PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 450 et 664.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur l'amendement n° 662.
Mme Hélène Luc. Les amendements nos 664 et 662 ont tous deux pour objet de limiter les effets néfastes du CPE en matière de licenciement.
En effet, non content de segmenter le monde du travail et d'organiser la mise en concurrence entre les salariés, le CPE, comme le CNE, est une attaque juridique sans précédent contre le code du travail.
Dans la mesure où, durant les deux premières années, l'employeur n'a pas besoin de fournir un motif de licenciement valable pour se séparer de son salarié quand il le veut, ce dernier devra systématiquement en référer aux tribunaux pour faire valoir ses droits. Cela constitue une différence de taille !
Le CPE conduit donc à un renversement de la preuve, puisque ce sera au salarié de prouver pour quel motif il a été licencié.
Encore qu'il y ait des patrons qui n'attendent pas le CPE !
J'attire votre attention, monsieur le ministre délégué, sur un exemple que vous connaissez bien, celui de l'entreprise Cofrafer située à Bonneuil-sur-Marne. Je vous ai saisi de cette affaire et vous m'avez soutenue.
Mme Hélène Luc. Mais le patron de cette entreprise ne vous a pas écouté : il est aux prud'hommes. Il a licencié dix-neuf ouvriers qui ont fait la grève après la mort d'un cariste.
Imaginez ce que cela sera lorsque le CPE sera voté !
La vérité, c'est que ce patron veut se séparer de ses travailleurs parce qu'ils ont fait valoir leurs droits.
J'en viens à la protection de la maternité, qui fait l'objet d'une convention internationale soumise à la ratification des États par l'Organisation internationale du travail.
Aujourd'hui encore, la maternité est toujours insuffisamment protégée. En effet, deux millions de salariés sont exposés à des produits qui peuvent être toxiques pour la procréation. La dégradation des conditions de travail observée ces dernières années touche de nombreuses femmes occupant des postes avec des charges de travail physique élevées, exposant leur bébé à des risques de prématurité et de retard de croissance foetale.
Les dispositions légales qui existent pour protéger les futures mères sont contournées ou non appliquées, car 7 % des femmes occupant un emploi le perdent pendant leur grossesse ou dans les semaines suivant la reprise du travail.
De nombreuses maternités ferment faute de moyens suffisants pour assurer la sécurité des mères et des nouveaux-nés. Dans le même temps, l'éloignement des services performants crée de nouveaux dangers.
La maternité et la grossesse doivent être pleinement reconnues et respectées dans les entreprises et dans la société par les salariés eux-mêmes.
La maternité doit cesser d'être un facteur discriminant dans l'engagement professionnel des femmes. Pour cela, il faut briser le silence et les non-dits qui entourent ces questions.
Hommes et femmes salariés doivent saisir les organisations syndicales pour parvenir à une meilleure connaissance du vécu des femmes enceintes, des atteintes à leurs droits, à leur dignité, pour que, à partir de la réalité, nous puissions construire une offensive propre à faire appliquer les droits actuels et à en conquérir de nouveaux.
Cet amendement vise donc à encourager les femmes à se prémunir des abus implicites contenus dans le CPE.
Mais j'en viens à l'amendement n° 662. Le Gouvernement organise une véritable campagne médiatique pour faire apparaître les assurés sociaux comme des fraudeurs aux yeux de l'opinion publique.
Cette même campagne de culpabilisation, cette même chasse aux fraudeurs touche aussi les bénéficiaires de minima sociaux.
On a pu clairement le constater dans les derniers textes que nous avons examinés. Les dispositions fleurissent pour augmenter les sanctions pénales ou les sanctions administratives contre les assurés sociaux, comme dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, ou bien contre les allocataires, avec le projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi.
On sait, par exemple, que le Gouvernement s'est trouvé comme cheval de bataille la lutte contre les arrêts maladie, qu'il estime trop importants, culpabilisant de ce fait les médecins. Il s'enorgueillit même de faire baisser les statistiques de prise en charge en matière d'arrêts maladie.
Cette campagne est largement préjudiciable aux salariés. Elle rend du même coup légitime le recours croissant des employeurs à des cabinets privés pour le contrôle des salariés en arrêt maladie.
M. Alain Gournac, rapporteur. Quel rapport avec le CPE ?
Mme Hélène Luc. Pour des raisons de respect de la liberté et de la dignité, le Gouvernement devrait au contraire dénoncer de telles pratiques. Mais la suspicion qui pèse sur les salariés sert directement ses intérêts.
C'est pourquoi les salariés n'ont vraiment pas besoin de la pression supplémentaire qu'instaure le CPE. Cet amendement aura le mérite de les protéger quelque peu. Par conséquent, mes chers collègues, je vous encourage vivement à le voter.
M. Robert Bret. C'est désespérant !
Mme Hélène Luc. Et vous vous dites, chers collègues, des défenseurs de la famille !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 448.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement va exactement dans le même sens que les précédents. Je veux cependant préciser, à la faveur de la mise aux voix d'un amendement qui vise à donner quelques protections notamment aux salariés en arrêt maladie, que, dans cet hémicycle, il n'y a pas, d'un côté, ceux qui défendent l'entreprise et, de l'autre, ceux qui y sont hostiles. Nous sommes pour le développement économique de notre pays et pour les entreprises.
M. Éric Doligé. Il fallait le dire !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Doligé, vous nous avez fait part de votre expérience. Permettez-moi de vous faire observer que vous avez mené cette expérience, qui a contribué au développement d'un département que nous connaissons bien, sans avoir besoin de recourir en quoi que ce soit au CPE.
Jusqu'ici, ce contrat n'existait pas, ce qui n'a pas empêché les entreprises de se développer dans notre pays.
Nous ne comprenons vraiment pas la raison pour laquelle il faut instaurer ce dispositif.
M. Christian Cambon. Le chômage des jeunes a doublé !
M. Robert Del Picchia. Il atteint 23% !
M. Jean-Pierre Sueur. En quoi le fait de mettre en oeuvre un dispositif qui prive de toute garantie et de toute explication le licenciement de jeunes est-il bon pour l'entreprise ? En quoi une telle mesure va-t-elle contribuer au développement économique ? En quoi rendra-t-elle nos entreprises plus attractives ? En quoi ouvrira-t-elle à notre pays des marchés à l'étranger ?
Je ne comprends pas cette disposition et j'estime qu'il est préférable de jouer la carte de la confiance avec les jeunes. Il faut leur dire que l'on a besoin d'eux, que l'on est heureux qu'ils viennent travailler dans l'entreprise. Si, pour une quelconque raison, il est nécessaire de les licencier, il faut leur expliquer les raisons de leur licenciement.
Je ne comprends vraiment pas le raisonnement selon lequel la bonne marche d'une entreprise justifierait que les motifs du licenciement ne soient pas expliqués au salarié, même si celui-ci est en arrêt maladie ou s'il s'agit d'une femme en congé de maternité. Nous n'avons toujours pas obtenu de réponse sur ce point. C'est pourquoi les membres du groupe socialiste voteront cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 658.
M. Roland Muzeau. Selon nous, il faut absolument éviter qu'il n'y ait plus aucun garde-fou contre les substitutions d'emploi, contre les renouvellements successifs et indéfinis du CPE.
Pour éviter les abus en matière de CPE, l'amendement n° 658 revient sur les termes de ce contrat et sur la volonté de ses géniteurs, « l'accession à un emploi stable ». Nous posons une règle simple : « En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié. »
Nous admettons toutefois une dérogation à cette règle. La relation contractuelle pourra être poursuivie entre l'employeur et l'ex-titulaire du CPE, à une condition. Le rapport de M. Proglio recommandant aux entreprises de nouer avec leurs salariés une relation pérenne, nous posons comme principe que cela se fasse dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela paraît logique !
M. Roland Muzeau. Mes chers collègues, cet amendement de fond, même de repli, est important.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il me semble que vous avez voté la réembauche prioritaire !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 170 rectifié, 507 rectifié et 657.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit également d'amendements de repli.
Imaginons que, malgré toutes nos explications, le CPE soit mis en oeuvre. Les jeunes de moins de vingt-six ans concernés seraient donc employés pour une durée de deux ans, mais l'employeur pourrait les licencier à tout moment, sans motif. Franchement, quelle justification peut-on donner à la dernière partie du onzième alinéa du paragraphe II de l'article 3 bis selon lequel trois mois après la rupture du contrat première embauche, un employeur peut réembaucher le même jeune en ayant toujours recours à un CPE ?
Dans l'hypothèse où cette disposition serait adoptée, il ne faut pas dénommer le contrat que nous étudions actuellement « contrat première embauche » puisqu'il pourra s'agir en fait du contrat première, deuxième, troisième, énième embauche. Quelqu'un peut-il m'expliquer la raison pour laquelle il faudrait adopter une telle mesure ?
Chers collègues de la majorité, tout en étant favorables au CPE, vous pensez qu'il est possible de licencier un jeune sans motif et, au bout de trois mois, de le réembaucher, puis de le licencier de nouveau pendant six mois, par exemple, et de l'employer encore une fois ultérieurement, ainsi de suite. Existe-t-il dans un seul pays au monde un tel dispositif ? Pour ma part, je n'en connais pas. J'estime que c'est le contraire du droit. C'est même complètement aberrant. Et il est encore plus aberrant que personne dans cette enceinte ne justifie un tel système.
Si une majorité se dégage dans cette assemblée pour voter une telle mesure, j'aimerais que l'un de ses membres ait le courage de nous expliquer pourquoi il faut l'adopter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. De deux choses l'une : l'employeur licencie soit pour insuffisance, soit pour des raisons économiques, dans les deux cas sans motif. La fin du onzième alinéa du II de l'article 3 bis prévoit qu'un employeur peut reprendre un salarié en CPE licencié après l'expiration d'un délai de trois mois. Dans le premier cas, on ne peut envisager que l'employeur reprenne son salarié, étant donné la raison de la rupture du contrat. Dans le second cas, il peut le réembaucher, mais alors pourquoi ne lui a-t-il pas communiqué le motif du licenciement ? Est-ce honteux de rencontrer des difficultés économiques ?
