PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
Article 5
Le code de l'éducation est modifié ainsi qu'il suit :
« 1° Au titre IV du livre II, le chapitre II est remplacé par les dispositions suivantes :
« CHAPITRE II
« L'ÉVALUATION DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE, CULTUREL ET PROFESSIONNEL
« Art. L. 242-1. - L'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel est assurée par l'Agence de l'évaluation de la recherche mentionnée à l'article L. 114-3-1 du code de la recherche.
« 2° Au cinquième alinéa de l'article L. 711-1, les mots : « au Comité national d'évaluation » sont remplacés par les mots : « à l'Agence d'évaluation de la recherche mentionnée à l'article L. 114-3-1 du code de la recherche » ;
« 3° Aux deux derniers alinéas de l'article L. 711-4, les mots : « le Comité national d'évaluation de la recherche » sont remplacés par les mots : « l'Agence d'évaluation de la recherche mentionnée à l'article L. 114-3-1 du code de la recherche » ;
« 4° Au troisième alinéa de l'article L. 721-1, les mots : « Le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel » sont remplacés par les mots : « L'Agence d'évaluation de la recherche ».
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Valade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° de cet article :
2° Au cinquième alinéa de l'article L. 711-1, les mots : « au Comité national d'évaluation prévu à l'article L. 242-2 » sont remplacés par les mots : « à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur mentionnée à l'article L. 114-3-1 du code de la recherche ».
La parole est à M. Jacques Valade, rapporteur.
M. Jacques Valade, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Valade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 3° de cet article :
3° Au troisième alinéa du II de l'article L. 711-4, les mots : « le Comité national d'évaluation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel. Le comité », sont remplacés par les mots : « l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur mentionnée à l'article L. 114-3-1 du code de la recherche. L'Agence ».
La parole est à M. Jacques Valade, rapporteur.
M. Jacques Valade, rapporteur. Monsieur le président, si vous le permettez je présenterai ensemble les amendements nos 30 et 31.
Il s'agit d'amendements de rectification.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Valade, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
3° bis Au dernier alinéa de l'article L. 711-4, les mots : « le Comité national d'évaluation ; ce dernier » sont remplacés par les mots : « l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur mentionnée à l'article L. 114-3-1 du code de la recherche ; cette dernière » et les mots : « il émet » sont remplacés par les mots : « elle émet ».
Le Gouvernement s'est exprimé sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS D'ADAPTATION ET DE SIMPLIFICATION EN MATIERE DE RECHERCHE
Article 6
À l'article L. 112-1 du code de la recherche, le d devient le e et il est ajouté un d ainsi rédigé :
« d) Le développement d'une capacité d'expertise ; »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 151, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 112-1 du code de la recherche est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa (c), il est inséré un c) bis ainsi rédigé :
"c) bis Le développement d'une capacité d'expertise ;"
La parole est à M. Henri Revol, rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur de la commission spéciale sur la recherche. Il s'agit d'un amendement de cohérence rédactionnelle.
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le d de l'article L. 112-1 du code de la recherche par les mots :
, en vue d'éclairer les politiques publiques et l'opinion publique
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement propose de compléter la définition de la mission d'expertise confiée à la recherche.
Inscrire dans la loi cette mission constitue un élément très positif. D'ailleurs, elle existe de fait dans les laboratoires et les organismes. Elle est commandée et financée par des entreprises, qui ne disposent pas de cette capacité, avant la mise sur le marché de certains produits, voire parfois après, si un doute apparaît. Quand la directive Reach s'appliquera enfin, si la Commission de Bruxelles ne l'érode pas trop sous la pression des lobbys, les laboratoires seront très sollicités.
L'expertise est aussi commandée par les agences qui disposent en leur sein de chercheurs aptes à formuler les questions des pouvoirs publics et à piloter des expertises collectives. Ces agences ont besoin de ressources humaines. Cet amendement tend à préciser que l'expertise ne se limite pas à la consultance privée et qu'elle a vocation aussi - et principalement -, à éclairer les politiques publiques et l'opinion publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement qui se propose de préciser la définition de l'expertise scientifique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 151 de la commission.
