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CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents qui s'est réunie tout à l'heure.
Pour la suite de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances, la conférence des présidents a décidé d'ajouter au calendrier initialement prévu le mercredi 1er mars matin, le samedi 4 mars matin et soir et le dimanche 5 mars matin, après-midi et soir.
En conséquence, l'ordre du jour pour la suite de l'examen de ce texte s'établit désormais comme suit :
- Lundi 27 février 2006, à 15 heures et le soir ;
- Mardi 28 février 2006, à 10 heures, à 16 heures et le soir ;
- Mercredi 1er mars 2006, à 9 heures 30, à 15 heures et le soir ;
- Jeudi 2 mars 2006, à 9 heures 30, à 15 heures et le soir ;
- Vendredi 3 mars 2006, à 9 heures 30, à 15 heures et le soir ;
- Samedi 4 mars 2006, le matin et le soir ;
- Dimanche 5 mars 2006, le matin, l'après-midi et le soir.
Ordre du jour prioritaire :
Suite du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence (nos 203, 210, 211, 212, 213, 214).
M. Roland Muzeau. Ce ne sera pas suffisant !
M. le président. Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé, en application de l'article 49, alinéa 2, du règlement, la suppression de la discussion commune des amendements déposés sur ce projet de loi.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance. En effet, au cours de la conférence des présidents qui vient de se réunir, nous avons discuté d'un certain nombre de sujets et il serait bon que nous puissions en informer nos groupes respectifs, avant d'engager dans de bonnes conditions les travaux relatifs au projet de loi pour l'égalité des chances.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, mon cher collègue.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
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rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Frimat. Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 44 et 49 de notre règlement.
Monsieur le président, nous nous sommes très brièvement réunis à propos de la communication que vous avez faite concernant la conférence des présidents. Nous souhaitons nous réunir de nouveau afin de discuter de ce texte. Si ce souci ne semble pas être partagé par les groupes de la majorité de notre assemblée (M. Roger Karoutchi s'exclame), pour les groupes de l'opposition, il est très important.
La nécessité de prendre connaissance de l'ensemble des amendements - qui, pour certains d'entre eux, n'ont été déposés qu'à seize heures hier -, ainsi que des rapports justifie cette demande. Nous travaillons en effet dans des conditions difficiles.
Nous avons cru comprendre - et mon propos n'est pas de mettre en cause le travail du rapporteur Alain Gournac, qui, lui aussi, doit mener sa tâche dans des conditions difficiles - que vous vous orientiez vers une méthode consistant à dégager des priorités et à faire en sorte qu'un certain nombre d'amendements sur lesquels nous avons travaillé - dans les conditions détestables que vous avez créées - ne soient ni présentés, ni discutés, ni votés. Cette utilisation de la procédure n'est qu'une preuve supplémentaire de votre volonté de ne pas prendre en compte les travaux du Parlement.
On continue, dans les mêmes conditions, à marche forcée. Le but est de faire passer ce texte coûte que coûte, tranquillement, dans l'autisme le plus parfait.
Ce sont des conditions que nous ne pouvons accepter, qui ne nous semblent pas dignes d'une assemblée parlementaire, que le Sénat, à ma connaissance, à moins qu'il n'y ait renoncé récemment, prétend toujours être.
Nous souhaitons débattre dans des conditions qui nous permettent d'exposer nos arguments et de discuter sur le fond,...
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Bernard Frimat. ...et ce d'autant que nos collègues députés n'ont pu le faire que jusqu'à l'article 3 bis. De l'article 3 bis jusqu'à la fin du texte, nous sommes, pour l'instant, dans une non-communication.
Nous avons donc besoin de temps, monsieur le président. C'est la raison pour laquelle nous demandons une suspension de séance de deux heures. (Exclamations et rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Et ce n'est pas de l'obstruction ? Pourquoi ne pas demander une suspension jusqu'à demain pendant que vous y êtes ?
M. Claude Domeizel. Oui ! Pourquoi pas ?
Mme Hélène Luc. Il ne fallait pas avancer ce débat ! Vous auriez dû le laisser à la date prévue initialement : le 28 février !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mes chers collègues, force est de constater qu'en ce début d'après-midi, comme depuis le début de cette discussion, les travées de la droite, particulièrement celles de l'UMP, sont plus que clairsemées,...
M. Christian Cambon. Occupez-vous donc de votre groupe !
M. Guy Fischer. ...ce qui pose des problèmes pour l'organisation de nos travaux. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C'est une réalité, que cela vous plaise ou non ! Alors, ne nous accusez pas de faire de l'obstruction ! Le problème est au contraire de votre côté,...
M. Roger Karoutchi. Non !
M. Guy Fischer. ...car, à l'évidence, vous êtes incapables d'accepter que ce débat se déroule normalement.
M. Roger Karoutchi. Ben voyons !
M. Guy Fischer. Par ailleurs, M. le président de la commission des affaires sociales a formulé une proposition, acceptée par la majorité de la conférence des présidents, dont l'adoption a pour conséquence de supprimer, en vertu de l'article 49-2 de notre règlement, la discussion commune des amendements telle qu'elle avait été organisée par le service de la séance.
Mme Hélène Luc. C'est incroyable !
M. Guy Fischer. Ce n'est pas nous, c'est en effet le service de la séance qui, compte tenu des objectifs visés par cet article, avait prévu d'organiser une discussion commune.
Nous connaissons fort bien la procédure. Alors que la majorité de notre assemblée nous assure de sa volonté de voir le débat se dérouler dans les meilleures conditions, en siégeant éventuellement jusqu'au dimanche 5 mars, nous savons que, d'une manière ou d'une autre, ce sera pour elle l'occasion de faire tomber un certain nombre d'amendements avant qu'ils soient examinés par notre assemblée.
Nous ne pouvons accepter une telle situation. C'est pourquoi nous nous joignons à la demande formulée par le groupe socialiste. Une suspension de séance de deux heures nous permettra en effet d'organiser véritablement nos discussions et de prendre en compte la réalité telle qu'elle est désormais posée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. Cela leur laissera le temps d'aller chercher leurs collègues !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ainsi donc, les groupes socialiste et communiste de l'Assemblée nationale n'auraient pas eu les moyens de débattre des sujets dont nous devrions, depuis ce matin, à notre tour nous saisir. Cela est faux, puisque, comme l'un d'entre vous l'a rappelé, tous les amendements qui avaient été présentés par vos collègues députés jusqu'à l'article 3 bis, que vous avez redéposés au Sénat,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ...ont été défendus devant l'Assemblée nationale. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Vous vous livrez donc manifestement, depuis hier, à une obstruction systématique, qui traduit simplement un état d'esprit.
M. Roland Muzeau. C'est un mensonge !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Que vous ne soyez pas forcément satisfaits du calendrier retenu, je peux le comprendre. Mais ne faites pas mystère de votre état d'esprit ! Vous êtes en pleine phase d'obstruction, pour le dire de manière polie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Gisèle Gautier applaudit également. -Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Vous avez l'habitude de prendre tout le monde à témoin. Mais ce qu'il faut dire au peuple français, c'est que vous avez redéposé beaucoup d'amendements totalement inutiles et sans aucun rapport avec le texte qui nous est soumis. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Sans aucun rapport, en effet !
M. Josselin de Rohan. Exactement ! C'est se moquer des gens !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Donc, la seule chose qui nous importe, c'est, comme l'a dit M. Bel lors de la conférence des présidents, d'entrer dans le débat, le vrai, celui qui concerne le texte qui nous est soumis, avec l'apprentissage. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. Philippe Dallier. Eux, ils ne veulent pas de ce débat !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tenter de détourner les parlementaires de ce débat en déposant, comme vous l'avez fait, plusieurs dizaines d'amendements qui n'ont absolument rien à voir avec ce texte n'est pas acceptable. (M. Philippe Nogrix applaudit de nouveau.)
Nous n'avons pas souhaité, comme vous avez tenté de le faire croire, défaire le travail des fonctionnaires de notre assemblée.
Nous avons dû rompre avec la tradition de la discussion commune s'agissant d'amendements qui étaient sans rapport avec l'objet des articles sur lesquels vous avez décidé de les déposer. En effet, comme vous êtes malins, vous avez préféré introduire ces amendements à l'intérieur des articles plutôt que de les présenter sous la forme d'articles additionnels.
Force est de constater que nous avons désormais, à l'intérieur des articles, une multitude d'amendements qui y sont totalement étrangers. Il nous faut donc appliquer les dispositions prévues par notre règlement afin de revenir au débat de fond.
Dès lors, soit, comme j'avais cru le comprendre en conférence des présidents, nous sommes d'accord pour aller au fond du débat dans le respect des engagements que nous avons pris les uns envers les autres, soit la méthode est différente et, bien entendu, les engagements des uns n'étant pas respectés, les engagements des autres ne le seront pas davantage. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je tiens à exprimer mon désaccord total avec les propos que vient de tenir M. About.
Comme nous l'avons déjà constaté, s'agissant d'un projet de loi intitulé « Égalité des chances », des articles qui n'ont franchement rien à voir avec ce sujet ont été introduits dans le texte, puisqu'il est question, par exemple, des pouvoirs de justice des présidents des conseils généraux et des maires.
Donc, quand nous déposons, sur le titre Ier, des amendements qui ont trait à l'école et à l'apprentissage, permettez-moi de vous dire qu'ils ont à voir avec le débat que vous nous avez proposé sur l'égalité des chances.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, ces amendements n'ont rien à voir avec l'apprentissage. Placez-les avant ou après l'article en question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Excusez-moi, mais nous voulons en discuter !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes trop douée pour laissez croire que vous pensez réellement ce que vous dites !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je précise que les amendements que nous avons déposés ne l'avaient pas été à l'Assemblée nationale. Ils doivent donc être discutés au fond, ici ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes malhonnête !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Bel. Je souhaiterais simplement revenir sur l'intervention de M. le président de la commission des affaires sociales.
M. About vient de dire que notre discussion, à l'occasion de la conférence des présidents, nous avait amenés à un accord sur un point, à savoir que le débat doit avoir lieu dans des conditions de sérénité de manière que nous puissions aborder les grands moments de ce texte dans des conditions que je qualifierai de « normales ».
Ainsi, nous sommes convenus qu'il était opportun de commencer l'examen de l'article 3 bis lundi, à partir de quinze heures. Comme je l'ai dit en conférence des présidents, cette manière de procéder nous convient.
Cela étant dit, dans un second temps, monsieur le président, vous avez formulé votre proposition sur la manière de traiter les amendements, et nous ne la partageons pas.
M. Josselin de Rohan. Elle est conforme au règlement !
M. Jean-Pierre Bel. Nous considérons en effet qu'elle aboutit à vous donner un pouvoir discrétionnaire qui nous empêche de défendre des amendements sur lesquels nous avons travaillé, qui sont des amendements sérieux, et non des amendements d'obstruction. Nous voulons, s'agissant d'amendements qui n'ont pas été abordés en commission, notamment en commission des affaires culturelles, aller au bout de la discussion de manière à faire valoir nos arguments sur certains points très précis, qui sont également importants, et qui ont trait à ce texte.
Monsieur le président, il n'y a de notre part aucun reniement s'agissant des propos que nous avons échangés. Nous sommes d'accord sur la manière de procéder ; nous défendons simplement le droit de l'opposition à déposer des amendements et à en discuter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Je demande la parole pour un rappel au règlement !
M. le président. Sur le fondement de quel article ?
M. David Assouline. L'article 49-2 ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Les présidents de groupe s'étant exprimés, je considère que le débat sur ce point est clos. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Josselin de Rohan. Cela suffit, monsieur Assouline !
M. David Assouline. Vous, l'aristo, taisez-vous !
M. Christian Cambon. Pas d'attaque mesquine, monsieur Assouline !
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, vous devez faire statuer sur ma demande de suspension de séance !
M. le président. Monsieur Frimat, j'ai accordé tout à l'heure une suspension de séance, qui me paraissait suffisante. (M. Roland Courteau s'exclame.) Vous demandez maintenant une nouvelle suspension de séance de deux heures. Comment puis-je juger cette demande...
M. Thierry Repentin. Par un vote !
M. le président. ... autrement qu'irrecevable ?
Je vous rappelle que le président de séance est responsable du déroulement des débats et, en vertu du droit qui est le mien, et qui est également mon devoir, je vais commencer l'examen des articles du projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Philippe Nogrix applaudit également.)
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égalité des chances
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
TITRE IER
MESURES EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION, DE L'EMPLOI ET DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Section 1
« Formation d'apprenti junior » et contrat de professionnalisation
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :
Apprentissage
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. S'agissant de l'intitulé de la section 1, au lieu de « "Formation d'apprenti junior" et contrat de professionnalisation », il serait beaucoup plus clair d'indiquer « Apprentissage ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Favorable.
Demande de vérification du quorum
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, avant que le Sénat se prononce sur cet amendement, nous souhaitons que soit effectuée par le bureau la vérification du quorum.
M. Roland Muzeau. Absolument !
Mme Hélène Luc. En effet, on ne peut travailler comme cela !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous donnez une image magnifique pour l'extérieur !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous fais porter immédiatement, monsieur le président, la liste des sénateurs qui ont signé cette demande. (L'orateur fait remettre par un huissier à M. le président la liste des signataires de cette demande.)
M. le président. En application de l'article 51 du règlement, je suis saisi d'une demande écrite, présentée par M. Jean-Pierre Godefroy, tendant à faire vérifier le quorum par le bureau du Sénat.
Je vous rappelle que, aux termes de l'alinéa 2 bis de l'article 51 du règlement du Sénat, « le bureau ne peut être appelé à faire la constatation du nombre des présents que sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal ».
Il va donc être procédé à l'appel nominal.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L'appel nominal a lieu. - Ont signé cette demande et répondu à l'appel de leur nom : MM. Jean-Pierre Bel, Claude Domeizel, Mme Michèle San Vicente, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roland Ries, Roger Madec, Richard Yung, Yannick Bodin, Serge Lagauche, Jean-Pierre Sueur, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, M. Bernard Frimat, Mmes Nicole Bricq, Marie-Christine Blandin, M. Thierry Repentin, Mme Dominique Voynet, M. David Assouline, Mme Bariza Khiari, MM. Jacques Siffre, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Catherine Tasca, MM. Marc Massion, Michel Sergent, Roland Courteau, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Guy Fischer, M. Roland Muzeau, Mme Annie David, MM. Bernard Vera, M. Jean-François Voguet, Mmes Eliane Assassi, Hélène Luc et M. Robert Badinter.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Attention aux faux et usage de faux !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite mettre à profit cette interruption de séance pour réunir la commission.
M. le président. Je vais suspendre la séance et inviter tous les membres du bureau ici présents à bien vouloir me rejoindre au cabinet de départ.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures.)
M. le président. Mes chers collègues, le bureau du Sénat s'est réuni.
Il tient à rappeler que la procédure de vérification du quorum n'est applicable qu'une fois par séance - c'est un rappel utile dans les circonstances actuelles. (Sourires.) Dans un souci d'apaisement, le bureau a décidé, sans considérer qu'il doit être renoncé à la jurisprudence constante dans l'application de notre règlement, qu'il pouvait estimer que le quorum ne peut être vérifié. La séance est donc suspendue pour une heure.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)
Section1 (suite)
M. le président. La séance est reprise.
Je rappelle que nous examinons l'amendement n° 14, sur lequel la commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 838, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme David, M. Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 14 pour l'intitulé de la section par les mots :
dans le cadre scolaire : clé de l'intégration professionnelle
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous ne sommes pas opposés à l'apprentissage, bien que vous soyez convaincus du contraire, mais il nous semble que cette voie d'intégration professionnelle ne peut se passer d'un statut scolaire. C'est une filière qui existe déjà puisque dès le collège il est possible d'intégrer le préapprentissage à l'âge de quatorze ans, via les classes d'initiation professionnelles en alternance, les CLIPA, que vous connaissez sans doute, mes chers collègues, et qui donnent satisfaction.
C'est donc dans cet esprit que nous vous proposons ce sous-amendement.
Il donnera un peu plus de poids aux CLIPA, en permettant aux jeunes qui sont en rupture scolaire dès l'âge de quatorze ans - ce cas de figure existe ! - de retrouver le goût de l'école en passant par l'apprentissage d'un métier.
De la sorte, ces jeunes, que vous voulez exclure du système scolaire, pourront y rester au moins jusqu'à seize ans, soit l'âge de la scolarité obligatoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma collègue comprendra que je ne sois pas favorable à ce sous-amendement. En effet, j'ai voulu simplifier au maximum l'intitulé de la section 1. Or Mme David nous propose d'en revenir à un positionnement tout à fait différent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. L'explication que m'a donnée M. Gournac est un peu courte. De surcroît, elle montre qu'il ne m'a pas écoutée : je n'ai pas dit que nous ne voulions pas de l'apprentissage, j'ai simplement dit que nous souhaitions qu'il reste sous statut scolaire !
Quant à la réponse de M. le ministre, elle a été tellement succincte que je n'en ai pas compris le sens !
M. Roland Muzeau. C'est qu'il n'a rien à dire !
M. le président. En conséquence, l'intitulé de la section 1 est ainsi rédigé et les amendements nos 492 et 547 n'ont plus d'objet.
Article 1er
L'article L. 337-3 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 337-3. - Les élèves ayant atteint l'âge de quatorze ans peuvent être admis, sur leur demande et celle de leurs représentants légaux, à suivre une formation alternée, dénommée «formation d'apprenti junior», visant à l'obtention, par la voie de l'apprentissage, d'une qualification professionnelle dans les conditions prévues au titre Ier du livre Ier du code du travail. Cette formation comprend un parcours d'initiation aux métiers effectué sous statut scolaire dans un lycée professionnel ou un centre de formation d'apprentis, puis une formation en apprentissage.
« Une fois l'admission à la formation acquise, il est procédé à l'élaboration d'un projet pédagogique personnalisé. Dans ce cadre, l'équipe pédagogique désigne en son sein un tuteur qui accompagne l'élève tout au long de la formation d'apprenti junior.
« Les élèves suivant une formation d'apprenti junior peuvent, à l'issue de chaque période de formation prévue dans le projet pédagogique, avec l'accord de leurs représentants légaux et jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire mentionnée à l'article L. 131-1, mettre fin à cette formation et reprendre leur scolarité dans un collège, y compris leur collège d'origine, ou un établissement d'enseignement agricole ou maritime.
« Le parcours d'initiation aux métiers comporte des enseignements généraux, des enseignements technologiques et pratiques et des stages en milieu professionnel. L'ensemble de ces activités concourt à l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences mentionné à l'article L. 122-1-1 et permet à l'élève de découvrir plusieurs métiers et de préparer sa formation en apprentissage.
« Les stages en milieu professionnel se déroulent dans les conditions prévues à l'article L. 331-5. Lorsque leur durée excède une durée minimale fixée par décret, ils donnent lieu au versement, par les entreprises au sein desquelles ils sont effectués, d'une gratification dont le montant est fixé par décret. Cette gratification, d'ordre financier, n'a pas le caractère d'un salaire au sens de l'article L. 140-2 du code du travail.
« L'apprenti junior, avec l'accord de son représentant légal, peut signer un contrat d'apprentissage à partir de l'âge de quinze ans, à la condition qu'il soit jugé apte à poursuivre l'acquisition, par la voie de l'apprentissage, du socle commun de connaissances et de compétences mentionné à l'article L. 122-1-1 du présent code.