On nous a expliqué précédemment que le CPE avait justement été créé pour favoriser l'embauche et, parallèlement, pour pouvoir licencier si des difficultés survenaient dans l'entreprise. Mais, en réalité, ce n'est pas cela non plus que l'on nous vend puisque l'intitulé exact du contrat en question est « contrat première embauche », lequel est destiné à favoriser l'insertion du jeune dans l'entreprise.
Tout à l'heure, M. Gournac disait : « Sus à la précarité ! Il faut favoriser l'insertion des jeunes dans l'entreprise. » Mais personne ne nous explique les raisons pour lesquelles l'employeur devrait pouvoir se séparer de son salarié quand son entreprise connaît des difficultés économiques sans motiver sa décision.
Mes chers collègues, vous qui siégez tant à droite qu'à gauche de cet hémicycle, nous avons tout à l'heure perdu une occasion unique de faire reculer le CPE dans ce qu'il a de plus absurde, incohérent, inadmissible, à savoir le refus de motiver la raison de son licenciement à un jeune qui démarre dans la vie. Je compte sur vous pour « rectifier le tir » en votant cet amendement, qui permet tout simplement de rétablir la vérité des mots ; il doit s'agir d'un contrat favorisant la première embauche stricto sensu et non pas les embauches successives. (M. Michel Mercier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je veux tout d'abord développer un premier argument en faveur de l'adoption de cet amendement. Il convient de relever que le CPE porte une dénomination impropre.
En effet, un même salarié titulaire d'un contrat première embauche pourrait être employé de nouveau trois mois après la rupture dudit contrat. En réalité, dans ce cas de figure, il s'agit d'une deuxième embauche. Nous vous demandons d'utiliser à bon escient la langue française et de respecter le sens des mots, chers collègues.
Par ailleurs, tout à l'heure, l'un de nos collègues nous a fait la leçon, nous expliquant qu'il fallait comprendre les patrons, que nous pourrions nous-mêmes être patrons.
M. Éric Doligé. Pas vous !
M. Josselin de Rohan. Non, pas vous !
M. David Assouline. Il nous a demandé pourquoi nous les détestions (Protestations sur les travées de l'UMP.) Mais enfin, les patrons sont comme les autres : quand une législation est assez mal bordée pour permettre des actes immoraux ou voyous, elle encourage de tels comportements, et cela concerne alors l'ensemble de la société. C'est pour éviter cela qu'il y a des cadres, des lois, des contraintes : ce sont autant de moyens d'éduquer, de ne pas tenter le diable.
Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur les patrons. Mais quand de telles lois permettent de lâcher le môme pendant une période de vacances, puis de le reprendre après, certains patrons - certes, pas tous, mais ils seront plus nombreux qu'aujourd'hui quand la loi le leur permettra - seront tentés de le faire. Pourquoi voulez-vous encourager de tels comportements? (Exclamations sur les mêmes travées.)
Ce CPE n'est pas seulement un contrat précaire ; il permet tout, ouvre toutes les possibilités, et conduira de ce fait à dégrader les relations du travail, voire la moralité du patronat, à qui il permettra de « se lâcher ».
Or, dans les pays où il n'existe pas ce type de législation, les « patrons voyous » sont plus nombreux. Pourtant, ils sont patrons comme les autres. En France, l'existence d'un code du travail, de droits acquis, de contraintes, fait qu'il y a moins de ces « patrons voyous », et nous ne souhaitons pas les encourager à se multiplier.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je voulais juste faire observer la contradiction qui peut apparaître à la lecture de ces amendements. Par l'amendement n° 656, qui a été voté par le groupe CRC et le groupe socialiste, le groupe CRC exigeait la priorité de réembauchage. Or, maintenant, on nous dit qu'il n'est pas question d'avoir une succession de contrats dans la même entreprise !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En CDI !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'était pas fait état de CDI dans l'amendement. C'était le contrat de première embauche qui permettait le réembauchage en priorité.
Voyez le paradoxe ! L'important étant, toutefois, de faire durer le débat (M. le rapporteur rit), on peut défendre tout et son contraire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On peut toujours s'amuser à la critique.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne s'amuse pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous savez que nous sommes défavorables au CPE, donc favorables à une embauche sous CDI.
J'approuve bien évidemment ce qui a été dit sur la légitimité de ces amendements identiques, mais je tiens à faire une remarque : monsieur le ministre délégué, vous nous avez expliqué plusieurs fois, avec une certaine insistance, d'ailleurs - c'est la méthode Coué ! - que les jeunes, à l'heure actuelle, sont tous dans la précarité, travaillent en intérim, et que le contrat première embauche, ce n'est ni de l'intérim, ni un CDD, mais un contrat à durée indéterminée.
Maintenant, vous refusez absolument qu'on ne puisse pas pratiquer une sorte d'intérim ou embaucher sous CDD successifs.
De plus, la terminologie est impropre, puisqu'il s'agirait non plus d'un contrat de première embauche, mais de contrats successifs, première, deuxième, troisième, quatrième embauche, et ainsi de suite, peut-être jusqu'à ce que le jeune en question puisse prétendre à un contrat qui, lui, serait un contrat « senior » prématuré et également, d'ailleurs, un contrat précaire ?
En fait, vous donnez la possibilité aux patrons, non pas, comme vous le prétendez, d'embaucher sous prochain contrat à durée indéterminée assorti d'une période de consolidation - nous n'avons pas encore compris de quoi il s'agissait, mais cela ne fait rien ! - mais bien, au contraire, d'embaucher sous un nombre indéterminé de contrats successifs. C'est, grosso modo, de l'intérim !
Pourquoi ne pas dire clairement que, désormais, un jeune devra satisfaire à plusieurs périodes d'essai ? Après qu'il aura été embauché à l'essai pour trois mois, on lui dira qu'il ne fait pas l'affaire ; un peu plus tard, on le prendra pour un deuxième essai, puis un troisième, et peut-être d'autres essais encore, jusqu'à ce qu'on le mette définitivement à la porte et qu'il soit obligé de retourner à la case départ !
Franchement, monsieur le ministre délégué, vous seriez bien avisé, pour être logique et respecter l'appellation que vous avez choisie de « contrat première embauche », d'accepter ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 170 rectifié, 507 rectifié et 657.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 171 et 665.
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'aura échappé à personne, dans cette enceinte, qu'il s'agit pour nous d'un nouvel amendement de repli. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Très replié !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne sommes pas du tout favorables à ce dispositif mais, puisque dispositif il doit y avoir, nous estimons qu'il serait « moins pire », si je puis dire, de prévoir un an plutôt que trois mois, mais c'est là effectivement le repli du repli !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Nous venons tous d'avoir connaissance de la première condamnation d'une PME pour rupture abusive de contrat « nouvelles embauches » par le conseil des prud'hommes de Longjumeau, dans l'Essonne. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. On l'a entendu !
M. Robert Bret. Oui, mais c'est la méthode Coué !
Mme Hélène Luc. C'est important !
M. Roland Muzeau. Ce dernier s'est prononcé en la défaveur de l'entreprise, qui a été reconnue coupable d'avoir motivé le licenciement de son salarié par simple effet d'aubaine pour profiter, justement, du caractère laxiste du CNE.
L'entreprise avait, en effet, prolongé à deux reprises la période d'essai du salarié avant de l'embaucher en CNE pour, au final, le licencier moins d'un mois après.
La décision des prud'hommes a été sans appel : non seulement la première rupture de période d'essai est abusive, puisqu'elle ne visait qu'à profiter d'un effet d'aubaine - le motif n'était pas le manque de compétence du salarié en CNE mais la volonté d'éluder l'application du droit protecteur du licenciement - mais, de plus, le recours au CNE est lui aussi abusif, puisque l'utilisation du contrat nouvelles embauches n'est en aucun cas justifiée par le fait que l'employeur ne pouvait avoir recours au CDI ou, si besoin, au CDD de remplacement de salariés en congé pendant le mois d'août.
Cette décision ne restera sans doute pas isolée. Elle illustre déjà les dérives vers lesquelles nous fait aller le Gouvernement et elle ne peut que nous inciter à renforcer les garanties des travailleurs grâce à des amendements de repli comme ceux-ci.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 171 et 665.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 442.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre collègue M. Desessard a fait preuve de beaucoup d'imagination pour inventer un nouveau repli, dans l'espérance que vous pourriez, monsieur le ministre délégué, être quelque peu touché par notre argumentation et comprendre que ce que vous appelez « contrat » est, en fait, à peine un contrat : c'est une forme d'embauche à durée tout à fait précaire pour des phases de travail en pointillé soumises à des ruptures perpétuelles et à des recommencements aléatoires et itératifs.
Si, chers collègues, vous pensez qu'un tel système est justifiable, votez pour ! Cependant, je constate une fois de plus avec beaucoup de regret que nul, dans cet hémicycle - ce qui est tout de même tout à fait étrange, sur le plan intellectuel - ne justifie son appréciation favorable sur un tel article.
C'est là, je crois, une bonne illustration du malaise qui règne dans cet hémicycle, comme du reste dans la société française. Vous l'avez d'ailleurs bien ressenti, monsieur le président.
M. David Assouline. C'est du cynisme !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l'amendement n° 505.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je rappelle que cet amendement a pour objet d'institutionnaliser un bilan d'étape semestriel entre l'employeur et le salarié signataire d'un CPE durant la période de consolidation.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé tout à l'heure, à propos de cet amendement, placer le projet économique au coeur du dispositif, car il est, selon vous, ce qui mérite la plus grande attention.
Vous considérez de ce fait - vous nous l'avez dit - l'évaluation individuelle comme étant secondaire et inefficace.
De vos propos, je retiens donc que vous ramenez le CPE à un simple outil, que l'emploi des jeunes est la variable d'ajustement à l'économie, que la qualité de leur travail ainsi que leur potentiel de progression deviennent tout à fait secondaires.