En revanche, tout en comprenant les arguments de Mme Blandin, il nous semble que la rédaction de l'amendement n° 94 rectifié n'est pas pertinente, car trop limitative. Ainsi, contrairement, sans doute à son intention première, Mme Blandin exclut l'expertise au profit d'entreprises privées, qui est pourtant une réalité.
En effet, l'expertise est au profit, bien sûr, de la puissance publique et l'opinion publique, mais également de l'entreprise privée. Ces deux fonctions existent et doivent naturellement continuer d'exister. C'est la raison pour laquelle, dans l'état actuel du texte proposé, nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Henri Revol, rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Monsieur le président, compte tenu de la position que vient d'exprimer le Gouvernement, je suggère à Mme Blandin de transformer son amendement n° 94 rectifié en un sous-amendement n° 94 rectifié bis à l'amendement n° 151 de la commission.
M. le président. Madame Blandin, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
Mme Marie-Christine Blandin. J'étais un peu déconcertée par la tâche, mais cette solution me semble satisfaisante. Je souhaite en effet donner des gages à M. le ministre, car il ne s'agit pas d'être limitatif. Bien entendu, comme je l'ai dit dans mon exposé, la consultance privée existe et est fondamentale, mais il est également nécessaire que la loi reconnaisse à la science cette mission d'expertise publique, en complément, et non en remplacement, de la consultance privée.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 94 rectifié bis, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 151 pour modifier l'article L. 112-1 du code de la recherche, par les mots :
, en vue d'éclairer les politiques publiques et l'opinion publique
Mme Marie-Christine Blandin. Pour répondre à la demande de M. le ministre, il conviendrait de compléter ce sous-amendement, pour prévoir explicitement la consultance.
M. le président. Tout cela est un peu compliqué !
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Je suggère d'améliorer encore la rédaction du sous-amendement n° 94 rectifié bis. Le texte de l'amendement n° 151 devrait être complété ainsi : « en vue notamment d'éclairer les politiques publiques et l'opinion publique ». Ce faisant, toute ambiguïté serait levée, puisque l'emploi de l'adverbe « notamment » écarte le risque d'exclusivité.
M. le président. Madame Blandin, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement dans le sens suggéré par M. le ministre délégué ?
Mme Marie-Christine Blandin. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement - de synthèse ! - n° 94 rectifié ter, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 151 pour modifier l'article L. 112-1 du code de la recherche, par les mots :
, en vue notamment d'éclairer les politiques publiques et l'opinion publique
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est quelque peu délicat de procéder à des rectifications rédactionnelles en séance. Il ne faudrait pas trop s'y habituer !
La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, la loi n'a pas à être bavarde et les débats parlementaires font foi. Nous souhaitons que l'expertise scientifique ait deux objectifs : la consultance, d'une part, et l'éclairage des politiques publiques, d'autre part.
Cela a d'ailleurs été clairement précisé. Par conséquent, ceux qui voudront comprendre la pensée du législateur se référeront à nos débats et verront très bien que nous avons voulu placer ces deux objectifs à égalité. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je n'aime pas le terme « notamment ».
M. le président. Monsieur Fréville, vous avez au moins le mérité de la constance et de la clarté !
La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je suis assez réticent à voir l'expression « l'opinion publique » figurer dans un texte de loi, fût-elle de programme.
Il s'agit en effet d'un concept extrêmement flou et subjectif. Personnellement, je sais ce que recouvrent la communauté scientifique et les experts, mais je ne vois pas du tout à quoi correspond l'opinion publique.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 94 rectifié ter.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 6
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 411-1 du code de la recherche est complété par un alinéa f) ainsi rédigé :
« f) L'expertise scientifique. »
La parole est à M. Henri Revol, rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Le fait de reconnaître l'expertise parmi les missions générales de la recherche publique est positif. Toutefois, pour que cette précision ait des effets réels, il convient de reconnaître aussi l'expertise au niveau des missions individuelles des personnels de recherche. Il en sera ainsi tenu compte dans leur évaluation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 33, présenté par M. Revol, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 411-3 du code de la recherche, il est inséré un article L. 411-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 411-3-1. - Les statuts des établissements publics de recherche déterminent les conditions dans lesquelles les actions d'expertise engagent la responsabilité de ces établissements. »
La parole est à M. Henri Revol, rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Nous souhaitons compléter le dispositif, car il est important que les personnels puissent accomplir leurs missions d'expertise dans des conditions de sécurité juridique satisfaisantes. Or, depuis quelques années, en particulier avec le développement de l'« expertise collective », des doutes sont apparus quant au partage des responsabilités en matière civile entre, d'une part, les chercheurs qui ont rendu l'expertise, et, d'autre part, les organismes qui les emploient.
