ont obtenu satisfaction, soit par des déboutés. Les préfets et les associations gestionnaires de CADA sont, de ce fait, obligés de refuser l'accès aux CADA à de nouveaux demandeurs d'asile.
Ne me dites pas qu'il suffirait de construire de nouveaux CADA ! En effet, le Gouvernement a déjà fait passer la capacité totale d'hébergement en CADA de 10 516 places en 2002 à 17 689 places à la fin de l'année 2005, et ce nombre augmentera encore en 2006 pour atteindre 19 689 places à la fin de l'année, c'est-à-dire quasiment le double du nombre de places que nous avions en 2002. Telle est la réalité.
En outre, 20 % des places sont occupées par des déboutés du droit d'asile qui doivent être considérés pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des étrangers en situation irrégulière comme les autres et qui n'ont aucun droit à être logés gratuitement par la collectivité.
Il ne suffit pas non plus de construire. Il faut réserver les CADA aux demandeurs d'asile dont la demande est en cours d'instruction. C'est ce que prévoit l'article 65 du projet de loi en donnant un vrai statut aux CADA, un statut que vous aviez négligé de leur conférer par le passé.
Les arrêtés du ministre chargé de l'intégration, prévus par l'article 84 de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, codifié à l'article L. 111-3-1 du code de l'action sociale et des familles, et par l'article 5 du décret n° 2001-576 du 3 juillet 2001 n'ont pas été pris et ont laissé les préfets et les gestionnaires de CADA dans un flou juridique préjudiciable à la sécurité du statut des demandeurs d'asile.
Le Gouvernement est tellement convaincu de l'utilité des CADA qu'il vous propose, dans l'article 65, de leur donner un statut propre, un statut moderne, un statut qui permettra aux associations gestionnaires des CADA de prendre les décisions d'admission avec l'accord des préfets.
Nous respectons intégralement le rôle des associations gestionnaires, mais nous leur offrons un cadre juridique complet, qui facilitera leur dialogue avec les administrations intéressées et avec les demandeurs d'asile.
Par ailleurs, le Gouvernement se préoccupe de permettre aux réfugiés qui ont obtenu une carte de résident d'accéder aux logements sociaux, libérant ainsi des places en CADA pour accueillir de nouveaux demandeurs d'asile.
Nous considérons qu'un demandeur d'asile n'a pas vocation à s'installer en France, sauf s'il obtient le statut de réfugié, mais nous souhaitons qu'il soit hébergé dans de bonnes conditions pendant l'instruction de sa demande. Je précise à Mmes Cerisier-ben Guiga et Borvo Cohen-Seat que seuls 12 % à 15 % des demandeurs d'asile obtiennent ce statut de réfugié.
Ce que nous devons aux demandeurs d'asile, c'est non pas de préparer leur insertion, mais de statuer sur leur demande dans des délais raisonnables, c'est-à-dire inférieurs à un an.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 455, 257, 456, 258 et 457, et un avis favorable sur les amendements nos 66 et 67
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 65, modifié.
(L'article 65 est adopté.)
Article 66
L'article L. 351-9 du code du travail est ainsi modifié :
1° Dans le second alinéa du I :
a) Les mots : « le conseil d'administration de » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés les mots : «, à l'exception des cas humanitaires signalés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans des conditions prévues par le décret mentionné à l'article L. 351-9-5. » ;
2° Dans le II, après les mots : « titre Ier du livre VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, », sont insérés les mots : « et, pendant une durée déterminée, », et les mots : « autorisation provisoire de séjour » sont remplacés par les mots : « carte de séjour temporaire ».
Mme la présidente. L'amendement n° 453, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. Le I de l'article L. 351-9 du code du travail est ainsi rédigé :
« I. - Peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente les ressortissants étrangers visés au titre IV du livre VII du code des étrangers et du droit d'asile, s'ils satisfont à une condition de ressources. »
II. L'article L. 351-9-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-9-1. - Lorsque la personne est accueillie dans un centre d'hébergement relevant de l'aide sociale d'État, l'allocation temporaire est prise en compte dans le calcul de la participation financière prévue à l'article R. 345-7 du code de l'action sociale. »
III. L'article L. 351-9-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-9-3. - Le montant de l'allocation est fixé par décret selon les mêmes modalités que le revenu prévu à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles. »
IV. La perte de recette pour l'État résultant des dispositions ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'allocation temporaire d'attente, qui a remplacé l'allocation d'insertion, est désormais versée uniquement pendant la durée de l'instruction de la demande d'asile et les personnes hébergées ou ayant refusé un hébergement en CADA ne pourront plus la percevoir.
Ce faisant, la majorité souhaite développer l'hébergement en centre plutôt que le versement d'une allocation.
Notre amendement vise donc à permettre aux nouveaux arrivants de conquérir progressivement leur autonomie. Ainsi nous préférerions que le régime de l'allocation temporaire d'attente soit réformé afin qu'elle réponde plus justement aux situations que connaissent les demandeurs d'asile, conditions rendues de plus en plus précaires par les mesures gouvernementales.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 66.
(L'article 66 est adopté.)
Division additionnelle après l'article 66
Mme la présidente. L'amendement n° 259, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer une division additionnelle ainsi intitulée :
CHAPITRE ...
Dispositions relatives à la procédure d'asile
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un amendement de cohérence. Si les amendements suivants sont adoptés, il faudrait créer une nouvelle division.
Il serait donc plus logique de réserver cet amendement pour savoir s'il aura encore une utilité ensuite, mais il n'est pas en mon pouvoir de le proposer.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 259.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 66
Mme la présidente. L'amendement n° 68, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l'article L. 351-9-1 du code du travail, après les mots: « autorités compétentes de l'Etat » sont insérés les mots : « ou l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, chargée de la coordination de la gestion du dispositif d'hébergement des demandeurs d'asile, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à donner un fondement législatif à la communication par l'ANAEM d'informations nominatives destinées à l'UNEDIC, qui gère l'allocation temporaire d'attente, dont peuvent bénéficier les demandeurs d'asile.
En effet, en l'état actuel du droit, l'ANAEM peut ne pas être considérée comme une autorité compétente de l'État, au sens de l'article L.351-9-1 du code du travail, alors même que, compte tenu de son rôle de coordination de la gestion du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile, elle seule dispose d'informations utiles pour la gestion de cette allocation.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 66.
L'amendement n° 261, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase de l'article L.551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Il lui est notamment indiqué que sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile ne sera plus recevable pendant la période de rétention si elle est formulée plus de cinq jours après cette notification. Les dispositions de l'article L. 111-8 sont applicables pour la rédaction de la demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement tend à renforcer les garanties dont bénéficie le demandeur d'asile qui se trouve placé en centre de rétention. Il vise, tout d'abord, à apporter une précision présentant des effets pratiques : il spécifie en effet que le délai de cinq jours vaut pour la demande d'admission au séjour au titre de l'asile.
Il prévoit par ailleurs le recours à un interprète pour la rédaction de la demande d'asile, celui-ci étant pris en charge par l'État. La qualité du service d'interprétation offert aux demandeurs d'asile est inégale. Rappelons que, parmi les recommandations émises par la commission d'enquête, figure la gratuité du recours à un interprète pour rédiger une demande d'asile.
Certes, le principe du droit pour l'étranger qui ne parle pas français à bénéficier de l'assistance d'un interprète s'exprimant dans une langue qu'il comprend est affirmé lorsque cette personne fait l'objet d'une mesure de non-admission sur le territoire national, de maintien en zone d'attente - nous avons pu le constater à Roissy - ou de placement en rétention.
Le décret de 2005 prévoit la mise à la charge du retenu des frais de traduction liés aux demandes d'asile effectuées en centre de rétention, ce qui nous semble critiquable.
En zone d'attente, les frais d'interprétation sont logiquement à la charge de l'administration. Rend-on effectif le respect du droit d'asile si la demande d'asile formulée en centre de rétention est systématiquement assimilée à une mesure dilatoire, le nombre de personnes déposant une demande d'asile, à laquelle il est fait droit, depuis le centre de rétention étant tellement faible qu'il ne vaudrait pas la peine de s'en préoccuper ?
Il faut insister sur cet aspect. Exiger du demandeur d'asile qu'il remplisse un formulaire en français sans l'assistance d'un interprète ou lui demander de rétribuer lui-même l'interprète traducteur revient, en réalité, à rendre inapplicable l'exercice du droit d'asile pour un demandeur non francophone.
Or, si l'on rend inapplicable un droit, qu'en restera-t-il ?
La directive du 1er décembre 2005 nous impose, selon moi, de faire bénéficier les demandeurs d'asile, en tant que de besoin, d'un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes et de faire rémunérer ces services sur fonds publics.
L'amendement n° 267, que nous allons examiner dans quelques instants, procède de la même logique et vise les demandeurs d'asile et non plus seulement ceux qui se trouvent en zone de rétention.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 261 qu'elle considère comme inutile puisque les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'appliquent à toutes les notifications ou informations qui sont données.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 267, j'ai expliqué précédemment les conditions dans lesquelles se faisaient les demandes d'asile et celles dans lesquelles elles étaient ultérieurement appréciées au fond lors d'entretiens et en recourant à tous les moyens nécessaires pour les traiter au mieux.