J'avais cru pourtant comprendre, pour vous avoir maintes fois entendu l'affirmer, que le CPE était aussi une façon de mettre le pied à l'étrier pour certains de ces jeunes, nombreux, trop nombreux, aujourd'hui au chômage.
Si nous sommes favorables à une plus grande flexibilité - nous l'avons démontré en proposant un CDI à droits progressifs - nous estimons cependant que l'être humain doit rester au coeur du dispositif, quel qu'il soit, et nous considérons à ce titre comme essentiel qu'un projet de loi sur l'égalité des chances donne avant tout, autant que faire se peut, tous les moyens de tendre vers celle-ci, apporte des méthodes permettant aux jeunes de s'améliorer, de se corriger, de suivre une formation complémentaire.
Croyez-vous donc normal, chers collègues - j'en appelle à votre sagesse, moi aussi - qu'on ne dise rien à un jeune, qu'on ne l'encourage pas à progresser et qu'au bout du compte, on le laisse dans son ignorance, sur son échec ? C'est bien ce qui va se produire désormais, car il verra son contrat interrompu du jour au lendemain sans justification,...
Mme Hélène Luc. Pourquoi n'a-elle pas voté contre ?
Mme Catherine Morin-Desailly. ... l'amendement n° 503, que nous avons défendu tout à l'heure, n'ayant pas, selon nous, été soutenu comme il aurait dû l'être.
Je vous en conjure, mes chers collègues : à défaut d'avoir voté pour l'amendement visant à ce que le motif du licenciement soit précisé, votez au moins pour celui qui prévoit le principe de cette évaluation ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme Hélène Luc. Vous auriez dû voter contre !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous ne les avez pas soutenus, ces amendements !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote sur l'amendement n° 173.
Mme Patricia Schillinger. Il est prévu, dans le projet de loi, qu'un salarié en CPE doit justifier d'une durée de quatre mois d'activité pour bénéficier du versement d'une allocation forfaitaire.
Nous demandons que cette durée d'activité soit réduite à deux mois. Vous ne prévoyez rien, monsieur le ministre délégué, pour le cas où un jeune n'aurait pas travaillé six mois au cours des vingt-deux derniers mois.
Ce contrat est précaire et favorise les licenciements. Votre système de consommation et d'utilisation des jeunes n'est pas à l'image de notre pays.
Je m'oppose à de telles procédures. Mes enfants n'ont pas à subir votre politique, qui n'est pas à leur écoute !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit de donner un peu plus de droits à ceux qui seront les victimes du dispositif arbitraire et non justifié que, chers collègues de la majorité, vous persistez à vouloir adopter.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des droits pour ceux qui n'en ont aucun !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Frimat remarquait, à l'instant même, que si M. Larcher est, lui, fidèle au poste, M. Borloo, en revanche, n'est pas venu.
Je note un certain nombre d'absences...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est en CPE, M. Borloo !
M. Jean-Pierre Sueur. En quelque sorte, c'est une manière de rendre hommage à M. Larcher : il est tellement difficile de défendre un tel système ! Quand on ne nous oppose pas un mutisme total, on fait montre du plus grand cynisme, et tout cela pour faire adopter le CPE. (M. Gérard Larcher, ministre délégué, proteste.)
M. Alain Gournac, rapporteur. On s'est expliqué toute la journée !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'avez pas expliqué pourquoi un employeur pourrait réembaucher pour un deuxième et un troisième CPE la même personne. Vous ne l'avez pas justifié parce que franchement, c'est injustifiable !
C'est pourquoi nous souhaitons que, pour compenser un peu ce caractère injustifiable du dispositif, vous fassiez en sorte que ceux qui en seront victimes soient mieux protégés, même si nous persistons à espérer qu'il ne sera jamais mis en oeuvre.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur l'amendement n° 174.
M. Yannick Bodin. Il s'agit, là encore, d'un amendement de repli. Il ne nous satisfait pas pleinement - nul, dans cet hémicycle, n'ignore notre point de vue sur le CPE, nous l'avons assez répété ! - mais, puisque CPE il risque d'y avoir, nous demandons l'allongement de la durée d'indemnisation du salarié licencié.
Toute peine méritant salaire, nous pensons que tout risque mérite indemnité. Et plus le risque est grand, plus l'indemnité devrait être conséquente.
Le risque encouru étant en l'occurrence celui d'être licencié sans contrepartie et sans motif, je vous le dis par une formule toute simple, deux mois d'indemnité, cela nous paraît un peu radin !
M. Jean-Pierre Sueur. Pingre !
M. Yannick Bodin. Prévoir des indemnités correspondant à une période de six mois nous paraît plus raisonnable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 452.
M. Jean-Pierre Sueur. À l'appui de cet amendement, M. Desessard et ses amis font une remarque très pertinente, selon laquelle il serait bon de prévoir les conséquences du dispositif s'agissant de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS. En effet, si vous voulez financer le CPE, il est tout à fait nécessaire, dans un souci de cohérence, d'abonder les fonds qui permettent d'ouvrir le droit à cette allocation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai ! Ils n'y avaient pas pensé !
M. Jean-Pierre Sueur. Il serait dommage que notre assemblée passe à côté de cette intéressante remarque de M. Desessard.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 175.
Mme Raymonde Le Texier. L'article L. 432-4-1 du code du travail dispose que, chaque trimestre ou chaque semestre, selon la taille des entreprises, « le chef d'entreprise informe le comité d'entreprise de la situation de l'emploi qui est analysée en retraçant, mois par mois, l'évolution des effectifs et de la qualification des salariés par sexe », en faisant apparaître le nombre de salariés sous contrat de travail à temps partiel, à durée indéterminée, à durée déterminée, sous contrat de travail temporaire et le nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure.
Le chef d'entreprise doit également indiquer au comité d'entreprise les motifs qui l'ont amené à recourir à des contrats de travail autres que des CDI et le nombre de journées de travail effectuées sous ce type de contrat.
Le CPE étant, comme le CNE, une nouvelle catégorie de contrats, il apparaît souhaitable et nécessaire d'ajouter l'un et l'autre à la liste des contrats devant faire l'objet de l'information prévue de la part de l'employeur, en raison même des arguments avancés par le Gouvernement. En effet, si le CPE a vocation, comme vous le prétendez, à devenir un CDI, il serait utile de mesurer combien de CPE arrivant à leur terme sont transformés en CDI.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 176.
Mme Raymonde Le Texier. J'expliquerai mon vote à la fois sur les amendements nos 176 et 177.
Nous ne cessons de dire que le CPE n'est qu'une machine à effet d'aubaine et les premiers résultats connus sur le contrat nouvelles embauches le confirment.
Une récente enquête réalisée par Fiducial est révélatrice à cet égard : elle montre que ce qui devait libérer l'embauche ne fait qu'accroître la précarité. Or le CPE étant le clone du CNE, il n'y a pas de raison que les choses se passent différemment.
Il nous paraît donc essentiel de faire régulièrement le point sur le nombre de créations nettes d'emplois imputables au CPE, et ce dès la fin de 2006.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre délégué, avec le CPE, vous bouleversez nos compromis sociaux et vous détricotez le code du travail. Vous nous vendez ce contrat comme l'alpha et l'oméga du contrat de travail, de la modernité et de la flexibilité, dont notre économie aurait besoin.
Si ce contrat est aussi efficace que vous le dites, nous devrions en sentir les effets dans les mois à venir. Dans ces conditions, pourquoi reporter son évaluation à 2008 ?
Il faut avoir le courage de rendre compte devant les Français de ses résultats en produisant une évaluation objective, quantitative et qualitative, avant les échéances électorales de 2007, ...
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
M. Patrice Gélard. C'est impossible, il faut deux ans !
Mme Bariza Khiari. ...car je ne doute pas que le CPE aura des effets collatéraux négatifs sur notre jeunesse.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Mon explication de vote sera très brève, afin de compenser le temps de parole que j'ai utilisé tout à l'heure. Elle portera à la fois sur les amendements nos 176 et 177.
Je voterai évidemment l'amendement n° 176.
Quant à l'amendement n° 177, nous aurions tous pu le voter, car il tend simplement à soumettre à évaluation les conditions de mise en oeuvre du contrat premières embauches et ses effets sur l'emploi, au plus tard le 31 décembre « 2006 », et non pas « 2008 ».
Cela fait quatre jours que vous nous dites qu'il faut faire vite. Alors, pour une fois que l'on vous propose de raccourcir les délais, vous pourriez voter cet amendement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce serait bien !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 666.
M. Roland Muzeau. Lors des discussions sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, il y a quelques semaines à peine, nous avions déjà proposé que ce fonds de solidarité soit abondé par une contribution spécifique des entreprises qui auraient recours au contrat nouvelles embauches.
Nous proposons désormais l'extension de cette contribution au contrat première embauche, car il nous semble que ce serait une juste contrepartie à l'instabilité sociale, économique et familiale que vont provoquer ces deux nouveaux contrats.
Lorsque la question du financement de ce fonds face à ses montées en charge est venue en discussion, le rapporteur, M. Seillier, nous avait répondu ceci : « Les statuts du fonds de solidarité prévoient que ses ressources sont complétées par une subvention d'équilibre de l'État. Le financement de la nouvelle prime de 1 000 euros se traduira donc par une augmentation de cette subvention. C'est d'ailleurs en partie l'objet de l'enveloppe des 240 millions d'euros dégagée par le Gouvernement pour le financement des primes ».
Très bien, pourrait-on dire. Mais, au regard de la politique de « casse » de l'emploi menée par le Gouvernement, mieux vaut prévenir que guérir !