« L'ouverture des parcours d'initiation aux métiers dans les lycées professionnels et les centres de formation d'apprentis est inscrite au plan régional de développement des formations professionnelles mentionné à l'article L. 214-13. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous connaissez mon opinion sur l'apprentissage puisque, chaque année, au cours de la discussion budgétaire, je suis chargée de rapporter devant vous les crédits le concernant.
Aussi, vous vous dispenserez de toute interprétation inopportune sur ma prétendue position anti-apprentissage, puisqu'il est écrit dans mon rapport : « l'apprentissage peut également apparaître comme une filière de réussite, participant aux objectifs d'élévation des niveaux de formation ».
Cependant, vous l'aurez compris, je ne parle pas de l'apprentissage au sens de la transformation qui en est proposée au travers de ce texte.
En effet, dans ce même rapport, je me positionnais contre l'apprentissage à quatorze ans, résumant ainsi ma position : « il ne va pas dans le sens d'une revalorisation de l'image de l'apprentissage. Le système éducatif doit garantir en effet à toutes et tous les jeunes l'acquisition d'un niveau de formation générale suffisamment élevé pour leur épanouissement et leur émancipation [...] ; en outre, les métiers d'aujourd'hui sont en constante évolution et, de plus en plus fréquemment, le monde du travail demande à chaque salarié(e) de se réorienter [...], en passant par des périodes de formation continue, d'où l'importance d'une formation initiale de qualité. Enfin, l'apprentissage doit s'appuyer sur un projet professionnel solide, et votre rapporteur doute que de si jeunes élèves aient la maturité suffisante pour l'élaborer ».
Je veux d'abord dire haut et fort que cet apprentissage dès quatorze ans marque, pour nous communistes, un recul de société historique et inacceptable, car il s'agit avant tout d'expulser du système scolaire avant qu'ils aient atteint l'âge de seize ans les jeunes les plus en difficulté. Dans le même temps, il constitue une véritable remise en cause de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans !
De plus, loin de constituer une voie de diversification au collège, cette mesure signe la fin du collège pour tous, en instaurant une voie d'exclusion sans apporter aucune réponse aux besoins de ces jeunes.
C'est une mesure supplémentaire de renoncement à tout effort pour garantir la réussite scolaire pour tous, et elle constitue une stigmatisation pour une partie de la jeunesse.
Cette nouvelle filière équivaut à une préorientation deux ans avant le terme de la scolarité obligatoire, et ne peut constituer une réponse aux difficultés scolaires des collégiens, pour qui la maîtrise des savoirs et des connaissances doit rester l'objectif fondamental du système éducatif national.
Ces élèves seront donc éjectés du système scolaire, davantage stigmatisés et étiquetés comme étant des éléves « à problèmes ». Les conséquences risquent d'être dramatiques pour nombre d'entre eux, tant sur le plan psychologique que sur le plan social.
Par ailleurs, et c'est là un aspect particulièrement inadmissible de ce projet de loi, en prétendant apporter une solution au problème de ces élèves, vous les livrez au marché du travail - qui plus est du travail de nuit ! - et à des conditions bien plus dégradées que celles que connaît le reste du salariat et sans garantie de quoi que ce soit !
Pourtant chacun sait qu'il faut au contraire à ces jeunes « plus et surtout mieux d'école ». Ce n'est donc pas en leur donnant « moins d'école » qu'on leur permettra de résoudre leurs difficultés.
De plus, toutes les études montrent aujourd'hui la nécessité d'élever les niveaux de qualification. Le monde professionnel, lui-même, assure qu'il a besoin de jeunes de plus en plus qualifiés.
Ainsi, vous mentez aux jeunes et vous mentez aux familles en leur faisant croire que ce dispositif facilitera l'accès à une qualification. Aucune réelle perspective d'avenir ne leur est offerte. Pourquoi les patrons embaucheraient-ils plus facilement les enfants de quatorze ans que ceux de seize ans ?
C'est un miroir aux alouettes. D'autant que la discrimination est énorme pour l'obtention des stages. Monsieur Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois, l'a d'ailleurs fort justement dénoncé hier.
Vous leur mentez également quand vous leur faites croire que, après avoir été privés des enseignements nécessaires, ils pourraient réintégrer à tout moment le cursus ordinaire et y réussir.
Par ailleurs, en faisant rimer de nouveau difficultés et orientation professionnelle précoce, en répondant à l'échec scolaire par l'apprentissage, vous contribuez à dévaloriser encore un peu plus la voie professionnelle de formation et, surtout, vous vous exonérez de toute réflexion sur les causes réelles de l'incapacité du système éducatif à prendre en charge les difficultés scolaires de ces jeunes.
L'école, aujourd'hui, ne permet pas à tous les jeunes de notre pays d'accomplir leur parcours scolaire avec succès, et nous en sommes bien conscients.
Cependant des solutions existent pour mettre un terme à cette situation. C'est d'ailleurs le sens de la proposition de loi pour une école de l'égalité, de la justice et de la réussite de tous les jeunes, que nous avons déposée sur le bureau du Sénat en mars 2005. Au travers de ce texte, nous vous invitions à mettre en oeuvre une toute autre politique éducative que celle qui est contenue dans votre récent projet de loi, adopté, je vous le rappelle, contre l'avis de pratiquement tous les partenaires de l'école.
Pour notre part, nous affirmons qu'il est urgent de refonder un service public d'éducation nationale, qui ne saurait être considéré comme une activité marchande. Ses missions doivent obéir aux principes de laïcité de l'enseignement et des personnels de l'État, de gratuité tout au long de la scolarité, d'obligation scolaire et d'égalité pour tous les élèves face à l'éducation. Cette école doit offrir des conditions de scolarisation améliorées pour tous, dès la maternelle et tout au long de la scolarité obligatoire, afin d'amener chaque jeune à un haut niveau de formation générale, professionnelle et citoyenne.
Dans cette optique, l'école maternelle est la première étape de la scolarité. Mais aujourd'hui cette école est menacée, notamment par manque de moyens et d'enseignants, car telle est votre politique.
Pour ce qui nous concerne, nous proposons que l'école soit rendue obligatoire de trois à dix-huit ans et que soit ouvert le droit à la scolarisation dès l'âge de deux ans pour les familles qui en émettent le souhait.
Par ailleurs, nous proposons la création d'observatoires de la scolarité avec pour objectif de donner à l'ensemble de la communauté éducative, à tous les niveaux, des outils communs de diagnostic et d'initiative. (Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)
Nous proposons également de porter à 7 % du PIB les dépenses de l'État en matière d'éducation nationale afin, notamment, d'abonder un fonds de lutte contre ces inégalités ce que vous prétendez résoudre, messieurs les ministres, fonds dont nous vous expliquerons le fonctionnement dans un instant.
Pour permettre un véritable accès aux savoirs et à la connaissance, il faut également aider les enseignants dans leur métier en leur proposant une formation prenant en compte la diversité des élèves et des territoires. Il faut également que les parents puissent avoir « droit de cité » en instaurant une démocratie participative. Il faut en outre que les élèves soient eux-mêmes écoutés en leur donnant toute leur place grâce à la création d'un statut du jeune en formation.
Toutes ces propositions font l'objet d'amendements déposés par mon groupe et nous allons pouvoir en débattre dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d'aborder le dispositif de l'apprentissage junior, je voudrais relayer deux constatations faites par des responsables de CFA, constatations que je trouve personnellement assez attristantes pour notre mode de fonctionnement gouvernemental et parlementaire.
La première constatation a trait au fait que, en l'espace de quatre ans, c'est la neuvième loi touchant au dispositif de l'apprentissage. J'espère juste que, pour tous les acteurs de ce type d'enseignement, nous cesserons pendant quelque temps d'apporter des modifications législatives nouvelles à cette filière et que nous la laisserons tout simplement vivre et s'installer dans la durée.
La seconde constatation est, à mes yeux, encore plus consternante que la première. Un responsable de CFA a fait la réflexion suivante à ma collègue Valérie Létard : « depuis plusieurs années, nous faisons un vrai travail dans les établissements scolaires pour montrer que l'apprentissage est une voie d'excellence. Aujourd'hui, nous avons le sentiment que tout cela a été " mis par terre " et que nous sommes " de retour à la case banlieue ". » Ce responsable ajoutait : « L'apprentissage doit-il toujours être considéré comme une solution aux problèmes sociaux ? Ne faut-il pas, au contraire, l'inscrire comme un investissement qui participerait au mode de gestion prévisionnel des emplois dont notre société aura besoin demain ? » Je crois que tout est dit !
Pour l'UDF, l'apprentissage ne doit pas être un moyen de résoudre la « crise des banlieues ». Si nous avons déposé des amendements portant sur le contrat d'apprentissage junior, c'est justement dans la perspective qu'il soit une voie d'accès à la qualification professionnelle non exclusivement réservée aux jeunes des cités. En tout cas, il ne faut pas leur donner l'impression qu'il n'existe que pour eux et que cela leur ferme implicitement l'accès aux voies de l'enseignement général.
Cela étant, de nombreux élèves ne se reconnaissent pas dans notre système scolaire encore trop normalisé. Avant de proposer de les en sortir précocement, j'aurais préféré que le débat que nous avons mené sur l'école cherche plus avant les causes de l'échec scolaire.
S'agissant des modalités de l'article lui-même, nous ne sommes bien évidemment pas hostiles à ce qu'un élève qui ne s'épanouit pas dans le cursus classique puisse choisir plus vite un accès à une formation professionnelle qualifiante. Nous souhaitons simplement nous assurer que ces orientations ne se feront pas par défaut, que l'élève pourra choisir en toute connaissance de cause et qu'on lui en laissera bien le temps. Qui peut imaginer que, à quatorze ans, les dés soient jetés une fois pour toutes ?
C'est la raison pour laquelle nous proposerons que l'on ne puisse entrer dans le dispositif d'apprentissage junior qu'à quatorze ans révolus, que la période d'initiation aux métiers sous statut scolaire puisse éventuellement se prolonger sur une deuxième année quand le jeune n'a pas réussi à finaliser un vrai projet professionnel, que l'accès aux métiers et à l'entreprise résulte de stages divers dans des univers professionnels variés. Nous voulons ainsi éviter qu'un aiguillage précoce et mal préparé ne se traduise par un nombre de ruptures de contrats d'apprentissage très élevé.
Je voudrais rappeler à ce sujet que, à l'heure actuelle, et avec des jeunes de plus de seize ans, le taux de rupture s'élève déjà à plus de 20 %. Que deviendra un jeune à quinze ans s'il abandonne une formation qu'il a choisie un peu « à l'aveuglette » ? De quelle alternative disposera-t-il ?
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly. Nous voulons éviter les parcours qui vont au bout de l'échec, non seulement parce qu'ils sont ravageurs pour les jeunes qui les subissent, mais aussi parce qu'ils mettent à mal la capacité de notre société tout entière à donner une place à chacun.
Enfin, nous proposerons que les partenaires sociaux se saisissent, par la négociation interprofessionnelle, de la question du tutorat. Autant celui-ci fait-il l'objet d'un statut bien encadré dans certaines professions, autant, dans d'autres, accepter de prendre en charge des apprentis n'est pas toujours facile.
Ce rôle fondateur pour la transmission des savoirs doit être reconnu et valorisé partout, si l'on veut que toutes les entreprises jouent le jeu. C'est aussi à cette condition essentielle de la qualité de l'accompagnement que la prise en charge des très jeunes apprentis pourra être une vraie réussite.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, vous l'aurez compris, nous nous prononcerons sur cet article en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a presque un an, dans cet hémicycle, nous avons longuement de ce qui devait être l'un des textes phares du quinquennat : le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.
Depuis, M. Fillon n'est plus là ou, plus exactement, il n'est plus ministre. En revanche, il devrait être présent dans cet hémicycle.
M. Josselin de Rohan. Où est M. Mauroy ? Il devrait être dans l'hémicycle !
M. David Assouline. Sa loi, présentée en urgence et discutée à la hussarde, malgré une grande mobilisation, devait être une grande loi. Nous lui avions bien dit que ce ne serait qu'une toute petite loi qui passerait aux oubliettes. Nous n'avons pas eu besoin d'attendre longtemps pour avoir raison.
Alors que ce texte, qui avait déjà mobilisé massivement lycéens et étudiants contre la politique gouvernementale à l'égard de la jeunesse, n'a permis d'apporter aucune réponse au malaise qui frappe l'école de la République, le ministre de l'éducation nationale, M. de Robien, fait un tour de France pour défendre le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui. Or les mesures qu'il contient à l'article 1er vont poursuivre l'oeuvre de remise en cause des fondations de notre système scolaire initiée par la loi Fillon.
Après les événements de l'automne dernier, qui ont vu des jeunes s'attaquer à des établissements scolaires de façon assez autodestructrice, l'un des enjeux essentiels d'un texte visant à garantir l'égalité des chances aurait consisté à écouter attentivement tous les acteurs du système éducatif, en premier lieu les enseignants des zones sensibles, afin de prendre la mesure du lien entre l'échec scolaire, première cause d'exclusion sociale, et l'environnement socio-économique et territorial.
Au lieu de mener un travail de fond en relation étroite avec le Parlement afin d'imaginer des mesures à la hauteur des difficultés auxquelles notre société est confrontée, vous avez préféré faire des choix purement idéologiques.
Il est vrai que le contexte est à la surenchère à droite. Nos débats doivent prendre en compte les critiques très fondées et argumentées que développent, notamment, les syndicats d'enseignants et les organisations de parents d'élèves contre les propositions en matière d'éducation formulées par le numéro deux du Gouvernement et président de l'UMP. D'ailleurs, j'aimerais bien savoir si les ministres ici présents soutiennent tout ce que dit dans les meetings le chef de l'opposition parlementaire de notre pays.
Citons ces propositions : suppression de la carte scolaire, autonomie des établissements, rémunération des enseignants au mérite, encouragement du privé sous contrat à s'implanter dans les zones sensibles. Toutes ébranlent profondément les fondements du système éducatif français.
M. Guy Fischer. En effet ! C'est scandaleux !
M. David Assouline. Dès lors, comment s'étonner que l'on nous demande aujourd'hui de remettre en cause, dans l'urgence, l'un des principes essentiels de l'école pour tous : la scolarisation obligatoire et gratuite jusqu'à seize ans ?
Le Premier ministre, comme il l'a affirmé dans son discours à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la motion de censure déposée par les députés socialistes, veut « construire pour tous les jeunes un vrai parcours d'embauche ». Si l'on en juge par le contenu de ce projet de loi, pour nombre d'entre eux, ceux qui se destinent à l'artisanat et au commerce - et vous savez combien ces secteurs sont créateurs d'emploi et de richesse dans notre pays -, ce beau parcours d'insertion va commencer par... leur exclusion du système scolaire !
Comment pourrions-nous soutenir l'apprentissage à quatorze ans ?
Cette mesure renforce la discrimination sociale et stigmatise un peu plus une partie de la jeunesse. En effet, c'est aux jeunes des milieux défavorisés que vous proposerez ce parcours, qu'ils seront conduits à accepter. C'est à eux qu'on demande de choisir un métier à quatorze ans, pas aux autres !
Cette mesure entérine de fait la fin de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, qui avait été instaurée en 1959.
Elle assimile l'enseignement professionnel, sous statut scolaire et par apprentissage, à l'échec scolaire.
Elle exclut toute réorientation, la réversibilité étant une imposture.
Elle obère la formation tout au long de la vie. L'accès à la formation continue est toujours plus difficile pour les personnes les moins diplômées.
Elle vide de son sens le socle commun de compétences et de connaissances, qui, pour être partagé par le plus grand nombre d'élèves possible, doit être acquis par tous dans un même lieu.
Elle abandonne toute ambition d'une école de la réussite de tous.
Pour ajouter encore au recul social qu'implique ce texte, le Gouvernement a publié, le 13 janvier dernier, un décret modifiant le code du travail afin d'étendre considérablement la liste des secteurs dans lesquels les apprentis de moins de dix-huit ans peuvent travailler de nuit - mesure qui concernera bientôt ceux qui auront quinze ans. C'est donc désormais possible dans le secteur hippique, l'hôtellerie-restauration et la pâtisserie.
En plus de ces secteurs, le travail des mineurs est autorisé les dimanches et jours fériés ...
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est faux !
M. David Assouline. ... chez les traiteurs et les organisateurs de réception, dans les cafés, tabacs et débits de boisson, la boucherie-charcuterie, la graineterie, la poissonnerie, chez les fleuristes, dans les jardineries, la fromagerie-crèmerie et dans tous les « établissements des autres secteurs assurant à titre principal la fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate, ou dont l'activité exclusive est la vente de denrées alimentaires au détail ». (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Concluez !
M. David Assouline. Or ce décret de janvier dernier, qui constitue en soi un recul, aura un impact encore plus grave si l'article 1er du projet de loi pour l'égalité des chances est approuvé dans sa rédaction actuelle,...
M. Gérard Cornu. Assez !
M. David Assouline. ... laquelle prévoit de modifier tant le code de l'éducation que le code du travail afin d'abaisser à quinze ans l'âge d'entrée en apprentissage. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Arrêtez, monsieur Assouline, ou je coupe votre micro !
M. David Assouline. J'ai juste une phrase à ajouter pour poser une question. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac, rapporteur. On y a déjà répondu ce matin !
M. David Assouline. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer... (M. le président coupe le micro de l'orateur.)
M. David Assouline. Dans ces conditions, je ferai beaucoup plus d'explications de vote !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'article 1er du présent projet de loi est, si l'on en croit l'exposé des motifs, l'un des éléments fondamentaux de la politique de lutte contre les discriminations et pour l'égalité des chances.
On peut ainsi lire dans l'exposé des motifs : « Dans leur parcours scolaire, de nombreux jeunes sont aujourd'hui confrontés à des difficultés qui les conduisent à n'entrevoir aucune perspective d'avenir au sein de notre société. La création du dispositif d'apprentissage junior doit leur permettre de retrouver confiance en leurs capacités et le goût de la réussite en consolidant l'acquisition de connaissances fondamentales et en accédant à une formation initiale diplômante que permet l'apprentissage. [...]
« Enfin, le dispositif d'apprentissage junior concourt à renforcer la voie d'excellence qu'est l'apprentissage et contribue à atteindre l'objectif de 500 000 apprentis fixé par le Gouvernement. »
C'est à se demander si l'essentiel dans le dispositif qui nous est proposé n'est pas de créer les conditions pour atteindre l'objectif de 500 000 contrats d'apprentissage que s'est fixé le Gouvernement. Il est vrai que 500 000 apprentis répertoriés âgés de seize à vingt-cinq ans, cela fait autant de jeunes que l'on peut soustraire, sans trop de risques, à la douloureuse présentation statistique du chômage.
À vrai dire, tout se passe quelque peu comme si le développement de l'apprentissage était instrumentalisé aux seules fins de pouvoir, dans une douzaine de mois, présenter un bilan pas trop négatif sur la question de l'emploi. Car tous les moyens sont bons en ces matières pour parvenir à réduire le nombre de personnes privées d'emploi.
Les études menées ces derniers temps par les services de l'emploi sont d'ailleurs intéressantes. Si le nombre de demandeurs d'emploi dits de première catégorie est en baisse - une diminution largement organisée à grands coups de radiations statistiques -, celui des chômeurs d'autres catégories n'est pas en réduction. Ainsi, notre pays compte plus de 516 000 chômeurs à la recherche d'une activité réduite inférieure à un mi-temps et plus de 600 000 chômeurs à la recherche d'une activité réduite supérieure à un mi-temps.