Il faut mettre fin à ce flou. Certains établissements ont déjà montré l'exemple, en précisant clairement dans leur règlement les différents types d'expertise et de responsabilité.
Le présent amendement vise à étendre ce type de réglementation à l'ensemble des établissements de recherche.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Tout en reconnaissant l'existence de ce problème, qui a d'ailleurs été souligné par la Cour des comptes dans un rapport récent, je ne pense pas que la solution proposée réponde exactement à ce qui est souhaité. En effet, des statuts, qui sont d'ordre réglementaire, ne peuvent pas traiter de questions de responsabilité, lesquelles sont, pour l'essentiel, d'ordre législatif.
Par conséquent, nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement, même si nous devrons, assurément, nous attaquer à ce problème.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
À compter de la création de l'établissement public « Agence nationale de la recherche », l'ensemble des biens, droits et obligations du groupement d'intérêt public « Agence nationale de la recherche » lui sont dévolus suivant des conditions précisées par décret.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 108, présenté par M. Lagauche, Mme Bricq, M. Raoul, Mme Blandin, MM. Bodin, Michel, Picheral, Saunier, Sueur, Todeschini, Trémel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Il est créé un établissement public nommé « Agence nationale de la recherche ». L'ensemble des biens, droits et obligations du groupement d'intérêt public « Agence nationale de la recherche » lui sont dévolus suivant des conditions précisées par décret.
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. L'Agence nationale de la recherche a été créée le 7 février 2005, sous la forme d'un GIP regroupant plusieurs établissements publics de recherche et l'Association de la conférence des présidents d'université pour la recherche.
Créée pour se substituer à deux anciens fonds, le Fonds national de la science, le FNS, et le Fonds de la recherche technologique, le FTR, dont elle a repris les périmètres d'intervention, l'ANR constitue une agence de moyens supplémentaire. Ses missions premières sont le financement de projets à court terme et le renforcement des partenariats.
Or, comment ces missions s'articuleront-elles avec celles des autres agences de financement, telles que l'Agence de l'innovation industrielle et Oséo-ANVAR ?
Le champ d'intervention actuelle de l'ANR, qui devrait être élargi, reprend donc celui du FNS et du FTR : recherche biomédicale, sciences du vivant, sciences et technologies de l'information et de la communication, énergie et développement durable.
En 2005, plus de 5 300 auraient été déjà déposés à l'ANR. Mais quelle est la part de projets « blancs », permettant de financer la recherche fondamentale ?
M. Yannick Bodin. Je vous remercie de cette précision, monsieur le ministre !
En 2005, l'ANR a bénéficié d'une subvention de 310 millions d'euros, alors que le Gouvernement avait initialement promis de lui affecter 500 millions d'euros et qu'il revendique un apport de 350 millions d'euros. En 2006, l'ANR bénéficierait de 280 millions d'euros supplémentaires, mais même l'affectation des fonds est entourée des plus grandes imprécisions.
Ce sont autant d'interrogations qui laissent planer de nombreuses inquiétudes quant au bien-fondé et à l'utilité effective de cette nouvelle structure, à l'heure où l'on parle de rationaliser la recherche française.
Aussi, afin de ne pas laisser en suspens d'autres questions, nous souhaitons, par cet amendement, que soit tout de suite clarifié le statut juridique de cette agence et que l'actuel GIP devienne, aux termes du présent projet de loi, un établissement public, plutôt que de renvoyer cette transformation à une hypothétique disposition réglementaire.
M. le président. L'amendement n° 96 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les priorités, orientations et fonctionnement de l'Agence nationale de la recherche font l'objet d'un rapport déposé chaque année sur le bureau du Parlement. Ce rapport comprend le détail des financements qu'elle attribue.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. L'ANR est un outil récent, qui a fonctionné avec des statuts provisoires, sans avoir fait l'objet d'autres débats que celui qui a eu lieu lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005. Le compte rendu de son activité nous est parvenu très tardivement, alors que la commission des affaires culturelles achevait les auditions organisées dans le cadre de la préparation du présent projet de loi.