M. Seillier a ajouté par la suite : « En outre, les nouvelles recettes que les auteurs de l'amendement envisagent d'attribuer au fonds de solidarité sont en réalité déjà affectées à d'autres dépenses. Ainsi, la contribution de précarité due au titre des contrats nouvelles embauches doit déjà servir à financer un accompagnement renforcé des titulaires du contrat nouvelles embauches en cas de rupture de leur contrat. Adopter cet amendement reviendrait donc à déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
Or nous ne proposons pas de substituer cette contribution à la prime de précarité versée par les employeurs en cas de licenciement dans le cadre d'un CNE ou d'un CPE. Nous proposons au contraire une contribution supplémentaire, de façon à financer l'intégration des travailleurs qui se trouvent éloignés de l'emploi, directement ou indirectement du fait de la mise en place de ces nouveaux contrats de précarité.
Cet éclaircissement opéré, rien ne s'oppose aujourd'hui à sa mise en place, puisque nous ne « déshabillerons pas Pierre pour habiller Paul ».
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 671.
M. Roland Muzeau. Au nom d'une diminution du « coût » du travail prétendument nécessaire, dans l'intérêt de ce même travail, il faudrait, à vous écouter, toujours plus d'exonérations de charges pour les entreprises.
Nous avons démontré les effets pervers de ce système.
Nous avons aussi défendu une idée simple : l'entreprise qui bénéficie d'exonérations indues, puisqu'elle licencie, doit rembourser ce qu'elle a perçu.
Nous savons bien que la politique libérale du Gouvernement tend à favoriser, et c'est un euphémisme, le secteur privé par rapport au secteur public : privatisations, déstructuration des services publics, volonté de favoriser la concurrence, et j'en passe. Nous ne l'acceptons pas.
Et alors que Bruxelles veut empêcher l'État de contribuer aux services publics, des entreprises pourraient, sans contrepartie et, en tout état de cause, sans acquitter de pénalités, percevoir à perte des fonds publics par le biais d'exonérations de charges sociales, au prétexte que le fait d'embaucher et de garder un salarié coûterait trop cher.
Mais permettez-moi une remarque : le travail n'est pas un coût à réduire par tous les moyens ; il est au contraire le moyen de créer des richesses au service du progrès humain, au service de tous.
Les charges sociales y participent : les dépenses de santé, et donc leur financement, sont un facteur de développement économique. Et l'articulation du financement de la protection sociale à la production de richesses par les salariés constitue, depuis qu'elle existe, une très grande force pour notre pays.
Les entreprises qui, en dépit de cela, bénéficient d'exonérations avant de licencier les jeunes, doivent donc rembourser les sommes correspondantes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 671.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble de l'article
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de l'article 3 bis, je donne la parole à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous voilà donc parvenus au terme de cette discussion longue et animée au cours de laquelle tout, je crois, a été dit et même répété sur le contrat première embauche. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. À juste titre !
M. Jean-Pierre Godefroy. Peut-il être aurait-il fallu encore quelques heures ...
Néanmoins, vous serez certainement heureux de m'entendre récapituler notre position sur ce dispositif et sur la façon dont les évènements se sont déroulés.
L'été dernier est apparu dans le droit du travail français un OVNI, un projet qui n'était pas tout à fait improvisé puisqu'il attendait dans les cartons du MEDEF depuis quelque temps.
D'autres pays avaient déjà, sans bruit, commencé à autoriser la prolongation de la période d'essai du contrat de travail jusqu'à deux ans, par exemple l'Allemagne. Fallait-il pour autant se précipiter pour imiter un dispositif qui provoque déjà quelques difficultés dans ce pays ?
M. de Villepin est un homme au dynamisme exceptionnel ; il n'a donc pas hésité à s'engager en faveur de cette nouvelle cause, baptisée « libération de l'embauche », et il l'a fait avec une vivacité qui confine à la brutalité,...
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'a pas fait attention !
M. Jean-Pierre Godefroy. ...en recourant à la procédure des ordonnances.
Pourquoi donc fallait-il une ordonnance pour créer un nouveau contrat de travail, alors que le Parlement est rompu à l'exercice pour avoir depuis trente ans créer et abroger une multitude de contrats aidés ?
La raison tient à ce que le CNE n'est pas un contrat ordinaire. C'est en effet le premier contrat de travail dans notre droit dont la caractéristique fondamentale, et même la raison d'être, est de se situer partiellement hors du droit du travail.
Contrairement à ce que beaucoup, abusés par la propagande gouvernementale, ont pu croire, il ne s'agit pas d'un nouveau contrat aidé pour les chômeurs. C'est un contrat qui est non pas pour, mais contre, et notamment contre le contrat à durée indéterminée. Mes chers collègues, qu'est-ce qui caractérise en effet un contrat à durée indéterminée ? C'est justement que, pour y mettre un terme, il faut respecter une procédure et dire au salarié pourquoi on le licencie.
Il ne fallait donc pas faire savoir sur la place publique que l'on créait un tel contrat. C'est donc pendant les vacances, le Gouvernement ayant superbement contourné le Parlement et le débat public grâce à une ordonnance, que le CNE est arrivé.
Ce contrat entré presque clandestinement dans notre droit est désormais appliqué dans les entreprises. Aujourd'hui, les procès et les jugements commencent à pleuvoir. Il semble maintenant que, même au-delà de la gauche, on considère que cette superbe idée présente quelques inconvénients...
Comme nous l'avions pressenti, c'est précisément parce qu'un tel contrat est hors du droit du travail, et non pas parce qu'il « libère l'embauche », qu'il a tenté les patrons les moins scrupuleux.
Quant aux autres - les plus nombreux peut-être -, ils se sont contentés d'embaucher en CNE au lieu d'embaucher en CDI. On a ainsi obtenu un magnifique effet de substitution et d'aubaine, mais pas de créations nettes d'emplois.
M. Bernard Frimat. C'est évident !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les chiffres du chômage qui viennent d'être publiés sont déjà une condamnation de ce dispositif sur le plan de l'emploi : ils font la démonstration de son inutilité. Quant aux procès que l'on voit naître, ils démontrent toute sa perversité.
M. de Villepin aurait dû s'informer avant de décider, un dimanche soir de janvier à Matignon, comme la presse l'a relaté, d'appliquer une copie du CNE à la jeunesse. Car la jeunesse aussi est dynamique, elle a des espoirs et encore quelques illusions. Mais M. de Villepin a décidé de poursuivre dans la voie qui lui avait si bien réussi.
Puisqu'il n'y avait plus de support législatif pour une ordonnance, M. de Villepin a donné l'ordre de présenter un amendement sur un texte que beaucoup dans cet hémicycle ont qualifié de « fourre-tout », texte qui n'avait rien à voir avec le CPE et qui était déjà bien chargé avec l'apprentissage à quatorze ans.
C'était sans doute une erreur. Depuis, le contenu du CNE a été révélé à tous les Français, qui savent qu'ils ne sont pas à l'abri de ce contrat à durée indéterminée renouvelable chaque jour. Le CPE est donc apparu en pleine lumière.
Sur le plan du droit, cette disposition et la manière dont elle est venue devant le Parlement resteront dans les annales comme autant de « modèles » pour la démocratie. Un dispositif important qui crée une exception au droit a ainsi été présenté par amendement à l'Assemblée nationale, où le débat n'est pas allé à sont terme dans des conditions normales. Pour en finir, le Premier ministre a invoqué l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il en résulte que le Sénat sera la seule chambre à pouvoir examiner toutes les dispositions - et certaines ne sont pas dénuées d'importance - qui suivent l'article 3 bis dans ce projet de loi.
En somme, le Gouvernement a réinventé l'unicaméralisme, comme en 1793, ce qui n'est pas le moindre paradoxe s'agissant d'imposer un texte aussi profondément réactionnaire !
Sur le fond, mes chers collègues, le CPE a socialement les mêmes effets négatifs et présente les mêmes perversités que le CNE : si ce texte devait être appliqué, les tribunaux en jugeront !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Godefroy. En quoi le CPE va-t-il améliorer l'emploi, les conditions de travail, le dialogue social ? En quoi va-t-il même aider les employeurs de bonne foi, tous ces patrons de terrain qui sont tellement maltraités par les grosses entreprises ? En quoi va-t-il redonner un peu de confiance, un peu de motivation ? En quoi va-t-il permettre de faire redémarrer la consommation et la croissance ?
Quel que soit l'aspect sous lequel on l'examine, le CPE est donc non seulement inutile, il est aussi nuisible - économiquement, socialement et politiquement - et nous l'avons longuement démontré.
Si ce texte passe dans ces conditions insensées, le Gouvernement aura prouvé qu'il peut ne pas tenir compte des nombreuses réticences et des oppositions des parlementaires, et cela quelles que soient leurs opinions. Dans un contexte économique et social aussi difficile, il y a là un vrai danger pour la démocratie.
M. le président. Concluez, maintenant, cher collègue !
M. Jean-Pierre Godefroy. Bien sûr, les banques et les groupes multinationaux se vantent de réaliser encore plus de profits dans les pays en voie de développement où règnent parfois des dictatures plutôt que dans nos démocraties, où il faut encore payer les salariés et leur assurer une protection sociale.
Il faut savoir ce que nous souhaitons pour l'avenir de notre jeunesse et de notre pays. Il nous appartient de prendre nos responsabilités. Nous l'avons fait tout au long de ce débat en essayant de convaincre nos collègues de la majorité de ne pas adopter le CPE et, sur cet article 3 bis, nous demanderons un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Nous avons résisté à toutes les manoeuvres qu'ont tentées la majorité et le Gouvernement pour empêcher un débat serein, transparent, suffisant, bref, démocratique...
M. André Lardeux. Plus c'est gros, mieux ça passe !
M. David Assouline. ...sur le projet de loi pour l'égalité des chances en général et sur l'article 3 bis en particulier.
Cet article, que l'on va voter tout à l'heure,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu'ils vont voter !
M. David Assouline. ...a à ce point attiré l'attention du Gouvernement que nous n'avons encore discuté ni de l'article 2 ni de l'article 3. À cela, il y a à l'évidence une raison !
Non seulement cet article est venu capter le débat sur l'égalité des chances, un débat pourtant nécessaire après la crise des banlieues, que nous proposait M. Borloo...