C'est pourquoi la commission vous demande, monsieur Frimat, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je donnerai l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 261 comme sur l'amendement n° 267, que nous allons effectivement examiner dans quelques instants.
Nous avons reçu aujourd'hui l'avis du Conseil d'État statuant au contentieux. Cet avis confirme la légalité du décret du 30 mai 2005, en indiquant que les demandeurs d'asile placés en rétention ne bénéficient pas de la mise à disposition d'un interprète. Monsieur Frimat, vous comprendrez dès lors que le Gouvernement ne puisse qu'être défavorable à vos deux amendements, dont l'adoption ferait prendre des risques à l'ensemble du dispositif en question.
Mme la présidente. L'amendement n° 267, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « S'il ne parle pas français ou s'il ne sait pas lire, il bénéficie de l'assistance gratuite d'un interprète pour rédiger sa demande à séjourner en France au titre de l'asile.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. L'article 10-1-b de la directive du 1er décembre 2005 impose que les demandeurs d'asile bénéficient, en tant que de besoin, des services d'un interprète pour présenter leurs arguments aux autorités compétentes et que ces services soient payés sur des fonds publics.
Monsieur le rapporteur, je vous conseille la lecture du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine. Je veux d'ailleurs vous citer certains propos tenus par quelqu'un qui vous est proche, le rapporteur de ladite commission. (M. le rapporteur sourit.) Ce dernier précisait que « l'obligation de rédiger en français les demandes adressées à l'OFPRA et, pour le demandeur non francophone, de rétribuer lui-même l'interprète traducteur dont le concours peut lui être indispensable, risque tout simplement de priver de l'exercice de leurs droits certains demandeurs d'asile. »
M. François-Noël Buffet, rapporteur de cette commission, ajoutait ceci : « peut-on sérieusement soutenir que l'on ne prive pas le demandeur de la possibilité de "présenter ses arguments" si, faute d'avoir pu bénéficier du concours d'un interprète pour rédiger sa demande, celle-ci est rejetée sans examen ? »
La lecture de ces considérations m'est apparue suffisamment éloquente pour que je vous conseille, monsieur le rapporteur, à la fois de relire vos propos et de réviser votre position afin d'émettre un avis favorable sur l'amendement n° 267. Ainsi, vous confirmeriez les propos que vous avez tenus et écrits, et le rapporteur de la commission d'enquête sur l'immigration serait alors en accord avec le rapporteur du projet de loi que nous examinons actuellement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mon cher collègue, ces deux personnes se sont rencontrées, ont délibéré et ont considéré, compte tenu de la situation de fait, que la commission devait maintenir son avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 267.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 213 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 263, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et le cas échéant, s'il formule un recours devant la commission des recours des réfugiés dans le délai mentionné à l'article L. 751-2, jusqu'à la décision de la commission des recours des réfugiés. »
2° La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et le cas échéant, si un recours est formé devant la commission des recours des réfugiés, avant la décision de la commission. »
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement tend à assurer un recours effectif en créant un recours suspensif devant la CRR pour les demandes examinées en procédure prioritaire. Il s'inscrit dans la logique de nos précédents amendements qui visent à conforter les droits des demandeurs d'asile.
Ces précisions sont importantes. En effet, le recours, dans la mesure où il n'est pas suspensif, perd son intérêt lorsque le demandeur est éloigné après la décision de rejet de l'OFPRA. Ce cas de figure est de plus en plus fréquent avec le renforcement des contrôles d'identité.
Ainsi, nombreuses sont les personnes à être renvoyées dans un pays tiers, alors même que la commission de recours des réfugiés n'a pas encore statué. Elles ne pourront pas, dans cette hypothèse, déférer à la convocation de la CRR.
J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la CRR est une instance de plus en plus sollicitée par les demandeurs. Elle a traité 51 707 recours en 2004 et 38 563 en 2005. Elle s'est vue doter de nouveaux moyens pour traiter cet afflux et pour absorber le stock en attente. Évidemment, il s'agit d'un développement intéressant qu'il faudrait poursuivre.
À cet égard, je songe à la possibilité d'étendre l'indépendance budgétaire de cette commission afin de renforcer son indépendance décisionnelle. En effet, la CRR fait partie administrativement de la structure de l'OFPRA et est financée sur son budget. Même s'il apparaît que ce lien est surtout logistique, il conviendrait, me semble-t-il, de doter cette instance d'une autonomie budgétaire afin d'assurer et de mettre en valeur la totale indépendance de cette juridiction d'appel.
Si l'on souhaite également ne pas altérer la qualité des décisions de la CRR, comme d'ailleurs celle des décisions de l'OFPRA, il faut s'assurer que la nécessité de réduire les délais de traitement des demandes d'asile repose sur des objectifs réalistes.
Or, notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Actions extérieures de l'État », vient d'effectuer une mission de contrôle des services de l'OFPRA. À cette occasion, il a constaté que les objectifs relatifs au délai de traitement des demandes d'asile pour 2006 - délai qui atteint 60 jours pour l'OFPRA et 90 jours pour la commission de recours des réfugiés - ne pourraient être respectés ladite année. En effet, il estime que les fonctionnaires de l'OFPRA ne pourront pas aller au-delà du traitement de 2,2 dossiers par jour, seuil atteint actuellement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 264, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene- Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 751- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...°Les délais dans lesquels l'étranger qui a fait l'objet d'une décision de refus d'admission au titre de l'article L. 741- 4 et dont la demande d'asile a été examinée selon la procédure prévue à l'article L. 723- 1 peut déposer un recours et ceux dans lesquels la Commission des recours des réfugiés doit se prononcer sur cette requête. »
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Étant donné qu'il s'agit d'un amendement de coordination avec le précédent, cet amendement n'a plus d'objet.
Mme la présidente. L'amendement n° 264 n'a plus d'objet.
TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION OUTRE-MER
Articles 67 à 79
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le titre VI et les articles 67 à 79 relatifs à l'outre-mer ont été examinés par priorité.
TITRE VII
DISPOSITIONS FINALES
Article 80
Les dispositions du chapitre II du titre VI de la présente loi entrent en vigueur le 1er juillet 2006.
Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'article 80 tend à prévoir une entrée en vigueur au 1er juillet 2006 des dispositions du chapitre II du titre VI de la future loi qui concernent, notamment, les reconnaissances de paternité à Mayotte.
Compte tenu du fait que l'ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation n'entrera elle-même en vigueur qu'à cette date, il est inutile de prévoir l'entrée en vigueur de ces dispositions pour le 1er juillet 2006, car il est peu probable que la présente loi puisse entrer en vigueur auparavant ; c'est pourquoi la commission propose de supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 80 est supprimé.
Article additionnel après l'article 80
Mme la présidente. L'amendement n° 74, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 80, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
L'article 23 entre en vigueur à compter d'une date fixée par décret en Conseil d'État et au plus tard le 1er janvier 2007.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est de même nature que le précédent. Il vise à coordonner les dates d'application des différents textes.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 80.
Article 81
L'article 2 et le 2° de l'article 28 s'appliquent aux demandes de titres de séjour introduites un mois après la publication de la présente loi. - (Adopté.)
Article 82
Les dispositions de l'article 44 entrent en vigueur à compter d'une date fixée par décret en Conseil d'État et au plus tard le 1er juillet 2007. - (Adopté.)
Article 82 bis
Les dispositions des 2° et 3° de l'article 36 entrent en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d'État modifiant le code de justice administrative et au plus tard au 1er juillet 2007.
Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dispositions des 2° et 3° de l'article 36, du 1er A de l'article 42 et du 3° de l'article 43 entrent en vigueur six mois après la publication de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 82 bis est ainsi rédigé.
Article 83
I. - 1. Le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour adapter les dispositions des titres Ier à V de la présente loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte et en tirer les conséquences sur l'ensemble du territoire de la République.
Le projet d'ordonnance est, selon les cas, soumis pour avis :
- pour la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, aux institutions compétentes prévues respectivement par la loi organique n° 2004- 192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et la loi organique n° 99- 209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- pour les îles Wallis et Futuna, à l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;
- pour Mayotte, au conseil général de Mayotte, dans les conditions prévues à l'article L. 3551- 12 du code général des collectivités territoriales.
2. L'ordonnance est prise au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.
3. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans les dix-huit mois suivant la publication de la présente loi.
II. - Dans les mêmes conditions, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à l'adaptation des dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers dans les Terres australes et antarctiques françaises. - (Adopté.)
Article 84
Sont ratifiées :
1° L'ordonnance n° 2004- 1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2° L'ordonnance n° 2004- 1253 du 24 novembre 2004 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les collectivités d'outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;
3° L'ordonnance n° 2005- 704 du 24 juin 2005 portant adaptation des règles relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de nos débats, je n'étonnerai personne en disant que les sénateurs du groupe CRC rejettent avec force l'esprit et la logique de ce projet de loi.
Il s'agit là, en effet, d'une « loi de plus », d'une « loi de trop », guidée par une logique sécuritaire et répressive de la même veine que les lois précédemment adoptées.
En outre, votre objectif, avec ce texte, est plus, à notre avis, de manipuler l'opinion publique, à l'aube d'importantes échéances électorales, que de peser réellement sur les flux migratoires.
