M. le président. L'amendement n° 560, présenté par Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, remplacer les mots :
une formation d'apprenti junior
par les mots :
l'une ou l'autre des deux années de cette formation
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La sénatrice qui ne comprend jamais rien va essayer de vous expliquer l'amendement.
Nous voulons que la formation d'apprenti junior, si elle a lieu avant l'âge de seize ans, donc dans les CLIPA, se déroule sous statut scolaire.
Le présent amendement vise donc à rétablir l'obligation de scolarité jusqu'à seize ans et à réduire ainsi la nocivité de cet article relatif à la formation d'apprenti junior.
L'autorisation de l'apprentissage à partir de quatorze ans s'inscrit dans une série de mesures caractéristiques d'une régression sociale sans précédent. Les attaques successives contre les grands acquis sociaux que sont les retraites, l'assurance maladie ou les trente-cinq heures ont ponctué l'action des gouvernements Raffarin et suivant.
Vous vous attaquez désormais frontalement au code du travail, mais aussi, par là même, à notre système éducatif.
Alors que depuis la fin du XIXe siècle l'histoire allait dans le sens d'une émancipation humaine grâce à la constitution d'une protection contre l'exploitation capitaliste (Exclamations sur les travées de l'UMP.),...
M. Dominique Braye. C'est mieux que le communisme, qui a fait 80 millions de morts !
Mme Annie David. ...mais aussi grâce à l'éducation, votre proposition d'autoriser l'apprentissage à partir de quatorze ans va exactement dans le sens inverse.
Il s'agit là d'un coupable renoncement : coupable non seulement à l'égard de tous ceux qui vont être poussés à « choisir » l'apprentissage au détriment de l'éducation, rétrécissant ainsi leur horizon professionnel dès le sortir de l'enfance, mais coupable également à l'égard de l'avenir de la nation.
En effet, dans le contexte de la mondialisation, il est clair que l'atout de la France est de fournir des travailleurs hautement qualifiés, à la différence de nombreux autres pays qui nous font davantage concurrence sur le terrain des emplois peu qualifiés.
Ainsi, le développement de l'apprentissage vise à encourager la création d'emplois et la constitution d'une main-d'oeuvre dans des domaines où la main-d'oeuvre française est très mal placée.
Cette orientation est d'ailleurs contraire aux décisions adoptées au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, qui visaient à faire de l'Europe l'économie de la connaissance la plus compétitive à l'horizon 2010. Je peux vous dire, mes chers collègues, qu'on s'en éloigne ! Les chefs d'Etat s'étaient alors mis d'accord pour considérer que les facteurs clés pour une croissance économique durable sont le savoir et la créativité, ainsi que l'importance de l'investissement en capital humain et social.
À l'inverse, ici, il s'agit de favoriser les emplois de formation réduite, mal rémunérés, en enfermant, qui plus est, de nombreux enfants dans un métier qu'ils n'auront pas choisi.
En effet, il ne faut pas se leurrer : les enfants à qui l'équipe pédagogique proposera l'apprentissage seront ceux qui posent le plus de difficultés en termes d'acquisition des connaissances et d'insertion sociale. Au lieu de relever ce défi, il s'agira alors de botter en touche, en confiant directement l'enfant au monde du travail.
Le Conseil supérieur de l'éducation ne s'y est d'ailleurs pas trompé : il a rejeté, jeudi 16 février dernier, votre projet d'apprentissage à quatorze ans.
Ce dispositif ne tient pas compte du fait que le monde du travail n'est pas adapté à un enfant de quatorze ans : la violence des rapports professionnels ne manquera pas de produire des marques profondes dans son être. De même, un enfant de quatorze ans n'a pas la maturité suffisante pour être livré à l'apprentissage. Il est en effet trop jeune pour qu'on le mette en situation de sceller son destin de manière quasiment définitive.
De fait, il sera très difficile de sortir d'une orientation aussi radicale et aussi éloignée de l'enseignement classique.
Comment fera l'enfant qui se rend compte, deux ans après le début de son apprentissage, qu'on ne lui a pas fait choisir la bonne voie ? Comment pourra-t-il rattraper le temps perdu ? Comment pourra-t-il rejoindre l'enseignement général ? Cela lui sera impossible ! Aussi sera-t-il enfermé dans un secteur professionnel, donc à la merci des évolutions positives ou négatives de ce secteur. C'est tout le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je n'ai rien compris aux explications de Mme David : celles-ci n'ont aucun rapport avec l'amendement n° 560 ! Il a été fait allusion, entre autres, aux chefs d'État. Or l'amendement tend à remplacer les mots : « une formation d'apprenti junior » par les mots : « l'une ou l'autre des deux années de cette formation ».
Ma chère collègue, je vous ai écoutée attentivement. Vos propos ne correspondent absolument pas aux mesures que vous proposez. Me voilà donc perdu. M. le ministre a-t-il compris ?...
Mme Annie David. Il semble que je ne sois pas la seule à ne rien comprendre !
M. Roland Muzeau. Demandez une suspension de séance !
M. Alain Gournac, rapporteur. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je rappelle que cette formation ne dure pas deux ans : elle peut durer éventuellement trois ans, puisque sont prévues une année d'initiation et au moins deux années avec un contrat d'apprentissage.
Par conséquent, adopter votre amendement, madame David, reviendrait en réalité à supprimer l'apprentissage junior, ce que, je le comprends parfaitement, vous pouvez souhaiter, puisque vous y êtes opposée. Exprimé ainsi, cela a au moins le mérite d'être direct. Mais comme je ne souhaite pas supprimer l'apprentissage junior - c'est ce qui nous différencie -, je ne peux malheureusement que donner un avis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Messieurs les ministres, à mon tour, je suis troublée.
En effet, alors que l'on nous a expliqué tout à l'heure qu'il fallait de toute urgence examiner l'amendement de Mme David, parmi quelques autres, le rapporteur nous apprend ensuite qu'il ne comprend pas du tout de quoi il s'agit.
Je voudrais qu'on nous apporte des explications claires : de quoi parle-t-on ? Quelles sont les priorités du Gouvernement ? Quelles sont celles de la commission des affaires sociales ?
J'ai compris du débat précédent que M. Mercier et les membres de son groupe partageaient, peu ou prou, l'argumentation de l'opposition selon laquelle il était extrêmement hasardeux de proposer un apprentissage à des enfants aussi jeunes, à des enfants dont la croissance physique et la maturité intellectuelle n'étaient pas suffisantes pour leur permettre d'entrer dans le monde du travail.
Aujourd'hui, nous ressentons très fortement le besoin d'encadrer de façon précise ce dispositif, à défaut d'être capables de vous convaincre de le retirer. Mais je ne comprends pas l'argumentation du rapporteur, qui n'apporte rien sur le fond et qui ne permet pas de saisir la nature du débat qui l'oppose à Mme David. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Moi, ce qui me trouble, c'est la façon dont les choses se passent très concrètement pour les jeunes au moment de leur orientation. Ils ne vont pas, à quatorze ans, décider de suivre une formation d'apprenti. Pour que l'orientation soit volontaire et réussie, il faut qu'il y ait une véritable préparation, initiée par les équipes pédagogiques.
À l'école primaire, puis au collège, le jeune est en quelque sorte dans un cocon. Ce dispositif n'est pas destiné exclusivement aux élèves en difficulté puisque c'est, nous dit-on, une filière d'excellence. À un moment donné, il s'agit d'essayer de construire avec ce jeune un parcours de décision et de mettre en place un changement de vie. Ce jeune qui va, en effet, dans un avenir pas si lointain, se retrouver dans un contrat de travail, doit d'abord pouvoir se projeter dans cette situation. C'est un bouleversement en termes d'orientation. Même les psychologues scolaires s'accordent à dire que cela nécessite une prise en charge.
C'est donc bien à l'âge de treize ans, plusieurs mois avant le début de la formation, qu'il faut aider le jeune à prendre une décision souveraine, puisqu'il doit faire usage de son libre arbitre. C'est lui qui prend la décision, selon ce qu'a dit M. de Robien.
C'est bien à l'âge de treize ans qu'un jeune va pouvoir orienter sa vie dans cette direction, car, quatorze ans, c'est l'âge où il peut entrer en apprentissage. L'orientation ne se fait pas le jour même où il intègre la formation, surtout quand il s'agit de quelque chose d'aussi important.
Le débat est toujours le même ; que vous disiez quatorze ans ou quinze ans, à chaque fois, vous essayez de rendre les choses plus acceptables.
À un jeune de treize ans qui, peut-être, parce qu'il y a un moment de doute, parce qu'il commence très tôt à éprouver la crise de l'adolescence, et non pas forcément parce qu'il est en échec scolaire, s'ennuie au collège, on va dire : « tu peux faire quelque chose de plus concret maintenant, tu vas moins t'ennuyer ». On pense qu'il préférera entrer plus vite dans le monde réel, plutôt que de rester au fond de la classe à s'ennuyer face à un enseignement trop théorique qui lui échappe parfois.
Mais peut-on parler de libre arbitre quand on commence à diriger un jeune de treize ans vers ce qui va être sa voie professionnelle pour longtemps, voire pour toute sa vie ? Sans vouloir nullement vous insulter, je pense que vous ne le feriez pas pour vos enfants ni moi pour les miens. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je sais très bien ce qu'est un enfant de treize ans et c'est pourquoi je considère que ce que vous proposez ne peut relever du libre arbitre et de la seule décision des enfants.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il nous parle de l'amendement précédent !
M. David Assouline. Nous parlons d'enfants et vous continuez à faire les choses de façon très impersonnelle parce que, comme vous ne pensez pas que vos propres enfants puissent être concernés, cela reste théorique. Essayez de vous rappeler l'époque où les enfants que vous avez eus avaient treize ans. C'était il y a longtemps. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Non, pas du tout !
M. David Assouline. Alors peut-être est-ce le cas pour certains, si ce n'est pour vous. Ce n'est pas grave !
Imaginez que vous êtes tranquillement attablés en famille et que vous dites à votre fils : « Pierre, tu as treize ans, l'apprentissage, cela te dirait ? N'aimerais-tu pas faire quelque chose d'un peu plus concret et de professionnel plutôt que de risquer de t'ennuyer encore longtemps à l'école ? » Imaginez-vous le visage poupin de votre enfant quand vous lui proposerez cela ? (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Démago !
M. David Assouline. Alors, arrêtez de croire que cette réalité n'est que pour les autres !
M. Alain Gournac, rapporteur. Qu'il se taise !
M. David Assouline. Si c'était une filière d'excellence, vous pourriez apprécier cette situation et la vivre telle que je vous la donne.
M. Roland Muzeau. Très bien ! C'est la vraie vie !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je veux dire à M. Assouline qu'il faut se garder de tout excès.
Nous avons tous des enfants, j'en ai moi-même qui ont cet âge. Ils ont vécu bien d'autres drames que le seul fait de se demander s'ils allaient intégrer une filière qui pouvait les amener dans le second degré, puis à l'université. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Dominique Voynet. Mais ce sont des drames !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas la même chose, et je vous assure que certains jeunes ont bien plus de compétences, bien plus de capacités de résilience face à l'épreuve que vous ne l'imaginez. (Bravo ! et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. N'ayant guère pris la parole durant ces deux derniers jours, je souhaiterais, à l'occasion de cette explication de vote, évoquer les formations professionnelles et technologiques.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela n'a rien à voir avec l'amendement dont nous discutons !
Mme Éliane Assassi. Nous proposons que l'essor de ces formations constitue un objectif prioritaire pour l'école de demain.
La formation professionnelle et technologique, qui conduit à un emploi stable, est l'enjeu des dix prochaines années. Cette proposition prend le contre-pied de la vôtre, qui consiste à livrer les enfants au marché du travail en les privant au passage de toute possibilité de formation professionnelle digne de ce nom. À l'inverse, nous proposons de renforcer les formations professionnelles et technologiques, afin que les jeunes adultes aient une réelle compétence à valoriser sur le marché du travail.
Plus précisément, nous proposons que, d'ici à cinq ans, aucun jeune ne quitte le système éducatif sans une qualification reconnue, sanctionnée par un diplôme - CAP ou BEP - ouvrant la voie au baccalauréat ou à des études supérieures.
La reconnaissance de la qualification doit permettre l'accès à un emploi, qui demeure l'un des objectifs de toute formation. Nos lycées professionnels doivent cesser d'être trop souvent des instituts de formation au chômage de longue durée.
Le Gouvernement doit organiser le système de « sécurité-emploi-formation » des jeunes, et ce dès l'obtention du diplôme. N'oublions pas, monsieur le ministre, que la première sanction de la réussite scolaire, c'est l'embauche. On ne peut pas dire qu'avec 10 % de chômeurs les perspectives soient brillantes dans ce domaine ! Mais est-ce bien la faute de l'école ?
Nous demandons non pas de soumettre l'organisation des filières au bon vouloir du marché, comme le souhaiterait Madame Parisot, mais d'assurer un accès massif à l'emploi, par coordination des politiques scolaire et industrielle.
Cette vision d'ensemble fait cruellement défaut à la politique de M. de Villepin, qui souhaite renforcer le clivage entre les travailleurs non qualifiés d'une part, assignés à résidence dans une voie professionnelle non valorisante et non émancipatrice, et les travailleurs qualifiés d'autre part, qui auront la chance de pouvoir continuer l'école au-delà de quatorze ans.
Par ailleurs, je m'interroge sur le cloisonnement excessif des formations. Ne faut-il pas réduire la coupure élitiste qui existe entre lycée technique et lycée d'enseignement général, en développant fortement les passerelles ? Seule cette voie permettra de diversifier les possibilités de choix des élèves dans leur vie professionnelle.
À défaut de réfléchir à une telle évolution, l'écart entre ces deux écoles s'accroîtra, confortant la réalité d'une école à deux vitesses, l'une destinée à former l'élite et les cadres de la société, l'autre à former les salariés voués à la précarité et à la soumission aux règles toujours plus dures de la libéralisation du marché, c'est-à-dire appelés à jouer le rôle de variable d'ajustement.
C'est pourquoi nous proposons de mettre en place des classes passerelles afin que les élèves puissent préserver leur liberté de choisir leur avenir.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je souhaite attirer l'attention de mes collègues sur cette question de l'apprentissage et formuler quelques réflexions.
Lors de ses voeux à la presse, le Premier ministre a indiqué qu'il fallait chaque jour quelques gouttes d'humour et de tendresse.
Mme Dominique Voynet. On n'a eu ni l'un ni l'autre !
M. Josselin de Rohan. On peut compter sur vous pour cela !
M. Jacques Mahéas. Très franchement, je ne sais pas où, dans cet article, se situe l'humour et, surtout, je ne vois pas la tendresse.
Personnellement, j'ai été principal de collège pendant de nombreuses années.
M. Dominique Braye. Les pauvres élèves !
M. Jacques Mahéas. C'est inacceptable ! Vous vous conduisez comme un imbécile, monsieur Braye !
M. Roland Muzeau. Demandez une suspension de séance !
M. le président. Restons sereins !
M. Jacques Mahéas. Je répète donc que j'ai été, pendant de nombreuses années, principal de collège, ne vous en déplaise. J'ai bien évidemment eu l'occasion de voir des élèves en difficulté. Cela, je ne le conteste pas.
À l'évidence, ces élèves en difficulté étaient les plus difficiles à orienter, et plus nous les orientions rapidement, plus l'orientation était un échec. Donc, au lieu de leur faciliter la vie et de leur apporter un plus dans le cursus éducatif normal, en réalité, en les orientant d'une façon trop précoce, on les désavantageait.
Par ailleurs, s'agissant de cet amendement n° 560, peut-être aurait-il été intéressant d'en discuter avec l'amendement suivant, afin de montrer que l'équipe pédagogique peut intervenir à chaque période de formation pour savoir s'il est préférable de poursuivre cette formation ou de retourner vers le collège.
En effet, il suffit quelquefois de quelques mois pour que l'enfant ait un déclic et réalise qu'il s'est trompé en choisissant un apprentissage beaucoup trop précoce. En balayant la station-service, par exemple, il peut se rendre compte très vite que ce n'est pas vraiment ce qu'il veut faire. Alors que l'on veut éviter de créer une situation d'échec, c'est l'inverse qui risque de se produire. Et comme ces élèves sont déjà en difficulté, on ajoute l'échec à l'échec.
Bien évidemment, si ce déclic se produit, l'équipe pédagogique, après avoir analysé le comportement de l'enfant, la volonté de celui-ci aidant, bien sûr - je dis bien « enfant », et non pas « jeune homme » ou « étudiant », car, à quatorze ans, on est un enfant -, doit l'accompagner et lui permettre, à tout moment, de choisir une autre orientation.
Je ferai une comparaison avec le milieu sportif. De même que les écoles des sports offrent le choix entre la pratique de plusieurs sports, l'école devrait proposer un large éventail de disciplines. C'est ce qui s'appelle tout simplement l'information sur l'orientation professionnelle, laquelle peut naturellement se faire au sein du collège.
Par conséquent, je vous demande de faire preuve d'un peu de tendresse envers ces jeunes et de laisser l'humour de côté, surtout celui de M. Braye. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. L'amendement n° 560 présenté par Annie David tend à réaffirmer notre attachement à une mesure de lutte contre l'échec scolaire et les inégalités.
L'expérience nous montre que la lutte contre l'échec scolaire doit être non pas à la marge, mais au coeur de la politique éducative. Cependant, on ne doit pas penser l'échec scolaire uniquement à partir du collège. En effet, vous savez bien qu'il trouve ses fondements dès la maternelle.
Cette lutte contre l'échec scolaire doit être préventive et non compensatrice, et ce dès la maternelle, en refusant de considérer celle-ci comme un mode d'accueil : c'est bien un lieu de scolarisation, partie intégrante du système scolaire. Cela induit de préserver et d'étendre son rôle.
La maternelle constitue dans notre pays une originalité, enviée mais de plus en plus décriée par certains, en portant la scolarisation obligatoire à trois ans et en reconnaissant comme un droit la scolarisation des enfants de moins de trois ans pour les familles qui en font la demande et pour lesquelles, bien sûr, il y a un intérêt pédagogique réel à les scolariser : je pense à de nombreuses familles des grands quartiers populaires comme les Minguettes et tant d'autres.
La scolarisation des moins de trois ans régresse aujourd'hui, alors que de nombreuses études montrent qu'elle permet de prévenir l'échec scolaire pour les enfants issus des classes défavorisées, par la préparation à l'acquisition des savoirs fondamentaux et la maîtrise de la langue.
Pour moi, cet état de fait prépare la disparition de cette « première école », pourtant indispensable !
Il convient également d'assumer les hautes ambitions que nous avons pour l'école, en rendant la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de dix-huit ans, afin de permettre à chaque jeune d'accéder à une culture scolaire commune de haut niveau. L'acquisition de cette culture commune de haut niveau par tous nos jeunes est indispensable dans la société du XXIe siècle.
Il faut que la scolarité obligatoire soit capable, d'une part, d'offrir une formation initiale à tous les élèves et de répondre aux besoins sociaux, technologiques et scientifiques de cette société et, d'autre part, de faciliter par la suite, dans les meilleures conditions, la reprise éventuelle d'études en formation continue et une validation des acquis de l'expérience, dans le cadre de la formation tout au long de la vie.
Il est donc primordial pour nous que l'appropriation d'une culture scolaire commune de haut niveau par tous les jeunes soit un objectif fondamental de l'école obligatoire. Cet objectif devrait inspirer tous les programmes, toutes les disciplines, pour tous les élèves, de l'école maternelle au lycée, quel que soit le diplôme préparé et quelle que soit la filière choisie.
Tout cela, j'en suis persuadé, vous paraît évident, et vous devez considérer que j'enfonce une porte ouverte, car nous savons tous que la discrimination scolaire existe !
Au demeurant, l'amendement qui vous est proposé ne va pas bouleverser l'école car, dans les faits, cette scolarité est déjà réalisée depuis longtemps. Ainsi, 98 % des enfants sont scolarisés en maternelle dès l'âge de trois ans, 28 % le sont entre deux et trois ans et 85 % d'une classe d'âge est scolarisée d'une manière ou d'une autre jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
Ce sont ces principes d'une indiscutable évidence pour nous que nous tenions à réaffirmer.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Jusqu'à présent, j'ai tenu le coup, mais, là, je ne comprends plus ! Consacrer quinze minutes à débattre d'un amendement qui tend à remplacer les mots « une formation d'apprenti junior » par les mots : « l'une ou l'autre des deux années de cette formation », c'est pour nous faire piétiner !
Vous nous parlez de l'affection que l'on doit porter à l'enfant. Ce qui m'intéresse, c'est le devenir de l'enfant !
Mme Annie David. Ah oui !
Mme Hélène Luc. Justement !
M. Philippe Nogrix. Un enfant, c'est un adulte qui est en train de se construire. Il faut non pas s'arrêter à son présent, mais envisager son avenir.
L'important, c'est que le jeune qui entre en apprentissage soit parce que les enseignants, lassés de le voir dans la classe, ont cherché à s'en débarrasser au plus vite, soit parce que ses parents ne se sentaient plus capables de canaliser son énergie, soit parce qu'il était lui-même désireux de maîtriser la matière, d'entrer dans la vie active, d'apprendre un métier,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À treize ans ans ?
M. Philippe Nogrix. ...puisse revenir à l'école. Si, après un an, il s'aperçoit qu'il a besoin d'acquis nouveaux, il faut lui laisser la possibilité de réintégrer l'école.
Par conséquent, considérez le devenir de cet adulte en construction, plutôt que d'essayer de nous faire pleurer sur son présent en nous parlant de l'affection à lui porter. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, en application de l'article 38, alinéa 1, du règlement, je demande la clôture de la discussion de l'amendement n °560.
Voilà en effet deux heures un quart que nous discutons sur deux amendements !
M. David Assouline. Trois amendements !
M. Josselin de Rohan. Comme l'a très bien dit Philippe Nogrix, on veut nous faire piétiner. Il faut avancer ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. En application de l'article 38, alinéa 1, de notre règlement, je suis saisi d'une demande de clôture de la discussion de l'amendement n° 560.
Je vous rappelle qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article 38 la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans les explications de vote portant sur un amendement.
M. David Assouline. Je demande la parole pour explication de vote !
M. le président. En application de l'alinéa 2 de cet article, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat !
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je vais consulter le Sénat à main levée.
(La clôture est prononcée.)
M. Roland Muzeau. C'est le cinquième coup de force !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous allez de coup de force en coup de force.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vous qui les organisez !
M. Roland Muzeau. La partie n'est pas finie, vous allez voir ! Il reste 27 articles !
M. Dominique Leclerc. Encore des menaces !
M. Dominique Braye. C'est pire que les représailles dans les banlieues !
M. Roland Muzeau. C'est vous qui cherchez à mettre le feu à l'hémicycle.
M. le président. Je lance un appel au calme ! La tâche de la présidence n'est pas simple, ce soir !
Je mets aux voix l'amendement n° 560.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 92 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 107, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L 337-3 du code de l'éducation, remplacer les mots :
à l'issue de chaque période de formation prévue dans le projet pédagogique,
par les mots :
à tout moment, après avis de l'équipe pédagogique et
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faut savoir que 25 % des contrats d'apprentissage sont rompus dès les premiers mois. Qu'en sera-t-il pour les stages d'initiation aux métiers ?
On peut craindre, particulièrement chez des jeunes de cet âge, qui sont encore des adolescents, ou des enfants, de quatorze à seize ans, des réactions extrêmement brutales à l'obligation de fait d'aller en entreprise. Il est en effet évident qu'une fois la section choisie le jeune ne pourra plus reculer.
Il est donc nécessaire de prévoir, dès l'année de stage, une possibilité de changer d'option, et de pouvoir le faire très vite, sans être obligé d'attendre ce que vous appelez « la fin d'une période de formation ».
La durée de chacune de ces périodes qui devraient scander les deux années de préapprentissage n'est d'ailleurs pas précisée. Faut-il comprendre qu'il s'agit de la première, puis de la deuxième année ? S'agit-il de séquences plus courtes ?
Durant la première année, faut-il comprendre que vous entendez par « période » chaque session dans un établissement de formation, d'une part, et chaque stage en entreprise, d'autre part ?
La manière imprécise dont ce texte est rédigé nous conduit à demander que le jeune puisse modifier à tout moment cette situation.
Un jeune de cet âge, encore en pleine croissance, peut parfaitement connaître des moments de difficulté scolaire qui l'amèneront à être admis dans votre formation d'apprenti junior et à suivre des stages en entreprise. Il peut alors se rendre compte que ce n'est pas la voie qu'il recherche et demander à revenir dans l'enseignement général. Et là, il ne faut pas attendre, monsieur le ministre.
Il peut en être de même plus tard, lorsqu'il a déjà signé le contrat d'apprentissage, dès quinze ans.
La fragilité de la jeunesse, déjà si malmenée, exige que nous tenions compte de ces revirements possibles. Il faut éviter que le jeune ne se sente coincé dans cette voie, qu'il ne se décourage et ne se dévalorise, qu'il abandonne brutalement et durablement en restant seul, et qu'il connaisse de ce fait des moments de creux qui peuvent le conduire à commettre ce que les adultes appellent des « bêtises », qui sont en fait des réaction de mal-amour, de mal-vivre, de mal de soi.
Nous demandons que le jeune dispose au moins de la liberté de sortir à tout moment du dispositif et soit aidé dans cette circonstance.
Monsieur le ministre, j'entends beaucoup parler d'entrée et de sortie d'apprentissage, de vie en apprentissage. Vous savez, entrer en apprentissage à quatorze ou à quinze ans, ce n'est pas comme changer d'école ou aller dans un groupe scolaire. Quand le choix est fait dans la famille, quand l'arbitrage est rendu, il y a un moment extrêmement difficile à passer. Il s'agit presque d'une rupture avec le milieu familial. Certains le vivent d'une façon très heureuse, mais c'est un moment difficile, même si l'on s'en trouve bien après. Et je vous parle d'expérience !
Cela vous fait sourire...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne savent pas ce que c'est !