M. Bernard Frimat. Qui n'est pas là !
M. David Assouline. ...et qui aurait dû porter sur les quartiers populaires, sur l'éducation, sur les discriminations, questions très importantes sur lesquelles, forcément, nous n'aurions pas été d'accord, mais au moins en aurions-nous débattu, mais encore il introduit un contrat qui « casse » le code du travail sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux, alors que vous avez vous-mêmes inscrit en 2004 dans la loi le principe de la concertation avec les partenaires sociaux avant toute modification relative aux relations du travail.
Ajoutons que le débat parlementaire a été arrêté à l'Assemblée nationale et, s'il a pu avoir lieu ici, c'et parce que nous nous sommes battus comme des lions contre toutes les manoeuvres du Gouvernement pour l'empêcher ; quant aux négociations avec les partenaires sociaux, il n'y en a tout simplement pas eu !
Le mouvement social qui est en train de se développer est donc absolument légitime. Vous ne pouvez pas ne pas écouter la rue, comme c'est souvent votre doctrine : vous n'avez pas discuté avec les partenaires sociaux et il est légitime qu'ils utilisent les seuls moyens dont ils disposent pour se faire entendre.
Le 7 mars, les confédérations syndicales dans leur majorité vont appeler à une grève, et pas seulement à une manifestation. Déjà, dans les principaux campus, notamment en région parisienne, il y a des grèves et quelque chose se met en mouvement. Les lycéens, ici et là, se mobilisent aussi. La province, qui va rentrer de vacances, pourra elle aussi faire entendre sa voix.
Et considérez, mes chers collègues, vous qui êtes des parlementaires, que ce mouvement est salutaire. Ne le montrez pas du doigt parce que, quand la protestation, la revendication, sont collectives et s'expriment par la grève et dans la rue, elles concourent à la vie civique, à la vie démocratique, à l'intégration politique des jeunes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Pour finir, je veux interroger M. le ministre délégué, qui peut-être n'était pas personnellement favorable à cette précipitation.
Tiendrez-vous compte, monsieur le ministre délégué, de ce débat parlementaire et du fait qu'il n'y a pas eu de négociation, si les observateurs - dont vous faites vous-même partie, même si vous êtes aussi acteur - devaient juger, de façon absolument impartiale, que ce qui se passe dans le pays n'est pas rien et doit être entendu ? Seriez-vous prêt à rouvrir le dossier ou resteriez-vous fermé à la discussion après avoir fait « passer », au petit matin, le CPE au Sénat ?
Vous avez d'ailleurs couru pour rien puisque, tant que la loi pour l'égalité des chances n'est pas votée, le CPE n'existe pas juridiquement. Il n'existera donc pas juridiquement mardi prochain quand les manifestants seront dans la rue. Êtes-vous prêt à les écouter mardi ? Êtes-vous prêt à recevoir les jeunes pour discuter et à faire ce que vous n'avez pas fait avant le débat sur ce projet de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'article 3 bis procède d'un constat que l'on ne peut que partager : le chômage touche de façon particulièrement préoccupante et calamiteuse les jeunes. On nous propose une explication : la raison de cette situation serait d'ordre psychologique. Si les chefs d'entreprise n'embauchent pas, c'est qu'ils craignent de ne pouvoir licencier si le cas échéant.
Cette explication est un peu courte et mérite quelque examen.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. N'étant pas spécialiste de la psychologie des chefs d'entreprise, je présupposerai simplement que ce sont des gens de bon sens, des responsables dont le comportement est d'abord rationnel. Il y a donc tout lieu de penser qu'ils n'embauchent pas en fonction des évolutions du droit du travail mais parce qu'ils ont besoin d'embaucher.
Certes, ils préféreront le faire avec le maximum d'avantages - et, sur ce plan, vous n'êtes pas chiches -, mais, quels que soient ces avantages, ils n'embaucheront pas quelqu'un dont ils n'ont pas besoin.
Mme Gisèle Printz. C'est évident !
M. Pierre-Yves Collombat. Par parenthèse, si, conformément à la version pour enfants qui nous a été régulièrement servie, le CPE donne au salarié plus de garanties que le CDI ordinaire, on voit encore moins pourquoi il y aurait embauche, et cela même en se plaçant dans votre logique qui lie chômage et coût du travail.
Pour qu'un chef d'entreprise embauche, il faut donc qu'il trouve des gens à embaucher, ce qui est un problème de formation et non de forme de contrat, point important déjà souligné par Jean-Luc Mélenchon.
Il faut aussi que la demande pour ce qu'il produit soit suffisante, ce qui est un problème de politique économique.
Vos remèdes contre le chômage des jeunes me font penser aux tentatives de sauveteurs qui prétendraient réanimer un noyé en le laissant dans l'eau, que dis-je ? en lui maintenant la tête sous l'eau !
M. Jean-Pierre Sueur. Excellente comparaison !
M. Pierre-Yves Collombat. Il en sera ainsi tant que l'objectif du Gouvernement restera la lutte contre une inflation qui n'existe pas, le développement de l'épargne obligatoire à travers la privatisation des dispositifs de retraite et de santé, la réduction des dépenses de l'État et d'un endettement des agents économiques, au reste pourtant inférieur à celui de nos partenaires étrangers si l'on veut bien considérer, outre l'endettement de l'État, celui des ménages et des entreprises.
Tant que l'objectif de la politique économique du Gouvernement ne sera pas le plein-emploi, tous les dispositifs que vous pourrez inventer ne seront que cautère sur jambe de bois !
M. Larcher a évoqué à plusieurs reprises le succès des Espagnols dans leur lutte contre le chômage, dont le taux a effectivement été ramené de 22 % en 1995 à 10 % environ aujourd'hui. L'usage extensif des contrats de type CPE et des contrats précaires en serait la cause. En Espagne, 33 % des contrats correspondent, en effet, à des emplois temporaires.
Ce que vous oubliez de dire, monsieur le ministre délégué, c'est que la raison fondamentale de la décrue du chômage en Espagne est une croissance de l'activité économique bien supérieure à celle de la France, croissance dont les principales causes sont l'injection de crédits européens équivalant à 1 % du PIB, ce qui n'est pas rien, et un endettement massif des ménages - de l'ordre de 15 % par an depuis 1995 et de 20 % en 2005 -, qui dope la consommation ainsi que l'inflation, 4,2 % sur douze mois.
Aujourd'hui, l'endettement des ménages espagnols est de l'ordre de 120 % de leur revenu disponible brut contre 65 % en France, c'est-à-dire le double. Quant à l'endettement, il est essentiellement à taux variable, et actuellement inférieur à l'inflation. On imagine ce qui se passerait si la tendance s'inversait : 33 % des contrats précaires, précarisation financière massive des ménages, inflation record !
Voilà le miracle espagnol, voilà vos châteaux en Espagne, monsieur le ministre délégué !
M. André Lardeux. Vive Zapatero !
M. Pierre-Yves Collombat. Prétendre lutter contre le chômage sans changer de politique économique est un leurre.
J'irai plus loin : en limitant encore un peu plus la lisibilité que chacun des jeunes peut avoir de son avenir, et, indirectement, celle des parents qui, lorsqu'ils le peuvent, les soutiennent dans leur entrée dans la vie, vous diminuez la consommation et, donc, par contrecoup, la propension des entreprises à investir, vous alimentez le chômage, comme l'actualité vient de nous le rappeler.
Comme l'ont souligné de nombreux intervenants, à gauche comme au centre, vous envoyez aussi ce message terrible à notre jeunesse : vous comptez si peu que l'on n'est pas même tenu de vous donner le motif de votre éjection de la vie active.
Votre premier souci, ce sont les jeunes, dites-vous. Vous les aimez, ces jeunes...comme l'ogre aime les enfants ! (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
Vous comprendrez qu'il ne soit pas possible de vous suivre sur ce terrain antiéconomique, socialement et humainement calamiteux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, permettez-moi plusieurs remarques en conclusion de l'examen de l'article 3 bis instituant le contrat dit de première embauche.
En introduisant, par voie d'amendement, un dispositif rejeté par les Français, non examiné par les partenaires sociaux, dans un texte sur lequel l'urgence était déclarée, M. de Villepin a montré, une nouvelle fois, qu'il était l'homme de tous les coups de force.
Coups de force contre toutes les organisations syndicales : CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, UNEF, syndicats lycéens...
Coup de force permanent contre la démocratie et le Parlement, confirmé au Sénat, où les parlementaires de la majorité, muselés, ont respecté la consigne donnée de ne pas amender un article. Résultat ? Le CPE est en passe d'être adopté conforme, et ce malgré les questions qu'il soulève. Aucun des 81 amendements mis en discussion n'a été retenu. L'UMP, droite dans ses bottes, s'est bouchée les oreilles pour ne pas entendre la réprobation populaire, notamment celle des jeunes.
Coup de force idéologique également, puisque le CPE s'impose désormais comme la clé de voûte d'un projet de loi pour l'égalité des chances, alors que, justement, il légalise la précarisation des conditions d'existence des jeunes salariés, jeunes que ses auteurs considèrent comme une charge.
Nous ne pouvons accepter qu'au nom de l'emploi, après le vote du 29 mai et après les graves évènements de novembre dernier, ce gouvernement légitime aujourd'hui toute une série de réformes accentuant l'insécurité sociale des salariés.
Le CPE comme le CNE viennent faire écho aux demandes du MEDEF et des ultralibéraux attribuant au code du travail, aux droits et garanties collectives, la responsabilité du chômage. Ils sont une réponse à leur désir d'une flexibilité quasi complète du licenciement.
Avant tout, ces nouveaux contrats, échéance de 2007 oblige, répondent à un objectif de diminution rapide des chiffres du chômage. On utilisera donc s'il le faut les pires méthodes. Le Gouvernement cherche à doper les embauches et non à augmenter le volume d'emplois, à substituer des emplois très précaires à d'autres emplois précaires.
