PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.
Dans l'examen des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 1er, à l'amendement n° 64, qui a été appelé en priorité.
L'amendement n° 64, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
I. Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses de transport scolaire spécifiquement liées à la formation de l'apprenti junior sous statut scolaire donnent lieu à une compensation au département par l'État, dans des conditions fixées par décret. »
II. Pour compenser les charges résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les charges résultant pour l'État de la prise en charge des dépenses des transports scolaires spécifiquement liées à la formation des apprentis juniors sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement qui concerne une nouvelle fois l'apprentissage junior et plus particulièrement l'apprentissage junior initial.
Jusqu'à seize ans, ce sont les conseils généraux qui sont responsables de l'organisation et du financement des transports scolaires. En revanche, l'apprentissage ne relève pas de l'éducation nationale et ne constitue donc pas une compétence du conseil général.
En ce qui concerne l'apprentissage junior initial, il est bien précisé - et c'était l'une des mesures dont nous nous sommes tous unanimement félicités - que le jeune continue de relever de l'éducation nationale. De ce fait, c'est le conseil général qui est responsable de l'organisation du transport scolaire.
La seule différence, c'est qu'il faut ici organiser le transport vers les différentes entreprises où le jeune effectue un stage, ou encore vers le lycée professionnel ou le CFA. L'accompagnement du jeune est donc plus complexe que lorsqu'il suffit de le conduire de son domicile à son établissement scolaire. En raison de cette complexité et des déplacements supplémentaires à mettre en oeuvre, les dépenses à la charge des départements sont plus importantes.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons, comme le prévoit la Constitution, que l'État compense ces dépenses supplémentaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La compensation de l'augmentation des dépenses de transport scolaire est une nécessité, qu'il faut expressément rappeler dans la loi.
Comme l'a expliqué M. Richert, rapporteur pour avis, le jeune empruntera en effet des chemins différents pour se rendre sur les lieux de l'apprentissage.
La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Pour les transports scolaires, la compensation est évidemment assurée par l'État. Un avis est donné par la commission consultative d'évaluation des charges, et si la Haute Assemblée estime nécessaire de mentionner en particulier le transport des apprentis juniors durant l'année d'initiation au métier, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Tout d'abord, nous proposons, monsieur le président, un sous-amendement qui, selon nous, complète avantageusement cet amendement de la commission des affaires culturelles, car il nous semble judicieux d'assurer aux départements une compensation des dépenses liées aux déplacements.
Nous proposons donc de remplacer les mots : « par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts » par les mots : « par l'augmentation du taux prévu à l'article 219 du code général des impôts », ce qui revient à taxer les bénéfices réalisés par les entreprises plutôt que les tabacs.
Nous avons rappelé les profits exorbitants réalisés par les entreprises telles que Total. Il nous semble intéressant de mettre également celles-ci à contribution pour l'apprentissage. Puisque vous nous affirmez que l'apprentissage est une voie d'excellence pour les jeunes et qu'elle leur permettra de trouver un emploi, les entreprises en seront donc les premières bénéficiaires.
Tel est le sens du sous-amendement que nous proposons.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n'avons pas à gager une telle dépense ; seule la perte de recettes doit être gagée, ce qui n'est pas le cas.
Il appartiendra au Gouvernement de décider des moyens de financement des sommes nécessaires à la compensation. La commission propose donc de supprimer le paragraphe II de l'amendement n° 64.
M. le président. Monsieur Richert, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le président de la commission des affaires sociales ?
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 64 rectifié.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je voudrais formuler une remarque d'ordre général, car Mme David a dit l'essentiel s'agissant de la compensation relative aux transports.
La lutte contre les discriminations qui semble fonder ce texte pouvait trouver une illustration significative avec les amendements que nous souhaitions soumettre à l'approbation du Sénat. Mais comme vous les avez fait « sauter » - veuillez excuser l'expression -, je vais faire une explication de vote sur un amendement virtuel. Cela me permettra néanmoins de m'exprimer sur le fond du problème.
Aujourd'hui, dans les faits, rien n'est résolu quant à la place même de l'orientation dans les missions du service public de l'enseignement, et ce malgré les dispositions qui avaient été annoncées lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation pour l'avenir de l'école.
On sait de plus qu'à l'époque de la discussion de cette loi, certains avaient préconisé de transférer les personnels d'orientation aux collectivités territoriales, comme si l'échelon régional était le plus adapté pour répondre aux exigences de l'orientation.