Monsieur le ministre, sans retirer quoi que ce soit au talent dont vous avez fait preuve pour défendre à tout prix ce projet de loi, permettez-moi de m'étonner de n'avoir pas vu M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, participer à nos débats, excepté sa brève apparition au cours de la discussion générale et son coup médiatico-politique concernant le sort des enfants scolarisés.
Avec ce projet de loi, vous mettez en place une répression arbitraire et discriminatoire à l'encontre des étrangers, que vous désignez ouvertement comme étant les ennemis des Français, responsables, de surcroît, de tous les travers de notre société.
Ce faisant, vous alimentez le racisme qui sévit dans l'opinion publique, en particulier au sein des familles populaires, qui sont en situation de précarité et qui en viennent, à force de discours plus stigmatisants les uns que les autres, à considérer les étrangers comme étant leurs concurrents sur le marché du travail.
Vous opposez les gens entre eux, tout en les maintenant dans la même situation de précarité.
Dans le même temps, vous organisez la sélection des étrangers les plus dignes de venir s'installer et vivre dans notre pays selon des critères bien déterminés, laissant penser que ceux qui sont déjà présents sur notre sol ne seraient pas dignes d'y rester.
Ainsi, après avoir opposé les étrangers aux Français, vous allez maintenant opposer les étrangers entre eux. Diviser pour mieux régner, telle est visiblement votre devise !
Vous continuez à piller les pays les plus pauvres de leurs atouts, depuis les matières premières jusqu'aux matières grises. C'est inacceptable !
Vous laissez croire également que la France est un pays d'immigration massive, alors que la pression migratoire à nos frontières - les études le prouvent - est bien moins importante que vous ne le prétendez.
L'envahissement du Nord par le Sud n'est qu'un fantasme. En réalité, les grandes migrations en provenance du Sud se font majoritairement vers les pays limitrophes - donc au Sud -, ce que vous savez pertinemment !
Il faut aider les pays du Sud à se développer.
À cet égard, je regrette que vous ayez refusé les amendements du groupe CRC tendant à aider au développement des pays les plus pauvres en annulant leur dette à l'égard de la France, en consacrant 1 % de notre PIB à l'aide au développement, en instaurant, par exemple, une taxe sur les transactions financières.
Par ailleurs, ce texte, qui, je le rappelle, prône une immigration « choisie », désigne - et c'est là une première - l'immigration familiale comme étant une immigration subie.
Dans cette logique, vous avez décidé de vous attaquer aux droits fondamentaux d'un certain nombre de personnes : je pense, notamment, au droit au séjour par le mariage ou encore au regroupement familial, pourtant déjà réduit à plusieurs reprises, sans parler de la remise en cause du droit d'asile.
Ce faisant, vous jetez la suspicion sur l'ensemble des étrangers - réguliers ou irréguliers - présents sur notre sol qui deviennent tous des suspects, des fraudeurs. Les mariages mixtes sont ainsi soupçonnés d'être de petits arrangements entre amis pour obtenir des papiers - au bout de quatre ans quand même ! Quant aux reconnaissances de paternité, elles deviennent des reconnaissances de complaisance ; le dispositif du regroupement familial actuel, jugé trop généreux, devient, pour sa part, une source d'abus, les dispenses de stage de cinq ans pour certaines catégories de personnes étant, quant à elles, abusives ; enfin, les demandeurs d'asile seraient de faux réfugiés !
Outre nos amendements visant à supprimer les dispositions les plus graves de ce texte, nous avons fait toute une série de propositions que vous vous êtes obstiné à rejeter, monsieur le ministre.
Dès lors, nous ne pouvons que déplorer la conception de l'immigration défendue par le Gouvernement et sa majorité, conception rétrograde s'il en est, frileuse, enfermée sur elle-même, étriquée, bref, dénuée de toute ambition et de toute générosité.
Pour notre part, nous avons tenu à défendre une conception plus « humaniste » de l'immigration et, surtout, nous avons posé comme postulat à toute modification législative le renforcement de l'aide au développement des pays source d'émigration et la régularisation, sous certaines conditions, des sans-papiers présents sur notre sol.
Quant au volet relatif à l'intégration, il montre que cette dernière ne vous sert qu'à mettre un obstacle supplémentaire à l'obtention de papiers !
Je conclurai mon intervention en citant le chiffre quatorze. Quatorze, tel est en effet le nombre de jours qu'il reste aux milliers d'enfants scolarisés dans nos écoles avant d'être expulsés du territoire français avec leurs parents sans papiers, alors même que l'année scolaire, aux niveaux élémentaire et primaire, s'arrête le 4 juillet !
Enfin, je tiens à souligner que la circulaire ministérielle, prétendument si généreuse, permettra en réalité d'épargner au mieux 1 200 enfants seulement sur les 50 000 qui sont concernés...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. 50 000 ? Non !
Mme Éliane Assassi. ... par ce qu'il est désormais convenu d'appeler « la chasse aux enfants », dont l'ouverture a été fixée au ler juillet prochain !
Nous ne pouvons accepter une telle situation, pas plus que nous ne pouvons adhérer au présent projet de loi empreint d'une idéologie très dangereuse.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre l'ensemble du texte qui est soumis à notre examen et qui n'a, du reste, été modifié qu'à la marge durant les deux semaines de débats qui lui ont été consacrées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord insister sur la qualité de nos débats tout au long des sept jours qu'a duré la discussion de ce projet de loi.
Avant d'expliquer le vote de mon groupe, je voudrais ouvrir une parenthèse, pour demander instamment au Gouvernement de cesser d'entrecouper l'examen d'un texte par l'inscription à l'ordre du jour de nos débats d'autres projets de loi, comme ce fut le cas ces deux dernières semaines. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Joël Bourdin. Très bien !
Mme Muguette Dini. Pour en revenir au projet de loi proprement dit, je tiens, monsieur le ministre, à vous rendre hommage pour votre écoute et votre disponibilité, écoute et disponibilité qui ont permis l'instauration d'un vrai débat, très important de par sa dimension humaine et compte tenu de l'urgence déclarée.
De fait, l'immigration est un thème difficile, sur le plan tant politique que passionnel.
Ce fut un débat politique, d'abord, car il n'est pas innocent, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait inscrit ce texte à l'ordre du jour de la présente session, alors que la dernière loi votée en la matière date seulement de 2003 et que nous nous trouvons à quelques mois d'un rendez-vous électoral important.
Ce débat fut également passionnel, tant il est vrai que vous avez souhaité traiter de sujets délicats : je pense, notamment, aux problèmes liés à la famille, qu'il s'agisse du regroupement familial, du mariage, ou encore de l'instauration de la carte de séjour « vie privée et familiale ».
Il fut également passionnel pour la simple raison que vous avez souhaité revenir sur des règles existant depuis plus de dix ans, telles que la régularisation des sans-papiers ou l'automaticité de la carte de résident pour certaines catégories de personnes.
Ce débat fut aussi passionnel si l'on songe que vous avez annoncé, la veille même de l'examen de ce texte par le Sénat, la régularisation d'un certain nombre d'enfants scolarisés en situation irrégulière.
Enfin, ce fut un débat passionnel dans la mesure où vous n'avez pas hésité à utiliser un vocabulaire plutôt provocateur, tel que « immigration choisie », carte « compétences et talents », « accueil des élites ».
Dans ce contexte, nous avons souhaité vous aider à modifier, dans la mesure du possible, la tonalité de ce projet de loi pour passer d'une vision utilitaire à une vision plus humaniste.
Vous avez délibérément voulu laisser une marge de manoeuvre aux sénateurs, notamment, à ceux qui, comme nous, ont insisté sur la nécessité de favoriser le co-développement.
Sans remettre en cause l'idée d'une régulation de l'immigration, notre réserve par rapport à ce projet de loi repose, avant tout, sur le principe de l'immigration choisie en ce qu'il implique, en amont, une distinction entre un migrant utile et un migrant inutile, vision qui, selon nous, fait fi de la dimension humaine de l'immigration.
Vous le savez - nous n'avons cessé de le répéter -, un contrôle des flux migratoires ne peut se faire sans une politique volontariste d'aide au développement des pays d'où sont issus les émigrants. Il faut un dialogue constructif pour découvrir et inventer des projets pouvant effectivement retenir dans ces pays, en particulier en Afrique, les hommes et les femmes qui n'ont d'autre choix que de partir.
Une politique efficace de codéveloppement peut, seule, tarir le flux migratoire, car aucune loi ne pourra jamais empêcher les gens de fuir la misère.
Ainsi, dans un premier temps, nous nous étions opposés à la carte « compétences et talents », car la philosophie sur laquelle elle reposait ne nous semblait pas acceptable.
C'est pourquoi nous saluons les différentes initiatives destinées à mettre en valeur la notion de codéveloppement, initiatives encouragées par vous-même, monsieur le ministre, et votées par notre assemblée.