M. Jean-Pierre Godefroy. ...mais il est impératif, surtout à cet âge, que le choix soit opéré en parfaite harmonie avec les parents, les éducateurs, le tuteur et l'entreprise.
Il faut avoir la possibilité d'arrêter vite, car il serait dramatique de ne pouvoir rompre ce stage en entreprise, qui est en réalité un contrat de travail à partir de quinze ans. Cette période d'incompréhension de deux ou trois mois - pourquoi ne veut-on pas entendre que je ne peux plus faire cela ? - peut en effet faire échouer définitivement l'enfant.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir accepter cet amendement, afin que l'enfant ne se sente pas obligé de subir jusqu'à la fin la période de formation, avec l'accord de l'équipe pédagogique.
C'est un élément très important. Si l'on veut que l'apprentissage fonctionne, de tels échecs ne doivent pas se produire, parce que les jeunes se diront : « Je me suis fait coincer, je me suis fait avoir, je n'ai pas pu en sortir », et cela ne marchera pas !
C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement, monsieur le ministre, qui ne devrait pas vous poser de problème. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vous ai écouté avec attention, monsieur Godefroy, présenter cet amendement sur lequel la commission a émis un avis favorable.
En effet, vous proposez une plus grande souplesse dans les modalités de retour éventuel au collège. C'est un élément positif, même si vous avez indiqué par ailleurs que le retour au collège était impossible ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce sera très difficile !
M. Jacques Mahéas. Il ne faut pas prolonger !
M. Alain Gournac, rapporteur. Franchement, pourrions-nous nous écouter pendant quelques minutes ?
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez parler le rapporteur !
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement introduit une plus grande souplesse et la concertation qu'il prévoit me paraît bonne.
Tout à l'heure, nous assistions à une scène catastrophique à table ; là, au moins, la situation est moins catastrophique, Pierre va pouvoir revenir...
M. David Assouline. Il peut s'en sortir !
M. Alain Gournac, rapporteur. Donc, avis favorable !
M. David Assouline. Eh bien voilà, nous nous sommes écoutés !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je suis ravi de cet amendement qui démontre, au-delà des discours qui ont été tenus, que M. Godefroy et ses amis croient maintenant à la réversibilité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous pensons en effet que la réversibilité peut et doit marcher. Nous espérons simplement qu'elle ne sera pas trop souvent appliquée, parce que cela voudra dire que le jeune a vraiment trouvé sa voie.
Mme Annie David. Il ne sera plus à l'école !
M. Gilles de Robien, ministre. Il peut y avoir des ratés, parce que la nature humaine est complexe et que, à quatorze, à quinze ou à seize ans, on peut changer, selon les caractères, les découvertes, les vocations.
Ceci étant dit, nous pensions que des rencontres, des rendez-vous étaient prévus dans le projet pédagogique personnalisé liant le jeune avec le système. Celui-ci est peut-être un peu rigide, même s'il paraissait intéressant en termes de modules.
Si l'amendement que vous proposez génère de la souplesse et une liberté d'esprit à la fois pour les parents et pour les enfants, au nom du Gouvernement, je donne un avis favorable.
M. Bernard Frimat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Nous commençons une discussion intéressante. (M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.) Absolument !
Dans ses voeux, le Président de la République évoquait la science, la recherche, le développement des techniques et tout ce qu'ils pouvaient offrir aux jeunes gens de notre pays. Or écoutez ce que dit le professeur Samuel Joshua, professeur en sciences de l'éducation, du projet de loi qui nous est soumis, projet sur lequel il rappelle d'ailleurs l'opposition de tous les chercheurs.
Je le cite : « C'est la suite logique des décisions annoncées par ce gouvernement qui prend aujourd'hui prétexte de la crise des banlieues pour mettre en place un programme de destruction de l'école obligatoire jusqu'à seize ans. Ce programme...
M. Alain Gournac, rapporteur. Madame, êtes-vous favorable à l'amendement ? Vous parlez du Président de la République... C'est honteux !
M. Christian Cambon. Qui est ce professeur ? Un militant à la cellule de Choisy-le-Roi ?
Mme Hélène Luc. S'il vous plaît, c'est trop sérieux pour que vous agissiez de cette façon !
Je poursuis : « Ce programme était prévu de longue date par l'Europe : dans tous les pays de l'Union européenne,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Hors sujet ! Obstruction !
Mme Hélène Luc. ...l'idée s'est installée qu'il y avait trop d'école, pour trop de monde, pendant trop longtemps, et que c'était l'une des causes de la crise.
M. Christian Cambon. Où enseigne-t-il, ce professeur ? À l'école du parti ?
Mme Hélène Luc. « La solution ? Une école beaucoup plus ségrégative. » Voilà où vous en arrivez !
M. le président. Madame Luc, restons dans le sujet ! Tout le monde semble d'accord : le Gouvernement approuve la proposition de M. Godefroy, qui devrait faire l'unanimité. Alors, gagnons du temps !
Mme Hélène Luc. Si on ne peut plus parler dans cette assemblée, alors... (Exclamations.)
M. Dominique Braye. Arrêtez de faire de l'obstruction !
M. le président. On peut parler sur le sujet !
Mme Hélène Luc. Mais on est en plein dans le sujet !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il y a obstruction même quand nous sommes favorables !
Mme Hélène Luc. Écoutez ses propos : « Si parfois il y a eu des ralentissements et même une tentative de retour en arrière sous Pétain, il n'y avait jamais eu réellement de régression comme celle que nous connaissons aujourd'hui. C'est donc la première fois que les générations qui viendront après nous seront moins éduquées que les nôtres ».
Voilà ce que je veux vous dire, parce que c'est le fond de la discussion que nous avons aujourd'hui ! Or vous prenez le problème à l'envers. Vous voulez, avec des enfants de quatorze ans que l'éducation nationale n'a pas été capable de former correctement...
M. le président. Madame Luc, donnez votre position sur cet amendement : vous êtes pour ou contre ? (Elle ne sait pas ! sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Je suis contre ce que vous êtes en train de faire et contre la démagogie...
M. Alain Gournac, rapporteur. Et sur l'amendement ?
M. le président. Je vous demande votre explication de vote sur l'amendement de M. Godefroy !
Mme Hélène Luc. ...car ce projet sur l'égalité des chances n'a aucun sens. Les sénateurs de l'opposition...
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 495, présenté par Mmes Létard, Morin-Desailly et Dini et M. Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :
À l'issue de la première période de formation, ils peuvent également demander à poursuivre le parcours d'initiation aux métiers, si leur projet professionnel n'est pas suffisamment abouti pour leur permettre de signer un contrat d'apprentissage.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement vise à autoriser les jeunes à ne pas entrer en apprentissage dès la fin de leur première année d'apprentissage junior. Nous entendons ainsi donner la possibilité aux jeunes en apprentissage junior de bénéficier d'une année supplémentaire de parcours d'initiation au métier avant d'intégrer le cursus classique de l'apprentissage.
Il faut noter, en effet, qu'à l'heure actuelle 25 % des élèves qui ont signé un contrat d'apprentissage abandonnent la formation avant la fin et sortent donc sans qualification professionnelle. Bien souvent, cet abandon résulte d'un manque d'information ou bien d'une inadéquation avec la réalité professionnelle de la formation choisie.
Dans ces conditions, et pour ces élèves qui arriveront dans la filière en état d'échec scolaire, il est nécessaire que le choix d'un apprentissage résulte bien d'une demande réfléchie, si l'on veut éviter des sorties du dispositif qui constitueraient un nouvel échec dans des parcours de vie parfois très chaotiques.
Étant donné l'âge d'entrée dans la formation d'apprenti junior, il ne paraît pas irraisonnable de laisser à certains élèves deux années sous statut scolaire pour se déterminer. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est tout à fait favorable à cet amendement, qui vise à offrir une possibilité supplémentaire si le projet professionnel n'est pas suffisamment abouti.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. L'idée est remarquable et prudente. Si le jeune, durant cette année d'initiation, n'est pas encore tout à fait sûr de sa vocation, il peut, le cas échéant, poursuivre cette initiation ou revenir au collège.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, exclusivement pour explication de vote sur l'amendement n° 495...
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, vous me connaissez...
M. le président. Oui, justement ! (Rires.)
M. Roland Muzeau. Ah, pas de procès d'intention à cette heure-là !
M. le président. Je le dis en toute amitié. (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Je n'ai pas pu intervenir alors que j'avais levé la main pour m'exprimer sur l'amendement de mon ami Jean-Pierre Godefroy...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il est adopté !
M. Roland Muzeau. Je ferai simplement quelques remarques sur l'amendement présenté par l'UC-UDF, qui vise comme quelques autres, ce qui est pour nous inacceptable, ...
M. Josselin de Rohan. Alors, votez contre !
M. Roland Muzeau. Vous ne me laissez parler qu'une fois sur trois, alors, laissez-moi au moins terminer !
Je ne conteste nullement les bonnes intentions des auteurs de l'amendement, qui cherchent à amoindrir les effets néfastes de l'apprentissage à l'âge de quatorze ans, mais des effets incontestables demeurent pour toutes les personnes de bonne foi.
Quels sont-ils ? Premièrement, comme l'a rappelé Nicole Borvo, il est aujourd'hui terriblement difficile, pour des jeunes, d'obtenir des stages dans les entreprises et des formations en alternance, même si cette difficulté décroît au fur et à mesure que le niveau d'étude s'élève.
Il n'existe quasiment aucune difficulté en matière d'alternance pour les diplômes d'ingénieur, par exemple. Mais, en ce qui concerne les formations préparant au CAP - et cela m'étonnerait que vous puissiez dire le contraire -...
M. Christian Cambon. Je dis le contraire : j'ai un CFA d'un millier de jeunes dans ma ville et ils trouvent tous des stages !
M. Roland Muzeau. Bien sûr, mais vous, vous êtes très fort, monsieur Cambon ! Moi aussi, j'ai des CFA ! Et cessez de me couper la parole, s'il vous plaît !
Tous les élus locaux reçoivent des familles qui viennent avec leurs enfants leur demander d'intercéder auprès des entreprises afin de débloquer les autorisations, pour que les cursus éducatifs et de formation puissent enfin se dérouler.
Vous ne pouvez pas nier non plus que, dans ma ville, des dizaines et des dizaines de jeunes sont obligés de perdre une année parce qu'ils dépassent les délais d'inscription dans les centres de formation. Cela, c'est une réalité !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Roland Muzeau. Ou alors, ils se voient proposer une autre formation moins prisée dont ils ne veulent pas : si cette formation est moins prisée, c'est qu'il doit y avoir des raisons !
Je ne peux accepter la proposition de l'UC-UDF, même si j'adhère à son humanisme, car elle ratifie la possibilité de signer un contrat d'apprentissage à quatorze ans. Je ne refuse pas la démarche intellectuelle, je refuse l'acceptation : dire oui à cet amendement, c'est consentir au dispositif initial contre lequel je me bats depuis le début !
Monsieur le président, puisque vous recherchez dans les explications de vote une opinion, voici la mienne : je suis malheureusement désolé de dire à M. le rapporteur que le groupe CRC est opposé à cet amendement de compromis, car il s'agit d'un compromis d'acceptation de la totalité du texte.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Mes chers collègues, Roland Muzeau vient de l'expliquer : il nous est difficile de vous suivre sur cette voie.
Vous proposez une réécriture de l'article L.337-3 du code de l'éducation en essayant d'améliorer la proposition qui est faite par le Gouvernement.
Certes, une telle tentative est pleine d'humanisme, Roland Muzeau l'a souligné. Mais accepter cette réécriture de l'article L. 337-3, c'est accepter que les CLIPA disparaissent, c'est accepter que la réussite de ces jeunes en grande difficulté, dont nous nous soucions tous, intervienne, pour une partie d'entre eux du moins, en dehors du milieu scolaire.
En effet, mes chers collègues, l'article L. 337-3 que vous voulez supprimer - en le réécrivant en totalité - a tout de même le mérite d'être très clair puisqu'il prévoit d'accueillir dans les fameuses classes d'initiation professionnelles en alternance, les CLIPA - classes installées dans des lycées professionnels, dans des centres de formation d'apprenti, ou dans des collèges disposant d'enseignants et de moyens adaptés -, à partir de l'âge de quatorze ans, des élèves sous statut scolaire qui choisissent plutôt de s'orienter vers une formation de caractère professionnel que de continuer à suivre des études générales au collège.
Ces élèves en difficulté ont aujourd'hui une réponse, puisque les CLIPA existent pour les aider à commencer leur formation professionnelle, tout en restant sous statut scolaire. En effet, ce texte précise bien que les élèves restent sous statut scolaire pendant les deux années que dure leur formation spécifique en CLIPA et que, à l'issue de cette formation, ils peuvent être orientés vers une formation en alternance avec un contrat de travail de type particulier ou sous statut scolaire.
En conséquence, à l'issue de ces deux années passées en CLIPA, les jeunes peuvent contractualiser ou choisir l'alternance en restant sous statut scolaire.
La question à laquelle vous prétendez apporter une réponse, monsieur le ministre, et à laquelle, chers collègues de l'UC-UDF, vous essayez d'apporter, à votre manière, une réponse un peu moins mauvaise, a déjà sa solution avec les CLIPA.
Je ne comprends donc pas la nécessité absolue de créer ce nouveau statut. Du reste, vous êtes-vous seulement posé la question de savoir ce que deviendront les personnels qui travaillent aujourd'hui dans ces CLIPA si vous les supprimez ? Peut-être obtiendrons-nous une réponse ce soir.
Par ailleurs, après les CLIPA, la mission générale d'insertion, la MGI, apporte encore une réponse à ces jeunes en difficulté scolaire ayant atteint l'âge de seize ans. Nous ne pouvons pas en débattre ce soir, monsieur le ministre, puisque cela ne fait pas l'objet de ce projet de loi, mais je vous rappelle que la MGI est elle aussi en grande difficulté. J'alerte sur son état financier à chaque fois que je présente mes rapports budgétaires.
Quoi qu'il en soit, je ne comprends pas pourquoi vous tenez absolument à casser ce qui existe, ce qui fonctionne à l'éducation nationale, malgré les difficultés financières auxquelles sont confrontés tous les personnels qui réalisent un travail véritablement exemplaire avec ces jeunes.
Je ne comprends pas pourquoi vous voulez tout « jeter en l'air » pour créer absolument ce statut d'apprenti junior, à moins que ce ne soit, monsieur le ministre, afin de répondre à un besoin du marché économique.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous l'avez déjà dit !
Mme Annie David. Évidemment, vous savez bien que je ne pourrais pas vous suivre sur cette voie.
De plus, je me demande à quelle demande du marché vous allez bien pouvoir répondre, puisque même les représentants de l'Union des professions artisanales, l'UPA, ont annoncé qu'ils étaient plus embêtés qu'enthousiasmés par votre proposition !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'intéresse pas les entreprises !
Mme Annie David. Aujourd'hui, dans l'éducation nationale, il existe, au sein des collèges et des lycées, des structures pour les moins de seize ans qui peuvent apporter une réponse à ces difficultés, si on les aide un peu. Et, pour les plus de seize ans la MGI peut prendre le relais.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je ne peux accepter la réécriture de cet article L. 337-3 telle qu'elle est proposée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons voté ensemble, tout à l'heure, l'amendement présenté par Jean-Pierre Godefroy. Je pense que vous avez tous été sensibles aux arguments qu'il a développés et qu'ils vous ont touchés.
Si nous avons voté cet amendement, ce n'était en aucune façon de notre part une forme d'acceptation du projet d'apprenti junior. Au contraire, nous l'avons voté parce qu'il permet d'en sortir !
À partir du moment où un amendement construit la sortie d'un système que nous rejetons, il est bien évidemment logique que nous y adhérions pour lutter contre ce que nous estimons être une mauvaise solution.
Quant à l'amendement n° 495, présenté par nos collègues de l'UC-UDF, il part selon moi d'un constat juste : 25 % des élèves ayant signé un contrat d'apprentissage abandonnent la formation avant la fin et sortent sans qualification professionnelle. C'est également l'une des réalités de l'apprentissage, et il faut la prendre en compte.
Cependant, je ne vous suis pas, mes chers collègues, dans l'analyse que vous faites de cet échec qui concerne, je le répète, 25 % des élèves. Vous l'attribuez à un « manque d'information » ou à une « inadéquation avec la réalité professionnelle de la formation choisie », formule très elliptique.
De surcroît, un point m'inquiète dans votre proposition : si le jeune refait une deuxième année, il sortira à seize ans du système sans rien. Or, c'est précisément ce que nous voulons éviter.
Nous sommes donc en désaccord avec cette tentative de pérennisation et nous ne saurions accepter que soit fait en trois ans ce que M. le ministre propose de faire en deux ans.
En outre, votre proposition s'inscrit parfaitement dans la logique de l'apprenti junior, logique que nous refusons.
Nous voterons donc contre votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. Je voterai en faveur de cet amendement d'assouplissement, tout à fait bienvenu et nécessaire, d'autant que, effectivement, entre treize et quinze ans, un enfant peut encore s'interroger très légitimement sur son avenir et qu'il a besoin d'une information plus large sur ce qui se profile devant lui.
Cela dit, monsieur le président, je veux exprimer une certaine stupéfaction personnelle.
Je siège dans cette assemblée depuis plus de vingt-sept ans : c'est la première fois que je vois se dérouler un tel détournement du règlement.
S'ouvre devant nous, si j'ai bien compris, la perspective d'un vote négatif du groupe CRC sur l'article 1er. Je n'ai jamais assisté à trois cent cinquante explications de vote sur un article ! Or c'est très exactement ce qui se produit puisque, amendement par amendement, point de détail par point de détail, est remise en cause l'intégralité de cet article par ses membres !
C'est un véritable détournement du règlement et je tenais à en faire la réflexion devant le Sénat. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Annie David. Il ne s'agit pas d'une explication de vote !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je veux reprendre et approfondir ce qu'a dit M. Frimat.
Lorsque M. de Robien, tout à l'heure, a accepté l'amendement de M. Godefroy, il a insisté, un peu en souriant, sur le fait que nous étions d'accord sur la réversibilité : non, nous n'entrons pas dans cette logique !
Lorsqu'on examine des amendements, même si l'on est contre une loi, l'idée est d'aller vers tout ce qui peut tendre à notre objectif et non de s'enferrer dans le jusqu'au-boutisme. Or notre objectif, en ce qui concerne l'article 1er, est de refuser l'apprentissage à l'âge de quatorze ou de quinze ans, disposition injuste et grave erreur pédagogique qui fait peser une menace sur l'avenir de nos enfants.
En conséquence, à partir du moment où l'amendement de M. Godefroy permet de sortir d'un dispositif que nous rejetons, il est positif de notre point de vue !
M. Girod, dont je respecte l'ancienneté dans la maison, nous a fait part de sa stupéfaction. En raison de son ancienneté il est plus à même que moi de nous dresser un état des lieux des habitudes procédurales. À ce titre, je souhaiterais lui poser quelques questions.
Que pensez-vous, monsieur Girod, des procédures qui ont été utilisées par le Gouvernement, par les présidents de commission, voire par la présidence avant que nous débutions l'examen de ce projet ? Que pensez-vous du fait que la discussion d'un texte - le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif - s'interrompe au milieu de la nuit parce qu'il faut impérativement commencer l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas une explication de vote !
Mme Hélène Luc. Laissez parler les sénateurs, monsieur Gournac !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vais faire comme vous, madame : je vais prendre la parole pour dire n'importe quoi !
M. David Assouline. C'est une explication de vote semblable à celle de M. Girod !
M. le président. Monsieur Assouline, veuillez rester dans le cadre de votre explication de vote !
M. David Assouline. Monsieur le président, je veux juste rétablir une vérité : les sénateurs de l'opposition ne sont pas les seuls à faire des choses qui ne se sont jamais vues dans cet hémicycle !
Par exemple, hier, a été constaté un quorum qui n'existait pas. Vous savez que des journalistes sont dans les tribunes. Ils étaient stupéfaits : alors que vingt-cinq sénateurs de droite étaient présents, on a déclaré que le quorum était atteint ! Dans aucune assemblée, en France ou dans le monde, le quorum n'est constaté de façon aussi arbitraire !
Je souhaiterais donc, monsieur Girod, que votre stupéfaction ne soit pas à sens unique. Les procédés utilisés pour faire « tomber » des amendements et pour faire absolument passer « à marche forcée » un projet de loi qui n'a pas été discuté à l'Assemblée nationale devraient vous stupéfier également !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il a été discuté !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 567 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 496, présenté par Mmes Létard, Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, après les mots :
plusieurs métiers
insérer les mots :
dans des branches d'activité différentes
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. De même que le parcours d'initiation aux métiers doit permettre aux jeunes apprentis d'effectuer des stages dans différentes entreprises, il doit aussi leur ouvrir différentes branches d'activité.
Tel est le sens de cet amendement, qui vient enrichir le texte afin que les jeunes puissent s'appuyer sur l'expérience de terrain la plus riche possible, pour éviter, par la suite, qu'ils ne sortent du dispositif de l'apprentissage et qu'ils ne retournent dans une logique d'échec et d'exclusion.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le groupe UC-UDF a déposé deux amendements dont le dispositif est assez proche : les amendements n°s 496 et 497.
Pour sa part, le projet de loi met plutôt l'accent sur la nécessité de faire découvrir plusieurs métiers aux jeunes, car il est important qu'ils puissent les comparer.
Je vais prendre un exemple. Avec le texte, l'élève pourra être décolleteur chez un serrurier, obtenir un stage de cariste chez un équipementier automobile ou faire un stage de maintenance informatique chez un fondeur. Ce sont trois métiers différents exercés dans une seule branche. Voilà des choix qui s'ouvrent.
En revanche, si l'on inscrivait dans le texte de loi « dans des branches d'activité différentes », ce serait le contraire : l'élève effectuerait des stages dans le même métier, par exemple la maintenance informatique, dans plusieurs branches différentes, et il n'apprendrait rien de plus.
Il est donc préférable de retenir l'amendement n° 497, qui vise plusieurs entreprises. Ce dispositif offre un choix bien plus large que celui de l'amendement n° 496. Il faut en effet ouvrir aux jeunes la possibilité de découvrir plusieurs métiers. En multipliant le nombre d'entreprises plutôt que le nombre de branches, ils auront davantage de chance d'obtenir des stages différents.
M. le président. Madame Morin-Desailly, l'amendement n° 496 est-il maintenu ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Non, nous le retirons, monsieur le président. Pour nous, l'important est que le projet de loi précise qu'il existe une variété d'expériences auxquelles les jeunes peuvent se confronter.
M. le président. L'amendement n° 496 est retiré.
L'amendement n° 497, présenté par Mmes Létard, Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation par les mots :
, et ce dans plusieurs entreprises
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Une fois de plus, je regrette qu'un amendement réécrive l'article L. 337-3 du code de l'éducation. Pour notre part, nous avions déposé un amendement n° 561, mais la procédure est telle que je risque de ne pouvoir le défendre.
Notre amendement présente à peu près le même objet, sauf qu'il prend en compte la possibilité de diversité. Je le lis : « Le parcours d'initiation aux métiers qui complète les enseignements généraux en référence aux programmes des collèges et des lycées d'enseignement professionnel comporte des enseignements technologiques et pratiques et des stages en milieu professionnel qui permettent à l'élève de découvrir plusieurs métiers ou champs professionnels et d'affiner ainsi son choix vers une formation professionnelle.
« L'ensemble de ces activités concourt à l'acquisition du niveau de culture commune requise pour tous les élèves à la fin de la scolarité obligatoire. »
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, nous poursuivons le même objectif : faire que ces jeunes ne se soient pas cantonnés dans une seule voie d'apprentissage et qu'ils aient la possibilité de découvrir plusieurs métiers. Néanmoins, nous nous inscrivons toujours sous statut scolaire.
En effet, comme notre texte l'indique, le choix éventuel par un élève d'un parcours d'initiation aux métiers débouchant sur une formation professionnelle ne saurait en aucun cas se traduire par un appauvrissement et une instrumentalisation exclusivement utilitariste de la formation générale que le service public a la responsabilité de dispenser à tous les jeunes de ce pays.
De ce point de vue, le fait d'inclure dans cette formation générale des enseignements technologiques et pratiques ne saurait être considéré comme un facteur de dégradation du niveau de culture générale. Au contraire, c'est un facteur d'enrichissement. D'ailleurs, nous souhaitons que cela soit étendu à tous les parcours de formation, jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire.
Au-delà de ces jeunes que nous dirigerions vers l'apprentissage, nous désirons que l'ensemble de nos jeunes soient, à un moment où à un autre de leur scolarité, confrontés à ces formations professionnelles. C'est l'une des raisons qui nous incitent à voir étendre l'âge de la scolarité obligatoire jusqu'à dix-huit ans pour tous les élèves. Cela étant, nous n'allons pas entamer ce débat maintenant, car je sais que nous sommes loin de vous avoir convaincus.
C'est ce que nous appelons, dans notre projet pour une école de l'égalité, de la justice et de la réussite pour tous, dont je vous ai parlé tout à l'heure, « un haut niveau de culture commune ».
M. le président. Madame David, j'aimerais connaître votre position sur l'amendement n° 497, car c'est en principe la finalité d'une explication de vote !
Mme Annie David. Je suis en train de la donner, monsieur le président.
Au passage, (Exclamations sur les travées de l'UMP.) monsieur le ministre, j'ai envie de dénoncer dans cette pratique le peu de considération dont vous faites preuve envers les lycées techniques et les lycées professionnels, à l'égard de notre service public de formation professionnelle initiale dans l'éducation nationale en général, en préconisant aussi ouvertement avec votre projet d'« apprentissage junior » la création de cette troisième filière de formation hors du système éducatif.
À partir du moment où des amendements visent à réécrire complètement l'article L. 337-3 du code de l'éducation, nous ne pouvons les approuver, même si nous partageons l'idée d'une diversification de l'enseignement professionnel de chacun de nos jeunes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce débat est symptomatique. Je me souviens avoir dit à M. Borloo, il y a longtemps, que l'apprentissage méritait une discussion dépassionnée. Mais avec des dispositions sur l'apprentissage à partir de quatorze ou quinze ans, le projet de loi pour l'égalité des chances ne le permet pas.