Dans un premier temps, il est donc nécessaire de définir clairement cette orientation, car il ne s'agit pas de la faire coïncider avec les seules possibilités offertes par le schéma régional des formations, lui-même largement déterminé par les seuls potentiels offerts par les bassins d'emploi.
Il convient tout simplement de donner corps au droit à l'éducation, notamment par la mise à disposition de toutes les aides - M. Richert, rapporteur pour avis, vient de nous préciser l'une de celles-ci - afin que chaque jeune de ce pays puisse réaliser ses potentiels et parvenir à la concrétisation de son projet personnel.
Les termes de l'article L.111-1 du code de l'éducation sur le droit à l'éducation apportent des précisions en la matière. Nous attirons donc spécialement votre attention, mes chers collègues, sur le dernier alinéa de cet article, qui précise ceci : « une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique ». Vous pensez bien que, pour le conseiller général des Minguettes que je suis, c'est l'un des objectifs auxquels je suis très attaché.
Dès lors, qu'est-ce qu'une orientation digne de ce nom, si ce n'est précisément la mise en oeuvre de cette garantie, au demeurant quelque peu contrebattue par la lettre de l'article L. 214-1 du code de l'éducation sur les schémas régionaux de formation ?
Ce qui doit se situer au centre de la démarche d'orientation, c'est donc bel et bien l'épanouissement des jeunes et la réalisation de leur projet personnel.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a un sous-amendement virtuel !
Mme Hélène Luc. C'est vous qui nous obligez à procéder ainsi !
M. Roland Muzeau. M. About interfère dans la logique de nos interventions et cela me trouble. (Sourires.)
M. le président. Il fait son travail de président de commission !
M. Roland Muzeau. Mme Annie David a présenté un sous-amendement très positif, très constructif, à l'amendement n° 64, ce qui est son droit.
Permettez-moi en effet de vous rappeler les termes de l'article 48 du règlement du Sénat : « Le Gouvernement et les sénateurs ont le droit de présenter des amendements et des sous-amendements aux textes soumis devant le Sénat ou faisant l'objet d'une procédure de vote sans débat.
« Il n'est d'amendements ou de sous-amendements que ceux rédigés par écrit, signés par l'un des auteurs - ce qui est notre cas - et déposés sur le bureau du Sénat ; un sénateur ne peut, à titre individuel ou à titre de membre d'un groupe politique, être signataire ou cosignataire de plusieurs amendements ou sous-amendements identiques ; [...] Le défaut d'impression et de distribution d'un amendement ou sous-amendement - c'est important ! - ne peut toutefois faire obstacle à sa discussion en séance publique ».
Le président Nicolas About vient tout naturellement d'utiliser cet article 48 du règlement.
Je ne vois pas pourquoi il nous a été refusé, avant la suspension de séance, le dépôt d'un sous-amendement qui était parfaitement réglementaire. Pourtant, la majorité l'a purement et simplement rejeté, sans se préoccuper du règlement ! Je souhaite donc que le sous-amendement de mon amie Annie David soit examiné.
Nous allons probablement discuter du sous-amendement du président Nicolas About, puis le Sénat va se prononcer. Ensuite, le sous-amendement de Mme David sera soumis au vote, ce qui me permettra de demander la parole pour explication de vote. Sinon, je ne pourrai pas parler, car on me prive du droit de parole ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
L'article 48 du règlement du Sénat dispose également : « En outre, les sous-amendements ne sont recevables que s'ils n'ont pas pour effet de contredire le sens des amendements auxquels ils s'appliquent ».
L'amendement de M. Richert vise la compensation sur les transports. Je ne suis donc pas hors sujet ! Cet amendement nous semble intéressant, mais il est gagé par une taxe additionnelle sur les tabacs.
M. Alain Gournac, rapporteur. Non, le gage a été retiré !
M. Roland Muzeau. Alors, sur quoi est-il gagé ?
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Le Gouvernement ayant accepté cet amendement, le gage devient inutile. L'amendement a donc été rectifié.
M. Roland Muzeau. Le débat n'est donc pas inutile !
L'amendement de M. Richert prévoyait de financer la dépense par une majoration de la taxe sur les tabacs. Ce gage a été supprimé par le sous-amendement de M. About.
M. le président. M. About a proposé la rectification de l'amendement n° 64 !
Monsieur Muzeau, vous n'avez plus la parole, car vous vous exprimez sur une disposition qui n'existe plus ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Mme David a déposé un sous-amendement ! J'ai le droit de m'exprimer !