Les résultats des premières enquêtes destinées à faire apparaître l'impact du CNE sur le chômage, l'emploi et le bien-être valident cette observation quant aux effets limités sur les créations nettes d'emplois. D'après les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, le CNE ne créerait que 70 000 postes de plus. En outre, pour eux, « il est possible que ces emplois créés soient détruits afin d'éviter d'entrer dans un régime de protection de l'emploi contraignant, un CDI avec déjà deux ans d'ancienneté. » En revanche, l'impact négatif du CNE sur les conditions de vie des salariés est, lui, réel et durable.
Le CPE étant un copier-coller du CNE, ses effets seront identiques et tout aussi redoutables.
Nous avons démontré, au fil de nos amendements, que le CPE soulevait une question de principe tout d'abord, dans la mesure où, contrairement à la convention 158 de l'OIT, ratifiée par la France, il permet le licenciement d'un travailleur sans motif valable et sérieux, d'une part, et sans procédure contradictoire, d'autre part.
Nous avons vu que ce dispositif, excluant, en raison de leur âge, une catégorie de salariés, des garanties des règles de droit commun en matière de licenciement, introduisait une discrimination injustifiable entre les jeunes de moins de vingt-six ans et les autres salariés.
Plus grave peut-être encore, nous avons fait la démonstration que le fait de pouvoir licencier à tout moment, pendant deux ans, déséquilibrait la relation de travail au profit de l'employeur, mettait les jeunes dans une position de totale soumission, exposait ces derniers à l'arbitraire, bref, que le CPE précarisait les conditions d'existence des jeunes salariés en laissant ces derniers « dans un état de parfaite indétermination quant à leur avenir. »
Convaincus de la perversité immédiate du CPE pour le jeune salarié et des dangers potentiels qu'il recèle pour l'ensemble des salariés - le CPE n'étant qu'une première étape dans la réforme voulue du contrat de travail en général -, nous voterons résolument contre.
Pour reprendre la conclusion d'une tribune publiée dans Le Monde et signée par un collectif de juristes de droit social, « Non, décidément, l'espoir très aléatoire d'une amélioration de l'emploi ne peut justifier l'existence d'une catégorie de salariés corvéables à merci et l'effacement de trente-deux années d'acquis sociaux, ainsi que la négation de principes fondamentaux internationalement reconnus. »
Cet avis, mes chers collègues, est majoritairement partagé par nos concitoyens. Nous sommes à leurs côtés, ici comme dans la rue. Nous voterons contre le CPE ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, nous voici au terme de deux jours consacrés au CPE.
D'incidents de procédures en lecture contestable du règlement, tout aura été fait par cette majorité pour contourner une discussion de fond sur le CPE, discussion que nous étions prêts à mener.
Vous aurez tout tenté, et même vous aurez innové en matière de procédure pour ne pas parler de cette disposition.
C'est plus que regrettable, car le contenu de ce contrat première embauche demandait pourtant à être véritablement débattu.
Sur les principes d'abord, ce CPE est inacceptable dans la mesure où il conduit à faire reposer la précarité sur les jeunes générations, à l'inverse de l'objectif affiché d'intégration sociale et professionnelle des jeunes.
Au contraire, le CPE aboutira à mettre dos à dos les salariés sur un marché du travail de plus en plus concurrentiel. Il entretiendra cette tendance à constituer une offre de travail « au moins disant », où les travailleurs ne sont plus évalués que sur le critère unique du coût du travail que représente leur salaire.
Qui peut encore croire que cette disposition a sa place dans un texte initialement consacré à l'égalité des chances ?
Par ailleurs, ce CPE nourrit de nombreuses remarques de fond. En lui faisant prendre la suite du contrat nouvelles embauches, le Gouvernement porte ici un nouveau coup de canif au code du travail.
Ce contrat répond pleinement à la logique libérale de déréglementation du marché du travail que le MEDEF souffle à cette majorité depuis son accession au pouvoir.
Le code du travail et les droits protecteurs des salariés sont présentés comme des entraves insupportables au bon fonctionnement du marché du travail et expliqueraient largement le chômage.
Ce positionnement idéologique, que rien ne confirme dans les faits, a guidé la rédaction de ce contrat première embauche.
On se retrouve ainsi avec un contrat où, durant les deux premières années, les employeurs n'auront pas à faire la preuve de la justification du licenciement de leur salarié. Ce sera donc devant les tribunaux que les salariés pourront faire valoir leurs droits, au regard des législations européennes et des conventions internationales.
On se retrouve aussi avec un contrat où les droits ouverts à l'assurance chômage sont moins importants que dans les contrats existants.
Ce CPE est une aberration juridique, en plus de son caractère antisocial. Si vous croyez avoir répondu à la crise des banlieues, vous n'aurez fait que raviver le feu qui couvait.
Tous les appels à la raison que nous avons pu vous adresser, au travers de nos amendements, n'y ont pourtant rien fait. Vous n'entendez pas quand nous vous disons les nombreux dysfonctionnements auxquels ce CPE va mener.
Aucune de nos propositions pour tenter d'atténuer la dégradation manifeste des droits des travailleurs n'a été retenue dans ce débat « mascarade ».
Vous avez manipulé pendant deux jours des notions que vous avez vidées de leur sens.
Vous avez parlé « d'intégration des jeunes salariés », de « sécurisation des parcours professionnels », « d'accompagnement dans l'emploi », alors que c'est l'inverse que vous généralisez avec le CPE.
Nous voterons résolument contre cet article, véritable institutionnalisation de la pauvreté et de la précarité, mise au service de la rentabilité économique et financière des entreprises, auxquelles ce gouvernement est décidément entièrement dévoué. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, malgré la somme d'interventions vous démontrant, point par point, pourquoi le CPE n'est pas la réponse adaptée aux besoins des jeunes en matière d'emploi, malgré la colère qu'exprime aujourd'hui largement la jeunesse dans sa diversité sociale, malgré des avis d'experts qui rejettent ce contrat et d'autres qui démontrent que ce contrat ne va quasiment pas créer d'emplois, vous persistez à vouloir faire entrer ce CPE dans la vie de milliers de jeunes en utilisant en filigrane l'argument selon lequel « le CPE serait mieux que rien ».
Sauf que, chers collègues de la majorité, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, sauf que, à l'instar des jeunes de la Seine-Saint-Denis qui ont exprimé leurs besoins de reconnaissance par notre République, aujourd'hui des milliers d'autres jeunes disent, eux aussi, à leur manière, et écoutez bien : « Nous ne sommes pas des moins que rien ! » Avec le CPE, vous offrez du « mieux que rien » à ceux qui ne veulent pas être traités comme des « moins que rien ».
Ce faisant, vous n'êtes pas seulement atteints de surdité, vous souffrez aussi et surtout d'un certain mépris à l'égard d'une partie de la population.
Quels qu'aient été vos arguments, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre délégué, tout au long de l'examen de cet article 3 bis, ils n'ont pas convaincu. Nous savons bien que le CPE est un maillon de votre stratégie politique qui vise, d'une part, à favoriser le patronat et, d'autre part, à installer la jeunesse d'aujourd'hui dans l'idée que la précarité sera désormais un mode de vie auquel elle devra s'adapter pour construire son projet de vie.
Comme le CNE, le CPE ouvre un peu plus encore la voie à la remise en cause de la protection des droits pour tous, des jeunes, mais aussi des moins jeunes.
Ce qui est inacceptable, c'est que vous avez voulu réduire ici le temps du débat en utilisant tout l'arsenal procédurier à votre disposition pour tenter de faire taire les élus communistes et, plus largement, les élus de gauche. Au moins, là, vous avez été battus.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
Mme Éliane Assassi. Cela dit, les pesants silences dans les rangs de l'UMP sont révélateurs in fine de la posture plus défensive qu'offensive dans laquelle sont placés les sénatrices et sénateurs concernés.
Permettez-moi de vous dire que j'aurais préféré ici une confrontation d'idées sur un projet aussi fondamental pour l'avenir de la jeunesse de notre pays.
Pour le moins, cela aurait éclairé cette jeunesse et cela aurait également donné du relief à la démocratie, à l'heure où certains évoquent ici la crise de la politique.
C'est une partie des raisons pour lesquelles nous voterons contre cet article et contre ce CPE, qui est une discrimination supplémentaire faite à la jeunesse de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je voudrais d'abord saluer le travail courageux et continu du président de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, qui ont avancé beaucoup d'arguments et passé beaucoup de temps pour répondre aux auteurs des 81 amendements que nous venons d'examiner depuis deux jours, je dis bien 81 amendements déposés sur un seul article, ce qui mérite tout de même d'être souligné ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci !
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, après avoir tout entendu dans cet hémicycle, et, notamment, après avoir reçu des leçons d'économie politique et de direction des affaires de la part d'éminents professeurs de gauche, je dois dire que je suis frappé du caractère exclusivement franco-français du débat qui nous réunit depuis hier matin. À croire que la nostalgie de 1981 l'emporte sur les réalités de 2006 (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), à croire que nous sommes seuls au monde, que l'Union européenne n'existe pas, qu'il n'y a pas de mondialisation et que l'émergence de grands pays comme la Chine et comme l'Inde est quantité négligeable ! (M. Jean-Luc Mélenchon proteste vivement.)
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous en prie !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je vous ai écouté, mes chers collègues. Soyez donc convenables et écoutez-moi à votre tour, quelle que soit l'heure. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Roland Muzeau renchérissent.)