Toute l'ambiguïté réside dans le fait que nous ne sommes pas d'accord sur le fond. Dès lors, devons-nous débattre de ces amendements, qui sont très intéressants, ou nous contenter de voter contre.
M. Charles Pasqua. Oui, voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Or en expliquant notre position, nous risquons de nous répéter. Cela dit, cette position a des vertus pédagogiques. (Sourires.)
Il est donc vraiment dommage que l'apprentissage soit traité de cette façon.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, je vous expliquerai pourquoi, en prenant la parole sur l'article, j'ai parlé des banlieues ; j'y reviendrai en présentant un prochain amendement.
Mais il faut essayer de débattre de l'apprentissage, qui le mérite bien, même si nous ne sommes pas d'accord sur votre texte et que nous voterons contre les amendements.
D'un côté, l'amendement n° 496 vise « des branches d'activité différentes ». De l'autre, l'amendement n° 497 vise « plusieurs entreprises ». Si le texte ne prévoyait pas de faire commencer l'apprentissage à quatorze ou quinze ans, je préférerais que les stages d'initiation, sous statut scolaire, se déroulent dans des branches d'activité différentes plutôt que dans plusieurs entreprises.
En effet, on ne peut pas prédéterminer une profession. Le jeune peut parfaitement avoir une envie, puis se raviser, parce qu'il s'est trompé ou parce qu'il a une autre envie. Ne l'envoyer faire des stages que dans un type d'activité dans des entreprises différentes par la taille ou par la structure sera répétitif. En revanche, les branches d'activité ouvrent davantage de champs. En changeant de branche, le jeune peut effectuer un stage chez un plombier, un pâtissier ou dans un autre corps de métier.
Un sénateur du groupe socialiste. Dans un MacDo !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les MacDo, on en reparlera à propos du travail le dimanche et les jours fériés.
En revanche dans les entreprises, c'est possible, mais ce n'est pas certain.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'amendement n° 496 a été retiré !
M. Jean-Pierre Godefroy. En fait, il faudrait fusionner les deux amendements.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On verra cela dans le cadre de la CMP !
M. Jean-Pierre Godefroy. J'aurais eu des scrupules à ne pas parler de l'apprentissage. Mais les conditions dans lesquelles nous en discutons faussent un peu le débat de fond. Ce sujet aurait mérité un projet de loi à lui tout seul avec de longues auditions, un travail préparatoire et le souci de déposer des amendements. Or tel n'a pas été le cas.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 497.
Mme Gisèle Printz. Très bien !
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Mme David s'est déjà exprimée contre l'amendement. Auriez-vous l'intention de vous prononcer pour ?
M. Roland Muzeau. J'hésite encore... (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vraiment nul !
M. le président. À partir du moment où un membre de votre groupe s'est déjà exprimé contre l'amendement, nous pourrions peut-être avancer un peu dans nos travaux.
M. Roland Muzeau. Je ne suis pas influencé par Mme David, monsieur le président ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est donc à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. L'amendement n° 497 du groupe UC-UDF porte en effet sur l'article L. 337-3 du code de l'éducation...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, gagné ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. ...et vise donc à le modifier.
Mes chers collègues, le septième alinéa de l'article L. 337-3 du code de l'éducation, tel qu'il nous est proposé avant une éventuelle adoption de l'amendement n° 497, est ainsi rédigé, et il est important de le rappeler :...
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui, cela permet de perdre du temps !
M. Roland Muzeau. Non, c'est formateur !
... « L'ouverture des parcours d'initiation aux métiers dans les lycées professionnels et les centres de formation d'apprentis est inscrite au plan régional de développement des formations professionnelles mentionné à l'article L. 214-13. »
Si l'on suit l'esprit de ce texte, il ne s'agit ni plus ni moins que de demander aux collectivités territoriales, en l'occurrence aux régions, de participer à la mise en oeuvre du plan d'« apprentissage junior ». Cet alinéa procède naturellement de l'architecture générale des compétences en matière d'apprentissage et de formation professionnelle résultant de la mise en oeuvre de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très juste !
M. Roland Muzeau. Architecture, au demeurant, qui a également partagé le produit de la taxe d'apprentissage en en confiant une partie non négligeable, et d'ailleurs croissante, aux collectivités régionales pour mener les politiques de développement de l'apprentissage et de la formation permanente.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. Roland Muzeau. Tout cela serait tout à fait louable si le bilan de la formation par apprentissage ne présentait certaines caractéristiques peu satisfaisantes.
L'apprentissage n'est pas encore - et c'est sans doute ce qui interpelle le plus les parents - la voie la plus sûre pour obtenir un diplôme professionnel ou professionnalisant. À durée de formation équivalente, le lycée d'enseignement technique demeure le meilleur lieu de préparation et d'obtention des diplômes concernés.
Trop de jeunes ne parviennent pas au terme de leur contrat d'apprentissage ; le fait qu'un certain nombre de jeunes apprentis soient engagés au terme d'un autre contrat le prouve. Mon ami Jean-Pierre Godefroy l'a d'ailleurs démontré à plusieurs occasions au cours de nos débats.
Ainsi, 27,3 % des entrants en contrat d'apprentissage en 2004 étaient dans la même position d'apprenti l'année précédente.
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous êtes hors sujet !
M. Roland Muzeau. Non, il s'agit du même article, monsieur le rapporteur.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous ne sommes pas des imbéciles, nous savons très bien ce que vous faites !
M. Roland Muzeau. Deux facteurs essentiels peuvent expliquer ce phénomène.
Le premier, c'est que le contrat d'apprentissage signé complète le précédent, notamment en vue d'obtenir une plus haute qualification. Le cas typique en la matière, ce sont les jeunes ayant obtenu le CAP ou le BEP avec un premier contrat, qui en signent un second pour décrocher, par exemple, un brevet professionnel. C'est la vision la plus positive de la chose.
Le second, c'est que le contrat d'apprentissage signé fait suite à un premier contrat non parvenu à son terme, pour diverses raisons tenant autant au jeune apprenti qu'aux conditions de son accueil au sein de l'entreprise. Par exemple, certains contrats d'apprentissage ne parviennent pas à leur terme normal tout simplement parce que l'entreprise d'accueil dépose son bilan ou cesse son activité.
Pour en revenir à la question qui nous préoccupe, même si nous ne nous en sommes pas beaucoup éloignés (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), on ne peut que constater que, au-delà du transfert de compétence en matière d'apprentissage et de formation entre l'État et les régions, il ne nous semble pas bienvenu que les régions soient conduites à consacrer des moyens, dont on peut prévoir qu'ils seront croissants, au développement des nouvelles structures d'apprentissage.
C'est une orientation que nous ne partageons pas au moins pour une raison : il n'est pas souhaitable d'engager des fonds publics dans une démarche de formation dont nous ne sommes pas certains, c'est le moins que l'on puisse dire, qu'elle aboutira à renforcer le niveau de formation des jeunes. Ne vaudrait-il pas mieux consacrer quelques moyens complémentaires à la mise en oeuvre de parcours individualisés de formation des jeunes permettant à ceux qui connaissent des difficultés scolaires de les surmonter avec des moyens pédagogiques appropriés ?
C'est à la suite de cette réflexion que j'ai beaucoup hésité. (Sourires.) Malgré tout, je serai contraint de voter contre l'amendement qui nous est soumis. Il s'inscrit dans une logique infernale, celle de l'approbation totale d'un texte que la majorité sénatoriale n'accepte pas d'amender, ce qui ne peut nous convenir.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 561 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 120, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, remplacer les mots :
L'apprenti junior
par les mots :
Le jeune stagiaire en parcours d'initiation aux métiers
La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Mme Michèle San Vicente. Monsieur le ministre, vous créez une période de préapprentissage sous statut scolaire dès l'âge de quatorze ans et rendez ainsi possible l'accès à l'apprentissage à partir de quinze ans au lieu de seize ans.
Les possibilités dérogatoires qui existaient jusqu'à présent étaient en nombre limité et avaient des objectifs très précis.
Vous ouvrez aujourd'hui une voie d'orientation massive vers l'apprentissage dès quatorze ans. Vous rompez dès lors - et il vous faut assumer cette rupture non seulement devant le Parlement, mais aussi devant le pays - avec une règle qui a permis, depuis près d'un siècle, d'élever le niveau d'éducation, de formation et de qualification des jeunes Français.
Vous allez même plus loin, et c'est peut-être cela que nous vous reprochons le plus : vous sous-traitez l'échec scolaire en transférant massivement la prise en charge des jeunes aux entreprises et aux régions. Vous vous défaussez, encore une fois, sur elles. Ce sont en effet les conseils régionaux et les branches professionnelles qui devront réunir l'essentiel des moyens que vous n'accorderez plus à l'éducation nationale.
Mme Hélène Luc. Plus aucun moyen !
Mme Michèle San Vicente. En fait, avant même que la loi soit votée, la réduction des budgets des filières de l'enseignement technique professionnel opère une purge massive dans de nombreux lycées, où sont supprimés des BEP, des bacs professionnels, des BTS, des classes d'IUT, tout un continuum de filières qui permettaient à des jeunes souvent issus de milieux modestes de trouver véritablement des voies d'excellence.
Vous mettez fin à ces filières à la hache, et je pourrais en donner mille témoignages.
D'ailleurs, si dans de nombreuses villes de notre pays les lycéens descendent aujourd'hui dans la rue, c'est pour manifester contre le contrat première embauche, bien sûr, mais aussi contre cette carte scolaire qui vient broyer des filières qui avaient réussi et qui permettaient cette égalité des chances dont nous débattons justement aujourd'hui.
Ouvrir l'apprentissage dès quatorze ans est un véritable leurre, qui va renforcer la discrimination scolaire. Cela suscite d'ailleurs de très nombreuses réactions de rejet, notamment de la part des parents d'élèves, qui voient bien le piège qui est en train de se refermer sur toute une génération.
Mme Hélène Luc. Exactement, c'est cela qui est dramatique !
Mme Michèle San Vicente. En dévalorisant l'apprentissage, on ne règle pas la question de l'échec scolaire et on ne traite pas non plus l'avenir de ceux qui s'étaient déjà engagés dans ces filières dont la réputation va forcément souffrir des choix que vous faites.
Les entreprises contestent également l'intérêt de l'apprentissage à quatorze ans. Je ne citerai que l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, et la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB.
Les entreprises artisanales, qui sont celles qui accueillent des apprentis, vous disent depuis des mois qu'elles ont besoin de former des personnels à la qualification de plus en plus élevée. Elles préfèrent donc accueillir en apprentissage des jeunes ayant véritablement acquis les savoirs de base. Ce ne sera pas le cas des jeunes qui iront en apprentissage, selon ce projet.
La CAPEB a déclaré que les entreprises avaient besoin de jeunes ayant « une bonne connaissance scolaire et une solide formation ». Elle considère qu'à quatorze ans les apprentis juniors que vous allez extraire du système scolaire sont encore des enfants.
Je ne fais ni du Zola ni du Victor Hugo, comme je l'ai entendu hier : la mesure de régression sociale et éducative sans précédent que propose le Gouvernement n'est accompagnée d'aucune garantie de succès.
Le taux d'abandon sera sans doute plus élevé qu'aujourd'hui.
M. Alain Gournac, rapporteur. Est-ce une présentation d'amendement ?
Mme Michèle San Vicente. Dans certains corps de métiers, un contrat sur quatre est déjà rompu avant son terme. Que deviendront les élèves après l'échec de ce préapprentissage : pensez-vous honnêtement qu'ils retourneront au collège ? Combien, alors, le feront ? Vous cultivez le mythe du retour au collège sans avoir véritablement les moyens de l'assurer.
M. Alain Gournac, rapporteur. Obstruction !
Mme Michèle San Vicente. Où sont les milliers de postes d'enseignants nécessaires pour atteindre progressivement l'objectif affiché de 500 000 apprentis par an à partir de 2009 ?
M. le président. Madame San Vicente, vous avez dépassé votre temps de parole. Vous aviez, comme tout le monde, cinq minutes pour présenter votre amendement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mme San Vicente parle pour la première fois !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement était très heureux de sa formule : « apprenti junior ».
Je ferai remarquer à la Haute Assemblée que, en mentionnant le jeune stagiaire lors des parcours d'initiation aux métiers, on les appellera non plus des « apprentis juniors », mais des « JOSPIM » Je ne sais si cela fera naître des vocations, peut-être ! (Sourires.)
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, l'amendement n° 120 doit être rectifié. En effet, son auteur a indiqué, en commission, qu'il s'engageait à remplacer le mot « le jeune » par le mot « l'élève ».
M. le président. Madame San Vicente, acceptez vous cette modification ?
Mme Michèle San Vicente. Je l'accepte, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, remplacer les mots :
L'apprenti junior
par les mots :
L'élève stagiaire en parcours d'initiation aux métiers
Je mets aux voix l'amendement n° 120 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 572 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 416 rectifié, présenté par MM. Houel et Leclerc, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation par les mots :
dans la perspective d'obtenir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles.
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Cet amendement vise à redéfinir la période initiale de l'apprentissage junior qui doit permettre au jeune d'accéder dans les meilleures conditions au dispositif de formation par l'apprentissage, afin de recevoir une formation qualifiante sanctionnée par un titre ou un diplôme. Il tend à préciser cette finalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 123 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 223, présenté par M. Lagauche, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour assurer cette égalité des chances et la réussite de tous les élèves; l'enseignement est adapté à la diversité de chaque élève tout au long de leur scolarité. »
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Nous ne sommes pas d'accord sur le fond du texte, monsieur le ministre, mais vous avez exposé un certain nombre de principes : pourquoi ne pas les inclure dans le code de l'éducation ?
L'article L. 111-1 énonce déjà la contribution du service public de l'éducation à l'égalité des chances. A l'heure où nous débattons précisément de l'égalité des chances, il est plus préoccupant que jamais de constater que 150 000 jeunes sortent encore du système éducatif chaque année sans aucune qualification.
Forts de ce constat, et pour que cette contribution à l'égalité des chances ne devienne pas lettre morte, il nous semble utile d'en préciser les modalités d'exercice.
L'école souffre de nombre de maux. La diversité socioculturelle des élèves et la marginalisation de ceux qui ne peuvent suivre du fait de cette particularité n'en sont pas les moindres.
Il convient que les pouvoirs publics en prennent conscience et qu'ils aient le courage d'inscrire une fois pour toutes dans le code de l'éducation que, pour assurer effectivement l'égalité des chances, « l'enseignement est adapté à la diversité de chaque élève tout au long de sa scolarité ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je remercie M. Lagauche de ses très intéressants propos, mais la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 223, puisqu'il est satisfait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Cet amendement comporte une idée très intéressante, mais l'article L. 111-2 du code de l'éducation est plus complet encore : « Pour favoriser l'égalité des chances, des dispositions appropriées rendent possible l'accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire ».
Même si nous ne sommes pas d'accord quant à l'apprentissage junior, il s'agit là d'une des mesures que nous considérons comme une diversification susceptible d'assurer l'égalité des chances.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lagauche, l'amendement n° 223 est-il maintenu ?
M. Serge Lagauche. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 236, présenté par M. Lagauche, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 121-7 du code de l'éducation, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'information sur les métiers fait partie des missions éducatives de l'État et est mise en oeuvre au niveau de chaque académie sous l'autorité du recteur. L'équipe éducative accompagne le jeune dans son choix d'orientation pour lui permettre d'exercer son choix en toute connaissance de cause. »
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Cet amendement procède du même esprit que le précédent.
Nous souhaitons compléter le code de l'éducation pour assigner à l'État la mission de l'information sur les métiers. Il en va de l'égalité de tous les élèves devant le service public de l'éducation.
Le recteur, représentant de l'État au niveau de l'académie, sera compétent pour mettre en oeuvre à l'échelon local cette politique d'information définie par l'État.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, cet amendement étant, lui aussi, satisfait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Cet amendement, comme le précédent, est satisfait. L'article L. 331-7 du code de l'éducation porte pratiquement la même idée, mais il est plus complet.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lagauche, l'amendement n° 236 est-il maintenu ?
M. Serge Lagauche. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 237, présenté par M. Lagauche, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 121-7 du code de l'éducation, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - La découverte des métiers est organisée par le service d'orientation et d'information de l'Éducation nationale en lien avec les organismes spécialisés dans l'orientation. »
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. L'information sur les métiers fait partie des missions éducatives de l'État en partenariat avec les permanences d'accueil, d'information et d'orientation et les missions locales. L'équipe éducative accompagne tous les jeunes dans leur choix d'orientation, à l'issue du collège.
Il est nécessaire de s'assurer que l'information sur les métiers continuera à être définie à l'échelon national et de l'intégrer en tant que telle dans le code de l'éducation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, cet amendement étant, lui aussi, satisfait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. L'article L. 331-7 du code l'éducation précise : « Ils bénéficient notamment d'une information sur les professions et les formations qui y préparent sous contrat de travail de type particulier et sous statut scolaire.
« Cette information est destinée à faciliter le choix d'un avenir professionnel, de la voie et de la méthode d'éducation qui y conduisent. »
Les objectifs sont donc les mêmes que ceux que vise l'amendement n° 237, mais le code de l'éducation est plus complet encore.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lagauche, l'amendement n° 237 est-il maintenu ?
M. Serge Lagauche. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 580, présenté par Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'Éducation par deux alinéas ainsi rédigés :
Les élèves n'ayant pas atteint l'âge de la fin de la scolarité obligatoire et qui cherchent à suivre une formation visant à l'obtention d'une qualification professionnelle peuvent se voir offrir, dès lors qu'ils ont atteint l'âge de 14 ans au moins, sur leur demande et celle de leurs représentants légaux, un parcours scolaire les préparant à une orientation positive vers une formation professionnelle effectuée sous statut scolaire.
« Cette formation comprend des enseignements en référence à la formation générale commune à tous les élèves du collège. Elle est complétée par un parcours d'initiation aux métiers effectué sous statut scolaire dans un lycée professionnel. Elle peut déboucher, si l'élève a atteint 15 ans au moins, sur une formation en alternance sous statut scolaire conduisant à un diplôme de l'enseignement technique et professionnel. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement tend à réécrire le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation.
Monsieur le président, j'ai un peu de mal à comprendre l'organisation de nos travaux : il me semble que cet amendement aurait dû être examiné au début de la discussion, puisqu'il porte sur le premier alinéa.
S'il avait été adopté, c'est avec plaisir que j'aurais pu voter en faveur des amendements présentés par nos collègues du groupe UC- UDF, qui auraient pu améliorer cette partie du texte.
Vous l'aurez compris, avec notre nouvelle rédaction, nous redonnons priorité à l'éducation nationale, aux CLIPA et à la formation des jeunes connaissant des difficultés à un moment donné de leur vie, qu'elles soient passagères ou durables.
Nous préférons malgré tout que les jeunes qui posent quelques problèmes à l'éducation nationale - mais qui ne sont pas « les » problèmes de l'éducation nationale - soient maintenus au sein de notre école.
L'éducation nationale doit être au service de tous les jeunes. Elle doit permettre à toutes nos jeunes filles et à tous nos jeunes hommes d'espérer en l'avenir, en ayant des perspectives un peu plus belles et joyeuses que celles que vous leur préparez. Je ne comprends décidément pas que l'on puisse proposer de faire travailler des jeunes de quatorze ans ou quinze ans ! (M. Charles Pasqua s'exclame.)
La réécriture de cet article vise, vous l'aurez compris, à combattre fermement votre proposition d'apprentissage junior.
Ce n'est évidemment pas à cette heure-là que je parviendrai à vous convaincre.
Mme Dominique Voynet. Mais si !
M. Bernard Frimat. Courage !
M. Alain Gournac, rapporteur. Et détermination ! (Sourires.)
Mme Annie David. Nous avons, en effet, déjà longuement débattu sur ce sujet. Mais je ne désespère pas, car je suis têtue et pugnace. Je continuerai, mes chers collègues, à essayer de vous convaincre de renoncer véritablement à cet apprentissage junior !
Je vous invite donc à adopter notre amendement, qui, lui, respecte notre éducation nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à modifier la rédaction d'un alinéa que la commission a déjà adopté. Or nous n'avons nullement l'intention de revenir en arrière.
La commission émet, par conséquent, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le véritable objet de cet amendement est, je le crois, la suppression de la formation d'apprenti junior.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Gilles de Robien, ministre. Disons-le afin que les choses soient claires.
Compte tenu de tout ce que vous avez expliqué jusqu'à maintenant, je comprends très bien votre souhait de supprimer la formation d'apprenti junior, au profit d'une autre forme de préparation à la formation professionnelle...
Mme Annie David. Qui existe !
Mme Annie David. Mais non ! Vous la supprimez !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous en prenons le meilleur pour créer l'apprentissage junior. Le dispositif existant est érigé en système et l'offre sera plus large.
Mme Annie David. Dans l'exposé des motifs, vous parlez de suppression des CLIPA !
M. Gilles de Robien, ministre. Non ! Notre dispositif remplacera les CLIPA. Nous en prendrons simplement le meilleur pour faire l'apprentissage junior.
Mme Annie David. Vous jouez sur les mots !
M. Gilles de Robien, ministre. Cette possibilité est déjà offerte aux élèves de collège. Ils peuvent être admis dans une classe de troisième en découverte professionnelle, qui offre un module spécifique de formation de six heures par semaine. Ces classes sont principalement installées dans les lycées professionnels et préparent directement à l'entrée en formation professionnelle.
La formation d'apprenti junior permet, me semble-t-il, d'élargir encore le choix des élèves. C'est la raison pour laquelle nous tenons à ce dispositif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je souhaite répondre à M. le ministre. Il y a un problème et certaines informations se percutent.
Permettez-moi de citer le rapport, qui nous est certes arrivé tardivement, au moment où nous commencions la discussion. Il y est notamment écrit : « Les actuelles CLIPA sont ainsi supprimées et remplacées par le dispositif en deux étapes appelé "formation d'apprenti junior". »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez tout compris !
M. Roland Muzeau. On notera que l'exposé des motifs du projet de loi annonce que les classes préparatoires à l'apprentissage, les CPA, instituées par une circulaire du ministère de l'éducation nationale en date du 28 juillet 1972, seront également supprimées.
Vous comprenez donc, monsieur le ministre, que les arguments de Mme David à propos de l'amendement n° 580 correspondent à notre interprétation du projet de loi, comme à celle de la commission. Cette dernière fait en effet la même analyse que nous dans son rapport. Il y a sans doute un problème du côté du ministère !
M. le président. L'amendement n° 103, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, remplacer le chiffre :
quatorze
par le chiffre :
quinze
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement tend à empêcher une remise en cause de l'obligation scolaire jusqu'à l'âge de seize ans et une orientation prématurée des jeunes.
Monsieur le ministre, nous argumentons depuis longtemps pour essayer de vous convaincre. Permettez-moi donc de vous apporter une voix extérieure, en me référant à une tribune parue dans le journal Les Échos le 2 février dernier, sous la signature de M. Michel-Édouard Leclerc, président des magasins qui portent son nom.
M. Leclerc ne peut pas être assimilé à un gauchiste déchaîné ou à un patron inconséquent ; le succès de ses centres de distribution le prouve. Or que dit-il ?
Il indique d'abord sa confiance en l'apprentissage, qu'il assimile à une voie prépondérante de formation professionnelle, y compris de haut niveau. Nous sommes tous d'accord.
Il écrit ensuite : « J'ai fait un rapide sondage. [...] Pour nos directeurs de magasins, accueillir des apprentis dès quatorze ans n'est pas idéal. Les métiers sont parfois durs, avec des tâches de plus en plus complexes, nécessitant un niveau CAP et BEP pour les produits techniques et jusqu'au BTS pour la vente, par exemple.
« Par ailleurs, ils font valoir bon nombre d'objections pratiques qu'on ne saurait passer sous silence dans ce débat. D'abord, à quatorze ans, les jeunes sont encore en pleine croissance, pas toujours aptes à suivre les horaires d'entreprise. Ensuite, les problèmes liés à la sécurité ne sont pas moindres -outils tranchants, manutention d'engins mécaniques ou électroniques. La cohabitation avec des adultes n'est pas évidente pour les uns comme pour les autres. Enfin, la formation de ces jeunes nécessitera des capacités de tutorat renforcées et des systèmes de contrôle très lourds qui font défaut à nombre d'entreprises. Bref, s'il s'agit de créer une pré-préparation scolaire à l'apprentissage, pourquoi pas ? Pour travailler dans l'entreprise, non. »
Il ajoute : « L'honnêteté intellectuelle, comme la préservation de l'idéal républicain, mériteraient que, au lieu de lancer l'apprentissage à quatorze ans, on se préoccupe d'abord de ne pas les laisser sortir du primaire sans le moindre bagage d'écriture et de langage, ce qui leur fera défaut quelle que soit la filière choisie. »
M. Leclerc, avec lequel je n'ai aucun contact direct, évoque ainsi les difficultés que nous ne cessons de rappeler, qu'il s'agisse de la présence des jeunes dans l'entreprise, du tutorat ou de la nécessité de bien maîtriser les savoirs de base pour s'assurer un avenir professionnel. Il évoque même, en conclusion, la nécessité de soutenir les jeunes à l'école primaire, ce qui est à l'opposé de votre projet de loi.
À cet égard, nombre d'acteurs que nous avons auditionnés, y compris des chefs d'entreprise, tiennent tous le même langage. Il y a donc quelqu'un qui se trompe !
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
Je réitère mon propos : je crois qu'une loi sur l'apprentissage aurait été valable si nous avions pu en discuter préalablement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme Hélène Luc. Mais nous n'avons malheureusement pas pu avoir une telle discussion !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes aujourd'hui contraints de débattre dans des conditions drastiques sur un sujet qui aurait mérité un texte unique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Contrairement aux affirmations des rédacteurs de cet amendement, le parcours d'initiation aux métiers se situe bien dans le cadre de l'obligation scolaire.
La commission émet, par conséquent, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable, pour les raisons que j'ai évoquées à propos de l'amendement n° 580.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Jean-Pierre Godefroy a résumé une nouvelle fois les arguments nous conduisant à émettre de sérieux doutes quant à la maturité des jeunes âgés de quatorze ans qui sont amenés à faire des choix professionnels sérieux.