De plus, sans revenir inutilement sur le sujet, notons que ce sont de 120 000 à 170 000 chômeurs qui font l'objet, tous les mois, depuis le début de l'année 2005, d'une radiation pour absence au contrôle.
Les jeunes sont particulièrement concernés par le chômage, puisque le taux global de chômage des jeunes de 15 ans à 24 ans sortis du système scolaire atteint le niveau exceptionnellement élevé de 17 % chez les jeunes hommes et de 24 % chez les jeunes femmes, avec des niveaux respectifs de 36 % et 41 % dans les zones urbaines sensibles, comme les Minguettes à Lyon.
Cette situation corrobore évidemment les éléments fournis par le recensement général de la population, qui attestent de la grande vulnérabilité, dans le monde du travail, des jeunes qui sont sortis un peu trop tôt de la vie scolaire.
L'apprentissage junior peut-elle constituer une réponse adaptée ?
À dire vrai, cette réponse est totalement contradictoire, et tout laisse penser que cette forme de passage obligé par la voie professionnelle dès l'âge de quatorze ans ne concourra pas à la satisfaction des besoins en personnel qualifié de nos entreprises.
Qu'on le veuille ou non, le passage à un contrat d'apprentissage junior va s'apparenter, pour l'élève, à une forme d'orientation par l'échec, aucun diplôme n'étant censé sanctionner le présent contrat et aucun contenu n'étant réellement fixé quant aux objectifs pédagogiques de ce type de démarche.
L'article 1er est plus que contestable : il remet en question le droit à la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, sur lequel repose, depuis plus de quarante ans, l'élévation du niveau de formation de notre jeunesse.
L'apprentissage junior va clairement à l'encontre de ce mouvement global de qualification : à une difficulté scolaire plus ou moins affirmée, nous allons répondre par l'illusion d'une formation prétendument professionnelle, qui ne fera que mettre des jeunes sans qualification réelle aux prises avec les aléas de la vie professionnelle.
Nous ne sommes pas même certains que l'apprentissage junior corresponde à une demande expresse formulée par les milieux professionnels. On nous l'a dit.
Dans bien des métiers, dans nombre de secteurs, pour des raisons parfaitement légitimes au demeurant, on sollicite un relèvement du niveau de qualification et une plus grande maîtrise des fondamentaux de la culture scolaire commune.
L'apprentissage junior, très concrètement, dans un contexte de fortes tensions au sujet des comptes publics, c'est de l'argent public gaspillé, sans garantie d'efficacité en termes d'insertion professionnelle.
Vous comprendrez donc, messieurs les ministres, que nous ne puissions vous suivre dans cette voie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le contrat d'apprentissage junior est à nos yeux inacceptable.
Au-delà de son apparente souplesse, c'est en réalité un contrat précaire, dont les objectifs seront sans doute assez mal définis et qui participeront autant de la sensibilisation au métier et à l'activité professionnelle que d'une orientation précoce des jeunes qui tendra à favoriser des sorties accélérées du système scolaire pour un nombre croissant de nos enfants.
Sur quelle analyse, en effet, la construction de l'apprentissage junior se fonde-t-elle ?
C'est à partir de la situation scolaire et de la position des jeunes au regard de la réussite scolaire que le concept d'apprentissage junior se définit.
Si l'on suit les auteurs du projet de loi, l'école ne serait plus en situation de faire face aux enjeux de la qualification des jeunes et de la culture commune dont la scolarité vise à assurer l'acquisition.
Le nombre d'enfants ayant deux ans de retard à l'entrée en sixième représente, pour l'ensemble du pays, 3,4 % des effectifs. Cette proportion s'avère deux fois plus importante dans les quartiers urbains les plus sensibles.
Le nombre de collégiens parvenant en troisième constitue environ les trois quarts des effectifs scolarisés de l'ensemble de notre pays. Sur ce point, demeurer dans une commune plutôt favorisée ou dans un quartier plus sensible fait d'ailleurs peu de différence.
L'essentiel de la différenciation des parcours intervient à la sortie de la troisième, puisque l'on oriente beaucoup plus facilement les jeunes issus des quartiers les plus sensibles vers les lycées d'enseignement professionnel et les filières technologiques des lycées d'enseignement général.
En ZUS par exemple, 22 % des élèves sont orientés vers un bac S, tandis que ce taux est de 29,5 % dans l'ensemble des établissements scolaires.
On oriente a contrario 17,5 % des jeunes des quartiers sensibles vers les sections STT, contre 12,5 % pour l'ensemble des lycéens.
Dans certains établissements, qui ne sont d'ailleurs pas nécessairement classés en zone urbaine sensible, mais qui bénéficient pourtant du classement en ZEP, il est fréquent que 40 % à 50 % des collégiens soient orientés ailleurs que vers un lycée général.
De fait, l'apprentissage junior se présente donc comme une anticipation de ces orientations.
Il ne permet pas de revenir sur l'inégalité d'accès à la formation entre les jeunes : il s'agit concrètement de placer le plus tôt possible certains jeunes sur les rails des formations techniques courtes.
Cette disposition est donc clairement discriminatoire.
À qui fera-t-on croire que l'inscription d'un jeune en contrat d'apprentissage junior pourra constituer une orientation fondée sur le succès ?
En réalité, la mise en oeuvre de l'article 1er constituera une nouvelle formule d'orientation par l'échec.
De plus, cette disposition est encouragée, puisque le crédit d'impôt associé au contrat va être majoré.
Cela se fait de surcroît au moment où l'on envisage clairement, pour la rentrée prochaine, de supprimer les ZEP, qui auraient échoué dans leur mission de formation - ce qui reste à prouver, chiffres à l'appui - pour les remplacer par un nombre plus réduit de pôles où l'on fournirait des efforts particuliers.
La réduction des crédits des ZEP va-t-elle servir à financer la montée en charge des sommes consacrées à l'apprentissage junior ?
Ce serait faire un usage pour le moins discutable des impôts qui sont payés par tous les contribuables de notre pays, y compris les parents des jeunes que vous allez livrer à l'incertitude et au tâtonnement d'une démarche de formation fortement sujette à caution.
Dans ces conditions, messieurs les ministres, vous comprendrez que nous ne puissions, là encore, vous suivre dans cette voie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, sur l'article.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que l'éducation est au coeur même de la lutte contre les inégalités, que prévoit votre projet de loi sur l'égalité des chances dans le système scolaire ? La création de l'apprentissage junior.
Vous n'intervenez qu'au niveau du collège, alors que les inégalités se sont déjà creusées et se sont installées durablement, et ce pour organiser une filière de relégation pour les élèves en situation d'échec, au lieu de mettre l'accent sur les dispositifs passerelles qui ont pourtant fait leurs preuves. Qu'en est-il du programme de trajet d'accès à l'emploi ou programme TRACE, qu'en est-il des classes et ateliers relais, de l'école de la seconde chance ?
Vous amplifiez ainsi la hiérarchisation des voies de formation en fonction du degré d'échec des élèves dans leur parcours antérieur.
En faisant de l'apprentissage la principale réponse à l'échec scolaire, vous associez apprentissage et formation de bas niveau. Vous renoncez de manière déguisée à la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. En apprentissage junior, le jeune de 15 ans est à la fois sous contrat de travail et dans un statut hybride, il est « sous projet pédagogique », mais, quoi qu'il en soit, il n'est plus sous statut scolaire.
Vous faites miroiter des passerelles, un retour possible au collège, mais c'est un leurre : il s'agit en fait de bâtir une nouvelle filière, et la première année de l'apprentissage junior se déroulera dans un lycée professionnel ou un centre de formation d'apprentis.
La répartition même des différents types d'enseignement - enseignement général, enseignement technologique et stages en milieu professionnel - n'est pas connue.
En tout état de cause, l'apprentissage ne représente que treize semaines de cours par an. Comment des élèves en difficultés scolaires pourraient-ils acquérir les connaissances fondamentales dans ces conditions ?
Pour ceux qui n'avaient pas compris au moment de la discussion du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école que le socle commun n'était qu'un « cache-sexe », la preuve ultime en est désormais faite. Le socle n'est commun que jusqu'à la cinquième et l'ambition scolaire est réduite aux connaissances utilitaires. L'objectif de porter 80 % d'une génération au baccalauréat et d'atteindre 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur a pourtant été réaffirmé dans votre loi sur l'avenir de l'école. Il ne s'agit, là encore, que d'un leurre.
On ne trouve aucun dispositif de solidarité nationale en matière d'éducation, dans ce texte « fourre-tout ». Pire, c'est une logique contraire qui s'exprime, à travers la refonte des zones d'éducation prioritaire annoncée par M. Gilles de Robien à la suite de la crise des banlieues.
Votre conception de l'éducation prioritaire consiste à organiser la concurrence entre les élèves les moins favorisés, à faire sortir de leur quartier une poignée de bons élèves pour les faire accéder à des établissements plus prestigieux, ce qui permettra de légitimer le renoncement à la réussite de tous les autres et, ainsi, d'obtenir la paix sociale.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Serge Lagauche. Votre conception de l'éducation prioritaire, c'est en outre d'enfoncer un peu plus les quartiers dans la ghettoïsation, sous prétexte qu'il ne faut plus aider les territoires mais les individus.
Ceux qui auront réussi le devront à leur mérite, à leur talent, les autres ne devront s'en prendre qu'à leur démérite et à leur manque de talent naturel, alors que chacun sait que l'échec scolaire trouve prioritairement ses racines dans les inégalités sociales.
Vous renoncez à la transformation de l'école pour lutter contre la reproduction des inégalités en son sein.
Prenons l'exemple de la santé scolaire : l'observatoire des zones sensibles a montré que la présence médicale est plus faible en ZUS que dans les autres unités urbaines et que les problèmes de surpoids et d'obésité et les problèmes dentaires sont plus fréquents, dès la grande section de maternelle, dans les établissements scolaires situés en ZUS.
À quelles mesures vous a conduit ce constat ? À aucune !
Les collèges en ZUS comptent 12 % d'élèves d'origine étrangère, contre 4 % dans les collèges situés hors ZUS. Que proposez-vous, dans ce projet de loi, pour assurer la réussite scolaire des élèves non francophones ? Rien ! L'égalité des chances, ce n'est pas pour eux.
Ajoutons à cela l'idéologie qui sous-tend le contrat de responsabilité parentale, et vous transformez littéralement les victimes d'une société inégalitaire en coupables.
Vous abandonnez l'idéal républicain de justice sociale pour une vision individualiste, où les défaillances de notre société à offrir une place à chacun sont travesties en une mise en cause et une culpabilisation des plus faibles qui, en définitive, légitime l'exclusion.
Ceux qui restent finalement sur le bord de la route sont renvoyés à leurs propres responsabilités : leur situation est telle parce qu'ils ne sont pas adaptables, pas intégrables.
L'égalité des chances à l'école, pour ne pas rester un simple slogan, doit se mettre en place dès la maternelle. Nous faisions d'ailleurs des propositions en ce sens.
L'égalité des chances doit suivre un continuum jusqu'à l'enseignement supérieur, car l'insertion professionnelle des jeunes est d'autant plus réussie que leur niveau de formation initiale est élevé. C'est ce que montrent toutes les études internationales. Le Gouvernement est loin d'en avoir tiré les conséquences dans sa politique d'éducation.
Votre politique en matière d'éducation en effet, comme en matière sociale, c'est la politique du renoncement : suppression des travaux personnels encadrés qui préparaient aux méthodes de travail de l'enseignement supérieur ; socle de savoirs fonctionnels déconnectés de la culture - qui leur donne sens - et qui n'est plus commun ; proposition d'installer, dans des lycées qui manquent d'infirmières ou de conseillers d'éducation, des permanences policières ; apprentissage de la lecture appréhendé comme une simple inculcation de mécanismes ; diminution de fait de l'âge de la scolarité obligatoire, au lieu d'aménager la scolarité pour qu'elle offre à tous les élèves les moyens d'accéder aux fondamentaux de la citoyenneté. Vous privilégiez l'exclusion par rapport à la formation, l'expulsion par rapport à l'intégration, la culpabilisation par rapport à la protection. Cela ressemble fort à un projet de M. le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour notre part, si nous ne mythifions pas l'apprentissage, nous ne le décrions pas non plus.
Aujourd'hui, 350 000 jeunes sont concernés par l'apprentissage. Cela réussit à un certain nombre d'entre eux, mais pas à d'autres. Il est inutile d'idéaliser cette voie d'acquisition du savoir professionnel.
Nous devons appréhender l'apprentissage, comme d'ailleurs toutes les autres voies de formation et d'enseignement, comme une possibilité, rien d'autre. Il n'est rien de pire qu'une orientation irréversible.
N'occultons pas certaines réalités. Je relèverai d'abord celle-ci : 25 % des contrats d'apprentissage sont rompus avant leur terme. Citons une autre réalité : le taux de réussite d'un jeune en apprentissage à l'examen du CAP est de deux points inférieur à celui d'un élève scolarisé en établissement d'enseignement professionnel. La différence s'élève même à dix points lorsqu'il s'agit du BTS.
Nous ne devons donc pas porter l'apprentissage aux nues. Il faut au contraire nous interroger sur ses carences.
À cet égard, il faut observer les mutations récentes des pratiques d'apprentissage. De même que le modèle scolaire a évolué vers un enseignement en alternance de plus en plus affirmé, dont il serait d'ailleurs utile de dresser le bilan, l'apprentissage a en quelque sorte progressivement « scolarisé » une part croissante du parcours proposé aux jeunes.
Cela résulte non pas de vues idéologiques, mais des transformations récentes du contenu des métiers, où le niveau d'exigence culturelle est de plus en plus élevé.
Aussi, la vocation traditionnelle de l'apprentissage, reproduire le geste professionnel, ne s'applique donc en définitive qu'à un nombre relativement restreint de métiers.
Aujourd'hui, le geste professionnel ne peut en effet se passer de certaines exigences quant aux connaissances abstraites. Cela exige des séquences d'enseignement général, avec une pédagogie adaptée.
Les machines sont de plus en plus complexes et, par conséquent, les savoirs préalables à leur usage et à leur évolution le sont également.
C'est pourquoi nous devons adopter à propos de l'acquisition de ces savoirs une démarche réaliste, fondée sur des faits concrets.
Quand on sort de l'apprentissage et que l'on entre dans la vie professionnelle, on doit être armé pour faire face aux évolutions de la profession que l'on a choisie. Jusqu'à présent, l'apprentissage le permettait, et c'était d'ailleurs une de ses forces.
En instituant l'apprentissage à quatorze ans ou quinze ans, vous commettez plusieurs erreurs.
Vous butez tout d'abord, que vous l'admettiez ou non, sur une réalité : permettre l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans, c'est abaisser du même coup la limite de l'obligation scolaire. L'apprentissage relève en effet non pas du statut scolaire, mais du code du travail. Les jeunes changent alors de condition. Avec la baisse de l'âge minimal d'entrée en apprentissage que vous prônez, il n'y aura bientôt plus guère que la Pologne et la Belgique francophone à pouvoir rivaliser avec nous !
Votre dispositif est contre-productif. Tous les pays tentent d'allonger le temps de scolarisation des jeunes, et non de le raccourcir !
Alors qu'il s'agit de très jeunes adolescents de quatorze ans à peine, vous affirmez que ceux-ci pourront - et c'est nouveau - choisir au fur et à mesure entre l'apprentissage et le collège. En fait, les jeunes que vous visez seront davantage précarisés. La possibilité de réfléchir, de décider ou de faire un tel choix librement et sereinement n'est pas offerte à tout le monde. Ce n'est pas aussi simple. Cela demande de la réflexion, de la préparation, ainsi qu'une certaine maturité. Je vous demande d'y réfléchir.
On considère en effet souvent, dans cette assemblée comme ailleurs, l'apprentissage comme un recours destiné aux jeunes qui seraient les « moins bien dans leur peau » - combien de fois avons-nous entendu cette phrase ? - dans l'enseignement général.
Mais l'apprentissage ne peut pas accueillir les éléments les plus instables de l'enseignement général. Devenir apprenti suppose d'être courageux et très travailleur. Il faut en outre témoigner d'une certaine stabilité sociale, intellectuelle et - j'y insiste - affective. Il est en effet très difficile d'être apprenti, surtout à quatorze ans. Les métiers auxquels cette filière destine sont exigeants, en raison tant des horaires de travail que de la difficulté des tâches à accomplir ou de la complexité des machines à utiliser. De même, l'intégration dans le monde professionnel n'est pas toujours facile ; elle est même parfois très rude et délicate. On entre en effet dans le monde des adultes d'un seul coup.
Cessons par conséquent de considérer l'apprentissage comme une espèce - l'expression est certes un peu provocatrice, mais elle n'est pas méchante - de « maison de correction améliorée » pour les banlieues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est inacceptable !
M. Gérard Cornu. Scandaleux !
M. Christian Cambon. C'est une honte !
M. Jean-Pierre Godefroy. L'apprentissage ne doit pas non plus être considéré comme une voie de « non excellence » pour des jeunes en difficulté scolaire momentanée. (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.) Envoyez donc vos enfants en apprentissage, mes chers collègues !
Vous commettez une deuxième erreur, d'ordre psychologique celle-là. L'apprentissage n'est en effet pas le parcours le mieux à même de stabiliser les jeunes.
Votre troisième erreur est, de mon point de vue, de mythifier la pédagogie de l'apprentissage.
Mais vous vous trompez également d'un point de vue économique. Notre pays a besoin de niveaux de qualification de plus en plus élevés. Seuls des esprits extrêmement superficiels peuvent croire que des millions d'emplois non qualifiés sont aujourd'hui disponibles. Ce n'est pas le cas et vous le savez bien. De plus en plus d'activités deviennent des métiers eux-mêmes de plus en plus qualifiés.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Qu'on lui coupe son micro !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous développerons tous ces arguments lors de l'examen des amendements que nous avons déposés. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Aussi, nous voterons contre cet article 1er, qui ne répond pas aux exigences de formation de nos jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Christian Cambon. Voilà donc ce qu'ils pensent de l'apprentissage !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l'article.
Mme Dominique Voynet. Le Gouvernement propose, dans l'article 1er de ce projet de loi, la création d'une curieuse forme de filière d'insertion, à mi-chemin entre le statut scolaire et le contrat d'apprentissage : la formation d'apprenti junior ouverte à des mineurs de quatorze ans.
Vous vous insurgez, mes chers collègues, contre la vigoureuse interpellation des parlementaires de gauche, qui considèrent que la remise en cause de facto de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans ne constitue pas un bon signal. Vous y voyez une « posture idéologique ». Je considère pour ma part que le débat doit s'appuyer sur l'opinion des acteurs qui sont en contact avec la réalité, ou plutôt avec les réalités dans leurs différentes facettes.
Je voudrais, en six points, ...
M. Josselin de Rohan. Vous n'avez droit qu'à cinq minutes !
Mme Dominique Voynet. ...résumer l'opinion de ceux qui connaissent de terrain. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Premier point, bien des enseignants sont réservés sur l'efficacité pédagogique de l'apprentissage. Ils considèrent qu'évacuer les problèmes d'échec scolaire en éloignant de l'école les élèves qui sont en échec ne règle rien.