Je veux ici parler, bien sûr, de l'amendement de M. Pelletier, voté par notre groupe, tendant à créer un compte épargne codéveloppement, ou encore de l'amendement de notre collègue Hugues Portelli, cosigné par des membres de l'UC-UDF, prévoyant que la carte « compétences et talents » ne pourra être accordée à l'étranger originaire d'un pays de la zone de solidarité prioritaire que lorsque la France aura conclu, avec le pays concerné, un accord de partenariat en faveur du codéveloppement.
Ces amendements fournissent un fondement éthique à ce texte qui, compte tenu de certaines mesures coercitives, manquait d'un regard humain sur l'immigration.
Je voudrais également insister sur l'importance de l'un de nos amendements visant à confier aux commissions départementales du titre de séjour la compétence pour examiner les demandes de régularisation émanant d'étrangers en situation irrégulière depuis dix ans.
Comme nous avons eu l'occasion de le rappeler, une approche décentralisée de ces situations particulières nous paraît plus pertinente. En effet, les demandes de régularisation concernent très souvent des familles en situation de détresse, et donner à tel ou tel échelon local la faculté d'examiner ces cas particuliers nous semble, là encore, une façon de mettre l'accent sur la dimension humaine de l'immigration.
Dans le même ordre d'idées, grâce à l'amendement défendu par Jacques Pelletier, cosigné par Michel Mercier et adopté par le Sénat, une demande de visa de long séjour émanant d'un étranger entré régulièrement en France, marié dans notre pays avec un ressortissant de nationalité française et séjournant avec son conjoint sur notre territoire depuis plus de six mois sera présentée en France à l'autorité administrative compétente.
Il s'agit là d'une mesure de bon sens, qui évitera que les personnes concernées ne soient contraintes de retourner dans leur pays d'origine pour obtenir ce visa. Dans les faits, cette formalité aurait été le plus souvent impossible à accomplir et elle aurait ainsi maintenu en situation irrégulière un nombre encore plus important d'étrangers.
Enfin, comme mon collègue Denis Badré l'a souligné lors de la discussion générale, la dimension nationale de la question de l'immigration est largement dépassée. Il est urgent de traiter cette dernière au niveau européen.
En effet, en quoi est-il pertinent de légiférer sur le contrôle de nos frontières à l'heure de l'espace Schengen ? Nos frontières actuelles ne se situent-elles pas du côté de l'Espagne, de l'Italie, de la Slovaquie, de la Pologne ou de la Lituanie ? En outre, c'est bien sûr au niveau européen qu'une véritable politique de codéveloppement prendra toute son efficacité.
Pour conclure, il me semble important d'évaluer assez rapidement les effets des diverses mesures auxquelles nous allons apporter notre soutien, telles que, entre autres dispositions, les conditions du regroupement familial et du mariage mixte, la généralisation du visa de long séjour, la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration, la création de la carte « compétence et talents ».
Il faudra rapidement vérifier que ces mesures, au lieu de limiter les fraudes, ne rendent pas impossible l'exercice du droit des étrangers à une vie familiale normale.
En attendant cette nécessaire évaluation, et dans la mesure où la discussion au Sénat a permis d'apporter au projet de loi certaines modifications auxquelles nous étions très attachés, la majorité des membres du groupe de l'UC-UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ma part, quand j'entends dire que ce projet de loi est un texte de plus sur l'immigration - voire un texte de trop -, je ne suis pas d'accord.
Franchement, chacun dans cet hémicycle, à un moment ou à un autre, s'est dit qu'il fallait regarder les problèmes en face. Nous l'avons fait à propos de la sécurité - avec retard pour certains d'entre nous - et nous le faisons à présent s'agissant de l'immigration - sans trop de retard, il faut l'espérer.
La situation est ce qu'elle est, même s'il arrive que personne ne veuille en assumer certains éléments. Contrairement à ce qui a été dit, ce projet de loi est très humain et apporte de véritables solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit. Ce projet de loi offre des solutions précises aux problèmes réels des populations immigrées, aux questions qui suscitent la crispation de la population française dans son ensemble et aux enjeux du codéveloppement. S'agissant à la fois des Français, des immigrés et des pays d'origine de l'immigration, il traduit, me semble-t-il, des évolutions importantes. Les dispositions de ce projet de loi, amendées par l'Assemblée nationale et le Sénat, nous permettront, j'espère, d'avoir une approche plus réaliste de l'immigration.
Je tiens à remercier Christian Estrosi de ses réponses nombreuses et variées. Les connaissances en matière de fraises dont il a témoigné voilà quelques jours, ainsi que, de façon générale, les réponses claires qu'il nous a fournies, même lorsque les critiques s'apparentaient quelque peu à du trapèze volant - mais, après tout, chacun est libre de ses propos - ont fait mon admiration.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Après les fraises, le trapèze ? Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Roger Karoutchi. Je le dis sans esprit polémique, la gauche a tendance à affirmer que ce projet de loi s'inscrit en faux par rapport à une tradition presque mythologique et chevaleresque de la France. Pour certains, nous dénaturerions la bonne et la vraie France. Allons donc ! Et si, à l'inverse, comme on l'a souvent vu ces dernières années à travers bien des accidents et bien des drames, c'étaient les situations antérieures qui remettaient en cause ce côté mythique ou chevaleresque ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelles situations antérieures ? De quoi parlez-vous ?
M. Roger Karoutchi. En tout cas, l'honneur de tous aujourd'hui serait, me semble-t-il, de reconnaître la nécessité d'évoluer sur l'appréciation du problème de l'immigration, comme beaucoup l'ont fait s'agissant de la sécurité. En effet, la meilleure façon d'avoir une politique équilibrée, humaine, ouverte, attentive aussi au codéveloppement, c'est encore d'adopter les mesures contenues dans ce projet de loi, que, pour ma part, je voterai sincèrement et sans états d'âme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à adresser mes remerciements à notre rapporteur pour l'excellent travail qu'il a fourni, avec la collaboration de la commission des lois et de tout le personnel du Sénat, à l'occasion de l'examen pendant deux semaines d'un texte qui contribuera certainement à l'application de notre droit partout sur notre territoire.
Quelle règle doit guider nos politiques d'immigration et d'intégration ? Nous pensons depuis longtemps que la France, pour paraphraser une formule bien connue, a fidèlement pris sa part de la misère du monde. Il lui faut accueillir, certes, mais surtout favoriser l'intégration.
Toutefois, en matière d'immigration plus que dans tout autre domaine, nous devons en permanence associer sévérité et justice, principe de réalité et humanisme. Tel Janus, notre politique d'immigration ne peut avoir que deux visages : celui de la fermeté et celui de la générosité.
Monsieur le ministre, c'est cette philosophie qui guide le projet de loi que nous avons examiné attentivement durant ces deux dernières semaines. Avec ce texte, il s'agit bien de rationaliser au maximum notre politique d'immigration, de tenter de maîtriser les flux migratoires et de nous doter de la politique d'intégration la plus juste qui soit.
Toutefois, toutes ces mesures ne prendront véritablement leur sens que si elles se déclinent à l'échelle européenne.
Peut-être le texte modifié et adopté par l'Assemblée nationale, voilà un mois, était-il plus sévère que juste, et ainsi quelque peu déséquilibré. En tout cas, nous pouvons aujourd'hui reconnaître, me semble-t-il, que la Haute Assemblée, dans sa grande sagesse, a rééquilibré ce texte vers plus d'humanisme et de justice, tout en demeurant ferme et réaliste.
À travers l'adoption de plusieurs amendements, qui émanent de la commission des lois ou qui ont trouvé des soutiens divers sur les travées de cet hémicycle, les exemples sont nombreux de l'apport, bien réel une fois de plus, du Sénat et du bicaméralisme.
Sur l'initiative de l'ensemble des membres du RDSE et de quelques-uns de nos collègues, le Sénat a introduit dans le projet de loi un dispositif innovant et très concret en faveur du codéveloppement, le « compte épargne codéveloppement ». Celui-ci incitera les étrangers résidant en France à diriger leur épargne vers des projets de développement dans les pays qui en ont le plus besoin, et qui sont aussi les pays de départ des immigrés.
Nous inscrivons ainsi dans la loi une réalité fondamentale qu'il ne faut jamais perdre de vue : l'immigration n'est jamais un véritable choix, elle est d'abord une fuite loin de la misère et de la souffrance.
Aussi, pour mettre un terme à l'immigration clandestine, celle-là même que nous entendons endiguer et contrôler, il nous faut, d'une part, aider les pays les plus pauvres à se développer et, d'autre part, donner à ces derniers les moyens d'offrir des conditions de vie acceptables à leur population et un avenir à leur jeunesse.
C'est en se fondant sur cette logique de codéveloppement que le Sénat a adopté un autre amendement, défendu par Jacques Pelletier et les membres du groupe du RDSE, aux termes duquel la carte « compétences et talents » ne pourra être renouvelée qu'une seule fois pour les étrangers issus des pays de la zone de solidarité prioritaire.
Ainsi, en favorisant le codéveloppement sur le long terme et le retour des élites issues des pays les plus fragiles, le Sénat a évité un effet très pervers du projet de loi initial, qui donnait lieu à des critiques fondées, à savoir le risque d'un « pillage » des cerveaux des pays les plus défavorisés, qui aurait accentué leur sous-développement et nourri toujours davantage l'immigration clandestine.