Cela dit, nous souhaitons qu'un rapport concernant les financements de l'ANR soit officiellement déposé chaque année sur le bureau du Parlement. Il nous semble indispensable de connaître comment l'agence répartit ses subventions, par thèmes, par types d'acteurs et par volumes budgétaires.
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Bricq, MM. Raoul, Bodin, Michel, Piras, Saunier, Sueur, Todeschini, Trémel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L'Agence nationale de la recherche est dotée d'un conseil scientifique. Un décret en Conseil d'État précise sa composition, ses attributions et ses modalités de fonctionnement.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement a pour objet de prévoir l'instauration d'un conseil scientifique au sein de l'ANR, ce qui suscite un vrai débat : certains plaident en faveur de ce conseil, d'autres contre.
Ainsi, une structure comme l'ANR, qui a une mission en rapport avec la recherche, a besoin d'un tel conseil scientifique, pour garantir qu'elle ne se fourvoie pas.
En revanche, aux dires de certains, l'ANR serait un « opérateur », le « bras armé de l'État stratège », l'« exécutant du Haut conseil ». Ceux-ci voient un risque de doublon entre un Haut conseil extérieur et un conseil scientifique interne.
Or ce risque est facilement gérable. Il suffit que le conseil scientifique soit clairement mandaté sur la déclinaison interne des orientations scientifiques, en cohérence avec les recommandations extérieures. C'est une mission à part entière, et ce n'est pas le Haut conseil qui l'assurera.
Au-delà de la cohérence, le conseil scientifique pourra jouer un rôle d'arbitrage sur les projets « blancs ».
Enfin, en l'état du texte en préparation, malgré la réintroduction tardive du Haut conseil par le biais d'un amendement du Gouvernement, nous n'avons aucune garantie sur sa composition et la densité de son activité.
M. le président. L'amendement n° 110 rectifié, présenté par M. Lagauche, Mme Bricq, M. Raoul, Mme Blandin, MM. Bodin, Michel, Picheral, Saunier, Sueur, Todeschini, Trémel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L'Agence nationale de la recherche est dotée d'un collège d'experts. Un décret en Conseil d'État précise sa composition, ses attributions et ses modalités de fonctionnement.
La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Nous sommes quelque peu réticents à présenter cet amendement maintenant, dans la mesure où nous aurions souhaité connaître d'abord la position de la commission et du Gouvernement sur l'amendement n° 108.
En effet, l'amendement n° 110 rectifié est un amendement de repli. Nous proposons que, à défaut d'un conseil scientifique, l'ANR bénéficie de l'éclairage d'un conseil d'experts qui serait placé en son sein.
En 2005, l'ANR a examiné quelque 5 300 dossiers et en a sélectionné 1 400, soit un peu plus du quart. Compte tenu du nombre important de dossiers et de projets sélectionnés, il est fondamental que les choix de cette nouvelle agence de moyens, et donc les financements attribués, soient établis selon des critères scientifiques et après expertise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. L'actuel article 7 évoque la transformation du groupement d'intérêt public « Agence nationale de la recherche » en établissement public, mais sans la réaliser.
Il est vrai que celle-ci est d'ordre réglementaire, dans la mesure où l'agence ne constitue pas à elle seule une catégorie d'établissement public. Toutefois, le décret de transformation n'ayant toujours pas été pris, la commission spéciale a considéré que cette création par la loi était une bonne idée et a donc émis un avis favorable sur l'amendement n° 108.
S'agissant de l'amendement n° 96 rectifié, je suggère à Mme Blandin de le transformer en sous-amendement à l'amendement n° 108. En effet, l'adoption de celui-ci ferait tomber celui-là.
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 109, qui vise à doter l'ANR d'un conseil scientifique dont la composition, les attributions et les modalités de fonctionnement seraient fixées par décret en Conseil d'État.