Dans le système actuel, l'apprentissage, c'est seulement treize semaines de cours par an. Or consacrer seulement treize semaines par an à des élèves en échec dans les apprentissages fondamentaux, c'est, pour reprendre les termes de M. Philippe Meirieux, la « condamnation à perpétuité à des tâches de pure exécution ». (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. André Lardeux. Philippe Meirieux n'est pas une référence !
M. Christian Cambon. Effectivement !
Mme Dominique Voynet. Vous devriez lire plus souvent ses écrits !
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme Dominique Voynet. L'idée que des élèves puissent ensuite revenir sans dommages à la case départ relève de la théorie. En pratique, très peu parmi ceux qui seront engagés dans votre dispositif reviendront dans l'enseignement traditionnel. (M. Roger Karoutchi s'exclame.)
Certains enseignants font en outre observer que le niveau de réussite aux examens terminaux par la filière de l'apprentissage hors école varie de façon importante selon le niveau de formation des élèves. Il est en effet bien meilleur chez les élèves en BTS que chez les élèves en CAP. C'est une lapalissade ? Sans doute. Mais, alors, pourquoi ne pas tenir compte de cette réalité ? En tout cas, il n'y a rien d'idéologique à affirmer qu'en termes de réussite scolaire vous risquez de renforcer encore cette différence. C'est aussi l'avis du Conseil supérieur de l'éducation nationale,...
M. Roger Karoutchi. Ça nous rassure !
Mme Dominique Voynet. ...qui s'est prononcé le 8 décembre dernier.
Deuxième point, nombre de professionnels de l'emploi sont réservés sur la dimension « insertion » de l'apprentissage. Une étude réalisée par le Centre de recherche en économie, le CEREC, montre que seulement un tiers des entreprises accueillant des apprentis les embauchent ensuite comme salariés. Dans certains secteurs comme la coiffure, seulement 15 % des apprentis sont ensuite recrutés. D'autres études montrent que ce sont les employés les moins qualifiés qui se retrouvent le plus vite et le plus durablement au chômage, faute de pouvoir s'adapter et évoluer.
Troisième point, les professionnels de la santé sont réservés, eux aussi, sur les conséquences de la mise en situation de travail de jeunes adolescents. Je pense bien sûr au travail de nuit, activité lourde de conséquences pour des organismes jeunes. Mais c'est également le cas des longues journées de travail dans les métiers de bouche, le bâtiment ou l'hôtellerie.
Quatrième point, un certain nombre de techniciens de l'apprentissage - et là, je parle non pas de ceux qui perçoivent la manne de la taxe, mais de ceux qui encadrent les apprentis - sont eux-mêmes très sceptiques. Ils font observer que 25 % des contrats d'apprentissage sont aujourd'hui rompus avant terme et que plus le niveau est bas, plus la proportion augmente.
M. Bernard Frimat. Absolument !
Mme Dominique Voynet. Ainsi, les artisans risquent de se heurter, avec des apprentis encore plus jeunes, à un nombre plus important de ruptures.
D'une manière plus générale, alors que les professionnels oeuvrent depuis des années, notamment par des efforts qualitatifs de recrutement, pour montrer que l'apprentissage est une filière ordinaire et normale d'intégration sociale, vous risquez de rompre avec cette évolution positive dans l'opinion s'agissant d'un certain nombre de secteurs. Je pense, là encore, au bâtiment et à l'industrie traditionnelle.
Cinquième point, nombre d'employeurs ne cachent pas leurs réticences, pour des raisons très prosaïques, pour des raisons de bon sens. À quatorze ans, disent-ils, les jeunes ne sont pas toujours physiquement aptes à suivre les horaires d'entreprises. Ils n'ont pas la maturité intellectuelle nécessaire pour garantir la sécurité de l'équipe, ils n'ont pas la maturité affective pour trouver leur place dans l'équipe, ils n'ont pas toujours le sens des responsabilités. Et je ne parle même pas des capacités de tutorat et des systèmes d'encadrement très lourds qui font défaut à beaucoup d'entreprises, qu'elles soient grandes ou petites.
Sixième et dernier point, la plupart, même si ce n'est pas la totalité, des jeunes en situation d'échec, qui s'ennuient à l'école et qui perturbent la classe sont issus de milieux sociaux défavorisés.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
Mme Dominique Voynet. Nous avons le sentiment que ce dispositif pourrait contribuer à fragiliser encore davantage des enfants qui se cherchent. Ne nous racontons pas d'histoires : à quatorze ans, on n'est pas un adolescent ni un jeune adulte, on est un enfant !
M. Roland Muzeau. Absolument !
Mme Dominique Voynet. Nous craignons qu'il ne s'agisse en fait de faciliter l'éviction de l'école d'élèves qui peinent à trouver leur place. Aussi, nous demanderons, par voie d'amendement, la suppression de l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. Le sujet dont nous discutons actuellement n'est pas facile. Il concerne des adolescents dans des situations que, pour ma part, je connais bien. Je souhaite donc intervenir sur deux thèmes.
Le premier, sur lequel je serai bref, est d'ordre pratique. On a quatorze ans à un moment donné, bien précis.
M. Henri de Raincourt. Oui, juste avant d'en avoir quinze !
M. Roland Muzeau. Vous voyez que vous pouvez comprendre !
M. Claude Domeizel. Or la date d'anniversaire d'un adolescent n'est pas nécessairement calquée sur le calendrier scolaire, qui, lui commence le 1er septembre et se termine le 30 juin.
Je n'ai rien trouvé dans les articles du projet de loi de nature à résoudre le problème. À quel moment, quand on a atteint l'âge de quatorze ans ou de quinze ans, pourra-t-on entrer dans cette formation d'apprenti junior ? Commencera-t-on au début de l'année scolaire, le cas échéant à treize ans et demi ? Attendra-t-on au contraire, pour les jeunes nés au mois d'avril ou en mai, la rentrée scolaire suivante ? Il y a là des questions qui se posent.
J'avais soulevé une autre question, plus anecdotique, en commission. Je n'ai obtenu aucune réponse. La formation d'apprenti junior pourra-t-elle être prise en compte pour le calcul des retraites, au titre des carrières longues, lorsque nous arriverons dans les années deux mille quarante-cinq ? C'est une véritable question !
Permettez-moi à présent d'aborder des aspects beaucoup plus profonds et moins pratiques de l'apprentissage à quatorze ans et à quinze ans.
Nous avons affaire à des jeunes, à des adolescents, voire à des enfants.
M. Henri de Raincourt. Pourquoi pas à des bébés ?
M. Claude Domeizel. Un jeune de quatorze ans d'aujourd'hui est complètement différent d'un jeune du même âge voilà vingt ans ou cinquante ans.
M. Roland Muzeau. Effectivement !
M. Claude Domeizel. Qu'en sera-t-il de l'encadrement de ces jeunes lorsqu'ils seront en stage ? Ils cumulent en effet plusieurs problèmes. D'abord, ils sont à un âge difficile, en pleine mutation physique et psychologique. Ensuite, ils sont en échec scolaire.
M. Josselin de Rohan. C'est vraiment ce qui s'appelle parler pour ne rien dire !
M. Claude Domeizel. Comment réagiront-ils, alors qu'ils sont doublement en difficulté ?
Ces jeunes ont un besoin de formateurs et d'éducateurs aguerris à ce type de publics. Ils ont un grand besoin d'écoute, d'attention et de pédagogie. Mais des conflits risquent de surgir tôt ou tard.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il ne sait vraiment plus quoi dire !
M. Claude Domeizel. Dans cette hypothèse, comment les jeunes sortiront-ils d'une telle situation ? S'agira-t-il d'un renvoi pur et simple au collège ? Je reviendrai sur la question du renvoi au collège.
M. Roger Karoutchi. Il faudra y revenir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Claude Domeizel. Y aura-t-il un passage devant le conseil des prud'hommes ? Il faudra répondre à toutes ces questions. Nous serions en effet confrontés à des jeunes dans une situation de double échec, à l'école comme dans l'apprentissage. (Exclamations et sourires sur les mêmes travées.) Je sais que cela vous fait sourire, mes chers collègues, mais je parle de choses sérieuses ! J'ai eu l'occasion de connaître professionnellement de telles situations. J'ai été confronté à des jeunes concernés par le problème et j'ai eu ce genre d'élèves. Je les connais bien.
M. Christian Cambon. Parce que nous, nous ne les connaissons pas, peut-être ?
M. Claude Domeizel. Le pire pour eux serait de les mettre encore plus en situation d'échec.
Je ne crois pas au retour au collège.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il faut l'arrêter !
M. Claude Domeizel. Je termine (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP), mais nous parlons, me semble-t-il, de choses importantes. (Exclamations sur les mêmes travées.)
La possibilité de retourner au collège est théorique. Croyez-vous en effet que des jeunes ayant commencé à percevoir une gratification ou une rémunération retourneront au collège ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Stop !
M. Claude Domeizel. Tous les enfants ont envie de devenir des grands. Croyez-vous que ces jeunes,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui, nous le croyons !
M. Claude Domeizel. ...une fois entrés dans le monde des grands, feront marche arrière ? Moi, je n'y crois pas !
M. Alain Gournac, rapporteur. Tant pis pour vous !
M. Claude Domeizel. C'est la raison pour laquelle je voterai en faveur de la suppression de tous les articles concernant l'apprentissage et la formation d'apprenti junior. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. C'est plein de bon sens !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Dans son rapport, qui est extrêmement nuancé, M. Lecerf explique qu'il est très difficile pour les jeunes issus de l'immigration de trouver des maîtres de stage à l'âge de seize ans. S'il est difficile de trouver un maître de stage à seize ans, je ne vois pas comment cela serait plus facile à quatorze ans !
Je ne comprends donc pas pourquoi on abaisse encore l'âge de l'apprentissage. J'y vois là une raison supplémentaire de ne pas approuver cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je tiens à dire que je suis étonné par la position si virulente de M. Domeizel. J'avais en effet cru comprendre en commission que le groupe socialiste avait déposé des amendements tendant à rendre possible le retour immédiat de l'enfant au collège dès qu'il en exprimerait le souhait, après accord de l'équipe pédagogique.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si vous ne croyez pas au retour au collège, chers collègues, pourquoi souhaitez-vous le rendre possible ?
M. Claude Domeizel. Il s'agit d'autre chose !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est dans ce sens que je vais défendre à l'instant la motion dont vous êtes saisi, monsieur le président.
M. le président. Je suis en effet saisi par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, d'une motion n° 839, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'encontre d'un certain nombre d'amendements.
M. David Assouline. Encore ?
M. le président. Cette motion est ainsi rédigée :
Constatant que les amendements nos 215, 224, 225, 227, 231, 271, 233, 238, 243, 247, 244, 221, 249, 245, 251, 252, 256, 272, 216, 217, 222, 229, 230, 250, 262, 218, 219, 258, 259, 260, 257, 255, 254, 220, 253, 248, 240, 239, 235, 234, 242, 241, 232 et 228 ne s'appliquent pas effectivement au texte de l'article 1er du projet de loi pour l'égalité des chances et qu'ils sont donc en contradiction avec l'article 48, alinéa 3, du règlement du Sénat, le Sénat les déclare irrecevables en application de l'article 44, alinéa 2, du règlement du Sénat.
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion la commission, un orateur d'opinion contraire pour cinq minutes maximum et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cette motion se fonde sur l'article 48, alinéa 3, du règlement du Sénat, ...
M. David Assouline. Encore le règlement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... qui prévoit que, lorsque les amendements ne concernent pas du tout l'article sur lesquels ils ont été déposés, ils peuvent être déclarés irrecevables. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Le règlement, le règlement, toujours le règlement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous le savez, car nous avons évoqué cet article en commission tout à l'heure.
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous ne le découvrez pas, chers collègues !
M. Guy Fischer. Je l'ai d'ailleurs dénoncé !
M. Roland Muzeau. Tout à fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous l'avez effectivement dénoncé, mais notre but n'en reste pas moins de rendre notre travail cohérent.
M. Alain Gournac, rapporteur. Voilà !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Or est-il normal, à l'occasion de l'examen d'un article sur l'apprentissage, de parler de la scolarisation à l'âge de deux ans, des missions de l'école maternelle (rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF) ou du prérecrutement des étudiants en deuxième année universitaire ? (M. Roland Muzeau proteste.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Non ! Ils nous prennent pour des imbéciles !
M. Roland Muzeau. Tout cela contribue tout de même à l'égalité des chances !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Muzeau, tous ces amendements, vous le savez fort bien, sont recevables, mais pas sur l'article 1er, qui porte sur l'apprentissage. Il ne s'agit donc pas de vous interdire de vous battre pour l'égalité des chances. Nous vous demandons simplement de déposer ces amendements au bon endroit, afin que nos débats restent cohérents.
M. Alain Gournac, rapporteur. Voilà !
M. Gérard Cornu. Voilà du travail sérieux !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ainsi donc, constatant que les amendements nos 215, 224, 225, 227, 231, 271, 233, 238, 243, 247, 244, 221, 249, 245, 251, 252, 256, 272, 216, 217, 222, 229,...
M. Roland Muzeau. Ça ne s'arrête jamais !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... 230, 250, 262, 218, 219, 258, 259, 260, 257, 255, 254, 220, 253, 248, 240, 239, 235, 234, 242, 241, 232 et 228 ne s'appliquent pas au texte de l'article 1er du projet de loi pour l'égalité des chances et qu'ils sont en contradiction avec l'article 48, alinéa 3, du règlement du Sénat, la commission des affaires sociales invoque l'irrecevabilité de ces amendements, en application de l'article 44, alinéa 2, du règlement du Sénat.
M. Guy Fischer. Vous faites vraiment ce que vous voulez !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous indique, mes chers collègues, que nous aurions pu retenir d'autres amendements encore, mais que nous y avons renoncé, considérant qu'ils méritaient d'être débattus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est exact !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, contre la motion.
M. David Assouline. Encore une manoeuvre ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Josselin de Rohan. Vous ne manquez pas d'air !
M. David Assouline. Monsieur de Rohan, la réalité, c'est que votre majorité à l'Assemblée nationale, puis vous, ici, avez voulu empêcher le débat et que vous usez pour cela d'arguties.
Vous êtes pressés d'en finir, mais pourquoi ? Pourquoi donc êtes-vous si pressés, alors que vous avez déjà fait tant de lois sur l'éducation, tant de lois sur l'emploi ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Parce que les jeunes attendent !
M. David Assouline. Vous les empilez les unes sur les autres, ces lois !
Si vous vouliez faire un grand texte et organiser un vrai débat national, qui soit l'occasion d'aborder les choses sérieusement, une fois pour toutes, vous ne feriez pas en sorte que tout soit fini dans huit jours. Quinze jours en effet ne seraient pas de trop pour débattre de l'éducation et de l'apprentissage, pour créer de l'emploi dans ce pays, afin de permettre aux jeunes de s'y sentir bien.
Quant au CPE, parce que vous n'en avez même pas discuté avec les partenaires sociaux, vous êtes pris dans la nasse, tant il est vrai que rien, dans ce pays, rien, ne pourra jamais se faire sans dialogue social.
M. Alain Gournac, rapporteur. Et Mme Aubry ?
M. David Assouline. Vous le savez, du reste, et c'est pour cela que vous paniquez !
M. Josselin de Rohan. Vous n'y croyez pas vous-même !
M. David Assouline. Vous avez déclaré irrecevables les amendements avec lesquels nous voulions imposer un vrai débat ici, au Sénat. Je voterai donc contre cette motion.
Permettez-moi maintenant de vous lire certains des objets de ces amendements, et vous verrez combien nos propositions se rattachaient à l'article 1er.
M. Dominique Leclerc. À part causer...
M. Robert Del Picchia. Cinq minutes sont déjà passées !
M. David Assouline. « Il est nécessaire d'affirmer, au titre des principes généraux du droit à l'éducation, que ce droit est garanti sur l'ensemble du territoire. »
M. Josselin de Rohan. Cela n'a rien à voir !
M. David Assouline. Cela n'a-t-il rien à voir avec l'éducation ?
Mais je poursuis.
« Le droit à l'éducation et à la formation tout au long de la vie est garanti à chacun sur l'ensemble du territoire. » Cela n'a-t-il n'a rien à voir avec l'apprentissage ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Mais je peux continuer, chers collègues !
« Les objectifs et les contenus des programmes d'enseignement sont définis par l'État. » Vous nous dites qu'il faut privatiser, nous, nous voulons sécuriser !
M. Alain Gournac, rapporteur. Les bacs à sable !
M. David Assouline. « Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur développent des liens avec les parents d'élèves pour favoriser la réussite des enfants. »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La formation des parents d'élèves ?
M. David Assouline. Êtes-vous contre le développement des liens avec les parents d'élèves ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mettez vos amendements au bon endroit !
M. David Assouline. Je continue !
« La médecine scolaire relève de la mission de l'État. » Êtes-vous contre ? La médecine scolaire ne concernerait-elle pas les jeunes ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Apprenez à rédiger des amendements et placez-les au bon endroit !
M. David Assouline. Mais oui, bien sûr !
« L'établissement de la carte scolaire relève de la mission de l'État, appliqué au niveau de chaque académie, sous l'autorité du recteur. » Et tout cela n'aurait rien à voir avec l'article 1er ?
Non, monsieur le président, chers collègues, nous n'avons pas déposé ces amendements pour faire de l'obstruction. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Tous concernent les jeunes, l'éducation, l'apprentissage, sujets dont nous débattons en ce moment.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh bien, apprenez à faire des amendements !
M. David Assouline. Au lieu de nous demander de retirer tel amendement lors de sa présentation, vous en sélectionnez une série, histoire d'en supprimer une vingtaine d'un coup !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais non !
M. David Assouline. Ce n'est pas sérieux !
Écoutez-nous bien : la seule chose que nous voulons, c'est un débat, sans la contrainte d'avoir à finir tel jour, à telle heure. La nation a droit au débat sur l'ensemble du projet de loi dont elle a été privée à l'Assemblée nationale.
M. Alain Gournac, rapporteur. Le débat a eu lieu à l'Assemblée nationale !
M. David Assouline. C'est notre seul objectif ! Nous n'avons pas de date en tête.
Si vous tentez d'empêcher ce débat, nous aurons recours à tous les moyens que le règlement du Sénat...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On le voit !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous le faites déjà !
M. David Assouline. ... et la démocratie parlementaire nous offrent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Leclerc. Caricature !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Lorsque M. About a demandé une réunion de la commission des affaires sociales et fait allusion à tel article du règlement, j'ai dénoncé par avance le recours à une procédure qui n'aurait d'autre but que d'empêcher la discussion d'un certain nombre d'amendements (protestations sur les travées de l'UMP.) et ainsi de réduire la durée de nos débats. Or c'est en effet ce qui se passe ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Telle est la réalité, chers collègues, et elle tranche avec une tradition bien établie au Sénat.
Il est vrai que, ces dernières années, depuis 2002, exactement, on constate une volonté de la part de la majorité de réduire au silence les sénateurs de gauche, communistes et socialistes. C'est que nous résistons et que nous luttons contre cette multitude de textes dont on peut dire qu'ils sont autant de mauvais coups.
M. Roland Courteau. C'est la loi du bâillon !
M. Guy Fischer. L'opposition est bâillonnée, en effet ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP).
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne peut pas bâillonner le groupe CRC ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. Dominique Leclerc. Ne nous faites pas rire !