Un autre amendement déposé par mon groupe améliore sensiblement le projet de loi, en le rééquilibrant vers plus d'humanisme. C'est celui qui évite à un étranger entré régulièrement sur notre territoire et marié en France avec un Français de retourner dans son pays afin d'obtenir un visa de long séjour auprès des autorités consulaires. Nous avons souhaité rendre possible la délivrance d'un titre de séjour sur le territoire français par une autorité administrative compétente. Cette disposition de bon sens ne sera pas sans conséquences financières et matérielles au bénéfice des étrangers concernés.
Je limiterai mon propos à ces trois exemples. Ces trois amendements souhaités par Jacques Pelletier et soutenus par les sénateurs de mon groupe, au-delà de son clivage traditionnel, auront des effets considérables, en faisant du codéveloppement un outil réel de maîtrise de l'immigration ou en facilitant la vie des étrangers qui épousent des Français.
Bien évidemment, d'autres amendements, à commencer par ceux qui ont été présentés par notre excellent rapporteur, ont eux aussi permis d'améliorer sensiblement le projet de loi. Je pense, par exemple, à l'amendement qui a rétabli le droit pour les déboutés du droit d'asile de contester la décision fixant le pays de renvoi.
Bien entendu, ce texte demeure perfectible, et d'autres dispositions auraient mérité d'être modifiées, supprimées ou améliorées. Je pense, notamment, au droit d'asile, ou encore au regroupement familial.
Malgré cela, la majorité des membres de mon groupe, très satisfaits de l'adoption par la Haute Assemblée de nombreux amendements, approuve le projet de loi et le votera. D'autres, toutefois, demeurent plus réservés, voire profondément opposés à certaines dispositions bien précises. Ils se prononceront contre le projet de loi.
Enfin, mes chers collègues, ce texte a été pour moi l'occasion d'évoquer devant vous, une fois de plus, la situation bien particulière de la Guyane et de l'outre-mer.
La question de l'immigration clandestine est très préoccupante pour la Guadeloupe, la Guyane et Mayotte. Je me suis fait ici le porte-parole du mécontentement toujours croissant de la population guyanaise, profondément excédée par les atermoiements des gouvernements successifs face aux conséquences dévastatrices de l'immigration irrégulière et massive qui frappe notre grand territoire d'Amérique.
C'est pourquoi je vous avais proposé quatorze amendements spécifiques à la Guyane, afin de tenter d'enrayer ou de mettre un terme à un phénomène migratoire sans commune mesure avec ce que connaît la France hexagonale. Trois d'entre eux ont été adoptés. Je veux croire qu'il ne s'agit que d'un début et, préférant la stratégie des petits pas, j'approuverai moi aussi le texte amendé par le Sénat, même s'il demeure, je le répète, très insuffisant pour la Guyane.
Monsieur le ministre, s'il y a, d'un côté, la loi et, de l'autre, l'esprit de la loi, je crains qu'en Guyane nous ne soyons de plus en plus confrontés à ce que l'on pourra bientôt appeler « la loi du fleuve, la loi des savanes et la loi de la forêt ». Faisons tout, et vite, pour éviter l'apparition de lois parallèles !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à travers ce projet de loi, le premier qui aborde cette question de façon globale, nous avons fait le choix d'une immigration intégrée, en consolidant la maîtrise des flux migratoires tout en favorisant les processus d'intégration.
Ce projet de loi vient compléter la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, celle du 10 décembre 2003 sur le droit d'asile, en attendant l'examen par la Haute Assemblée de la future loi relative au contrôle de la validité des mariages.
J'ai beaucoup apprécié de voir, une fois n'est pas coutume, la famille et le mariage mis à l'honneur sur les travées de gauche de cet hémicycle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez pas le monopole de la famille !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je tiens à saluer l'opiniâtreté de certains de nos collègues. Bien évidemment, j'adresse mes plus vifs remerciements à M. le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, et à M. le rapporteur, François-Noël Buffet, dont nous avons tous apprécié la qualité et l'excellence des deux rapports.
Monsieur le ministre, je vous remercie également, car vous n'avez jamais ménagé ni vos efforts ni votre temps, en faisant preuve de disponibilité, d'écoute, de pédagogie, mais aussi d'humanité. Dans cette assemblée, si les échanges ont parfois été hauts en couleurs, ils ont toujours été empreints de dignité, et vous y avez largement contribué.
Au cours de ce long débat, qui a duré près de cinquante heures, réparties sur sept jours et sept nuits, les discussions ont été à la hauteur de l'enjeu tout en respectant, je le répète, la dignité nécessaire. Et, monsieur Frimat, nous avons même, par moments, été gagnés par l'émotion.
Ce débat a été éclairé par notre connaissance des réalités locales, à travers nos différentes expériences personnelles dans les mairies, les conseils généraux, mais aussi les consulats. Je n'oublie pas en effet nos collègues représentant les Français établis hors de France, qui ont largement pris part à nos échanges et y ont apporté la plus-value tirée de leurs propres expériences.
Nous avons puisé la matière qui nous a permis de trouver un équilibre entre notre propre humanité et notre responsabilité politique, ce qui impose parfois des choix, certes difficiles, mais nécessaires et assumés.
L'avenir de notre territoire ne doit pas en effet se jouer sur un coup de poker. Mais il est normal que les règles soient claires pour tout le monde. Un tel équilibre constitue bien la base de ce projet de loi, qui se veut en effet empreint non seulement de fermeté, mais aussi de compréhension.
Cette fermeté s'exprime, tout d'abord, à l'égard de l'immigration clandestine, en particulier celle qui touche, dans des proportions inquiétantes, certaines de nos collectivités ultramarines.
Cette fermeté s'exprime, ensuite, dans notre politique d'immigration, par la volonté de privilégier une immigration choisie. Un tel choix a d'ailleurs déjà été opéré dans la plupart des grandes démocraties du monde, comme les États-Unis,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
Mme Marie-Thérèse Hermange. ...le Canada, le Royaume-Uni ou, encore, l'Allemagne.
C'est un choix qui relève du bon sens : un pays doit adapter sa politique d'immigration à ses capacités d'accueil. Il n'a jamais été question de mettre en oeuvre une « politique de l'entonnoir ». Il s'agit, tout simplement, de donner une chance à celles et à ceux qui pénètrent sur notre territoire.
Ce texte est également empreint de compréhension : il prévoit des traitements particuliers pour raisons humanitaires ; il affiche clairement une préférence pour une immigration du travail et réserve une priorité aux immigrés qui cherchent à s'intégrer en respectant les valeurs de la République ; il favorise le codéveloppement.
En ce sens, nous ne pouvons que nous féliciter des initiatives de nos collègues Jacques Pelletier et Hugues Portelli, qui ont permis la création du « compte épargne codéveloppement ».
Vous l'avez souligné, monsieur le ministre, les investissements ainsi générés sont estimés à 900 millions d'euros pour les pays d'origine, avec un effort financier de l'État français de 125 millions d'euros. Ce geste est suffisamment significatif pour être souligné ce soir. Je regrette qu'un tel effort n'ait pas été salué, comme il le méritait, par un vote unanime de la Haute Assemblée.
Le Sénat a en outre décidé de subordonner la mise en place de la carte « compétences et talents » à des accords de partenariat pour le développement conclus préalablement avec les États d'origine des personnes concernées.
Toutes ces nouvelles dispositions s'inscrivent donc dans une perspective très positive de codéveloppement auquel notre assemblée est particulièrement attachée.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP votera ce texte, tel qu'il ressort de nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, à l'issue de ces cinquante heures de débat sur un texte aussi important, je tiens d'abord, par courtoisie, à vous remercier d'avoir été présent tout au long de la discussion. Vous direz au ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que la relative fugacité de son passage ici même ne nous a pas semblé très respectueuse de la Haute Assemblée, eu égard, notamment, à la teneur du texte et à l'effet médiatique que lui-même escomptait.
Disant cela, je n'enlève rien à votre mérite et je n'ai aucunement l'intention de vous être désagréable. Vous avez défendu la position du Gouvernement, nous avons débattu, nous nous sommes opposés, parfois vivement, mais tout cela est le jeu normal de la démocratie. Nous faisons tous de la politique pour défendre nos convictions, et c'est au nom des siennes que le groupe socialiste, unanime, votera contre ce projet de loi. Je ne le reprendrai pas d'ailleurs ici point par point, car nous avons eu suffisamment l'occasion de nous expliquer.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne voudrais pas que les termes que j'emploie puissent paraître blessants, car tel n'est pas mon but. Dans le combat politique, il est certes facile d'être tenté par l'offense, mais, au final, une telle attitude se révèle toujours mauvaise, car la qualité des arguments ne trouve sa pleine expression que dans la mesure. Il n'y a donc pas lieu d'y ajouter l'outrance.
De toutes les images qui me sont revenues en mémoire en travaillant sur ce texte, je retiendrai plus particulièrement deux souvenirs littéraires.