M. le président. Vous ne pouvez pas intervenir sur une mesure qui a été supprimée ! (M. Roland Muzeau proteste vivement.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous parlez dans le vide !
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, pour explication de vote sur l'amendement n° 64 rectifié.
M. Roland Ries. Je ne comprends pas le sens de cet amendement, pas plus que celui du sous-amendement.
De deux choses l'une : soit les apprentis juniors sont sous statut scolaire, et il est normal que les charges liées à leur transport fassent l'objet d'une compensation, soit ils ne le sont pas, mais j'ai cru comprendre que telle n'était pas la philosophie qui sous-tendait ce texte. Le texte prévoit en effet que l'apprenti junior est sous statut scolaire. Dès lors, la compensation par l'État au département est due. Je ne comprends donc pas, je le répète, la raison d'être de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. L'amendement de M. Richert est totalement fondé. Il n'est pas question de remettre en cause la compétence du département pour financer les transports scolaires des apprentis, qu'ils soient en première ou en deuxième année.
Lorsque l'apprenti entre en deuxième année, il change de statut et il doit être transporté non seulement au collège, mais également dans une entreprise ou dans un centre de formation. Il en résultera une dépense nouvelle pour le département. Nous admettons tous que, en application des lois de décentralisation, toute dépense nouvelle mise à la charge des collectivités doit être compensée. C'est l'objet du présent amendement.
M. Yannick Bodin. C'est la Constitution !
M. Michel Mercier. Certes, mais il faut bien, de temps en temps, réaffirmer les principes constitutionnels !
Vous qui lancez des pétitions afin que les dépenses des collectivités soient compensées, vous devriez vous associer à la démarche de M. Richert, qui vise à organiser cette compensation. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, j'ai dû quitter l'hémicycle à dix-sept heures trente, afin de remettre une médaille de l'ordre du mérite. (Murmures flatteurs sur les travées de l'UMP.) Je constate que, pendant mon absence, il s'est passé des choses graves au Sénat. (Rires sur les travées de l'UMP.) Vous continuez sur le même chemin en réduisant encore la démocratie.
M. Dominique Braye. Ce sont les communistes qui bafouent la démocratie !
Mme Hélène Luc. Monsieur Braye, vous remplacez M. Dassault qui, hier soir, s'est montré très discourtois à mon égard ! Je pensais d'ailleurs qu'il aurait un mot d'excuse, mais je constate que la politesse disparaît de notre assemblée.
Nous souhaitons que les dépenses de transport scolaire des apprentis fassent l'objet d'une compensation.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est le cas !
Mme Hélène Luc. L'école est une préoccupation essentielle des citoyens. Elle constitue un enjeu de société majeur et le droit à l'éducation est un droit fondamental.
Inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, il occupe une place centrale parmi les droits humains. Il est inséparable de tous les autres droits fondamentaux et il est indispensable au développement individuel et collectif.
Ainsi, aucun droit civil, politique, économique ou social ne peut être exercé par les individus si ceux-ci n'ont pas reçu, au préalable, l'éducation la plus ambitieuse possible.
M. le président. Madame Luc, l'amendement porte sur les transports scolaires. Je vous invite à revenir au sujet. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je n'ai pas utilisé les cinq minutes de temps de parole qui me sont imparties.
Alors que nous vivons, dans tous les domaines, un formidable essor des capacités humaines, que la plupart des activités sociales exigent une formation et une qualification accrues, une formation professionnelle repensée, continue, alors que l'explosion des savoirs et la révolution de l'information ont ouvert des perspectives radicalement nouvelles pour le développement des aptitudes humaines et pour la progression de l'humanité, se profile le risque d'une aliénation sans précédent qui dessaisirait le plus grand nombre de nos jeunes et de nos concitoyens des immenses potentialités matérielles et intellectuelles qu'accumule la société moderne.
Aussi, ce droit à l'éducation est impératif pour relever les grands défis lancés à l'humanité pour ce xxie siècle et passe par le choix d'une école qui soit prioritairement axée sur la formation de l'humain en tant qu'individu, en tant que personne et en tant que citoyen, y compris dans son avenir professionnel.
Mes chers collègues, ce sont les départements qui supportent la charge des transports scolaires.