M. Guy Fischer. Oh, vous pouvez rire ! Cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à l'encontre de quarante-quatre amendements n'en préfigure pas moins la modification du règlement de notre assemblée que vous voulez nous imposer. Les amendements tomberont non plus en séance publique, comme c'est le cas aujourd'hui, mais en commission. Nous serons bâillonnés en commission ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non, simplement les commissions mettront vos amendements au bon endroit !
M. Guy Fischer. Vous ne pouvez pas dire le contraire, nous serons bâillonnés en commission !
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.
M. Yannick Bodin. Permettez-moi de vous dire, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, que vous faites un amalgame. En fait, vous avez décrété que tous les amendements dans lesquels ne figure pas le mot « apprentissage » n'avaient pas leur place à l'article 1er.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'ai pas dit cela !
M. Yannick Bodin. Je crois que nous ne nous sommes pas compris.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi, je veux que tous les articles où ne figurent pas les mots « égalité des chances » soient supprimés !
M. Yannick Bodin. Monsieur le rapporteur, de quoi traitent les amendements dont vous ne voulez pas que nous débattions ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas de l'apprentissage !
M. Yannick Bodin. Vous dites vous-même que l'apprentissage junior que vous proposez est une manière de répondre à l'échec scolaire. Parlons donc de l'échec scolaire ! Vous ouvrez une piste avec la proposition que vous formulez, mais on peut en envisager bien d'autres. Lorsque nous abordons la question de l'apprentissage de la lecture, par exemple, c'est parce que nous pensons que c'est important pour lutter contre l'échec scolaire et éviter à des enfants de quatorze ans d'être balancés dans des entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. « Balancés » ?
M. Yannick Bodin. Nos amendements ont pour objet la lutte contre l'échec scolaire, l'accompagnement des élèves en difficulté au sein du système scolaire et l'égalité des chances, tout simplement.
M. David Assouline. Voilà !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mettez-les ailleurs !
M. Yannick Bodin. Votre projet de loi pour l'égalité des chances institue l'apprentissage junior. Nous vous disons, nous, que d'autres solutions existent pour favoriser l'égalité des chances, notamment en faveur des jeunes de quatorze ans.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Yannick Bodin. Ce n'est donc pas parce que nos propositions ne portent pas sur l'apprentissage qu'elles sont irrecevables à l'article 1er.
M. Guy Fischer. C'est arbitraire !
M. Yannick Bodin. Vous tentez de façon artificielle de nous empêcher d'en parler. Il est vrai qu'il doit être difficile pour vous d'évoquer ces sujets, que nous avons, pour la plupart, déjà abordés à l'occasion de l'examen de la loi Fillon. Quand on voit ce qu'il reste aujourd'hui de cette loi, je comprends que vous soyez embarrassés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 839, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet des quarante-quatre amendements qu'elle vise.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 91 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 200 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 215, 224, 225, 227, 231, 271, 233, 238, 243, 247, 244, 221, 249, 245, 251, 252, 256, 272, 216, 217, 222, 229, 230, 250, 262, 218, 219, 258, 259, 260, 257, 255, 254, 220, 253, 248, 240, 239, 235, 234, 242, 241, 232 et 228 sont rejetés.
Demande de priorité
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je demande, pour la cohérence du débat, l'examen par priorité des amendements nos 63 et 64 de la commission des affaires culturelles, de l'amendement n° 499 de M. Mercier, de l'amendement n° 560 de Mme David, de l'amendement n° 107 de M. Godefroy, des amendements nos 495, 496 et 497 de Mme Létard, de l'amendement n° 120 de M. Godefroy et l'amendement n° 416 rectifié de M. Houel. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. En application de l'article 44, alinéa 6, du règlement, la priorité est de droit. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, vous comprendrez que nous n'ayons pas eu le temps de noter dans leur totalité les numéros des amendements qui vont être appelés en priorité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. On vous fait confiance !
M. Roland Muzeau. Ne faites pas les malins, chers collègues, si je vous interrogeais maintenant, vous seriez incapable de les citer tous ! (Sourires.)
Moi, je veux travailler sérieusement, et je reconnais que je n'ai pas eu le temps de mettre à jour ma liasse d'amendements, d'autant que la liste, assez longue, des amendements qui seront appelés par priorité vient s'ajouter à celle, encore plus longue, des amendements du groupe socialiste qui viennent d'être rejetés pour irrecevabilité.
Monsieur le président, il me semble tout à fait légitime que vous nous fassiez parvenir une copie de la liste des amendements appelés par priorité et que vous nous accordiez une suspension de séance de cinq minutes pour mettre en ordre nos dossiers.
M. le président. Mon cher collègue, il s'agit des amendements nos 63, 64, 499, 560, 107, 495, 496, 497, 120 et 416 rectifié.
Nous allons donc passer à la discussion de l'amendement n° 63, premier amendement appelé en priorité.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je vous avais demandé une suspension de séance de cinq minutes pour remettre en ordre notre dossier. Cela me paraît logique ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Soyez sérieux, chers collègues !
Mme Éliane Assassi. Ça ne les intéresse pas, ils ne travaillent pas sur ce texte !
M. Roland Muzeau. Oui, de toute façon, ils ne participent pas au débat !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, je déplore, pour la clarté des débats, que la suspension de séance d'une heure qui avait été décidée lorsque nous avons demandé la vérification du quorum n'ait pas été mise à profit pour réunir la commission. J'estime que M. le président de la commission des affaires sociales trahit le climat de confiance auquel il nous avait habitués au sein de la commission. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais non ! D'ailleurs, depuis le début, que faites-vous d'autre ?
M. Guy Fischer. Je m'explique : si M. About nous a communiqué la liste des amendements qui feraient l'objet de la motion d'irrecevabilité, il nous a en revanche caché la liste des amendements pour lesquels il vient de demander la priorité. Or je ne doute pas que cette priorité aura pour effet de faire tomber un certain nombre d'autres amendements.
M. Josselin de Rohan. On l'espère bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, puisqu'il semble que les dossiers doivent être mis en ordre et pour contribuer à un travail de synthèse, j'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre des amendements nos 554, 574, 264, 265, 261, 484, 485 et 486, qui sont irrecevables en raison des charges qu'ils créent. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Voilà le troisième coup ! C'est scandaleux !
M. Roland Courteau. C'est le bâillon ! C'est le bâillon !
M. Guy Fischer. Oui, c'est le bâillon !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que dit la commission des finances ?
M. le président. Monsieur Karoutchi, l'article 40 est-il applicable à ces amendements ?
M. Roger Karoutchi. Il l'est, monsieur le président. (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.)
M. Roland Muzeau. Fantoche ! Il ne les a même pas regardés !
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements nos 554, 574, 264, 265, 261, 484, 485 et 486 sont irrecevables. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, ma demande de suspension de cinq minutes était extrêmement raisonnable. Cependant, au moment où je l'ai formulée, il n'y avait que dix amendements en jeu. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Écoutez, soyons sérieux, chers collègues, sinon, nous allons tomber dans l'obstruction, ce que vous ne souhaitez pas.
M. Josselin de Rohan. Il avoue ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Je vois que vous suivez les débats ! (Nouveaux sourires.)
Il y avait près de dix amendements touchés par ce que j'appellerai le « coup About ». Maintenant, une douzaine s'y ajoute avec le « coup Larcher ». Vous comprendrez que nous souhaitions procéder à une remise en ordre complète de nos liasses d'amendements. Voilà pourquoi, monsieur le président, je sollicite une suspension, cette fois, de dix minutes.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cinq minutes, mais pas plus !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Avant d'aborder l'examen des amendements qui ont fait l'objet d'une demande de priorité, j'indique au Sénat que je viens d'être saisi des sous-amendements nos 840 à 867, déposés sur l'amendement n° 63 par nos collègues Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Le sous-amendement n° 840 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
L'article L. 331-3-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-3-1. - Les temps d'apprentissage de l'élève sont organisés aux fins de prévenir l'échec. Le temps scolaire est organisé au sein de chaque cycle pour permettre à l'élève de disposer des aides nécessaires pour acquérir l'ensemble des connaissance et compétences désignées sous le terme de culture scolaire commune.
« À tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose à l'élève et à sa famille, après consultation des personnels de l'éducation nationale chargés du suivi de ces élèves, RASED dans le premier degré, personnels d'éducation et conseillers d'orientation-psychologues dans le second degré, de mettre en place un dispositif d'aide à la réussite scolaire adapté à sa situation. »
Le sous-amendement n° 841 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
L'article L. 131-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1. - L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, demeurant sur le sol français dès l'âge de trois ans révolus, jusqu'à l'âge de dix-huit ans.
« Les maires ont l'obligation de recenser tous les enfants atteignant l'âge de deux ans dans l'année scolaire à venir habitant sur leur territoire et de les inscrire à l'école lorsque les familles le demandent. Ces informations sont publiques. Elles doivent être communiquées à l'inspecteur d'académie qui les prend en compte dans l'organisation de la carte scolaire. »
Le sous-amendement n° 842 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
L'essor de la formation professionnelle et technologique débouchant sur un emploi stable est l'enjeu majeur de la décennie qui s'ouvre. D'ici à cinq ans, aucun jeune ne sortira du système éducatif sans une qualification reconnue; sanctionnée par un diplôme, certificat d'aptitude professionnelle ou brevet d'études professionnelles ouvrant l'accès au baccalauréat et au-delà. Ces diplômes doivent permettre l'accès à un métier correspondant au diplôme acquis et, pour ceux qui le souhaitent, la poursuite des études supérieures, notamment par l'instauration de classes passerelles pour chaque filière.
Le sous-amendement n° 843 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
L'article L. 122-1-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art L. 122-1-1. - La scolarité obligatoire doit garantir l'acquisition par chaque élève d'un ensemble, de connaissances et de compétences indispensables, appelé culture scolaire commune. Celle-ci sera définie à un haut niveau dans ses contenus et sa conception même par le Conseil supérieur de l'éducation, sur proposition du Conseil national des programmes. »
Le sous-amendement n° 844 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
Après le premier alinéa de l'article L. 111-1 du code de l'éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le droit à l'éducation est garanti à toutes et à tous afin de permettre à chacun d'accéder aux savoirs, méthodes et compétences constitutifs d'une culture scolaire commune de haut niveau telle que définie par le Conseil supérieur de l'éducation nationale ; de développer sa personnalité et de préserver sa santé; d'accéder à une solide formation professionnelle, initiale et continue, répondant à ses aspirations; de participer activement à la vie de la cité, de choisir, de décider. »
Le sous-amendement n° 845 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
I. Les dépenses que l'État alloue à l'Éducation nationale sont augmentées à hauteur de 7 % du produit intérieur brut sur cinq ans.
II. Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence.
Le sous-amendement n° 846 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
Pour répondre aux besoins d'éducation et de formation, pour mener une politique de lutte contre l'échec scolaire et les inégalités, les moyens nécessaires à la création d'une école de qualité et de démocratie pour la réussite de tous les élèves sont affectés au service public d'éducation nationale.
Un minimum de 15 milliards d'euros de mesures d'urgence est prélevé sur les profits des 100 premières entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés, par le biais d'une taxe spécialement prévue à cet effet.
Les sommes ainsi dégagées sont affectées prioritairement au service public d'éducation nationale.
Le sous-amendement n° 847 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
Après l'article L. 121-7 du code de l'éducation, est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L... . ? L'orientation scolaire des jeunes fait partie des missions éducatives de l'État et est mise en oeuvre au niveau de chaque académie sous l'autorité du recteur. L'équipe éducative accompagne le
jeune dans son choix d'orientation ».
Le sous-amendement n° 848 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
Avant l'article L. 111?1 du code de l'éducation, il est ajouté un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le droit à l'éducation et à la formation tout au long de la vie est garanti à chacun sur l'ensemble du territoire. La scolarité obligatoire constitue le socle de ce droit. »
Le sous-amendement n° 849 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
Le premier alinéa de l'article L. 122?2 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Tout élève, pendant la période de scolarité obligatoire, ne peut être déscolarisé, quelle que soit la difficulté rencontrée, sans qu'on lui ait proposé, ainsi qu'à ses parents ou tuteurs légaux, une solution alternative d'éducation et d'apprentissage, ainsi qu'une structure d'accueil adaptée à son cas. »
Le sous-amendement n° 850 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
Au début de l'article L. 121?1 du code de l'éducation, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur participent à la mise en oeuvre du droit à l'éducation et à la formation tout au long de la vie. »
Le sous-amendement n° 851 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
« L'article L. 311?3?1 du code de l'éducation est abrogé. »
Le sous-amendement n° 852 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
L'article L. 311?3?1 du code de l'éducation, est ainsi rédigé :
« Art. L. 311?3?1. - À tout moment de la scolarité obligatoire, l'équipe éducative, par l'intermédiaire du professeur principal ou du directeur d'école, proposera un soutien individualisé à chaque élève qui rencontre des difficultés dans l'acquisition des connaissances et des compétences indispensables à la fin d'un cycle. Le professeur principal ou le directeur informera dès que nécessaire les parents du suivi du soutien individuel. »
Le sous-amendement n° 853 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
I. Le titre IV du livre II de la première partie du code de l'éducation est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre... - Fonds national de lutte contre les inégalités à l'école
« Art. L. ... - Le fonds national de lutte contre les inégalités à l'école permet de développer les actions nécessaires au recul des inégalités d'origine sociale et scolaire dans l'appropriation des savoirs.
Le sous-amendement n° 854 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
Après l'article L. 121?7 du code de l'éducation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... L'orientation est l'outil de la réussite des projets individuels. »
Le sous-amendement n° 855 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
Le titre IV du livre II de la première partie du code de l'éducation est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre... -observatoires de la scolarité
« Art. L. ... - Sont créés, aux niveaux départemental, académique et national, des observatoires de la scolarité. Outil de suivi régulier des évolutions scolaires, ils doivent permettre aux acteurs de l'école, de prendre les initiatives appropriées pour lutter contre les différents aspects de l'échec scolaire. Placé sous l'autorité d'un président élu, les observatoires de la scolarité ont pour obligation de publier annuellement un rapport analysant les initiatives développées en ce sens et leurs effets enregistrés ou attendus dans la lutte pour la réussite scolaire de tous les jeunes à leur niveau. Les observatoires doivent rassembler des administrateurs, des usagers, des élus, ainsi que des associations intéressées à la lutte contre les inégalités scolaires. Sa composition est précisée par décret. »
Le sous-amendement n° 856 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
L'article L. 311-7 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-7 - À tout moment de la scolarité, dès que l'équipe éducative décèle les difficultés passagères chez un élève, il lui est proposé un dispositif approprié. »
Le sous-amendement n° 857 est ainsi libellé :
Insérer avant le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 63 l'alinéa suivant :
L'article L. 313-1 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce sont les élèves, avec l'aide de leurs parents ou tuteurs, qui décident en dernier ressort de leurs choix d'orientation et de formation. »
Le sous-amendement n° 858 est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
« L'admission au parcours de formation mentionné, une fois acquise, entraîne l'élaboration d'un projet pédagogique personnalisé. Dans ce cadre, l'équipe pédagogique désigne en son sein un tuteur qui accompagne l'élève tout au long de son parcours scolaire. »
Le sous-amendement n° 859 est ainsi libellé :
Avant le texte proposé par cet amendement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'admission à l'initiation et à la formation mentionnées au premier alinéa est envisagée une fois le socle commun de connaissance acquis. »
Le sous-amendement n° 860 est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 63 pour le dernier alinéa de l'article L. 337 3 du code de l'éducation, remplacer les mots :
de sa formation
par les mots :
de l'une ou l'autre des deux années de cette formation
Le sous-amendement n° 861 est ainsi libellé :
Compléter in fine cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :
« Le parcours d'initiation aux métiers qui complète les enseignements généraux en référence aux programmes des collèges et des lycées d'enseignement professionnel, comporte des enseignements technologique et pratiques et des stages en milieu professionnel qui permettent à l'élève de découvrir plusieurs métiers ou champs professionnels et d'affiner ainsi son choix vers une formation professionnelle.
« L'ensemble de ces activités concourt à l'acquisition du niveau de culture commune requise pour tous les élèves à la fin de la scolarité obligatoire. »
Le sous-amendement n° 862 est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé pour cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
« L'élève ayant effectué son parcours d'initiation aux métiers peut, s'il le souhaite, et avec l'accord de son représentant légal, suivre une formation professionnelle sous statut scolaire à partir de l'âge de quinze ans.»
Le sous-amendement n° 863 est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
« Aucune convention ne peut être conclue entre l'établissement dont relève l'élève et l'entreprise lorsqu'il a été établi par les services de contrôle que les conditions de travail sont de nature à porter atteinte à la sécurité, à la santé ou à l'intégrité physique ou morale des élèves stagiaires mineurs de quatorze ou quinze ans ».
Le sous-amendement n° 864 est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
« L'interdiction du travail de nuit des jeunes travailleurs en contrat d'apprentissage ou de jeunes en milieu professionnel, âgés de moins de seize ans, ne peut faire l'objet de dérogation conformément à l'article L. 213?7 du code du travail.
Le sous-amendement n° 865 est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte de cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
« L'interdiction de travail le dimanche des jeunes travailleurs en contrat d'apprentissage ou de jeunes en milieu professionnel, âgés de moins de seize ans, ne peut faire l'objet de dérogation conformément à l'article L. 221?3 du code du travail.
Le sous-amendement n° 866 est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte de cet amendement par deux paragraphes ainsi rédigés :
« Tout apprenti fait l'objet d'un examen médical avant l'embauche.
« Le médecin du travail exerce une surveillance médicale renforcée pour les jeunes apprentis susceptibles d'utiliser au cours de leur formation professionnelle des machines ou appareils dont l'usage est proscrit par le code du travail. »
Le sous-amendement n° 867 est ainsi libellé :
Compléter in fine cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
« La nature des tâches ou des postes confiés aux jeunes apprentis mineurs de moins de seize ans doit être en relation directe avec la formation professionnelle prévue au contrat d'apprentissage et adaptée à leur âge. Un décret en Conseil d'État fixe la liste des travaux considérés comme étant nuisibles, préjudiciables ou dangereux pour la santé.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, en vertu de l'article 44, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 49, alinéa 5, du règlement du Sénat, j'invoque l'irrecevabilité à l'encontre de sous-amendements qui n'ont pas pu être examinés par la commission. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
J'en demande l'application immédiate. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. C'est scandaleux !
M. Guy Fischer. C'est le quatrième mauvais coup que vous nous portez !
M. le président. Dans ces conditions, ces sous-amendements ne peuvent donner lieu à aucun débat. (Exclamations scandalisées et protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. On n'a jamais vu cela ! C'est une honte !
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour un rappel au règlement.
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, la commission des affaires culturelles ne s'est réunie que pour la présentation du rapport pour avis de M. Philippe Richert. Pour ce qui est des amendements, la commission n'en a examiné aucun, puisqu'ils ne lui ont pas été présentés. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Apprenez votre métier !
M. Yannick Bodin. Utiliser maintenant cet argument pour supprimer quelques amendements ou sous-amendements de plus, franchement, c'est à la fois artificiel et de mauvais goût !
M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Je souhaiterais m'adresser à notre éminent collègue M. Bodin, qui, sans doute parce que son expérience de parlementaire n'est pas encore suffisante, se trompe sur l'organisation des travaux en commission. Mon cher collègue, une commission saisie pour avis n'a pas à examiner les amendements autres que ceux qui émanent de son rapporteur pour avis. Seule la commission saisie au fond examine le reste des amendements.