Quant à vous, monsieur Mélenchon, je ne me suis pas personnellement adressé à vous, je ne vous ai pas nommément visé. J'ai simplement évoqué d'éminents professeurs, ce dont vous devriez être satisfait ! (Protestations renouvelées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je disais donc que la nostalgie de 1981, époque à laquelle tout était possible dans une France totalement isolée, l'emporte sur la réalité d'aujourd'hui, alors que nous sommes confrontés à une mondialisation très forte et qu'il nous faut essayer d'offrir aux jeunes des capacités de développement et d'épanouissement en dépit des difficultés qu'ils vont devoir affronter au cours des prochaines années. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Telle est donc la situation actuelle, et je suis étonné que la quasi-totalité des arguments qui ont été longuement développés depuis hier matin soient centrés sur un seul sujet, à savoir l'intangibilité de notre code du travail.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez pas bien entendu !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je considère, pour ma part, que c'est un peu court, notamment s'il s'agit de répondre aux aspirations des jeunes, de répondre au légitime désir de développement des entreprises, de répondre aux dégâts causés par les 35 heures (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous y voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. ...ou par l'interdiction d'introduire dans ce pays les fonds de pension, oui, c'est un peu court, car ce sont actuellement autant de graves freins pour notre développement économique.
En réalité, je me suis posé trois questions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Copiez donc la Grande-Bretagne !
M. Christian Cambon. Mais écoutez donc M. Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je vous ai écoutée sans vous interrompre, ma chère collègue, je n'ai jamais crié dans cet hémicycle !
Première question : existe-t-il, oui ou non, dans notre pays, un chômage spécifique des jeunes de moins de vingt-six ans et plus spécialement des jeunes qui sortent de notre système scolaire, très largement représenté ici, sans aucune qualification ? La réponse est oui !
Mme Hélène Luc. Bien sûr, qu'il existe !
M. Jean-Pierre Fourcade. Deuxième question : cette situation particulière du chômage des jeunes est-elle plus grave en France qu'elle ne l'est dans tous les autres pays qui nous entourent,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a plus de jeunes en France. Tenez compte de notre démographie !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qu'il s'agisse de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal, de la Grande-Bretagne ou des Pays-Bas ? La réponse est encore oui !
Troisième et dernière question : le contrat première embauche est-il de nature à faciliter, enfin, le contact entre les jeunes de moins de vingt-six ans et des entreprises performantes, qui se développent et parviennent à relever le défi de la compétition internationale, situation préférable à une orientation vers les diverses fonctions publiques ou sur la voie du RMI ? La réponse est toujours oui ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Parce que mon groupe et moi-même répondons de manière affirmative à ces trois questions, sans état d'âme, et sans participer au malaise qu'a longuement distillé M. Sueur, nous voterons l'article 3 bis. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Robert Bret. Vous n'avez, en effet, aucun état d'âme !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel discours !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, je suis de ceux qui ont attentivement écouté, et pendant plusieurs jours, les débats sans forcément y participer de vive voix. Cela étant dit, il me semble que, s'agissant d'un article de cette nature, chacun d'entre nous devrait prendre la parole pour expliquer son vote, tant il est important de par ses conséquences potentielles sur la société.
Il est évident que je ne voterai pas cet article, tant pour des raisons de forme que pour des raisons de fond.
En effet, la disposition prévue dans cet article 3 bis est issue, cela est reconnu, de la décision d'un seul homme politique, même si ce dernier est, entouré, il est vrai, de conseillers. Or un seul homme, fût-il Premier ministre, peut-il avoir raison contre tous, y compris ceux des élus de sa propre famille politique qui acceptent de s'exprimer, l'incitant pour certains à renoncer à un projet de loi qui, s'il était adopté, scinderait la société française de façon durable - on le voit bien à travers la nature des échanges qui ont eu lieu ici depuis trois jours - et conduirait à opposer deux parties de la société ?
Rappelons une fois de plus, même si cela a déjà été dit à plusieurs reprises, que, s'agissant de la procédure de prise de décision du chef du Gouvernement, la législation du droit du travail étant de fait modifiée, il eût été de bon ton de respecter la règle de concertation préalable des partenaires sociaux, règle qui a été oubliée ; mais il y a fort à parier que, lors des prochaines discussions, les partenaires sociaux se souviendront de cet oubli !
En d'autres termes, pour ce qui est des modifications apportées au droit du travail et à la législation, il faudra sans doute réparer tout ce qui aura été cassé à l'occasion de la discussion de ce projet de loi.
Je souhaiterais également revenir, puisque M. Fourcade vient d'y faire allusion, sur les explications données par mon collègue Jean-Pierre Sueur. Personnellement, je dois avouer, après avoir bien suivi les débats, ma complète incompréhension quant à l'argumentation que certains d'entre vous, chers collègues de la majorité, ont développée. Pour vous, les employeurs sont prêts à jurer la main sur le coeur qu'ils n'ont aucun intérêt à se séparer de salariés qu'ils ont embauchés. Une telle situation est pourtant, selon nous, compréhensible, notamment en cas de diminution du carnet de commandes ou si le profil du salarié ne correspond pas réellement à l'emploi qui est à pourvoir dans l'entreprise ; cela, nous pouvons le comprendre.
Dès lors, si l'employeur n'a vraiment aucun intérêt à se séparer sans motif d'un salarié, je ne parviens pas à comprendre, même à deux heures du matin, pourquoi il est demandé au Parlement d'autoriser le licenciement sans cause, disposition qui s'appliquerait uniquement aux jeunes de moins de vingt-six ans. Cela, je ne peux le comprendre !
Je m'adresserai maintenant à M. Fourcade, qui se demandait à l'instant s'il existait un problème de chômage particulier pour les moins de vingt-six ans. Vous êtes tous d'accord, semble-t-il, mes chers collègues, pour admettre que tel est bien le cas. C'est peut-être vrai.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas « peut-être », c'est sûr !
M. Thierry Repentin. Toutefois, je voudrais vous demander, monsieur le rapporteur, vous qui m'interpellez, si la solution à cette éventuelle réalité d'un chômage massif des moins de vingt-six ans réside dans l'invention, pour ces jeunes précisément, du licenciement sans cause. Franchement, je ne vois pas le rapport entre le problème à traiter et la solution que l'on nous propose.
Je ne voterai donc pas cet article, car, en introduisant en dernière minute cette disposition, le Gouvernement, peut-être involontairement, a focalisé le débat que l'on nous avait promis en réponse au malaise des banlieues sur le seul CPE. L'échange de vues que étions nombreux à attendre, confrontés comme nous le sommes aux problèmes des grands ensembles, se trouve ainsi irrémédiablement vicié jusqu'à la fin de l'examen de l'ensemble du projet de loi pour l'égalité des chances.
Je rappellerai simplement, pour ma part, que ce malaise des banlieues fait suite au fait que deux jeunes sont morts de peur, en voulant se protéger d'une institution républicaine et que, trois jours auparavant, ce qui, selon moi est aussi important, un père de famille avait été tué sous les yeux de son épouse et de sa fille tout simplement parce que d'autres jeunes ne craignaient absolument plus rien de l'institution républicaine.
J'attendais donc beaucoup du débat que l'on nous avait fait miroiter après la crise dans les banlieues. Or le fait d'insérer certaines dispositions à la toute dernière minute a, hélas, complètement focalisé la discussion sur le seul CPE et nous a empêchés de tirer les conséquences de ce qui s'est passé en novembre 2005.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l'article 3 bis, qui institue le CPE, pas plus, je tiens à le dire, que je ne voterai la suppression des allocations familiales par les présidents de conseils généraux, pas plus que je ne voterai la transformation du maire en procureur de la République ou la libéralisation des règles dans les zones urbaines sensibles afin de faciliter l'implantation de multiplex ou de supermarchés. Comme si tout cela - je m'adresse ici à des gens qui connaissent bien le sujet - était de nature à répondre à ce qui s'est passé voilà quelques mois !
En conclusion, je voudrais dire à M. le ministre délégué, Gérard Larcher, dont je salue la présence dans cet hémicycle cette nuit, que j'ai été quelque peu étonné de la réponse qu'il a apportée à notre collègue Charles Gautier lors d'une récente séance de questions d'actualité.
En effet, à notre collègue Charles Gautier, qui vous demandait si le CPE était effectivement susceptible de répondre aux problèmes posés par le chômage des jeunes et qui signalait que les étudiants manifestaient au même moment dans la rue, vous avez, monsieur le ministre délégué, d'une façon pour le moins maladroite, indiqué que si les étudiants vous intéressaient, les jeunes des banlieues ne vous intéressaient pas moins ! Est-ce à dire que, dans votre esprit, les étudiants sont différents des jeunes des banlieues ? (M. Gérard Larcher, ministre délégué, manifeste son mécontentement.)
Il s'agit là, malheureusement, d'une réponse assez révélatrice d'un certain état d'esprit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je ferai quelques brèves observations, car il est bien tard.
M. le président. Dites plutôt qu'il est bien tôt !
M. Michel Mercier. Je voudrais tout d'abord remercier tous ceux qui ont permis ce débat. Rien n'était moins sûr ; or une discussion fort intéressante s'est vraiment instaurée au sujet du CPE.
Je tiens ici à remercier M. le ministre délégué de nous avoir apporté des réponses hier, même si toutes - j'y reviendrai - ne nous ont pas satisfaits. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Il faut dire que c'est nous qui avons imposé ce débat !
M. Michel Mercier. Mes chers collègues, vous sembliez bien endormis tout au long de cette soirée. Restez-le donc jusqu'à ce que j'en aie terminé et tout sera parfait ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. C'est de la provocation !
M. Michel Mercier. Je voudrais également remercier non seulement M. le président de la commission des affaires sociales ainsi que M. le rapporteur, dont le rôle n'était pas toujours très facile, mais aussi vous-même, monsieur le président, qui vous êtes beaucoup investi pour que le débat aille jusqu'à son terme. Je pense que cette attitude est préférable au recours à je ne sais quelle procédure qui aurait été de nature à empêcher ce débat. Il s'agit là d'une victoire que nous avons, ensemble, remportée ce soir.
M. le président. C'est une victoire pour l'institution au sein de laquelle nous siégeons !
M. Michel Mercier. Et peut-être aussi pour la démocratie parlementaire, ce qui n'est pas si mal !
Nous voici donc amenés à nous prononcer sur l'article 3 bis instituant le CPE.