Pourquoi discutons-nous de cette question aujourd'hui ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Attendez, vous ne savez pas ce que je vais dire ! Nous abordons ce sujet parce que le budget de l'éducation nationale est très insuffisant. C'est l'un des plus faibles des pays d'Europe ! Par exemple, pour les universités, nous sommes à la traîne.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Nous parlons des transports scolaires !
Mme Hélène Luc. Les charges des départements et des communes deviennent insupportables. C'est pourquoi vous êtes obligés, dans une loi qui porte prétendument sur l'égalité des chances, de chercher des parades pour régler le problème des transports scolaires.
Or ceux-ci constituent un droit et ils devraient être financés non pas par les communes ou par les départements, mais par l'État. C'est parce que vous avez modifié la Constitution, parce que la République n'est plus une et indivisible, parce qu'elle est décentralisée, que nous en sommes là aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle nous discutons d'un projet de loi pour l'égalité des chances qui n'a rien d'égalitaire s'agissant de la formation des jeunes citoyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Annie David. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Madame David, je vous ai déjà donné la parole tout à l'heure pour explication de vote et vous en avez profité pour présenter un sous-amendement.
Mme Annie David. Tout à l'heure, je n'ai pas dit que je voulais expliquer mon vote ; j'ai dit que je voulais présenter un sous-amendement !
M. le président. Vous vous êtes exprimée sur l'amendement n° 64 et vous avez présenté un sous-amendement. C'était votre explication de vote !
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela suffit !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
Mme Annie David. Ce n'est pas possible ! J'ai présenté un sous-amendement, je n'ai pas expliqué mon vote !
Mme Nicole Bricq. C'est une atteinte aux droits des femmes !
Mme Annie David. C'est de la discrimination sexiste !
M. Jacques Mahéas. L'amendement n° 64 rectifié tend à préciser que les dépenses de transport scolaire spécifiquement liées à la formation de l'apprenti junior sous statut scolaire donnent lieu à une compensation au département par l'État, dans des conditions fixées par décret.
Il est habituel, dans cet hémicycle, de renvoyer à un décret les conditions d'application des mesures proposées. A priori, on peut penser que cette compensation se fera à l'euro près : chaque euro dépensé par le département sera compensé par l'État. Toutefois, nous avons une vieille expérience des remboursements par l'État au département. Nous sommes donc sceptiques.
En effet, pour ne prendre qu'un seul exemple, il manque plusieurs dizaines de millions d'euros pour assurer une véritable compensation des dépenses exposées au titre du RMI par le département de la Seine-Saint-Denis. Il faut une lettre au Président de la République signée par de nombreux élus pour que l'on daigne seulement examiner le problème.
Dès lors que l'on nous propose de renvoyer à un décret la fixation des modalités de la compensation, je voudrais que l'on précise dans quel esprit sera rédigé ce décret. Il faut savoir que, dans mon département, certains transports scolaires sont assurés par la RATP, tandis que d'autres le sont par des entreprises privées. En outre, des jeunes suivent leur formation dans d'autres départements.
Tout cela est donc très imprécis, même si le dispositif est inspiré par une bonne intention, et le département risque d'être spolié, faute d'une réelle compensation par l'État des dépenses engagées par les collectivités territoriales. Par conséquent, il faudrait que l'engagement soit pris qu'il n'en ira pas ainsi et que, à tout le moins, M. le ministre nous précise quelle sera la démarche suivie en matière de remboursement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 64 rectifié.
M. Yannick Bodin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. On ne peut pas indéfiniment demander la parole pour explication de vote, mes chers collègues !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ils le font exprès !
M. le président. Ce n'est pas une bonne leçon de démocratie que nous donnons aujourd'hui. Il faut savoir passer au vote ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Mon intervention ne sera pas longue, monsieur le président. Elle portera d'ailleurs sur un sujet qui intéresse, me semble-t-il, tous nos collègues.
Comme cela a déjà été souligné à plusieurs reprises, la rédaction de cet amendement est trop vague.
Par exemple, comment sera traitée la question, qui n'est toujours pas résolue, de la prise en charge des transports scolaires par les collectivités territoriales à l'intérieur des zones urbaines, en deçà ou au-delà de trois kilomètres ? Quant aux apprentis juniors, tantôt ils se rendront au collège grâce à un bus de la ville, tantôt ils rejoindront leur entreprise en cyclomoteur.