Par conséquent, c'est en vertu du règlement que la commission des affaires culturelles n'a pas eu à examiner et n'a donc pas examiné les amendements déposés par d'autres membres de la commission que le rapporteur pour avis ou par les membres des autres commissions saisies. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous passons maintenant à l'examen de l'amendement n° 63, appelé par priorité. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Plusieurs membres de ces groupes demandent la parole pour un rappel au règlement.)
M. Josselin de Rohan. Allez-vous en ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce qui se passe est scandaleux !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, je souhaite retenir l'attention du ministre délégué quelques instants, et dans la sérénité, si possible.
Mon rappel au règlement porte sur l'alinéa 5 de l'article 49, que vous venez de citer et dont je vais donner lecture à nos collègues, qui n'en ont peut-être pas tous une connaissance parfaite.
« Le Sénat ne délibère sur aucun amendement s'il n'est soutenu lors de la discussion. Après l'ouverture du débat, le Gouvernement peut s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission. »
Cette rédaction est excellente ! Mais j'en viens à votre interprétation de cet alinéa, monsieur le ministre. Outre le fait qu'il n'est nullement fait référence ici aux sous-amendements, pouvez-vous me citer un seul exemple d'un sous-amendement issu du débat en séance publique qui aurait été présenté à la commission ? Les sous-amendements ne naissent-ils pas précisément du débat, notamment quand il est de qualité ? (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
De plus, la priorité a été demandée pour un certain nombre d'amendements. Nous connaissons la procédure et ce ne sont pas les hurlements qui vont me gêner. Je comprends la demande du président de la commission. On peut trouver cette pratique parlementaire discourtoise, désagréable, mais notre collègue a le droit d'en user, de même que le ministre peut invoquer l'article 40, car c'est également son droit.
En contrepartie, monsieur le président, face à une demande de priorité ou à de nouveaux amendements du Gouvernement, l'opposition est obligée de s'adapter ; elle n'aura donc fait que son travail en déposant des sous-amendements.
Certes, nous devons respecter le règlement et ne déposer que des sous-amendements ayant un rapport avec l'amendement auquel ils se rattachent, mais, à ce stade, nous ne savons pas ce qu'il en est, puisque nous ne connaissons pas le contenu des sous-amendements dont il est question !
En conclusion, monsieur Larcher, vous commettez un abus de position dominante. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le président, vous avez évoqué la jurisprudence, et l'on ne peut vous en vouloir. Mais je me tourne vers les présidents de groupe. À l'occasion de débats intéressants, j'ai vu des sénateurs faire passer au président de séance des sous-amendements manuscrits qui ont été ensuite débattus alors qu'ils n'avaient jamais été préalablement présentés en commission.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il ne fallait pas faire d'obstruction !
M. Bernard Frimat. Si aujourd'hui ils doivent l'être, alors réunissez la commission le temps nécessaire pour qu'ils soient examinés, monsieur About !
Nous pouvons comprendre que vous vouliez aller vite et qu'ayant réussi à mobiliser un court instant un certain nombre de vos collègues vous vouliez en profiter. (Exclamations sur les mêmes travées.) Mais si vous souhaitez que nous partions, vous rêvez !
Mais, au-delà des effets de tribune, je voudrais simplement que ce point soit clarifié : à partir d'un élément nouveau, un sénateur, quel que soit son groupe, peut-il déposer en séance un sous-amendement ? Si vous répondez par la négative, monsieur le président, ce sera sans doute une innovation excessivement intéressante dans le débat parlementaire, mais votre interprétation ne sera pas exacte.
Par conséquent, je vous demande de nous laisser le droit de déposer des sous-amendements. Vous nous contraignez par tous les artifices de procédure que vous pouvez utiliser.
M. Alain Gournac, rapporteur. Et vous ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est de bonne guerre !
M. Bernard Frimat. En effet, mon cher collègue, et je ne vous en veux pas, pas plus que je ne vous reproche de demander la priorité, qui est la version sénatoriale de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, notre « 49-3 local », en quelque sorte. Mais laissez-nous le droit de déposer des sous-amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon intervention se fonde sur l'article 42 de notre règlement, monsieur le président.
Au préalable, je veux rappeler, mes chers collègues, que, en tant que sénatrices et sénateurs, nous avons le droit de déposer des amendements et des sous-amendements en séance publique lorsque nous le voulons ; le Conseil constitutionnel a d'ailleurs reconnu ce droit. Il est donc particulièrement scandaleux que M. de Rohan nous demande de nous en aller. Nous sommes ici et nous y resterons ! Vous voyez ce que je veux dire, il y a des précédents ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. C'est le Serment du Jeu de paume !
M. Josselin de Rohan. Je ne suis pas Dreux-Brézé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le ministre délégué oppose l'irrecevabilité à nos sous-amendements. Mais - et je m'adresse à ceux de mes collègues qui siègent ici depuis un certain temps -, pour l'avoir vécu, nous savons que nous examinons parfois des sous-amendements qui ont été rédigés en séance publique. Ne prétendez donc pas, monsieur le ministre délégué, tout à coup, que nous ne pouvons examiner ces sous-amendements. Si la commission a besoin de se réunir, qu'elle le fasse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Pour clore le débat, je vous renvoie, mes chers collègues, à l'alinéa 3 bis de l'article 48 de notre règlement : « Sauf dispositions spécifiques les concernant, les sous-amendements sont soumis aux mêmes règles de recevabilité et de discussion que les amendements. »
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
M. le président. S'il arrive effectivement que des sous-amendements soient déposés et examinés en séance publique, c'est parce que le Gouvernement n'invoque pas leur irrecevabilité.
M. le président. En l'espèce, le Gouvernement l'ayant invoquée, je suis obligé d'appliquer l'article 48 de notre règlement ainsi que l'article de la Constitution précité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut lire l'article 45 !
M. Bernard Frimat. Lisez la suite, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, dans un ouvrage que vous ne désavouerez pas, puisqu'il émane de vos services (M. Bernard Frimat brandit le règlement du Sénat), à la fin de l'alinéa 3 bis de l'article 48 de notre règlement, un astérisque renvoie à une note. J'en rappelle les termes : « Nouvel alinéa résultant de la résolution du 20 mai 1986 et déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 3 juin 1986 : "Considérant que le droit de sous-amendement étant indissociable du droit d'amendement reconnu aux membres du Parlement et au Gouvernement par l'article 44, alinéa premier, de la Constitution, la disposition introduite par la résolution dans l'article 48 du règlement est conforme à la Constitution ; qu'en effet, elle ne saurait permettre au Gouvernement de porter atteinte à l'exercice réel du droit d'amendement des membres du Parlement prévu à l'article 44 du texte constitutionnel". »
J'insiste, monsieur le président, cette disposition « ne saurait permettre au Gouvernement de porter atteinte à l'exercice réel du droit d'amendement » et, par conséquent, du droit de sous-amendement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, si vous aviez accordé une suspension de séance de quelques minutes pour que la commission se réunisse et examine les sous-amendements, nous aurions réglé le problème, et d'une manière un peu plus élégante ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Bien sûr !
M. le président. Monsieur Frimat, vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas avoir donné suite à vos demandes !
M. Bernard Frimat. Je ne vous reproche rien, monsieur le président !
M. le président. Je pense l'avoir fait de manière très libérale. J'estime maintenant que le débat sur ce point est clos.
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous allons les déposer de nouveau, nos sous-amendements !
M. le président. Nous passons donc à la discussion des amendements appelés par priorité.
L'amendement n° 63, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 337-3 du code de l'éducation :
« Une fois l'admission à la formation acquise, l'équipe pédagogique élabore, en association avec l'élève et ses représentants légaux, un projet pédagogique personnalisé. Un tuteur, désigné au sein de l'équipe pédagogique, est chargé de son suivi. Il accompagne l'apprenti junior tout au long de sa formation, y compris lors des périodes en entreprise, en liaison avec le tuteur en entreprise ou le maître d'apprentissage.
La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Je tiens à dire, d'une part, à M. Bodin que la commission des affaires culturelles a examiné cet amendement et, d'autre part, à Mme Voynet que nous en avons débattu puisque la commission des affaires culturelles l'a adopté !
S'agissant des tuteurs, cet amendement vise à mettre en place un tandem : un tuteur au sein de l'équipe pédagogique et un autre au sein de l'entreprise.
Mais, avant de présenter cet amendement dans le détail, permettez-moi de parler de son économie générale.
À entendre les propos définitifs qui ont été tenus par les uns et par les autres, j'ai le sentiment de revenir vingt ans en arrière, lorsque nous parlions de l'enseignement général et de l'enseignement technologique.
Alors que certains essayaient d'expliquer que l'enseignement technologique pouvait offrir à certains élèves une nouvelle chance et représenter la voie de l'épanouissement, une très large majorité, en tout cas de grands spécialistes, protestaient que ce serait une régression, l'essentiel étant, à leurs yeux, de donner aux jeunes un bagage général qui les mette à même, quitte à acquérir des formations complémentaires, de réussir leur vie dans toutes les situations.
Quelques années plus tard, ce fut le même débat, le même combat, aussi, à propos de l'enseignement professionnel.
Je me rappelle M. Mélenchon, alors ministre délégué à l'enseignement professionnel. Combien il lui a fallu batailler pour faire accepter l'enseignement professionnel à côté de l'enseignement général et de l'enseignement technologique et pour qu'il soit considéré comme une véritable voie de l'avenir.
Et je me rappelle la levée de boucliers lorsque l'on a parlé de la nécessité de développer l'apprentissage. Que n'a-t-on alors entendu partout et sur toutes les travées à propos de l'exploitation des jeunes dans les entreprises et des excès qui s'ensuivraient, et que nous regretterions...
Or, aujourd'hui, mes chers collègues, quand je vous entends reconnaître que l'apprentissage constitue une voie de l'excellence permettant d'offrir au jeune, grâce à la diversité, une nouvelle chance d'insertion dans la vie, j'ai le sentiment qu'un nouveau clivage est en train de naître, cette fois autour de l'apprentissage junior. Nous ne pouvons pas continuer à ignorer le fait que des dizaines, voire des centaines de milliers de jeunes sont exclus chaque année parce qu'ils n'ont pas la possibilité de suivre une formation et, partant, la chance de s'insérer.
Certes, et je l'ai souligné au cours de la discussion générale, il ne faut pas considérer l'apprentissage junior comme la panacée, la réponse ultime à tous les problèmes, et donc la garantie d'une insertion réussie, non, mais nous ne pouvons tout simplement pas laisser passer cette nouvelle chance sous prétexte qu'elle pourrait être un frein pour quelques-uns.
En conséquence, un certain nombre de précautions sont nécessaires. Dans cet esprit, comme l'article 1er le prévoit déjà, c'est l'élève qui choisit de suivre un apprentissage junior, auquel il peut d'ailleurs mettre fin. La première phase, la préparation à la découverte des métiers, se déroule sous statut scolaire. Cette disposition n'est pas anodine, et nous reparlerons ultérieurement des conséquences qu'elle pourra entraîner. En outre, ce parcours, qui entre dans le cadre de la scolarité obligatoire, participe à l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. Toutefois, nous devons prendre des précautions supplémentaires, et tel est précisément l'objectif de l'amendement que nous présentons.
Nous devons prévoir une continuité entre l'école et l'entreprise et faire en sorte que le tuteur pédagogique travaille en liaison avec le tuteur en entreprise. Par cet amendement, nous voulons que, demain, l'éducation nationale soit davantage présente au niveau de l'entreprise et que, inversement, l'entreprise soit davantage présente au niveau de l'éducation nationale. C'est la priorité de demain.
Telle est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, de voter cet amendement que la commission a adopté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous partageons entièrement l'analyse de nos collègues de la commission des affaires culturelles. L'apprenti junior sera placé dès le départ sous la responsabilité d'un tuteur, qui continuera de le suivre, conjointement avec le tuteur en entreprise ou le maître d'apprentissage, quand il sera en entreprise.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Alain Gournac, rapporteur. La continuité sera complète entre la formation scolaire et l'entreprise, ce qui est très bien.
M. Guy Fischer. C'est vite dit !
M. Alain Gournac, rapporteur. Aussi, la commission émet un avis très favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je remercie Philippe Richert d'avoir présenté de façon très synthétique l'apprentissage en général et l'apprentissage junior en particulier.
J'avoue, mesdames, messieurs les sénateurs, que j'avais quelque hâte qu'on aborde les questions de fond, ...
M. Roland Muzeau. Nous aussi !
M. Gilles de Robien, ministre. ...comme j'ai hâte que l'on mette en place l'apprentissage junior, parce que c'est une chance supplémentaire offerte à certains jeunes.
Je rappelle ce que je vous ai dit ce matin : au cours de leurs études au collège, 15 000 jeunes « décrochent » à qui nous ne savons que proposer pour leur permettre de rester dans le cursus scolaire. Dès lors, l'apprentissage junior est l'une des réponses, l'une des diversifications que nous cherchons à mettre en place pour offrir à ces jeunes, à leurs parents, sur la base du volontariat, une chance supplémentaire.
Par respect pour la Haute Assemblée, je voudrais prendre quelques minutes, monsieur le président, pour répondre aux nombreuses interventions, interpellations et interrogations, voire aux inquiétudes, qui ont été exprimées, avec plus ou moins de gravité, en particulier par Mmes et MM. les sénateurs de l'opposition. Il est normal que le Gouvernement leur réponde.
Madame David, je me réjouis que vous vous montriez si favorable à l'apprentissage en général. Vous avez émis des réserves sur l'apprentissage dès quatorze ans. Je voudrais vous rassurer : l'apprentissage ne commencera pas à quatorze ans. Une période s'ouvrira sur un parcours d'initiation aux métiers, ce qui n'est pas encore de l'apprentissage. Je pense que vous êtes rassurée.
L'entrée en apprentissage à partir de quinze ans sera entourée de deux garanties.
La première est l'acquisition du socle de connaissances. Il fait actuellement l'objet de discussions au sein du Haut conseil de l'éducation, et nous en aurons connaissance dans quelques semaines, au cours du mois de mars, dès que le Haut conseil nous aura adressé son rapport. À partir de ses éclairages, il m'appartiendra de définir, dans les semaines suivantes, ce socle de connaissances qui sera commun à tous les jeunes scolarisés en France.
Mme Annie David. Vous n'y croyez pas vous-même !
M. Gilles de Robien, ministre. Madame, ou bien vous croyez à la loi républicaine, et elle sera appliquée, ou bien vous n'y croyez pas, auquel cas tout est permis.
M. Roland Muzeau. C'est vous qui nous parlez de la loi républicaine ! Vous ne manquez pas d'estomac !
M. Gilles de Robien, ministre. Pour notre part, nous considérons que, dès lors que ce socle commun sera inscrit dans la loi républicaine, l'éducation nationale aura l'obligation de s'y conformer.
La seconde garantie, c'est le maintien d'un lien avec le collège, vers lequel il sera possible de retourner. Cette réversibilité pourra être demandée par le jeune et ses parents. Trouvera-t-elle à s'appliquer fréquemment ? L'essentiel, c'est qu'elle soit possible. Si elle ne s'applique jamais, cela signifiera que le jeune, dès la première année d'initiation, aura trouvé sa voie, celle de l'apprentissage. Ce sera plutôt un bon signe.
Mme Annie David. Le taux d'échec est de 25 % en première année !
M. Gilles de Robien, ministre. L'apprentissage représente une voie de réussite. Pourquoi dès lors en priverait-on des jeunes de quatorze ans ? Comme l'a dit l'un d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à cet âge, on n'est plus celui qu'on aurait pu être il y a vingt ou trente ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Auparavant, on travaillait à l'âge de douze ans !
M. Gilles de Robien, ministre. Aujourd'hui, à quatorze ans, grâce à la télévision, grâce aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, les jeunes savent beaucoup plus de choses. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Beaucoup d'adultes aimeraient surfer sur la toile aussi aisément que les jeunes de douze, de treize ou de quatorze ans. (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.) Grâce à la Toile, grâce à l'enseignement à distance, notamment grâce au Centre national d'enseignement à distance, le CNED, ces jeunes peuvent acquérir des connaissances variées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela vous plairait que l'on revienne cinquante ans en arrière !
M. Gilles de Robien, ministre. Madame Morin-Desailly, selon vous, le Gouvernement prendrait le risque de faire apparaître l'apprentissage comme la seule solution, de surcroît prématurée, aux difficultés de certains élèves. Je veux vous apporter deux précisions.
D'une part, l'égalité des chances exige des mesures multiples et complémentaires. Je me suis déjà employé à cette tâche, qu'il s'agisse de la relance de l'éducation prioritaire - ce qu'a reconnu la Cour des comptes dans son rapport de février 2006 -, qu'il s'agisse de la scolarisation des enfants handicapés ou encore du remplacement des professeurs absents pour de courtes durées. Ces mesures ont été prises depuis septembre 2005, notamment au titre de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, mais pas uniquement dans ce cadre-là.
D'autre part, l'apprentissage contribue à l'égalité des chances, ce qui n'est pas rien.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos enfants à l'université, ceux des autres en apprentissage !
M. Gilles de Robien, ministre. Il associe le savoir-faire des enseignants, des formateurs et des professionnels des entreprises. Il est vrai qu'il nous faut convaincre nombre d'entreprises de prendre des apprentis, en particulier des apprentis de quatorze ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles n'hésitent pas à prendre des stagiaires !
M. Gilles de Robien, ministre. Je rencontrais hier le président de Schneider, patron très « social », qui m'a autorisé à faire état devant vous de son engagement, lui qui est décidé à prendre des jeunes de quatorze ans en stage et des jeunes de quinze ans en contrat d'apprentissage. Il m'a en outre assuré qu'il demanderait à ses homologues de s'engager volontairement en faveur de l'apprentissage junior. (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Monsieur Assouline, vous avez fait état de la multiplicité des textes intervenus pour réformer l'éducation nationale. Il est heureux que, depuis 2002, les évaluations nécessaires aient été engagées. C'est une bonne façon de répondre aux besoins des élèves et d'assurer leur réussite dans le respect de leur diversité.
L'apprentissage junior, me semble-t-il, s'inscrit bien dans le cadre dans cette diversité. L'éducation nationale évolue chaque jour et je suis persuadé qu'elle sera au rendez-vous de l'apprentissage dès la rentrée de 2006.
Vous m'avez interrogé sur l'application de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école. C'est chose faite pour le remplacement des professeurs absents, c'est en cours pour le socle commun ; la réforme des instituts universitaires de formation des maîtres, les UIFM, aura lieu au cours de l'année 2006 ; quant à la découverte professionnelle, mise en place dans beaucoup de collèges dès la rentrée de 2005, elle sera généralisée en septembre 2006.
La réversibilité sera possible. Mais vous avez le droit de ne pas y croire. Les prochains mois, les prochaines années nous départageront.
Je confirme que le socle commun sera obligatoire.
Sur le travail de nuit, Gérard Larcher a déjà répondu. Soyons clairs : à quatorze ans, le travail de nuit est interdit, sauf dans les entreprises de spectacle. Vous avez parlé des boulangers et des pâtissiers, qui ne sont pas des entreprises de spectacle.
M. David Assouline. Et à quinze ans ?
M. Gilles de Robien, ministre. À quinze ans, le travail de nuit continue d'être interdit, y compris dans le cadre de l'apprentissage, sauf dans les entreprises de spectacle. À partir de seize ans, le travail de nuit des apprentis est possible, mais il est encadré de manière très stricte par le décret du 13 janvier 2006.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Gérard Larcher a dit le contraire à l'Assemblée nationale !