Pour sa part, le groupe UC-UDF a, dès le début, tenu à indiquer qu'il était favorable à des modifications profondes de notre droit du travail, qui ne saurait être figé une fois pour toutes. Notre groupe a également rappelé que les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont plus celles que nous avons connues il y a vingt, trente ou cinquante ans, que la mondialisation nous conduit à tenir compte de certains paramètres et que nous acceptons tout à fait l'idée selon laquelle il faut introduire plus de flexibilité dans l'entreprise en demandant à celle-ci d'être d'abord un lieu d'activité et de fournir plus de travail. Par ailleurs, il nous a semblé qu'il n'était pas possible d'attendre de l'entreprise qu'elle finance, par exemple, la protection sociale, voire l'ensemble des mesures de solidarité dans notre pays.
Nous sommes donc en faveur de la flexibilité, à condition toutefois que les salariés et les employés bénéficient de plus de sécurité. Il convient donc de prendre des mesures en faveur de cette dernière, rendue nécessaire, il faut le dire, au temps où nous vivons.
C'est d'ailleurs ce que nous avons essayé de dire à travers un amendement tendant à supprimer le CPE pour le remplacer par un contrat à durée indéterminée à droit progressif. Or, si chacun s'est accordé à reconnaître que l'idée n'était pas inintéressante, nous avons été les seuls à voter cet amendement. Cela prouve simplement que des combats peuvent être menés et se poursuivre.
Nous avons souligné, en outre, que la réponse apportée par le CPE n'était pas la bonne et je voudrais brièvement m'en expliquer.
Tout d'abord, se pose un problème de méthode : on ne peut avoir raison tout seul. Même si l'on a l'impression de s'exprimer mieux que les autres, il reste encore à faire partager ses propres convictions et, pour cela, il faut dialoguer avec les partenaires sociaux - cela n'a pas eu lieu, nous le savons tous -comme il faut dialoguer avec les parlementaires, ce qui, je dois le reconnaître, s'est révélé plus positif.
Nous avons donc tenu à affirmer que la méthode retenue plombait en quelque sorte la réforme. Certes, certains se seraient forcément déclarés contre, monsieur le ministre délégué, mais le fait de ne pas même avoir essayé de rechercher l'accord, le consensus, restera véritablement un défaut de votre projet de loi.
Sur le fond, ensuite, il nous semblait que certains efforts devaient être accomplis pour que ce contrat soit acceptable. Vous pouviez agir sur au moins deux points : d'une part, la durée de la période de consolidation, que nous vous proposions de fixer à un an au lieu de deux ans, ce que vous avez refusé ; d'autre part, la motivation du licenciement. Nous avions déposé sur ce thème un amendement auquel nous tenions beaucoup, pour la raison tout simple que, comme nous l'avons souligné, le licenciement sans justification du salarié en contrat nouvelle embauche ne tient pas la route !
Nous vous avons proposé d'obliger les employeurs à justifier ce licenciement, pour des raisons que le professeur Portelli a fort bien expliquées tout à l'heure. En effet, que nous inscrivions ou non dans la loi cette obligation, le juge l'exigera. Pourquoi ne pas prévoir expressément ce qui correspond à l'application d'un principe fondamental de notre droit, à savoir l'obligation de motivation ?
Car, même si le licenciement n'est pas motivé, cela ne signifie pas qu'il est dépourvu de motif, et le juge le recherchera ! Ce ne sera certes pas facile, mais la Cour de cassation ira jusqu'au bout du principe d'obligation de motivation, qu'il aurait été tellement plus simple d'inscrire dans la loi ! Le contrat première embauche en aurait été plus crédible.
Vous avez choisi une autre voie, ce qui est tout à fait votre droit, et la majorité l'emportera. Toutefois, nous aurions préféré que vous nous entendiez. Or, vous avez fait le choix de repousser tous nos amendements, et c'est pourquoi la très grande majorité des membres de notre groupe refusera de voter cet article 3 bis. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - Certains membres du groupe socialiste applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je voudrais d'abord me réjouir : tout à l'heure, le premier orateur socialiste à s'exprimer s'est déclaré ravi que le Sénat ait rempli son rôle et soit allé au bout de ce débat.
Mme Hélène Luc. Parce que nous l'avons imposé !
M. Éric Doligé. Cela m'a fait plaisir, car je me souviens que certains de ses collègues, voilà quelques années, souhaitaient la suppression du Sénat, mais il est vrai qu'ils se sont empressés de s'y faire élire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Daniel Raoul. Vos propos sont honteux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel niveau !
M. Roland Muzeau. L'élection au Sénat, c'est l'égalité des chances ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. Il s'agit d'une véritable reconnaissance pour notre institution et je vous en remercie. Ce débat vous aura au moins permis de parvenir à la conclusion que notre assemblée est utile !
Néanmoins, comme l'a souligné tout à l'heure l'un de nos collègues, nous ne sommes pas seuls au monde ! Ce n'est pas seulement dans cet hémicycle que se décide l'avenir de nos entreprises et de notre économie. Notre avenir se décide dans le monde entier, et ce ne sont pas vos déclarations hostiles à l'entreprise qui nous aideront à sauver notre économie nationale. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'ailleurs bien mal partie avec votre gouvernement !
M. Éric Doligé. Nous devons faire preuve d'une plus grande ouverture d'esprit. Or, me semble-t-il, quand, il n'y a pas si longtemps, nous avons tenté de nous ouvrir à l'Europe, certains se sont montrés très fermés et ont mené un combat qui n'était pas bon pour notre économie. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Les Français ont tranché !
M. David Assouline. Oui, le peuple a tranché !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Changez de peuple, monsieur Doligé !
M. Éric Doligé. Notre économie a besoin de s'ouvrir au monde. Elle a besoin des entreprises et des patrons aussi bien que des salariés, car, contrairement à ce que vous pensez, il s'agit du même monde. En dépit de ce que M. Assouline a répété à l'envi, il n'existe pas deux univers séparés, celui des patrons voyous d'un côté ; celui des salariés, de l'autre. Il s'agit du même monde.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas tout à fait quand même !
M. Robert Bret. Ce ne sont ni les mêmes salaires ni les mêmes conditions de travail !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ni les mêmes droits !
M. Éric Doligé. Nous agissons tous dans le même sens, nous tentons tous de faire en sorte que l'économie de notre pays réussisse et puisse montrer au monde les exemples de son succès.
Chers collègues, j'ai entendu beaucoup d'entre vous avouer que vous ne compreniez pas. Bien évidemment, vous ne pouvez pas comprendre ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parce que nous sommes idiots ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. ... puisque vous n'avez jamais pris de responsabilités dans l'entreprise. (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Bel. Qu'en savez-vous ?
M. Paul Raoult. Vos propos sont scandaleux !
Mme Hélène Luc. Demandez aux employeurs des départements dirigés par la gauche quelles relations ils entretiennent avec les conseils généraux ! Vous n'avez pas le monopole des entreprises !
M. Éric Doligé. Ce soir, vous vous êtes arrogé tous les droits, vous nous avez traités de voyous. Permettez-moi de dire que je respecte les patrons. Ils sont plus d'un million en France, et ce n'est pas parce que des abus ont été commis par l'un d'entre eux, comme l'atteste le jugement de Longjumeau, que nous devons les montrer tous du doigt, de même que ce n'est pas parce que, de temps à autre, tel ou tel syndicaliste commet un écart de conduite que nous devons traiter tous les syndicalistes de voyous !
M. David Assouline. Mais ils exploitent qui, les syndicalistes ?
M. Éric Doligé. Pour ma part, je respecte les patrons et travaille et discute avec eux pour faire avancer notre économie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes plus au Sénat mais au MEDEF !
M. Éric Doligé. Cessez de faire des amalgames, nous devons faire avancer notre société. Pourquoi refusez-vous de comprendre que les chefs d'entreprise s'efforcent de créer des emplois, de faire en sorte que les salariés soient payés à la fin du mois !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sortez les mouchoirs !
M. Éric Doligé. Vous avez passé votre temps à nous donner une image négative de l'entreprise ; je voudrais, pour ma part, en offrir une image positive. Il est des patrons qui respectent les salariés et sont heureux de leur donner du travail, de même qu'il est des salariés qui sont heureux de travailler avec leurs patrons.
Notre véritable problème, aujourd'hui, ce sont les jeunes. Mais je vous assure que, pour moi comme pour tous mes collègues, un salarié qui perd son emploi, c'est un drame.
Or, tout à l'heure, j'ai eu le sentiment que certains d'entre vous évoquaient les chiffres en hausse du chômage avec quelque satisfaction. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Bel. Vos propos sont scandaleux !
M. Éric Doligé. Le chômage est un drame, une catastrophe, j'ose le dire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un drame pour les chômeurs, pas pour les patrons !
M. David Assouline. Vous faites de la provocation !
M. Éric Doligé. Je ne fais pas de la provocation : j'ai vu sourire certains d'entre vous. Quand vous évoquiez la hausse du chômage, ils étaient ravis ! (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.)
Vous pouvez protester autant que vous le voulez ! Vous nous avez injuriés pendant une bonne partie de la soirée, permettez-moi donc d'exprimer ce que j'ai sur le coeur. Je me suis senti visé lorsque vous nous avez traités de voyous, et je ne l'admets pas !
Pour moi, même si vous n'aimez pas ce terme, le CPE permet un assouplissement. Depuis des années, nous enserrons notre économie dans des carcans qu'elle ne peut plus supporter. Nous vivons dans un monde économiquement ouvert, auquel nous devons absolument nous adapter. Je souhaite que certains d'entre vous ouvrent les yeux et reconnaissent que le CPE est positif pour nos jeunes.
En tout cas, pour ma part, à chaque fois que je verrai un jeune entrer dans une entreprise grâce au CPE, y passer deux ans puis y rester, je considérerai qu'il s'agit d'une victoire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Et quand il sera licencié ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà, le MEDEF s'est exprimé.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 3 bis.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe CRC, la deuxième, du groupe socialiste et, la troisième, du groupe UMP.
M. Robert Bret. Et le RDSE ? (Sourires.)
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 96 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 172 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP- Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)