Il faut bien l'avouer, la situation est donc extrêmement complexe, et si l'on ne règle pas par la loi les questions soulevées, je crains fort que le décret ne puisse apporter de réponse. Comme d'habitude, on dira alors aux départements de se débrouiller. Ce n'est pas acceptable !
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Comme l'a expliqué tout à l'heure M. Mercier à M. Ries, il ne s'agit pas, pour nous, en organisant le transport scolaire des apprentis juniors relevant de l'éducation nationale, d'imposer une charge financière nouvelle aux conseils généraux. Nous souhaitons simplement mettre en place un dispositif qui permette de répondre aux besoins dans les meilleures conditions. Il est vrai que l'on pourrait tenter d'aller encore plus loin, de détailler davantage les choses dans la loi, mais je crois que de telles précisions relèvent davantage du règlement.
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
Mme Annie David. Et pour les apprentis de deuxième année ?
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Nous avons d'ailleurs récemment été rappelés à l'ordre s'agissant du respect des domaines respectifs de la loi et du décret d'application. Il s'agit simplement ici d'inscrire dans la loi le principe de la compensation, les modalités précises de celle-ci me paraissant relever de l'appréciation du Conseil d'État.
M. David Assouline. Comment fera-t-on à Paris ?
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Nous sommes tout à fait capables, dans le cadre d'un échange avec le ministère et le Conseil d'État, de mettre en place un dispositif qui soit satisfaisant.
Telles sont les raisons pour lesquelles il ne me semble pas nécessaire de donner aujourd'hui des précisions supplémentaires.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Je ne peux pas vous redonner la parole pour explication de vote, monsieur Fischer. Vous vous êtes déjà exprimé à ce titre.
M. Guy Fischer. Non !
M. Roland Muzeau. Il a défendu le sous-amendement !
M. le président. J'ai en ma possession la liste des sénateurs ayant expliqué leur vote, monsieur Fischer : votre nom y figure, je regrette ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. C'est une question de droit, monsieur le président !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est impossible !
M. Dominique Braye. Vous faites honte au Parlement
Mme Annie David. On veut bâillonner le groupe CRC !
M. le président. Je ne bâillonne personne, madame David. Mais si tous les orateurs interviennent à plusieurs reprises, nous n'en sortirons pas !
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je viens d'entendre dire que certains d'entre nous feraient honte au Parlement. Eh bien ! non : la honte, c'est que, par des arguties, des dizaines d'amendements aient pu être écartés sans discussion. Et cela ne s'est même pas fait en une seule fois : M. About a fait son coup, puis M. Larcher le sien !
M. Dominique Braye. C'est le règlement !
M. David Assouline. La procédure a été sans cesse utilisée pour empêcher le débat sur le fond.
M. Dominique Braye. Apprenez le règlement !
M. David Assouline. On ne me laisse pas parler, monsieur le président !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas de provocation !
M. David Assouline. Je ne dois pas être obligé de toujours parler dans le bruit !
M. le président. Vous seul avez la parole, monsieur Assouline.
M. David Assouline. Je suis, comme vous tous, mes chers collègues, un élu local. Or, en tant que tel, je suis quelque peu troublé par ce débat, car je ne voudrais pas voter une disposition dont je ne mesure pas bien les retombées pour ma collectivité territoriale. Je ne sais pas, parce que les défenseurs de l'amendement n'ont pas été capables de l'expliquer, ce que signifierait, pour le département de Paris, l'adoption de la proposition de M. Richert. Par exemple, que se passera-t-il si un jeune Parisien doit aller suivre sa formation en Seine-Saint-Denis ou ailleurs, parce que ce n'est pas toujours à Paris que l'on peut entrer en apprentissage ?
Je voudrais simplement que l'on réponde à ma question, afin que je puisse voter en toute connaissance de cause, en sachant de quelle compensation ma collectivité territoriale bénéficiera.
M. Alain Gournac, rapporteur. Le décret le précisera !
M. David Assouline. En effet, je dois être en mesure d'exposer dès lundi au Conseil de Paris quelle est la décision que le Sénat aura prise et que nous devrons assumer localement.
M. David Assouline. Peut-on répondre à cette question ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La compensation sera assurée par l'État !
Mme Nicole Bricq. Vous savez bien que l'État ne compense jamais !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Au regard de la Constitution, l'amendement n° 64 rectifié me paraît irrecevable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
Mme Éliane Assassi. En effet, le gage a été supprimé, à la demande de M. About. J'aimerais donc connaître la position de la commission des lois sur ce point.