La question d'une telle création pourrait se poser si l'agence avait besoin qu'une instance interne propre détermine ses priorités scientifiques. Mais tel n'est pas le cas dans la mesure où, comme nous l'avons décidé, le Haut Conseil sera réintroduit dans le texte de loi. C'est à ce Haut Conseil qu'il reviendra de proposer les orientations scientifiques qui, après décision du Gouvernement, traceront le cadre dans lequel l'ANR sélectionnera les projets via des comités thématiques. Privé d'une telle faculté et, par conséquent, d'un espace d'expression propre, le conseil scientifique de l'ANR risquerait alors d'être un doublon ou un concurrent du Haut Conseil. C'est ce qu'il nous faut éviter.
La commission a aussi émis un avis défavorable sur l'amendement n° 110 rectifié, dont l'objet est très voisin et qui appelle les mêmes objections.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, ministre délégué. Avant d'apporter quelques précisions d'ordre général, j'indique que le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Les chiffres sont parfaitement clairs : en 2005, nous avons doté l'ANR de 700 millions d'euros en autorisations d'engagement ; en 2006, ce montant sera porté à 800 millions d'euros.
Les crédits de paiement, pour leur part, étaient de 350 millions d'euros en 2005. Ils seront en 2006 de 590 millions d'euros, soit une progression de 240 millions d'euros.
L'écart avec les chiffres que vous avez cités s'explique par la différence entre les crédits de paiement dont est dotée la nouvelle agence et ceux dont était doté l'ancien fonds national de la science, lesquels incluaient des opérations qui n'étaient pas conclues au moment de la création de l'ANR. Néanmoins, je confirme les chiffres qui ont été publiés.
Par ailleurs, l'activité de l'ANR est entièrement publique. L'ensemble de ses appels à projets sont publiés. Les résultats des travaux des commissions scientifiques qui choisissent les projets sont publics.
L'agence, qui ne fonctionne que depuis quelques mois - et c'était une gageure que de faire fonctionner aussi rapidement un tel organisme, qui compte seulement quarante collaborateurs permanents -, a réussi non seulement à lancer des appels à projets, mais encore, après avoir dépouillé 5 400 réponses, à arrêter son choix sur environ le quart d'entre eux, en constituant pour ce faire des commissions ad hoc. C'est une performance tout à fait remarquable.
L'agence a déjà publié un rapport d'activité et a présenté une information complète sur ses activités. C'est, à mes yeux, un véritable modèle en matière de mise en oeuvre d'une politique nouvelle que je vous demande aujourd'hui de confirmer par votre vote.
Pourquoi le Gouvernement s'oppose-t-il à l'amendement visant à ériger l'ANR en établissement public, son point de vue divergeant en cela de celui de la commission ? Tout simplement parce qu'une telle disposition n'est pas du domaine de la loi. En effet, l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant « la création de catégories d'établissements publics ». Or le Conseil d'État a estimé - et nous partageons cette analyse - qu'il ne s'agissait pas d'une nouvelle catégorie d'établissements publics. C'est pourquoi nous considérons que la transformation de l'ANR en établissement public relève d'un décret et non d'une loi.
S'agissant du conseil scientifique ou du collège d'experts dont, respectivement, Mme Blandin et M. Bodin proposent de doter l'ANR, je tiens à rappeler que les grands établissements scientifiques français mènent des politiques en fonction de leurs spécialités dans les branches de la science qui font l'objet de leurs travaux. Dans le cas du CNRS, toutes les disciplines sont concernées.
L'ANR procédant par appels à projets, il ne faudrait pas que sa politique, dans tel ou tel champ, soit contraire à la politique conduite par un grand organisme de recherche. Prenons l'exemple de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique. Imaginons que l'ANR lance des appels à projets qui ne soient pas conformes, voire qui soient contraires à la politique qui est suivie par cet établissement : vous seriez les premiers, mesdames, messieurs les sénateurs, à dénoncer l'incurie de l'État et son incapacité à assurer la cohérence des différents moyens d'action publique dont il dispose !
C'est pourquoi nous pensons que le Haut Conseil de la science et de la technologie doit apporter un éclairage général permettant au Gouvernement d'arrêter ses grandes priorités en matière de recherche. Des priorités plus précises seront ultérieurement définies, à la suite d'une discussion réunissant les organismes de recherche et les pouvoirs publics, sous le contrôle du Parlement.
Donner à l'ANR la possibilité de définir sa propre politique scientifique, ce serait vraiment prendre le risque d'une grave incohérence de la politique de recherche. L'État ne peut se le permettre s'agissant d'une politique aussi importante.
Nous considérons que l'ANR est une agence de gestion de procédures et qu'elle est en cela extrêmement utile. L'appel à projets tel qu'il est formalisé à l'ANR représente un progrès pour la recherche française. Il sera pour nous l'occasion de nous conformer aux standards internationaux, de nous rapprocher des procédures européennes et, partant, d'augmenter les chances de succès de nos équipes dans les appels à projets européens.
Aucune instance, quelle qu'elle soit, ne peut définir sa propre politique scientifique. Notre conception diffère donc totalement de celle qui est exprimée dans les amendements nos 109 et 110 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. En dépit de l'attention que nous avons portée à vos propos, monsieur le ministre, le dispositif que vous proposez de mettre en place demeure pour nous d'une grande complexité. Ce point a été souligné au cours de la discussion générale, tant par M. Raoul que par M. Lagauche et Mme Blandin. Néanmoins, vous n'en avez tiré aucune conséquence.
Vous vous obstinez à faire de cette agence une structure de moyens, une structure technique, en quelque sorte. Or, vu les sommes qui sont en jeu, elle jouera un rôle déterminant dans les choix de recherches, nonobstant le Haut Conseil et nonobstant la politique de recherche conduite par le ministre, qui est d'ailleurs là pour cela.
M. Jacques Valade, rapporteur. Mal payé, certes, mais payé ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Les décisions scientifiques prises par cette institution ont et auront nécessairement un certain poids. En fait, de la complexité qu'introduit ce projet de loi il résultera nécessairement que les moyens attribués à l'ANR seront autant de moyens qui n'iront plus aux différents organismes, aux universités, aux laboratoires.
M. Jacques Valade, rapporteur. Pourquoi donc ?
M. Jean-Pierre Sueur. Tout simplement parce que, dans votre dispositif, la logique financière passe très clairement et essentiellement par l'ANR.
Vous ne souhaitez pas en faire un établissement public...
M. Jean-Pierre Sueur. ... au motif qu'il n'appartient pas à la loi de créer des établissements publics, mais seulement des catégories d'établissements publics. Mais, dès lors que l'ANR est seul dans sa catégorie, il serait parfaitement possible d'adopter l'amendement de M. Lagauche.
Enfin, cette opiniâtreté à refuser toute présence d'un conseil scientifique auprès d'une agence qui disposera d'un tel montant de crédits en matière de recherche et, quoi qu'on dise, de telles capacités de décision, est assez surprenante. Ce ne sont pas les orientations générales données par le Haut Conseil qui détermineront strictement les choix de l'ANR ! Par conséquent, il y a là une volonté de privilégier financièrement cette instance, au détriment des instances qui disposent d'un conseil scientifique et qui, malheureusement, n'auront pas les moyens de mener les activités qu'elles souhaiteront mener.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué. Je m'aperçois que nous n'avons pas été totalement compris sur ce sujet qui est très important.
L'ANR sera-t-il un établissement public ? La réponse est évidemment oui. Je me suis borné tout à l'heure à indiquer que, au regard de l'article 34 de la Constitution, la création d'un établissement public était un acte de nature réglementaire. Le Gouvernement dotera l'ANR d'un statut d'établissement public dans les plus brefs délais, sans que cela affecte grandement son mode de fonctionnement.
Vous affirmez par ailleurs, monsieur Sueur, que l'argent qui ira à l'ANR sera autant d'argent qui n'ira pas aux organismes de recherche.
Situons d'abord les ordres de grandeur. Les programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, pour ce qui concerne la recherche, représentent environ 10 milliards d'euros. S'agissant de l'ANR, il est question, annuellement, de 700 millions ou 800 millions d'euros en autorisations d'engagement. Autrement dit, ce n'est pas là que se trouve l'essentiel des moyens. Les budgets principaux sont inscrits au budget de l'État. Aujourd'hui, l'État, avec l'autorisation du Parlement, affecte des crédits à des organismes de recherche, à la recherche universitaire, en fonction de critères qui lui sont propres. S'il est décidé d'augmenter la dotation de tel organisme, c'est bien parce que l'on souhaite privilégier les recherches qui sont menées dans tel domaine par cet organisme.
Il y a donc bien une politique de la recherche, mais elle n'est pas toujours suffisamment explicite. Eh bien, nous proposons qu'elle soit demain plus explicite et plus claire pour l'ensemble de nos concitoyens et pour le Parlement.
Les sommes inscrites au budget de l'ANR sont distribuées selon des modalités qui sont différentes de celles que nous connaissons. Il ne s'agit pas de budgets classiques, étant précisé au passage que lesdits budgets classiques sont en augmentation. Il s'agit de crédits supplémentaires qui sont distribués à la suite d'appels à projets. Nous pensons en effet que l'appel à projets est stimulant pour les équipes de recherche et qu'il laisse une place à l'initiative. C'est tout l'intérêt des projets blancs, sur lesquels nous reviendrons à l'occasion de l'examen d'autres amendements.
L'ANR répartit ensuite ces crédits entre les organismes de recherche, tels que le CNRS, l'INSERM, l'INRA, ou les universités. Cela est d'ailleurs aisément vérifiable puisque l'ANR a d'ores et déjà attribué l'intégralité des crédits dont elle dispose pour l'exercice 2005. Si vous examinez la liste des destinataires de ces crédits, vous pourrez constater que, pour 80 % d'entre eux, ce sont des organismes publics de recherche, y compris les universités, et pour 20 %, des organismes privés, ce qui est au demeurant tout à fait légitime. Cet argent va donc à la recherche, et très majoritairement à la recherche publique.
Il n'y a pas d'évaporation des fonds. Ce sont des crédits supplémentaires qui participent de l'effort que nous consentons en faveur de la recherche.
J'espère avoir réussi à vous convaincre, monsieur Sueur, que, loin d'introduire de la complexité, nous clarifions les choses, nous fixons des orientations et aidons à identifier des priorités. À cet égard, le Haut Conseil sera utile et, grâce au Sénat, il figurera dans la loi. C'est donc un véritable progrès dans la lisibilité de la politique de recherche de notre pays que nous vous proposons.
M. le président. Madame Blandin, acceptez-vous de transformer votre amendement n° 96 rectifié en sous-amendement à l'amendement n° 108 ?
Mme Marie-Christine Blandin. C'est ce que M. le rapporteur Revol m'a effectivement suggéré de faire.
Cependant, M. le ministre ayant émis un avis défavorable sur l'amendement de M. Bodin, je maintiens mon amendement n° 96 rectifié en l'état afin qu'il ne soit pas d'emblée condamné.
M. le président. La parole est à M. Henri Revol, rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Nous avions émis un avis favorable sur l'amendement n° 108 dans la mesure où le décret portant création de l'établissement public n'a pas encore été pris. Cependant, après avoir entendu les explications et l'engagement formel de M. le ministre, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Je voudrais rappeler que les actions concertées de la délégation générale de la recherche scientifique et technique n'ont, à ma connaissance, jamais fait l'objet, de la part de la communauté scientifique, des critiques que nous avons entendues tout à l'heure à propos de décisions qui vont être beaucoup plus transparentes que lesdites actions.
Il me semble qu'il y a là un véritable progrès dans la gestion de projets qui ont toujours donné satisfaction aux équipes de recherche les plus performantes.
Nous voulons tous que la recherche française soit performante. En étant dans un environnement plus performant, les jeunes chercheurs auront moins tendance à quitter la France. Nous aurons même, au contraire, la possibilité d'en rapatrier un certain nombre.
Je m'étonne donc de cette hargne à l'encontre d'une agence qui n'a pas encore véritablement « fait son trou », mais qui a d'ores et déjà posé un certain nombre de jalons. Même ceux qui s'opposaient le plus à cette agence bénéficient d'ores et déjà de contrats spécifiques passés avec elle.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. L'amendement n° 108, qui avait au départ reçu un avis favorable de la commission, n'a finalement d'autre objet que d'aider M. le ministre.
Tout le monde est d'accord sur l'objectif. En quoi cela vous gêne-t-il, monsieur le ministre, que la création de l'établissement public soit inscrite dans la loi et que l'on connaisse dès maintenant les règles du jeu concernant cet établissement ? Franchement, je ne comprends pas ! Nous vous aidons ; pour une fois, aidez-nous ! (M. le ministre s'esclaffe.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est ainsi rédigé et les amendements nos 96 rectifié, 109 et 110 rectifié n'ont plus d'objet.