Tout d'abord, lorsque j'observe la composition de notre assemblée, je pense toujours à ce si beau vers d'Edmond Rostand dans Cyrano de Bergerac : « Non, non, c'est encore bien plus beau lorsque c'est inutile ! »
Même si nous connaissions par avance le sort que vous réserviez à nos amendements, nous avons tenu à les présenter un par un. Et il est tout à notre honneur de défendre nos convictions jusqu'au bout, jusqu'à la dernière minute de ce débat. Monsieur le ministre, je vous le répète donc une dernière fois, vous êtes dans l'erreur et vous faites fausse route lorsque vous croyez pouvoir connaître l'opinion profonde de notre peuple en vous référant simplement aux résultats d'un sondage publié par ce qu'est devenu Le Figaro. Sachez-le, c'est nous qui sommes touchés, dans notre chair, par les problèmes des immigrés, c'est nous qui nous sentons en harmonie avec nos frères étrangers.
Ensuite, j'ai pensé à un poème de Jacques Prévert, publié dans Paroles. Je vous l'accorde, il est quelque peu provocateur ; mais puisqu'il comporte des mots à ne pas prononcer dans cet hémicycle, je n'en citerai qu'une partie ! Ce poème s'intitule La chasse à l'enfant. Après une série de quatre injures, que je vous épargne, Jacques Prévert écrit ceci :
« Qu'est-ce que c'est que ces hurlements ?
« C'est la meute des honnêtes gens
« Qui fait la chasse à l'enfant. »
Monsieur le ministre, par moments, au cours du débat, j'ai effectivement eu ce sentiment. Encore une fois, je ne veux en aucun cas être blessant. Malgré tout, comme je l'ai déjà dit lors de la discussion générale, personne ne peut nier que nous vivons dans un pays, qui, comme d'autres, a vu, de tout temps, prospérer des courants xénophobes, surtout quand les difficultés s'accumulaient. Les boucs émissaires étaient alors immédiatement désignés : les juifs, les étrangers. Ces courants transcendaient d'ailleurs les opinions politiques. Chez tous ceux qui ont payé de leur vie pour combattre le triomphe de telles idées, toutes les couleurs politiques étaient représentées.
Par conséquent, je ne ferai pas d'amalgame ! (Murmures sur les travées de l'UMP.) Je vous en prie, mes chers collègues, je vous ai écouté en silence et je ne me laisserai pas interrompre ! Non, je ne ferai pas d'amalgame ! Je n'irai donc pas jusqu'à dire : « Au revoir, les enfants ! » Non seulement le contexte ne le justifie pas, mais ce serait d'ailleurs une remarque déplacée.
Cela étant, en toute objectivité, le présent texte sert à renforcer le climat de xénophobie toujours latent dans notre pays. Les dispositions qu'il contient ne sont pas équilibrées.
Certains de nos collègues ont voulu présenter ce projet de loi comme un texte sur le codéveloppement. Quelle plaisanterie ! À qui ferez-vous croire que c'est la volonté de promouvoir le codéveloppement qui vous a animés pour préparer ce texte ? Monsieur le ministre, vous-même avez rétabli la vérité en séance, et je vous en rends justice : vous voulez promouvoir l'immigration choisie et rejeter l'immigration subie ; vous entendez, encore et encore, durcir les procédures, et allonger, encore et encore, les délais.
Ainsi durcissez-vous toutes les procédures qui permettent l'acquisition de la nationalité française ou le regroupement familial, alors que ce dernier permet simplement de mener une vie normale. Dans le même temps, vous allongez tous les délais prévus, pour priver le plus longtemps possible l'étranger de certains droits.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous ne pouvons accepter ce texte, qui n'a aucunement pour objectif de régler la question de l'immigration. Un sénateur appartenant à la majorité m'a d'ailleurs fait, en toute discrétion - vous comprendrez donc que je ne dévoile pas son identité ! -, une confidence importante, m'avouant que ce projet de loi devait permettre à la droite de récupérer des forces, pour sortir de l'état dans lequel elle se trouve depuis la crise du CPE !
En d'autres termes, vous voulez vous rassembler : vous en avez grand besoin, mais il y a encore beaucoup du travail à faire ! Vous souhaitez placer la sécurité au coeur du débat, en vue des prochaines échéances électorales, car c'est là-dessus que vous comptez vous refaire une santé, pour pouvoir continuer, demain, à diriger ce pays. Puisque nous sommes en total désaccord avec vous, nous utiliserons toutes les procédures démocratiques à notre disposition pour vous empêcher d'arriver à vos fins.
En tout état de cause, nous débattrons sûrement à nouveau de ce projet de loi, car il est voué à l'échec. Si vous êtes toujours au pouvoir, vous ne manquerez pas de nous présenter un nouveau texte, qui sera d'ailleurs fondé sur les mêmes principes et les mêmes discours. Si, comme je l'espère, vous n'êtes plus aux affaires, il nous reviendra de gommer de notre arsenal législatif ce texte inhumain, brutal, déséquilibré, qui ne correspond pas à notre conception des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, au cours de ce long débat, vous et vos amis avez souvent utilisé un ton patelin pour finalement nous dire : « Les choses sont ce qu'elles sont. Il faut des solutions » Le sous-entendu était clair : « Il faut privilégier nos solutions, auxquelles tout un chacun finira d'ailleurs par se rallier. »
Tout cela mérite tout de même la contradiction : non, toute solution n'est pas bonne à prendre ! Certaines sont même très mauvaises et ont des conséquences dramatiques. L'histoire regorge malheureusement d'exemples en la matière !
Nous sommes abreuvés quotidiennement de déclarations du ministre d'État, que vous-même relayez, sur la politique sécuritaire qu'il entend mener. Or celle-ci n'a, en définitive, aucun résultat positif sur la sécurité de nos concitoyens.
Non, une politique de suspicion à l'égard des étrangers, une politique de repli qui donnera de notre pays l'image d'une forteresse assiégée, l'utilitarisme égoïste à l'égard des pauvres ne régleront pas plus les insupportables inégalités de ce monde qui, évidemment poussent de nombreuses personnes à chercher à travailler, à avoir une vie meilleure ailleurs que chez eux - comme chacun le sait, pas de gaîté de coeur -, qu'une politique de plus en plus sécuritaire n'assure la sécurité, droit élémentaire de chaque citoyen. Les États-Unis en sont un très bon exemple - ou un très mauvais, selon la façon dont on l'entend -, puisque 2,5 millions de personnes y sont emprisonnées, alors que la société y est de plus en plus violente.
D'autres solutions s'imposent, chers collègues de la majorité. Il faudrait sans doute réduire les injustices en faisant en sorte que ceux qui ont trop, et qui ne sont évidemment pas les pauvres des pays riches, en fassent profiter ceux qui ont moins. Il faudrait s'engager dans une véritable politique de codéveloppement.
Tout cela reste à faire. Ce sont autant de solutions qui pourraient effectivement réduire le nombre des personnes qui fuient la misère, qui partent de chez elles pour des espoirs qui, c'est certain, ne se réalisent pas.
Votre texte n'agira pas sur ce que vous considérez comme une pression insupportable des migrations. C'est une suite de mesures d'affichage qui stigmatisent les étrangers, qui favorisent la xénophobie et le racisme, hélas ! toujours bien présents dans notre pays, mais qui, de plus, vont créer encore plus de précarité pour les étrangers, encore plus de difficultés, encore plus de clandestinité, et tout cela pour le profit de quelques-uns ...
Nous avons essayé de vous faire entendre raison pour que, dans ce pays, la police ne vienne pas chercher des enfants dans les écoles.
Mais, droit dans vos bottes tout au long de ce débat, monsieur le ministre, vous avez continué à réaffirmer vos certitudes ! Permettez-nous de vous dire que vous avez tort, que vos solutions ne sont pas les bonnes et que, bien entendu, le vote d'un texte n'étant pas la fin d'une histoire, nous continuerons à lutter contre ces mesures par tous les moyens dont nous disposons.
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Monsieur le ministre, au nom des Français de l'étranger, je tiens à vous remercier d'avoir accepté l'amendement de M. Cointat, que j'avais d'ailleurs cosigné. L'inscription sur le registre des Français établis hors de France des Français qui, résidant à l'étranger, épousent une personne étrangère à l'étranger constitue en effet une bonne solution non discriminatoire.
J'ai le sentiment que certains, ici, nous donnent sans arrêt des leçons et nous traitent comme des mauvais, des ignares, des nuls ne comprenant rien à rien. J'ai cependant l'impression qu'une grande majorité de Français souscrit à la philosophie du présent texte et approuve les décisions prises.
Je veux donc bien croire que, de l'autre côté de l'hémicycle, on pense juste et que nous pensons faux ; mais puisque la grande majorité des Français pense comme nous, il faudra, si elle se trompe, la convaincre !
Certains trouvent grave l'existence d'une telle loi ; mais pour vivre depuis longtemps à l'étranger et bien connaître les problèmes de l'immigration, je peux vous dire que, sans ce texte, la situation serait encore plus grave. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En seulement vingt ans de vie parlementaire, j'ai vu une quantité énorme de textes sur l'immigration venir en discussion. Pourquoi ? Parce que l'évolution de l'immigration est une donnée non négligeable. Les flux migratoires évoluent. Il est évident que certains pays d'Afrique - nous avons beaucoup parlé du codéveloppement - se sont encore appauvris avec le temps.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous n'en sommes pas les seuls responsables. On peut également incriminer l'ensemble des pays riches, sans parler de l'injustice que certains États font subir à d'autres : on voit bien, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, la façon dont on empêche certains pays de vendre leur production. Sur ce point, du moins, je crois que nous pouvons tomber d'accord !