M. Alain Gournac, rapporteur. Demandez plutôt l'avis de la commission des finances !
Mme Éliane Assassi. Il n'y a plus de compensation de la charge nouvelle créée pour l'État !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y en a pas besoin !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64 rectifié.
M. Roland Muzeau. Incroyable ! C'est un régime totalitaire !
M. Dominique Braye. Vous savez de quoi vous parlez !
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Mme Nicole Bricq. De justesse !
Mme Hélène Luc. Quel est le score ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On sait maintenant qui a voté contre la compensation !
M. le président. L'amendement n° 499 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation, après les mots :
quatorze ans
insérer les mots :
au plus tard le 31 décembre suivant la rentrée scolaire
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. L'objet de cet amendement est de préciser que seuls les jeunes ayant atteint l'âge de quatorze ans avant le 31 décembre suivant la rentrée scolaire concernée pourront bénéficier du dispositif de l'apprentissage junior.
Mme Nicole Bricq. Bientôt, on les sélectionnera à la maternelle !
Mme Catherine Morin-Desailly. Je crois préférable que nous adoptions cette mesure, de manière à éviter que des jeunes n'entrent en apprentissage à un âge trop précoce. Surtout, il importe que l'élève apprenti ait déjà acquis un certain nombre de savoirs fondamentaux, ainsi qu'une certaine maturité, lui permettant de prendre sa décision d'orientation dans de bonnes conditions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'intention est incontestablement bonne. Je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement, pour lequel je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Cet amendement, dans sa version rectifiée, offre la souplesse nécessaire. En même temps, il permet d'éviter des abus et tend à faire confiance à la communauté éducative, qui envisagera, avec les parents et l'enfant, le parcours de ce dernier.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je voudrais tout d'abord dire, monsieur le président, que je regrette qu'un malentendu soit survenu tout à l'heure : je pensais avoir pris la parole pour présenter un sous-amendement, et non pas pour expliquer mon vote sur l'amendement. Je prends acte du fait que le règlement ne vous permettait pas de me redonner la parole.
Nous ne voterons bien sûr pas l'amendement n° 499 rectifié, puisque nous sommes opposés à ce que des jeunes puissent entrer en apprentissage dès l'âge de quatorze ans.
Je voudrais cependant poser une question relative au cas des jeunes gens nés au mois de novembre ou de décembre, qui auront encore treize ans au début de leur formation, en septembre ou en octobre. Ils finiront leur première année d'apprentissage junior au mois de juin suivant, et devront ensuite pouvoir signer un contrat de travail avec une entreprise pour accomplir leur deuxième année de formation, alors qu'ils auront moins de quinze ans.
Je me demande si l'objectif réel n'est pas, en fait, d'abaisser l'âge minimal pour le travail de nuit à quinze ans, voire au-dessous, puisque des jeunes qui n'auraient pas encore quinze ans seraient amenés à signer un contrat de travail pour pouvoir entamer leur deuxième année d'apprentissage junior.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Annie David. C'est encore pire que tout ce que l'on pouvait imaginer ! Je suis vraiment étonnée de cet amendement du groupe Union centriste - UDF.
Avant d'être rectifié, l'amendement prévoyait d'insérer les mots : « à la rentrée scolaire ». Cela permettait au moins aux jeunes d'arriver en deuxième année à un âge minimum de quinze ans.
Mais avec l'amendement rectifié, certains jeunes entreront en deuxième année avant l'âge de quinze ans. Et vous voulez déjà leur faire signer un contrat de travail qui, de surcroît, n'exclurait en aucun cas le travail de nuit ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Vous allez donc demander à ces jeunes de travailler la nuit avant même l'âge de quinze ans ! C'est incroyable ! Je suis plus que surprise que vous ayez déposé un tel amendement.
M. David Assouline. On est au xixe siècle !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis très surpris, monsieur le ministre, que vous ayez émis un avis favorable sur cet amendement de nos collègues du groupe Union centriste - UDF.
En effet, les jeunes vont entrer en période de découverte de l'apprentissage non plus à quatorze ans, mais à treize ans.
M. Guy Fischer. Et voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Lorsque, cet après-midi, nous craignions de voir autorisé l'apprentissage à douze ans, certains souriaient. Pourtant, nous y venons, doucement... Maintenant, c'est moins de quatorze ans !
Quant au contrat de travail qui pourra être conclu au bout d'un an, il sera signé avant l'âge de quinze ans.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ou alors, il y aura une période de vide ! Que fera le jeune pendant cette période, monsieur le ministre ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Croyez-vous véritablement que l'on peut envoyer, dès la rentrée scolaire, un enfant de moins de quatorze ans faire un stage en entreprise dans de bonnes conditions ?
M. Serge Lagauche. C'est impensable !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis sidéré ! Nous sommes loin de l'esprit qui sous-tendait les décrets de 1959 du général de Gaulle sur l'apprentissage
M. Dominique Braye. Vous devenez gaullistes ! C'est bien, vous progressez !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez abandonné vos valeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Monsieur Mercier, retirez donc votre amendement !
M. Roland Muzeau. Avant de vous couvrir de honte !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. J'examine tous les amendements du groupe Union centriste - UDF avec intérêt.
Lorsque j'ai pris connaissance de l'amendement n° 499, qui n'était donc pas encore rectifié, j'ai été intéressé par son objet, lequel est le même pour l'amendement rectifié : « Il est ainsi préférable que le quatorzième anniversaire soit intervenu avant le jour de la rentrée scolaire où l'on proposera un apprentissage au jeune, de manière à éviter des abus et à ce que l'élève-apprenti ait déjà acquis un certain nombre d'apprentissages fondamentaux ainsi qu'une maturité suffisante pour prendre sa décision. »
J'avais donc interprété cet amendement comme une volonté de verrouiller le dispositif. Certes, nous ne sommes pas d'accord avec le statut d'apprenti junior, mais il s'agit là d'un autre débat. Ce verrou concernait l'âge civil de quatorze ans. À ma grande surprise, l'amendement rectifié fait sauter le verrou puisque, dans la nouvelle rédaction, l'âge de quatorze ans devra avoir été atteint « au plus tard le 31 décembre suivant la rentrée scolaire ». Un élève qui n'a pas encore quatorze ans peut donc devenir apprenti junior.
M. le ministre, dans un souci de clarté et de transparence, nous a livré le fond de sa pensée puisqu'il a utilisé le terme non pas d' « élève », mais d' « enfant ». Je lui en donne acte : ce sont bien des enfants ! Or est-il raisonnable de donner ce statut à des enfants qui n'ont pas quatorze ans ?
Il conviendrait peut-être de réfléchir à d'autres méthodes pour régler le problème des élèves qui « décrochent ». En tout cas, ce n'est pas ainsi que vous y parviendrez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Je vois une certaine contradiction entre l'objet de l'amendement n° 499 rectifié et la rédaction proposée. Mes collègues du groupe Union centriste - UDF auront peut-être la gentillesse de m'éclairer.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Il est évident que, dans notre esprit, les élèves devaient avoir quatorze ans révolus au moment de l'entrée en apprentissage. Apparemment, la lettre de l'amendement n° 499 rectifié ne correspond pas à l'esprit qui le sous-tend. Il est trop difficile de trouver aujourd'hui la bonne rédaction. C'est pourquoi je retire l'amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36, alinéa 10, de notre règlement : « Les interpellations de collègue à collègue sont interdites. » (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Vous méritez le prix de l'humour !
M. Roland Muzeau. Ne m'interpellez pas, sinon je fais appliquer le règlement !
M. Dominique Braye. Des menaces !
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je souhaite formuler quelques remarques.
Tout d'abord, je trouve que le débat démarre mal. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. À qui la faute ! (M. Dominique Braye renchérit.)
M. Roland Muzeau. La pression exercée sur la présidence depuis plusieurs heures conduit à des dérapages successifs. Je citerai notamment les propos que M. Braye a tenus à l'égard de Mme Annie David : « Ce n'est pas la première fois qu'elle n'a rien compris ». Or M. Braye ne peut pas avoir compris puisqu'il vient d'arriver !
Mme Annie David. C'est exact, il était absent !
M. Roland Muzeau. Cela n'excuse pas sa grossièreté !
M. Dominique Braye. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je ferai un voeu, mais j'imagine qu'il ne sera pas exaucé : je souhaite que la sérénité des débats et le respect entre collègues redeviennent la règle (M.Roger Karoutchi s'exclame.), même si M. Karoutchi se laisse parfois aller.
M. Dominique Braye. Vous ne faites pas d'efforts !
M. Roland Muzeau. Par ailleurs, j'exige la présence du président du Sénat si les débats continuent à prendre cette tournure, afin de mettre les choses au point. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)