M. Gilles de Robien, ministre. Les secteurs concernés sont limités, les plages horaires sont strictement définies, la présence effective du maître d'apprentissage est obligatoire. Enfin, la dérogation est accordée par l'inspecteur du travail.
Monsieur Assouline, je suis certain que vous êtes totalement rassuré !
Monsieur Fischer, on ne peut rien vous cacher : oui, notre objectif est de faire baisser le chômage. Et il n'y a là rien de honteux. Vous prétendez que nous avons pour seule ambition de parvenir à la fin de 2006 avec de meilleures statistiques. Mais ce ne sont pas les statistiques qui nous intéressent, c'est la réalité, en l'occurrence celle du chômage. Nous cherchons simplement à le faire baisser.
Monsieur Vera, pourquoi, alors même que vous êtes favorable à l'apprentissage, considéreriez-vous l'apprentissage junior comme inacceptable ? L'apprentissage junior à quinze ans est déjà une réalité puisqu'il est autorisé à titre dérogatoire, ce à quoi vous ne trouvez rien à redire.
Mme Gisèle Printz. Mais ce n'est pas inscrit dans la loi !
M. Gilles de Robien, ministre. Il existe d'ailleurs chez certains de nos voisins européens.
Vous craignez que l'apprentissage junior ne soit proposé trop tôt dans le cursus scolaire. J'ai déjà eu et j'aurai encore l'occasion de montrer que les apprentis juniors ne sont privés ni d'instruction ni de formation. L'une et l'autre leur seront simplement prodiguées autrement.
Monsieur Lagauche, vous reprochez au Gouvernement de travailler à maintenir les inégalités sociales. Nous conduirions, selon vous, une politique de renoncement. C'est nier la réalité. Cette réalité, c'est la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, ce sont les mesures que j'ai prises depuis l'été dernier pour l'égalité des chances et pour l'insertion professionnelle des jeunes, c'est un budget pour 2006 dont la croissance est deux fois supérieure à celle de l'inflation afin de mieux aider ceux qui doivent être aidés ; c'est enfin la relance - largement saluée - que j'ai menée de l'éducation prioritaire.
Monsieur Godefroy, vous avez émis un avis favorable sur l'apprentissage en général et avez estimé qu'il n'y avait rien de pire qu'une orientation irréversible. C'est vrai, et c'est pour cette raison qu'il a été prévu que, entre quatorze et quinze ans, des stages en entreprise puissent ouvrir le jeune au monde professionnel et éveiller ses vocations. Je précise que, lorsque nous parlons de stage en entreprise, il s'agit bien pour nous d'une pluralité de stages en entreprise, propres à faciliter l'éveil des vocations.
L'acquisition des savoirs doit se faire concrètement, avez-vous dit. Je partage cette idée. Mais alors, pourquoi vous opposez-vous à l'apprentissage à quatorze ans ? Vous ne l'expliquez pas. J'ai interrogé des dizaines et des dizaines de jeunes apprentis de quinze, de seize et de dix-sept ans. Je leur ai demandé s'ils auraient été intéressés par un apprentissage dès l'âge de quatorze ans et s'ils auraient fait preuve du même courage que celui dont ils font preuve à leur âge. Ils m'ont tous répondu oui, à condition que les liens soient maintenus avec le collège, ce qui est prévu.
Mme Gisèle Printz. Oui, mais « à condition que »...
M. Gilles de Robien, ministre. Il est dommage que M. Godefroy ait conclu sur une très mauvaise formule que je ne répéterai pas en raison de son caractère insultant. Les apprentis ne la méritent pas, non plus que celles et ceux qui leur dispensent des formations, les professeurs et les maîtres de stage, qui se sentiraient insultés.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Madame Voynet, vous avez opposé la théorie et la pratique. Je m'interroge : qui de nous en reste à la théorie et à l'idéologie ? Qui tient compte de la réalité ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Ils ne tiennent pas compte de la réalité !
M. Gilles de Robien, ministre. Ce sont celles et ceux qui ne sont pas insensibles aux 15 000 jeunes qui « décrochent ». Alors, oui, on peut se croiser les bras, on peut faire de l'idéologie, on peut faire des discours. Nous, nous préférons mettre en place des solutions concrètes qui permettront à ces jeunes de sortir de l'impasse. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Dominique Voynet. Qui parle d'idéologie ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je vous parle, moi, de la pratique, de l'action, des mesures que nous mettons en place.
Mme Dominique Voynet. Vous me répondez en haussant le ton. J'ai droit à une vraie réponse !
M. Gilles de Robien, ministre. La vraie réponse, c'est de proposer aux jeunes une éducation diversifiée pour leur permettre, au cours de leur année de découverte, de trouver leur voie et leur vocation, et de signer, le cas échéant, s'ils le veulent, un contrat d'apprentissage à quinze ans. Ce n'est pas de l'idéologie, c'est de la pratique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Domeizel, vous avez posé de bonnes questions. Vous dites que l'âge d'entrée en apprentissage est de quatorze ans révolus. Je vous réponds que l'entrée dans le parcours d'initiation a lieu évidemment à la fin de l'année scolaire au cours de laquelle le jeune a atteint l'âge de quatorze ans. Tel est le principe, même s'il n'est pas exclu que, dans la pratique, il soit appliqué avec une certaine souplesse. Je rappelle que l'apprentissage dont il est question au cours de cette année de parcours d'initiation n'est pas celui qui est défini par le code du travail. Quand on aura compris cela, alors on arrêtera de dire que quatorze ans est un âge trop précoce.
Le retour au collège est-il possible ? Il l'est. Que vous y croyiez ou non, l'avenir nous éclairera.
Je crois avoir répondu, mesdames, messieurs les sénateurs, à vos questions. Si tel n'était pas le cas, ayant quelque peu abusé de mon temps de parole, je m'y emploierai au fur et à mesure de l'examen des amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. Les amendements ? Vous les faites sauter !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Quelques remarques sur la méthode, tout d'abord.
À la lecture du Journal officiel, les uns et les autres ne manqueront pas de s'apercevoir que cet hémicycle ressemble de plus en plus - je cherchais tout à l'heure une comparaison pertinente, et quelqu'un m'a soufflé cet exemple - au parlement tchétchène. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Christian Cambon. Vous êtes bien placé pour en parler !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous vous y connaissez !
M. Roland Muzeau. Mais oui, le mot n'est pas trop fort, chers collègues. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)
M. Christian Cambon. C'est ce que l'on appelle l'esprit d'à-propos !
M. Roland Muzeau. Allez-y ! (M. Karoutchi s'exclame.)
Monsieur Karoutchi, j'ai tout mon temps. Il est vrai que vous ne risquez pas de vous fatiguer la voix, vous qui étiez absent depuis deux jours et qui venez d'arriver il y a une heure à peine. Mais le décompte est simple : pendant deux jours, la gauche a été ultra-majoritaire. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Tchétchène !
M. Roland Muzeau. Écoutez-moi ! Je disais donc que, depuis le début de ce débat, la gauche a été ultra-majoritaire. La majorité a donc dû recourir à de pitoyables scrutins publics...
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Et alors ?
M. Roland Muzeau. ... pour ne pas être battue. C'est cela, la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Depuis le début de l'examen de ce texte, il n'y a jamais eu de prise de parole sur vos travées, hormis les interventions lors de la discussion générale.
Vous n'avez rien à dire sur un texte, il est vrai, désolant,...
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Oh !
M. Roland Muzeau. ...sur un texte qui va inciter des gosses à travailler dès l'âge de quatorze ans. Et vous trouvez cela normal ! Aucun d'entre vous, je dis bien aucun, ne laissera son enfant aller en apprentissage à quatorze ans ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Mais vous avez écouté le ministre ?
M. Roland Muzeau. C'est bon pour les pauvres, pour les mômes des quartiers populaires ! Comme on le verra lors de l'examen des articles suivants, vous évoquez la discrimination la larme à l'oeil, mais, en réalité, vous n'en avez rien à faire,...
M. Christian Cambon. C'est honteux de dire une chose pareille !
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Monsieur Muzeau, tout de même !
M. Roland Muzeau. ...de ces mômes qui sont en échec scolaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous n'avez pas le monopole du souci des difficultés scolaires !
M. Roland Muzeau. Nous avions des propositions pour tous ces enfants dont nous connaissons la situation familiale. Mais non ! Quant aux amendements qui seront examinés ultérieurement, l'un tend à ponctionner les allocations familiales des parents soupçonnés de ne pas bien s'occuper de leurs enfants. Ils avaient déjà la tête sous l'eau, et vous ne faites que les enfoncer davantage ! En somme, vous les condamnez ! Voilà la réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Vous allez doter la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, de pouvoirs de sanction, quitte à en faire une juridiction d'exception.
M. Robert Del Picchia. Je l'attendais, celle-là !
M. Alain Gournac, rapporteur. On n'en est pas là !
M. Roland Muzeau. M. About nous disait hier qu'il était un homme loyal, et c'est vrai. (M. Philippe Nogrix applaudit.) Il s'était d'ailleurs engagé à ne pas perturber les débats. Alors, qu'est-ce qui a bien pu le faire changer d'avis ? Que s'est-il passé entre-temps?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai répondu à la perturbation !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vous, monsieur Muzeau, qui perturbez les débats !
M. Roland Muzeau. Monsieur About, vous avez le droit de me répondre, vous avez d'ailleurs tous les droits ici. Que s'est-il passé ? Pourquoi M. Larcher invoque-t-il certains articles de la Constitution et de notre règlement, ce qui fait tomber du même coup, en avalanche, une centaine d'amendements ? (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Pour être plus efficace !
M. Roland Muzeau. Monsieur Gournac, ne me provoquez pas ! L'examen de ce texte n'est pas terminé, et nous n'allons pas vous lâcher ! (Rires sur les mêmes travées.)
Mais après cette brève mise au point sur la méthode, j'en viens à mon explication de vote. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) Comme vous aviez manqué deux jours de débats, monsieur Karoutchi, il fallait bien que je vous mette un peu au courant ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Il est vrai que vous êtes un spécialiste des coups fourrés ! (Oh ! sur les travées de l'UMP.) Avec M. Devedjian, vous êtes à l'origine de l'amendement sur le syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, que vous avez été obligé de corriger par une proposition de loi, d'ailleurs assez pitoyable. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
J'en viens, puisque vous m'avez coupé la parole (rires sur les mêmes travées), à ma proposition de sous-amendement.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Un grand numéro !
M. Roger Karoutchi. Pitoyable !
M. Roland Muzeau. Vous savez, l'UDF pourrait en dire autant que moi.
M. Alain Gournac, rapporteur. Laissez l'UDF tranquille !
M. Roland Muzeau. C'est tout de même extraordinaire ! Ce n'est pas moi qui ai écrit dans un journal « Le CPE, ce n'est pas loyal », c'est M. Bayrou. Monsieur de Robien, vous lui faites faux bond ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.) Mais c'est pareil pour tout le reste.
Je proposais donc un sous-amendement à l'amendement n° 63, monsieur le président - je vous remercie de votre patience, mais elle est légitime -, ainsi libellé : « Les temps d'apprentissage de l'élève sont organisés aux fins de prévenir l'échec. Le temps scolaire est organisé au sein de chaque cycle pour permettre à l'élève de disposer des aides nécessaires...
M. Alain Gournac, rapporteur. Il n'y a plus de sous-amendements !
M. Roland Muzeau. Écoutez donc, monsieur le rapporteur, sinon, vous ne pourrez pas suivre !
Je disais donc que le temps doit être organisé « pour permettre à l'élève de disposer des aides nécessaires pour acquérir l'ensemble des connaissances et compétences désignées sous le terme de culture scolaire commune.
« À tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose à l'élève et à sa famille, après consultation des personnels de l'éducation nationale chargés du suivi de ces élèves - réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté dans le premier degré, personnel d'éducation, conseillers d'orientation et psychologues dans le second degré - de mettre en place un dispositif d'aide à la réussite scolaire adaptée à sa situation. »
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, messieurs les ministres, l'amendement n° 63 qui nous est présenté par M. Richert comprend trois phrases.
Les deux premières phrases ne nous posent pas de problème pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas de débat entre nous, me semble-t-il, en ce qui concerne l'apprentissage.
M. Christian Cambon. Ce n'est pas si sûr !
M. Yannick Bodin. J'en veux d'ailleurs pour preuve, monsieur Cambon - cela vous rappellera des souvenirs, ainsi qu'à M. Karoutchi -,...
M. Roger Karoutchi. Encore ?
M. Yannick Bodin. ...que les plus gros efforts financiers pour accompagner toutes les politiques d'apprentissage,...
M. Christian Cambon. Moins 38 % d'investissements en Île-de-France !
M. Yannick Bodin. ...soit dans les lycées professionnels, soit auprès des chambres de métiers ou des chambres de commerce, sont réalisés par les conseils régionaux.
M. Christian Cambon. Moins 38 % en Île-de-France !
M. Yannick Bodin. Et, sur cette question-là, vous qui vilipendez la politique des conseils régionaux depuis un certain temps, vous devriez au moins reconnaître que, si l'apprentissage fait des progrès dans ce pays, c'est grâce aux conseils régionaux de la gauche ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surtout en Île-de-France !
M. Yannick Bodin. Votre objectif, monsieur Cambon, c'était 60 000 apprentis. Eh bien, celui de Jean-Paul Huchon, c'est 100 000 ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Laissez les régions faire le travail que vous n'avez pas fait !
C'est la troisième phrase de l'amendement qui nous gêne, monsieur Richert, et ce tout simplement parce que nous sommes opposés à l'apprentissage junior. Nous estimons en effet que ce n'est pas par un suivi, généralement bénéfique pour l'apprentissage, que l'on va aider les jeunes de quatorze ans.
Nous pensons, pour notre part, que la solution se situe à l'intérieur du système éducatif scolaire lui-même, et qu'elle passe par un accompagnement individuel qui suppose des classes à effectifs réduits, une équipe pédagogique avec des enseignants, des éducateurs et des psychologues scolaires.
Mais je ne désespère pas que la situation s'améliore un jour, puisque, depuis le vote de son budget, M. de Robien nous a annoncé à trois reprises des créations de postes !
Les élèves du collège doivent pouvoir profiter d'un socle commun - reprenons l'expression, puisqu'elle figure dans la loi -, mais un socle commun renforcé, au collège et pas ailleurs.
En conclusion, je dirai que vous pourriez intégrer le sport dans ce socle commun. Nous avions d'ailleurs formulé cette proposition au moment de la discussion du projet de loi Fillon, et vous devriez l'accepter sans gêne, puisqu'elle figure depuis quarante-huit heures dans le programme de M. Sarkozy ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. On pourrait, dans une approbation un peu rapide, ne pas considérer d'un mauvais oeil qu'un tuteur, au sein de l'équipe pédagogique, accompagne et suive le travail de l'élève apprenti. Mais ce serait gravement négliger le contexte, qui est celui de l'apprentissage, et de la mort prononcée à l'instant des amendements que nous portions et qui visaient à fournir d'autres garanties. Je n'en citerai qu'un exemple.
Que voyez-vous pour les banlieues ? Élèves en difficultés, possibilités de sortie de l'école, apprentissage. Moi, je proposais un complément pour des banlieues synonymes de talents, de substitution de concours comme celui de l'École normale supérieure, avec des parcours financés - par exemple pour le CAPES -, bref, des images de réussite ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mais on sort l'article 40, ce qui est très bizarre, puisque la loi de finances prévoyait précisément une ligne spéciale pour les bourses d'excellence. Mais on ne peut discuter de l'article 40, n'est-ce pas ?
En complément de cette explication de vote, je voudrais vous expliquer pourquoi nous ne pouvons pas vous approuver. Je dois dire tout mon écoeurement devant l'utilisation de la réserve, du hors sujet, de l'irrecevabilité, devant la manipulation de la priorité, la mort des sous-amendements, l'usage de la jurisprudence « sur mesure ». Tantôt on se sert de la jurisprudence pour ne pas vérifier le quorum, tantôt on la rejette, alors qu'elle permettrait la discussion de sous-amendements qui n'auraient pas été examinés par les commissions. Nous sommes vraiment écoeurés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Un des sénateurs de la majorité s'est même permis de nous dire que nous n'avions qu'à partir. (M. Josselin de Rohan rit.). Or l'alinéa 10 de l'article 36 du règlement du Sénat dispose : « Les interpellations de collègue à collègue sont interdites. » (Exclamations agacées sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous allez loin !
Mme Marie-Christine Blandin. Mais, monsieur le président, quand M. Josselin de Rohan se permet de nous dire : « Allez-vous en ! », cela ne semble pas stimuler votre rigueur zélée.
Tout comme, à loisir, vous exercez un regard sélectif sur les bras qui se lèvent. Cet ensemble est inquiétant pour la démocratie. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas de leçons !
M. Dominique Leclerc. Pas de morale !
Mme Marie-Christine Blandin. Et si ce n'était pas si triste, je dirais que, lors de l'examen d'un projet de loi pour l'égalité des chances, il serait temps de penser à l'égalité des droits des sénateurs sur ces travées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Madame Blandin, voulez-vous, s'il vous plaît, répéter en articulant la phrase relative aux « bras qui se lèvent » ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est insultant et diffamatoire !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est inacceptable !
Mme Marie-Christine Blandin. Tout à fait, monsieur le président.
J'ai dit, monsieur le président, en m'adressant à vous, juste après avoir cité M. de Rohan, que cela ne semblait pas « stimuler votre rigueur zélée ». (Non ! sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, il s'agit du passage sur les « bras qui se lèvent » !
Mme Marie-Christine Blandin. Messieurs, calmez-vous, je vais continuer.
M. Josselin de Rohan. Ayez au moins le courage de répéter ce que vous avez dit ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Yannick Bodin. Le courage, vous pouvez en parler !
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, je terminerai lorsque vous aurez fait appliquer le règlement, notamment l'alinéa 10 de l'article 36.
M. le président. Je vous demande de continuer, madame.
Mme Marie-Christine Blandin. Je vous remercie.
Je terminais donc par ces mots : « Tout comme, à loisir, vous exercez un regard sélectif sur les bras qui se lèvent ».
Je peux même développer ma pensée. M. Assouline et moi-même, à la suite de l'intervention de plusieurs sénateurs dans le débat cet après-midi - je pourrai retrouver précisément le moment -, avons tenté une expression. Or, monsieur le président, vous êtes passé à autre chose, regardant obstinément les travées de la droite en négligeant nos bras levés. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vraiment inacceptable !
Mme Marie-Christine Blandin. Comme j'écris les interventions que je souhaite faire, j'en ai trace, monsieur le président.
M. David Assouline. Je confirme ce qu'a dit Mme Blandin !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mensonge !
M. le président. Madame Blandin, vous comprendrez que je sois obligé de réagir à vos assertions.
Je prétends présider honnêtement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Prétendre le contraire serait de la diffamation !
M. le président. Il arrive qu'en effet je considère ne pas devoir donner la parole, parce que cela me semble abusif et que le souci du bon déroulement des débats me permet de prendre de telles décisions.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. le président. Croyez bien qu'il n'y a jamais de ma part, je dis bien jamais, la moindre atteinte à l'honnêteté. En revanche, je ne peux pas accepter, madame Blandin, que vous, vous y portiez atteinte dans cet hémicycle ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. À cette heure avancée, il nous faut retrouver un peu de sérénité. (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui ! Parlez-nous de la Tchétchénie !