Je voudrais pour ma part revenir sur l'intervention de M. le ministre. Il nous a expliqué que les enfants de quatorze ans étaient beaucoup plus adroits pour surfer sur Internet, envoyer des minimessages et jouer avec la console.
Mme Dominique Voynet. Vous avez insisté sur l'ordinateur, monsieur le ministre !
Je trouve vos propos un peu caricaturaux. Les jeunes ont certes des compétences, mais pas nécessairement celles qui sont indispensables pour rentrer de plain-pied dans une forme de vie professionnelle.
La plupart d'entre eux n'ont pas terminé leur croissance physique. Ils sont en pleine puberté, savent à peine qui ils sont et ne savent pas forcément où ils vont. Ils sont très divers ; certains ont déjà un corps d'adulte et sont des « armoires à glace », mais beaucoup se trouveront en grande difficulté quand il s'agira de soulever les marmites, les casseroles et les poêles des cuisines des collectivités ou des traiteurs, de porter des charges sur les chantiers, d'évoluer sur des toits ou encore de travailler dans une atmosphère bruyante.
M. le président de la commission des affaires sociales nous a rappelé que nombre de jeunes avaient connu des drames familiaux et que certains devaient subvenir aux besoins de leur famille. De telles situations existent effectivement, mais cela ne peut pas constituer un prétexte pour considérer d'un coeur léger que la réalité difficile du monde du travail doit être assenée à des jeunes qui ne seraient pas prêts pour cela.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'ai pas dit cela ! J'ai simplement dit qu'il ne fallait pas prendre les jeunes pour des imbéciles !
Mme Dominique Voynet. J'insiste donc une nouvelle fois sur la nécessité de revoir votre projet de faire entrer dans le monde du travail, même sous un régime scolaire, des jeunes insuffisamment mûrs pour cela.
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, supprimer les mots :
dénommée « formation d'apprenti junior »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Le diable gît dans les détails. (Sourires.)
Monsieur le ministre, la précipitation à laquelle ce gouvernement semble condamné depuis un an vous a conduit à négliger les articles du code du travail autres que ceux auxquels vous prétendez toucher. Ou alors, vous n'avez pas encore eu le temps de vous consacrer à la refonte totale de cet édifice complexe de notre droit.
Ce travail de recodification, supposé se réaliser à droit constant, a d'ailleurs pris quelque retard. Ce qui était prévu pour le mois de juin ne nous serait plus accessible qu'au mois de novembre. C'est tout à fait normal, puisque le droit du travail change toutes les semaines. On comprend la perplexité et la difficulté qu'éprouvent des juristes pourtant éminents.
Il est donc de notre devoir d'attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les articles L. 211-6 à L. 211-14 du code du travail, qui réglementent l'emploi des enfants dans les spectacles, les professions ambulantes et comme mannequins dans la publicité et la mode.
Permettez-moi de vous rappeler les termes de certains de ces articles.
L'article L. 211-6 dispose que : « Les enfants de l'un ou de l'autre sexe qui n'ont pas dépassé l'âge de la fréquentation scolaire obligatoire ne peuvent, sans autorisation individuelle préalable, être, à quelque titre que ce soit, engagés ou produits, soit dans une entreprise de spectacles, sédentaire ou itinérante, soit dans une entreprise de cinéma, de radiophonie, de télévision ou d'enregistrements sonores. »
L'article L. 211-11 précise qu'il « est interdit, sous les peines prévues au titre VI » à « toute personne de faire exécuter par des enfants de moins de seize ans des tours de force périlleux ou des exercices de dislocation, ou de leur confier des emplois dangereux pour leur vie, leur santé ou leur moralité » et « à toute personne autre que les père et mère pratiquant les professions d'acrobate saltimbanque, montreur d'animaux, directeur de cirque ou d'attraction foraine, d'employer dans ses représentations des enfants âgés de moins de seize ans ». Je vous épargne la suite des articles.
Le code du travail est donc sans ambiguïté. Il définit clairement les jeunes de moins de seize ans comme des enfants. Les chefs d'entreprise, les commerçants et les artisans qui emploieront des jeunes de moins de seize ans, à plus forte raison de moins de quinze ans, feront donc travailler des enfants.
Vous pourrez me faire observer - et vous aurez raison - que ces dispositions sont issues de la loi n° 90-603 du 12 juillet 1990 modifiant le code du travail et relative aux agences de mannequins et à la protection des enfants et des adultes exerçant l'activité de mannequin. Vous ajouterez que cette loi a été adoptée à une période où le gouvernement était de gauche.
Je vous répondrai donc que, en disant cela, vous ne faites que mettre l'accent sur ce qui nous sépare profondément dans cette affaire : la manière dont nous considérons la jeunesse, la manière dont il faut la respecter et la traiter et le souci que l'on doit avoir de son avenir.
Que vous le vouliez ou non, votre projet de loi heurte de plein fouet le droit existant. Les jeunes de moins de seize ans - le bon sens le veut et le code du travail le dit -, sont des enfants.
Vous êtes en train d'instaurer le travail des enfants au mépris de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous sommes très attachés à la formation d'apprenti junior, que nous défendons depuis le début, et qui constitue, selon nous, une bonne approche, un bon positionnement.
Cette formation comprend une première phase qui consiste en un parcours d'initiation aux métiers et qui, je le répète, s'inscrit dans le cadre de l'obligation scolaire. La dénomination de la formation ne joue pas de rôle à cet égard.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 493, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Modifier comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation :
1° Dans la première phrase des premier et troisième alinéas, remplacer les mots :
formation d'apprenti junior
par les mots :
formation en alternance professionnalisante ;
2° A l'avant-dernier alinéa, remplacer les mots :
L'apprenti junior
par les mots :
L'élève suivant une formation en alternance professionnalisante.
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Cet amendement n'a plus d'objet, compte tenu des votes précédemment intervenus, monsieur le président.
M. le président. Effectivement, l'amendement n° 493 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 566, présenté par Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation :
Cette formation comprend un parcours d'initiation aux métiers et une formation en apprentissage sous statut scolaire.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement tend à rédiger différemment la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation.
Vous l'aurez compris, il vise à maintenir le plus longtemps possible les jeunes apprentis sous statut scolaire.
Tout à l'heure, vous n'avez pas accepté la réécriture complète de l'article 1er, peut-être en accepterez-vous une réécriture partielle ? On peut toujours espérer ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le texte est très clair : la première phase de la formation se déroule sous statut scolaire.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. À en juger par son sourire, Mme David ne croit pas que le Gouvernement va émettre un avis favorable sur son amendement, car, elle le sait très bien, il vise à supprimer pratiquement tout le projet !
Le Gouvernement souhaite instituer un parcours d'initiation à partir de quatorze ans, puis, le cas échéant, un véritable contrat d'apprentissage à partir de quinze ans. Il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, après le mot :
puis
insérer les mots :
à partir de l'âge de seize ans
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'apprentissage à quatorze ans est-il réalisable ?
Si l'avis des organisations syndicales de salariés est évident sur ce point - vous le connaissez, elles l'ont toutes donné -, celui des organisations patronales et des chefs d'entreprise - je vous ai fait part tout à l'heure de celui de M. Leclerc - n'est pas moins intéressant.
On comprend mieux, lorsqu'on lit les interviews qu'ils ont donné à la presse économique, votre réticence à entendre les partenaires sociaux, comme vous vous y étiez pourtant engagé lors du débat sur la loi dite « de cohésion sociale » de 2004. En fait, le débat ne vous semble utile que lorsqu'il vous permet d'entendre ce que vous souhaitez, non lorsque ceux qui vous soutiennent ou vous guident vous font part de leur étonnement et de leurs réticences !
Je vais maintenant vous livrer le point de vue de M. Pierre Perrin, président de l'Union professionnelle des artisans, l'UPA, qui n'est pas lui non plus, à ma connaissance, un redoutable gauchiste.
Que dit-il ?
« Divers arguments ont motivé les réserves de l'Union professionnelle artisanale (UPA) à l'égard des premières annonces gouvernementales en faveur de l'apprentissage à 14 ans.
« Sur le fond d'abord, les artisans, qui forment la moitié des apprentis en France, sont bien placés pour connaître les problèmes inhérents à l'embauche de jeunes qui n'ont pas atteint le niveau de la troisième. Bien que la plupart des activités artisanales soient aujourd'hui dénuées de pénibilité » - cela, c'est lui qui le dit ! - «, de nombreux jeunes qui n'ont pas atteint leur maturité physique peuvent éprouver des difficultés dans leur première approche du monde du travail » - cela, il me semble vous l'avoir dit ! - «, ne serait-ce qu'en raison de l'amplitude des journées. Plus profondément encore, les collégiens qui abandonneraient définitivement leur scolarité au profit de l'apprentissage seraient pénalisés toute leur vie par un déficit de savoirs aussi fondamentaux que la maîtrise de l'écriture, du langage et du calcul. Sans ces acquis, leurs chances de progresser professionnellement et de s'insérer socialement seraient compromises alors qu'il s'agit là des vertus premières de l'apprentissage.
« De surcroît, rappelons que les représentants de l'artisanat commencent à peine à récolter les fruits d'une communication visant à améliorer l'image de l'apprentissage et à élever le niveau d'entrée dans cette filière, et que la déclaration du Premier ministre a laissé croire en quelques minutes que ce mode de formation en alternance pouvait être la réponse pour les jeunes en situation d'échec scolaire. »
Si j'ai, à ce sujet, fait une remarque un peu provocante cet après-midi, c'est parce nous avons commencé à évoquer l'apprentissage à quatorze ans immédiatement après avoir parlé des banlieues !
M. le président de l'UPA poursuit : « L'apprentissage, qu'on semble parer aujourd'hui de toutes les vertus pour "gérer" des jeunes en voie d'exclusion, ne saurait se substituer à l'éducation nationale pour ce qui constitue l'enseignement des savoirs fondamentaux que sont le calcul, l'écriture et la lecture. »
Ce qu'il dit ensuite est très intéressant : « Le temps où l'artisan apprenait les gestes du métier à son commis, tandis que sa femme lui inculquait les savoirs de base, est révolu. Les artisans, comme le reste des entreprises, évoluent dans un environnement qui exige de la performance économique, une adaptabilité au progrès technique et une évolution des métiers comme des pratiques professionnelles. » ; il me semble vous l'avoir déjà dit ! « En cela, ils sont plus que jamais en attente de salariés qualifiés. » Ces salariés doivent être de plus en plus qualifiés afin de pouvoir continuer à se former au cours de leur vie professionnelle.
Le président de l'UPA note également que les apprentis de seize ans font déjà l'objet de dispositions spécifiques de protection et que la présence de jeunes dès quatorze ans ne va pas faciliter les choses.
Enfin, il déclare, ce que vous n'avez manifestement pas voulu entendre : « En tout état de cause, les jeunes de moins de seize ans doivent rester sous statut scolaire. »
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh bien, nous ne sommes pas d'accord avec lui !
Nous nous sommes déjà largement prononcés sur cette question : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. On peut continuer longtemps ce jeu des déclarations !
Il est vrai que les avis sont divers. Je peux ainsi vous dire que la totalité des chambres de métiers, sauf une, réunies en assemblée générale, ont émis un avis favorable sur ce dispositif. Les chambres de commerce sont également pour !
M. Dominique Braye. Et voilà ! Vous n'y connaissez rien !
M. Gilles de Robien, ministre. Je peux également vous donner des avis individuels.
Ainsi, j'ai rencontré cet après-midi une personnalité du monde de l'éducation, le père Guy Gilbert, prêtre éducateur très médiatisé. Nous nous connaissons peu...
Mme Nicole Bricq. Mettez votre blouson ! (Sourires.)
M. Gilles de Robien, ministre. Je vois que, vous, vous le connaissez !
Il m'a dit : « Oh Gilles, t'es formidable, t'as fait l'apprentissage junior ! ». (Rires.)
Ce n'est pas moi qui vais le faire, c'est vous, mais je crois qu'il a raison. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 375, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, par une phrase ainsi rédigée :
L'entrée d'un jeune dans une formation d'apprenti junior est subordonnée à l'accord d'une commission d'orientation comprenant un représentant de l'équipe éducative du collège dont il est issu, un représentant du centre d'information et d'orientation dont il relève, un représentant de la chambre des métiers et un représentant des parents d'élèves.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je ne sais pas si vous êtes formidable, monsieur le ministre ; en tout cas, pas plus que Mme David tout à l'heure, je n'ai réussi à vous convaincre.
C'est pourquoi, loin des affrontements idéologiques stériles, je voudrais vous convaincre d'accepter un amendement que je revendique comme étant un amendement de repli. Je souhaite d'ailleurs le rectifier, monsieur le président, parce que je me suis laissée aller à utiliser les termes : « apprenti junior », que je ne souhaite pas assumer plus longtemps. Je tiens donc à les remplacer par les mots : « élève stagiaire en parcours d'initiation aux métiers ».
Il s'agit de mettre en place une procédure permettant de valider le désir du jeune d'entrer dans une formation d'élève stagiaire, via une commission d'orientation qui comprendrait un représentant de l'équipe éducative du collège dont il est issu, un représentant du centre d'information et d'orientation dont il relève, un représentant de la chambre de métiers - soit un bon connaisseur des métiers considérés - et un représentant des parents d'élèves.
Indépendamment de la question du degré réel de liberté de décision dont dispose un jeune adolescent en situation de difficulté scolaire, le texte que vous nous soumettez crée un précédent : à ma connaissance, aucun mécanisme d'orientation ne correspond à la procédure que vous suggérez.
Il est donc nécessaire, si le volontariat de l'enfant est évidemment requis, que la décision d'orientation elle-même appartienne à un groupe incluant les personnes les mieux placées pour l'apprécier.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 375 rectifié, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, par une phrase ainsi rédigée :
L'entrée d'un jeune dans une formation d'élève en parcours d'initiation aux métiers est subordonnée à l'accord d'une commission d'orientation comprenant un représentant de l'équipe éducative du collège dont il est issu, un représentant du centre d'information et d'orientation dont il relève, un représentant de la chambre des métiers et un représentant des parents d'élèves.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En lisant votre amendement, madame Voynet, j'ai effectivement été étonné d'y voir figurer les termes « apprenti junior », que vous contestez.
Mme Dominique Voynet. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour rédiger les amendements !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous sommes, bien sûr, défavorables à l'instauration de la commission que vous suggérez, car nous faisons confiance à l'équipe pédagogique accompagnant le jeune.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je rappelle que le principe du volontariat prévaut en matière d'apprentissage junior. Je fais moi aussi totalement confiance aux familles, à l'élève lui-même et à l'équipe éducative, pour, ensemble, trouver le meilleur cheminement possible pour le jeune.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. L'apprentissage junior est, selon vous, monsieur le ministre, une autre voie de formation et de réussite. Il revient en réalité à expulser des jeunes du système scolaire. En prétendant apporter une solution aux problèmes de ces enfants, on va les livrer au marché du travail, dans des conditions bien plus dégradées que celles que connaissent les autres salariés, et ce sans aucune garantie.
M. Christian Cambon. Marx, et ça repart !
Mme Hélène Luc. Nous avons discuté, à l'occasion de l'examen des amendements nos 496 et 497, pour savoir si un seul stage en entreprise était suffisant ou s'il en fallait plusieurs, comme si cela pouvait constituer une solution aux difficultés des jeunes !
Vous prenez le problème complètement à l'envers. Pourquoi les patrons embaucheraient-ils plus facilement les enfants de quatorze ans que ceux de seize ans ? L'apprentissage junior est un miroir aux alouettes !
Ces enfants seront éjectés du système scolaire et davantage stigmatisés, puisque étiquetés comme étant des enfants à problèmes. Ce choix gouvernemental va indéniablement aggraver les choses.
Toutes les organisations syndicales dénoncent une remise en cause de la scolarité obligatoire et affirment que l'apprentissage junior constitue un recul historique inacceptable. Elles y voient l'éviction précoce des élèves en difficulté.
Les artisans et les petites entreprises ne trouvent, eux non plus, rien de bon - ils l'ont déclaré - dans l'apprentissage forcé des jeunes de quatorze ans, qui plus est lorsqu'ils sont en échec scolaire. La Fédération nationale de la coiffure française, la FNCF, le reconnaît : son président affirme que, avant seize ans, les jeunes manquent encore souvent de maturité, de discipline et d'éducation.
Nous n'acceptons pas votre vision et nous nous prononçons donc contre l'apprentissage junior. Nous ne pouvons pas accepter que l'État renonce à réformer notre système scolaire et lui refuse des moyens de fonctionnement, car, en réalité, c'est ce que vous faites.
Si vous voulez vraiment créer une voie de réussite, il convient de le faire dès le cours préparatoire, si nécessaire avec quinze élèves par classe, pour qu'ils puissent apprendre à lire et à écrire...
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous êtes hors sujet ! Vous tirez à la ligne !
Mme Hélène Luc. ... et il ne faut pas supprimer les zones d'éducation prioritaire. Comment voulez-vous que ces jeunes apprentis de quatorze ans, qui ne sauront ni lire, ni écrire, ni s'exprimer correctement - on le voit bien, y compris chez les élèves de sixième -, puissent apprendre un métier convenablement ?
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est de l'obstruction !
Mme Hélène Luc. Vos propositions vont à l'encontre du développement des sciences et des techniques, alors que ces jeunes, qui devront pratiquer plusieurs métiers dans leur vie, ont besoin d'une formation fondamentale afin qu'ils puissent s'adapter. Vous n'y parviendrez certainement pas en les envoyant en apprentissage à partir de quatorze ans.
M. le président. Madame Luc, votre temps de parole est épuisé.
Mme Hélène Luc. Vous renoncez à la réussite... (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. On arrête !
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
Vous ne pouvez pas accepter que le rapporteur prenne à partie les orateurs dont les propos lui déplaisent. Vous devez le rappeler à l'ordre !
M. Dominique Braye. Coupez-lui le micro !
M. le président. Madame Luc, vous n'avez pas la parole ! La discussion se déroule dans un climat consensuel ; ne perturbez pas la bonne marche de l'assemblée !
L'amendement n° 479, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une fois par mois une réunion de l'élève avec son tuteur ses parents permet de faire un bilan évolutif de cette première expérience.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Tous les amendements que je présenterai tendent à permettre la réversibilité et la sortie de cette orientation que nous jugeons trop précoce. Nous ne partageons pas votre opinion et nous pensons que l'adolescent - ou l'adolescente - de moins de seize ans doit rester dans le cursus scolaire ou pouvoir y revenir.
Cet amendement permettrait au moins, s'il était adopté, de garantir un contact régulier et un suivi de l'élève précocement placé dans le monde du travail, afin qu'il puisse, notamment, formuler son désir de retour.
Il est indispensable qu'il ait la possibilité de s'exprimer sur son vécu, ses découvertes comme sur ses difficultés ou ses inquiétudes éventuelles : il ne peut rester dans la solitude de ses questions.
Au-delà du dialogue, du point d'étape, ce suivi offrirait l'occasion de rappeler à l'apprenti, outre ses devoirs - ce que ne manquera pas de faire son maître d'apprentissage -, ses droits. J'attire au passage votre attention sur le fait que votre texte concernera aussi, on en a peu parlé, des filles de quatorze ans, travaillant en entreprise ou dans l'artisanat, éventuellement la nuit lorsqu'elles auront quinze ans. Elles pourraient avoir besoin d'exprimer très vite leur volonté de revenir au collège.
Tel est l'objet de l'amendement que je souhaitais vous présenter. Je précise que le mot « tuteur », employé dans cette rédaction, l'est au sens de l'amendement n° 63 de M. Richert ; il s'agit d'un membre de l'équipe pédagogique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable à l'insertion, dans la loi, d'une obligation de rencontre mensuelle avec les parents. Nous pensons que le tuteur ou l'équipe pédagogique décideront de la nécessité de cette rencontre. Pourquoi pas deux fois par mois, si c'est nécessaire ?
Nous ne souhaitons pas ajouter cette précision. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. L'excès de précision va tuer la démarche du tutorat, tout simplement.
L'avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous soutiendrons cet amendement présenté par notre collègue Marie-Christine Blandin, parce qu'il semble effectivement important qu'un bilan puisse être établi une fois par mois, si toutefois ces jeunes devaient se retrouver en apprentissage.
Je souhaite vivement que, à l'occasion du bilan de cette première expérience professionnelle, l'équipe pédagogique puisse également établir un bilan de l'acquisition des connaissances scolaires et du niveau du jeune concerné.
En effet, l'acquisition par tous les jeunes, au terme de leur scolarité obligatoire, d'une culture commune de haut niveau, et non au rabais, comme celle que propose la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005, est une nécessité. Bien évidemment, il s'agit non pas de faire de tous les jeunes de futurs cadres - vous le savez très bien, même si vous faites semblant du contraire -, mais de former de futurs citoyens éclairés, capables de comprendre, de juger et d'agir, capables de construire un monde réellement juste et démocratique et capables d'y vivre, le jour venu, en exerçant pleinement leurs droits et leurs devoirs. Ce serait, je le crois, un vrai moyen de lutter contre les inégalités.
Qu'il faille apprendre un métier, nul ne le contestera et vous connaissez mon opinion à ce sujet. Mais cet apprentissage ne peut et ne doit pas se faire au détriment de l'accès au savoir, porteur de compréhension du monde. Or, c'est bien ce qui va se passer, mes chers collègues, tant avec le socle commun qu'avec l'apprentissage dès quatorze ans.
Derrière ces mesures se profile une conception utilitariste et minimaliste de l'école, qui réduit ses missions à une seule : inculquer des compétences au service des seules entreprises, au détriment de l'accès de tous au patrimoine commun de l'humanité.
À l'encontre de cette politique de renoncement à l'idéal d'une école pour tous, nous proposons de repenser les contenus de l'école obligatoire, moins en fonction de la sélection professionnelle qu'en fonction de ce que nous pourrions appeler les « incontournables de la citoyenneté ». Nous avons conscience qu'un tel projet politique, culturel et éducatif pour l'école supposerait une politique et des moyens sans précédent pour le développement de la recherche en éducation, en didactique des disciplines scolaires et, parallèlement, une mutation de la formation des maîtres dans le sens d'une culture commune de la réduction des inégalités.
Mais l'État, si la volonté politique suit, est en mesure de concrétiser ce projet, en donnant à l'école les moyens qui lui permettent d'offrir à tous nos jeunes, quelle que soit leur origine, sociale, culturelle ou géographique, la possibilité de maîtriser les savoirs, les connaissances et compétences constitutifs de cette culture commune de haut niveau, pour accéder ainsi aux valeurs universelles et à l'esprit critique.
J'entends déjà rétorquer que les capacités des élèves sont trop inégales, et qu'il faut par conséquent niveler par le bas ; nous retrouvons là la logique du socle de connaissances introduit par la loi Fillon. Il est inconcevable, mes chers collègues, que près de deux cents ans après les travaux de Bourneville et d'Itard, la conviction de l'éducabilité de tous les enfants ne soit pas acquise !
Je suis convaincue de la véracité du principe selon lequel chacun est capable d'apprendre, pour autant que l'on s'en donne les moyens financiers, les programmes et les structures. Si chacun était convaincu de ce principe, l'école y gagnerait à coup sûr, en évitant de la part des personnels une sélection discriminatoire, en s'assurant la collaboration active des parents, persuadés que leurs enfants peuvent y arriver, ...
M. le président. Veuillez terminer, madame.
M. Dominique Braye. Vous aviez cinq minutes, pas plus !
Mme Annie David. ... en redonnant confiance aux élèves.
C'est pour ces raisons que nous soutenons cet amendement, présenté par Mme Marie-Christine Blandin, car il nous semble important que, chaque mois, l'acquisition des connaissances scolaires soit vérifiée.
M. Alain Gournac, rapporteur. Merci beaucoup !
M. le président. Respectez les temps de parole, je vous en supplie !
Je mets aux voix l'amendement n° 479.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 567, présenté par Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation :
« L'admission à l'initiation et à la formation mentionnées au premier alinéa est envisagée une fois le socle commun de connaissance acquis.
Cet amendement n'a plus d'objet, compte tenu des votes intervenus précédemment.
L'amendement n° 106, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, après le mot :
suivant
supprimer les mots :
une formation d'apprenti junior
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je retire mon amendement, car il n'a plus d'objet.
M. le président. L'amendement n° 106 est retiré.
L'amendement n° 480, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'apprenti qui souhaite réintégrer le cursus scolaire dont il vient, bénéficie de cours de remise à niveau dont la durée est proportionnelle à sa durée d'absence.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Vous avez beaucoup insisté sur la possibilité de retour de l'élève apprenti dans le cursus d'origine. C'est bien la moindre des choses pour une aventure aussi hasardeuse que l'apprentissage trop précoce.
Cependant, pour que votre proposition soit crédible, il faut donner toutes ses chances au retour et ne pas l'hypothéquer par une somme considérable de cours manqués, sans aide à la réintégration. N'oublions pas, en effet, que nous nous adressons à des élèves qui étaient déjà en difficulté. Plusieurs mois d'absence ne vont sûrement pas leur faciliter la tâche.
Cet amendement tend donc à ce que le retour à une scolarité normale ne soit pas compromis dès le départ : plus longue sera la durée de l'absence, plus la session de remise à niveau sera importante. La démarche pédagogique étant individualisée, la durée ne sera bien sûr pas équivalente à l'absence, parce que l'enseignement sera ciblé et l'élève sans doute plus motivé, mais elle sera proportionnelle.
Peut-être faut-il ici vous dire l'esprit qui présida, par exemple, à l'inauguration d'un établissement culturel à vocation nationale, le Centre des archives du monde du travail.
C'était le 5 octobre 1993, à Roubaix, en présence des élus locaux, du regretté sénateur André Diligent et du ministre de la culture de l'époque, M. Jacques Toubon. Chacun s'est plu à mesurer le chemin parcouru au fil des documents d'archives exposés : livret du travailleur, motifs de licenciement - dont le fait de n'avoir pas été à la messe ou de ne pas avoir salué le patron dans la rue -, évolution des horaires, apparition du repos hebdomadaire, des congés payés, de la protection sociale, évolution de l'âge requis pour aller travailler - sept ans, dix ans, douze ans, quatorze ans, seize ans... Allez-vous revenir en arrière ?