En même temps, sans régulation, sans procédures efficaces, l'immigration devient insupportable. A cet égard, je veux citer le cas évident de certaines collectivités et départements d'outre-mer. J'ai assisté, dans la collectivité de Mayotte que je connais depuis de très nombreuses années, à une totale dégradation de la situation parce que la population immigrée clandestine est devenue pratiquement plus nombreuse que la population qui y réside régulièrement. Comment voulez-vous que cette collectivité survive, si nous ne sommes pas capables de réagir ? On pourrait multiplier les exemples...
Il y a naturellement aussi des gens extrêmement malins, des mafias qui pratiquent la traite des êtres humains, qui utilisent toutes les procédures en faisant miroiter à certains étrangers que la vie sera belle chez nous.
Il est également évident, et nous ne pouvons que nous en réjouir, qu'un certain nombre de pays qui vivaient sous des dictatures - je pense notamment à certains pays d'Amérique latine - ont maintenant des régimes démocratiques.
Le Chili est-il devenu un pays sûr ? Vous conviendrez qu'il s'agit d'un pays démocratique, où se sont déroulées des élections. Peut-être des risques subsistent-ils encore, mais, pour ma part, je ne crois pas qu'il y en ait plus que dans d'autres pays.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme en France !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous savons tous, pour le vivre quotidiennement, que les demandeurs d'asile cherchent non pas une protection contre des menaces au sens où l'entendent les dispositions de la convention de Genève, mais un asile économique.
Cette situation correspond-elle à la problématique à laquelle nous devons répondre ? Je dis « non » !
L'opposition ne nous a rien proposé. (Mme Éliane Assassi proteste.) Rien, à quelques très légers détails près, qu'il faut vraiment chercher, mes chers collègues ! Vous nous avez en effet opposé un refus quasi-total !
Il est un problème, monsieur le ministre, qui ne pourra se régler ni à la faveur d'un texte sur l'immigration et l'intégration ni dans le seul cadre français : aussi longtemps que tous les pays développés ne comprendront pas que le développement, notamment dans la zone prioritaire, est la condition pour empêcher l'immigration, quelles que soient les barrières, les règles et les lois, de se développer dans nos pays, la situation ne fera qu'empirer.
Ce développement doit aussi s'accompagner d'une politique d'immigration choisie nous permettant d'assurer la formation et d'accueillir en France les étudiants, les talents qui retourneront ensuite dans leur pays d'origine lui rendre les services qu'ils lui doivent.
C'est dans cet esprit que j'ai suivi nos travaux, et je peux vous assurer que l'efficacité des procédures, la lutte contre les nouvelles formes d'utilisation des étrangers nous aideront à combattre tous ces trafics - je pense notamment à tous ces trafics d'êtres humains qui recouvrent la problématique des enfants isolés - auxquels il convient de mettre un terme.
Pour y parvenir, il convient de doter de moyens efficaces l'État et l'administration, laquelle, je le rappelle, compte dans ses rangs, notamment au travers de l'OFPRA et de la commission de recours des réfugiés, des personnes hautement qualifiées et extrêmement respectueuses du droit et de la justice.
Je ne doute pas que ce texte contribuera à mieux réguler l'immigration, conformément à l'objectif que nous nous sommes fixé.
Enfin, pour répondre aux flots d'éloquence quant à la facilité d'obtenir la nationalité française après la Révolution, voire sous Napoléon, j'indiquerai que cette grande générosité obéissait à une raison particulière : les armées avaient besoin de soldats !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 214 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 196 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous voici donc parvenus au terme de ce débat. Le texte vient d'être adopté par le Sénat, et je ne reviendrai pas, si ce n'est de manière succincte, sur la déclinaison de l'objectif que le Gouvernement s'était fixé derrière le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, en matière de politique d'immigration.
Je veux simplement rappeler qu'en ces temps de mondialisation, d'évolution des flux de circulation des personnes et des biens, une grande majorité de nos concitoyens, qu'ils soient européens, français, métropolitains, ultramarins ou expatriés, avaient exprimé le souhait d'une véritable politique d'immigration. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire les a entendus, comme l'Assemblée nationale hier, et le Sénat aujourd'hui.
Cette nouvelle politique repose sur trois piliers.
Tout d'abord, l'immigration doit être choisie, c'est-à-dire positive, régulée, assumée ; ce ne doit être ni l'immigration zéro ni l'immigration sans limite. Une telle immigration peut être une chance pour la France.
Ensuite, le lien entre l'immigration et l'intégration est nécessaire, parce qu'une intégration réussie est la condition sine qua non d'une immigration acceptée par tous.
Nous nous dotons d'un nouvel outil ambitieux, notamment le contrat d'accueil et d'intégration, qui existait déjà mais qui est désormais devenu une obligation de par la loi.
Une stratégie ambitieuse de codéveloppement est conduite, grâce à deux instruments majeurs.
Le premier est la circulation des compétences, avec la carte « compétences et talents », qui sera délivrée à des étrangers originaires de pays en voie de développement dans le cadre d'accords bilatéraux.
Le second est la mobilisation de l'épargne des migrants en faveur du développement, grâce au compte épargne, qui constitue une véritable révolution : pour un coût annuel de 125 millions d'euros pour la France, les pays en voie de développement recevront 900 millions d'euros.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ces journées, de ces nuits de débat, je tiens, au nom de M. Nicolas Sarkozy, à remercier la Haute Assemblée pour la très grande qualité des débats qui se sont tenus depuis le 6 juin, et tout particulièrement la commission des lois, dont le travail remarquable a permis une discussion approfondie, son président, M. Jean-Jacques Hyest, ainsi que son rapporteur, M. François-Noël Buffet.
Je rappelle que, sur les 526 amendements qui ont été déposés, 485 ont été examinés, 119 ont été adoptés, soit 25 %, dont 75 proposés par la commission des lois, 20 par l'UMP, 5 par le groupe de l'Union centriste-UDF, 8 par le RDSE, 6 par le groupe socialiste, 5 par le groupe communiste républicain et citoyen, certains ayant même été cosignés par des sénateurs appartenant à des groupes différents.
La Haute Assemblée aura notamment mieux inséré le projet de loi dans une vraie stratégie de codéveloppement, et je remercie à ce propos M. Jacques Pelletier et M. Josselin de Rohan d'avoir associé leur groupe à l'idée du compte épargne codéveloppement. Elle aura aussi précisé le dispositif d'admission exceptionnelle au séjour, trouvé un bon équilibre sur la question délicate des visas de long séjour pour les conjoints de Français, renforcé quelques garanties importantes pour les libertés publiques. Je pense, notamment, à l'amendement présenté par la commission des lois visant à ce que les mineurs isolés en zone d'attente se voient désigner sans délai un administrateur.
Je veux répondre, avant d'achever ce propos, à ceux qui, ici ou là - certes, plutôt sur les bancs de l'opposition, monsieur Frimat ! -, auraient souhaité que M. Nicolas Sarkozy fût plus présent.
J'ai modestement essayé de le seconder. Il est venu lui-même vous présenter l'ensemble de ce texte.
Contrairement à ce que certains ont pu laisser entendre, M. Sarkozy éprouve un grand respect pour la Haute Assemblée. Ainsi, après que la discussion a eu lieu, dans un premier temps, à l'Assemblée nationale, il a bien mesuré que ce débat était loin d'être achevé et il a considéré que la Haute Assemblée était parfaitement en mesure de compléter ce texte. Il a souhaité qu'un certain nombre de sujets, notamment le codéveloppement, y soient abordés.
Alors que le débat avait lieu à l'Assemblée nationale, il a chargé les présidents des caisses d'épargne de notre pays de réfléchir aux moyens de tirer un meilleur parti de l'épargne des étrangers travaillant en France et envoyant une partie du fruit de leurs revenus vers leur famille, dans leur pays d'origine.
En même temps, il a demandé une évaluation à Bercy de ce que pourrait apporter une épargne mieux dirigée vers l'investissement dans ces pays en voie de développement.
Il a donc considéré que c'était à la Haute Assemblée que devait revenir l'honneur de prendre cette décision historique parmi toutes les politiques conduites depuis l'origine par notre pays en matière de politique de codéveloppement.
C'est en son nom que j'ai porté à votre connaissance le contenu de la circulaire adressée aux préfets - ce texte s'est ainsi trouvé au coeur de nos débats - tendant à ce que soient examinées au cas par cas les situations difficiles d'un certain nombre d'enfants scolarisés, dont les familles étrangères sont en situation irrégulière notre pays.
Je pourrais prendre ainsi de nombreux exemples du respect que M. Nicolas Sarkozy porte au Sénat !
Voilà pourquoi, monsieur Frimat, face à une telle marque de respect, j'estime inutile d'engager quelque polémique que ce soit, d'autant que j'ai veillé à ce que soit respectée l'exigence exprimée par M. le ministre d'État d'un débat parlementaire qui respire le plus largement possible, au cours duquel chaque groupe puisse apporter ses réflexions, faire part de son bon sens, de son talent, de son expérience.