Mme Annie David. En outre, j'aimerais que les orateurs situés sur les travées de gauche de cet hémicycle puissent s'exprimer, eux aussi, en toute sérénité (Exclamations sur les mêmes travées.) ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N'exagérez pas !
Mme Annie David. ...sans être à tout moment interpellés et empêchés d'achever leur propos. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous exagérez un peu !
M. Gérard Cornu. Ils monopolisent la parole !
Mme Annie David. Pour ma part, j'aimerais pouvoir aller au bout de mon explication de vote en toute sérénité également, sans être interrompue. En ma qualité de membre de la commission des affaires culturelles, il me semble important de m'exprimer sur cet amendement présenté par notre collègue Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, amendement dont nous avons débattu très rapidement en commission mercredi matin. J'aimerais également expliquer mon vote sur le sous-amendement déposé par Roland Muzeau.
M. Alain Gournac, rapporteur. Où est ce sous-amendement ? Ils ont tous été déclarés irrecevables !
Mme Annie David. En ce qui concerne l'amendement n° 63, à l'évidence, nous ne pouvons pas être opposés au fait qu'un tuteur soit associé à l'élève ainsi qu'à ses représentants légaux, puisque nous avons également proposé une nouvelle rédaction de cet alinéa, par l'amendement n° 559 - qui ne sera peut-être pas examiné étant donné que les amendements tombent les uns après les autres -, afin de prévoir la présence d'un tuteur. Toutefois, à la différence de M. Richert, nous proposions que le tuteur accompagne l'élève tout au long du parcours de scolarité obligatoire jusqu'à seize ans.
Par conséquent, nous ne sommes pas opposés à votre amendement, monsieur Richert, mais nous ne pourrons pas le voter, puisqu'il sort l'élève de la scolarité obligatoire dès quatorze ans.
En effet, malgré les arguments qui sont avancés par les uns et par les autres, pour nous, l'obligation scolaire jusqu'à seize ans reste l'un des fondements d'une véritable égalité des droits, c'est-à-dire la condition de l'égalité réelle, au-delà de l'égalité formelle.
La mesure qui consiste à faire commencer le travail dès quatorze ans...
Mme Annie David. Non, monsieur le ministre, j'insiste, car, malgré vos affirmations, et comme l'ont dit certains orateurs, les jeunes en apprentissage dès quatorze ans passeront treize semaines seulement à l'école et le reste du temps dans l'entreprise. Si ce n'est pas mettre les jeunes au travail à quatorze ans, ...
Mme Annie David. ...alors, il y a quelque chose qui m'échappe ! L'apprentissage junior est bien proposé à partir de l'âge de quatorze ans dans le projet de loi.
À nos yeux, c'est une régression sociale et une privation de liberté pour de nombreux jeunes. Ils vous coûteront sans doute moins cher dans des ateliers que dans des salles de classe. Mais cela n'en est pas moins dommageable pour la société dans son ensemble, qui abandonne ainsi l'ambition de faire de toute une classe d'âge de jeunes citoyens éclairés et capables de participer à la vie démocratique.
En effet, cette mesure d'apprentissage à quatorze ans doit aussi être lue dans une perspective d'intégration. Comment prétendre mener une politique de cohésion sociale quand on prive des milliers de jeunes de la formation intellectuelle par laquelle ils pourraient véritablement se sentir partie prenante de notre société ?
M. Roland Muzeau. Très, très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois m'être exprimée aujourd'hui de façon mesurée, comme vous pouvez en juger à la fois au nombre et au ton de mes interventions.
En effet, je considère que les insultes avilissent autant ceux qui les profèrent que ceux qui les reçoivent. (M. Roger Karoutchi approuve.) En outre, je peux comprendre que certains collègues dans cette enceinte sont de bonne foi et ne se retrouvent pas dans les portraits de capitalistes assoiffés de sang, prêts à sacrifier la jeunesse sur l'autel du profit rapide.
Toutefois, M. de Robien se trompe quand il caricature mon intervention en lui prêtant un caractère idéologique. Il m'a mal écoutée. Peut-être était-il fatigué, ou distrait ?
Mme Dominique Voynet. Vous voyez dans certaines interventions une posture idéologique. Pour ma part, je considère que le débat doit s'appuyer sur l'opinion de ceux qui sont en contact avec la réalité.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Vous n'avez pas le monopole de la réalité !
Mme Dominique Voynet. J'ai évoqué des choses extrêmement concrètes, monsieur de Robien.
Ainsi, j'ai évoqué le fait qu'un élève en apprentissage bénéficie de treize semaines de cours seulement par an et qu'il risque d'accumuler du retard dans les apprentissages fondamentaux.
J'ai évoqué les réserves émises par certains professionnels de santé quant aux conditions de travail de jeunes adolescents ; j'ai évoqué le faible pourcentage de réussite aux examens terminaux de ceux dont le niveau de formation est inférieur, les difficultés des professionnels qui s'efforcent de donner une image positive de l'apprentissage, image qui pourrait souffrir de l'arrivée d'apprentis de plus en plus jeunes.
J'ai évoqué encore le fait qu'aujourd'hui 25 % des contrats d'apprentissage sont rompus avant terme, ou encore l'immaturité intellectuelle, voire affective, des jeunes apprentis, qui manquent parfois de sens des responsabilités en termes de sécurité.
Voilà qui est terriblement idéologique et doit effectivement vous faire peur !
Mais si j'ai souhaité reprendre la parole, monsieur de Robien, c'est parce que j'entends bien, avant la fin de cette discussion, recevoir des réponses concrètes à des questions qui n'ont rien d'idéologique, mais qui concernent des dizaines de milliers de jeunes, ainsi que leurs familles, qui les aiment et souhaitent qu'ils réussissent dans la vie.
Monsieur le président, tout en reconnaissant les efforts que vous avez déployés pour mener ces débats aujourd'hui, permettez-moi d'insister sur le caractère profondément inacceptable de certaines phrases qui ont été prononcées du côté droit de l'hémicycle ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
J'ai notamment entendu « Allez-vous en ! », « Taisez-vous » et même, dans votre bouche, monsieur de Rohan, « Tais-toi ». Les glapissements, il faut s'y faire ; les ricanements, on ne peut les éviter ; mais s'agissant du tutoiement, j'aimerais vraiment que vous ne vous y habituiez pas en ce qui me concerne !
M. Josselin de Rohan. Vous n'avez pas de leçons à nous donner !
Mme Dominique Voynet. Et je note, monsieur le président, qu'aucun des ricaneurs n'est intervenu aujourd'hui sur le fond du débat ! (Exclamations diverses sur toutes les travées conduisant à un certain brouhaha.)
M. Josselin de Rohan. Nous faisons ce que nous voulons !
M. Serge Lagauche. Attention, n'allez pas trop loin !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, et à elle seule, mes chers collègues, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui est très ennuyeux et qui sans doute vous agace, monsieur le président, mais nous aussi, c'est que, du côté de la majorité, qui est là pour défendre le projet du Gouvernement - car je suppose qu'elle le votera -, on n'entend jamais d'interventions sur le sujet. La majorité reste muette ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tandis que vous, vous êtes toujours dans le sujet, peut-être ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Alain Gournac, rapporteur. Et la Tchétchénie ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est se moquer du monde !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous n'entendons que cris et invectives !
C'est évidemment très contrariant, parce qu'il peut être souhaitable et intéressant que les sénateurs débattent entre eux du bien-fondé, par exemple, de l'école ou de l'apprentissage, surtout quand ils sont réunis pour légiférer en ces matières.
Soit ! chers collègues de la majorité, vous ne participez pas au débat, mais, heureusement, les ministres nous donnent des explications.
C'est ainsi que M. le ministre de l'éducation nationale nous a dressé un tableau idyllique de l'apprentissage junior, c'est-à-dire de l'apprentissage à quatorze ans.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas l'amendement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or il faut savoir que certains pays qui, contrairement à la France, ont opté non pas pour le collège unique, mais pour un système permettant le choix entre deux filières divergentes, celle de l'école formant des élites aux études supérieures et celle de l'apprentissage préparant au travail manuel, en sont revenus. Ils envisagent de passer à un système d'enseignement plus global, qui pourrait ressembler à un socle commun. C'est le cas de l'Allemagne.
Il est tout de même extraordinaire que, dans le même temps, la France décide un tel recul en matière d'apprentissage, notamment pour ce qui est de l'âge retenu. Pourquoi ne fixez-vous pas l'âge à douze ans ? Il n'y a pas si longtemps, on travaillait dès douze ans, sans apprentissage, au mieux avec le certificat d'études, pour certains.
C'est très intéressant de voir la France, pays moderne, doté d'une très grande productivité résultant de son avance en matière d'éducation et de formation, décider maintenant de faire machine arrière !
Heureusement que le Premier ministre a toujours le mot de modernité à la bouche : nous voyons ce que cela veut dire !
Pour votre part, monsieur le ministre, vous présentez les choses de façon idyllique. Vous vous inspirez du concept de socle commun de votre prédécesseur pour l'appliquer indifféremment à tous les enfants de quatorze ans, qu'ils fréquentent l'école à plein temps ou pendant un temps réduit. C'est pour le moins curieux ! Comment et quand des élèves en grande difficulté parviendront-ils à suivre les enseignements d'un socle commun ? C'est tout à fait impensable.
Ensuite, vous nous dites que l'apprentissage sera précédé d'une année de stage de découverte constituant une période de préapprentissage. Or vous connaissez sans doute ce domaine mieux que moi, bien que je me sois longtemps occupée de questions d'éducation, et vous savez très bien que les jeunes qui suivent des formations en alternance comportant un stage obligatoire n'arrivent pas à trouver de stages.
M. Jean-Pierre Godefroy. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour être intéressant, un stage doit être formateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Or, les patrons ne veulent pas d'apprentis s'ils ne peuvent pas les faire travailler gratuitement.
M. Guy Fischer. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien de jeunes, préparant un certificat d'aptitude professionnelle, un brevet d'études professionnelles, un brevet de technicien supérieur, se dépensent sans compter pour trouver un malheureux stage où, en général, ils n'apprennent rien ? Ils sont légion, car les patrons ne veulent pas les prendre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Dès lors, j'aimerais savoir comment vous comptez trouver aujourd'hui des stages qui ne seront pas du travail, pour des enfants de quatorze ans, stages qui devront de surcroît leur permettre d'acquérir des connaissances et de rentrer dans le socle commun. Si vous y parvenez,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...je vous tire mon chapeau ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Tout d'abord, je reviens sur les incidents de tout à l'heure et notamment au cas évoqué par Mme Blandin ; sans doute le président de séance n'a-t-il pas agi intentionnellement et ne regardait-il pas dans notre direction.
Cependant, monsieur le président, sans vous mettre en cause, je souhaite attirer votre attention sur les stigmatisations et insultes systématiques dont certains sénateurs font l'objet lorsqu'ils s'expriment, et dont M. de Rohan est spécialiste.
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Oh !
M. David Assouline. Vous pourrez vérifier ses propos dans le compte rendu de nos débats. Je ne me plains pas, parce qu'il ne m'empêche pas de m'exprimer, mais j'ai constaté que, chaque fois que je parlais, j'étais traité de révolutionnaire, de trotskyste, de bolchevik. (Protestations sur les travées de l'UMP.) J'ai même vu dans un compte rendu qu'il avait utilisé le terme de voyou, encore que l'insulte pouvait s'adresser à un jeune que je défendais, et non à moi-même.
Mais qu'il n'aille pas trop loin, même s'il a plus d'expérience que moi et une autre ascendance que la mienne, car, à un moment donné, les choses seront visibles ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Ne le prenez pas ainsi !
M. David Assouline. Pour en revenir au fond, le problème dont nous discutons est d'ordre philosophique.
S'agissant de la question de l'apprentissage, vous ne verrez pas, sur les travées de gauche, des sénateurs qui se déclarent choqués ou qui estiment, dans leur philosophie de la vie, que le travail manuel est dégradant et réservé aux moins cultivés, aux moins capables, bref, aux moins que rien.
N'ouvrons donc pas de faux débat et n'inversons pas les choses. Dans l'histoire de la gauche et de la droite, cette conception des travailleurs manuels est bien celle de la droite.
Par conséquent, il faut le répéter, nous sommes pour l'apprentissage.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est une bonne nouvelle ! Ils vont voter pour !
M. David Assouline. Ce n'est pas un hasard si celui d'entre nous qui a sans doute le plus travaillé, sur la scène publique, dans la société, pour réhabiliter la notion d'apprentissage, tant par ses idées que, lorsqu'il était ministre, par ses actes, a été M. Jean-Luc Mélenchon. Or quoi que l'on pense de ce qu'il est idéologiquement, il est de gauche.
Mais le fond du problème n'est pas là. Nous considérons à ce point que l'apprentissage et le travail manuel ne sont pas réservés aux seuls « manants » que nous ne voulons pas qu'un projet de loi « pour l'égalité des chances », précisément, propose aux jeunes des cités, aux jeunes des banlieues l'apprentissage comme unique moyen de s'en sortir, alors qu'un tel texte devrait au contraire avoir pour objet de réduire les inégalités, c'est-à-dire s'adresser aux plus défavorisés pour essayer de les aider à rattraper la situation. L'inégalité est là !
Si nous sommes d'accord sur le fait que l'apprentissage peut être une solution pour les jeunes, nous pensons qu'il devrait être traité non pas dans un projet de loi pour l'égalité des chances, mais dans un texte qui vise tous les jeunes - y compris vos enfants, chers collègues ! - qui peuvent mieux s'épanouir dans l'apprentissage.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Mais oui !
M. David Assouline. Le nicher dans un projet de loi pour l'égalité des chances signifie que c'est tout ce que l'on va offrir aux jeunes des banlieues. Car ce texte vise bien à apporter une réponse à la crise des banlieues ! Votre conception, votre philosophie de l'apprentissage vous pousse à proposer aux jeunes les plus défavorisés la sortie la plus rapide possible du système scolaire comme unique chemin, parce que vous les pensez incapables d'aller plus loin, de faire des études.
Nous ne demandons pas qu'ils soient tous docteurs en sociologie, pour reprendre la caricature qu'a faite hier M. Borloo de notre position ! Il s'agit simplement de mener ces jeunes plus loin dans un socle commun de connaissances élargi, socle que nous avions fixé précédemment tous ensemble : le baccalauréat était un passeport qui devait permettre ensuite de faire des choix, soit professionnels, soit en faveur d'études plus longues.
Vous êtes en train de ramener à quatorze ans un seuil précédemment établi à seize ans. Il y avait déjà, à mes yeux, un problème politique dans le fait que l'on avait le droit de travailler à seize ans alors que la majorité politique, que la majorité civique était, elle, fixée à dix-huit ans. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Nous ne pouvons pas en appeler à la responsabilité, nous ne pouvons pas donner le « droit » d'être exploité sans donner en même temps les droits civiques. En abaissant ce seuil à quatorze ans, mes chers collègues, vous allez aggraver ce problème déjà réel. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, mes chers collègues, et si nous en revenions au débat ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Nous vous attendions, monsieur Legendre !
M. Jacques Legendre. Nous examinons un amendement de la commission des affaires culturelles qui vise à garantir la qualité de la formation dispensée à un jeune, appelons-le « préapprenti », en veillant à ce que son enseignant et son maître de stage se rencontrent.
M. Dominique Leclerc. Très bien !
M. Jacques Legendre. Très franchement, je ne vois pas qui sur ces travées, à droite comme à gauche, peut s'inquiéter d'une disposition comme celle-ci ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En tout cas, un tel amendement, une telle suggestion ne mérite pas que l'on en vienne, ici, au Sénat, à se reprocher de travée à travée, qui, les arrière-pensées, qui, les propos aigres-doux,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Non, nous laissons cela à l'Assemblée nationale !
M. Jacques Legendre. ... les je-ne-sais-quoi des uns et des autres. Nous sommes là pour examiner un texte au fond, et je crois que la majorité de la commission des affaires culturelles, que la majorité du Sénat s'honore en acceptant sans discuter pendant trois heures des dispositions de bon sens qui ne sont marquées que par le souci de la qualité de la formation.
Mes chers collègues, enfin ! Nous sommes tous préoccupés de ce problème que depuis trente ans nous ne parvenons pas à résoudre : un système scolaire qui chaque année laisse sortir 100 000, 150 000 jeunes sans qu'ils aient acquis suffisamment de ce socle de connaissances tant évoqué ni aucune qualification professionnelle attestée. Dans les conditions du marché du travail qui sont les nôtres, ils sont évidemment les premières victimes du chômage.
Voilà bien longtemps que nous nous échinons à trouver des solutions. Il y a trente ans déjà, alors que j'occupais des fonctions ministérielles, j'ai défendu devant l'Assemblée nationale un texte qui visait à revaloriser l'apprentissage. Je me souviens à l'époque des cris et des réactions que cette proposition avait déchaînés. Membre du Gouvernement, j'étais évidemment accusé de vouloir livrer de la main-d'oeuvre juvénile au grand patronat.
M. David Assouline. C'était vrai !
M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Ils continuent de le dire !
M. Jacques Legendre. Je constate que certains, sur nos travées, ont fait des progrès depuis, mais pas tous, et je le regrette. Encore un effort, chers collègues ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Enfin, je souhaite que, dans ce débat, qui concerne de nombreux jeunes en difficulté, nous nous souvenions que depuis des années et des années aucun gouvernement n'a véritablement su préparer à l'entrée dans la vie professionnelle. Il faut mobiliser l'alternance sous statut scolaire - d'une certaine manière, c'est bien de cela qu'il est question pour les élèves de quatorze ans - et l'articuler ensuite sur l'obtention d'un contrat de travail. Nous sommes un certain nombre à savoir que tout vaut mieux que de réduire les propositions que la société peut faire à la simple situation de stagiaire. Quand on est apprenti, on a un contrat de travail, on bénéficie des garanties qui y sont liées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. de Robien nous a dit le contraire tout à l'heure. Mettez-vous d'accord !
M. Jacques Legendre. Si l'école peut vous faire déboucher sur un contrat de travail, c'est tout de même mieux que si elle vous laisse simplement en situation d'échec scolaire. Voilà ce que je voulais rappeler à ce moment du débat.
Pour ce qui me concerne, je ne concevrais pas que la proposition de bon sens que présente M. Richert au nom de la commission des affaires culturelles puisse susciter des passions. Elle est simplement marquée par ce qui devrait être notre souci commun : la volonté de donner aux jeunes de ce pays une éducation et une formation de qualité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Quelle belle chute !
M. le président. En conséquence,...
Mme Marie-Christine Blandin. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Non, madame Blandin, je ne vous donne pas la parole.
En conséquence donc de l'adoption de l'amendement n° 63 examiné par priorité, les amendements nos 102 rectifié, 374, 548, 555, 558, 553, 552, 563, 557, 575, 562, 550, 564, 549, 565, 578, 573, 576, 551, 498, 569 et 559 n'ont plus d'objet. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
M. David Assouline. Encore plus de vingt amendements fourgués ! Quelle charrette !
M. Guy Fischer. Et voilà ! Le bâillon et l'arbitraire !
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement concernant la nécessaire remise en ordre des liasses d'amendements.
M. le président. Mes chers collègues, à cette heure, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures vingt, sous la présidence de M. Roland du Luart.)