Je m'attendais à des protestations. Comme il n'y en a pas, j'en déduis que vous allez tous accepter cet amendement ! (Sourires.) Il vous offre l'occasion de prouver que l'adolescent bénéficie d'une vraie garantie de pouvoir choisir un retour à l'école qui ne soit pas un échec programmé : il aura donc des cours de rattrapage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Des cours de rattrapage, certes, mais peut-être pas proportionnels à la durée de l'absence de l'apprenti aux cours...
Mme Marie-Christine Blandin. Proportionnel ne veut pas dire équivalent !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je termine mon explication, madame !
Quoi qu'il en soit, c'est une disposition de nature réglementaire. J'émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Premièrement, n'oublions pas que, durant la première année de découverte des métiers, l'apprentissage se poursuivra et permettra aussi d'acquérir le socle commun. Vous n'en tenez pas compte dans votre amendement.
Deuxièmement, M. le rapporteur a totalement raison, ces mesures relèvent du domaine réglementaire et n'ont pas à figurer dans un texte de loi. Mon avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je serai très brève. M. le ministre nous dit : n'oubliez pas qu'il est prévu de poursuivre l'acquisition du socle commun.
J'en prends acte : pour vous, un élève en difficulté dans l'acquisition d'un cursus scolaire prévu à x heures, s'il en fait deux fois moins, reste malgré tout capable d'acquérir le socle commun !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le socle commun, personne ne sait ce que c'est !
M. le président. L'amendement n° 481, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un correspondant est désigné au sein de l'équipe pédagogique de l'établissement scolaire auquel l'apprenti est rattaché. Ce correspondant accompagne le jeune apprenti dans sa remise à niveau des connaissances.
L'amendement n° 482, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Au moins un enseignant est désigné dans chaque département par le rectorat pour assurer la remise à niveau des connaissances des jeunes apprentis qui réintègrent leurs cursus d'origine.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. L'amendement n° 481 tend à compléter l'alinéa qui décrit le possible retour dans un établissement d'enseignement.
La multiplicité des matières enseignées au collège, le nombre de professeurs - suivant chacun leur progression -, la spécificité du contenu des savoirs à acquérir, demandent le regard expérimenté d'un enseignant référent spécifique. Celui-ci veillerait à évaluer, avec les collègues concernés par le retour de l'élève, les prérequis nécessaires à la réintégration en cours avec les autres. Il veillerait également à planifier le rattrapage indispensable.
Puisque vous lancez un dispositif à risques, il faut l'entourer de précautions et veiller à ce que les parcours éventuels soient prévus dans leur ensemble et concrètement anticipés.
J'en viens à l'amendement n° 482.
Afin de garantir l'égalité des chances, des moyens spécifiques doivent être identifiés pour pallier les déficits dont ont souffert les élèves en difficulté.
L'équipe pédagogique en place n'est pas en capacité de donner des cours de remise à niveau individualisés, car chaque professeur a son emploi du temps, ses classes, ses horaires. C'est donc à l'éducation nationale d'apporter le complément pédagogique nécessaire.
Un enseignant au moins par département, issu par exemple des rangs des titulaires remplaçants - pour ne pas risquer de nous voir opposer l'article 40 ! -, serait à même d'assurer cette mission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n° 481 est satisfait par l'amendement n° 63 de notre collègue Richert, qui prévoit la désignation d'un tuteur au sein de l'équipe pédagogique.
Quant à l'amendement n° 482, on nous reproche déjà suffisamment de rendre la loi illisible en y incluant trop de mesures ; ne l'alourdissons pas davantage avec une proposition qui ressortit au domaine réglementaire !
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant de l'amendement n° 481, je peux d'ores et déjà préciser à Mme Blandin le contenu du texte réglementaire, qui devrait lui donner satisfaction : « L'élève inscrit dans une formation d'apprenti junior continue d'être rattaché administrativement à son collège d'origine. Pendant toute la durée de cette formation, un professeur du collège est désigné comme référant de l'apprenti junior. » Cette disposition réglementaire me semble préférable. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 481.
Il est également défavorable à l'amendement n° 482, car définir un poste d'enseignant à l'échelon départemental n'a à mon avis aucun sens, madame Blandin. Mieux vaut, au contraire, laisser chaque collège assurer, comme pour tous les élèves dont il a la responsabilité, la prise en charge personnalisée de chacun des apprentis juniors qui interrompent leur formation. En effet, le suivi sera individuel et donc adapté à chaque cas, ce qui est mieux qu'un suivi départemental.
M. le président. Madame Blandin, l'amendement n° 481 est-il maintenu ?
Mme Marie-Christine Blandin. Oui, monsieur le président, car M. le ministre nous a donné acte du décret qui crée l'enseignant référant, alors que mon amendement définit la mission de ce dernier. Or celle-ci ne figure pas dans le décret !
M. le président. L'amendement n° 561, présenté par Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le parcours d'initiation aux métiers qui complète les enseignements généraux en référence aux programmes des collèges et des lycées d'enseignement professionnel, comporte des enseignements technologiques et pratiques et des stages en milieu professionnel qui permettent à l'élève de découvrir plusieurs métiers ou champs professionnels et d'affiner ainsi son choix vers une formation professionnelle.
« L'ensemble de ces activités concourt à l'acquisition du niveau de culture commune requise pour tous les élèves à la fin de la scolarité obligatoire.
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 108, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, après le mot :
comporte
insérer les mots :
en majorité
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. L'article 1er, qui crée l'apprentissage junior, est à la fois dangereux et difficilement applicable. Sous couvert de pragmatisme, il constitue, avec le contrat première embauche, l'une des mesures les plus idéologiques de votre projet de loi. Il s'agit d'une mesure populiste de pseudo-revalorisation du travail, alors même que vous vous acharnez à précariser ce dernier toujours plus.
Avec ce projet de loi, et cette mesure en particulier, vous allez encore plus loin dans la destruction de notre système éducatif. Vous faites ce que vous n'aviez pas osé accomplir avec la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dite loi Fillon. En réalité, derrière les bonnes intentions de façade que vous vous plaisez à afficher se cache la remise en cause de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, instaurée en 1959. Preuve du danger de cette mesure, le Conseil supérieur de l'éducation a massivement rejeté le projet d'institution de l'apprentissage junior, par trente-neuf voix contre et seulement douze voix pour. Mais vous n'en avez pas tenu compte !
Bien sûr, il ne suffit pas de prolonger la scolarisation pour résoudre le problème de la réussite et de l'emploi des jeunes. Mais la lutte contre l'échec scolaire et la promotion d'une orientation choisie et non contrainte ne passent surtout pas par la remise en question des acquis positifs des dernières décennies, qui ont permis la généralisation de l'accès à l'enseignement secondaire. Nous l'avons également démontré.
L'école ne doit pas être réduite à un outil de production de main-d'oeuvre malléable et corvéable dès le plus jeune âge. Or c'est bien d'une telle vision que relève l'apprentissage junior !
Outre qu'il est dangereux, votre projet me paraît difficilement applicable. Des formules similaires existent déjà, et elles ont échoué. Ainsi, le Centre de formation d'apprentis permet aux jeunes de quatorze à quinze ans de mettre à niveau leurs connaissances pour mieux préparer leur apprentissage en intégrant une classe préparatoire à l'apprentissage sous statut scolaire, sans rémunération. Pendant cette année de préapprentissage, le jeune effectue deux semaines de stage par mois en entreprise. Mais, pas plus que les classes d'initiation professionnelles en alternance, les CLIPA, les CPA ne fonctionnent : 10 000 élèves seulement ont intégré ces dispositifs, bien moins qu'au moment de leur création dans les années soixante-dix. Votre nouveau dispositif n'est que la suppression de ces deux-là.
M. le rapporteur signale déjà un taux de rupture des contrats d'apprentissage de l'ordre de 25 %. Pourquoi orienter contre leur volonté vers l'apprentissage les jeunes élèves en difficulté ? Une orientation aussi contrainte ne pourra pas fonctionner.
Votre proposition n'est évidemment pas le meilleur moyen de revaloriser l'enseignement manuel. Il faut une véritable culture technologique permettant une orientation en connaissance de cause après seize ans, ce qui exige un grand plan pour l'enseignement professionnel permettant la formation en alternance. Tant la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment que les responsables des chambres de métiers et de l'artisanat se montrent circonspects devant vos mesures. L'Union professionnelle artisanale déplore, quant à elle, l'association entre échec scolaire et apprentissage. Elle estime que l'orientation des jeunes vers les métiers de l'artisanat ne doit pas être un choix par défaut.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Alain Gournac, rapporteur. Vous ne défendez pas l'amendement !
Mme Patricia Schillinger. Ce n'est pas ainsi que l'on parviendra à la nécessaire revalorisation des métiers manuels. L'école n'est pas la seule responsable des difficultés d'insertion des jeunes. Il faut rendre le travail plus attractif.
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous ne soutenez pas l'amendement !
Mme Patricia Schillinger. Si les jeunes délaissent ces métiers, c'est parce qu'ils sont précaires...
M. le président. Il faut conclure, madame, car tout cela est très loin de l'amendement !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il n'y a pas de défense d'amendement du tout !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela n'a rien à voir !
Mme Patricia Schillinger. ... et offrent des conditions de travail difficiles pour des salaires trop bas. C'est de ce côté-là qu'il faut agir. On ne peut pas décréter la revalorisation des métiers manuels et défendre dans le même temps des politiques de baisse du coût salarial. C'est pourtant ce que vous vous acharnez à faire depuis quatre ans, et avec conviction ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n'a pas été défendu. Avis défavorable ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Luc. Vous n'avez rien à dire ! Vous n'avez pas d'arguments à exposer !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je présenterai mon explication de vote sous forme de question.
Nous avons un débat de fond très intéressant, et tous nos amendements ont pour objet d'améliorer, ou tout au moins de rendre moins pernicieux, ce contrat d'apprentissage pour les enfants âgés de quatorze ans. Mais les réponses qui nous sont fournies, en particulier par M. le ministre de l'éducation nationale, m'amènent à me poser des questions.
Vous avez parlé d'encadrement par les enseignants et de suivi personnalisé de l'apprenti.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Aucun rapport avec l'amendement !
M. Alain Gournac, rapporteur. Rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je pose des questions afin que nous soyons éclairés sur ce que nous devons faire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme Diogène, en promenant une lanterne ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela a-t-il été discuté, négocié avec les enseignants ? Je crois savoir que ces derniers sont franchement hostiles à cette mesure. Il en est de même du Conseil supérieur de l'éducation. Comment seront dégagés les moyens nécessaires à un tel suivi personnalisé de l'élève qui partira en entreprise ?
Les chambres de métiers sont d'accord, avez-vous dit. On peut toujours donner un accord virtuel, c'est-à-dire un accord de principe, pour montrer que le patronat est d'accord avec votre politique. Néanmoins, la réalité est tout autre.
À l'heure actuelle, les artisans acceptent des apprentis accomplissant un cycle normal d'apprentissage, c'est-à-dire des jeunes âgés de plus de seize ans et préparant un CAP, un BEP, ou au-delà, car ils peuvent les faire travailler quasiment gratuitement pendant leur stage. Les apprentis apprennent alors sur le tas. Mais on sait très bien que les artisans ne veulent pas prendre des stagiaires pour la formation desquels ils doivent dégager des moyens.
S'agissant des PME, accepter un enfant de quatorze pour un stage de préapprentissage qui lui soit utile suppose la présence, au sein de l'entreprise, d'un maître de stage susceptible de s'occuper de l'enfant, de le former. Par quel miracle allez-vous permettre aux PME de payer une personne pour jouer ce rôle, sachant qu'elle aura en général affaire à des enfants très jeunes, déscolarisés, rencontrant de grosses difficultés et pour qui l'entrée dans le monde du travail n'est pas chose facile ? Il faut que le stage soit utile à l'enfant !
M. le président. On est loin d'une explication de vote, ma chère collègue !
M. Alain Gournac, rapporteur. On est même carrément à côté !
M. Dominique Braye. On dépasse aussi les cinq minutes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quant aux grandes entreprises, vous savez très bien qu'elles ne prennent absolument pas d'apprentis qui n'ont aucune qualification et qui ne sont pas facilement intégrables dans le monde du travail.
M. Dominique Braye. C'est de la philosophie de café du commerce ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Braye, je vais demander un rappel à l'ordre ! On n'arrête pas de vous entendre faire des remarques particulièrement désobligeantes. Je ne sais pas si je tiens un discours de café du commerce, mais je vais finir par être grossière en disant à quoi vous ressemblez ! (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. -Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Depuis une heure et demie, les débats étaient apaisés. Je voudrais bien que cela dure jusqu'à la fin de la séance, mes chers collègues !
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Permettez-moi de faire observer que le débat parlementaire est un temps important. Encore faut-il que nous parvenions à parler des amendements qui nous sont proposés !
Effectivement, nous nous demandions, M. le rapporteur et moi-même, ce que nous devions répondre sur cet amendement n° 108. Nous avons écouté attentivement la présentation qui nous a été faite, mais nous n'avons pas entendu un seul mot sur l'amendement !
Nous n'avons pas compris la signification des termes « en majorité » que vous souhaitez ajouter dans la phrase : « Le parcours d'initiation aux métiers comporte des enseignements généraux, des enseignements technologiques et pratiques et des stages en milieu professionnel. » Cela signifie-t-il que le parcours d'initiation comporte autre chose ? Si tel est le cas, nous aurions aimé entendre de quoi il s'agit et quelle est la finalité de cet amendement. Est-ce seulement de nous faire lire un papier par une personne qui n'en avait jamais pris connaissance auparavant ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Est-ce, au contraire, d'améliorer le texte de l'article ? J'ai eu le sentiment que l'on se moquait de nous tout à l'heure, en nous lisant ce texte.
Nous avons pris soin d'étudier ces amendements, nous avons des réponses à y apporter, mais nous avons besoin de compléments d'information. Or, je suis désolé, nous n'avons reçu aucune explication sur l'amendement qui a été déposé, et je trouve que c'est une violence faite à notre assemblée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous respectons les formes. Vous, vous souhaitez être écoutés et entendus. Mais encore faudrait-il nous parler dans des termes que nous comprenons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. L'objet de cet amendement me semble très clair ; il suffit de lire le texte !
Aussi, monsieur About, je suis très étonné de l'interprétation que vous en donnez. Je vais donc vous dire ce que signifie cette disposition.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dites-le !
M. Jean-Pierre Sueur. Je reprendrai les termes de la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation : « Le parcours d'initiation aux métiers comporte » - tout le monde peut comprendre...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, ça, je comprends !
M. Jean-Pierre Sueur. ... « en majorité des enseignements généraux, »...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et que comporte-t-il en minorité ?
M. Jean-Pierre Sueur. ... « des enseignements technologiques et pratiques et des stages en milieu professionnel. »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais que veut dire « en majorité » ?
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très simple, et je crois que chacun peut comprendre !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans l'emploi du temps, la part des enseignements généraux, technologiques et pratiques est supérieure à la part des stages en milieu professionnel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est ce que nous proposons, monsieur About. Nous avons le droit de le faire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En français, la virgule et la conjonction de coordination « et » lient l'ensemble des données !
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous pensez que, pour l'année dont il est question, la part des stages peut être majoritaire, alors dites-le clairement ! Pour notre part, nous pensons que l'amendement présenté par Mme Schillinger permet d'apporter une précision, qui est aussi une garantie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires culturelles. Je tiens à vous dire, monsieur Sueur, que je n'ai malheureusement été que professeur de mathématiques, de physique et de sciences naturelles au collège ; je n'ai pas enseigné le français.
M. Bernard Frimat. Personne n'est parfait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais si j'en crois tout de même le socle de connaissances que je peux avoir, j'ai l'impression qu'une virgule suivie de la conjonction de coordination « et » signifie que toutes les données de la phrase sont prises en compte.
En conséquence, si vous dites que « le parcours d'initiation aux métiers comporte en majorité des enseignements généraux, des enseignements technologiques et pratiques et des stages en milieu professionnel », ce sont toutes ces matières qui constituent la majorité de l'enseignement. Où est la minorité que vous souhaitiez évoquer ? À moins que je ne comprenne plus le français ni la grammaire !
M. le président. Tout cela est peut-être dû à l'heure tardive...
Mme Hélène Luc. L'heure est en effet tardive !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est certainement dû à l'heure tardive, monsieur le président, mais j'avoue être quelque peu étonné des propos du président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je m'intéresse à ce que vous faites !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous nous donnons beaucoup de mal pour élaborer les amendements, monsieur About. Vous allez regretter les propos que vous venez de tenir parce que vous êtes un homme sensible et respectueux des autres.
Mes collègues et moi-même travaillons avec vous, au sein de la commission des affaires sociales, en bonne harmonie, en bonne entente.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous essayons toujours de formuler des propositions concrètes et d'engager le dialogue. Mais là, je pense que vos propos sont quelque peu désagréables à l'égard de ma collègue.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout ! Cela ne concerne en rien votre collègue ! Cela concerne le contenu du texte !
M. Jean-Pierre Godefroy. Non !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah ! mais c'est trop facile ! Je ne fais pas d'agression personnelle !
M. Jean-Pierre Sueur. Je demande la parole.
M. le président. Non, monsieur Sueur, vous êtes déjà intervenu assez longuement !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ça fait un quart d'heure que nous en parlons !
M. le président. L'amendement n° 483, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
À la fin du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, remplacer les mots :
sa formation en apprentissage
par les mots :
son choix
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement devrait convenir à M. Gournac, car il ne relève pas du domaine réglementaire, n'alourdit pas le projet de loi et remplace deux mots par un seul.
En prévoyant dans le projet de loi pour l'égalité des chances un dispositif d'apprentissage précoce, vous dites, monsieur le ministre, vouloir trouver une issue pour les jeunes en difficulté.
Ce faisant, vous renvoyez aux banlieues - cette loi est en effet présentée comme une réponse à la colère des quartiers - l'unique image de l'échec scolaire. Certes, plus qu'ailleurs - nous le savons tous, et personne ne peut le nier -, certains élèves ont de mauvais résultats ; mais vous n'avez pas le droit de renvoyer cette seule image ! Il y a aussi des enfants doués, volontaires et brillants.
Afin que la réussite de ces jeunes ne s'interrompe pas pour des raisons matérielles ou discriminatoires, il faut également leur donner des perspectives. C'était, je le rappelle, l'objectif des trois amendements que vous avez refusé d'examiner pour des raisons de procédure et qui visaient à instaurer un concours pour entrer dans une formation rémunérée d'enseignant, en échange d'un engagement décennal.
L'un des amendements tendait à reproduire le mécanisme retenu par les écoles normales, creuset de la République, qui ont permis hier d'intégrer des fils et des filles de mineurs polonais, leur fonction d'instituteur, d'institutrice ou de professeur donnant aux élèves en difficulté l'image que tout un chacun peut réussir. L'autre visait à limiter ce concours aux zones sensibles, alors que le dernier, auquel M. About sera sensible, prévoyait de limiter le champ disciplinaire aux sciences. En effet, rien n'a été prévu pour ce secteur, et nous allons cruellement manquer de professeurs de mathématiques, de physique et de chimie.
Dans ce projet de loi, messieurs les ministres, vous n'avez pas voulu ouvrir une perspective à ceux dont la réussite n'est enrayée que par la discrimination sociale ou culturelle. Mais, même pour les élèves en difficulté, le texte ne saurait être verrouillé.
Le quatrième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation décrit le parcours d'initiation aux métiers ainsi que sa finalité. Or il me semble incorrect de conclure la dernière phrase, celle qui explique l'issue du parcours, en proposant une solution univoque : la formation en apprentissage.
Si le jeune peut vraiment faire un choix, si plusieurs possibilités lui sont offertes, et si le souhait de rester dans le cursus scolaire d'origine, ou d'y revenir, n'est pas un leurre, alors il serait plus juste de remplacer les termes : « et de préparer sa formation en apprentissage » par les termes : « et de préparer son choix ». (M. David Assouline applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Quand nous disposons de bonnes explications, nous pouvons apporter de bonnes réponses : avis favorable ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Nom de Dieu ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À cette heure très matinale, puisqu'il est une heure cinquante, je suis ravie de noter qu'un des nombreux amendements déposés par l'opposition va être adopté !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y en a eu d'autres !
Mme Annie David. Je regrette que beaucoup d'autres n'aient pas rencontré le même succès ou aient été déclarés irrecevables.
Quoi qu'il en soit, nous soutiendrons cet amendement, car l'orientation est importante dans la scolarité d'un jeune, et elle commence dès les petites classes. En effet, la scolarité doit être appréhendée dans sa globalité.
Cet objectif implique que les orientations ne sonnent pas comme des ruptures définitives, voire comme des sanctions.
À ce titre, l'orientation doit reposer sur une mise en cohérence des différentes offres de formation avec le parcours personnel du jeune, et donc son choix, comme Mme Blandin l'a parfaitement expliqué, sur la valorisation de ses potentialités et de ses attentes, sur l'adhésion du jeune et de sa famille, ainsi, il est vrai, que sur une analyse prévisionnelle des besoins de la société, de l'économie. Dès lors, l'orientation doit être considérée, au même titre que la formation, comme un investissement humain, social et économique.
Pour toutes ces raisons, il me semblait important de soutenir cet amendement. Je suis donc ravie de la position du Gouvernement et de la commission. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 570, présenté par Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation :
« L'élève ayant effectué son parcours d'initiation aux métiers peut, s'il le souhaite, et avec l'accord de son représentant légal, suivre une formation professionnelle sous statut scolaire à partir de l'âge de quinze ans. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement vise à rédiger ainsi le cinquième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation : « L'élève ayant effectué son parcours d'initiation aux métiers peut, s'il le souhaite, et avec l'accord de son représentant légal, suivre une formation professionnelle sous statut scolaire à partir de l'âge de quinze ans. »
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la rédaction proposée vise pour le moins à supprimer ce que le Gouvernement essaie de nous imposer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avant de donner l'avis de la commission, j'aimerais apporter une précision, monsieur le président. On parle de 25 % d'échec, mais cela signifie qu'il y a 75 % de réussite !
Pour ce qui concerne l'amendement n° 570, la commission y est défavorable. En effet, ce texte est contraire à la position de la commission quant à la formation des apprentis juniors.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Mme David a clairement indiqué que cet amendement visait à dénaturer le dispositif relatif à l'apprentissage junior.
Le Gouvernement croit au contraire que ce dispositif rendra service à de nombreux jeunes. Tandis que beaucoup d'entre eux auront envie d'entrer dans la vie active, certains choisiront de revenir à l'enseignement général parce qu'ils y auront trouvé un sens en ayant exercé pendant un certain temps une activité un peu plus concrète. Ils pourront ainsi répondre à la question qu'ils se posaient auparavant : savoir pourquoi ils apprennent.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 376, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation :
« Les stages en milieu professionnel se déroulent dans les conditions prévues à l'article L. 331-5 Lorsque leur durée excède une durée de quatre semaines, ils donnent lieu au versement par les entreprises au sein desquelles ils sont effectués d'une rémunération dont le montant ne peut être inférieur à 25 % du SMIC.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à faire bénéficier les jeunes stagiaires d'une rémunération minimale, au cours de leur stage en milieu professionnel, lorsque celui-ci excède une durée de quatre semaines.
Même pendant la première année, il est évident que le jeune en stage de découverte sera en situation, surtout après quatre semaines, d'exercer des tâches professionnelles simples, qui complèteront des postes de travail existants.
Je ne crains pas vraiment que ce jeune se substitue au professionnel, mais mon amendement a essentiellement pour objet de faciliter la limitation de la durée de ces stages.
Si l'on veut permettre au jeune de découvrir plusieurs métiers dans plusieurs secteurs d'activité, la durée des stages ne doit pas être excessive.
Cela dit, si le jeune devait être conduit à rester plus longtemps dans l'entreprise, il serait sage de prendre réellement en compte l'apport de son travail, en lui octroyant une rémunération qui ne soit pas inférieure à 25 % du SMIC.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, il s'agit là d'un amendement de repli, qui ne remet pas en cause l'analyse générale que j'ai faite à propos de l'article 1er ni, plus largement, à propos de l'accès à l'apprentissage des jeunes à partir de quatorze ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Très sincèrement, nous sommes en désaccord avec Mme Voynet.
Les stages en milieu professionnel ne doivent pas donner lieu à rémunération, car, comme nous l'avons déjà dit, il ne s'agit pas d'un travail.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Lorsque nous avons abordé en commission la question du parcours d'initiation aux métiers, nous avons débattu avec M. Fischer notamment (M. Guy Fischer acquiesce) du principe de la gratification.
Je vous avais alors fait part des interrogations du groupe de travail sur ce principe et vous avais rapporté les propos du professeur Rufo, psychiatre à la Maison des adolescents de l'hôpital Cochin, à Paris, et à l'hôpital de la Timone, à Marseille, qui en est l'un des membres. Ce dernier a affirmé l'importance de cette gratification, qui constitue un élément de changement et de positionnement pour le jeune apprenti, une forme de reconnaissance dans le parcours d'initiation aux métiers.
Mais, madame Voynet, faire référence au SMIC, c'est faire référence au contrat. Nous sortons du dispositif prévu et entrons dans le cadre du contrat d'apprentissage.
De plus, vous proposez un seuil minimum de 25 %, alors même que la première année d'apprentissage peut être rémunérée à 40 % du SMIC. Le secteur du bâtiment notamment a décidé l'an dernier de passer à ce taux.
Nos approches générales sont divergentes, madame Voynet. Je le répète, se référer au SMIC, c'est basculer dans le contrat, alors que la gratification est une reconnaissance que le Premier ministre veut d'ailleurs étendre à l'ensemble des stages. Mais nous reviendrons sur ce sujet.
Le stage donnera lieu au versement d'une gratification dès lors qu'il excédera une durée de trois mois. C'est une singulière avancée. Pour autant, il n'aura pas la qualification de contrat de travail. À cet égard, la chambre sociale de la Cour de cassation a requalifié tous les abus de stages en détournement du contrat de travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaiterais que vous retiriez votre amendement. Je défends vos idées, bien que je ne les partage pas. Je pense en effet que l'apprentissage junior représente une grande chance. Aussi, ne créons pas de confusion entre le contrat et la gratification du parcours d'initiation aux métiers. Ce n'est pas notre vision de l'apprentissage junior.
Ce point a été longuement discuté. J'ai d'ailleurs fait état devant la commission du fait que, dans un premier temps, j'avais moi-même émis des doutes sur le principe de la gratification. Cependant, j'ai été convaincu de la nécessité de cette dernière au terme de longs débats, notamment avec des spécialistes des adolescents, qui nous affirmé son importance.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette explication de vote vaudra défense de l'amendement n° 109 rectifié, puisque M. le ministre a abordé le problème de la gratification.
Sincèrement, je m'interroge au sujet de cette gratification. J'ai entendu dire que vous en auriez fixé le montant, pour un enfant âgé de quatorze à quinze ans, à environ 50 euros par semaine, soit 200 euros par mois, c'est-à-dire 18 % du SMIC. Aujourd'hui, un apprenti de seize ans perçoit 25 % du SMIC, soit 304 euros bruts mensuels. Je ne conteste pas le principe de la gratification. Néanmoins, j'ai deux ou trois sujets d'inquiétude.
Premièrement, je crains que la gratification ne contribue à dissuader l'enfant de retourner au collège. Ces 200 euros représentent quand même quelque chose.
Deuxièmement, il peut être tentant pour les familles en grande difficulté d'utiliser cette gratification d'apprentissage comme un complément à leurs revenus, l'intérêt de l'enfant en apprentissage passant alors au second plan. Même si je ne dis pas que cette dérive sera généralisée, je la crains beaucoup. Ce serait dommageable. Monsieur le ministre, je vous dis cela très sincèrement. J'ignore s'il existe une solution médiane. J'avoue que j'ai du mal à me prononcer.
Vous-même avez reconnu ne pas avoir été favorable dans un premier temps à la gratification, avant de changer d'avis. Pour ma part - et je pense que mes collègues me suivront -, je considère qu'il vaut mieux ne pas mettre le doigt dans cet engrenage, à mon sens trop dangereux.
En outre, étant opposés à votre texte, nous n'allons pas voter en faveur d'une disposition sur laquelle nous avons un doute. Mais j'aimerais que vous approfondissiez la réflexion sur la question de cette gratification, qui me préoccupe vraiment.
M. le président. L'amendement n° 122 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer une phrase ainsi rédigée :
L'élève bénéficie d'un accompagnement personnalisé et individualisé sous forme de tutorat.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je retire cet amendement, tout comme les amendements nos 117 et 128.
M. le président. L'amendement n° 122 rectifié est retiré.
L'amendement n° 109 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer les deux dernières phrases du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation.
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 110, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer les deux dernières phrases du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation par une phrase ainsi rédigée :
Tout stage en milieu professionnel donne lieu à une indemnité de prise en charge par l'employeur des frais de transport et de restauration engagés par celui-ci.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à éviter que le jeune ne soit dissuadé de suivre une formation en raison des frais qu'il doit engager.
En effet, on ne peut accepter l'idée que certains jeunes de milieu modeste ne pourraient, pour des raisons pécuniaires, accéder à ce que vous présentez comme une filière prometteuse dès l'âge de quatorze ans. Nous vous invitons donc à être cohérents avec votre discours.
Nous proposons de remplacer cette gratification unique par une prise en charge des frais engagés par le jeune, bien entendu sur présentation des justificatifs. En effet, la gratification risquerait de bénéficier à des jeunes qui n'en ont pas besoin, alors que d'autres ne parviendraient pas à supporter leurs frais de transport ou de restauration. Nous ne devons pas perdre de vue que les entreprises d'accueil ne seront pas nécessairement situées près du domicile du jeune ni près de l'établissement d'enseignement ou de formation.
Il ne se trouvera pas forcément un restaurant scolaire ou universitaire à proximité, ou même un restaurant d'entreprise. Un jeune de milieu modeste qui en serait « de sa poche » ne pourrait donc pas suivre un stage en entreprise dans ces conditions. Aussi, il serait beaucoup plus juste de prévoir un remboursement de ses frais.
Au demeurant - et cela apaisera vos craintes -, cette prise en charge ne s'opposerait en rien au crédit d'impôt de 100 euros mensuels que vous proposez, à l'article 3, de mettre en place au profit de l'entreprise. Cela correspondrait même dans certains cas à la réalité des remboursements, si l'on prend l'exemple des entreprises situées dans de petites villes dépourvues d'établissement de formation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à remplacer la gratification par une indemnité, laquelle pourrait être assimilée à un salaire. C'est totalement contraire à la réalité du parcours d'initiation. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet le même avis.
J'en profite pour préciser que les partenaires sociaux auront à définir, notamment dans le cadre de la préparation plus globale de la charte des stages, un certain nombre de règles. On y reviendra dans trois articles.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement pour les mêmes motifs que ceux que j'évoquais tout à l'heure.
M. le président. L'amendement n° 111, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune dérogation ne peut être accordée aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 221-3 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de quinze ans sous statut d'apprenti junior suivant un parcours d'initiation aux métiers lors de stages en milieu professionnel.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à prévenir toute dérive vers le travail de nuit de jeunes soumis à l'obligation scolaire sous prétexte d'initiation à un métier comportant des périodes d'activité tôt le matin - avant six heures - ou tard le soir - après vingt-deux heures.
Si l'on s'en tient aux secteurs visés par le décret n° 2006-42 du 13 janvier 2006, et sans compter les éventuels temps de transport, un jeune de quatorze ou de quinze ans qui ferait son initiation dans une boulangerie-pâtisserie pourrait commencer sa journée de travail à quatre heures du matin. Dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, il pourrait travailler de vingt-deux heures à vingt-trois heures trente. Enfin, dans celui des spectacles ou des courses hippiques, il pourrait travailler de vingt-deux heures à minuit. Cela vous paraît-il normal et acceptable ? Pour ma part, je trouve cela scandaleux !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, nous avons longuement parlé de ce point en commission. Le travail de nuit des jeunes de moins de seize ans est interdit par le code du travail, sauf dans les secteurs du spectacle. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
Mme Hélène Luc. Il n'en demeure pas moins que les enfants de quatorze ans peuvent travailler la nuit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'article L. 221-3 du code du travail ne s'applique de toute façon pas aux jeunes en parcours d'initiation aux métiers.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'applique aux mineurs de quinze ans !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il ne s'applique qu'aux mineurs titulaires d'un contrat. Aussi, votre amendement est sans objet. M. le rapporteur a rappelé les conditions légales au travail de nuit. Il est vrai que vous visiez aussi le travail dominical.
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune dérogation ne peut être accordée aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 222-4 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de quinze ans sous statut d'apprenti junior suivant un parcours d'initiation aux métiers lors de stages en milieu professionnel.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette intervention vaudra aussi pour la défense des amendements nos 415, 124, 125 et 126, monsieur le président. Cela nous fera gagner du temps !
Ces amendements visent à éviter que des jeunes soumis à l'obligation scolaire ne soient contraints de travailler le dimanche, sous prétexte de les initier à un métier. Cela constituerait une dérive.
En 2005, avec la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale et de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, vous avez déréglementé le droit applicable au travail des apprentis mineurs de seize à dix-huit ans en les autorisant à travailler le dimanche, les jours fériés et la nuit, et ce sans aucune limitation.
À l'époque déjà, nous nous étions opposés à cette généralisation et à cette banalisation du travail de ces jeunes mineurs le dimanche, les jours fériés et la nuit. Ce qui n'est pas acceptable pour les jeunes de seize à dix-huit l'est encore moins pour les jeunes de quinze ans !
N'oublions pas en effet que nous parlons d'enfants. Il appartient au législateur de veiller avec un soin particulier à la protection des personnes les plus vulnérables, et les mineurs de quinze ans en font partie à bien des égards. Nous ne devons pas accepter des dispositions qui pourraient conduire à porter atteinte à leur santé, à leur développement, à leur sécurité, en faisant peser sur eux une charge trop lourde.
De plus, les métiers concernés par les décrets nos 2006-42 et 2006-43 du 13 janvier 2006 sont déjà, pour beaucoup, délaissés par les jeunes, effrayés par les bas salaires, les horaires excessifs et les dures conditions de travail.
Il ne me paraît pas inutile de rappeler à notre assemblée la liste des secteurs d'activité autorisant le travail de ces mineurs le dimanche et les jours fériés. Pour mémoire, ce sont les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, les traiteurs et organisateurs de réceptions - que cela recouvre-t-il ? -, les cafés, tabacs et débits de boissons, la boulangerie, la pâtisserie, la boucherie, la charcuterie, la fromagerie-crémerie, la poissonnerie, les magasins de vente de fleurs naturelles, jardineries et graineteries, les établissements des autres secteurs assurant à titre principal la fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ou dont l'activité exclusive est la vente de denrées alimentaires au détail.
Bien sûr, vous avez réglé le problème pour les jeunes âgés de seize à dix-huit ans. À l'Assemblée nationale, au cours d'un débat dont l'ambiance était plus proche de celle que nous avons nous-mêmes connue aujourd'hui en début de soirée qu'en fin de soirée, il vous a été demandé si le travail le dimanche, les jours fériés, voire la nuit, concernerait aussi les mineurs de quinze et de seize ans sous contrat d'apprentissage, dans la mesure où ils travailleront dans l'un de ces secteurs.
Apparemment, vous avez répondu par un oui enthousiaste à l'Assemblée nationale. Je vous demande de réfléchir encore sur ce point.
Comme cela a été dit, il faut qu'un jeune de quinze ans qui entre en apprentissage puisse retourner le plus rapidement possible dans le milieu scolaire s'il en éprouve le besoin.
Par ailleurs, monsieur le ministre, ce n'est pas facile, pour un jeune de cet âge, de travailler le dimanche quand ses petits camarades jouent au football, de ne pas pouvoir aller au cinéma avec eux, se promener le matin avec ses parents ou faire du vélo - ne riez pas ! chez moi on en fait sur la plage -, et de ne pas pouvoir se rendre à une fête locale.
M. Dominique Braye. Ils sont givrés ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis givré ? Monsieur le président, j'exige des excuses de M. Braye.
M. Dominique Braye. Je m'adressais à M. André, et je n'ai pas à vous demander la permission de lui parler.
M. Roland Muzeau. Il n'a même pas le courage de ses actes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes un lâche !
M. le président. Monsieur Braye, veuillez retirer ce que vous avez dit !
M. Dominique Braye. Je parlais à M. André !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, comme cette remarque m'a été adressée, je voudrais faire observer à l'ensemble de la Haute Assemblée que je n'ai pas coutume d'être désagréable avec quelque orateur que ce soit.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous en donne acte.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il n'est pas non plus dans mes habitudes d'insulter qui que ce soit. En l'occurrence, j'essayais simplement de défendre un amendement dans le cadre du débat parlementaire.
M. Dominique Braye. Je ne me suis pas adressé à vous ! (« Menteur ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez dit : « Ils sont givrés ! ». Je vous demande des excuses.
M. Dominique Braye. Savez-vous seulement de quoi je parlais ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des excuses !
M. le président. Mes chers collègues, ne nous agitons pas. Pour la sérénité des débats, je souhaiterais que cet incident prenne fin. Monsieur Godefroy, veuillez poursuivre votre propos.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis tout à fait désolé de ce qui se passe. Je voulais simplement expliquer à M. le ministre pourquoi il me semblait désastreux d'étendre cette mesure aux jeunes de quinze à seize ans.
Monsieur le président, je vais maintenant m'asseoir et écouter la réponse de M. le ministre, mais je note que M. Braye ne veut pas me présenter des excuses et qu'il n'est pas capable d'assumer ses propos. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article L. 221-3 du code du travail posait le principe de l'interdiction du travail dominical des apprentis âgés de moins de dix-huit ans.
Plusieurs circulaires du ministère du travail de 1975, 1995 et 2002 ont toutefois conduit à une interprétation souple de cette disposition. Les employeurs ont eu ainsi la possibilité de faire travailler les apprentis mineurs les dimanches et jours fériés dans certains secteurs d'activité tels que l'hôtellerie, la restauration, la fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate.
Depuis plus de trente ans, mes chers collègues, il était donc admis que des dérogations à l'interdiction du travail dominical puissent être accordées dans ces secteurs d'activité, y compris en ce qui concerne les jeunes apprentis entrés en apprentissage à l'âge de quinze ans. (Mme. Christiane Demontès s'exclame.)
Permettez-moi d'exposer les éléments du débat.
Dans plusieurs arrêts du 18 janvier 2005, la Cour de cassation a rappelé que ces circulaires étaient contraires à la loi. C'est pourquoi l'article 84 de la loi en faveur des petites et moyennes entreprises a donné un fondement législatif aux dispositions des circulaires. Il a complété l'article L. 221-3 du code du travail, qui prévoit désormais que l'interdiction du travail dominical ne s'applique pas aux secteurs d'activité dont les caractéristiques le justifient et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État.
La problématique du travail des apprentis mineurs les jours fériés étant identique, ce même article a prévu une solution analogue pour les jours de fête et a modifié en ce sens les articles L. 222-2 et L. 222-4 du code du travail.
Ce dispositif s'appliquera aux apprentis effectuant la seconde année de la formation d'apprentis juniors. Il me semble apporter une souplesse encadrée correspondant à l'évolution des habitudes de vie de nos concitoyens.
Ne mettons pas un obstacle à l'embauche des jeunes qui souhaitent entrer dans ces filières où le travail dominical est de coutume. Si les parents préviennent que leur enfant ne pourra pas travailler le dimanche et les jours fériés, l'employeur ne le recrutera pas en apprentissage. Or il s'agit d'une pratique qui a été parfaitement cadrée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il convient tout d'abord de bien distinguer la question du travail de nuit de celle du travail dominical.
Sur la question du travail de nuit, vous faisiez allusion à un débat passionné, marqué par de multiples interventions, qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, dans une période postprandiale, quoique moins tardive que celle-ci. Vous avez évoqué la position prise par M. Laurent Hénart, rapporteur. Je voudrais dire qu'en fait celui-ci a émis sa réponse de manière mécanique. Voilà pourquoi, dès les motions de procédures, il m'a semblé utile de préciser les choses : le bicamérisme nous offre ainsi la possibilité de pouvoir enrichir les débats.
Je l'ai dit hier, à quatorze ans, il ne peut y avoir de travail de nuit, sauf exceptions spécifiques dans le secteur du spectacle. Je n'y reviens pas.
À quinze ans, le travail de nuit est également interdit, y compris dans le cadre de l'apprentissage.
À partir de seize ans, le travail de nuit des apprentis est possible, mais il est encadré de manière très stricte - beaucoup mieux qu'il ne l'était - par une ordonnance de 2001, précisée par un décret du 13 janvier 2006, qui mentionne les secteurs concernés, les plages horaires et impose la présence effective obligatoire du maître d'apprentissage.
À cet égard, j'ai donné des instructions pour que l'ordre public social soit respecté. Seuls les inspecteurs du travail, qui sont chargés d'en assurer le contrôle, peuvent accorder une dérogation.
En ce qui concerne le travail du dimanche - étymologiquement, le dimanche est le contraire de la nuit : c'est plutôt un jour de fête, de lumière -, nous vivions depuis trente ans sur des circulaires dérogatoires de 1975, de 1995 et du début de 2002. Plusieurs arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation ont rappelé que ces circulaires n'étaient pas de nature à suppléer ou empêcher l'application de textes législatifs.
Voilà pourquoi nous avons précisé, dans un texte que vous avez rappelé, la situation du travail dominical, qui est différente de celle du travail de nuit. Les apprentis sous contrat, à partir de quinze ans, peuvent donc travailler le dimanche - comme c'était le cas auparavant avec le système dérogatoire - dans des conditions encadrées fixées par décret.
Il était important de réexaminer la question sous tous ses aspects. Maintenant les choses sont claires, il n'y a pas de confusion possible entre la nuit et le dimanche. Voyez qu'il est bon parfois de travailler la nuit, avec tranquillité et sérénité ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 112 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai bien entendu les éléments techniques apportés par M. le ministre. Mais, sur le fond, je ne suis pas d'accord.
Lorsque, dans cet hémicycle, s'est tenu le débat sur le travail des jeunes de seize à dix-huit ans - M. Borloo représentait le Gouvernement -, nous avons fait part de notre position.
En matière d'apprentissage, il faut savoir de quoi on parle ; il y a des métiers qui sont exercés dans des conditions particulières et il est important que le jeune soit au courant des conditions dans lesquelles il va travailler. J'ai donc suggéré que l'on considère les métiers, branche par branche, pour voir si leur exercice par des jeunes pouvait se justifier. Certes, le travail dominical est possible sous certaines conditions. Mais reconnaissez, monsieur le ministre, que le travail le dimanche, à quinze ans, dans un débit de boisson, un bar-tabac, ou un bar PMU n'est ni très formateur ni très bon pour la santé.
Cela étant, quelques dérogations devraient être accordées, après concertation, pour certaines professions, notamment les boulangers, pâtissiers. Il serait légitime qu'un jeune de quinze ou seize ans en apprentissage junior puisse travailler un, deux, ou trois dimanches par mois dans le cadre d'un cycle de formation. Il pourrait ainsi se familiariser avec le métier qu'il exercera.
C'est une ouverture que j'avais faite. Je n'oblige personne à être d'accord avec moi, mais il faut reconnaître que cette autorisation aurait une vertu pédagogique. En revanche, travailler tous les dimanches et les jours fériés n'a qu'une vertu économique. C'est toute la différence ! (MM. Jean-Pierre Sueur et Guy Fischer applaudissent.)
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Je ne voudrais pas allonger inconsidérément les débats, mais je dirai tout de même que les dimanches et jours de fête n'ont pas à être sacralisés ; actuellement, dans notre société, de nombreuses grandes surfaces, de grands distributeurs, des entreprises de loisirs fonctionnent le dimanche. Je serais donc un peu gênée de m'opposer au travail des jeunes ce jour-là.
Simplement, je voudrais attirer l'attention sur la situation des jeunes issus de quartiers peu ou pas desservis par les transports collectifs le soir, le dimanche et les jours fériés. De nombreux jeunes de zones rurales ne peuvent pas espérer avoir accès à des transports publics aux heures où ils seraient censés se déplacer. Ainsi, on est en train de rendre les choses extrêmement compliquées pour ces jeunes. Va-t-on leur proposer de se déplacer en mobylette ? Porteront-ils un casque ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Et des bottes ?
Mme Dominique Voynet. Leur sécurité sera-t-elle garantie ? Ce sont autant de problèmes à régler. (Murmures sur les travées de l'UMP.) Évidemment, vos enfants n'auront jamais à se les poser !
On a vu aussi pendant les émeutes qu'il y avait beaucoup de femmes seules avec des enfants à élever et que leurs horaires de travail étaient extrêmement compliqués.
Vous le savez vous-même, parmi les éléments de discrimination qui frappent les enfants de ces quartiers, il y a l'accès aux moyens de transports, et il est sûr que le dimanche, le soir et les jours fériés, il est encore plus difficile de s'organiser.
M. Christian Cambon. Pendant les émeutes, ils se déplaçaient pourtant rapidement !
Mme Dominique Voynet. Monsieur Cambon, vous êtes en train de faire un amalgame qui me paraît dangereux.
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une convention est passée entre le chef d'établissement d'enseignement ou de formation dont relève l'élève et le chef d'entreprise qui l'accueille conformément à l'article L. 211-1 du code du travail. Cette convention prévoit notamment les objectifs pédagogiques du stage, les modalités d'organisation, la durée du stage, les horaires des activités et leur nature, le contenu des tâches confiées au stagiaire, les conditions d'encadrement et de tutorat, les mesures de sécurité prises contre les risques d'accidents du travail et les maladies professionnelles et les modalités de suivi et d'évaluation du stage.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Il s'agit d'un simple amendement de précision.
Compte tenu du fait que les jeunes en stage d'initiation aux métiers seront aussi jeunes, il nous paraît de leur intérêt qu'une convention passée entre le chef d'établissement et le chef d'entreprise accueillant précise l'ensemble de ces données.
Ce serait d'ailleurs aussi l'intérêt du chef d'établissement comme du chef d'entreprise, tant le texte qui nous est soumis, dans son imprécision, est une source probable de contentieux.
Si les jeunes sont invités, comme on peut le craindre, à travailler contre rétribution dès l'âge de quatorze ans, ils auront à s'approcher des machines. Toutes sortes d'accidents peuvent d'ailleurs survenir, même dans un travail de bureau.
Il est donc primordial que les conventions soient précises afin d'éviter les contentieux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement est satisfait, la convention étant déjà prévue dans le code du travail.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune entreprise ou établissement où il a été établi par les services de contrôle que les conditions de travail sont de nature à porter atteinte à la santé, à la sécurité ou à l'intégrité physique ou morale des personnes qui y sont présentes, ne peut accueillir des stagiaires en milieu professionnel.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je souhaite attirer l'attention du Sénat sur le décret n° 8571 de mars 2005, pris pour partie en application de la loi de programmation pour la cohésion sociale et introduisant des modifications en matière de mobilité européenne des apprentis et de compétences professionnelles des maîtres d'apprentissage.
Ce décret, qui procède à un toilettage des textes et à une mise en conformité, justifie notre amendement. Il introduit « une simplification des règles relatives aux dérogations à l'utilisation des machines dangereuses par les apprentis. L'autorisation délivrée par l'inspecteur du travail est accordée, en l'absence de modification des équipements de travail, des conditions de sécurité et de l'environnement du travail et sous réserve de l'envoi annuel de l'avis favorable du médecin du travail, pour toute la durée du contrat et non plus année par année. »
Nous sommes donc ici en pleine revalorisation de l'apprentissage, comme on peut le voir ! Les parents n'ont pas seulement de bonnes raisons de s'inquiéter pour l'avenir de leurs enfants ; ils peuvent aussi s'inquiéter pour leur santé et leur sécurité.
Par conséquent, notre amendement permettrait d'offrir une garantie aux parents qui souhaitent que leurs enfants se rendent en apprentissage dans des endroits où les machines-outils peuvent être dangereuses. Avec ce nouveau décret, qui vise à une harmonisation avec la législation européenne, nous allons plutôt vers le bas que vers le haut. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l'article L. 211-1 du code du travail, ainsi que par l'article L. 331-5 du code de l'éducation, qui prévoient qu'aucune convention ne peut être signée entre un établissement d'enseignement et un établissement industriel si ce dernier présente les dangers évoqués par votre amendement, mon cher collègue.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 115, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les tâches effectuées par des jeunes stagiaires en milieu professionnel âgés de moins de seize ans doivent être conformes aux règles particulières applicables aux conditions d'emploi des enfants qui interdisent notamment les travaux répétitifs ou exécutés dans une ambiance ou à un rythme qui leur confère une pénibilité caractérisée.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Si l'on se réfère, par exemple, au décret n° 2003-812 du 26 août 2003, relatif aux modalités d'accueil en milieu professionnel d'élèves mineurs de moins de seize ans, ou au décret n° 97-370 du 14 avril 1997, que peut-on apprendre ?
D'abord, au cours des visites d'information ou des séquences d'observation, les élèves ne peuvent accéder aux machines, appareils ou produits dont l'usage est proscrit pour les mineurs par le code du travail. Ils ne peuvent ni procéder à des manoeuvres ou manipulations sur d'autres machines, produits ou appareils de production ni effectuer des travaux légers autorisés aux mineurs par ce même code.
Ensuite, l'emploi des jeunes âgés de plus de quatorze ans, encore soumis à l'obligation scolaire, est autorisé pendant les périodes de vacances scolaires comportant au moins sept jours, ouvrables ou non, sous réserve que les intéressés jouissent d'un repos continu d'une durée qui ne peut pas être inférieure à la moitié de la durée totale desdites vacances.
La durée de travail des intéressés ne peut excéder sept heures par jour et trente-deux heures par semaine. Cette dernière limitation est portée à trente-cinq heures par semaine pour ceux qui ont atteint l'âge de quinze ans.
Les jeunes visés au présent article ne peuvent être employés qu'à des travaux légers, c'est-à-dire des travaux qui, en raison de la nature propre des tâches qu'ils comportent et des conditions particulières dans lesquelles ces tâches sont effectuées, ne sont pas susceptibles de porter préjudice à leur sécurité, à leur santé ou à leur développement.
En particulier, ces jeunes ne peuvent être employés ni à des travaux exécutés dans une ambiance ou à un rythme qui leur confèrent une pénibilité caractérisée ou astreignent à un rendement, ni à des travaux d'entretien, de réparation ou de conduite de tracteurs ou de machines mobiles.
Nous ne faisons donc que demander l'application stricte de la loi aux jeunes de moins de seize ans.
Nous n'avons cessé de vous dire tout le mal que nous pensions de ce texte de loi, parce que trop rude, dans la mesure où il s'agit finalement d'enfants, et trop discriminatoire, puisque nous savons qu'il s'adressera aux plus modestes, comme c'est déjà le cas.
Il nous semble donc essentiel de protéger au maximum la santé et la sécurité de ces enfants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Les conventions prévues par l'article L. 331-5 du code de l'éducation écartent ce risque.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Les protections visées étant prévues dans le code de l'éducation, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La nature des tâches que les jeunes stagiaires en milieu professionnel se verront confier, devra être adaptée à leur âge et à leurs capacités physiques. Un décret en Conseil d'Etat détermine la liste des tâches considérées comme spécifiquement préjudiciables pour des jeunes âgés de moins de seize ans.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. La protection des enfants au travail, outre le relèvement progressif de l'âge d'admission dans l'entreprise et la limitation des heures de travail, n'a évolué que progressivement.
Ce qui nous inquiète le plus, c'est que vous abaissez l'âge d'admission dans l'entreprise, comme vous avez déjà augmenté l'horaire journalier des apprentis en 2004.
Je rappelle à cet égard que la loi de modernisation sociale, sous l'impulsion de Jean Le Garrec, alors président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, avait diminué de huit à sept heures le nombre d'heures que peut réaliser un apprenti mineur. C'était une mesure de protection de la jeunesse, non seulement conforme à la réduction du temps de travail, mais ajustée aux capacités physiques des apprentis mineurs.
Vous n'avez eu de cesse de faire remonter cette durée du travail à huit heures. Vous avez ainsi cédé à la pression des représentants du patronat du bâtiment, qui souhaitaient que les jeunes présents sur les chantiers, non seulement restent sur place pendant huit heures, mais aussi travaillent effectivement pendant toute la durée de leur présence. L'argument invoqué alors était que les chantiers n'étant pas situés, par définition, dans l'enceinte de l'entreprise, il était dommage que les apprentis s'arrêtent de travailler et attendent d'être ramenés.
Sur le plan juridique, vous n'avez pas hésité à invoquer la directive européenne sur le temps de travail, alors que - vous le savez parfaitement - rien n'empêche que le droit national soit plus favorable que le droit communautaire.
Les mesures que vous avez déjà mises en oeuvre à l'encontre de la protection des apprentis en matière de durée du travail, les dispositions que vous êtes en train de prendre pour l'âge d'admission dans l'entreprise ne vous empêcheront-elles pas de maintenir une protection adéquate des mineurs que vous mettez au travail ?
Nous proposons cet amendement afin de nous assurer que votre texte ne portera pas atteinte à la santé et à la sécurité des mineurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement est également satisfait, car le danger qu'il évoque est couvert par l'article L. 331-5 du code de l'éducation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Avis également défavorable.
Je précise que c'est un décret pris par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a apporté cette protection supplémentaire. Il s'agit donc d'une disposition tout à fait actualisée, si bien que les préoccupations exprimées par Mme Printz sont réellement prises en compte.
Permettez-moi d'ajouter une brève remarque : méfions-nous de nos efforts pour rendre abordable et compréhensible le code du travail. N'y introduisons pas en permanence des dispositions qui existent déjà, au risque de rendre la codification illisible, incompréhensible et d'application plus difficile. Puisque nous avons la volonté de faire appliquer l'ordre public social, veillons à ne pas l'alourdir débat après débat !
M. le président. L'amendement n° 116 est-il maintenu, madame Printz ?
Mme Gisèle Printz. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur qui accueille un jeune stagiaire en milieu professionnel de moins de seize ans est tenu d'adresser une déclaration préalable à l'inspection du travail qui dispose d'un délai de huit jours pour s'y opposer dans des conditions déterminées par décret et conformément aux dispositions de l'article L. 211-1 du code du travail. Cette déclaration doit obligatoirement comporter le nom et la qualification professionnelle du tuteur, la durée de la période de stage, la nature des travaux demandés au jeune stagiaire dans le cadre de sa formation, les horaires de travail de l'entreprise ou de l'établissement, et les mesures prises contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Cet amendement a été retiré précédemment par ses auteurs.
L'amendement n° 118, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un examen par un médecin des services de médecine scolaire est obligatoire avant le début des stages en milieu professionnel.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement est conforme au principe de précaution. Il prévoit que le jeune qui est encore sous obligation scolaire passe obligatoirement un examen auprès des services de médecine scolaire.
Nous devons avouer que nous avons hésité un instant après avoir constaté que vous proposiez que le jeune effectuant un stage d'initiation aux métiers bénéficierait d'une gratification au-delà d'une certaine durée de stage.
Ce n'est pas la gratification en elle-même qui pose problème, mais ce qu'elle implique. Il est bien évident que le jeune ne sera pas rétribué de cette façon uniquement pour observer et établir un rapport. Nous sommes au-delà du stage de découverte que la loi Fillon a instauré pour les jeunes au collège. Il ne s'agissait alors que d'une étape préparatoire, une sorte de préparation à l'apprentissage junior. D'ailleurs, il est interdit aux jeunes dans le cadre du stage de découverte d'accéder aux machines et aux équipements dangereux, ce qui n'est pas le cas pour les jeunes en stage d'initiation.
À mesure que nous avançons dans l'examen de ce texte, l'ambiguïté disparaît pour faire place à une réalité que nous dénonçons avec de plus en plus de justifications, à savoir le travail des enfants.
Le problème tient donc bien en ce qu'implique la gratification, à savoir un travail. Le jeune, encore sous obligation scolaire, sera en même temps en initiation au travail et réalisera sans doute de petits travaux, sans être un salarié. C'est au fond le système ancien de l'apprenti, qui balaie l'atelier de temps à autre, que vous remettez à l'honneur, en ramenant l'âge de l'apprentissage à quatorze ans, comme dans les années trente.
Cet apprenti, garçon ou fille, sera donc amené à travailler dans une atmosphère spécifique, au sens physiologique du terme.
Prenons l'exemple d'un jeune qui fera un stage dans une boulangerie-pâtisserie et qui, dès quinze ans donc, sera obligé de travailler la nuit, les dimanches, les jours de fête. Va-t-on attendre qu'une allergie se déclenche pour s'apercevoir qu'il ne supporte pas les poussières de farine, lesquelles provoquent chez lui des crises d'asthme ?
Prenons le cas d'un autre jeune qui serait intéressé par les métiers de la confection haut de gamme. S'il a une scoliose ou un problème de vue, il est préférable de s'en apercevoir avant qu'il ne soit engagé dans un métier qui lui plairait, mais qui lui ruinerait la santé.
Principe de précaution, disais-je. On peut dire encore : mieux vaut prévenir que guérir, particulièrement s'agissant de la santé de nos enfants.
Si nous avons hésité, mes chers collègues, c'est non pas sur l'application du principe de précaution au travers de l'examen par un médecin, mais sur l'organisme qui doit pratiquer cet examen. Cohérents avec nous-même, s'agissant de ceux qui restent avant tout des enfants, nous préconisons l'examen par la médecine scolaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le médecin scolaire semble répondre aux besoins évoqués par l'amendement. Cependant, monsieur le ministre, je souhaiterais obtenir une précision de votre part : comment les choses seront-elles concrètement organisées pour que la visite ait lieu au tout début du stage ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Ou bien le jeune est en période d'initiation, c'est-à-dire sous statut scolaire, et relève forcément du suivi médical de l'établissement scolaire,...
Mme Éliane Assassi. Il n'y a plus de médecine scolaire !
M. Gilles de Robien, ministre. ... ou bien il a un contrat d'apprentissage, c'est-à-dire un contrat de travail, et bénéficie à ce titre des dispositions de l'article L. 211-1 du code du travail. Celles-ci prévoient une visite obligatoire dans un délai de deux mois après la signature du contrat de travail et, pour certains métiers particulièrement pénibles, comportant des dangers ou impliquant l'utilisation de matériel à risque, avant la « prise de risque », si je puis dire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il va falloir en embaucher, des médecins scolaires !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Compte tenu des indications que vient d'apporter M. le ministre, la commission émet un avis également défavorable.
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale sont applicables de plein droit aux stagiaires en milieu professionnel.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement est déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 415, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune dérogation ne peut être accordée aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 221-3 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de quinze ans sous statut d'apprenti junior suivant un parcours d'initiation aux métiers lors de stages en milieu professionnel.
Cet amendement a déjà été présenté.
La commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 415.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 572, présenté par Mme David, MM. Ralite, Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation.
Cet amendement n'a plus d'objet du fait des votes déjà intervenus.
L'amendement n° 121, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, remplacer le mot :
quinze
par le mot :
seize
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
à la condition
rédiger comme suit la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation :
qu'il justifie avoir effectué la scolarité du premier cycle de l'enseignement secondaire.
Cet amendement n'a plus d'objet du fait des votes déjà intervenus.
L'amendement n° 124, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune dérogation ne peut être accordée aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 213-7 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de seize ans sous statut d'apprenti junior.
Cet amendement a déjà été présenté.
La commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 124.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune dérogation ne peut être accordée aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 221-3 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de seize ans sous statut d'apprenti junior. »
Cet amendement a déjà été présenté.
La commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 125.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 126, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune dérogation ne peut être accordée aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 222-4 du code du travail pour les jeunes âgés de moins de seize ans sous statut d'apprenti junior.
Cet amendement a déjà été présenté.
La commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 126.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune entreprise ou établissement où il a été établi par les services de contrôle que les conditions de travail sont de nature à porter atteinte à la santé, à la sécurité ou à l'intégrité physique ou morale des personnes qui y sont présentes, ne peut accueillir des apprentis mineurs de moins de seize ans. »
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Le Bureau international du travail, dans une récente étude publiée le 19 septembre dernier à l'occasion du Congrès mondial sur la santé et la sécurité au travail, pousse un cri d'alarme : le travail tue de plus en plus dans le monde.
On estime à 2,2 millions de personnes, soit 5 000 morts par jour en moyenne, le nombre de victimes du travail. La progression est de 10 % entre 2002 et 2005.
Encore faut-il faire la part de l'imprécision dans la collecte des données. Ainsi, il est surprenant que l'Inde, qui compte plus d'un milliard d'êtres humains, ne recense pas plus de 222 accidents mortels du travail par an, alors que la République tchèque en déclare 231. Autre exemple : l'Union européenne estime à 120 000 le nombre d'accidents mortels dans l'ex-Europe des Quinze, chiffre que le BIT estime sous-évalué.
Dans les pays industrialisés, le nombre d'accidents mortels est en progression, de même que, évidemment, le nombre de maladies professionnelles. Ce disant, je fais référence non pas seulement à l'amiante, mais aussi à l'ensemble des maladies liées à la proximité de produits dangereux ou à leur manipulation. Les substances dangereuses tuent environ 440 000 salariés par an, estime l'OIT.
Parmi les problèmes émergents, surtout dans les pays industrialisés, le BIT cite les facteurs psychosociaux, la violence, les effets de l'alcool, des drogues et du tabac, le stress et le sida. Ce sont là les effets du durcissement des conditions de travail, de la précarité croissante et de la pauvreté liés aux bas salaires que nous ne cessons de dénoncer.
Les salariés jeunes, de quinze à vingt-quatre ans selon les normes internationales, étant moins expérimentés, sont davantage victimes d'accidents et de maladies professionnelles. Il en est de même pour les salariés précaires, qui ne maîtrisent pas parfaitement les machines et les produits mis à leur disposition.
Nous arrivons là au coeur du problème : les jeunes de quatorze à seize ans présents dans les entreprises seront encore plus exposés que les autres salariés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles en raison de leur ignorance des processus de travail.
Il est donc particulièrement important, que ce soit dès quatorze ans ou à quinze ans, qu'ils ne puissent être envoyés dans des entreprises qui ont fait l'avis d'une alerte de la part des services de contrôle.
Il sera de la responsabilité des chefs d'établissements d'y veiller, ce qui implique seulement qu'ils soient régulièrement en rapport avec les services de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable, monsieur le président, pour des raisons que j'ai indiquées à propos d'un amendement précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je renvoie à mon tour à l'article L. 211-1, pris en vertu d'une ordonnance du 22 février 2001, qui, notamment parce que les termes « inspection du travail » y sont cités, inclut également le rôle de la direction départementale du travail. Il y est donc clairement répondu aux préoccupations exprimées par Mme Le Texier.
À cet article s'ajoute la mise en place effective du plan « santé-travail », que j'évoquais hier, qui vise notamment les substances dangereuses. De fait, nous avons besoin de mieux les connaître.
Il faut enfin citer le programme REACH, mais aussi les nanomatériaux et un certain nombre d'autres substances, ainsi que la réflexion qui est menée autour des matériels dangereux.
Je vous demande donc, madame, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Le Texier, l'amendement n° 127 est-il maintenu ?
Mme Raymonde Le Texier. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 128, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les tâches effectuées par des apprentis âgés de moins de seize ans doivent être conformes aux règles particulières applicables aux conditions d'emploi des enfants qui interdisent notamment les travaux répétitifs ou exécutés dans une ambiance ou à un rythme qui leur confère une pénibilité caractérisée. »
Cet amendement a été retiré par son auteur.
L'amendement n° 129, présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un examen par un médecin des services de médecine scolaire est obligatoire avant le début du contrat d'apprentissage d'un jeune de moins de seize ans. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable, l'article L. 241-48 du code du travail prévoyant que l'apprenti est soumis à une visite médicale d'embauche.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. La médecine scolaire n'intervenant pas dans ce cadre-là, l'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 129 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 129 est retiré.
L'amendement n° 379, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur est tenu d'adresser une déclaration préalable "d'engagement d'un apprenti junior" à l'inspection du travail qui dispose d'un délai de huit jours pour s'y opposer dans des conditions définies par décret. Cette déclaration comporte la durée du travail et de la formation, les conditions de travail et les tâches à effectuer dans le cadre de la formation, le nom et la qualification du tuteur, les documents attestant que l'employeur est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales, le nombre d'apprentis déjà présents dans l'entreprise.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à apporter une garantie minimale de protection aux élèves stagiaires dans un dispositif qui est par nature susceptible de dérives particulièrement inacceptables compte tenu du jeune âge du public concerné.
Il prévoit l'instauration d'une procédure de déclaration par l'employeur à l'inspection du travail, préalable à toute entrée dans le dispositif de l'» apprentissage junior ». Cette déclaration devra comporter un certain nombre d'éléments qui permettront à l'inspection du travail de porter un jugement sur les conditions de déroulement de l'apprentissage. Il s'agira d'informations sur le déroulement même de l'apprentissage - durée du travail et de la formation, tâches à effectuer - d'informations sur l'entreprise elle-même, notamment sur le respect de ses obligations fiscales et sociales, d'informations enfin sur la capacité de l'entreprise à encadrer convenablement l'apprenti - nom et qualification du tuteur, nombre d'apprentis déjà présents dans l'entreprise.
Sur la base de ces informations, l'inspection du travail disposera d'un délai de huit jours pour s'opposer au projet si celui-ci est susceptible de porter atteinte à l'intérêt du jeune. Par sa connaissance des entreprises et grâce aux informations transmises par le moyen de la déclaration préalable, l'inspection du travail sera en mesure de juger dans les meilleures conditions de la capacité de l'entreprise à assurer un encadrement de qualité à l'apprenti, encadrement dont l'importance est renforcée par l'abaissement de l'âge des apprentis.
Cette déclaration préalable constitue donc un garde-fou indispensable à un dispositif dont nous contestons, je le rappelle, la philosophie. (Bavardages et rires sur les travées de l'UMP.)
Vous l'aurez noté, monsieur le président, je suis amenée à rectifier mon amendement et à remplacer les mots : « apprenti junior » par les mots « élève stagiaire en parcours d'initiation aux métiers ».
Je tiens, monsieur le président, à souligner à quel point les gloussements permanents qui proviennent de certaines travées sont pénibles.
M. Roger Romani. Ils ne vous visent pas !
M. le président. Je suis en effet saisi de l'amendement n° 379 rectifié, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, qui est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur est tenu d'adresser une déclaration préalable "d'engagement d'un élève stagiaire en parcours d'initiation aux métiers" à l'inspection du travail qui dispose d'un délai de huit jours pour s'y opposer dans des conditions définies par décret. Cette déclaration comporte la durée du travail et de la formation, les conditions de travail et les tâches à effectuer dans le cadre de la formation, le nom et la qualification du tuteur, les documents attestant que l'employeur est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales, le nombre d'apprentis déjà présents dans l'entreprise.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article L. 117-5 du code du travail prévoit déjà que l'employeur désireux d'embaucher des apprentis déclare, au moment de l'embauche, prendre toutes les mesures nécessaires en ce qui concerne les conditions d'emploi.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Défavorable également, parce que tout figure déjà à l'article L. 211-1 : « Les employeurs sont tenus d'adresser une déclaration préalable à l'inspecteur du travail, qui dispose d'un délai de huit jours pour s'y opposer. »
L'adoption de cet amendement reviendrait à alourdir inutilement le code du travail, qui n'en a guère besoin. C'est pourquoi je vous demande, madame, de bien vouloir retirer votre texte.
M. le président. Madame Voynet, l'amendement n° 379 rectifié est-il maintenu ?
Mme Dominique Voynet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 585, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune convention ne peut être conclue entre l'établissement dont relève l'élève et l'entreprise lorsqu'il a été établi par les services de contrôle que les conditions de travail sont de nature à porter atteinte à la sécurité, à la santé ou à l'intégrité physique ou morale des élèves stagiaires mineurs de quatorze ou quinze ans. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le contrat d'apprentissage junior nous paraît être organisé autour de conditions de passation en apparence souples, mais qui posent le problème d'une diversité de situations très particulières, donc d'une redoutable diversité des risques.
Ainsi, l'inspection de l'apprentissage est peu directement concernée, c'est le moins que l'on puisse dire, par la mise en oeuvre des contrats d'apprentissage junior, alors même que, à notre sens, toutes les garanties doivent être proposées aux jeunes et à leurs familles pour que le contrat s'exécute dans des conditions satisfaisantes au regard de ses objectifs pédagogiques, et M. Larcher est revenu à plusieurs reprises sur ce sujet.
Des garanties doivent en effet être apportées pour assurer un bon déroulement du contrat d'apprentissage junior. Comment cependant, au-delà des conditions de plus en plus favorables, notamment financières, qui sont proposées aux entreprises d'accueil, ne pas pointer le fait que les maîtres d'apprentissage ne sont pas une population en expansion continue et que c'est précisément la réduction régulière du nombre des entreprises artisanales dans bien des branches d'activité qui constitue l'un des freins au développement souhaité de l'apprentissage ?
Posons la question autrement : à qui fera-t-on croire que c'est au sein d'entreprises importantes, relativement exigeantes en termes de formation scolaire initiale, que les apprentis juniors trouveront un site d'accueil pour l'exécution de leur contrat ?
C'est bel et bien dans le monde de l'entreprise artisanale que la plupart des parcours professionnels vont être déterminés, alors même qu'il connaît une démographie pour le moins déclinante.
Si l'immersion en milieu professionnel se déroule en effet dans des conditions peu satisfaisantes, si la relation entre le jeune et le maître d'apprentissage n'est pas satisfaisante non plus, quel sera le recours proposé au jeune ?
Notre amendement vise donc à apporter la garantie que ne pourrait être signé de contrat dont il apparaîtrait clairement qu'il ne s'accomplirait pas dans des conditions satisfaisantes.
Une question reste posée, monsieur le ministre : si un jeune de quatorze ou quinze ans devait malheureusement être victime d'un accident, quelle en serait la qualification ? Serait-ce un accident scolaire ou un accident du travail ? Ces incertitudes nous préoccupent vivement et préoccuperont davantage encore les jeunes et leurs familles. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement étant satisfait par l'article L. 117-5 du code du travail, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Aux termes de l'article L. 211-5 du code du travail, l'inspecteur du travail dispose d'un pouvoir d'intervention.
Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'un jeune de quatorze à quinze ans, c'est l'établissement scolaire qui est responsable et, dans le cadre de la convention de stage, il y a une répartition des responsabilités. Ensuite, dans le cadre d'un contrat de travail entre le CFA et l'entreprise, c'est le droit habituel de la responsabilité liée au contrat qui s'applique.
Monsieur Muzeau, je vous renvoie à l'article L. 211-1 du code du travail qui, avec d'autres articles, constitue le socle du dispositif. Il ne s'agit pas ici de l'inspection de l'apprentissage, qui s'intéresse à la dimension pédagogique : il s'agit de l'inspection du travail.
Cette question renvoie au débat que nous avons eu hier sur les moyens de l'inspection du travail, sur son organisation. J'ai confirmé à cette occasion les annonces qui ont été faites sur les orientations et la modernisation de l'inspection du travail ainsi que sur la mise en oeuvre des moyens humains.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 377, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« L'interdiction du travail de nuit des jeunes travailleurs en contrat d'apprentissage ou de jeunes stagiaires en milieu professionnel âgés de moins de seize ans ne peut faire l'objet de dérogation conformément à l'article L. 213-7 du code du travail ».
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Nous avons déjà longuement parlé du travail de nuit et il a été rappelé qu'il existait des dérogations dans certains secteurs d'activité pour le travail de nuit des apprentis.
Or plusieurs arguments plaident contre le travail de nuit.
Le travail de nuit représente un facteur de risque pour la santé et la sécurité du travailleur, ce qui justifie qu'il bénéficie de longue date d'un encadrement réglementaire et législatif. C'est également ce qui justifie que l'interdiction du travail de nuit pour les mineurs soit un critère très régulièrement utilisé pour juger du respect par les différents pays des droits humains les plus fondamentaux.
Je souhaite, par cet amendement, réaffirmer que l'interdiction du travail de nuit des jeunes travailleurs en contrat d'apprentissage ou des jeunes stagiaires en milieu professionnel ne peut faire l'objet de dérogation.
En effet, le travail de nuit étant depuis longtemps reconnu comme perturbateur de la vie familiale et sociale, l'appliquer à des jeunes est étrangement contradictoire avec la volonté affichée par la majorité d'en appeler sans cesse et abusivement à la responsabilité des parents puisqu'il risque de compliquer la conduite d'une vie familiale harmonieuse et épanouissante.
Les enfants ont besoin de partager du temps avec leur famille et je ne pense pas qu'ils ignorent à ce point la réalité du monde du travail et celle du métier qu'ils se préparent à exercer qu'ils aient, nuit après nuit, besoin de l'expérimenter.
L'amendement vise donc à interdire toute dérogation à l'interdiction du travail de nuit pour les moins de seize ans.
M. le président. L'amendement n° 587, présenté par Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'interdiction du travail de nuit des jeunes travailleurs en contrat d'apprentissage ou de jeunes en milieu professionnel, âgés de moins de seize ans, ne peut faire l'objet de dérogation conformément à l'article L. 213-7 du code du travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement est très proche de celui que vient de présenter Mme Voynet.
Il aura fallu bien de la ténacité de la part de nos collègues de l'Assemblée nationale pour faire avouer, du bout des lèvres, au ministre et au rapporteur que, non seulement ce texte fait voler en éclat ce qui fait l'essence même de l'école de la République en instaurant l'apprentissage dès quatorze ans, mais il autorise le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés des jeunes de quinze ans.
Monsieur le ministre, j'ai consulté les comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale et j'ai constaté que vous l'aviez avoué au bout d'un certain temps seulement...
Mme Annie David. ... très tard dans la nuit, un peu comme ici. C'est vrai que, dans ces conditions, on peut presque parler de torture !
Ainsi, après avoir rétabli le travail de nuit pour les femmes, vous vous attaquez aux enfants !
Cette mesure constitue un recul de civilisation sans précédent, nous sommes déjà quelques-uns à vous l'avoir dit tout au long de la soirée.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu'il faut remonter à 1874 pour trouver le texte qui interdit le travail de nuit pour les enfants de moins de seize ans : nous effectuons là un pas en arrière non pas d'une centaine d'années mais de 132 ans.
Bien qu'il existe aujourd'hui des dérogations pour certains secteurs tels que la boulangerie ou la restauration - M. Godefroy en a parlé tout à l'heure -, vous généralisez ce qui n'était à présent que des dérogations !
Ainsi, le décret pris le 13 janvier 2006, qui étend le travail de nuit pour les jeunes en dessous de la majorité légale et même dans certains cas en dessous de seize ans, trouve ses prolongements dans ce texte.
Est-ce là tout ce que vous avez à offrir à nos jeunes : leur trouver une activité coûte que coûte ? Apparemment, cela répond aux souhaits de certains de nos collègues. Qu'importe la précarité ! Qu'importent les conséquences sur leur santé ! Qu'importe de brader leur avenir et donc notre avenir ! L'important pour vous, c'est de les « occuper » à moindre coût !
C'est sûr, de cette manière, leur « prise en charge » vous coûte moins cher que si vous deviez les scolariser jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire ! Je vous l'ai déjà dit tout à l'heure, monsieur le ministre, vous préférez ainsi vous défausser de vos responsabilités sur les patrons, devenus pour le coup des « apprentis-enseignants » !
Monsieur le ministre délégué, depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, vous n'avez eu de cesse de briser le code du travail, de brader à tout prix les acquis de notre protection sociale, jusqu'aux droits de nos enfants.
La France, qui avait jadis un modèle social envié par de nombreux pays, la France, pays des droits de l'homme, qui se targuait de protéger les plus vulnérables d'entre nous, les sacrifie désormais sur l'autel du marché du travail flexible à souhait, femmes et enfants compris.
Quelle perspective d'avenir leur offrez-vous là, monsieur le ministre ?
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous sommes en totale opposition avec le retour du travail de nuit pour les enfants, tout comme nous sommes en opposition complète avec l'apprentissage à quatorze ans !
Si vous ne voulez pas rester dans l'histoire de notre pays comme celles et ceux qui auront permis un tel retour en arrière dans notre code du travail, vous avez encore une possibilité de vous racheter en votant cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Après ce que je viens d'entendre, et malgré l'heure très avancée, je crains d'avoir du mal à m'endormir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Je répète simplement que l'article L. 213-7 du code du travail interdit le travail de nuit des moins de seize ans, sauf dans le secteur du spectacle.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 377 et 587.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Même si la pédagogie est l'art de la répétition, monsieur le président, je me contenterai de dire que le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
M. le président. L'amendement n° 588, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'interdiction de travail le dimanche des jeunes travailleurs en contrat d'apprentissage ou de jeunes en milieu professionnel, âgés de moins de seize ans, ne peut faire l'objet de dérogation conformément à l'article L. 221-3 du code du travail.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Par le présent amendement, nous souhaitons réaffirmer notre volonté d'interdire le travail dominical des jeunes travailleurs en contrat d'apprentissage ou de jeunes en milieu professionnel âgés de moins de seize ans.
Je tiens à rappeler ici l'opposition de principe du groupe communiste républicain et citoyen aux dérogations accordées - sans faire de confusion, monsieur le ministre délégué - pour le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés des apprentis mineurs et souligner les risques de dérive dans l'application de ces dispositifs.
Si la Cour de cassation a rappelé à juste titre, le 18 janvier 2005, l'interdiction de faire travailler des apprentis les dimanches et jours fériés, la tentation a été suffisamment grande pour laisser entrer par la fenêtre une mesure libérale mise à la porte par la Cour de cassation.
C'est ainsi que, dans la loi en faveur des petites et moyennes entreprises, ont été introduites des mesures dérogatoires concernant les apprentis mineurs et visant à leur permettre, dans certains secteurs d'activité, de travailler le dimanche et les jours de fête.
Comme cela a été dit au cours du débat, ces mesures dérogatoires ont été ensuite étendues dans la loi relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dont la liste a été récemment fixée par décret.
La protection des mineurs, de leur santé et de leur épanouissement personnel s'oppose à l'idée même du travail les dimanches et jours fériés sans compensation importante.
Si la formation des apprentis mineurs exige leur présence sur le lieu de travail les dimanches et jours fériés, cette présence doit être strictement encadrée et limitée à l'impératif pédagogique : elle ne doit pas répondre à un impératif économique.
Notre amendement vise donc à protéger les apprentis en supprimant la possibilité de les faire travailler le dimanche.
Vous me rétorquerez sans doute que les jeunes doivent travailler selon les horaires en vigueur dans les métiers auxquels ils se préparent. Bien sûr, l'apprenti doit être présent dans l'entreprise, lorsque celle-ci fonctionne.
Mais qu'en sera-t-il du parcours scolaire de ces apprentis quand on sait que les métiers de l'apprentissage sont en général particulièrement pénibles ? Pensez-vous sérieusement que le parcours scolaire sera compatible avec les horaires et les cadences que vous souhaitez imposer en autorisant le travail le dimanche ?
Au titre de leur épanouissement, les jeunes doivent, dès leur apprentissage, découvrir, apprendre et non voir uniquement les aspects les plus rudes et les plus rebutants du travail.
Il s'agit non pas de leur mentir, mais bien de les former et de les mettre sur le chemin de la découverte d'un métier, voire de la passion pour un métier.
À l'instar de tout étudiant de première année, dans n'importe quelle discipline, qui va graduellement apprendre et faire face à des difficultés de manière croissante, les jeunes apprentis doivent être préservés. Ils ne doivent pas être injustement surchargés de travail. Leur repos et leurs rythmes scolaires doivent être respectés.
Les apprentis, je le rappelle, sont des jeunes en formation, non une main-d'oeuvre d'appoint.
Voilà pourquoi nous souhaitons introduire par cet amendement ce garde-fou indispensable que constitue l'interdiction du travail dominical. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Il est tard, ou très tôt, monsieur le président, et j'ai déjà développé les arguments de la commission au début du débat : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La distinction proposée entre les jeunes apprentis selon qu'ils ont plus ou moins de seize ans est-elle bien fondée ?
Il y a aujourd'hui 25 000 apprentis de quinze et seize ans qui entrent dans le cadre des mesures dérogatoires. Il ne s'agit donc pas d'un dispositif exceptionnel : il existe déjà toute une série d'expériences en matière de contrats d'apprentissage.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 589, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout apprenti fait l'objet d'un examen médical avant l'embauche.
« Le médecin du travail exerce une surveillance médicale renforcée pour les jeunes apprentis susceptibles d'utiliser au cours de leur formation professionnelle des machines ou appareils dont l'usage est proscrit par le code du travail. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu la réponse que vous avez apportée voilà quelques minutes. En théorie, vous avez raison, mais en pratique vous savez pertinemment, comme M. le ministre de l'éducation nationale, que la présence des médecins scolaires est tellement insuffisante que l'on peut émettre quelques doutes sur l'efficacité du dispositif. Sur le papier, il existe, nous ne le contestons pas, mais, dans la réalité, il est tellement déficient que cela pose de nombreux problèmes.
Il nous a donc semblé important d'introduire ces précisions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Les travaux dangereux ne peuvent être confiés à des apprentis que dans des conditions étroitement encadrées par l'article L. 117 bis-6 du code du travail. En outre, aux termes de l'article L. 234-5 du même code, il est interdit et pénalement sanctionné d'employer un apprenti à des travaux insalubres ou au-dessus de ses forces.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Votre préoccupation est légitime, monsieur Muzeau, et elle rejoint un des objectifs du plan « santé-travail ». Nous souhaitons qu'il y ait suffisamment de médecins du travail formés, ce qui suppose que les étudiants en médecine puissent faire le choix de cette spécialisation durant leur cursus et qu'il y ait donc suffisamment de professeurs, de maîtres de conférences, d'internes. C'est un combat que nous menons après une vingtaine d'années pendant lesquelles on a perdu plus de la moitié des effectifs, notamment d'enseignants, dans le cursus de la médecine du travail.
Je souhaite que le ministre de la santé et des solidarités ainsi que le ministre de l'éducation nationale demandent à la conférence des doyens de tenir compte des besoins, car nous risquons d'être confrontés à une véritable crise démographique de la médecine du travail dans les années qui viennent.
Dans la mesure où votre souci est d'ores et déjà pris en compte, je ne peux qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 590, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La nature des tâches ou des postes confiés aux jeunes apprentis mineurs de moins de seize ans doit être en relation directe avec la formation professionnelle prévue au contrat d'apprentissage et adaptée à leur âge. Un décret en Conseil d'État fixe la liste des travaux considérés comme étant nuisibles, préjudiciables ou dangereux pour la santé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, lors des travaux de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante, vous avez exposé les objectifs du plan Santé au travail. Un long débat s'est alors instauré. Les principes que vous avez énoncés et les pistes d'action que vous souhaitez explorer ont fait l'objet d'un accord unanime.
En revanche, ce qui n'a pas fait l'unanimité, ce sont les moyens qui pouvaient être dégagés par l'État. Vous-même n'avez pas caché qu'une bataille était engagée avec Bercy pour obtenir les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs du plan que vous avez défini.
Nous redoutons qu'il n'y ait une dichotomie entre les intentions, intéressantes, que vous avez affichées et les moyens, un peu chiches, qui vous sont affectés.
Pour vous aider à résoudre cette contradiction avec votre collègue des finances, nous avons déposé un certain nombre d'amendements, dont celui-ci, qui me paraît introduire une précision fort utile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. J'aurais bien voulu donner satisfaction à M. Muzeau, mais la commission est défavorable à cet amendement, car le code du travail contient déjà les dispositions protectrices nécessaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, le code du travail est déjà très protecteur et je ne vois pas dans cet amendement d'éléments de nature à renforcer les dispositions existantes.
J'ajoute, monsieur Muzeau, en vous renvoyant à un rapport qui a été présenté cette semaine à l'Assemblée nationale, que, sur le terrain, on constate une montée en puissance progressive du plan « santé travail ». Ainsi, à la fin de 2006, les deux tiers des régions seront dotées des cellules d'appui régionales qui permettront d'apporter des éléments concrets pour la mise en application de ce plan.
M. le président. L'amendement n° 380, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« La nature des tâches que les jeunes stagiaires âgés de moins de seize ans pourront effectuer durant la période de leur stage en milieu professionnel, devra être adaptée à leur âge. Un décret en Conseil d'État fixe la liste des travaux considérés comme étant préjudiciables ou dangereux que ces stagiaires ne devront pas effectuer. »
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. M. Larcher a plaidé pour une application plus raisonnée du numerus clausus et il prévoit une crise démographique de la médecine du travail.
En fait, cette crise démographique touchera de nombreuses spécialités ; je pense notamment aux médecins de santé publique, secteur dans lequel les besoins, considérables, sont connus depuis longtemps. Notre pays est pauvre en épidémiologistes, en médecins capables de mettre en place des registres du cancer et d'en exploiter les résultats.
Notre amendement est très proche de celui qu'a présenté M. Muzeau à l'instant. Le dispositif proposé dans ce texte ouvre la possibilité de faire travailler des jeunes de quatorze ans dans le milieu professionnel. Dès lors, au cas où ce dispositif serait adopté, il apparaît essentiel de l'assortir de garanties effectives en matière de sauvegarde de l'intégrité physique et morale de ces jeunes. Nous proposons donc d'établir une liste de travaux susceptibles d'être dangereux ou nuisibles pour leur intégrité.
Lors de l'établissement de cette liste, il sera nécessaire de prendre en compte la spécificité majeure que constitue, du point de vue de la santé, le très jeune âge des apprentis. Il s'agit en effet de garantir le public concerné contre toutes les éventuelles conséquences futures d'une activité professionnelle exercée de manière très précoce.
L'ensemble des travaux qui seront considérés comme dangereux ne pourront en aucun cas être exercés par les apprentis juniors durant leur stage en milieu professionnel ni pendant leur période d'apprentissage. Cette obligation devra pouvoir être sanctionnée par l'inspection en cas de manquement par l'entreprise d'accueil et ne pourra en aucun faire l'objet de dérogation. On pense évidemment aux travaux à risques, aux charges à porter, aux manipulations dangereuses, mais aussi à l'exposition à des produits chimiques.
Monsieur le ministre, vous nous dites avoir tout prévu dans le plan Santé au travail. Permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait que l'on commence seulement à déceler les effets dangereux, chez les adultes, d'une exposition cumulée à de faibles doses de certains produits chimiques. Les conséquences sur les enfants seraient d'une autre ampleur et sans doute bien plus lourdes encore !
Les cancers du cerveau de l'enfant progressent de 1 % par an. Le chiffre peut paraître étrange, mais il signifie, concrètement que, si l'on constate 100 cas de cancer du cerveau dans une population donnée en l'an 2000, on en recensera 112 en 2010.
Monsieur le ministre, de nombreuses pratiques professionnelles doivent faire l'objet d'une attention accrue en termes de prévention des risques, et c'est encore plus vrai lorsqu'il s'agit d'enfants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement est très proche de celui que nous venons d'examiner. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je partage l'avis de la commission. J'ajoute que nous avons voulu que l'Agence de sécurité au travail soit dotée d'un conseil scientifique et d'un conseil de partenaires sociaux. Il appartiendra au conseil scientifique d'examiner certaines données, de fixer des priorités, de travailler sur le plan européen en liaison avec les centres de Dublin, de Bilbao et, bientôt, avec celui qui sera installé dans la région d'Helsinki. Pour avoir une meilleure connaissance de ces questions, il convient en effet de coordonner à l'échelon européen les travaux de recherche et de prévention en matière de santé au travail.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, je serais vraiment rassurée si vous preniez l'initiative de demander à cette structure d'étudier de façon très spécifique les conséquences sur les jeunes organismes de pratiques dont les effets ne sont peut-être pas les mêmes que chez les adultes.
Les problèmes de santé au travail ne se posent pas de manière homogène. Confrontés à une même situation, les femmes et les hommes développent des pathologies différentes. Les conséquences des expositions à tel ou tel produit ne seront pas identiques sur un jeune dont le corps n'est pas encore à maturité ou sur un adulte. Ce sont des sujets que nous connaissons mal. L'effet cumulé de nombreux produits sur des durées très longues doit encore être étudié. C'est du moins un des enseignements que l'on peut retirer des premiers résultats du programme REACH.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce programme vise des études toxicologiques qui dépassent le champ de la seule Agence de santé au travail.
En France, des études sont conduites en coordination avec l'INSERM, car il ne faut pas cloisonner les activités dans un secteur d'une telle importance. La connaissance des nuisances polyfactorielles est essentielle en termes de santé au travail.
M. le président. L'amendement n° 263 rectifié, présenté par M. Bodin, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, MM. Yung, Lise, S. Larcher, Gillot et les membres du groupe Socialiste et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 612-3 du code de l'éducation, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le recrutement dans les classes préparatoires aux grandes écoles des lycées publics et dans les premières années des établissements d'enseignement supérieur publics effectuant une sélection des candidats à l'entrée s'effectue parmi les élèves de tous les lycées d'enseignement général et technologique de métropole et d'outre-mer. »
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Nous voici presque parvenus au terme de l'examen de l'article 1er. J'avais déposé trois amendements portant sur le même thème. Je me réjouis que l'un d'entre eux soit soumis à la discussion. Je peux ainsi m'exprimer sur un sujet qui, certes, ne concerne pas l'apprentissage, mais qui a néanmoins trait à l'égalité des chances et à la diversité sociale.
Cet amendement porte en effet sur le recrutement dans les classes préparatoires aux grandes écoles des lycées publics et dans les premières années des établissements d'enseignement supérieur public effectuant une sélection des candidats à l'entrée.
Nous souhaitons que tous les lycées d'enseignement général et technologique de métropole et d'outre-mer aient la possibilité de présenter des candidats à ces classes préparatoires, car cette possibilité n'existe pas aujourd'hui.
Le président de l'UMP lui-même a déclaré voilà deux jours à la presse nationale : « En France, la moitié des établissements scolaires ne présentent aucun dossier d'élève à l'entrée aux classes préparatoires, même pour les meilleurs élèves. Je veux donc également qu'on oblige tous les établissements à présenter des élèves aux classes préparatoires et que ces classes leur réservent des places. »
Ces propos nous permettent d'évoquer cette question dans un esprit de consensus. Vous comprendrez aisément qu'après avoir lu cette déclaration, je me sois réjoui d'avoir rédigé cet amendement.
En considérant la situation avec attention, nous constatons que, si la moitié des établissements ne présentent pas d'élèves aux classes préparatoires aux grandes écoles, c'est non parce qu'ils n'ont pas de bons élèves, mais plutôt parce que ces derniers s'autocensurent et se disent : « Les études supérieures, les grandes écoles, ce n'est pas pour moi, on n'a jamais fait cela dans ma famille, dans mon milieu... Mieux vaut faire autre chose ! »
Les causes peuvent aussi être de nature géographique. Dans de nombreux territoires isolés, personne n'est jamais venu dire aux élèves qu'ils pouvaient espérer un jour intégrer une classe préparatoire aux grandes écoles. C'est le cas, dans mon département, la Seine-et-Marne, des lycées situés en périphérie de la région d'Île-de-France, c'est-à-dire de ceux qui sont les plus éloignés de Paris.
J'ajoute, sans vouloir stigmatiser personne, que certains lycées, dans lesquels il est d'ailleurs très difficile d'entrer, captent les places en classes préparatoires. Je ne les citerai pas : il s'agit surtout de lycées parisiens, et ce ne serait pas agréable pour eux. Le recrutement s'effectue en fait dès la classe de seconde, parfois même dès la classe de sixième !
Bref, on constate aujourd'hui un consensus pour que cette situation évolue, et cette évolution est nécessaire si l'on veut véritablement faire bouger les choses sur le plan de l'égalité des chances et de la diversité sociale.
De nombreuses expériences sont d'ores et déjà engagées ; je pense notamment à Sciences-Po.
M. Guy Fischer. C'est aussi le cas de l'ESSEC !
M. Yannick Bodin. De même, des conventions sont signées entre certains lycées. Ainsi, le lycée François Ier de Fontainebleau réserve des places en classe préparatoire au lycée Malraux de Montereau-Fault-Yonne.
De telles pratiques doivent se développer et devenir un axe de la politique nationale.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bodin.
M. Yannick Bodin. Je conclurai mon propos en reprenant l'argument que M. Borloo a utilisé avant-hier, lors de la discussion générale : il est absolument scandaleux que les grandes écoles accueillent aujourd'hui à peine 10 % d'enfants issus de catégories sociales défavorisées alors qu'ils étaient presque un tiers voilà deux générations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Mon cher collègue, je constate que vous avez de bonnes lectures ! Soyez persuadé que, dès que je rencontrerai le président de l'UMP, je ne manquerai pas de lui faire part du bon usage que vous avez fait de ses déclarations. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Yannick Bodin. J'aurais pu citer M. François Hollande !
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui, mais vous avez cité le président de l'UMP !
Cela dit, la piste que vous évoquez est intéressante. Toutefois, je pense que nous devrons reprendre cette discussion dans un autre contexte que celui de l'examen du présent projet de loi. Mais la question que vous avez soulevée reste ouverte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Tout d'abord, il ne me semble pas judicieux, monsieur Bodin, d'avoir fait porter votre amendement sur un article relatif à l'apprentissage.
Par ailleurs, j'observe que vous avez fait un exposé sur la nécessité de réserver aux élèves de certains lycées des places dans les classes préparatoires aux grandes écoles, mais que cela ne correspond pas à la teneur de votre amendement. En effet, celui-ci tend notamment à prévoir que le recrutement des classes préparatoires aux grandes écoles s'effectuera « parmi les élèves de tous les lycées d'enseignement général et professionnel de métropole et d'outre-mer ». À cet égard, l'article L. 612-3 du code de l'éducation, aux termes duquel « le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat » et « tout candidat est libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix », vous donne déjà satisfaction.
Votre argumentation a donc porté sur un tout autre sujet : faut-il ou non réserver aux élèves issus de certains établissements, par exemple de l'éducation prioritaire, des places dans les classes préparatoires aux grandes écoles ou à l'université ? C'est vraiment là un autre débat,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous l'aurons !
M. Gilles de Robien, ministre. ...tout à fait intéressant d'ailleurs, mais auquel ne se rattache pas votre amendement. Je suis donc au regret de devoir émettre un avis défavorable sur celui-ci, qui est satisfait par les textes actuels.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.
M. Yannick Bodin. J'ai décrit la réalité, monsieur le ministre. Certes, l'ouverture du premier cycle aux élèves de tous les lycées et la liberté d'inscription que vous avez évoquées sont prévues par les textes actuels, mais, dans les faits, la moitié des lycées de France ne donnent pas accès aux classes préparatoires aux grandes écoles. Ainsi, un élève issu d'un établissement comme le lycée Bezout à Nemours aura beau avoir obtenu une mention « très bien » au baccalauréat, son dossier sera rejeté à Melun ou à Paris au motif que les effectifs sont complets. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Cette situation est absolument inadmissible. Les textes que vous avez cités existent bien, mais ils ne sont pas respectés. Mon amendement a donc pour objet de prévoir que tous les élèves présentant un bon dossier devront pouvoir obtenir une place dans une classe préparatoire aux grandes écoles. C'est dans cet esprit que je le maintiens. Puisque MM. Sarkozy et Hollande disent la même chose sur ce sujet, nous aurons, j'en suis persuadé, l'occasion d'en reparler ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. M. le ministre a reproché à notre collègue d'avoir rattaché son amendement à l'article 1er, qui concerne l'apprentissage. Certes, cela n'est pas idéal, mais si ce projet de loi pour l'égalité des chances traite, à d'autres articles, des débits de boisson, des salles de cinéma de type « multiplexe » ou des zones franches, jamais il n'y est question du système éducatif. Par conséquent, on insère où l'on peut un amendement portant sur ce thème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 378, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Aucune entreprise ou établissement où il a été établi par les services de contrôle :
- que les conditions de travail sont de nature à porter atteinte à la sécurité, à la santé ou à l'intégrité physique ou morale des personnes qui y sont présentes,
- que les règles relatives au respect de la réglementation en matière d'environnement ne sont pas respectées,
ne peut embaucher sous contrat d'apprentissage des apprentis de moins de seize ans.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Nous avons beaucoup insisté, depuis quelques dizaines de minutes, sur la protection de la santé et de l'intégrité physique et morale des jeunes apprentis, qui nous paraît devoir être affichée comme une priorité.
Cet amendement tend à réunir les conditions permettant qu'aucun jeune de moins de seize ans ne soit placé dans un milieu professionnel qui pourrait être dangereux pour lui en raison de manquements constatés à la réglementation en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail.
J'avais proposé, par un autre amendement, qu'une déclaration préalable à toute conclusion d'un contrat d'apprenti junior soit déposée à l'inspection du travail. Cela aurait permis de s'assurer que l'entreprise candidate n'est pas connue des services de l'État pour des manquements aux réglementations en vigueur dans le domaine social, en matière fiscale ou dans le domaine de la protection de l'environnement.
Le Sénat n'a pas souhaité adopter cette solution. On peut donc considérer que ce dernier amendement à l'article 1er représente une proposition de repli, visant à garantir qu'aucun jeune ne sera placé en formation dans une entreprise connue pour son non-respect des règles de sécurité et de protection de l'environnement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous avons déjà amplement évoqué les questions d'hygiène et de sécurité, ce qui est d'ailleurs très bien. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Défavorable. Nous avons déjà eu un utile débat sur les préoccupations que l'on peut avoir en termes de protection de la santé des apprentis. À cette occasion, j'ai renvoyé à diverses dispositions du code du travail.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article 1er.
Mme Annie David. Nous nous sommes largement expliqués, au long des débats, sur cet article, en insistant sur notre opposition aux dispositions présentées.
En effet, l'apprentissage junior correspond, à nos yeux, à une exclusion scolaire précoce, sans que les jeunes concernés aient la possibilité d'acquérir une culture scolaire que nous souhaitons de haut niveau pour tous.
En outre, nous sommes opposés au travail des jeunes apprentis dès l'âge de quinze ans, en particulier la nuit, le dimanche et les jours fériés. Nous avons aussi soulevé des interrogations s'agissant de la santé de ces jeunes, et déploré, au fil de la soirée, l'abandon des classes d'initiation professionnelles en alternance, les CLIPA, ainsi que le manque de considération dont souffrent les personnels de l'éducation nationale qui travaillent dans ce secteur, et plus généralement auprès des jeunes en difficulté.
Nous ne prolongerons pas davantage les débats. Je souhaite simplement indiquer que, bien évidemment, nous voterons contre l'article 1er, sur lequel nous demandons que le Sénat se prononce par un scrutin public.
M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente, pour explication de vote.
Mme Michèle San Vicente. À la crise des banlieues le Gouvernement a décidé de répondre par l'apprentissage junior. Cela ne correspond pas à notre conception de l'égalité, de la citoyenneté et du droit à la formation,...
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Michèle San Vicente. ... non plus qu'à la réalité du monde du travail et aux demandes des employeurs.
Cet article est inacceptable parce qu'il remet en cause l'enseignement obligatoire pour tous jusqu'à seize ans, qui est l'un des fondements de notre société. En effet, si la période de préapprentissage dès quatorze ans demeure sous statut scolaire, l'accès à l'apprentissage à partir de l'âge de quinze ans est généralisé. Ce qui relevait d'une dérogation devient une voie d'orientation massive. C'est bien ce que pensent les organisations syndicales des personnels de l'enseignement, qui, toutes, rejettent nettement ce projet, de même que le Conseil supérieur de l'éducation, qui a voté, par trente-neuf voix contre douze, contre ce dispositif.
Cet article est inacceptable, parce que, réservant de fait cette formation aux élèves en situation d'échec scolaire, il organise leur sortie rapide de l'école. En outre, cette orientation trop précoce ne reposera pas sur un véritable choix de l'élève.
La lutte contre l'échec scolaire et la promotion d'une orientation choisie, et non contrainte, ne passent surtout pas par la remise en question des acquis des dernières décennies, qui ont permis la généralisation de l'accès à l'enseignement secondaire. L'école ne doit pas être réduite à un instrument destiné à produire une main-d'oeuvre malléable et corvéable à merci dès le plus jeune âge.
Avec cet article, le Gouvernement fait le choix de retirer prématurément des adolescents du système scolaire. Il attend des entreprises qu'elles fassent un autre métier que le leur. La plupart d'entre elles ne s'y trompent d'ailleurs pas, et refusent d'entrer dans cette logique : tous les chefs d'entreprise soulignent que, avant seize ans, les jeunes manquent encore souvent de maturité et de discipline. L'entreprise n'est pas le lieu où pourront être résolus les problèmes de ces enfants.
Au total, cet article est dangereux parce que l'apprentissage junior, institué sous couvert de pragmatisme, relève, avec le CPE, des mesures les plus idéologiques de ce projet de loi. Le groupe socialiste et apparentés votera contre l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Deux amendements présentés par notre groupe ont reçu un accueil favorable. Ils étaient, à nos yeux, importants.
Cependant, nous considérons que la déclaration de l'urgence sur ce texte ne nous a pas permis d'étudier de manière approfondie les implications de celui-ci, de conduire des auditions dans les meilleures conditions, de débattre de façon sereine en commission. Nous n'avons donc pas la garantie que le dispositif de l'apprentissage junior trouvera une application satisfaisante et sera bien accueilli par les milieux professionnels.
La procédure suivie a même fait que certains de nos amendements n'ont pu être débattus. C'est pourquoi une grande partie des membres de notre groupe préférera s'abstenir sur cet article.
Nous ne sommes pas, par principe, opposés à l'apprentissage. Il nous paraît en effet intéressant qu'un élève qui ne s'épanouit pas dans le cursus dit « classique » puisse choisir de se diriger vers une formation professionnelle qualifiante. Cependant, certains points nous paraissent aujourd'hui demeurer obscurs.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 93 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Demande de priorité
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous remercier, ainsi que le président Adrien Gouteyron, d'avoir su mener nos travaux avec à la fois efficacité et gentillesse, qualités qui vous sont, au demeurant, à tous deux, coutumières. Mais votre mérite a été d'autant plus grand que, l'un et l'autre, vous n'avez pas eu la tâche facile durant cette journée et cette nuit.
M. le président. Elles furent distrayantes ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je tiens à remercier également tous les collègues qui ont participé à ces discussions.
M. Bernard Frimat. Ils étaient nombreux !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Certes, les propos ont parfois été vifs. Je suis d'ailleurs désolé pour ceux qui ont éventuellement été blessés. En tout cas, si cela résulte de mes mots, je leur demande de bien vouloir me pardonner.
Enfin, monsieur le président, conformément aux engagements que j'ai pris au cours de la conférence des présidents, je demande l'examen par priorité de l'article 3 bis, afin de pouvoir en débattre dès lundi, à partir de quinze heures.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je tiens tout d'abord à vous exprimer la gratitude du Gouvernement. M. Gilles de Robien a particulièrement apprécié les débats, à la fois vivants et enrichissants, que nous avons eus. Nous remercions également l'ensemble de la commission des affaires sociales, son président et son rapporteur, ainsi que les rapporteurs pour avis.
Par ailleurs, le Gouvernement est favorable à la demande de priorité émise par M. Nicolas About.
M. le président. La priorité est ordonnée.
La suite de la discussion est reportée à la prochaine séance.