Vous avez dit, madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Frimat, qu'un texte sur ce sujet avait déjà été examiné voilà deux ans, et qu'à quelques mois de grandes échéances le présent projet de loi était un choix politique en vue de séduire un certain électorat.
Je vous rappellerai que la loi de 2003 ne comportait que des mesures de lutte contre l'immigration clandestine et ne visait en aucun cas à doter la France d'une politique d'immigration.
On ne saurait doter notre pays d'une politique d'immigration sans réflexion aucune. Le présent texte a été mûri, réfléchi depuis que M. Nicolas Sarkozy est revenu place Beauvau, le 2 juin 2005. Je rappellerai, en présence de M. Patrick Stéfanini, en charge de la coordination des politiques de l'immigration, lesquelles relèvent aussi bien du Quai d'Orsay, du ministère de l'intérieur que du ministère des affaires sociales, que cela ne fait que quelques mois que la politique d'immigration, dans son ensemble, est confiée au ministre de l'intérieur. J'ajoute que c'est la première fois, dans notre pays, que cette tâche est confiée à un ministre de l'intérieur.
C'est fort de cela que M. le ministre d'Etat a choisi de porter devant le Parlement cette grande loi d'immigration et, surtout, d'intégration. Ce n'est pas parce que l'on est à quelques mois d'une échéance électorale que tout doit s'arrêter et que nous n'avons pas à apporter des réponses essentielles à notre pays.
C'est la première fois, dans notre histoire, qu'une loi d'intégration est liée à une loi d'immigration.
Je tiens à remercier les sénateurs de la majorité, Mmes Dini et Hermange, MM. Karoutchi, Othily et Del Picchia, ainsi que M. le président de la commission des lois, de leurs interventions et de leur soutien.
Mesdames Assassi et Borvo, monsieur Frimat, je vais faire semblant de n'avoir vu aucune outrance dans les propos que vous avez tenus lorsque vous avez prétendu que ce texte renforcerait le sentiment de xénophobie ou de racisme dans notre pays.
M. Bernard Frimat. Bien sûr !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Chacun a son histoire. Pensant à la mienne propre, je serais curieux de savoir combien d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui êtes présents ce soir dans cet hémicycle, sont d'origine immigrée. L'histoire de notre pays est fondée d'abord sur une tradition d'accueil affirmée, qui, grâce au croisement des cultures, à l'arrivée d'hommes et de femmes de toutes origines culturelles, confessionnelles et sociales, a permis à la France de devenir une grande nation.
C'est ainsi que s'est construit notre pays au fil des décennies, au fil des siècles. C'est aussi ce qui fait sa grandeur.
Un tel débat a-t-il pour objet de porter atteinte à cette histoire, à ces valeurs, à cette identité, à cette authenticité qui fondent le socle même du pacte républicain et de notre cohésion sociale aujourd'hui ? Sûrement pas !
Monsieur Frimat, la xénophobie et le racisme sont des fléaux qui ne se discutent pas, mais se combattent et doivent être éradiqués. Tous, ici, nous devrions avoir pour seul objectif de nous unir à cette fin.
Comme le dit si souvent M. Nicolas Sarkozy, quand on porte atteinte à un juif, à un musulman, qu'il soit étranger ou français, on fait une tache sur le drapeau français.
Ce texte est une contribution de plus à la lutte contre ces fléaux.
M. le ministre d'État, avec tous ceux qui, à ses côtés, au sein du Gouvernement, de la majorité ou de l'opposition, ont apporté leur contribution au débat en proposant des amendements à ce projet de loi, premier texte traitant à la fois de l'immigration et de l'intégration, a systématiquement cherché la voie de l'équilibre.
Ce texte n'est sûrement pas le dernier sur l'immigration ; il y en aura sûrement beaucoup d'autres dans les années et les décennies qui viennent, tant le monde change.
En effet, le devoir du législateur, comme celui du Gouvernement, est de s'adapter en permanence à la société et au monde qui évoluent à un rythme très rapide, mais aussi de traduire la vision que nous avons de notre pays. Pour autant, nous avons systématiquement cherché la voie de l'équilibre.
Madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Frimat, je souhaite vous dire, mais pour ma part sans outrance, que je regrette vos propos. J'ai du mal à imaginer le discours que vous auriez pu tenir si vous n'aviez pas procédé, comme vous l'avez fait de temps à autre, par amalgame. Ce que vous avez dit me fait penser à des leçons données par de belles âmes, qui ont pourtant laissé de pauvres migrants s'entasser à Sangatte et qui ont constaté sans agir que des familles en danger vivaient dans des taudis. De belles âmes, qui préfèrent les discours à l'action !
C'est notre gouvernement qui a fermé le dépôt du palais de justice de Paris, alors que vous vous étiez contentés d'en dénoncer l'existence. Nous l'avons fermé parce que c'était notre devoir !
De même, c'est ce gouvernement, et aucun autre, qui a décidé de ne plus reconduire des enfants à la frontière pendant l'année scolaire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il est d'ailleurs extraordinaire qu'il ait fallu attendre ces derniers jours pour que vous évoquiez un problème qui existe malheureusement depuis si longtemps dans notre pays !
Depuis très longtemps, des gouvernements, dont les vôtres, sont allés chercher des enfants dans les écoles pour les expulser, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh ! Quelle honte !
M. Bernard Frimat. C'est minable !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... et il aura fallu un gouvernement de droite et un ministre de l'intérieur appelé Nicolas Sarkozy pour mettre un terme à cette pratique !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le comble !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous ne pouvez pas contester le fait que les lois en vigueur jusqu'à aujourd'hui permettaient aux différents gouvernements qui se sont succédé d'agir ainsi.
M. Bernard Frimat. Ils ne l'ont pas fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne l'a fait, sauf votre gouvernement !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pourquoi n'avez-vous pas réalisé dans le passé ce que le ministre de l'intérieur actuel a décidé, pour la première fois, de faire ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Dans ces conditions, nous n'allons pas bouder notre plaisir et nous priver de rappeler qu'en matière d'action nous sommes mieux placés que vous pour donner des leçons.
Vous avez choisi l'outrance. Pour ma part, je m'y refuse. Monsieur Frimat, mesdames Nicole Borvo Cohen-Seat, Assassi, Cerisier-ben Guiga, Boumediene-Thiery, je préfère garder aujourd'hui un souvenir positif de ces quelques jours de débat, au cours desquels nous avons eu des temps forts, des moments difficiles, de tension, des temps passionnés mais aussi émouvants.
J'ai entendu ce que vous avez dit ; même si nous n'avons pas apporté de réponses à tout, je considère que vous avez aussi enrichi le débat en exprimant des convictions que, parfois, nous partageons.
Malheureusement, vous avez trop souvent débordé le cadre de celles-ci en pratiquant l'amalgame et la politique politicienne. Vous deviez vous dire au fond de vous-mêmes que, bien que vous ayez dénoncé pendant des années la double peine et le fait d'aller chercher, en cours d'année scolaire, les enfants étrangers issus de familles en situation irrégulière, c'est ce gouvernement qui mettait un terme à ces pratiques. Vous deviez penser que, malgré tous les discours que vous aviez tenus au cours de ces années, c'était finalement cette équipe gouvernementale qui réglait les problèmes et qu'il était très difficile pour vous de tenir votre place, de jouer votre rôle au sein de ce débat, sauf à procéder par amalgame.
M. Bernard Frimat. Incroyable !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Face aux leçons de gauche, je demande, de grâce, à la majorité sénatoriale de regarder la réalité de notre action. Je tiens à lui dire qu'elle n'a pas à rougir de s'être mobilisée autour de ce texte. Je conclurai en indiquant à l'ensemble des représentants de la Haute Assemblée qu'il nous appartient de relever ensemble d'autres défis. Je souhaite que nous puissions regarder l'avenir de manière dépassionnée, contrairement à ce que certains ont fait parfois au cours de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet, Patrice Gélard, Jean-Patrick Courtois, François Zocchetto, Bernard Frimat et Mme Éliane Assassi.
Suppléants : MM. Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Philippe Goujon, Jean-René Lecerf, Georges Othily, Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur.
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TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (version codifiée).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3167 et distribué.
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ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 20 juin 2006 :
À dix heures :
1. Dix-huit questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe.)
À seize heures et le soir :
2. Éloge funèbre de André Labarrère.
3. Discussion du projet de loi (n° 330, 2005-2006) réformant la protection de l'enfance.
Rapport (n° 393, 2005-2006) de M. André Lardeux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 juin 2006, avant dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 juin 2006, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des lois (n° 386, 2005-2006) :
- sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues sur le statut et la destination des cendres des personnes dont le corps a fait l'objet d'une crémation (n° 464, 2004 2005) ;
- et sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur relative à la législation funéraire (n° 375, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 389, 2005-2006) sur la proposition de loi de M. Christian Gaudin visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant (n° 158, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 8) de M. Philippe Leroy à M. le ministre délégué à l'industrie sur la gestion de l'après-mines ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 397, 2005-2006) sur la proposition de loi de M. Jean-François Humbert portant diverses dispositions relatives aux arbitres (n° 323, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 17 juin 2006, à zéro heure vingt.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD